32
DÉBAT FORMATION numéro 5 juillet 2010 Natixis: la mue de la fonction formation La relation client mise sur les Ressources humaines Sécurité professionnelle ou flexisécurité: que veut la France? Quand l’entreprise se pique au jeu Serious Games

débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

débatformation n u m é r o 5 j u i l l e t 2 0 1 0

Natixis : la mue de la fonction formation

La relation client mise surles Ressources humaines

Sécurité professionnelle ou flexisécurité : que veut la France ?

Quand l’entreprise se pique au jeu

Serious Games

Page 2: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Sommaire

débat

Danielle Kaisergruber/Thierry Lepaon : Sécurité professionnelle ouFlexisécurité, que veut la France ? page 4

dossieR

aCtioN

La relation clients, mise sur les ressources humaines page 20Natixis, la mue de la fonction formation page 22Région Auvergne : garantir l’accès à une formation de niveau 5 page 24

esseNtiel

Réforme, les entreprises attendent plus de conseils de leur OPCA page 25La POE, prérecruter et former sur-mesure page 26Plan Rebond, des mesures exceptionnelles pour les chômeurs en fin de droits page 28

Kiosque

à lire, à voir... page 29

le bloC-Notes de PHiliPPe Caïla

Inventons le marché de la formation page 31

Quand l’entreprise se pique au jeu page 7Nouvelles propositions, nouvelles attentes, nouveaux outils page 8Serious Games : un business encore balbutiant page 10Le gouvernement et les Serious Games page 11Le jeu permet le droit à l’erreur page 12Qui a peur des Serious Games ? page 13Détourner le jeu vidéo page 14Les multiples usages du Serious Game page 15La cité retrouvée page 16

La formation continue comme activité secondaire représente un tiersdu marché page 18

PeRsPeCtive

4

magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes13, place du général de Gaulle 93108 Montreuil Cedex

Directeur de la publication : Jean-Luc Vergne

rédactrice en chef : Chantal AttanéTél : 01 48 70 50 07 [email protected]

Chef de rubrique :Danièle GinistyTél : 01 48 70 51 77 [email protected]

rédaction :Catherine Cannas [email protected]

Valérie Grasset-Morel [email protected]

Sylvie Karsenty : [email protected]

Paul Santelmann [email protected]

Philippe Tranchart [email protected]

Secrétariat de rédaction : Chantal MalfaitTél : 01 48 70 54 00 [email protected]

Directeur artistique : Jean-Christophe Wiart

infographie et maquette : Jocelyne Reali

Photo de couverture : Phovoir

Crédit photo : p.3 AFJV, p.4, 5, 6, 18, 20, 21, 26 et 27 Jean-Baptiste Mariou, p.8 Daesign, p. 12, 14 et 23 Phovoir, p.16 collectif Séménia, p.19 et 31 Jean-Christophe Wiart, p.22 Cédric Helsly, p. 24 Conseil régional Auvergne.

Dépôt légal : 8 février 2010

iSSn : 2107-4763

Page 3: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/3

trouver de nouvelles stratégies à par-tir de celles de son répertoire ». Mais les ressorts sont toujours les mêmes : dépassement, valorisation de soi, mi-nimisation de la sensation d’échec.

L’indissociable trio

Outre ces ressorts psychologiques positifs, le Serious Game possède la vertu de pouvoir mettre le joueur dans des situations impossibles à expéri-menter dans le réel. Mais ce recours à la fiction trouve son revers. Pour fonc-tionner, le Serious Game suppose que son joueur soit pleinement immergé dans l’univers qu’il crée. La magie du jeu et son potentiel pédagogique s’arrêtent là où survient la prise de distance. Le Serious Game est donc ré-servé au champ de la compréhension intuitive. J’ai évoqué la nécessaire synergie participative propre au scé-nario du Serious Game. En formation, il est primordial que cette synergie se retrouve en amont de l’élaboration du produit, entre le professionnel du jeu vidéo, le pédagogue et l’expert du secteur de l’entreprise ou de l’institu-tion cliente.Si ce trio fait défaut, le Serious Game, à mon sens, n’est plus aussi sérieux.

Stéphane NatkinProfesseur titulaire de la chaire de Systèmes Multimédia au CNAM, directeur de l’École Nationale des Jeux et Médias Interactifs Numériques (ENJMIN) et du Centre d’Étude et de Recherche en Informatique du CNAM (CEDRIC).

*Du ludo-éducatif aux jeux vidéo éducatifs, in Les dossiers de l’ingénierie éducative, (n° 65 mars 2009.)

Le Serious Game : ce nouveau terme à la mode recouvre toutes les tech-nologies du jeu vidéo utilisées à des fins autres que le divertissement. Ici sa fonction peut consister à explorer les diverses pistes pour soigner un malade ; là il peut sensibiliser à des enjeux sociétaux comme la faim dans le monde ; la communication s’en em-pare pour promouvoir des marques ou influencer des attitudes citoyennes… Bref, dans le Serious Game, le jeu n’est pas une fin mais un moyen pour agir sur les comportements.Les liens entre les jeux vidéo et les Serious Games d’apprentissage sont incontestables. Il s’agit de mettre en pratique ce que l’on voyait sur cette affiche ou un ado était accroché à sa manette de jeu, avec comme com-mentaire : s’il s’intéressait autant à la physique. Comme le jeu vidéo est basé sur une mécanique d’apprentissage, il y a un espoir. Par ailleurs, il est éga-lement possible d’exploiter ainsi les aspects collaboratifs d’Internet et des réseaux sociaux.

Le principe du Game designer

Ainsi que je l’ai écrit dans un précé-dent article*, ce principe, connu de tous les concepteurs de jeux (Game designers), est résumé par la courbe dite d’apprentissage et de difficulté : à chaque instant, le niveau d’apprentis-sage du joueur lui permet, en faisant preuve d’un minimum de déduction ou d’agilité, de faire face à la difficul-té courante. Lorsqu’il la surmonte, il acquiert un nouveau savoir et doit fai-re face à un niveau de difficulté qui, de nouveau l’oblige à se dépasser.Jesper Juul, le dit autrement : « Un atout d’un bon jeu est la capacité à mettre constamment le joueur au défi, ce qui l’amène constamment à

Pourquoi jouer sérieux ?éd

itori

al

Page 4: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/4

Débat IntErvIEw Danielle Kaisergruber/Thierry lepaon

Sécurité professionnelle ou flexisécurité : que veut la France

L’idée d’une « sécurité sociale professionnelle » a germé lors des grandes restructurationsde la fin des années quatre-vingt-dix. Depuis, elle a fait son chemin dans les têtes etles pratiques. Aujourd’hui, le mariage entre flexibilité et sécurité n’est plus l’alliance entrela carpe et le lapin. Et cette flexisécurité venue d’Europe du nord décline son identité à la Française.

Danielle Kaisergruber,

experte européenne emploi-formationet Thierry Lepaon, secrétaire confédéral

de la CGT, en charge de la formation professionnelle.

?

par une rupture de leur contrat de tra-vail. Lorsqu’ils en retrouvaient c’était souvent aussi, au prix d’une baisse de leur revenu ou d’une détérioration de leurs conditions de travail. Nous avons voulu imaginer un système qui permette au salarié une évolution professionnelle tout au long de sa carrière, quels que soient les aléas de l’économie. Cette sé-curité professionnelle est sociale dans le sens où, à l’image de la sécurité sociale,

Thierry Lepaon, la CGT a lancé le concept de « sécurité sociale professionnelle » il y a plus de dix ans. Que recouvre-t-il ?

Thierry Lepaon : L’idée a germé dans les années quatre-vingt-dix. Face aux mutations techniques, commerciales et industrielles, les salariés ont été con-frontés à une précarité grandissante dans leur emploi, se soldant souvent

Page 5: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/5

son approche est globale : elle vise à mettre de la continuité là où actuelle-ment il y a succession de ruptures. Son objectif est de permettre un déroulement de carrière aux salariés sans les faire re-partir à zéro après chaque changement d’entreprise. C’est pourquoi les droits acquis par chaque salarié dans chaque entreprise où il a travaillé doivent être transférables et opposables. Nous consi-dérons que la pertinence et la faisabilité du projet sont aujourd’hui reconnues. Plus personne ne conteste que la pré-carité de l’emploi touche de plus en plus de personnes, que le choix capitalistique a des effets néfastes sur la vie des gens et qu’au bout de la mécanique, on ne trouve que l’assurance chômage.

Depuis, le concept a évolué. Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) évoque pour sa part, la sécurisation des parcours professionnels…

T.L. : Il s’agit pour lui de sécuriser l’in-dividu et non plus le salarié. Dès lors, l’employeur peut se séparer de son sala-rié plus facilement, mais il se tourne vers la société pour sécuriser son parcours.On a aussi parlé de « sécurité emploi for-mation ». La formation serait une passe-relle pour aller d’un emploi vers un autre et serait nécessaire entre deux statuts de travail. C’est pour moi une vision occu-pationnelle du problème.

Danielle Kaisergruber, entre ces trois options, il en existe une autre. Vous préférez, vous, la pratique de« la flexisécurité ». Où est la nuance ?

Danielle Kaisergruber : « La flexisécu-rité » est un terme européen. Il désigne un état social, en cours dans les pays d’Europe du Nord, alliant le besoin de souplesse des employeurs et le besoin de sécurité des salariés qui ne cesse en effet de croître. Cela suppose trois conditions :- la sécurité des revenus : elle doit être importante et visible. Rappelons par

exemple que le Danemark assure à ses chômeurs un revenu égal à 80 % de leur ancien salaire pendant trois ans ;- la sécurité des droits à la protection sociale ;- la sécurité du parcours profession-nel, conçue en l’occurrence, comme la mise en œuvre active de tous les moyens pour se former et retrouver un emploi dans des délais raisonnables.L’intérêt de ce mélange réside dans le fait qu’il n’est pas à sens unique. Les entreprises ont besoin de sécurité : pouvoir garder leurs salariés compé-tents par exemple, et les salariés ont eux-mêmes besoin de souplesse : chan-ger de rythmes de travail entre autres. Dans ce type de société, il ne s’agit pas d’assurer un emploi à vie, ce qui me paraît utopique, mais plutôt de s’as-surer que chacun va pouvoir retrouver un emploi. Cette ambition implique de travailler sur les transitions profession-nelles. Et la réussite de ces transitions passe par des partenaires sociaux ca-pables d’offrir aux demandeurs d’emploi des dispositifs porteurs de solutions qui

les ramènent à l’emploi le plus rapide-ment possible, que ce soit à travers une formation ou une reconversion. Une des forces des pays d’Europe du Nord tient à la valeur fondamentale qu’ils accordent à la formation : se former est une activité qui équivaut à accepter un travail. Cette mobilité des salariés, le filet de sécurité qui leur est offert et des services de l’emploi très actifs, constituent un environnement dyna-mique pour l’entreprise et protecteur pour la personne. En France, le Contrat de transition professionnelle est une concrétisation de ce principe de flexisé-curité (voir encadré). D’autres dispositifs existent. Mais il faut que les acteurs éco-nomiques et sociaux se les approprient et les expérimentent. Je trouve qu’à cet égard, les partenaires sociaux manquent souvent d’audace, sur la mobilité dans les Pôles de compétitivité par exemple.

Vous semblez sous-entendre que la France, comparée à l’Europe du Nord, ne mène pas une politique de formation professionnelle suffisante en faveur des demandeurs d’emploi. La formation est pourtant très présente dans les mesures gouvernementales…

D.K. : Mais si on fait les comptes, seu-lement 7 % des demandeurs d’emploi suivent une formation.

T.L. : C’est peu, je le confirme. Ce faible pourcentage vient du fait que l’on a tou-jours approché la formation profession-nelle en fonction du statut des individus, selon qu’ils sont demandeurs d’emploi ou salariés. L’accord de 2009 a tenté d’y remédier par la collecte des 13 % au titre du Fonds Paritaire de Sécurisa-tion des Parcours Professionnels (FPSPP) en faveur des demandeurs d’emplois et des personnes les plus fragilisés face à l’emploi. Mais, preuve que les partenai-res sociaux savent avoir de l’audace, l’ac-cord prévoyait aussi une autre mesure : il s’agissait du droit initial à la forma-tion différée. Il était fondé sur le constat

« La formation serait une passerelle pour aller d’un emploi vers un autre »Thierry lepaon

?

Page 6: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

P/6 Débat Formation juillet 10 # numéro 5

IntErwIEw Danielle Kaisergruber / Thierry lepaon Débat

que 20 % des jeunes sortent du système scolaire sans qualification.Il partait du principe que, reconnaissant que l’Éducation nationale n’était pas en capacité de former 100 % de ses jeunes, l’État leur accordait une seconde chance pour se former. C’était une manière de li-bérer le jeune de son sentiment d’échec et de sa culpabilité. Or cette mesure a été « zappée » de la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie. L’État a voulu faire une réforme à coût constant, alors même que moins de gens travaillent, les salaires stagnent et les besoins de formation croissent. Autant dire que nous sommes face à une vérita-ble crise du financement de la formation professionnelle. Car personne, à part les Conseils régionaux ne financent plus les demandeurs d’emploi.

D.K. : À mon sens, le problème de la formation des demandeurs d’emploi ne vient pas du manque de financement. Les financements existent à travers les Conseils régionaux, l’État, Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) via le FPSPP.

Il faut plutôt chercher son origine dans ce qu’on appelle « la segmentation des pu-blics », la complexité du système et le fait que Pôle emploi n’oriente pas vers la for-mation autant de personnes qu’il pour-rait. Ceux qui signent des accords et ceux qui font les lois négligent trop la manière dont ils s’appliquent, les pratiques qu’il faut faire évoluer.

T.L. : Je ne pense pas que l’on puisse songer à une sécurisation des parcours professionnels, avec une sécurité des salaires, comme évoqué au début, dans un pays qui connaît un taux de chômage aussi élevé que le nôtre. Aucun outil, formation y compris, ne peut remplacer l’emploi. Le CTP est un des outils actuel-lement existants. Il n’en reste pas moins que lorsque l’on a évalué ses effets dans les Ardennes où je me suis rendu, seu-lement 35 % de ses adhérents avaient retrouvé un travail à l’issu de ce dispo-sitif. Pourquoi ? Parce que le dispositif existe mais il n’y a pas d’emploi dans les Ardennes ! Or c’est la croissance qui tire l’emploi. La croissance est aujourd’hui minime. La richesse devait se répar-tir pour un tiers au capital, un tiers à l’investissement, un tiers aux salariés. On s’aperçoit que sur 100 euros, 60 % vont au capital. Enfin, pour ce qui concerne l’anticipation, il existe certes de plus en plus de Pôles de compétiti-vité mais les syndicats n’y siègent pas. Et quand ils y sont invités, ce n’est pas pour participer à la réflexion, c’est pour être priés de les financer !

Est-ce à dire que dans ce contexte de crise, il existe de plus en plus de flexi et de moins en moins de sécurité ? Ou au contraire que la flexisécurité est susceptible d’apporter une réponse à la crise ?

D.K. : De mon point de vue, la crise est un moment de transition plus ou moins long qui se prête à la mise en œuvre de la flexisécurité. J’en prendrai l’Allemagne pour exemple. Durant la crise, le gouver-nement, les employeurs et les syndicats allemands ont tenu un même discours : « Faisons attention de préserver les com-pétences en vue de la reprise.

Évitons de licencier ». Ils ont accepté que le chômage partiel atteigne dix-huit mois, là où la France en tolérait dix. Ils ont signé des accords sur des di-minutions temporaires de salaires et les employeurs se sont très fortement mobilisés pour développer les compé-tences de leurs salariés. Le plan français « former plutôt que licencier » n’a jamais atteint cette ampleur. Et le « contrat social de crise » chez Renault n’a pas fait beaucoup d’émules. Par temps de crise, l’Allemagne n’a pas eu peur d’innover. Ni surtout d’anticiper.

T.L. : Je reconnais à l’Allemagne une po-litique industrielle que la France n’a plus. La sous-traitance y est moins vive qu’en France. Le deal collectif y est également plus puissant. Ce constat me renvoie au dernier accord sur la formation pro-fessionnelle. Nous avions deux maîtres mots : mettre l’homme au centre de cet accord, indépendamment de son statut et de la législation ; parvenir à une sim-plification. Pour le moment, j’estime que nous avons échoué sur ces deux points. Mais les partenaires sociaux ont la négo-ciation dans la peau. Et rien n’interdit de la reprendre.

Propos recueillis par Chantal Attané

« Allier le besoinde souplessedes employeurs etle besoin de sécurité des salariés »Danielle Kaisergruber

LE CTP

Le CtP, d’une durée maximale de douze mois, permet de suivre un parcours de transition professionnelle pouvant comprendre des mesures d’accompagnement rapprochées et renforcées, des périodes de travail au sein d’entreprises ou d’organismes publics. Pendant la durée de ce contrat, et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce une activité rémunérée, l’adhérent au CtP perçoit une allocation de transition professionnelle égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des douze mois précédant la conclusion du CtP. Le CtP s’applique principalement aux entreprises de moins de 1 000 salariés et celles en redressement ou liquidation judiciaire et a été étendu à trente bassins d’emploi.

Page 7: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/7

DOSSIER

Ce marché petit mais sérieux investit sur l’efficacité du plaisir quand il s’agit de se former. Les entreprises qui tentent la partie estiment que c’est « gagnant ».

Quand l’entreprise se pique

au jeu

Ci-dessus, les personnages du jeu « Mission Plastechnologie » utilisé dans le cadre d’une formation/présentation aux métiers de la filière.Au fil des étapes, le joueur découvrira les métiers et les compétences requises.

Page 8: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/8

DOSSIER QuanD l’enTreprise se piQue au jeu

Inévitables dans les travées du salon Lu-dimat, thématique principale d’un Forum que leur consacre la société Daesign, objets d’un appel à projets gouverne-mental, et même présents sur le site du ministère du Budget : les Serious Games sont la fureur du moment.Le monde de la formation n’a pas atten-du ce raz-de-marée pour s’intéresser au jeu : on en trouvera ici un exemple avec les Aéroports de Lyon qui ont développé la cohésion d’équipe en jouant. En effet, le jeu est un puissant facteur d’efficacité pour l’apprentissage. Immersion et im-plication des acteurs, personnalisation, droit à l’essai et à l’erreur, absence de jugement, possibilité de compétition, on n’en finit pas d’énumérer ses atouts pédagogiques. Le numérique y ajoute la possibilité de se former à des situations pour lesquelles l’expérience dans la réa-lité est exclue : sécurité nucléaire, inter-vention chirurgicale, etc.

“Le bon moment”La question n’est donc pas tant de sa-voir pourquoi la formation se passionne pour le jeu, mais pourquoi elle le fait maintenant. Parce que les principales raisons technologiques, économiques et

sociologiques sont aujourd’hui réunies, répondait Stéphane de Buttet, de la so-ciété Simlinx, lors des 8es Rencontres du Forum français pour la formation ouverte et à distance (FFFOD) à Strasbourg en février dernier : « Les outils 3D arrivent à maturité et à des prix accessibles, et l’émergence de nouvelles générations nourries de jeux virtuels provoque un effet de seuil. »Les jeunes sont, en effet, de plain-pied avec les outils numériques : on parle maintenant de Millenium Generation Learners… Mais, en dépit de ce qu’on croit souvent, les adultes sont aussi at-tirés par des méthodes ludiques d’ap-prentissage, souligne Véronique Fon-taine, responsable formation de France Télécom Orange : « A priori, les jeunes sont plus faciles à convaincre. En réalité, tout le monde essaye volontiers. »But sérieux sur un support ludique : com-me le Centaure, mi-homme mi-cheval, le Serious Game ressemble encore à une chimère. Saura-t-il effectuer sa mue et dépasser l’engouement dont le manage-ment est coutumier ?

Philippe Tranchart

Nouvelles attentesNouveaux outils

Nouvelles propositions

Page 9: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/9

Définition

Selon la définition adoptée dans l’appel à projets lancé en 2009 par le gouvernement, un “Serious Game” est « une application informatique dont l’objectif est de combiner des aspects d’enseignement, d’apprentissage, d’entraînement, de communication ou d’information, avec des ressorts ludiques et/ou des technologies issues du jeu vidéo ». Un “Serious Game” n’est donc pas forcément un produit de formation ; en revanche, il est toujours plus ou moins un jeu vidéo.

Le Serious Game “Untel”, simule un entretien d’embauche commercial.

Le “joueur” doit faire faceà une situation tendue.

Nouvelles propositions

Page 10: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/10

DOSSIER QuanD l’enTreprise se piQue au jeu

Serious Games un business encore balbutiantS’ils semblent omniprésents, les Serious Games ne représentent encore qu’une part tout à fait marginale du marché de la formation. Mais ils s’inscrivent dans une tendance qui vise à réduire la durée du stage en présentiel. Avec l’efficacité et la réactivité à la clé.

La Cegos veut rendre le Serious Game

accessible aux PME en créant des jeux génériques. “Mission to sell”

vise à développer les compétences commerciales. Le parcours –

accompagné - permet l’acquisition de connaissances, leur mise en pratique et

un suivi de la progression.

Selon la définition adoptée dans l’appel à projets lancé en 2009 par le gouverne-ment, un Serious Game est « une appli-cation informatique dont l’objectif est de combiner des aspects d’enseignement, d’apprentissage, d’entraînement, de com-munication ou d’information, avec des ressorts ludiques et/ou des technologies issues du jeu vidéo. » Un Serious Game n’est donc pas forcément un produit de formation ; en revanche, il est toujours plus ou moins un jeu vidéo. Les studios de création de jeux vidéo ne s’y trom-pent d’ailleurs pas, et se tournent vers le Serious Game pour sécuriser leur acti-vité. Car celle-ci est à haut risque : avec un coût de production moyen de 5 mil-lions d’euros, la création d’un jeu vidéo constitue un investissement énorme, et la réussite n’est pas toujours au bout du chemin. La production d’un Serious Game est, pour sa part, le plus souvent, effectuée sur commande : le poids de l’investissement nécessaire est donc supporté par le commanditaire…

Le marché mondial du jeu vidéo est estimé à près de 50 milliards de dol-lars, et connaît une croissance d’environ 11 % par an. En France, une étude de NPD Group évalue le poids du jeu vidéo à 1,8 milliard de dollars en 2005, ce qui en fait le troisième divertissement en valeur, derrière la presse et le livre, mais devant le cinéma et la musique.L’énormité des chiffres n’a d’égale que leur caractère approximatif.

Et quand il s’agit d’estimer la part qu’oc-cupe le Serious Game dans ce vaste ensemble, l’imprécision grandit encore. En témoigne l’évaluation retenue par le gouvernement dans son appel à projets : « Tiré par l’administration américaine, le marché (du Serious Game) représente-rait entre 1,5 et 10 milliards de dollars en 2007 dans le monde, et seulement quelques dizaines de millions d’euros en France en 2006. » Répétons-le, le Serious Game a de nombreuses appli-cations. Descendons donc encore d’un étage, pour tenter de chiffrer le poids du Serious Game dans la formation. Peu de chose, estime Pascal Debordes, res-ponsable des Solutions e-learning de la Cegos, lors d’une table ronde de l’Atelier BNP-Paribas : « En France, les entreprises

« Se préparer avant le présentiel pour en réduire la durée »pascal Debordes

Page 11: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/11

Le gouvernement et les Serious Games

consacrent environ 12 milliards d’euros à la formation professionnelle. Le Serious Game représente de 10 à 15 millions, soit 0,1 % des dépenses de formation… » Le budget nécessaire au développement d’un Serious Game est élevé (minimum 150 000 euros, il peut aller jusqu’à 1 million d’euros, évalue Pascal Debordes). Cette solution n’est donc accessible qu’à de grands groupes qui peuvent rentabiliser de telles sommes sur un nombre suffisant d’utilisateurs. Néanmoins, ajoute Pascal Debordes, cet état de fait pourrait évoluer : « Le marché de la formation vit une rup-ture. Le présentiel est coûteux, lourd à organiser et peu réactif. Cela ex-plique la tentation du numérique : se préparer avant le présentiel pour en réduire la durée, voire le remplacer tout

formation à implantation nationale orienté vers les PME, affirmait lors du Fo-rum des Serious Games miser de plus en plus sur l’entraînement grâce à un gé-nérique développé par Daesign : « Nous comptons nous écarter un peu de la for-mation, pour passer à l’entraînement, grâce à la Training Box. Elle reprend du présentiel, du coaching en présentiel, du coaching à distance et un Serious Game de Daesign. Nous travaillons avec des génériques. Cela suscite toujours des ré-ticences au départ. Mais, en présentiel, le jeu donne des résultats fabuleux. L’ac-compagnement fait le reste. »

Ph. T

bonnement. Le Serious Game s’inscrit dans cette tendance. »

Passer de la formation à l’entraînementEn la matière, les grands groupes se débrouillent tout seuls. La Cegos cher-che à rendre le Serious Game accessible aussi aux petites structures : « La solution se trouve dans les produits génériques, à condition de ne pas se contenter d’un va-gue bricolage, qui serait dévalorisant. »Ainsi, Mission to sell permet de former des commerciaux : ce jeu de rôle per-met d’acquérir des compétences, de les mettre (virtuellement) en pratique, le suivi de la progression étant constam-ment accessible au formateur. Dans le même esprit, Gilles Mercier, prési-dent d’Ecofac, un petit organisme de

« La sortie de crise s’appuiera aussi sur les industries innovantes, notamment celles du Web, des logiciels et du jeu vidéo », déclarait Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à la Prospec-tive et au développement de l’Écono-mie numérique, en mai 2009, lors du lancement d’un double appel à projets en recherche-développement et in-novation dédié au Serious Gaming et au Web 2.0. Cette initiative, dotée de 30 millions d’euros, s’inscrivait dans le cadre du volet numérique du plan de relance et poursuivait un triple objectif : « Soutenir des secteurs économiques de pointe, comme celui du jeu vidéo ; ac-compagner la transformation et la mo-dernisation de l’économie française ; capitaliser sur les compétences techni-ques et opérationnelles des entreprises françaises pour investir dès maintenant sur des marchés d’avenir évalués à plu-sieurs dizaines de milliards d’euros. »

Le volet Serious Game de ce double ap-pel à projets entend « favoriser les in-novations d’usages s’appuyant sur les technologies existantes du jeu vidéo pour les adapter aux besoins industriels et en tirer le meilleur parti. » Au passage, il s’agit aussi de soutenir les acteurs français du jeu vidéo « qui cherchent à se diversifier tandis que leur cœur de mé-tier est durement touché par la crise éco-nomique mondiale. » Les 166 dossiers déposés représentaient un budget total de 145 millions d’euros, sur lesquels 67 millions d’euros d’aide étaient solli-cités, soit une demande d’aide moyenne de 400 000 euros par projet – moyenne qui masque l’ampleur d’une fourchette allant de 42 000 euros à 2,8 millions d’euros ! L’enseignement et la formation(19 %) constituent la thématique prin-cipale des projets, loin devant la san-té et médecine (14 %) et l’entreprise (11 %). Le comité de sélection a retenu

48 projets, pour un budget global de 48 millions d’euros, et une demande d’aide s’échelonnant entre 184 et 577 K euros. Par la suite, affirme le ministère, cette action sera complétée par un volet commande publique.

Ph. T

Retour sur investissementAce Manager est un jeu de notoriété et de promotion de la marque du groupe BnP-Paribas auprès d’étudiants répartis dans le monde entier. Ceux-ci sont invités à découvrir les métiers de la banque à travers la résolution de cas managériaux ou financiers liés à l’univers du tennis. La compétition se conclut par une finale à Paris entre les cinq meilleures équipes. Le choix du Serious Game s’est fait sur des considérations financières, explique Marco Bocchia, chef de ce projet : « Ace Manager a un coût élevé, mais il assure un excellent retour sur investissement. En 2009, il nous a permis de toucher un million d’étudiants dans 26 pays. Pour un même résultat, l’événementiel nous aurait coûté dix fois plus cher… »

Page 12: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/12

DOSSIER

Le jeu permet le droit à l’erreur

QuanD l’enTreprise se piQue au jeu

Quand Ponocratès, précepteur de Gar-gantua, apportait des cartes à son élève, c’était « non pour jouer, mais pour s’ins-truire de mille gentillesses et inventions nouvelles qui se rapportaient à l’arith-métique. En ce moyen, Gargantua entra en affection d’icelle science numérale. » Le Serious Game poursuit le même ob-jectif, au fond tout simple, que la pé-dagogie que réclame Rabelais : donner envie d’apprendre… « Le Serious Game n’est qu’un moyen dans un parcours pé-dagogique. Nous allons vers du teasing sur la formation », souligne ainsi Hervé Vialle, directeur de Renault Academy1.Il ne faudrait pas, pour autant, conclure que le jeu n’a qu’une fonction de mise en appétit : il peut être aussi un outil d’ac-quisition de connaissances et de savoir-faire. Le recours à la réalité virtuelle qui est à la base du Serious Game permet, par exemple, de simuler des circonstan-ces extrêmes dans lesquelles le bon ges-te revêt une importance vitale. Il devient ainsi possible de s’exercer quand l’en-traînement en situation professionnelle réelle est impossible (incident dans une centrale nucléaire, intervention chirur-gicale…) ou très coûteux (pilotage d’un avion…).Le Serious Game évite aussi l’évaluation des connaissances pratiquée sous forme de couperet, souligne Hervé Viale : « Au début, nous ne voulions pas de score. Mais les utilisateurs le réclamaient : le jugement est mal vécu, mais le défi est demandé. Les vendeurs ne veulent plus

être évalués sur leurs insuffisances ; enrevanche, ils ont besoin de se situer par rapport aux autres. Ils apprécient l’auto-évaluation ludique que permet le Serious enrichie d’une dimension pratique, ajou-te Sébastien Beck, directeur général de Daesign : « En plaçant l’utilisateur en situation, le Serious Game permet non seulement d’évaluer ses connaissances mais aussi sa capacité à les utiliser. »Pratiqué à l’abri du regard et du juge-ment d’autrui, le Serious Game déploie sa principale plus value pédagogique en accordant le droit à l’erreur. Char-les-Pierre Serain, responsable de l’In-novation au sein de la direction de la Stratégie Banque de détail de la Société Générale, apprécie cette dimension du jeu Opération vente qu’il a com-mandité : « Pour vendre, il faut créer la confiance avec le client. Le jeu permet d’aborder ce sujet délicat de façon ludi-que, et en préservant le droit à l’erreur : contrairement à ce qui se passe face à un vrai client, l’erreur est sans risque, et on peut recommencer après l’erreur. De plus, le jeu permet de tester diverses situations face à des clients différents. » Comme dans le jeu vidéo, on peut donc faire des essais sans craindre de se tromper. On peut même se tromper délibérément, juste pour voir ce qui se passe quand on fait un choix que l’on sait erroné. Essayer, explorer les pos-sibles est une attitude active : en est-il de plus souhaitable quand il s’agit de formation ?

Ph. T

1Les propos de Véronique Fontaine, Sébastien Beck, Hervé Vialle et Charles-Pierre Serain ont été formulés lors du Forum des Serious Games organisé par Daesign en avril dernier. Ceux de Pascal Debordes et Stéphane Natkin ont été tenus lors d’un Atelier BNP-Paribas consacré aux Serious Games.

Mode ou pas, le Serious Game est là. Quels en sont les intérêts pédagogiques ? En somme : pourquoi jouer en formation ?

« Le jugement estmal vécu, maisle défi est demandé »hervé Vialle

Page 13: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/13

Qui a peur des Serious Games ?

« Quand nous avons lancé notre premier projet de Serious Game, les décideurs considéraient ça comme un gadget. Du coup, on a fait trop sérieux, avec un graphisme faible et ça n’a pas suscité d’engouement… », raconte Véronique Fontaine, responsable formation domai-ne clients de France Télécom Orange. Dans une entreprise pourtant friande de nouvelles technologies, le Serious Game a donc dû vaincre quelques réti-cences. Plus ou moins consciemment, la formation semble devoir être associée à un effort aride.Les dirigeants sont souvent cités parmi les plus réticents face à des formations ludiques, surtout dans les PME : chan-ger des habitudes qui ont fait leurs preuves suscite leur inquiétude. Mais c’est le monde de la formation qui est ressenti comme le principal obstacle à l’utilisation des Serious Games. Certes, le discours général se veut optimiste en affirmant que, loin de se buter, les for-mateurs se montreront d’ardents pro-moteurs du Serious Game dès lors qu’ils en auront perçu l’intérêt pédagogique. Mais il n’en reste pas moins qu’on parle beaucoup de marketing, de packaging et de teasing pour séduire et convain-cre les formateurs : le lancement du « produit » semble donc exiger la mobi-lisation de tout l’arsenal des techniques commerciales et publicitaires…

Teasing ou marketing viralOrange a choisi la voie du teasing pour impliquer ses formateurs internes, en mettant en ligne dix saynètes interac-tives, qui suivent les étapes d’une for-mation, à raison d’un épisode tous les quinze jours. L’utilisateur pilote un ava-tar, qui a des objectifs à atteindre. Les formateurs se connectent quand ils le

souhaitent et autant qu’ils le veulent : « Initialement, nous avons volontaire-ment limité la population concernée à 800 personnes, dont nous traçons la connexion et la progression. D’autres demandent maintenant à être mis sur la liste de diffusion… »Ailleurs, on peut opter pour le « déploie-ment viral ». C’est la voie qu’a choi-sie Hervé Vialle, directeur de Renault Academy : « L’obstacle le plus difficile à franchir, c’est le responsable forma-tion d’un pays. Devant une initiative du siège, sa première réaction est de dire que ce n’est pas adapté à son pays… C’est pourquoi nous avons choisi de ne pas installer de Serious Game sur notre plateforme d’apprentissage en ligne, et de ne les intégrer qu’à des parcours en présentiel, pour que les formateurs soient positifs. Cela passe par une phase de déploiement viral. C’est long et coûteux, mais nous voulons que tous l’utilisent. » Les réticences individuel-les sont inévitables, estime Stéphane Natkin, professeur au CNAM, car toute nouveauté perturbe ceux qui veulent maintenir la tradition : « C’est de la pa-nique morale. On l’a vu avec la valse, le théâtre, le rock’n’roll… Ça passera. Reste qu’il faut trouver de nouvelles façons d’enseigner, avec davantage de participation. » A-t-on d’ailleurs vrai-ment le choix, alors que les attentes des apprenants ont changé ? Stéphane Natkin préfère retourner la question : « Quand celui qui dirige cinquante personnes dans le monde virtuel de Warcraft passe des yaourts sur une caisse de supermarché dans la réalité, la société fait peut-être fausse route en utilisant si mal ses compétences… »

Ph. T

tout le monde est-il aussi convaincu aujourd’huique la formation peutpasser par le plaisir ?

Le Serious Game intègrecette dimension dans un

domaine réputé aride.

Page 14: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

P/14

DOSSIER

Débat Formation juillet 10 # numéro 5

QuanD l’enTreprise se piQue au jeu

« La révolution numérique impacte la façon de travailler, penser et ap- prendre ». Forts de cette certitude, Olivier Charbonnier et Sandra Enlart ont créé le laboratoire D-Sides pour dévelop-per des produits pédagogiques autour du jeu vidéo. Le jeu vidéo, selon Olivier Charbonnier, recèle des ressources inat-tendues : « L’utilisation de jeux grand pu-blic que l’on peut trouver en ligne permet de développer des capacités cognitives intéressant les entreprises. Un joueur mobilise des capacités cognitives : intui-tion, prise de décision, etc. Mais, quand le jeu est fini, ces capacités se mettent en sommeil. Il est possible d’organiser des processus pédagogiques pour les réin-vestir en situation professionnelle. » Un dispositif expérimental d’une à deux journées a été mis en place et testé dans plusieurs entreprises (Axa, SNCF, une SSII et la banque privée suisse Lombard Odier, Darier Hentsch…). Les stagiaires identi-fient d’abord les capacités cognitives qu’ils estiment utiles dans leur situation professionnelle. On choisit les jeux vidéo liés à ces capacités. Après une séquence

de jeu (environ 2 heures en tout), on re-vient progressivement vers leur situation professionnelle, en analysant les méca-nismes utilisés pour progresser dans le jeu et en les rapprochant de ceux utilisés en entreprise. Six jeux de labyrinthes et d’énigmes accessibles sur l’Internet ont été identifiés et testés dans ce but. D-Si-des travaille aussi sur l’utilisation de jeux en réseau pour développer des capacités plus collectives en mobilisant les équi-pes naturelles de travail. Le jeu vidéo n’a, en soi, rien de pédagogique, mais

c’est un raz-de-ma-rée dont un laboratoire comme D-Sides se doit d’explorer les potenti-alités, souligne Olivier Charbonnier : « Le jeu vidéo mobilise l’ouver-ture mentale, la concen-tration, le traitement de l’information, la prise de décision et de ris-que… Notre objectif est d’exporter ces ca-pacités cognitives du

jeu pour les importer dans d’autres si-tuations. » La démarche peut sembler modeste, puisqu’elle consiste simple-ment à détourner ce qui existe pour créer des déclics, des passerelles. Elle est aussi ambitieuse, complète Olivier Charbonnier : « Il s’agit de développer des capacités cognitives à forte valeur pour les entreprises, et pas seulement sur des compétences techniques, comme la négociation. »

Ph. T

Détourner le jeu vidéoLe Serious Game serait-il déjà dépassé ? Certains s’intéressent déjà très fort à une nouvelle piste : détourner les jeux vidéo existants à des fins pédagogiques…

« Un joueur mobilise des capacités cognitives que des processus pédagogiques peuvent aider à réinvestir ensituation professionnelle. »olivier Charbonnier

Page 15: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

pédagogiques à simuler, les porteurs du projet (AFPA, VirtuoFacto et l’université de Compiègne) s’attachent maintenant à créer l’environnement, en y incluant des personnages et divers objets pouvant être dangereux. Outil de formation, SIMADVF pourrait par la suite être décliné en une version « évaluation des compétences professionnelles », utilisable dans le cadre de la VAE.

Également retenu par le secrétariat d’État à la Prospective et au Développement de l’Économie numérique, Jeu serai… entend faciliter l’orientation professionnelle des adultes et des étudiants en utilisant les ressorts du jeu vidéo. Ce projet porté par le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), vise à outiller les conseillers d’orientation. Au lieu de s’appuyer sur une interrogation directe ou sur une autoévaluation du candidat, le jeu analyse la façon dont une personne joue pour en tirer un portrait psychologique. Ainsi, au lieu de demander au candidat s’il est aventureux ou s’il apprécie les tâches minutieuses, on le constate au travers de ses choix dans le jeu. Ceci permet au conseiller de préconiser ou d’invalider certaines pistes d’orientation professionnelle.

Le jeu Food Force, développé par l’ONU, est téléchargeable gratuitement (www.food-force.com). Il vise à « éveiller l’intérêt des enfants à propos de la faim, qui tue chaque année plus de monde que le SIDA, le paludisme et la tuberculose réunis. » Le joueur est en mission humanitaire. Son objectif : nourrir le plus de personnes possibles. Il doit les trouver, leur larguer des vivres, puis concevoir des projets agricoles au-delà de l’urgence.

Retenu à la suite de l’appel à projets gouvernemental, SIMADVF se propose d’utiliser la réalité virtuelle pour former des Assistantes de Vie de Famille (ADVF) et améliorer les comportements de sécurité des personnes assurant la garde à domicile des jeunes enfants. Alors que la formation en contexte professionnel avec des enfants n’est pas possible, la réalité virtuelle fait percevoir les circonstances génératrices d’accidents et apprendre les comportements adaptés. Après avoir défini les fonctionnalités

Le Serious Game en relief Mission Plastechnologies a été commandité par l’association « Destination Plasturgie » pour communiquer en direction des jeunes et promouvoir les techniques et métiers de cette filière. Un chercheur fou a construit une console de jeu. Il est enfermé dedans, alors que la manette de commande n’est pas encore construite. Pour le libérer, il faut fabriquer la manette et donc découvrir les métiers de la plasturgie…

Le jeu Cyber-budget, conçu pour le ministère du Budget, est accessible en ligne sur www.cyber-budget.fr Le joueur assure l’intérim du ministre du Budget. Il découvre l’environnement budgétaire (ordres de grandeur des données, ce qui appartient au budget de l’État ou à celui des collectivités territoriales, etc.), puis doit manœuvrer entre déficit et mesures assurant la croissance.

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/15

• • •

Les multiples usages du Serious Games

Page 16: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/16

QuanD l’enTreprise se piQue au jeuDOSSIER

La cité retrouvée Le Serious Game n’a pas encore détrôné le simple jeu de formation. Les Aéroports de Lyon ont choisi cette méthode pour développer l’esprit collectif de l’entreprise lors de sa simulation. Un jeu en équipe qui a d’abord mobilisé le haut management.

• • •

Les multiples usages du Serious Games

Quand les Aéroports de Lyon développent l’esprit collectif avec le jeu des Deux Cités.

Les Serious Games déclinés par Daesign mettent en œuvre la technologie/Acteurs virtuels autonomes (AVA) issue du jeu vidéo. (le personnage qui le représente à l’écran). Face à lui, d’autres acteurs virtuels réagissent en fonction de ses actions. Cette technique sophistiquée est plus particulièrement utilisable pour les formations à des métiers reposant sur des compétences comportementales : vente, relation client, management.

Serious Games Interactive (SGI) a connu la réussite avec sa série Global Conflicts basée sur des faits réels : le joueur tient le rôle d’un journaliste fraîchement débarqué dans une zone troublée (Palestine, Amérique Latine) pour enquêter et écrire un article ; il doit questionner, recouper ses informations et relater sa vision de la situation.SGI produit également des jeux d’entreprise. C’est le cas d’un jeu d’intégration des nouveaux salariés réalisé pour Nykredit, organisme financier danois qui emploie 4 400 personnes. Avant sa prise de poste, le nouvel entrant doit résoudre divers problèmes. Cela le conduit à rechercher de l’information sur la structure de l’entreprise, ses produits et services, son histoire, sa culture…

« C’était une vraie surprise, car personne parmi nous ne savait de quoi il retour-nait », se souvient Josiane Terrier, DRH des Aéroports de Lyon. On peut s’amuser en imaginant la stupeur des neuf mem-bres du comité de direction de cette en-treprise réunis en séminaire, quand leur coach s’est mis à leur raconter une his-toire de ville détruite avant d’éparpiller des cubes devant eux, en leur deman-dant de créer une nouvelle cité…Les Aéroports de Lyon vivaient alors une mutation les transformant en une société de droit privé à actionnaires publics (État, collectivités territoriales, CCI). Nommé directeur général, Philippe Bernand misait sur le développement de l’esprit collectif : « On ne dirige pas une entreprise seul mais avec une équipe. C’est la clé de l’efficacité. Au-delà de l’information réciproque, il faut pou-voir débattre sur les sujets stratégiques,

mener une réflexion commune pour que chacun s’approprie la décision prise. »Dans ce but, il a organisé trois séminai-res de cohésion d’équipe pour les neuf membres du comité de direction. C’est au cours de l’un d’eux que le coach a proposé le Jeu des Deux Cités créé par Séménia. Celui-ci permet d’accom-pagner le changement de façon ludi-que, explique Olivier Broni, l’un de ses concepteurs : « Le jeu des Deux Cités doit faire émerger l’intuition collective, c’est-à-dire le moment où une équipe produit une énergie positive et où tout semble s’aligner, comme quand un dériveur se met à surfer sur une vague. »Le jeu des Deux Cités repose sur une métaphore du changement : une cité est en train de se délabrer et ses habitants doivent s’organiser pour construire une autre cité ailleurs. Les participants sont invités à revivre ce conte, après avoir

Page 17: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/17

note Philippe Bernand : « Confronté à un problème inattendu, le groupe doit s’or-ganiser pour l’analyser et proposer une solution collective. La situation est ludi-que mais concrète et identitaire puisqu’il s’agit de construire une cité qui ressem-ble à l’équipe qui la crée. »La première surprise passée, l’équipe diri-geante des Aéroports de Lyon a consacré beaucoup de temps à se préparer avant d’agir. Une pause lui a permis de décan-ter la réflexion. Ensuite tout a fonctionné de façon très fluide, raconte Olivier Broni : « C’était terminé avant l’heure, et ils sont allés plus loin que prévu. Dans la sérénité, ils ont construit leur processus au quotidien. » Moment important, le débriefing permet de partager et for-maliser la façon dont le groupe a fonc-tionné. C’est déterminant pour la mise en application ultérieure au quotidien : chacun perçoit comment fonctionnent ses collègues, et la synthèse indique la manière de travailler ensemble. En cela, observe Philippe Bernand, « le jeu

contribue à passer d’une juxtaposition d’individualités à une équipe travaillant ensemble. Un autre de ses intérêts, ajoute-t-il, « c’est de fixer un point de ré-férence. Les découvertes faites ce jour-là restent en mémoire. Avec le temps, le souvenir s’estompe et perd de la puis-sance. Mais le jeu marque les esprits, si bien que quand on s’écarte des fonda-mentaux, il suffit d’évoquer ce moment pour se replacer dans la bonne perspec-tive et relancer la dynamique. » Séduit par la démarche, Philippe Bernand a souhaité la décliner au profit de l’ensem-ble du management. Une soixantaine de managers de proximité ont donc pu, à leur tour, vivre l’aventure en groupes d’une douzaine de personnes. L’initiative a été couronnée de succès : « C’était très intéressant de les voir construire des ci-tés très différentes de celle du comité de direction. Mais pourtant compatibles avec elle… »

Ph. T

défini la question collective à laquelle le séminaire doit répondre. Chaque partici-pant choisit un « pouvoir » parmi les sei-ze possibles (par exemple, le pouvoir de téléportation, quand il est utilisé, oblige tous les joueurs à quitter la salle…). Il l’utilise à son gré. Chacun dispose donc de la possibilité de peser pour faire évo-luer la situation.Les blocs représentant l’ancienne cité sont éparpillés sur la table. La première tâche consiste à les classer pour concré-tiser la façon dont est vécue la situation initiale de l’entreprise. Il faut ensuite les déplacer pour édifier la nouvelle cité. L’animateur introduit des aléas, afin d’éviter toute routine ou reproduction du connu. De son côté, un observateur note les réactions des uns et des autres et les phrases significatives échangées dans l’action.

« Passer d’une juxtaposition d’individualités à une équipetravaillant ensemble »L’idée de jouer a surpris Philippe Ber-nand comme les autres : « Ce type d’ini-tiative ne peut pas venir de l’équipe elle-même. Il faut quelqu’un d’extérieur. C’est tout l’intérêt de recourir à un coach, car il dispose d’une panoplie d’artifices pro-vocateurs ou décalés, mais toujours sti-mulants. C’est à lui de trouver le support approprié à la situation. Cela vient natu-rellement avec une personne compéten-te. Mais c’est délicat, car le jeu doit être mis en scène et arriver au bon moment. » Il fallait en effet, ajoute Josiane Terrier, savoir observer et attendre avant de ten-ter de mettre le groupe en mouvement par un biais ludique : « Lancé de but en blanc au début du séminaire, je ne crois pas que le jeu aurait été si facilement accepté, ni qu’il aurait fonctionné aussi bien… » Parmi les participants, personne ne s’attendait à être invité à jouer, ni ne savait où l’exercice allait conduire. L’effet de surprise, d’ailleurs, est important à la fois pour le déroulement du jeu comme pour le bénéfice qu’on peut en tirer,

Règles du jeu Rassemblés en avril au salon Ludimat, quelques spécialistes du jeu de formation soulignent quelques grands principes à respecter.

Pas de jeu sans règles, rappelle d’abord Jean-Jacques Balland (Ceneco) : « Faire

éclore les talents, cela se fait en groupe. Il faut des règles du jeu – y compris

si elles prescrivent aux joueurs de se laisser aller… » Il faut aussi un animateur

compétent, ajoute Chantal Barthélémy-ruiz (Université Paris 13) : « Le jeu n’a

d’intérêt que par une bonne préparation et par le débriefing qui lui succède.

Le professionnalisme de l’animateur est décisif dans ces deux phases. »

ne pas oublier non plus, complète Jérôme Boquet (Eikos Concept), que le jeu n’a de

sens que par rapport à un objectif. Il doit donc s’achever par un « atterrissage »,

c’est-à-dire par le transfert dans la situation réelle : « Comment mettre les gens

en mouvement ? Les activités ludiques aident à passer du discours à la prise de

conscience. Ce qui a été perçu doit ensuite être mis en œuvre dans la vraie vie. »

Enfin, Olivier Broni (Séménia) prévient que le jeu réserve parfois des surprises :

« Il fait émerger ce qui doit émerger. Et ce n’est pas forcément ce qu’on souhaitait

au départ… »

Page 18: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/18

PERSPECtIVE la ForMaTion ConTinue

La récente étude de CEREQ remet en cause l’habituelle façon de présenter l’activité de formation continue (entre les Organismes pour qui la formation est l’activité principale (OF) et les pres-tataires de formation pour qui ce n’est pas le cas). Elle permet ainsi de mieux appréhender la structure de l’offre de formation. Partant des données 2007,

les auteurs ont privilégié l’analyse des opérateurs ayant un chiffre d’affaires en formation de 150 K euros et plus, soit 4 340 opérateurs (10,5 % des prestatai-res). Ceux-ci ont réalisé un chiffre d’af-faires global de 3,2 milliards d’euros, soit 31 % de l’ensemble du chiffre d’affaires généré par le « marché » de la forma-tion continue ! Ces 4 340 FCAS qui ne relèvent pas de l’activité d’enseigne-ment ou de formation, représentent un très large éventail d’activités (services aux entreprises, commerce, fabrication, associations…). Les auteurs ont ap-profondi leur analyse par une enquête menée dans trois régions (Aquitaine, Languedoc-Roussillon et PACA) auprès d’un échantillon de FCAS du secteur pri-vé à but lucratif et en ont tiré des constats à méditer. Ces prestataires s’appuient sur un nombre important de formateurs des spécialités de formation dominantes dans le marché de la FPC (informatique, sécurité des biens et des personnes, dé-veloppement des capacités d’orientation et d’insertion, ressources humaines, ges-tion, etc.). Ils ne se distinguent donc pas des organismes de formation classiques sur ce plan. Pour certains de ces FCAS l’activité de formation s’avère l’essentiel de leur chiffre d’affaires sans que cela ne se traduise par un référencement statis-tique (code NAF) approprié.

La formation continue comme activité secondaire représente

Le Centre d’études et de recherches sur les Qualifications (CErEQ) a publié une étude sur les organismes pour qui la Formation est une activité secondaire (FCAS). On y apprend entre autres que ces 4 340 opérateurs réalisent 31 % de l’ensemble du chiffre d’affaires du marché de la formation continue.

un tiers du marché

Centrés sur des formations

courtes les FCAS ont moins à gérer les dimensions pédago-giques et didactiques qui sont

posées dans des formations plus longues visant à requalifier

ou à reconvertir des salariés, des chômeurs ou des jeunes en

difficultés d’insertion.

Page 19: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/19

de l’information et de la communica-tion (TIC) et les différentes formes de e-learning, encore faut-il que les en-treprises se dotent d’une ingénierie des compétences adaptée.

Le poids des formateurs occasionnelsOn peut donc affirmer sans se tromper qu’en 40 ans la notion d’activité de for-mation a perdu de son sens premier. Elle est aujourd’hui réalisée et mise en œuvre majoritairement non pas par des formateurs permanents (salariés des or-ganismes de formation) mais par des for-mateurs occasionnels (salariés d’autres entreprises). En fait l’activité de forma-tion tient plus au statut des formateurs qu’au statut des structures de formation. De ce point de vue c’est aussi la forma-tion comme activité secondaire des sala-riés d’entreprise qu’il faut identifier !Cette évolution infirme l’hypothèse de l’État des années quatre-vingt-dix qui avait voulu promouvoir un secteur d’ac-tivité spécifique de la formation continue (notamment porté par le contrat d’études prospectives des organismes de forma-tion privés) visant notamment à autono-miser et professionnaliser cette activité. S’il y a bien un secteur d’activité parti-culier de la formation (largement tributaire de la réglementation liée à l’obligation légale de finance-ment de la FPC par les entreprises), il est désormais tributaire de l’activité de for-mation (formelle et informelle) réalisée au sein du système de production lui-même.

Paul SantelmannResponsable de la Prospective à l’AFPA.

1Michun Stéphane, Simon Véronique et Valette Aline – La FPC comme activité secondaire - Net – Doc n° 61 – avril 2010.2Cette répartition est déterminée par le code NAF de l’INSEE attribué à l’entreprise en fonction de son activité principale déclarée. Les codes NAF relatifs à l’activité d’enseignement ou de formation sont : 802A, 802C, 803Z, 804C et 804D.

autour d’un produit ou d’un service qu’ils ont eux-mêmes développés ou créés. Sur un plan technologique ou sectoriel, ils sont donc plutôt spécialisés et s’appuient sur cette spécialisation pour se différencier des organismes de formation concurrents, ce qui tend à montrer que le label « organisme de formation » n’est pas un passeport tou-jours judicieux dans le marché de la for-mation des entreprises.

En rupture avec l’offre catalogueCes opérateurs sont en rupture avec « l’offre catalogue » qui caractérise sou-vent l’appareil de formation classique, désormais en perte de vitesse sur le marché des entreprises. Les FCAS té-moignent en fait d’une recomposition de l’activité de formation continue au profit d’une nébuleuse de prestataires issus des secteurs d’activité et du monde de l’entreprise lui-même. En incluant les structures internes de formation des grandes firmes, le poids des formateurs occasionnels d’entreprise intervenant dans l’appareil privé et public et les pratiques informelles de formation des entreprises (entreprises apprenantes), il y a bien un processus de réinternalisa-tion/rediffusion de la Formation Profes- sionnelle Continue (FPC) dans la sphère du système productif au détriment des organismes employant des formateurs permanents à temps plein. Un phé-nomène qui va s’accentuer dans les grandes firmes avec les Technologies

« Package suivi, conseil, formation »Quelles sont donc les particularités de ces opérateurs ? Ils occupent majoritaire-ment le marché de l’achat direct de for-mation par les entreprises (moindre rôle des Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et s’appuient souvent sur une appartenance commune au mon-de de l’entreprise et au secteur privé (connaissances des métiers, des clients).Si 28,2 % des OF ont un chiffre d’affai-res de 50 % et plus venant du finance-ment direct des entreprises, c’est 47 % des FCAS qui sont dans ce cas ! De ce fait ils se positionnent en amont de la commande (analyse du besoin, co-cons-truction du projet de formation, etc.) pour proposer du « sur-mesure ». Ils semblent bénéficier d’une expertise technique plus pointue que les organismes de for-mation classiques et s’appuient notam-ment sur un réseau d’intervenants occa-sionnels ou libéraux qu’ils ont construit de par leur appartenance d’origine au secteur d’activité cible. Centrés sur des formations courtes ils ont moins à gérer les dimensions pédagogiques et didac-tiques qui sont posées dans des forma-tions plus longues visant à requalifier ou à reconvertir des salariés, des chômeurs ou des jeunes en difficultés d’insertion. Ces opérateurs n’isolent pas la presta-tion de formation mais l’insèrent dans un « package suivi, conseil, formation » et une relation de service souple fondée sur l’immatériel et le relationnel. Cer-tains FCAS développent des formations

26,7 %37,8 %

13,6 %19,4 %

Répartition des 10,3 milliards de chiffre d’affaires généré par le marché de la formation continue en 2008 par types d’opérateurs de formation

OF privés

Associations

OF publics

FCAS

Page 20: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/20

aCtION

La relation clients

Gros enjeu du secteur : recruter puis fidéliser ses salariés. Ce n’est pas nouveau. Mais le besoin de professionnaliser les salariés pour offrir un service de qualité et celui d’acquérir des compétences nouvelles pour s’adapter à la montée du web se renforcent.

mise sur les ressources humaines

« L’un des rares secteurs créateurs d’em-ploi », soulignait Laurent Wauquiez, se-crétaire d’État en charge de l’Emploi, en signant l’été dernier, au plus fort de la crise, un accord de développement de l’emploi et des compétences dans la fi-lière des centres de relation clients. La création de 50 000 emplois est visée pour la période 2009-2012. Les secteurs historiques comme la banque-assurance, les télécommunications, le commerce et la distribution, la vente à distance mais aussi la santé, les services publics sont concernés.Actuellement, la profession revendique environ 260 000 emplois. Difficile pour-tant, entre les « in » et les « out-sourcers » de définir les contours précis d’un sec-teur encore jeune et toujours en phase de structuration. Qu’ils se nomment call-centers ou centres d’appels, centres de relation clients intégrés dans les grandes entreprises représentant plus de 70 % de la profession, ou centres de contacts

Page 21: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/21

sources humaines du groupe B2S. La durée de ces formations déployées en interne, varie en fonction des besoins exprimés ou identifiés.Le groupe affiche une volonté de déve-lopper en permanence les compétences de ses collaborateurs afin qu’ils puis-sent s’adapter aux évolutions de leurs métiers. Cette dynamique de formation répond également à la volonté de B2S de privilégier la mobilité interne de ses collaborateurs.

Depuis 2008, en partenariat avec l’AF-PA, suite à des périodes de profession-nalisation et d’accompagnement VAE, vingt-huit téléconseillers et trente-six superviseurs, ont eu la possibilité d’ac-céder à une qualification correspon-dant à leur fonction, 100 % ont obtenu un titre professionnel de superviseur en relation clients à distance, lors de la dernière session qui s’est déroulée

à Valenciennes. Aujourd’hui, le grou-pe B2S prépare le déploiement de ce dispositif sur l’ensemble de ses filiales en France avec l’aide de l’AFPA, autant sur les métiers de téléconseiller que de superviseur.

Diversité et label RSE« La relation client, c’est un beau métier, quand on le fait bien, et ce n’est pas en lisant un texte que l’on peut capter l’in-térêt d’un client », s’insurge Anne Alunno qui se bat pour revaloriser le métier de téléconseiller et le professionnaliser. Auparavant responsable d’un service de télévente chez un loueur automobile, elle forme aujourd’hui des conseillers ser-vice client à distance sur le campus de l’AFPA à Nice. Le secteur recrute dans la région. Convers, centre de contacts créé, en 1998 à Nice en est un bel exemple. « On a voulu changer l’image de ce mé-tier et on est fier de notre label RSE », assure Anne Cagnard, directrice de pro-duction, qui a initié le partenariat avec l’AFPA pour qualifier ses équipes.Vingt postes de travail à sa création, 150 début 2010. En mars dernier, douze conseillers ont intégré en CDI le nou-veau plateau technique de Convers, avec un contrat de professionnalisation de neuf mois pour parfaire leur formation. Afin de faciliter leurs débuts, ils avaient déjà suivi deux mois de préformation à l’AFPA. Sur le plateau, les profils sont variés, avec une « mixité des âges et une diversité des origines », se félicite Convers qui a signé la charte de la di-versité. Exemple d’un profil atypique, Guillaume Bruno, 27 ans, est titulaire d’un master en information et communi-cation. Sans emploi, il a été orienté vers Convers par Manpower. « J’ai trouvé ici matière à valoriser mon profil. On apprend à développer un portefeuille clients, on acquiert une expérience. » Dans un secteur qui fa-vorise la mobilité interne, il y aura des opportunités à saisir.

Danièle Ginisty*étude de satisfaction clients 2009

indépendants, ils n’ont pas toujours eu bonne presse et le secteur souffre d’un manque d’attractivité.Profil type du téléconseiller : une femme, jeune qui travaille en province, à temps plein et en CDI. 20 % des recrutements se font à Bac +2, pour un salaire proche du SMIC dans la plupart des cas.

Un métier complexeAprès une industrialisation à marche forcée et la recherche d’une optimisa-tion des coûts à la fin des années qua-tre-vingt-dix, depuis deux ou trois ans et dans nombre de centres, c’est l’op-timisation de la gestion des ressources humaines qui a la côte. Il s’agit d’éviter le turn-over en améliorant les condi-tions de travail, de valoriser le métier en mettant en place des parcours de professionnalisation favorisant les mo-bilités internes mais surtout de déve-lopper les compétences. Car le métier devient plus complexe. Si le téléphone est encore le média privilégié, il faut se préparer à la montée en charge du courrier électronique. Marque du temps, après avoir beaucoup délocalisé au Ma-ghreb ou plus loin encore, l’heure est à la relocalisation. Certes le mouvement n’est pas massif mais il est significatif. Le professionnalisme des équipes prime. Dans un environnement concurrentiel de plus en plus rude, la relation client est vitale pour une entreprise. D’où une exi-gence grandissante sur la qualité de la prestation fournie.

Périodes de professionnalisation et VAE« 97 % de taux de satisfaction client* », se félicite le groupe B2S, l’un des lea-ders du marché de la relation clients, qui compte six filiales en France et trois au Maroc. B2S emploie aujourd’hui 3 500 personnes dans le groupe.« Ce résultat est, avant tout, dû aux ac-tions de formation que nous mettons en œuvre, au moment de l’intégration de nos collaborateurs et tout au long de leur parcours », affirme Gaëlle Bonnefond, directrice du développement des res-

« 97 % de taux de satisfaction client.Ce résultat est dûaux actions de formation que nous mettons en œuvre. »gaëlle bonnefond

Page 22: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

P/22 Débat Formation juillet 10 # numéro 5

aCtION

comportait plusieurs volets, dont l’opti-misation des coûts. Les achats ont été « massifiés » et l’offre de formation simpli-fiée. « Passer six jours en stage, c’est une hérésie », note Olivier Cerbeland, associé du cabinet Stanwell qui a accompagné le projet. Fini le tourisme, place aux mo-dules plus courts pour « former mieux en y passant moins de temps ». Le nom-bre de formations externes a été réduit. Comme le nombre de salles dédiées à la formation dans les locaux de Natixis, passé de 40 à 22.

Se concentrer sur la valeur ajoutée de la formationAutre axe majeur du projet : la ges-tion administrative de la formation a été confiée à un prestataire externe, Cimes. « Avec un principe clair : nous externalisons ce que nous maîtrisons,

Adopté en 2008, le plan de transformation de la fonction formation devrait générer pour natixis une économie de 20 millions d’euros sur cinq ans.Au programme : l’externalisation de la gestion, le repositionnement dela fonction et un meilleur remplissage des sessions.

NATixiS en bref

natixis est née en 2006 de la fusion de natexis du groupe Banques Populaires et d’Ixis du groupe Caisse d’épargne.En juillet 2009, les deux groupes ont fusionné, devenant BPCE, deuxième groupe bancaire français. natixis intervient dans trois domaines : la banque de financement et d’investissement, l’épargne et les services financiers spécialisés. natixis emploie 22 000 collaborateurs dans le monde, dont 7 700 chez natixis SA en France.

« Pour se lancer dans ce type d’aven-ture il faut des stimulus importants », remarque Luc Jarny, DRH adjoint de Natixis, ex DSI (directeur des systè-mes d’information). « Nous en avions deux ». Le premier venait directe-ment de la direction générale, qui dans un contexte de crise financière avait impulsé début 2008, dix projets visant à réaliser des économies dans les fonctions transverses. La formation était l’un d’eux. Deuxième moteur : un plan d’adaptation de l’emploi qui, suite à la fusion de 2006 (voir enca-dré) visait la suppression d’un peu plus de 800 postes. C’est ainsi qu’un plan de transformation de la fonction formation a été lancé. « Nous voulions faire de ce service un acteur majeur de la transformation de l’entreprise », explique Luc Jarny. Le programme

Luc Jarny

DRH adjoint de Natixis, ex DSI (directeur des

systèmes d’information).

Olivier Cerbeland

associé du cabinet Stanwell qui a

accompagné le projet.

Frank Morcant

P.-D.G. de Cimes.

lamue de la fonction formationNatixis,

Page 23: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

P/23Débat Formation juillet 10 # numéro 5

nous conservons ce qui nous paraît stratégique », explique Luc Jarny. Ont donc été externalisés la planification des sessions, l’inscription, la clôture, les évaluations à chaud, la facturation, le système d’information, le reporting et les relations avec les OPCA. C’est donc Cimes qui se charge de la déclaration 2 483 et du bilan social. Comme dans les compagnies aériennes, le taux de rem-plissage des sessions est optimisé grâce au surbooking et aux listes d’attente. Sur leurs écrans, les collaborateurs ont accès au catalogue et s’inscrivent directement aux sessions. Natixis utilise l’outil Tech-nomédia qui est interfacé avec la paie et la comptabilité. Le projet prévoyait également une plateforme d’e-learning, « vecteur extrêmement puissant pour tou-cher toutes les populations, où qu’elles

se trouvent ». Les deux sujets phares étant la conformité et le respect des réglemen-tations. Quant à l’équipe Natixis, « elle peut désormais se concentrer sur la va-leur ajoutée de la formation, se félicite le DRH adjoint. En définitive, le bénéfice le plus important de ce programme a été de repositionner la fonction au sein de l’entreprise ». Le service a été en grande partie renouvelé. 28 des 35 anciens col-laborateurs sont partis. L’équipe compte aujourd’hui treize personnes. Proches des différents métiers elles ont pour rôle de concevoir une offre et un plan adap-tés aux multiples transformations de l’entreprise. Tout en portant l’ensemble du catalogue, chacun est plus particuliè-rement chargé d’un « client » interne, le service de la conformité ou les chargés d’affaires par exemple.

Retour sur investissementLe projet - dont le périmètre concernait Natixis SA et ses 7 700 salariés - s’est dé-roulé sur une bonne année, avec son lot d’imprévus. Les collaborateurs ont adop-té l’outil et s’inscrivent en ligne. « Dans la banque, les salariés ont une pratique avérée de l’outil informatique, remarque Olivier Cerbeland, du cabinet Stanwell. Dans d’autres secteurs, les salariés peu-vent être amenés à se déplacer ou ne disposent pas tous d’un ordinateur ». En cinq ans, 20 millions d’euros d’éco-nomies devraient être générés, avec un retour sur investissement positif ré-current, devrait s’élever à 5 millions d’euros, soit 17 % du budget formation (hors investissement). Les économies les plus importantes ont été réalisées sur les salaires du service formation et sur les dépenses externes, notamment de for-mateurs. L’objectif est maintenant d’éten-dre ce dispositif aux filiales de Natixis. Quel sera l’impact de ces économies sur la qualité des formations dispensées aux salariés ? Natixis a prévu d’en évaluer les effets. Alors seulement, pourra-t-on véritablement calculer l’intérêt du pro-jet. Et vérifier si gérer mieux contribue à former plus efficacement.

Sylvie Karsenty

« Dans ce type de projet ce serait une erreur de vouloir être l’unique gagnant en tant qu’acheteur. Si votre contrat est notoirement défavorable à votre fournisseur, vous avez des chances de le tuer. C’est la pire des choses qui puisse vous arriver. S’il est petit et qu’il meurt, vous vous retrouvez du jour au lendemain sans prestataire, si c’est un grand, il va vouloir vous faire mal, lui aussi ». Suivant ce conseil d’Olivier Cerbeland, de Stanwell, natixis et Cimes ont longuement peaufiné le modèle économique de leur collaboration. « Nous sommes sur une relation de long terme, constate Frank Morcant, P.-D.G. de Cimes. Nous partageons un plan de progrès qui a été contractualisé dès le début. Notre modèle économique reflète des intérêts convergents. »Le contrat comprend deux volets.

Un contrat-cadre décrit le dispositif technique, l’outil, le périmètre et les conditions financières. Une convention de service, qui peut être rediscutée en fonction de l’évolution du projet, décrit, processus par processus, les responsabilités de chacun, le niveau de service et les indicateurs.Il existe trois niveaux de service (le niveau supérieur garantit par exemple que les déclarations légales sont fournies le 15 février). Les indicateurs permettent de partager des objectifs et des gains, par exemple sur le taux de remplissage des salles ou sur les financements obtenus des Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA). L’unité d’œuvre est le stagiaire en présentiel, le stagiaire à distance ou le stagiaire dont la formation est cofinancée par un OPCA. Le coût de l’unité d’œuvre varie avec le volume.

Sur leurs écrans,

les collaborateursont accès au catalogue et s’inscrivent directement

aux sessions.

Des indicateurs pour partager les gainsde productivité

Page 24: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/24

aCtION

« Assurer à toute personne sans emploi, quel que soit son âge, l’accès à une formation qualifiante de niveau 5, tel est l’engagement de la Région », explique Arlette Arnaud-Landau, vice-présidente du Conseil régional d’Auvergne en char-ge de la formation professionnelle tout au long de la vie, des formations sani-taires et sociales et de l’apprentissage. Cette mesure s’inscrit dans le cadre du Service public régional de formation voté en juin 2009. Elle prévoit une for-mation préparatoire à l’accès à une cer-tification de niveau 5 (d’une durée de 210 heures), des prestations d’orienta-tion et d’accompagnement comme les bilans d’accompagnement ou les dé-couvertes métiers ainsi que des aides à l’hébergement, à la restauration et aux transports.

Une deuxième chance pour les jeunesAutre dispositif phare de la région : l’École de la deuxième chance. « Créée en 2005, elle a été pleinement régio-nalisée en 2006 », observe Jean-Marc Callois, directeur de la formation pro-fessionnelle et de l’apprentissage au Conseil régional. L’E2C Auvergne com-prend une structure régionale, basée à

Clermont-Ferrand, et quatre plateformes départementales. Elles disposent de lo-caux dédiés au sein de structures exis-tantes : l’Institut de Formation Interpro-fessionnel de l’Allier à Avermes, l’École Supérieure de Commerce de Clermont-Ferrand, le GRETA des Monts du Can-tal à Aurillac et le GRETA du Velay au Puy-en-Velay. L’École de la deuxième chance accueille des candidats âgés de 18 ans à 30 ans, sortis du système sco-laire sans diplôme et sans qualification, comme Geoffrey, qui témoigne sur le site de l’École.« J’avais perdu l’habitude de me lever le matin… Le fait d’avoir quelque chose d’intermédiaire entre le monde du tra-vail et le monde du “je ne fais rien”, ça aide quand même beaucoup ». Un seul critère de sélection : la motivation. La capacité du stagiaire à s’adapter et à accepter les règles minimales de la vie en collectivité est évaluée durant le

premier mois, qui constitue une sorte de période d’essai. Occupant la moitié du calendrier, les stages permettent de dé-couvrir le monde professionnel puis de valider et de confirmer un projet.En 2009 l’E2C Auvergne a accueilli 441 stagiaires, dont 64 % ont connu une sortie positive (formation ou emploi). Avec un budget formation et appren-tissage de 116,9 millions d’euros, en hausse de 8 % par rapport à 2009, la Région poursuit également son soutien aux organismes de formation dans les expérimentations sur l’éco-construction et la formation à distance, notamment de maçons et d’assistants de vie aux familles. Elle a signé des conventions avec les OPCA pour la formation de sa-lariés peu qualifiés dans les TPE et mis en place un soutien à la formation des créateurs d’entreprise. Elle aide aussi les entreprises qui désirent envoyer un de leurs salariés se former en Europe ou ac-cueillir un stagiaire européen.Enfin, la Région souhaite mettre en place le contrat de continuité professionnelle, qui, comme l’explique Jean-Marc Callois, « vise à rompre les cloisonnements tra-ditionnels en donne accès à la formation et à l’accompagnement à toute personne quel que soit son statut ».

Sylvie Karsenty

Du CôTé De la région AUVERGNE

Parce que l’emploi et la formation professionnelle se jouent aujourd’hui à l’échelon de la région, à tour de rôle, nous leur donnons la parole pour présenter et commenter leurs mesures phares.

Le Service public régional de formation, effectif depuis

janvier, et « l’école dela deuxième chance » sont

les deux mesures phares de la politique de la région

Auvergne, auxquelles devrait bientôt s’ajouterle contrat de continuité

professionnel.

Arlette

Arnaud-Landauvice-présidente du Conseil

régional d’Auvergne, en charge de la “formation professionnelle

tout au long de la vie.”

Quatre pôlesde compétitivitéL’agriculture et l’industrie demeurent des employeurs importants de la région Auvergne. Héritière d’une longue tradition, l’industrie occupe près d’un actif sur cinq, notamment dans le pneumatique,la métallurgie, la mécanique, la pharmacie et l’agroalimentaire (céréales, viande, fromages, eaux minérales…). Quatre pôles de compétitivité sont installés en Auvergne : Céréales vallée (céréales), Innoviandes (viande et produits carnés), viaMéca (mécanique, aéronautique, automobile), Elastopole (caoutchouc).

Garantir l’accès à une formation de niveau5

Page 25: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/25

ESSENtIEL

« Je sais qu’il existe désormais un “FPS-PP”1 alimenté par un “13 %” mais je n’en sais pas plus… » Cette remarque d’un responsable formation d’entreprise est représentative du manque d’infor-mation des entreprises sur la réforme de la formation professionnelle 2009-2010. Une enquête réalisée par le ca-binet Tendance RH et OPCALIA Île-de-France du 15 février au 20 mai 2010 met en évidence ce déficit d’information et son corollaire, l’attente très forte des entreprises en termes de conseils et d’accompagnement. 45 % des entre-prises souhaitent ainsi disposer d’outils pour mettre en œuvre la réforme, contre 21 % seulement en 2008 lors de la pré-cédente édition de l’enquête. Ce pour-centage passe à 53 % pour les entre-prises de plus de 50 salariés et tombe à 37 % pour les moins de 50.Le Droit individuel à la formation (DIF) portable - celui des nouveaux salariés - arrive en tête des questions sur la mise en œuvre opérationnelle de la réforme, suivi de l’entretien professionnel pour les « plus de 45 ans », d’autant plus que « les entreprises ont tendance à faire

un amalgame entre entretien annuel, entretien de performance et entretien d’évaluation professionnelle », remarque le cabinet. Le développement du tutorat senior (fortement en lien avec le déve-loppement des accords « seniors »), les périodes de professionnalisation et la Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) suscitent également un intérêt et des demandes d’information.C’est vers leur OPCA que les entreprises se tournent pour trouver des conseils et des outils adaptés. Avec plus d’exigence qu’en 2008 : 66 % des entreprises inter-rogées contre 62 % il y a deux ans. Elles comptent notamment sur lui pour récu-pérer les 13 % de leur obligation légale versée au FPSPP. Cette participation au Fonds explique en partie la baisse glo-bale des budgets de formation en 2010 : 33 % des entreprises prévoient une baisse de leur budget contre 27 % seu-lement en 2009, en raison du versement au FPSPP mais également de la situation économique. 50 % affichent un budget constant contre 58 % en 2009, ne sa-chant pas ce qu’elles vont pouvoir récu-pérer auprès du FPSPP par le biais de

leur OPCA. Seules 17 % programment une hausse de leur budget, soit parce qu’elles anticipent la reprise, soit parce qu’elles sont en pleine restructuration. Les entités de moins de 50 salariés sont plus nombreuses à prévoir un budget en hausse cette année : 21 % contre 14 % des « plus de 50 salariés ». « Surprenant ! » commente Philippe Huguenin-Génie, directeur d’OPCALIA Île-de-France, « en général, la crise n’incite pas les PME à former ». « Ces constats méritent d’être revus en début d’année 2011 lorsque la réforme sera vraiment mise en œuvre », souligne Xavier Masse, président de Tendance RH. Pour cette nouvelle édi-tion, les consultants ont dû en effet « passer un quart d’heure avec chaque entreprise pour lui expliquer la réforme » avant d’obtenir une réponse à la ques-tion posée…

Valérie Grasset-Morel

1Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels2Enquête réalisée par téléphone auprès des DRH et responsables formation d’un panel de 195 entreprises franciliennes, de toutes tailles et de tous secteurs.

Réforme : Les entreprisesattendent plus de conseil

de leur OPCA

Les entreprises ont du mal à digérer la réforme. 66 % attendent un accompagnement renforcé de leur OPCA pour la mettre en œuvre. Dans le doute, certaines prévoient de réduire leurs dépenses de formation.

66 %

5 %

28 %

« Les entreprises souhaitent-elles que les OPCA proposent d’autres services, en particulier du conseil ? »

66 % : oui

28 % : non

5 % : NSP

Page 26: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/26

ESSENtIEL

« Avec la Convention de reclassement personnalisée (CRP), nous faisons un peu de la Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) avant l’heure », remar-que Michel Parissiadis, directeur adjoint d’Agefos PME Alsace. Dans les deux cas, on retrouve en effet les mêmes paramè-tres : d’un côté, des entreprises dont les besoins en compétences ne sont pas sa-tisfaits ou dont les emplois restent non pourvus faute de candidats (métiers en tension), de l’autre, des personnes sans emploi pour lesquels un complément de formation et un accompagnement individualisé peuvent servir de trem-plin vers l’emploi. Dans la CRP comme dans la future POE, « le rôle d’Agefos PME consiste à recenser les besoins

de ses adhérents, à collecter leur offre d’emplois et à les mettre en contact avec Pôle emploi. Le cas échéant, nous nous chargeons de trouver l’organisme de formation », poursuit Michel Parissiadis. La POE devrait permettre de renforcer ce travail de coordination entre les Or-ganismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), Pôle emploi, les PME et les orga-nismes de formation. Créée par l’Accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 et la loi du 24 novembre 2009, la « Préparation opérationnelle à l’emploi » doit permettre à un demandeur d’emploi indemnisé ou non de bénéficier d’une formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre dépo-sée par une entreprise auprès de Pôle emploi. À l’issue de la formation qui devra être dispensée préalablement à l’entrée dans l’entreprise, le contrat de travail qui pourra être conclu par l’em-ployeur et le demandeur d’emploi sera un CDI, un contrat de professionnalisa-tion à durée indéterminée ou un CDD d’une durée minimale de 12 mois. Pôle

emploi, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et l’OPCA dont relève l’entreprise concer-née cofinanceront la formation.

Donner vie à ce dispositifIl reste cependant à donner vie à ce dis-positif. C’est tout l’enjeu de la conven-tion nationale qui doit être conclue par les présidences de Pôle emploi et du FPSPP, et par l’État. Au-delà du cadre de mise en œuvre de la POE qu’il faut dé-finir (l’ANI du 5 octobre 2009 ébauche quelques pistes : le demandeur d’emploi doit être volontaire, il a le statut de sta-giaire de la formation professionnelle durant la formation, une convention doit être signée entre Pôle emploi, l’entre-prise et l’OPCA, etc.), chacun des acteurs doit clarifier sa compréhension du dis-positif : qu’est-ce qui distingue la POE de l’Action de Formation Préalable au Re-crutement (AFPR) financée par Pôle em-ploi par exemple ? (voir encadré p. 27). « L’AFPR est une subvention, un coup de pouce financier donné à l’entreprise qui doit justifier qu’elle a embauché le

La POE : prérecruter et former sur-mesure

La Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) a l’apparence de l’Action de formation préalable au recrutement (AFPr) de Pôle emploi. Elle poursuit le même objectif : rapprocher l’offre d’emploi de la demande grâce à une formation courte préalable à l’embauche, mais elle s’en démarque par la volonté de ses créateurs de partir du besoin de l’entreprise.

Jean-Michel Pottier

président de la commission Formation

de la CGPME

Page 27: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/27

demandeur d’emploi formé. La POE part du besoin de la PME qui ne dispose pas toujours des moyens en interne lui permettant de trouver les compétences qui lui manquent. L’OPCA est là pour l’épauler », répond Jean-Michel Pottier, président de la commission formation de la Confédération générale du patro-nat des petites et moyennes entreprises (CGPME) et chef de file des négociations formation pour son organisation dont la POE était l’une des propositions phares. Pour Jean-Michel Pottier, la clé de réus-site de la POE consiste à permettre aux OPCA d’agir « par délégation de Pôle emploi » sur le montage de parcours de formation individualisés. De son côté, Paul Desaigues, administrateur (CGT) du FPSPP et ancien vice-président de l’AFPA estime qu’une expérimentation de la POE « avec quelques opérateurs mandatés pour cela comme l’AFPA, les GRETA ou les Centres de Rééducation Professionnelle (CRP) pour les handi-capés », pourrait permettre d’affiner ce nouveau dispositif. « Il faut démarrer la machine POE avec des opérateurs habi-tués à faire du sur-mesure », dit-il.La POE pourrait être opérationnelle au cours du second semestre 2010. Cer-tains n’ont pas attendu son entrée en vigueur pour le placer dans la boîte à outils emploi/formation des entreprises et des demandeurs d’emploi. En Rhô-ne-Alpes, Pôle emploi, OPCALIA et l’État ont ainsi conclu en février dernier une convention de partenariat dans laquelle ils s’engagent à « examiner les condi-tions d’une coopération la plus efficace possible lorsque la mise en œuvre des (nouveaux dispositifs) sera officielle, et en particulier le montage d’actions cou-plant portage du Droit individuel à la formation (DIF), AFPR et POE ».

Valérie Grasset-Morel

1ANI du 5 octobre 2009 (pas encore étendu) surle développement de la formation tout au longde la vie professionnelle, la professionnalisationet la sécurisation des parcours professionnels.2 Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (JO du 25 novembre 2009).

Les faux jumeaux POE et AFPRCes dispositifs présentent de fortes similitudes. Dans les deux cas, il s’agit de permettre à un demandeur d’emploi retenu pour un emploi de combler un manque de compétences par une formation courte préalable au recrutement.

Quel emploi ?Dans le cas de l’AFPr, il s’agit d’un CDD d’au moins six mois, un contrat de professionnalisation ou un CDI. La POE précède un CDD d’au moins douze mois, un contrat de professionnalisation à durée indéterminée ou un CDI.

Quelles compétences ?L’entreprise qui sollicite Pôle emploi pour un recrutement assorti d’une AFPr diagnostique avec son conseiller l’écart entre les compétences du candidat retenu et les compétences requises par le poste. Dans le cas de la POE, la loi précise que ce diagnostic associe l’OPCA...

Quelle formation ?La formation (ou plutôt, la mise en situation de travail) dans le cadre de l’AFPr est d’une durée de quatre mois et 400 heures maximum. L’action peut avoir lieu chez le futur employeur ou en centre de formation. Pour la POE, aucune durée maximale de formation n’est fixée. L’AnI retient 400 heures La formation doit être dispensée préalablement à l’entrée dans l’entreprise, selon la loi, et obligatoirement en centre de formation externe (ou interne à l’entreprise).

Quel financement ?Dans le cas de l’AFPr, une aide au financement de la formation est versée à l’entreprise (en fait à l’organisme de formation par subrogation) si elle embauche effectivement le demandeur d’emploi (5 euros ttC/heure pour une formation interne, dans la limite de 2 250 euros ; 8 euros ttC/heure pour une formation externe, dans la limite de 3 600 euros). Dans le cadre de la POE, la formation est financée par Pôle emploi, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et l’OPCA qui aura conclu une convention-cadre sur la POE avec Pôle emploi.Le rapport Marx sur « la formation professionnelle des demandeurs d’emploi » (février 2010) estime que ces deux mesures « ont vocation à être regroupées ». Il propose cependant de les maintenir « toutes les deux (…) sur une période transitoire ». Ce rapport estime que la POE et l’AFPr pourraient concerner « 75 000 à 100 000 bénéficiaires à terme par an ».

Il s’agit de permettre à un demandeur d’emploi retenu pour un emploi de combler un manque de compétences par une formation courte préalable au recrutement.

Page 28: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5P/28

ESSENtIEL

Un million de demandeurs d’emploi arriveront au terme de leurs droits en 2010. Les deux tiers d’entre eux de-vraient retrouver du travail ou bénéfi-cier de dispositifs existants Allocation de Solidarité Spécifique (ASS), Revenu de Solidarité Active (RSA). C’est au der-nier tiers qu’est destiné le plan Rebond pour l’emploi. À l’issue d’une concerta-tion de plusieurs semaines, l’État et les partenaires sociaux (à l’exception de la CGT) ont conclu, le 15 avril, un accord prévoyant un effort exceptionnel de 705 millions d’euros pour les personnes épuisant leurs droits à l’assurance-chô-mage en 2010. L’objectif étant d’appor-ter des solutions à 345 000 personnes. Les partenaires sociaux se sont engagés à assumer avec l’État la prise en charge de ce plan. « Extrêmement satisfait », Laurent Wau-quiez, secrétaire d‘État à l’Emploi, salue le dialogue social qui a présidé à « ce

dispositif et répond à la dureté de la crise ». La CFDT s’est, elle aussi, félicitée de cet accord. « Enfin une solution pour tous », a déclaré Laurent Berger, secré-taire national de la Confédération.

Contrats de pro et savoirs de base privilégiésEntré en vigueur le 1er juin, le plan Re-bond pour l’emploi s’articule autour de deux volets : des mesures actives et un filet de sécurité financier. Il pré- voit 70 000 formations rémunérées et 170 000 contrats aidés ainsi qu’un ac-compagnement renforcé pour les cadres. Côté formation, les sessions reposant sur l’alternance (dont les contrats de pro-fessionnalisation), les remises à niveau des savoirs de base et les compétences transversales seront privilégiées. Mais l’essentiel des décisions est encore en discussion. Quant aux contrats ai-dés, ils concernent à la fois le secteur

marchand et le secteur non marchand. Il s’agit de dispositifs existants comme les Contrats Initiative Emploi (CIE) et les Contrats d’Accompagnement dans l’Em-ploi (CAE).Concrètement, les demandeurs d’em-ploi concernés sont informés et re-çus par Pôle emploi qui leur propose, dans le cadre d’un parcours d’insertion professionnelle renforcé, une formation ou un contrat aidé correspondant à leur projet. À défaut, ils perçoivent une aide exceptionnelle (voir encadré).Pour Jacques Voisin, président de la CFTC, « ce plan ne peut réussir que si Pôle emploi a les moyens humains de répondre à toutes les demandes. » Dans ce cas, le plan Rebond, en puisant dans le vivier des chômeurs de longue durée, pourra aussi alimenter en compétences les entreprises des secteurs en tension.

Sylvie Karsenty

Plan Rebond

Des mesures exceptionnelles pour les chômeurs en fin de droitsEntré en vigueur le 1er juin, le plan rebond pour l’emploi vise les 345 000 chômeurs arrivés en fin de droits en 2010. Pôle emploi leur propose des formations, des contrats aidés ainsi qu’une aide exceptionnelle de 454 euros par mois, pendant six mois.Des solutions qui permettront aussi d’alimenter en compétences les secteurs en tension.

Les classes moyennes concernéesLe décret du 31 mai a précisé les conditions d’entrée dans ce dispositif. Sont concernés les demandeurs d’emploi qui épuisent leurs droits entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010. Pour bénéficier d’un parcours d’insertion professionnelle renforcé, ils doivent être immédiatement disponibles, n’exercer aucune activité professionnelle, ne pas pouvoir prétendre à une allocation de solidarité ou au revenu de Solidarité Active versé à titre individuel ou au titre du foyer. À défaut d’un contrat aidé ou d’une formation, les chômeurs peuvent percevoir une aide exceptionnelle si leurs ressources mensuelles ne dépassent

pas 2 119,60 euros pour une personne seule et 3 330,80 euros pour une personne vivant en couple. Le secrétaire d’état en charge de l’Emploi avait en effet souhaité que les classes moyennes puissent bénéficier de ce plan et que les conditions de ressources ne soient pas trop strictes. (à titre de comparaison, le plafond de ressources pour bénéficier de l’Allocation de Solidarité Spécifique se situe à 605,60 euros pour une personne seule). L’aide n’est pas versée lorsque le demandeur d’emploi refuse, sans motif légitime, une des mesures proposées par Pôle emploi. Le montant de cette aide est le même que celui de l’ASS :15,14 euros par jour, soit 454,20 euros par mois. Sa durée maximale est de six mois.

Page 29: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5 P/29

KIOSQUE

à lire, à voir...Les seniors dans l’entreprise : manager ou négocier ?Nicole Raoult et Guillaume Huyez-LevratÉditions Liaisons, novembre 2009, 29 €

Connaissez-vous votre profil cérébral ?

Êtes-vous plutôt expert, organisateur,

stratège ou communicateur ?

Dans un chapitre consacré aux processus

d’apprentissage, l’auteur explique comment

connaître ses préférences cérébrales… sans

pratiquer d’autopsie. Elle s’appuie sur les

travaux de Ned Hermann, responsable de la

formation au laboratoire de recherche de la

General Electric. C’est l’une des nombreuses

méthodes présentées dans cet ouvrage pour

arriver à apprendre vite et bien. N’essayez

surtout pas de caser des apprentissages

pendant votre pause déjeuner ou à l’heure

de la sieste ! La chronopsychologie enseigne

en effet que les pics d’efficacité se situent

à 11 heures et à 17 h 30 et que la plage

13-15 heures est une période creuse.

L’auteur décrit aussi les différents types

de mémoire, propose des pistes pour

limiter l’oubli, bête noire de celui qui

apprend et présente les moyens les plus

efficaces pour développer ses capacités

de mémorisation. À ceux qui passent des

examens ou doivent maîtriser de nouvelles

procédures, elle explique par exemple

la méthode de la réactivation dont les

Qu’est-ce qu’un senior ? Nicole Raoult, directrice de

Maturescence et Guillaume Huyez-Levrat, sociologue

du travail montrent qu’il existe une pluralité de définitions par-

fois antagonistes, fondées sur l’âge, la proximité avec la retraite

ou l’ancienneté. Les pouvoirs publics contribuent à ce flou en

utilisant des bornes d’âge fluctuantes : les 55-64 ans dans la

stratégie européenne pour l’emploi, les plus de 45 ans pour

l’entretien de seconde partie de carrière, les plus de 50 ans ou

résultats seraient incontestables. Il s’agit

d’un retour systématique et régulier sur ce

qu’on souhaite mémoriser, en démarrant

dès les minutes qui suivent la phase

d’apprentissage, moment le plus propice

pour fixer les nouvelles connaissances.

La mémoire est, pour une part, un don

du ciel mais il faut aussi l’entretenir

avec vigueur !

Agrégée d’histoire, Marie Joseph Chalvin

a été professeur en lycée et en collèges

ZEP. Elle est ensuite devenue formatrice

pour le personnel de l’Éducation nationale

et s’est spécialisée dans les méthodes de

psychologie cognitive et relationnelle.

les plus de 55 ans dans le décret de mai 2009 rendant

obligatoire la négociation ou le plan d’action sur l’emploi

des seniors. Les auteurs expliquent comment définir des

populations cibles, tout en tenant compte de la diversité

des seniors en termes de compétences, d’aspirations, mais

aussi de capacité et d’état de santé. Les négociations sur

l’emploi des seniors peuvent s’intégrer dans l’agenda

des discussions déjà ouvertes par les partenaires sociaux,

notamment autour de la GPEC, « idée qui fait son chemin

contre toute attente et qui fait l’originalité de la France en

Europe en face d’un pragmatisme de bon aloi ». L’ouvrage

détaille, exemples à l’appui, les thèmes prévus par le dé-

cret de mai 2009 et présente une méthodologie pour lier

son élaboration aux enjeux RH des entreprises. Il propose

enfin des pistes de réflexion pour élargir la question, prô-

nant un « travail soutenable et durable », afin de retarder

le vieillissement au (et par) le travail.

Apprendre mieux pour les nuls

Marie Joseph ChalvinÉditions First, 22,90 €

.../...

Page 30: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

P/30 Débat Formation juillet 10 # numéro 5

KIOSQUE

à lire, à voir...

« Un site de valorisation des juniors » :

tel est la base line du site junioragir.fr,

créé par des journalistes et un technicien

audiovisuel. Un site symétrique (senioragir.

fr) se propose de son côté de « valoriser

les seniors ». Dans les deux cas, l’accueil

fournit des informations générales sur

des questions intéressant le travail de ces

deux publics : statistiques du chômage,

actions entreprises en faveur de l’emploi,

la pénibilité au travail, etc. Une rubrique

agenda indique tout ce qui est prévu dans

les semaines qui suivent : carrefour pour

l’emploi, train de l’égalité des chances,

portes ouvertes, etc. Bien entendu, on

trouve aussi sur chacun de ces deux sites

une rubrique offres d’emploi et des fiches

pratiques (rédiger son CV ou une lettre de

motivation ; tout savoir sur le contrat de

professionnalisation, etc.). Mais l’originalité

est ailleurs : ces deux sites ambitionnent

d’être des « lieux d’échange et de partage

de savoir-faire. » Ils proposent ainsi un

débat mensuel faisant intervenir des

experts sur des sujets tels que « le statut

d’auto entrepreneur », le « CV anonyme »,

etc. Ceux qui le souhaitent peuvent

également établir un lien avec leur blog,

ou rechercher des partenaires pour une

création d’entreprise. Ils ont la possibilité de

déposer leur CV voire de demander à être

(gratuitement) interviewé : l’article ainsi

consacré à une personne met en valeur

ses points forts et ses réalisations. Mieux

encore, chacun peut demander une vidéo

de présentation. Comme l’interview, elle est

Dans le prolongement des ateliers de l’alternance mis en place

en début d’année, le gouvernement a lancé le 20 mai le portail

de l’alternance. Qualifié par Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

à l’Emploi, de « Meetic de l’alternance », ce portail a pour but

de faciliter la mise en relation entre les jeunes et l’entreprise.

Les jeunes trouveront sur le site des offres de contrats de

professionnalisation et d’apprentissage. Dans un second temps,

ils pourront y déposer leurs CV. Une partie du portail sera même

consacrée aux démarches administratives. Peu de temps après

son lancement, le site comptait déjà 20 000 offres de contrats.

Dans les prochains mois, Laurent Wauquiez présentera au

président de la République et au Premier ministre, « un plan

d’action en faveur du développement de l’alternance ».

Son objectif : faire entrer 800 000 jeunes en formation en

alternance d’ici 2015, soit 200 000 de plus environ en cinq ans.

gratuite et réalisée par des professionnels,

puis consultable en ligne par tout recruteur

potentiel. Ceux-ci ont, d’ailleurs, eux aussi

la possibilité de se présenter en vidéo sur le

site. Junioragir et senioragir ne sont pas des

sites emploi classiques, souligne Martine

Triquet Guillaume, directrice éditoriale :

« Nous voulons remuer les choses dans un

esprit humaniste et citoyen, et aider les

demandeurs d’emploi à gagner en visibilité. »

De quoi vivent donc ces sites ? De rien

pour l’instant ! À terme, le flux de visites

(7 500 par mois actuellement) pourrait

inciter des annonceurs à se manifester.

En attendant, les aides publiques

demandées restent sans réponse…

Portail de l’alternance

Mettre en relation

les jeunes et l’entreprise

Base de donnéesde l’offrede formation francilienne

www.fongecif-idf.fr

Au-delà du site emploi www.junioragir.fr www.senioragir.fr

Le site du Fongecif Île-de-France donne accès à une base de

données répertoriant l’ensemble de l’offre et des organismes

de formation franciliens. Les centres de bilan de compétences

et les organismes engagés dans la VAE (validation des acquis

de l’expérience) devraient à terme venir compléter cette

source d’information. Par ailleurs, le site du Fongecif organise

des chats thématiques mensuels, dont les échanges sont

retranscrits et consultables sur le site.

Page 31: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Débat Formation juillet 10 # numéro 5

BLOC-NOTES DE PHILIPPE CAÏLA

P/31

En boxe, tout l’intérêt du combat repose sur le savant équilibre établi entre les concurrents selon qu’ils sont poids lourds, poids moyens ou poids plume. Mettez un poids lourd devant un poids plume… Je vous laisse imaginer les dégâts.

Il me semble que cette métaphore illustre l’état du marché de la formation, lorsque les règles de la concurrence s’y appliquent entre des acteurs dont la taille, la mission et la force de frappe sont disproportionnées.

Le marché de la formation est en effet très imparfait. D’abord parce que la demande est « impure ». Essentiellement constituée par une commande publique (État ou Conseils régionaux) ou parapublique (via des OPCA de branche dépositaires de la contribution obligatoire des entreprises), elle échappe encore aux individus. Ceux-ci, qu’ils soient salariés, demandeurs d’emploi ou ménages, n’agissent pas comme des acteurs de leur propre carrière. Contrairement aux Allemands, par exemple, ils sont encore loin de songer à financer eux-mêmes par la formation, ne serait-ce qu’une partie de leur sécurité professionnelle.

Ensuite parce que l’offre est extrêmement atomisée. Rappelons simplement qu’elle est portée par 13 000 organismes de formation (dont c’est l’activité principale) et 40 000 si l’on compte ceux qui ont la formation comme activité secondaire. Or, sur les 13 000 évoqués, seuls 2 % génèrent un chiffre d’affaires de plus de 3 millions d’euros.

Imposer la mise en concurrence à tout prix, voire par idéologie, dans un espace concurrentiel si hétérogène, me paraît donc dangereux pour tout le monde.

Danger pour le client qui doit choisir son prestataire dans un univers de plus en plus complexe, sans plus-value assurée. Danger pour la myriade des organismes privés à poids « plume » ou « moyen » qui se trouvent subitement confrontés au « poids lourd ». Car « le poids lourd », invité à jouer sur ce ring, ne va pas ménager sa puissance pour assurer sa victoire.Ce cercle, éminemment vicieux, peut à mon sens gravement déstructurer le marché en déclenchant une cascade de contagions : si le droit à la concurrence s’applique à la lettre, il doit s’appliquer de même aux organismes de branche financés par les OPCA, voire, aux GRETA dépendant du ministère de l’Éducation nationale.

Il faut aussi vouloir les conséquences de ce que l’on veut, nous rappelle Nietzsche en substance. À s’ériger en arbitre au risque de fausser le match, les partisans aveugles du droit à la concurrence sont-ils certains que c’est bien la meilleure tactique pour le gagner ?

Philippe CaïlaDirecteur général de l’AFPA

Inventons le marché de la formation

Page 32: débat formation - Centre Inffo · magazine édité par l’afPa association nationale pour la Formation Professionnelle des adultes ... atout d’un bon jeu est la capacité à mettre

Partagez votre

réussite !

Dirigeant d’entreprise, DRH, Responsables de formationVous avez mis en place une démarche de GPEC proposant un dispositif de reconversion performant

www.afpa.fr

Trophées de la reconversionprofessionnelle 2010

*Pour participer, inscrivez-vous dès le 17 mai sur le site de l’AFPA.

Un concours national ouvert aux entreprises*

© L

es É

ditio

ns S

trat

égiq

ues.

AP TROPHEE AFPA_01.indd 1 30/04/10 13:14