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AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

DDOC_T_2013_0048_DELOFFRE

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The art of delivering sound negociations

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  • AVERTISSEMENT

    Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]

    LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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    UNIVERSITE de LORRAINE

    Ecole Doctorale LTS - Langages, Temps, Socits / Stanislas

    LISEC EA 2310

    Laboratoire Inter-Universitaire des Sciences de lEducation et de la Communication

    Thse de doctorat en Sciences de lEducation

    Prsente par Guy DELOFFRE

    PEDAGOGIE de la NEGOCIATION COMMERCIALE Etude des reprsentations chez les tudiants

    Et propositions pour une rnovation pdagogique

    sous la direction du Professeur Eirick PRAIRAT

    Universit de Lorraine

    2 Juillet 2013

    Jury :

    - Pr Pierre-Philippe BUGNARD, Universit de Fribourg, Rapporteur

    - Pr Pierre-Andr DUPUIS, Universit de Lorraine

    - Pr Michel FABRE, Universit de Nantes, Rapporteur

    - Pr Eirick PRAIRAT, Universit de Lorraine, IUF, Directeur de thse

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    UNIVERSITE de LORRAINE

    Ecole Doctorale LTS - Langages, Temps, Socits / Stanislas

    LISEC EA 2310

    Laboratoire Inter-Universitaire des Sciences de lEducation et de la Communication

    Thse de doctorat en Sciences de lEducation

    Prsente par Guy DELOFFRE

    PEDAGOGIE de la NEGOCIATION COMMERCIALE Etude des reprsentations chez les tudiants

    Et propositions pour une rnovation pdagogique

    sous la direction du Professeur E. PRAIRAT

    Universit de Lorraine

    2 Juillet 2013

    Jury :

    - Pr Pierre-Philippe BUGNARD, Universit de Fribourg, Rapporteur

    - Pr Pierre-Andr DUPUIS, Universit de Lorraine

    - Pr Michel FABRE, Universit de Nantes, Rapporteur

    - Pr Eirick PRAIRAT, Universit de Lorraine, IUF, Directeur de thse

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE........................................................................................... 13

    PREMIER CHAPITRE :

    DE LA NEGOCIATION A LA NEGOCIATION COMMERCIALE : DEFINITIONS,

    THEORIES, DEBATS ACTUELS....................................................................................... 33

    DEUXIEME CHAPITRE :

    QUESTIONS DE RECHERCHE : METHODOLOGIE ET RECUEIL DE DONNEES..... 157

    TROISIEME CHAPITRE : TRAITEMENT DES DONNEES ET REPRESENTATIONS 211

    QUATRIEME CHAPITRE :

    RENOVER LENSEIGNEMENT : PROPOSITIONS PEDAGOGIQUES ......................... 355

    TABLE DES MATIERES, BIBLIOGRAPHIES et ANNEXES.......................................... 412

  • 6

    Dclaration dauthenticit LUniversit de Lorraine indique que les opinions mises dans les dissertations qui lui sont

    prsentes doivent tre considres comme propres leurs auteurs et quelle nentend leur

    donner aucune approbation ni improbation.

    Jatteste que ce travail est personnel, cite en rfrence toutes les sources utilises et ne comporte

    pas de plagiat

    Guy Deloffre, 2013.

  • 7

    Remerciements et crdits

    Je tiens tout dabord remercier les membres du jury qui me font lhonneur dexaminer ce

    travail.

    Je souhaite exprimer ma sincre gratitude au Professeur Prairat qui a accept de diriger mes

    travaux ; il a su, avec patience et bienveillance, me prodiguer les conseils ncessaires. Dernier

    interlocuteur de mon monde intrieur et premier interlocuteur du monde extrieur, ses

    critiques toujours constructives ont t dune grande clart et dune rigueur absolue.

    Cette recherche, rsultat dun travail collectif, naurait pu aboutir sans la coopration et la

    disponibilit de nombreuses personnes :

    Les tudiants et stagiaires adultes des programmes SupEst et Formacadre, acteurs de terrain

    qui ont particip ltude ;

    Les personnes qui ont apport une contribution directe cette recherche, en particulier Alice

    Pulpito pour son travail sur la Biennale Internationale de Ngociation et Marie Deloffre pour

    son travail sur les bibliographies ;

    Mes collgues de lICN, enseignants, techniciens, personnels administratifs, dont les conseils,

    les encouragements ou encore la participation active par la relecture, par leur patience et leur

    comprhension ont contribu la russite de ce travail ;

    Catherine, Sbastien et Marie pour avoir accompagn durant plusieurs annes, ce travail avec

    toutes ses contraintes et ses satisfactions.

    Que toutes ces personnes trouvent ici lexpression de ma profonde gratitude.

    Crdits Ce travail de recherche naurait pu tre men bien sans la participation matrielle de

    plusieurs organisations. Jexprime ici ma reconnaissance envers les institutions qui ont

    contribu en termes matriels la russite de ce travail de recherche :

    - ICN Business School, qui a permis que cette thse puisse se raliser dans de bonnes

    conditions en allouant de trs importants moyens ncessaires ;

    - D & D, Socit de Dveloppement et Diffusion, association de recherche qui a contribu

    aux investissements techniques et financiers de ce projet ;

    - le LISEC EA 2310, lEcole Doctorale LTS / Stanislas, lUniversit de Lorraine, dont les

    participations directes et indirectes ont t trs importantes.

  • 8

  • 9

    Rsum :

    Lenseignement de la ngociation commerciale est un enseignement relativement rcent. Les travaux

    sur cet enseignement mettent laccent sur les mthodes employes, les contenus transmis, lactivit des

    tudiants, le rle de lenseignant ; les savoirs pralables de ltudiant comme une des variables du

    processus ont t assez peu tudis.

    Le travail prsent dans cette thse porte son attention sur les reprsentations de la ngociation chez

    les tudiants, avec comme objectif didentifier les connaissances implicites et les reprsentations

    pralables, afin de faire des propositions de rnovation de la pdagogie : que savent les tudiants

    quand ils ne savent rien ?

    Les publics tudis sont des tudiants de premire anne et de dernire anne de cycle commercial en

    cole de commerce, ainsi que des adultes en formation continue, ayant une exprience professionnelle.

    La mthode utilise est celle des rcits crits, dont le contenu est analys par un traitement qualitatif

    laide du logiciel Alceste.

    Entre 2008 et 2011, 301 rcits de ngociation dtudiants de premire anne, 31 rcits dtudiants de

    troisime anne et 52 rcits dadultes en formation continue ont t recueillis puis traits laide

    dAlceste. Lanalyse Alceste fait ressortir 7 classes de reprsentations diffrentes chez les tudiants et

    3 classes chez les adultes. Nous avons regroup ces reprsentations collectives en trois ensembles chez

    les tudiants, et en trois ensembles diffrents, chez les adultes.

    Lanalyse des rcits de ngociation, puis des reprsentations correspondantes entre la premire anne

    et la troisime anne laisse percevoir une augmentation de la rflexivit des tudiants par rapport

    leur faon de ngocier, plus quune amlioration de leur performance.

    A la suite de cette analyse, nous proposons plusieurs scnarii de cours (de ngociation commerciale),

    en organisant les connaissances transmettre et les mthodes utiliser, en fonction des reprsentations

    pralables des tudiants et des adultes : quand des savoirs pralables sont partiellement prsents chez

    les apprenants, un rappel ou un auto-apprentissage peuvent tre utiliss. Quand des savoirs pralables

    sont absents ou incomplets, une approche plus complexe, faite dapports formels, dexercices

    pratiques, de travaux individuels ou collectifs permettant un auto-apprentissage extrieur la classe,

    est utilise. Dans tous les cas, un accent important est mis sur la rflexivit de ltudiant face ses

    apprentissages et ses pratiques. Ce travail dbouche galement sur des rflexions propos dun cursus

    complet denseignement commercial en cole de commerce : plusieurs cours (vente, ngociation, etc.),

    assurs par plusieurs enseignants, peuvent alors sarticuler dans une cohrence pdagogique

    densemble.

    Mots-cls : ngociation, ngociation commerciale, pdagogie, reprsentations pralables, tude

    qualitative, Alceste, rnovation pdagogique, enseignement, apprentissage.

  • 10

    Abstract :

    Teaching business negotiation is a relatively recent activity. Research about this activity study the

    methods used, the contents transmitted, student activities, the role of the teacher ; research about

    students knowledge as one of the variables of the process are scarce.

    The work presented in this thesis studies the representations of negotiation among students. Its goal is

    to identify implicit knowledge and previous representations, in order to make proposals for some

    improvement in a negotiation module : what do students know when they know nothing ?

    Public studied are freshmen and last year students from a business school, and adults with a

    professional experience. The method used for the study is the written story-telling, and the content of

    the stories is analyzed using the Alceste software (qualitative analysis).

    Between 2008 and 2011, 301 stories from freshmen, 31 stories of third-year students and 52 stories of

    adults were collected and analyzed with Alceste. The Alceste analysis reveals seven different classes

    of representations for the students and three classes for adults. We have grouped these collective

    representations into three conceptual sets in for the students, and three different sets for the adults.

    Analysis of stories and corresponding representations between the first year and third year shows an

    increase in reflexivity of students, more than improvement of their performance in negotiation.

    Following this analysis, we propose several course scenarios (in business negotiations) ; we organize

    the knowledge units to be transmitted and the methods to do so, by using previous representations of

    students and adults.

    When previous knowledge is partially present, self-learning or a simple recall can be used. When

    previous knowledge is missing or incomplete, a more complex approach, made of formal

    contributions, practical exercises, individual or group work allowing learning outside the classroom

    must be used.

    In all cases, strong emphasis is put on the student's reflexivity about his own thinking and practices.

    This work also leads to some reflections about a complete curriculum of business education in a

    business school : several courses (sales, negotiation, etc.) delivered by several teachers, can then be

    organized together in order to build coherence in teaching business.

    Keywords :

    Negotiation, business negotiation, negotiation teaching, learning, representations, qualitative study,

    Alceste, teaching renovation.

  • 11

    INTRODUCTION GENERALE

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    INTRODUCTION GENERALE

    1 - La ngociation : une pratique sociale, un objet de formation.

    La premire Biennale Internationale de la Ngociation se tient les 11 et 12 dcembre 2003

    Paris. Le thme de ces journes dchanges et de rflexion est La ngociation dcloisonne.

    Dans son adresse aux participants, Thierry Robin, directeur de lcole NEGOCIA, o se

    droule la Biennale, indique que Vous avez un point commun : la Ngociation vous

    intresse ou fait partie de votre vie. Pour certains, cest un objet dtude et de recherche

    acadmique, pour dautres, cest une pratique professionnelle ; quelques uns encore dentre

    vous entreprennent ou poursuivent des tudes suprieures pour lesquelles la Ngociation est

    un thme majeur. 1

    En 2005, lors de la 2e Biennale Internationale de la Ngociation, le programme de la

    manifestation pose la question suivante :

    Peut-on parler de LA ngociation en gnral ou faut-il parler DES ngociations au pluriel ?

    Cette question a t au cur des dbats de la Premire Biennale Internationale de la

    Ngociation qui a fait une large part lapport de linterdisciplinarit.

    Aujourdhui la Deuxime Biennale sinscrit dans la continuit en poursuivant lexploration

    de la pluralit des concepts de ngociation. Mais elle va plus loin, elle change aussi langle

    dapproche en mettant laccent sur limpact des transformations du monde , sur les

    relations inter-nations et inter-entreprises. 2

    Lexemple de la Biennale Internationale de la ngociation comme manifestation scientifique

    est un signe de lmergence rcente de la ngociation et de son importance, non seulement

    comme objet de recherche car cest le cas depuis plusieurs dcennies, mais galement comme

    vnement social, intgr dans un ensemble de pratiques acadmiques et dusages

    professionnels.

    1 Robin, T. (2003) in : Premire Biennale Internationale de la Ngociation, La ngociation dcloisonne, Journes dchanges et de rflexion, NEGOCIA, CCIP, Paris. 2 In : 2e Biennale Internationale de la Ngociation, Ngociation et transformations du monde, Perspectives pour la recherche et laction, novembre 2005, NEGOCIA, CCIP, Paris.

  • 14

    Pour qui sintresse la ngociation en tant que phnomne technique et social, plusieurs

    vnements associs la ngociation ponctuent lvolution et la lisibilit sociale de cette

    activit. La ngociation a t autrefois une activit plutt individuelle, relevant des individus

    (cest le cas de la ngociation daffaires, ou commerciale). Cest galement une activit

    officielle des Etats (il sagit de lacception politique et diplomatique du terme).

    Et dans un cadre plus typiquement franais, le processus de ngociation a souvent dsign une

    activit sociale collective (cest le cas de moments sociaux particuliers ou encore de la

    ngociation permanente), lie lvolution du dialogue entre partenaires sociaux. Cest

    ainsi que dans la perspective dune approche temporellement limite la seconde guerre

    mondiale, on constate que des moments politiques et sociaux importants dans lhistoire

    rcente ont marqu la ngociation en gnral : les ngociations internationales de Munich en

    1938, de Yalta en 1945, sur le plan politique ; les discussions europennes amenant la

    cration de la CECA en 1951 puis du trait de Rome en 1957, comme exemples de

    lutilisation de la ngociation comme moyen de rsoudre des problmes une poque o les

    consquences de la seconde guerre mondiale disqualifient le conflit denvergure comme mode

    dominant de rsolution.

    Ensuite, les ngociations sociales, syndicales, salariales intenses des annes 50 et 60, avec

    comme exemple particulier les accords de Grenelle, ou celles rgulirement mises en uvre

    dans de grandes entreprises, comme les mines, la sidrurgie ou encore Renault, entreprise

    souvent qualifie de laboratoire social, ont marqu le paysage politique franais. En effet,

    lalternance de conflits intenses (grve des mineurs en 1963, par exemple) et de ngociations

    longues ou rptitives (conflit des dockers, par exemple) a reprsent un facteur social

    important durant les trente glorieuses.

    Enfin, laspect turbulent de la vie actuelle des affaires, li la globalisation et la

    multiplication des acteurs conomiques et politiques internationaux, lmergence de grandes

    structures politiques de rgulation comme les Nations-Unies, lUnion Europenne ou

    lOrganisation Mondiale du Commerce1, interdisent durablement le conflit et lautarcie (la

    non-communication politique et conomique) comme modes de rgulation internationale ; la

    ngociation devient alors le principal processus dcisionnel lgitime admis et utilis. Dans un

    cadre conomique, la rgulation des changes, lie des structures comme lOMC ou la zone

    Euro, ou des comportements comme la pr-minence du dollar comme moyen de paiement

    1 OMC : Organisation Mondiale du Commerce, ou encore WTO (World Trade Organisation).

  • 15

    obligent inventer des rgles nouvelles, et l encore, la ngociation est loutil ncessaire la

    disposition des communauts, des pays, des entreprises, des individus.

    Toutes ces constatations amnent redfinir le rle et limportance de la ngociation, et en

    particulier de la ngociation commerciale, dans nos socits actuelles : la ngociation est

    depuis toujours une activit, consubstantielle lactivit humaine. Si les hommes lont

    analyse dans le pass, ctait souvent plus pour en encadrer les modalits et les pratiques

    sociales que pour la formaliser vraiment (exemple de codes de commerce trs anciens). Plus

    rcemment, elle a t considre comme une discipline technique et scientifique, objet

    dtude. En mme temps, elle est devenue une matire scolaire, enseigne lcole et en

    formation continue, essentiellement dans lenseignement suprieur, dabord dans les facults

    de droit puis dans les coles de commerce et les universits.

    Notre activit professionnelle denseignant dans une cole de commerce nancenne nous a

    amen porter notre attention sur laspect pdagogique de la ngociation commerciale, avec

    un objectif central : contribuer lamlioration ou la rnovation de son enseignement.

    2 - Lenvironnement de la recherche : lcole de commerce.

    Cette recherche a pour cadre lcole de commerce de Nancy, ICN Business School. Nous

    exerons depuis une vingtaine dannes notre activit denseignant-chercheur ICN Business

    School. Dans ce cadre, nous menons des activits denseignement, de recherche, nous

    participons directement lencadrement pdagogique des tudiants ainsi quaux activits

    internationales de lcole : enseignement, confrences, changes acadmiques

    Le site internet www.icn-groupe.fr prsente lcole avec le texte suivant :

    A propos d'ICN Business School

    Membre du Chapitre des Grandes coles de Management au sein de la Confrence des Grandes coles et membre fondateur de la Banque d'preuves ECRICOME, ICN fait partie des premires Grandes coles de Management franaises. Cr en 1905 par l'Universit de Nancy et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe-et-Moselle, l'Institut Commercial de Nancy devient en 2003 ICN Business School, tablissement d'enseignement suprieur priv, reconnu par l'tat, rattach l'Universit de Lorraine.

    Rpartie sur 3 campus, Nancy, Metz et Nuremberg, ICN accueille 2 400 tudiants dont 25 % d'tudiants trangers, qui bnficient des accords de l'Ecole avec prs de 123 universits trangres dans 45 pays. Le Groupe compte galement 69 professeurs permanents, 15 professeurs affilis, 45 visiting professors, 300 intervenants d'entreprises et prs de 10 000 Diplms.

    ICN Business School forme des tudiants et des cadres pour grer les entreprises de manire efficace et responsable et contribuer y dvelopper l'innovation par la crativit. ICN oriente sa pdagogie sur la transversalit au travers notamment de son partenariat avec l'Ecole Nationale Suprieure des Mines et l'Ecole Nationale Suprieure d'Art de Nancy (ARTEM). La communaut ICN est anime par trois valeurs fondamentales qui prennent tout leur sens dans l'ambition porte par ARTEM : l'ouverture, l'engagement

  • 16

    et l'esprit d'quipe.

    Accrdite EQUIS et AMBA, ICN fait partie des meilleurs Masters in Management mondiaux selon le Financial Times. Elle est particulirement apprcie des recruteurs. 1

    ICN Business School dlivre actuellement des programmes au niveau Bachelor, Master et

    Doctorat. En 2012-2013, le portefeuille de programmes proposs comprend 8 programmes

    diplomants et un programme certifiant. De plus, lcole propose des programmes en

    formation continue.

    La recherche que nous menons prsente plusieurs dimensions : un aspect stratgique, un

    aspect social, un aspect linguistique, un aspect technique.

    - Aspect stratgique : dans le cadre du dveloppement de lcole, li aux processus

    daccrditations internationales, notre objectif est de participer la rnovation de

    lenseignement de la ngociation commerciale en adaptant les pratiques denseignement aux

    principes, rgles et contraintes des accrditations.

    - Aspect social : notre objectif est galement dintervenir auprs de groupes dtudiants en

    dbut de cycle de formation, ainsi quauprs dadultes en formation continue. Bien que nous

    intervenions dans dautres institutions2 que ICN Business School, nous ne retenons pas dans

    ce projet les publics, tudiants et adultes, dautres institutions.

    - Aspect linguistique : dans la mesure o ce travail est men en franais, il est important de

    saffranchir des difficults potentielles, linguistiques et culturelles, que reprsentent les

    groupes dtudiants trangers non francophones ; cest pourquoi nous nous limitons ltude

    des groupes dtudiants et dadultes francophones.

    - Aspect technique : sur un plan plus technique, les phases de recueil de donnes stalent sur

    plusieurs annes : entre 2008 et 2011, soit quatre annes scolaires. Nous avons pu, tout au

    long de cette priode, mobiliser les ressources ncessaires en temps et en capacits de

    traitement de donnes pour mener le projet bien.

    3 - Les trois enjeux de la recherche.

    Cette recherche poursuit plusieurs buts stratgiques que lon peut formuler sous forme de trois

    enjeux : pdagogique, curriculaire, institutionnel.

    1 Prsentation de lcole, sur la page : http://www.icn-groupe.fr/fr/icn-business-school/presentation-dicn/presentation-et-chiffres-cles, visit en mars 2013. 2 On peut citer ici comme exemples en 2011-2012 lUniversit Nancy II ou lEcole des Mines de Nancy avec des publics tudiants, ou encore la Luxembourg School for Commerce avec des publics majoritairement adultes.

  • 17

    Mme si certaines personnes sont plus doues que dautres, on ne nat pas ngociateur. La

    ngociation commerciale, en tant quoutil professionnel utilis par les commerciaux et

    gestionnaires, doit senseigner : le talent, lexprience ne suffisent pas faire un bon

    ngociateur. Il est ncessaire dtre form puis entrain afin dtendre son portefeuille de

    connaissances et de comptences afin de mieux ngocier, ou du moins viter les erreurs. La

    ngociation doit aussi tre mieux comprise pour tre mieux enseigne, cause de la ncessit

    de former les futurs acteurs conomiques sa connaissance et sa pratique.

    La pratique de lenseignement de la ngociation commerciale constitue de plus un des aspects

    centraux du mtier de lcole de commerce.

    3. 1 Un enjeu pdagogique.

    Dans le cadre de notre activit denseignant dans une cole de commerce, mais galement

    dans dautres structures de lenseignement suprieur1, nous assurons des formations la

    ngociation commerciale auprs de nombreux publics dtudiants en formation initiale et en

    formation continue. Cette recherche sintgre dans un processus damlioration continue de

    nos connaissances et de nos pratiques pdagogiques.

    Il est important didentifier les recherches en cours et les discours sur la ngociation

    commerciale, afin den connatre les paradigmes mergents ou nouveaux, et de les traduire

    dans un enseignement adapt. En effet, la ngociation commerciale volue rapidement dans le

    monde actuel, par exemple cause de la globalisation qui implique des acteurs de diffrentes

    zones gographiques et culturelles dchanges, ou encore cause de nouvelles techniques

    (ngociation lectronique base dinternet), et il est ncessaire de suivre ces volutions et de

    les traduire dans la formation des tudiants.

    De plus, nous pensons pouvoir apporter notre contribution spcifique la recherche en

    matire de ngociation car assez peu dtudes se sont penches sur la connaissance de

    ltudiant au dpart dun cours de ngociation.

    3. 2 Un enjeu curriculaire. Les enseignements que nous assurons ne sont pas dcontextualiss : ils sinscrivent dans des

    diplmes, dans des programmes, dans des progressions pluri-annuelles lies chaque diplme

    et sont le rsultat dune activit pdagogique collective. Dautres professeurs assurent des

    1 La majorit de notre activit pdagogique se situe bien sr dans le cadre de ICN Business School, mais nous intervenons galement dans dautres institutions : Universit de Lorraine, Ecole des Mines, Chambres de Commerce, etc.

  • 18

    enseignements complmentaires, dont larticulation forme le programme des diplmes

    concerns. Cest ainsi que nous sommes amens cooprer avec les enseignants des cours de

    vente, dachats, de communication, dinterculturel, etc., afin de rendre ces cours cohrents et

    complmentaires, et construire loffre propose aux tudiants de chaque programme.

    Cest pourquoi les rsultats potentiels de cette recherche ne sont pas destins se limiter

    uniquement lenseignement de la ngociation commerciale, mais bien servir de prototype

    dune volution et dune dclinaison vers dautres matires et dautres cours1. Lenjeu est ici

    de passer dune pratique individuelle une pratique collective : dabord, considrer loffre de

    formation comme la structuration de laction collective et coordonne dun corps enseignant

    (faculty) plus que la juxtaposition dactions individuelles denseignants (teachers) ; ensuite,

    articuler les contenus et les mthodes des diffrents cours entre eux afin de construire un

    progamme cohrent qui soit lisible pour les tudiants et qui prsente une homognit avre ;

    enfin, prparer lvolution des contenus et des mthodes dune pdagogie repense, au cours

    des annes : les cours, intgrs dans un programme global correspondant un diplme donn,

    ont vocation voluer dune anne lautre en fonction du retour dexprience que constitue

    lvaluation des tudiants et lvolution des connaissances en gestion.

    3. 3 Un enjeu institutionnel : la certification des tablissements.

    La stratgie dICN Business School sinscrit dans la gnralisation des processus

    internationaux de certification des tablissements denseignement suprieur. Cette cole a

    ainsi obtenu la certification Equis2 en 2007, certification renouvele en 2010 ; elle a obtenu la

    certification AMBA3 en 2012 et la certification AACSB est actuellement en cours

    dacquisition (en 2013).

    Dans ce cadre, plusieurs facteurs de qualit sont analyss, mesurs et suivis :

    - le fait que les processus denseignement, de la fixation dobjectifs jusqu la mesure de

    lefficacit pdagogique, soient prcisment documents et dcrits,

    1 Ce que les premiers rsultats partiels du traitement des donnes ont dj servi faire : redfinir les connaissances thoriques faire passer aux tudiants. 2 Equis : certification dtablissement, dlivr par lEFMD, Fondation europenne de dveloppement de la gestion. AMBA : certification de programme, dlivr par The Association of MBAs (l'Association des MBA). AACSB : certification dtablissement dlivr par lassociation amricaine Association to advance collegiate schools of business (AACSB). 3 La certification AMBA concerne un programme, pas un tablissement ; ICN Business School, cest le programme Executive MBA (destin des adultes en formation continue) qui a reu cette certification. LExecutive MBA ne fait pas partie du primtre de notre recherche.

  • 19

    - le fait que ces processus puissent tre suivis sur une priode longue (plusieurs cycles de

    diplmes, au moins deux pour AACSB) avec une mesure rptitive de lamlioration continue

    long terme,

    - le fait que ces processus impliquent une gestion stratgique globale des ressources

    ncessaires leur mise en uvre (moyens humains comme le statut juridique des enseignants

    et intervenants par exemple, techniques, financiers, de gouvernance, etc.).

    Notre recherche sinscrit donc dans la participation de chaque enseignant la dfinition, la

    mise en uvre et au contrle long terme de ces processus damlioration au sein de lcole

    de commerce. Nous pensons que la rnovation de la pdagogie en matire de ngociation

    commerciale est de nature apporter une contribution aux exigences des processus de

    certification de notre tablissement et de contribuer son dveloppement long terme.

    4 - Une recherche en quatre moments.

    A travers ltude de la pdagogie de la ngociation commerciale, de ce que les chercheurs en

    ont dcrit depuis une trentaine dannes, nous constatons que les contenus, les mthodes

    denseignement ont t souvent tudis, mais que ltudiant lui-mme et son niveau de

    connaissances pralables (exprience et/ou savoirs implicites) ont fait lobjet de recherches

    moins nombreuses. Notre projet se donne donc plusieurs objectifs ds le dpart : mieux

    connatre les aspects actuels de la ngociation et le discours quon porte sur elle ; tudier les

    reprsentations quen ont les tudiants avant de suivre une formation la ngociation ; utiliser

    les rsultats obtenus pour rnover la pdagogie dans un cadre global.

    Nous avons t amen partir de 2007-2008 planifier et mettre en uvre un projet de

    recherche globale qui peut se prsenter par les quatre moments suivants :

    - Observation ;

    - Planification ;

    - Investigation ;

    - Application.

    Ces moments sont logiques plus que chronologiques. En effet, ds la prparation du projet,

    nous avons choisi la mthode du dveloppement simultan, selon Bell1 (1994). Il sagit, aprs

    1 Bell, R. (1994) : Les dessous des checs technologiques amricains, in : La Recherche, no 268, sept. 1994.

  • 20

    une premire prparation en dbut de projet, de dvelopper en parallle plusieurs phases dun

    projet complexe afin de rduire les dlais, de grer le chemin critique1, de combiner des

    contraintes extrieures (de type calendrier non modifiable, par exemple) avec lavancement

    du projet. Lintrt de cette mthode est de combiner des contraintes multiples et de rduire

    les dlais du projet ; le risque potentiel est de devoir constater que certaines phases du dbut

    du projet se rvlent peu utiles par la suite.

    4. 1 - Observation.

    La premire phase, que nous avons nomme observation, est une phase de recherche

    documentaire active. Il sagit dtudier lenvironnement conceptuel de la ngociation, et de

    rassembler des connaissances parses ainsi que didentifier des tendances globales. Lobjectif

    de cette phase est de faire le point sur la ngociation actuelle afin de :

    - construire un contenu de cours de ngociation commerciale utilisant lensemble des

    connaissances actuelles pertinentes sur la ngociation commerciale ;

    - calibrer les rponses (savoirs implicites et spontans) des rpondants tudiants et adultes, en

    les comparant lensemble des lments thoriques dont on dispose actuellement

    (connaissances formelles) ;

    - contribuer la prparation dun corpus de connaissances destin tre utilis dans le cadre

    dune pdagogie globale, impliquant plusieurs enseignants de disciplines connexes : vente,

    marketing, achats, ngociation, ngociation internationale, interculturel, etc.

    Cette phase sest droule partir de 2008 jusque 2012, et les rsultats de cette recherche

    documentaire constituent en grande partie le premier chapitre de la thse. Les matriaux

    tudis sont des sources gnrales (pour les dfinitions) et spcialises (pour les modles, les

    dbats actuels) comme des articles et revues, des ouvrages gnraux, des actes de

    colloques, etc.

    4. 2 - Planification.

    Nous avons nomm la deuxime phase planification, car cest celle de la prparation de la

    recherche proprement dite, la toute premire phase historique de notre projet. Cest ce

    moment que nous avons dfini les questions, les mthodes, le terrain de notre recherche. Les

    objectifs que nous nous sommes fixs :

    1 Sur le droulement dun projet, le chemin critique est form par la succession des taches qui ont les mmes dates au plus tt et au plus tard. Tout retard pris sur une tache du chemin critique allonge la dure du projet.

  • 21

    - tudier de manire globale les reprsentations pralables des tudiants et adultes en matire

    de ngociation : les savoirs implicites prsents chez les sujets,

    - aborder plusieurs publics : des tudiants de premire anne de cycle SupEst sans exprience

    pralable, des adultes en formation continue avec une exprience pralable, des tudiants en

    fin de cycle SupEst,

    - utiliser la mthode des rcits de ngociation, avec une analyse qualitative des informations

    recueillies laide du logiciel Alceste,

    - mettre au point des procdures clairement dfinies afin de pouvoir recueillir les informations

    des rcits de ngociation, de faon standardise, identique, sur plusieurs cycles ou plusieurs

    annes scolaires.

    On peut noter que la planification prend place trs tt dans le projet ; cest une phase

    relativement courte mais importante dans la mesure o elle conditionne le droulement et

    lavancement ultrieur de la recherche. Dans notre cas, cette phase de prparation sest

    droule au dbut du projet, malgr tout paralllement aux premiers recueils des rcits de

    ngociation, fin 2008. Cest ce moment que nous avons fait des choix stratgiques :

    - sur le contenu, choix dtudier les reprsentations chez les tudiants (prolongeant les travaux

    dAlbertini ou de Guillemette sur la science conomique) ;

    - sur les publics, choix des groupes dtudiants1 interroger ;

    - sur la mthode, choix dune mthode qualitative, dune analyse informatise, choix et

    utilisation du logiciel Alceste ;

    - sur les processus, ncessit de se former aux logiciels de traitement de donnes, en

    particulier nVivo et Alceste, afin de pouvoir choisir le plus adapt et optimiser son

    utilisation.

    4. 3 - Investigation.

    Nous avons appel la troisime phase investigation ; cest la phase de recherche active, du

    recueil et traitement des informations. Cest la phase la plus longue, se droulant sur quatre

    annes scolaires dans le cas des tudiants de premire anne, cest--dire entre 2008 et 2011.

    Durant cette phase, nous effectuons plusieurs actions successives :

    - contacter les groupes dtudiants et dadultes pour leur fournir des instructions sur ltude,

    puis recueillir les rcits de ngociation ;

    1 Nous avons par exemple dcid de ne pas utiliser des rcits de ngociation recueillis auprs dtudiants de premire anne de Master lUniversit Nancy II, tout en ayant dj effectu le recueil de ces rcits.

  • 22

    - traiter et coder les rcits pour transformer cet ensemble de textes individuels en un corpus

    analysable par le logiciel ;

    - utiliser Alceste pour analyser les donnes, et dgager des classes de reprsentations

    linguistiques ;

    - repenser ces classes linguistiques obtenues par le logiciel pour obtenir des classes

    conceptuelles ;

    - comparer les reprsentations entre elles, particulirement celles des tudiants en dbut et fin

    de cycle, afin den mesurer lvolution ou du moins les changements ;

    - analyser les classes afin didentifier les savoirs implicites des tudiants et adultes, et en tirer

    des consquences quant aux savoirs explicites transmettre lors dun cours, et la faon de le

    faire (cette transmission en prparation correspond la phase dapplication).

    Durant la phase dinvestigation, nous avons travaill de faon parallle et squentielle en

    mme temps : recueil des rcits et codage faits en mme temps ; traitement des donnes

    dabord partiel, puis complet et dfinitif ralis partir de lt 2010 pour les rcits dadultes,

    dont les derniers groupes sont recueillis au printemps 2010 ; codage final puis traitement

    complet partir de lt 2011 pour les rcits dtudiants dont les derniers sont recueillis en

    fvrier 2011.

    Les rsultats du traitement complet de lensemble des corpus ralis en septembre 2011

    montrent que plusieurs reprsentations sont visibles travers les classes obtenues par

    Alceste :

    - de nombreux lments de savoirs implicites sont prsents chez les tudiants ; en

    paraphrasant Albertini, on pourrait dire propos des tudiants, quils savent pratiquement

    dj tout propos de la ngociation. Quelques lments de savoirs seulement manquent

    lunivers cognitif de la population de 400 sujets, tudie au long des quatre annes scolaires

    (au niveau de la formalisation de tactiques, par exemple) ;

    - toutefois, ces multiples savoirs implicites sont parcellaires, dcontextualiss ; ils sont

    galement pour partie peu conscients : les tudiants ne savent pas quils savent. Laspect

    granulaire de ces savoirs ressort de lanalyse informatise des rcits ;

    - derrire les savoirs implicites, on peut identifier des reprsentations et conceptions

    collectives. Lanalyse Alceste des rcits dtudiants de premire anne fait ressortir 7 classes

    diffrentes, rsultat de lanalyse linguistique. Nous rduisons ces 7 classes linguistiques 3

    ensembles conceptuels. Dans le cas des rcits dadultes, les 3 classes linguistiques dgages

    par le logiciel sont le reflet de 3 modes conceptuels de ngociations couramment rencontrs

    en entreprise. La comparaison des reprsentations des tudiants en dbut et en fin de cycle fait

  • 23

    ressortir une volution de la capacit prendre du recul sur leur pratique : ils ne savent pas

    tout, mais ils savent quils savent ce quils savent.

    La connaissance de ces lments de savoirs implicites est ncessaire : elle aide organiser,

    non pas le contenu dun cours, mais la rpartition des lments conceptuels faire passer

    auprs des apprenants : sur quoi faut-il insister ; quels lments peut-on faire passer plus

    rapidement.

    4. 4 - Application.

    La quatrime phase : application, cest--dire lutilisation des rsultats de ltude pour

    prparer une rnovation de la pdagogie, est un aspect important de notre projet qui volue et

    change in fine de nature pour devenir une recherche-action. Cette phase en dveloppement

    depuis lautomne 2011, est actuellement (dbut 2013) en cours de concrtisation et de

    dploiement. Elle doit se poursuivre sur plusieurs annes scolaires cause dune certaine

    complexit et des contraintes lies au mtier saisonnier et cyclique de lcole.

    Cest ainsi que plusieurs facteurs sont venus linfluencer depuis 2011 :

    - les procdures de certification EQUIS et AACSB (pour ICN, renouvellement dEquis en

    2013, Aacsb en cours dimplmentation) amnent repenser la pdagogie en lorientant

    autour des notions de programme et de cycle : dune part, envisager un programme en entier,

    dautre part, laborer les contenus et aurtout les modalits dvaluation au long de la totalit

    dun cycle denseignement1 ; elles amnent galement rorganiser le corps enseignant

    (faculty) en fonction dindicateurs quantitatifs2, particulirement dans les cas dAacsb ;

    - lorganisation de lenseignement sous forme de modules, sous la responsabilit dun

    enseignant dsign (la plupart du temps, un permanent, mais pas toujours), et faisant

    intervenir un ou plusieurs enseignants (il arrive assez souvent quun enseignant ne donne pas

    de cours dans le module dont il est responsable) oblige concevoir un enseignement et des

    modalits dvaluation sous forme de travail collectif ;

    - la connaissance des reprsentations et des savoirs pralables des tudiants et adultes permet

    de redfinir la transmission des connaissances durant les cours de ngociation : articuler les

    apports formels approfondis et ceux qui peuvent tre plus lgers, ou faits en dehors du cours

    formel, sous forme de rappels, dapports complmentaires ou encore dauto-apprentissages.

    1 Le cycle reprsente trois annes denseignement dans le cas du programme SupEst - Bachelor ; quatre mois dans le cas du programme Formacadre en continu, ou deux annes dans le cas du programme Formacadre temps partiel. 2 Par exemple, donner la priorit des interventions des enseignants permanents plutt qu des vacataires.

  • 24

    5 - La prsentation du document de thse : les chapitres.

    A travers les quatre moments logiques de notre projet, nous avons prsent plus haut laspect

    recherche de la thse. Toutefois, la mise en forme du document crit final ne correspond pas

    ncessairement aux phases de cette recherche. Nous avons fait le choix de prsenter des

    chapitres pour que le contenu linaire soit cohrent avec une lecture continue, et que celle-ci

    en soit facilite.

    Le Ministre de la Recherche1 prsente la thse comme :

    1 une production de lesprit ;

    2 laboutissement dun travail de recherche ;

    3 un exercice acadmique valid par lobtention dun grade universitaire ;

    4 un document riche dinformations scientifiques originales . (2007 : 3)

    Dans ce cadre et particulirement propos des points 2 et 4, la thse est autant un vecteur de

    communication quun document scientifique, et la mise en forme des informations prsentes

    doit aller au del de la simple juxtaposition dlments.

    Nous avons donc prsent les informations de cette recherche sous forme de chapitres diviss

    en sections. Le matriau recueilli pendant ltude elle-mme : rcits de ngociation, et

    rapports de traitement Alceste, sont disponibles en annexe, sous forme de document

    lectronique cause de leur taille importante. Nous avons choisi la logique suivante pour la

    prsentation des rsultats dans la thse, dun sujet assez large vers des sujets plus techniques :

    - le premier chapitre traite de la ngociation en gnral, il met laccent sur les concepts de la

    ngociation et son acception sociale actuelle ;

    - le deuxime chapitre prsente les questions et les mthodes de notre recherche, il prsente le

    terrain choisi ;

    - le troisime chapitre prsente les rsultats de lanalyse des donnes recueillies : travail

    technique du logiciel, classes obtenues, interprtation sous forme de reprsentations de la

    ngociation ;

    - le quatrime chapitre prsente des rflexions pdagogiques puis des propositions de cours de

    ngociation commerciale, utilisant les savoirs implicites identifis durant lanalyse des rcits

    de ngociation.

    1 Guide pour la rdaction et la prsentation des thses lusage des doctorants, Ministre de la Recherche, 2007, p. 3.

  • 25

    5. 1 - Premier chapitre.

    Dans le premier chapitre, nous partons de la ngociation en gnral pour parvenir la

    ngociation commerciale : il est clair quun travail exhaustif sur les aspects et les dimensions

    de la ngociation constituerait ici une thse complte, et nous avons fait le choix dune

    approche limite, historique, discursive, conceptuelle, polmique, et enfin, applique.

    La premire section constitue un rappel historique : comme nous travaillons sur la ngociation

    commerciale, nous avons tudi les acceptions du terme ngociation depuis le dbut de lre

    industrielle : nous cherchons vrifer si la dfinition de la ngociation varie avec le

    dveloppement conomique de la rvolution industrielle.

    Dans la deuxime section, nous tudions lvolution du discours sur la ngociation depuis

    1945, cest--dire la deuxime guerre mondiale (au moment de la parution douvrages

    importants, comme ceux de la thorie des jeux). Nous nous intressons surtout des auteurs

    qui ont crit des textes de synthse.

    Dans les sections suivantes, rparties de III V pour quilibrer leurs tailles respectives, nous

    prsentons plusieurs modles gnraux de la ngociation, descriptifs et prescriptifs. Le

    premier modle : la thorie des jeux, est descriptif et dcrit le contenu de la ngociation et les

    stratgies. Le deuxime modle : la ngociation raisonne, est prescriptif, et propose une

    mthode pratique de ngociation. Nous prsentons galement des critiques qui en ont t

    faites. Le troisime modle, celui de Sawyer & Guetzkow, est descriptif, il analyse la

    ngociation en tudiant linfluence mutuelle des variables de processus entre elles. Le

    quatrime modle, de Coltri, est dessence juridique. Laurie Coltri, juriste, tudie les rles

    sociaux des ngociateurs et leur influence sur la situation et le processus dcisionnel de la

    ngociation. Le cinquime modle, celui de Moran & Stripp est descriptif, il dcrit 12

    variables qui influent sur la ngociation dans les entreprises linternational.

    En conclusion de cette partie, nous faisons un rcapitulatif des variables qui influent sur la

    ngociation, avec leur importance relative dans chaque modle, ce qui permet didentifier les

    apports de chacun.

    La section VI est consacre aux questionnements actuels travers lactualit de la recherche

    en ngociation. Nous avons choisi pour clairer les dbats actuels, trois supports o

    interviennent des chercheurs franais ou francophones :

  • 26

    - une confrence, la Biennale Internationale de Ngociation1 ;

    - une revue francophone, la revue Ngociations2 ;

    - une lettre dinformations internationale, la lettre PIN Points3.

    Ces trois supports de diffusion des connaissances permettent de percevoir lactivit des

    chercheurs francophones et leur participation aux rseaux internationaux.

    La Biennale Internationale de la Ngociation est un lieu de rencontre, dchanges des

    chercheurs actifs en ngociation ; elle permet didentifier les courants, les sujets, les

    tendances, actuels. Cest l que se rencontrent les chercheurs, les enseignants et les

    professionnels de la ngociation. Cest un lieu o sont prsentes les pratiques actuelles de

    ngociation, autant sinon plus que les approches thoriques. Dans la section VI, nous avons

    identifi plusieurs thmes rcents, en particulier ceux que Pulpito (2011) a fait ressortir dans

    une analyse des quatre Biennales, en particulier les tactiques lies au conflit, la mdiation. Il

    est noter que, pour des raisons techniques et financires lies lorganisation du congrs, la

    dernire Biennale sest tenue en 2010.

    La revue Ngociations, relativement rcente, est un espace de publication francophone o lon

    peut identifier les courants actuels de la recherche. Elle se prsente sous forme de numros

    gnraux et thmatiques ; elle revendique clairement un aspect acadmique, quand la

    Biennale est plus applique ou professionnelle. Nous prsentons un classement des thmes

    gnraux des articles de la revue ainsi quen annexe, une bibliographie complte des numros

    parus jusque fin 2011.

    La lettre dinformation PIN-Points est internationale ; elle dborde le cadre dun espace

    strictement francophone mais nous avons fait le choix de la prsenter ici car de nombreux

    chercheurs franais et francophones sont membres du groupe PIN et publient activement et

    rgulirement dans la lettre. Nous prsentons une analyse des thmes prsents en relation

    avec lactualit internationale de la ngociation, ainsi quune bibliographie (non exhaustive)

    denviron la moiti des numros parus entre 1980 et 2011.

    La section VII est consacre la ngociation commerciale : nous prsentons le

    positionnement des cadres thoriques (lis la dualit classique : vente - ngociation), puis

    deux modles thoriques, celui de Dupont et celui de Darmon, qui analysent le process de la

    ngociation commerciale travers plusieurs variables dont la notion de risque.

    1 La Biennale Internationale de la Ngociation sest tenue dans les locaux de lEcole de commerce Negocia Paris en 2003, 2005, 2007, 2010. 2 La revue Ngociations est dite par De Boeck, les textes en sont disponible sur le portail Cairn.info 3 PIN-Points est la lettre dinformation publie par le groupe dtudes PIN : Process on International Negotiation, hberg en Autriche par IIASA jusquen 2011, puis aux Pays-Bas par Clingendael.

  • 27

    5. 2 - Deuxime chapitre.

    Le deuxime chapitre est consacr aux questions de recherche et la prsentation du terrain et

    des mthodes de notre projet ; il se compose de six sections.

    Dans la premire section, nous tudions le mcanisme de la reprsentation afin den dgager

    les aspects utiles pour ltude : un aspect individuel et social, collectif ; nous prsentons

    galement les aspects processus et contenu de la reprsentation.

    La deuxime section est consacre aux questions de recherche et aux hypothses que nous

    avons mises quant aux reprsentations. La question centrale est celle des savoirs pralables

    chez les tudiants et adultes, des reprsentations qui peuvent servir de base une rnovation

    pdagogique, reprise de Albertini (1984) : que savent-ils quand ils ne savent rien ? Nous

    largissons les 6 hypothses centrales par 13 sous-questions lies lexprience des sujets,

    aux aspects conceptuels de la ngociation, aux domaines enseigner.

    La section 3 explique trois dcisions techniques que nous avons prises : le choix de lcrit

    pour la mise en forme des informations recueillies, le choix dune mthode danalyse

    qualitative, le choix du logiciel Alceste pour lanalyse des donnes.

    Dans la section 4, nous dcrivons la mthode et le protocole suivis pour recueillir les donnes

    de ltude. Le calendrier des phases de recueil de donnes est dcrit, ainsi que les actions

    menes auprs de chaque groupe de sujets, tudiants et adultes.

    La section 5 prsente les caractristiques et le mode de fonctionnement du logiciel Alceste.

    Nous avons t amen dcrire le fonctionnement technique du logiciel, suite la formation

    que nous avons suivie : le logiciel nest pas intuitif, sa puissance de traitement rend ses

    fonctions techniques assez complexes utiliser. Par ailleurs, sa documentation technique est

    assez sommaire et nous avons t amen la complter.

    La section 6 prsente le protocole suivi par Alceste pour traiter les informations recueillies,

    des groupes observs, la mise en forme des rcits et leur prparation pour le traitement

    informatis.

    5. 3 - Troisime chapitre.

    Dans le troisime chapitre, nous prsentons le rsultat de ltude sur les reprsentations des

    tudiants. Ce chapitre se compose de quatre sections de structure identique mais de taille

    diffrente ; en effet, leur taille est lie aux rsultats de lanalyse des donnes, et Alceste fait

  • 28

    ressortir 7 classes chez les tudiants de premire anne, contre 3 classes pour les adultes et 3

    classes pour les tudiants de troisime anne, et seulement 2 classes pour les 31 rcits de

    premire anne. Il est complt par les documents disponibles en annexe : les rcits de

    ngociation, et les rapports bruts de traitement Alceste.

    Chaque section est divise en 4 sous-sections : deux descriptives, puis deux analytiques.

    En ouverture de chaque section, nous prsentons des informations gnrales sur le groupe de

    rcits analyss : structure et taille du corpus, nombre de mots, etc. La rpartition en classes

    avec les mots prsents et absents est ensuite dtaille pour chaque groupe de rcits, ainsi que

    le sujet des rcits les plus centraux de la classe.

    La troisime sous-section est lanalyse du contenu des situations rapportes : nous partons des

    classes Alceste bases sur les paragraphes1, et remontons aux rcits correspondants pour en

    analyser le contenu. De manire systmatique, nous prsentons lobjet de la ngociation et ses

    caractristiques, puis les interlocuteurs de la ngociation, puis les moments et les phases de la

    ngociation, cest--dire son droulement, et enfin une synthse des situations de la classe.

    La quatrime section est une prsentation de lanalyse factorielle, avec utilisation de la

    reprsentation graphique dAlceste. Nous prsentons les classes sparment, puis les

    regroupements de classes, et nous cherchons dans lanalyse, interprter les axes de lanalyse

    factorielle. Cette interprtation est arbitraire, elle est le rsultat dune lecture multiple des

    classes et des situations.

    La conclusion de chaque section2 est une analyse conceptuelle des classes : nous passons

    dune analyse linguistique une analyse conceptuelle en faisant ressortir des conceptions

    implicites et homognes de la ngociation chez les sujets. Pour ne donner quun exemple ici,

    nous pouvons rduire les 7 classes des rcits dtudiants trois grandes conceptions de la

    ngociation.

    5. 4 - Quatrime chapitre.

    Le quatrime chapitre est celui des propositions pdagogiques : cest l que les rsultats de

    ltude des reprsentations sont utiliss pour rnover la pdagogie de la ngociation

    commerciale, cest--dire intgrer les reprsentations des tudiants dans lorganisation du

    contenu dun cours, et proposer deux types de droulements de cours. 1 Chaque rcit est dcoup par Alceste en paragraphes, qui sont nomms units de contexte lmentaires (UCI). 2 Nous prsentons seulement trois analyses : pour les 301 rcits dtudiants, pour les 52 rcits dadultes, et pour les 31 rcits dtudiants de troisime anne. Alceste ne peut faire danalyse factorielle pour les 31 rcits dtudiants de premire anne car le traitement ne produit que deux classes.

  • 29

    Dans la premire section, nous prsentons des travaux de recherche portant sur

    lenseignement de la ngociation aujourdhui ; ils se focalisent pour la majorit dentre eux

    sur la faon denseigner, sur les mthodes pdagogiques.

    Dans la deuxime section, nous tudions les caractristiques des objectifs pdagogiques et la

    faon de les dfinir pour quils soient efficaces et ralistes. Dans cette section, nous

    dveloppons lensemble des contraintes que reprsentent les normes de certifications dans ce

    domaine. Nous proposons ensuite une taxonomie simplifie et oprationnelle de nos propres

    objectifs denseignement.

    Dans la troisime section, nous revenons sur les rsultats de ltude des reprsentations pour

    reprendre ce que les apprenants possdent comme savoirs pralables. Nous prsentons,

    groupe par groupe, ce quils savent et ce quils ne savent pas. Un tableau rcapitulatif permet

    une vision synhttique des savoirs implicites chez les publics observs.

    Dans la quatrime section, nous faisons des propositions : dabord, nous prsentons les

    objectifs dun cours ou dun module de formation la ngociation, avec des exemples

    dobjectifs et de leur traduction oprationnelle ; ensuite, nous faisons deux propositions de

    scenario de cours destins des adultes et des tudiants. La conclusion porte sur le fait que

    cette partie est en cours dimplmentation, elle sinscrit dans une stratgie long terme de

    rnovation pdagogique.

  • 30

  • 31

    PREMIER CHAPITRE :

    DE LA NEGOCIATION A LA NEGOCIATION COMMERCIALE : DEFINITIONS, THEORIES, DEBATS

    ACTUELS

  • 32

  • 33

    PREMIER CHAPITRE :

    DE LA NEGOCIATION A LA NEGOCIATION

    COMMERCIALE : DEFINITIONS, THEORIES, DEBATS ACTUELS

    Laction de ngocier et lactivit de ngociation sont des activits consubstantielles

    lactivit humaine, de fait aussi anciennes que celle-ci, particulirement en ce qui a rapport

    aux changes sociaux et conomiques et au commerce. Depuis que les hommes vivent en

    socit et interagissent ensemble, ils changent des biens, des produits, ils vendent et

    achtent, ils conduisent des ngociations et particulirement des ngociations commerciales.

    Lobjectif de ce premier chapitre est de prsenter une vision de la ngociation et du discours

    port sur elle depuis le XVIIIe sicle, et principalement plus rcemment depuis la seconde

    guerre mondiale, tout en tenant compte de linfluence de penses plus anciennes sur les

    concepts de la ngociation. En effet, la formalisation de ce quest la ngociation est

    relativement rcente. On sait bien sr que plusieurs ouvrages sont venus dcrire et expliquer

    ce quest la ngociation en Chine, en Occident, en Europe, et ce, ds lAntiquit. Sun Tsu ou

    Machiavel sont des noms relativement communs dans la littrature sur la stratgie et la

    ngociation.

    Cependant, dcrire lhistoire des crits traitant de ngociation serait une tche intressante

    mais hors de propos ici, car nous cherchons analyser comment le discours sur la

    ngociation, principalement commerciale, sest structur puis a volu depuis 1945, afin de

    percevoir ltendue des paradigmes dominants actuels dcrivant cette activit.

    Cette prsentation du discours port sur la ngociation se divise en plusieurs parties, chacune

    correspondant une section du chapitre :

    Dans la section I, nous tudions lexistence et la nature dune relation entre la rvolution

    industrielle et la pense stratgique conomique ; comment pense-t-on et dfinit-on la

    ngociation la fin du XVIIIe sicle, et quels lments prennent en compte les dfinitions

    lexicales franaises du XIXe sicle ? Par ailleurs, nous proposons quelques dfinitions de la

  • 34

    ngociation, hier et aujourdhui, donnes par les dictionnaires, par les spcialistes franais et

    anglo-saxons.

    Dans la section II, nous dcrivons comment le discours sur la ngociation a historiquement

    volu depuis 1945 ; quels ont t les concepts, les paradigmes principaux, gnrateurs

    dcoles de pense ; quels moments et points dancrages conceptuels on peut identifier.

    Dans la section III, nous prsentons plusieurs types et classes de modles de la ngociation

    que lon peut observer aujourdhui et qui sont reprsentatifs dune certaine diversit des

    thories ; cette diversit dans les modles peut tre utile car reprsentatives de nombreuses

    situations.

    Dans la section IV, nous nous intressons aux dbats actuels, lactualit de la recherche sur

    la ngociation : nous avons choisi trois supports de diffusion des connaissances lies la

    recherche en ngociation, qui contribuent structurer et dcrire la pense actuelle de la

    ngociation travers la communaut des chercheurs et de leurs proccupations.

    Dans la section V, nous dcrivons les principaux paradigmes de la ngociation commerciale

    et daffaires daujourdhui. Celle-ci est en effet actuellement aborde de manire spcifique

    par les chercheurs ; elle correspond galement au centre de gravit de nos proccupations de

    recherche.

  • 35

    SECTION I :

    De la rvolution industrielle du XVIIIe sicle

    la ngociation commerciale du XXe sicle.

    Nous avons dfini comme lun de nos premiers objectifs dtudier le discours port sur la

    ngociation depuis 1945, pour les raisons suivantes : la dimension principale lie la

    ngociation cette poque est linternationalisation de la vie politique et des affaires ; le

    conflit qui se termine alors vient dtre mondial, et sa dimension plantaire correspond ce

    que lon nomme aujourdhui globalisation.

    La production industrielle intensive et mondialise des annes de guerre renvoie la question

    de la rvolution industrielle : si les changes commerciaux sont universellement pratiqus la

    sortie de la guerre, y a t-il eu une mergence du concept de ngociation commerciale au

    moment de la rvolution industrielle, cest--dire au moment du dveloppement important des

    changes internationaux de biens et de services ?

    Comment pense-t-on la ngociation commerciale au moment de la rvolution industrielle, la

    fin du XVIIIe sicle, cest--dire une poque o laugmentation forte des relations daffaires

    et des changes structure le commerce et la distribution ? Bien que notre travail, orient vers

    la pratique actuelle de la ngociation, ne se donne pas dambition historique, il est utile

    didentifier la faon dont les grands changements et le dveloppement conomique de cette

    poque cristallisent la conception des affaires en gnral et de la ngociation en particulier.

    Cest pourquoi nous proposons dtudier dans cette section des dfinitions de la ngociation,

    de prsenter diffrentes acceptions du terme et den identifier les concepts principaux,

    particulirement ceux de la ngociation commerciale. Nous choisissons de dfinir le concept

    de ngociation travers une approche historique rapide, en nous intressant aux dfinitions

    lexicales, et aux dfinitions de spcialistes et chercheurs. Nous avons regroup en annexe des

    dfinitions des termes ngociation, ngocier, etc. tires de dictionnaires des deux derniers

    sicles. En effet, comme le champ de la ngociation est encore et toujours volutif dans ses

    dimensions constitutives, non seulement par la multiplicit des approches, mais galement par

    lensemble des dfinitions proposes dans la littrature, il nous semble pertinent de donner ici

    un aperu large (mme sil ne peut tre que partiel) de ce quon appelle ngociation

    aujourdhui. Nous tablissons une distinction entre des dfinitions fournies par les auteurs

    francophones et dautres qui sont prsentes par des auteurs anglo-saxons.

  • 36

    I. 1 Influence de la rvolution industrielle sur le concept de ngociation commerciale.

    Selon Jacques Le Goff, cit par Kin (2008), lun des changements fondamentaux du XVIIIe

    sicle est la rvolution industrielle : au Moyen Age, il y avait des ateliers, mais pas

    dusines (2008 : 8). Pour lui, bien que la Renaissance ait apport certains progrs, cest

    seulement la fin du XVIIIe sicle que se produit une rupture conomique de fond avec le

    Moyen Age.

    Les travaux dAdam Smith permettent dapporter des lments complmentaires : la

    rvolution industrielle se caractrise par des changements profonds et rapides des socits de

    la fin du XVIIIe sicle, particulirement en Angleterre.

    Les lments dclencheurs de ces changements sont : (1) lutilisation de forces et puissances

    importantes permises par la technique de la vapeur et des machines vapeur ; (2) la capacit

    de transporter de grandes quantits de produits, par les canaux puis par le chemin de fer, donc

    de les changer ; (3) la division du travail qui permet une augmentation importante de la

    productivit individuelle et donc de la production globale. Cette capacit des hommes

    produire des biens en grande quantit et les transporter vite et loin reprsente un saut

    technologique avec les priodes prcdentes, Moyen Age et Renaissance.

    Adam Smith (1776)1 dcrit ces mcanismes parmi dautres dans le deuxime de ses ouvrages

    classiques : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Il en

    souligne limportance dans le dveloppement conomique : selon lui, la division du travail

    amne un accroissement de productivit par trois circonstances diffrentes : premirement,

    un accroissement dhabilet chez chaque ouvrier individuellement ; deuximement,

    lpargne du temps qui se perd habituellement quand on passe dune espce douvrage une

    autre ; et troisimement enfin, linvention dun grand nombre de machines qui facilitent et

    abrgent le travail, et qui permettent un homme de remplir la tche de plusieurs (1776

    1888 : 11). Pour lui, le rsultat de la division du travail est laccroissement de la production :

    en divisant les tches et en organisant la production en squences, on devient capable de

    produire une quantit de biens beaucoup plus grande quauparavant. On assiste alors au

    passage dune organisation artisanale vers une organisation industrielle. Il constate les effets

    bnfiques de cette division en donnant de nombreux exemples de produits, lis la

    1 Courcelle-Seneuil, Jean-Gustave : Adam Smith : richesse des nations. 1888. Ouvrage disponible sur BNF.Gallica, tlcharg en 2012. Courcelle-Seneuil reprend le texte intgral de Adam Smith, dans la traduction de Germain Garnier.

  • 37

    complexit du monde et des interactions entre les hommes producteurs, ou agents

    conomiques (1776 1886, Livre I).

    Il dveloppe galement la ncessit de lchange et de la coopration travers

    linterdpendance conomique : dans une socit civilise, [lhomme] a besoin tout

    moment de lassistance et du concours dune multitude dhommes Cest ce que fait celui

    qui propose un autre un march quelconque ; le sens de sa proposition est celui-ci :

    Donnez-moi ce dont jai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-mme ; et

    la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont ncessaires sobtiennent de cette

    faon (1776 1886, Livre I, ch. 2).

    Il identifie ce que lon nomme aujourdhui besoin ou intrt, travers la ncessit de

    lchange et du rapport cot / valeur ; ce qui cote lun na pas la mme valeur pour lautre

    et cest la mesure de cette diffrence entre le cot et la valeur qui fonde lintrt de

    lchange : Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bire et du

    boulanger que nous attendons notre dner, mais bien du soin qu'ils apportent leurs intrts.

    Nous ne nous adressons pas leur humanit, mais leur gosme et ce n'est jamais de nos

    besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage. (1776 1886, Livre II).

    Adam Smith indique que chaque personne agit par intrt personnel, que laddition et la

    combinaison des intrts particuliers gnre lintrt gnral. La spcialisation des hommes

    les amne rechercher un espace o il peuvent proposer leur spcialit dautres, et cet

    espace, que Smith nomme le march, est limit par la facult dchange. La facilit

    transporter des biens afin de les changer, en utilisant des moyens de transport (Adam Smith

    donne lexemple dun chariot et dun bateau en calculant leur capacit relative transporter

    des marchandises) tend le march vers une taille qui permet chacun de trouver un espace

    dchange la mesure de ses capacits de spcialisation. Il explique que cette facilit lie la

    technologie du transport maritime, quil compare au transport terrestre, permet de transporter

    et dchanger des biens de valeur limite, rapporte au cot du transport.

    Les concepts quil manipule sont ici ceux des cots de transaction : la fonction transport, vue

    sous langle de la transaction de lchange, a un cot. Et lchange se justifie si le cot de la

    transaction est supportable, compar au gain potentiel de lchange lui-mme.

    Adam Smith dveloppe galement le concept de main invisible, qui correspond

    linterdpendance des acteurs conomiques et leurs relations mutuelles. Il tablit une

    relation entre le mcanisme darticulation des gosmes individuels et le dveloppement de la

    collectivit : Mais le revenu annuel de toute socit est toujours prcisment gal la

    valeur changeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutt cest prcisment la

  • 38

    mme chose que cette valeur changeable. Par consquent, puisque chaque individu tche, le

    plus quil peut, 1 demployer son capital faire valoir lindustrie nationale, et 2 de diriger

    cette industrie de manire lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu

    travaille ncessairement rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la socit.

    la vrit, son intention, en gnral, n'est pas en cela de servir l'intrt public, et il ne sait

    mme pas jusqu' quel point il peut tre utile la socit. En prfrant le succs de l'industrie

    nationale celui de l'industrie trangre, il ne pense qu' se donner personnellement une plus

    grande sret ; et en dirigeant cette industrie de manire ce que son produit ait le plus de

    valeur possible, il ne pense qu' son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres

    cas, il est conduit par une main invisible remplir une fin qui n'entre nullement dans ses

    intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la socit, que cette fin

    n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intrt personnel, il

    travaille souvent d'une manire bien plus efficace pour l'intrt de la socit, que s'il avait

    rellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs

    entreprises de commerce, travailler pour le bien gnral, aient fait beaucoup de bonnes

    choses. Il est vrai que cette belle passion n'est pas trs commune parmi les marchands, et

    qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en gurir. (Recherches, 1776, livre IV,

    ch. 2)

    A lpoque des travaux de Adam Smith, on constate que les concepts et les principes des

    changes conomiques utiliss actuellement sont dj prsents. Smith ne leur donne pas la

    dfinition que nous tenons pour usuelle aujourdhui, mais son approche est conceptuellement

    intressante pour apprhender les notions de jeu, dchange, dintrt. On peut lister ici des

    concepts lis la ngociation commerciale, qui sont utiliss par Smith :

    - intrts et besoins : chacun poursuit ses intrts propres, en fonction de ses besoins ;

    - interdpendance et change : en fonction de leurs besoins, les hommes sont interdpendants,

    et lchange est une technique1 pour satisfaire les besoins de chacun ;

    - concepts de valeur, de cot : lintrt de chacun se mesure la valeur quon donne aux

    choses ; changer, cest acqurir moindre cot des choses de valeur ;

    - division des tches : elle permet daugmenter fortement la productivit, et de ce fait, la

    production totale ;

    1 Smith en voque dautres : prendre par force ou par ruse, qui est linstinct primitif ; utiliser lautorit (in : Richesse : XXIV).

  • 39

    - distribution (et transport) : dans la logique de lchange de biens, la distribution, le transport

    des marchandises reprsentent sont connus, on les nomme actuellement cot de transaction ;

    ce concept est connu et valu fonctionnellement par Adam Smith ;

    - notion de prix (cot de fabrication) : pour Smith, le prix dun bien se dfinit essentiellement

    par son cot de fabrication. On utilise actuellement la notion plus large de valeur pour estimer

    et rgler les termes de lchange lors dune transaction ; on dpasse aujourdhui le simple cot

    de production pour y intgrer dautres lments.

    Les travaux de Smith prsentent toutefois des limites : en effet, sil apprhende bien les biens

    et les produits matriels (industriels surtout, mais galement agricoles), il prend assez peu en

    compte les services. Par ailleurs, la notion de prix se limite chez lui essentiellement au cot de

    fabrication, et englobe peu dautres lments financiers et non financiers (sociaux, comme

    limage, ou la raret) qui en largissent aujourdhui le primtre de mesure.

    En rsum, on peut constater que la majorit des concepts utiliss aujourdhui dans les

    affaires et la ngociation commerciale sont dj identifis lpoque dAdam Smith.

    Les notions de cot, de valeur, les termes de lchange, les concepts dinterdpendance sont

    connus et ont pratiquement le mme sens quaujourdhui. Adam Smith identifie dans ses

    travaux sur lconomie de lpoque, lmergence de mcanismes conomiques qui sont

    toujours en fonction au XXIe sicle.

    I. 2 Notion de ngociation commerciale au XIXe sicle.

    Toutefois, si la rvolution industrielle, anglaise particulirement, trouve son origine dans la

    deuxime moiti du XVIIIe sicle, cest vritablement durant le XIXe que les socits

    continentales voluent profondment : les changes conomiques, sociaux se multiplient, et

    les bases conceptuelles de ce quon appelle aujourdhui ngociation daffaires (ou

    commerciale) se gnralisent et surtout diffusent dans le corps social.

    Une prsentation de quelques dfinitions lexicales de la ngociation au XIXe sicle est utile

    car elle permet dapprocher le champ implicite de la ngociation telle quon la conoit

    lpoque, ainsi que les volutions ultrieures du sens au cours du temps. Elle permet

  • 40

    galement de vrifier si les changements de la socit influent sur la conception que lon

    donne au terme de ngociation.

    Notre recherche nous a amen deux ouvrages : un premier dictionnaire qui date du dbut de

    la rvolution industrielle en France (1839), et un deuxime qui date de 1877, au moment le

    plus intense de la rvolution industrielle franaise. Nous avons identifi entre autres la

    dfinition des termes ngocier et marchander.

    Pour ngocier, Nol et Chapsal (1839 : 657) parlent de lart et laction de ngocier les

    affaires publiques . Littr (1877 : 710) voque laction darranger les diffrents publics et

    surtout internationaux .

    Dans ce cadre et cette poque, lobjet de la ngociation est dabord affaire publique, et les

    exemples cits par ces dictionnaires sappliquent des situations politiques, diplomatiques,

    publiques. Ce nest que par extension quon applique la ngociation des affaires dordre

    priv : se dit aussi des affaires prives (Nol et Chapsal) ; il se dit aussi en parlant des

    affaires particulires (Littr).

    Ensuite, les verbes utiliss pour dfinir le processus, laction mme de ngocier sont trafiquer,

    traiter, ngocier, arranger. Si la dfinition de ngocier de 1839 (Nol et Chapsal) nvoque

    pas directement le commerce, en 1877 Littr prsente comme premire acception du verbe

    ngocier : faire ngoce, faire trafic. La deuxime est traiter une affaire avec quelquun, et la

    troisime est traiter de la paix et de la guerre, ou autres affaires internationales.

    Ces dfinitions mettent laccent sur le processus, laction de ngocier, ainsi que le cadre et

    lenvironnement de laction ; elles voquent peu les acteurs de la ngociation ni le contenu,

    cest--dire lobjet qui est ngocier. On peut constater que ces dfinitions nincluent pas le

    champ des affaires, du commerce, des changes, mme en considrant laspect priv de

    lactivit de ngocier.

    Ce champ des affaires existe toutefois dj et il est connu travers dautres termes : Nol et

    Chapsal dfinissent le verbe marchander comme demander et dbattre le prix dune chose,

    disputer sur le prix (1839 : 611). Littr le dfinit comme demander et discuter le prix

    dune chose (1877 : 439). On remarque que Nol et Chapsal proposent en 1839 le terme

    marchandailler : marchander long-temps et pour peu de chose ; familier (1839 : 611), ce

    verbe napparat plus en 1877 chez Littr. Il est intressant de noter qu travers les deux

    dfinitions : demander et dbattre , demander et discuter , on retrouve deux phases

    de la ngociation commerciale : louverture, travers la demande, et la discussion, travers le

    verbe discuter. Ces deux dfinitions identifient assez bien le concept actuel de marchandage

    positionnel, la position tant alors essentiellement la chose et son prix.

  • 41

    I. 3 - Dfinitions lexicales actuelles.

    Les dfinitions lexicales actuelles prsentent un ventail de significations plus large : si on y

    retrouve systmatiquement lacception juridique de transmettre des effets de commerce

    (Larousse, 1994 et 2003, Robert, 1994 Grand Dictionnaire encyclopdique, 1996), Larousse

    (1989 et 2003, pour lexemple) donne une dfinition globale : action de ngocier, de

    discuter des affaires communes entre des parties en vue dun accord . Cette dfinition large

    se retrouve pratiquement lidentique dans le Robert (1994) : srie dentretiens, dchanges

    de vues, de dmarches quon entreprend pour parvenir un accord, pour conclure une

    affaire.

    On peut constater que dans ces dfinitions, laction, le processus de la ngociation sont

    abords ; de plus, ces deux sources admettent explicitement lobjectif, la volont de parvenir

    un accord : la ngociation est un processus objectiv, centr sur une finalit : conclure un

    accord. Cest admettre que lon ngocie pour quelque chose, de manire rflchie et

    volontaire.

    Il est par ailleurs intressant de noter que lacception : action de faire du commerce (Robert ,

    1994), base sur lorigine latine du terme, est considre comme vieillie.

    Larousse (1989, 2003) prsente une dfinition qui embrasse un champ dapplications tendu :

    Ensemble de discussions, de pourparlers entre des personnes, des partenaires sociaux, des

    reprsentants qualifis dEtats, mens en vue daboutir un accord sur les problmes

    poss.

    On peut constater que cette dfinition aborde le champ de la ngociation par les acteurs (le

    domaine priv par des personnes, le domaine social par des partenaires sociaux, le domaine

    diplomatique par des reprsentants qualifis dEtats, cest--dire des hommes politiques ou

    des diplomates) autant que par les processus : discussions et pourparlers. On y retrouve

    galement lobjectif daboutir un accord. Cette dfinition se veut universelle quant aux

    applications de la ngociation : sur les problmes poss, en choisissant de ne pas les dfinir

    prcisment.

  • 42

    I. 4 - Commentaires. De toutes ces dfinitions, plusieurs lments ressortent en permanence : la ngociation est un

    processus dynamique, volontaire et objectiv : on ne ngocie pas par hasard, on ne ngocie

    pas pour rien. On ngocie avec la volont de parvenir un accord, ou du moins un rsultat

    tangible.

    Ensuite, la ngociation implique des acteurs, soit individuels (des personnes), soit collectifs (

    travers les reprsentants de groupes sociaux). Le processus de la ngociation sapplique alors

    de nombreux objets et de nombreuses situations : ngociations salariales, ngociations

    commerciales, ngociations diplomatiques et politiques

    Enfin, la ngociation est (temporairement) exclusive du conflit : recherche dun accord,

    comme moyen daction politique (oppos force, guerre), (Robert, 1994). On ngocie pour

    mettre fin un conflit existant, ou pour viter le conflit.

    I. 5 - Dfinitions de chercheurs et spcialistes des termes ngociation et ngocier. En approchant ce que les chercheurs et spcialistes actuels crivent de la ngociation, on

    constate que certains dentre eux donnent une dfinition unique, complte du concept de

    ngociation ; dautres dfinissent la ngociation par ses diffrents aspects, ses dimensions

    constitutives ; dautres encore, la dfinissent par ce quelle nest pas, par les concepts proches

    ou loigns mais diffrents et/ou exclusifs de ce quest la ngociation.

    Sans tirer de conclusion dfinitive sur ce point, on constate galement que les auteurs

    europens proposent plutt une dfinition exhaustive, globale, qui permet dapprhender la

    globalit du phnomne et mcanisme de la ngociation : ce quest la ngociation. De

    nombreux auteurs amricains, quant eux, donnent des dfinitions fonctionnelles,

    opratoires, plus pragmatiques : quoi elle sert, comment elle fonctionne.

    De manire gnrale, on peut galement constater que la plupart des modles descriptifs de la

    ngociation font appel implicitement des reprsentations anglo-saxonnes : comme la

    majorit des disciplines lies aux affaires et la gestion se sont dveloppes et ont t

    formalises principalement aux Etats-Unis, les modles qui ont servi les approcher sont

    bass sur des visions et des approches anglo-saxonnes pour la plupart dentre elles.

    I. 6 - Dfinitions dauteurs europens et franais.

  • 43

    Le concept de la ngociation est partiellement limit par le droit (Bellenger, Garby) et par le

    conflit (Rojot, Carabin, Launay) ; dune part, la ngociation commence o le droit sarrte,

    dautre part, elle se veut exclusive du conflit : la ngociation est larme de la paix. Elle

    permet dliminer les conflits (Carabin, 1997 : 11). Pour Launay (1987), le dclenchement

    ou la reprise du conflit, au-del de l objet des ngociations , reste la menace et le moteur

    de la ngociation en tant que projet commun (1987 : 9). La logique de conflit est pour lui

    une des sorties possible de la ngociation, surtout quand celle-ci na pas abouti un accord.

    Bellenger (1984 : 25-27) parle de la ngociation en qute didentit . Il tente de

    rassembler les dfinitions les plus significatives que les auteurs ont pu produire sur le

    thme de la ngociation, [afin de mesurer] les nuances et les points communs . Daprs lui,

    Constantin (1971) voit dans la ngociation lensemble des pratiques qui permettent de

    composer pacifiquement les intrts antagonistes ou divergents des groupes, entits sociales

    autonomes ou individus . Il voque Calvin (1978) : Ngocier, cest rassembler les moyens

    dagir, en partant des informations possdes par chacun, pour trouver des solutions

    complmentaires, en vue de crer un situation nouvelle, au service dun projet et dun but,

    pour viter la violence ou la passivit attentiste , lequel considre que lunivers de la

    ngociation est un mlange dun univers de dsaccord et dun univers de confiance , puis

    Launay (1982), qui constate que la ngociation nest rien dautre quun conflit surmont .

    Il voque galement les travaux de Cross, dans Zartman (1977), pour qui la ngociation se

    dfinit partir de quatre perspectives diffrentes : (1) une charade, (2) un art, (3) un

    marchandage, (4) un processus de dcouverte et un apprentissage squentiel. Prsentant

    Zartman lui-mme comme un des auteurs modernes les plus imaginatifs sur la

    ngociation (dans Dupont, 1982), Bellenger donne une de ses dfinitions : la cration

    dune nouvelle ralit par le jeu de lchange (contrl) de linformation dans la ngociation

    et la transformation de valeurs fixes en valeurs variables .

    Evoquant Merle (1980), qui voit une technique de rglement des conflits , et sefforce

    daller au del dune dfinition pour juger de la validit de la ngociation en tant que pratique

    sociale, Bellenger conclut que la ngociation reste en qute didentit. Est-elle une simple

    recette pour rsoudre les conflits, est-elle une technique ou un tat desprit, pourquoi tant de

    ngociations durent si longtemps, voire chouent ? . (1984 : 27)

    Dans un autre ouvrage plus technique appliqu aux stratgies et tactiques de ngociation,

    Bellenger (1990-94 : 10-13) rappelle, en citant Anzieu (1974), que la ngociation est un fait

    typiquement humain on ne lobserve pas chez les animaux peut-tre parce quelle requiert

  • 44

    le recours au langage, peut-tre parce que la rsolution des conflits entre les personnes et les

    groupes appelle les remplacement de certaines lois de la nature par les rgles de la culture .

    Cherchant, non donner une dfinition englobante de la ngociation, mais bien plutt de ses

    dimensions constitutives, il identifie alors les modalits de la ngociation : (1) des

    protagonistes adversaires ou partenaires, (2) une divergence ou un cart, (3) la volont

    daboutir un rsultat, (en indiquant que la ngociation est ranger dans les pratiques

    sociales productives), (4) la ncessit dun objectif et dune marge de manuvre, (5) la prise

    en compte de rapports de force , et termine par une dfinition : la ngociation nous

    apparat comme une confrontation de protagonistes troitement ou fortement

    interdpendants, lis par un certain rapport de force et prsentant un minimum de volont

    daboutir un arrangement en vue de rduire un cart, une divergence afin de construire une

    solution acceptable au regard de leur objectif et de la marge de manuvre quils staient

    donne . (1994 : 13)

    Pour Launay (1982-87 : 9), la ngociation est une dynamique complexe, combinant les

    processus conflictuels et coopratifs, dynamique momentanment et fragilement dominante

    cooprative, choisie ou non par les partenaires/adversaires, visant rgler dune manire

    pacifique un conflit pass, actuel ou potentiel, en excluant, provisoirement au moins, le

    recours la force, la violence, les recours lautorit, et impliquant la reconnaissance des

    partenaires/adversaires comme diffrents et ayant un certain pouvoir.

    Dupont et Audebert (1994 : 7-8), faisant rfrence Dupont (1994, 4e dition), et tout en

    indiquant que dans le cadre dune formation la ngociation, il nest pas inutile de faire

    prciser par les participants le contenu du concept et de lactivit quils entendent par

    ngociation , notent deux points importants selon eux : tout dabord, ne pas trop stendre

    et de trop polmiquer sur cette approche dfinitionnelle, retenir une certaine ambigut de la

    notion , mais ensuite faire admettre une dfinition du terme.

    Dans louvrage de rfrence quils citent, six critres sont retenus pour parler de ngociation :

    - le face face (direct ou indirect),

    - lexistence de divergence(s),

    - lexistence simultane dintrt(s) commun(s),

    - la recherche dune solution mutuellement acceptable,

    - le caractre volontaire de lactivit,

  • 45

    - limportance dune dimension relationnelle (et donc de la communication et des

    aspects psychologiques) entre les participants pour aboutir un rsultat. (Dupont,

    Audebert, 1994 : 8)

    Carabin (1997 : 7-9), tout en rappelant la double acception historique1 du terme : tantt

    commerciale, tantt politique et diplomatique, pousse reconnatre que ngocier et

    ngociation ont aujourdhui des significations beaucoup plus larges, dpassant lacte de

    commerce stricto sensu . Il ajoute que derrire le mot ngociation, nous entendons le plus

    souvent tractation. En effet, nous pensons gnralement quune ngociation implique un

    change davantages entre deux parties, chacune accordant des concessions lautre.

    Il dcrit les conditions de la ngociation : tre plusieurs, crer un dialogue, avoir une volont

    commune. Dcrivant le processus, il voque lautre (linterlocuteur), le dit, le non-dit, les

    souhaits de lautre partie. Il prsente des conseils : Attachez-vous connatre la

    personnalit de votre interlocuteur pour le comprendre. Les comportements types (lion, chat,

    faon) vous y aideront. Egalement, suivez ces rgles : coutez attentivement, faites parler,

    offrez la conduite, restez pudique. (1997 : 37)

    Garby (1991) prsentant son exprience et ses rflexions davocat ngociateur daffaires, crit

    que la ngociation reprsente la plus noble et la plus leve des techniques de rsolution

    des conflits dintrts. Elle implique libert, confiance et agrment, alors que toutes les autres

    approches tels le