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www.ulif.org Trimestriel • 2,50€ Juillet 2017 / Chavouot 5777 camille pissarro peintre juif créole et dreyfusard beit halochem fondation des invalides de tsahal Le Messager Le magazine de L’Union LibéraLe israéLiTe de FranCe n° 200 200 E NUMéRO Construire Le judaïsme de demain

de demain - Accueil · Décembre 2016 - Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager n° 198 / Le Messager רשבמה • • 5 Le mo T du P ré SI de NT rendre ludique, attractif, vivant,

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www.ulif.org

Tr i m e s t r i e l • 2 , 5 0 €

Juillet 2017 / Chavouot 5777

camille pissarro peintre juif créole et dreyfusard

beit halochem fondation des invalides de tsahal

Le Messager

Le magazine de L’Union L ibéraLe israéL iTe de FranCe

n° 2

00

200eNuméro

Construire Le judaïsme

de demain

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Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager 3 • המבשר

Chers amis,

Ce numéro d’Hamevasser est le numéro 200. Un anniversaire !

Il a succédé au magazine de l’ULIF, « le Rayon », créé en 1907, à l’origine de notre Communauté et dont Isabelle Williams a conservé de nombreuses archives. Qu’elle en soit ici remerciée.

Hamevasser a été créé en 1974, il y a 43 ans. Depuis, tous les trimestres, nous choisissons un thème d’actualité que nous approfondissons avec des contributeurs internes ou externes de renom. Et nous vous rendons compte des activités, nombreuses, de notre belle Communauté.

Je tiens ici à rendre un hommage tout particulier à notre Rédacteur en chef franco-israélien, Michaël Bar Zvi, professeur de philosophie à l’Université de Tel Aviv, écrivain, historien, que vous voyez régulièrement sur les plateaux de télévision… et qui est devenu, au fil du temps, un véritable ami.

J’ai également une pensée reconnaissante pour Odette Chertok (z’al) qui m’a précédé dans la responsabilité de notre magazine avant que Jean-François Bensahel ne me fasse l’honneur de me passer le témoin il y a 5 ans.

Et je ne peux citer, ils voudront bien m’en excuser, tous ceux qui se sont investis pour notre magazine, comme Patrick Altar, André Gabay, etc.

Un anniversaire marque bien sûr un retour sur soi, mais aussi une réflexion sur le futur. Quel sera le judaïsme de demain, quelle sera notre Communauté de demain ?

D’autant plus que deux évènements récents en Israël nous interpellent : la création, ou non, d’un espace de prières mixte au Kotel et le monopole des conversions au judaïsme donné, ou non, aux rabbins orthodoxes.

Notre Président, Jean-François Bensahel, nos rabbins Philippe Haddad et Jonas Jacquelin, ainsi que de nombreux autres intellectuels du monde juif, comme Claude Birman, Eliezer Schilt, Mikhaël Benadmon, tenteront de nous apporter des éléments de réflexion sur notre futur.

Michaël Bar Zvi reviendra sur la guerre des 6 jours qui a précédé le 7e jour dans lequel nous vivons encore depuis 50 ans. Ruthy Benitah nous présentera Beith Halochem, la Fondation des invalides de Tsahal.

L’ULIF- Copernic a participé en mai dernier à Jérusalem au Congrès de la World Union for Progressive Judaism. Nous sommes allés interviewer Stephane Beder, le Président de l’Assemblée du judaïsme français.

Et bien entendu, comme d’habitude, nous vous rendrons compte de nos nombreuses manifestations cultuelles et culturelles.

Je vous souhaite une bonne lecture, un bon été et me réjouis de vous revoir à la rentrée.

Bien amicalement

Richard Metzger,Administrateur et Directeur de la publication d’Hamevasser

Le Messager - Hamevasser est une publication de l‘Union Libérale Israélite de France - 24, rue Copernic - 75116 Paris - Tél. : 01 47 04 37 27 - Site internet : www.ulif.org - Directeur de la publication : Richard Metzger - Comité éditorial : Jean-François Bensahel, Odette Chertok « z"l », Michael Bar-Zvi, Richard Metzger. Rédacteur en chef : Michaël Bar-Zvi - Photos : ULIF, Patrick Altar, Claire Delfino, DR, sauf mention contraire - Conception graphique : Muriel Bloch-Michel -

Régie publicitaire : Pierre LEVY - Tél. : 07 85 74 44 32 - [email protected]. Impression : ETC Inn Avenue des Lions Sainte-Marie des champs - B.P. 198 76196 YVETOT Cedex - Tél. : 02 35 95 06 00 - E-mail : [email protected] - ISSN

0221-346X.

BV/CdC/2108260Remerciements à nos partenaires : Casip Cojasor, Lamartine, OSE - Oeuvre de Secours Aux Enfants

Au sommaireLe mot du Président ……………………………… 4 à 5

6 à 14

Construire Le judaïsme de demain

• Construire le judaïsme de demain Par le rabbin Philippe Haddad ……………………… 7 à 8

• Penser la Halakha ou le judaïsme «en marche»Par le rabbin Jonas Jacquelin …………………… 9 à 10

• La Bible, un texte toujours moderne Entretien avec Claude Birman …………………… 10 à 12

• Le judaïsme de demainTrois questions à Eliezer Schilt …………………… 12 à 13

• Le judaïsme de demainTrois questions à Mikhael Benadmon …………… 13 à 14

15 à 18

le septième jour Par Michaël Bar-Zvi

19 à 21

Beit Halochem, Fondation des invalides de tsahal

Entretien avec Ruthy Benitah

24/25

BLoC-NoTeS La sélection d’Hamevasser

26

la famille Yassine et lucy dans les cieux,

un portrait loufoque de la société israélienneEntretien avec Daniella Carmi

27

Camille Pissarro, peintre juif créole et… dreyfusard !

28

rencontre du judaïsme libéral mondial - jérsalemen- mai 2017

Entretien avec Stéphane Beder

29

Concert «Kol Nidré, nouvelles visions» - 21 mai 2017

Par Bruno Fraitag

30/31

infos communautaires

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CArNeT & AgeNdA

Ce numéro de Hamevasser a été réalisé

aveC Le soUTien de

DR

édito

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4 • Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager המבשר

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Jean-François BensahelPrésident de l’ULIF

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Chers amis,

C’est pour le Conseil d’Administration et pour moi-

même une grande joie autant qu’un grand honneur

d’avoir été renouvelé par vos suffrages. Ceux-ci

nous ont de plus permis d’accueillir deux nouveaux

administrateurs, André Jacquin et Stéphane Wald.

C’est une chance pour nous tous de disposer de

compétences et de regards nouveaux, tant il y

aura à faire dans les années qui viennent, tant

la période qui s’ouvre sera fascinante, exaltante,

et essentielle pour notre avenir à Copernic, mais

aussi pour celui du judaïsme français, dans lequel

Copernic a toute sa place, et pour celui de la société

française, dans laquelle nous incarnons un certain

rapport à la religion et à sa pratique, libre, créatif.

Or, nous sentons bien qu’il faut dans la République

française du iiie millénaire inventer du neuf dans le

rapport entre l’Etat, la société et la religion, et nous

sommes convaincus d’avoir une parole à porter.

Nous sentons bien qu’il faut dans la république française du 3e millénaire inventer du neuf dans le rapport entre

l’etat, la société et la religion,

De même, nous allons reconnaître les talents de notre cher ami, Benjamin Huglo-Lepage qui aurait pu, tant ses dons sont grands, choisir une autre carrière. Mais il a choisi de s’engager dans la ‘Hazanout. Désormais il servira comme ministre officiant, aux côtés d’Armand Benhamou auquel nous devons permettre de profiter un peu plus de sa famille selon sa demande.

Dans cette période, nous avons, ensemble, pris une décision absolument vitale pour notre avenir, celle de permettre aux femmes de monter à la Torah, et d’y lire à l’égal des hommes. L’égalité hommes/femmes, à Copernic, mais plus largement dans toute la société française, est le sujet de notre décennie, c’est celui qui va déterminer nos libertés futures.

Nous avons également, grâce à la fondation Esther Natan et Pepo Tchénio, fondée en leur mémoire par leurs enfants qui nous sont si proches, Maurice et Roland, et avec l’intervention du leader de l’éducation numérique, la société Tralalere, réalisé www.E-talmud.com, un centre de ressources virtuelles destiné à

Mais les six ans qui viennent de s’achever n’étaient-

ils pas de même nature ? N’ont-ils pas enveloppé des

enjeux difficiles ? N’avons-nous pas été confrontés

à des défis essentiels ? Absolument. Et comment !

Il a fallu trouver celui qui remplacerait Michael

Williams qui en presque quarante ans d’exercice

avait façonné Copernic. Vous savez à quel point cela

a été compliqué et il a fallu nous y reprendre à deux

fois. Mais, après une parenthèse malheureuse, nous

avons aujourd’hui le concours de deux rabbins

merveilleux, venus de deux horizons différents,

magnifiques personnalités, totalement dédiées à la

communauté, complices, et avec lesquels l’entente

est parfaite et chaleureuse. Et, étant donné le

nombre de nos membres et de nos sympathisants,

il en fallait au moins deux.

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Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager 5 • המבשרDécembre 2016 - n° 198 / Le Messager 5 • המבשר

Le

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du

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NT

rendre ludique, attractif, vivant, notre Talmud Torah, et qui est ouvert aux communautés qui se reconnaissent dans un judaïsme éclairé, quelque que soit leur courant de rattachement. Car nous nous vivons pleinement au sein du judaïsme, et c’est la raison pour laquelle nous sommes désormais impliqués au Fonds Social Juif Unifié, au Crif, et avons tissé de belles relations d’amitié sincère avec toutes les communautés libérales, avec des communautés massort i ou orthodoxes ( je pense par exemple au Centre communautaire d’Edmond Elalouf et de Raphy Marciano).

à travers le monde et en France en particulier, ce que nous avons étudié et documenté, dans plusieurs séminaires internes, réside dans la capacité à créer des lieux où offrir un moment « juif ». Celui-ci consiste à offrir, d’une part, des activités ancrées dans le judaïsme – le culte, l’étude, le Talmud Torah… toujours à repenser, à renouveler-, auxquels des juifs prennent part, mais pas que, et, d’autre part des activités non spécifiquement juives mais qui permettent aux membres de la communauté de se retrouver, et là encore pas nécessairement en vase clos, pour des activités culturelles, ludiques, sociales, et

relations, et qui est la clé de la vie heureuse et de la longévité. A ceux qui en douteraient, je suggère d’aller regarder sur youtube la conférence donnée par Robert Waldinger d’Harvard sur le bonheur.

3- La République française que nous aimons tant, que nous chérissons tant, avait élaboré depuis 1905 un certain équilibre, un certain rapport entre la religion, l’Etat et la société, selon lequel la religion devait être réservée à l’intérieur de nos demeures, et ne pouvaient pas avoir droit de cité dans l’espace public. Pour notre

et nous sommes convaincus d’avoir une parole à porter.Enfin, nous avons renouvelé le schéma des grandes conférences, accueill i nombre d’auteurs, d’intellectuels, de politiques.

Alors est-ce rien ? Vanité des vanités et pâture de vent, comme dit l’Ecclésiaste ? Nous n’avons pas ce sentiment, tant nous avons la conviction d’avoir travaillé, certes en reconnaissant nos erreurs, nos fautes, nos insuffisances, et d’abord les miennes. Mais nous avons agi avec l’obsession de préserver et de développer Copernic.

Pourtant les enjeux qui nous attendent aujourd’hui sont d’une autre nature. Le projet de travaux les résume et les porte implicitement. Mais les pierres, fussent-elles de Jérusalem, n’en sont que l’une des manifestations.

1- La clé du développement des communautés juives florissantes

aussi tournées vers le quartier, la cité, et impliquées dans les enjeux de la société… Car nous ne pouvons être qu’une communauté ouverte.

2- La qualité des relations qui se noue à l’intérieur de ces communautés est déterminante. C’est la pierre angulaire d’un développement réussi. Une synagogue doit être un lieu dont l’ambition est l’excellence de nos relations, ce qui suppose déjà de se connaître, de se rencontrer. C’est un programme de longue haleine. Car la question que nous devons nous poser est la suivante : pourquoi les uns et les autres voudraient-ils devenir membres de Copernic ? N’est-ce pas parce qu’ils y trouveront une qualité de la vie, une écoute, un sens du partage peu commun, en un mot, une qualité de

part, nos fondateurs avaient élaboré le franco-judaïsme qui en était la traduction juive, la République allant naturellement vaincre l’antisémitisme présent, et parfois violemment, dans nombres de ses franges. Or l ’ is lam a fait exploser cet édifice. Quel sera-t-il demain ? Comment le rendre favorable à nos aspirations d’hommes et de femmes si attachés pourtant à la laïcité ? Voilà enfin un de nos enjeux.

Voilà notre ambition : donner à

Copernic un nouveau projet de

vie, une nouvelle modernité, un

renouvellement (‘Hidouch dont la

vie juive est si friande), un avenir.

Chacun peut en être le porteur.

Chacun doit en être le porteur.

Je vous souhaite un bel été. ■

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le passé et le patrimoine de nos parents et ancêtres. Non pas en y portant les yeux de la nostalgie mais pour y puiser la force de construire un futur pour nos descendants. Pour mener cette réflexion nous avons fait appel à des Intellectuels juifs, et non à des Juifs intellectuels, c’est-à-dire des hommes pour qui le judaïsme constitue le cœur même de leur réflexion philosophique, historique, ou religieuse. Nous n’avons pas la prétention de fournir des réponses à toutes les questions qui interpellent le monde juif d’aujourd’hui, lié dans une communauté de destin avec l’Etat d’Israël, mais nous avons conçu ce dossier comme une enquête. Nous avons recueilli des idées, des propositions, des analyses et des projets auprès des personnages, et nous vous les présentons dans ce dossier, qui n’est pas exhaustif, mais représente le commencement d’une réflexion. Merci aux intellectuels, d’horizons différents, qui ont contribué à ce numéro : nos rabbins Philippe Haddad et Jonas Jacquelin, Claude Birman, Eliezer Schilt et Mikhael Benadmon. Nous serions heureux de publier vos réactions, chers lecteurs de Hamevasser, à cette enquête dans notre prochain numéro de rentrée à l’occasion des fêtes de Tichri.

Bonne lecture et bonnes vacances d’été. ■

Michaël Bar-Zvi

construire le judaïsme

de demain

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Hamevasser, le magazine des fidèles de l’ULIF-Copernic, fête son deux centième numéro.

Nous sommes fiers de pouvoir, depuis 1974, porter la parole d’un judaïsme ouvert et à l’écoute des interrogations, des attentes et aussi parfois des angoisses de ce monde, où l’incertitude est la chose la plus sûre et l’espoir renaît souvent de l’effroi.

Au lieu de nous pencher sur le passé et sur le travail accompli avec toutes les personnalités qui, au cours des années, ont participé à la réalisation de ce journal par leur dévouement, leur savoir, et leur disponibilité, nous avons choisi de consacrer le thème principal à un sujet déterminant pour nous tous : la construction du judaïsme de demain. Quels sont le défis qui nous attendent et auxquels il nous faudra impérativement répondre ? Quelle est la place de la tradition et comment peut-elle évoluer au regard des changements qui se déroulent sous nos yeux.

La définition même du judaïsme est dans l’air du temps, car qu’est-ce que la Halakha sinon être « en marche » ? Nous savons depuis toujours que c’est le sens même d’une tradition que d’aller vers l’avant, en assumant

Hamevasser 200 numéros !

dossier

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■ Le triptyque de Juda Halévi

Le poète et penseur espagnol Juda Halévi (1075 – 1161) a fondé l’identité d’Israël sur un tr iptyque devenu un chant dans les mouvements de jeunesse : Âm Israël , Torath Israël, Erets Israël. « Le peuple d’Israël, la Torah d’Israël et la terre d’Israël ». A nos yeux, ce triptyque reste valable en tout lieu et en tout temps. Il caractérisait l’identité hébraïque, celle de nos ancêtres sortis d’Egypte : Pessah : naissance du peuple d’Israël ; Chavouoth : don de la Torah d’Israël ; Souccoth : ma rche ve r s l a t e r re d’Israël. (On remarquera que ce triptyque connaîtra 3 oppositions historiques : l’antisémitisme, l’antijudaïsme et l’antisionisme).

D u r a n t l ’ e x i l j u s q u ’ à l’Emancipation, il demeura un inva r i an t dans l e s communautés sépharades, ashkénazes, hassidiques, lituaniennes, etc., à travers la vie synagogale et ses corolaires (de la naissance

à la mort), la centralité de la maison d’étude (pour tous les âges) et l’espérance du retour : « l ’an prochain à Jérusalem reconstruite ».

L’Emancipation amena la possibilité de se focaliser sur l ’un des points du triptyque. Certains optèrent pour la vie communautaire essentiellement synagogale, sans l’étude, ni l’aspiration sioniste (par reconnaissance à l’Etat émancipateur), d’autres transformèrent l’étude de la Torah en ouverture sur la culture universelle (la Torah devint plutôt un objet d’étude universitaire) ; d’autre enfin, du fait des pogroms, commençaient à espérer à un retour sur la terre ancestrale aussi fervent que vital.

Ajoutons que le xxe siècle a connu deux faits majeurs pour l’identité juive : la Shoah et la création de l’Etat d’Israël. Deux leçons : a) Israël peut disparaître sous les coups de la barbarie antisémite ; b) Israël veut vivre à tout prix. Ces deux événements marquent

profondément la conscience juive contemporaine, et même son inconscient.

Dans notre monde post-moderne, l’identité juive reste hautement individualiste, c’est-à-dire que le lien au peuple, à la Torah et à la terre ne procède nullement d’un ordre coercitif, mais d’une volonté libre de se reconnaître et de s’engager, à sa manière, dans l’une des combinaisons possibles de ces trois facettes identitaires. Adhérer à une communauté, suivre un cours de Torah, choisir son conjoint, sa conjointe, participer à un atelier culturel, jeûner à Kippour, faire son alya, etc. demeurent un choix libre. C ’est à part i r de cet te mémoire et de ce constat que nous pouvons envisager une pensée pour bâtir le judaïsme de demain, à savoir celui de nos enfants.

■ De la responsabilité

On ne construit pas une maison (ou une synagogue), sans un plan préalable. L’archi tecte précède le

« Tous tes enfants banayikh seront les disciples de l’Eternel ; grande sera la paix de tes enfants banayikh. » (Isaïe 54, 13). Rabbi Eléazar a dit au nom de Rabbi Hanina : « Ne lis pas banayikh « tes enfants », mais lis bonayikh « tes bâtisseurs 1 »(Talmud de Babylone Bérakhoth 64 a).

maçon. Nous ne pouvons penser à nos enfants

qu’en fonction du projet que nous expr imerons pour eux dans un souci de responsabilité. Qu’est-ce que la responsabilité ? Son équivalent hébreu, soit a’harayouth, reste hautement signifiant : penser à l’autre (a’her) dans l’après (a’har) qui vient. En choisissant en exergue la relecture t a lmud ique du ve r se t d’ Isaïe, nous pensons à nos enfants comme les bâtisseurs du judaïsme de demain . Comment leur transmettre ce triptyque à l’image du nouveau monde qui s’écrit sous leurs yeux et qui const i tuent leur év i dence ex i s t en t i e l l e ( c ommun i ca t i on s t ou s azimuts, multiculturalisme, ques t ions éco log iques , terrorisme, etc.). Ce triptyque devrait , à nos yeux, se décliner selon les évidences de notre modernité, en fidélité aux grands principes de notre Tradition.

■ Penser l’être juif dans une parité homme-femme

La première p ierre de notre édifice, pierre de fondat ion, traduira une authentique parité homme-femme. Le système patriarcal ne correspond plus aux compositions mentales de nos enfants. Les contingences

Par le rabbin Philippe Haddad

1 Jeu de mots entre banim « enfants » et bonim « bâtisseurs ».

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8 • Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager המבשר

historiques (patriarcat, modes vestimentaires, ignorances scientifiques, etc.) ont occulté des é léments pour tan t c la irement af f irmés par la Bible : L’Humain, créé à l’image divine, se décline bien au masculin et au féminin, comme Dieu est autant le Père que la Mère. Quand Moïse s’adresse à pharaon pour obtenir la libération, il déclare sans ambages : « avec nos fils, avec nos filles nous partirons ; avec notre jeunesse et nos anciens nous partirons » ; quand ensuite la Torah fut révélée à Israël, les femmes autant que les hommes en devinrent les dépositaires, le Midrach affirmant même que les femmes reçurent la Torah avant les hommes ; sans oublier la révolution kabbaliste sur ce rapport masculin - féminin. D’où notre deuxième pierre…

■ Penser l’être juif dans la centralité de l’étude

L’étude de nos textes ne constitue pas la chasse-gardée de l’orthopraxie. « La couronne de la Torah est posée devant tout Homme (masculin – fé m i n i n ) q u i c o n q u e veut la prendre, vienne la saisir ». Le savoir biblique, talmudique, midrachique, voire kabbaliste constitue notre patrimoine. Certes, il ne s’agit pas d’en accepter la totalité aveuglement, cette science toraïque reste ouverte à notre critique, elle n’en reste pas moins nos racines. En affirmant, dogmatiquement, que Moïse reçoit la Torah orale en même que Torah écrite ; en posant par ailleurs que les contradictions interprétatives constituent « celles-ci et celles-là les paroles du Dieu vivant », notre Tradi t ion accepte d’emblée que la lecture humaine relativisera toujours l’absolue de la parole divine. Cette possibilité de critique humaine des textes fondateurs devrait éviter toutes les tentations fondamentalistes

et anti-scientifiques. Une perche nous est tendue pour envisager le judaïsme de demain. Nous disons souvent à nos élèves qu’une critique en connaissance de cause reste plus efficace qu’une critique par ignorance. Donner à nos enfants, dans les écoles, les Talmudé-Torah, dans les mouvements de jeunesse, accès à notre littérature devrait donc constituer un objectif majeur.

■ Penser l’être juif dans une halakha personnalisée

Qui dit étude, dit pratique. Nos sages conclurent qu’entre l’étude et la pratique, il fallait opter pour une étude qui amenait à la pratique. Est-ce à dire qu’il faille figer la halakha dans des lectures univoques ? Objectivement combien de familles juives respectent halakhiquement le Chabbat, la cacherouth, la pureté familiale, et même le deuxième jour du yom tov ? Accepter le principe d’un rituel ne signifie pas imposer une seule conduite orthopraxe. A l’époque du second Temple, les écoles interprétatives se côtoyaient chacune avec un r i tuel dif férent du vois in. Les conditions de l’exil, où les modes de communications étaient bien restreintes, ont obl igé à uni f ier la halakha pour sauver l’unité communautaire. Aujourd’hui, le rapport Israël - diaspora se trouve renforcer par une communication immédiate et des distances raccourcies par les lignes aériennes. Le judaïsme de demain peut et se doit de repenser une halakha pour notre temps, qui s’appuierait sur l’herméneutique traditionnelle mais en tenant compte des données soc io log iques contemporaines. Considérer une halakha personnalisée, s’appuyant sur des rites de passage (de la bérith milah aux derniers devoirs), sur les

grandes fêtes, sur quelques pr inc ipes a l imenta i res , t rah i ra i t - i l v ra iment le judaïsme ? Comme dit le Talmud « laisse agir les gens du peuple, s’ils ne sont pas prophètes, ils sont fils de prophètes ».

■ Penser l’être juif dans l’inconditionnalité de l’éthique hébraïque

A t t e n t i o n c e p e n d a n t que les détails rituels ou l e s s u r - c o m m e n t a i r e s herméneutiques n’occultent pas les grands principes éthiques prônés par nos prophètes, d’Abraham à Malachie. Certes, le rite fait mémoire, il transmet du lien générationnel (pensons à la table de Pessah), le sur-commentaire offre toujours un au-delà du verset, mais l’éthique monothéiste doit demeurer une rambarde contre les excès de la fièvre religieuse, et les déclarations hallucinantes au nom de la véri té de Dieu. Nous constatons tragiquement aujourd’hui où mène ce type d’argumentaire. Et certains milieux juifs ne sont pas à l’abri de cette violence (des femmes en I s raë l se font agresser par des « religieux » à cause de leur tenue vestimentaire, pourtant pudique, mais non conforme au mode vestimentaire prôné par ces « fous de Dieu ».)

Eduquer nos enfants dans le sens de la solidarité, de la justice sociale, du droit, de l’amour du prochain, voilà la voie royale sur laquelle, tout éducateur devrait les faire marcher.

■ Penser l’être juif dans son universalité

Enfin cette éthique hébraïque revient à rappeler le sens de notre vocation : être une identité de « bénédictions pour toutes les familles de la terre ». Cela fut affirmé dès le départ d’Abraham (Gn 12, 3) et cela fut répété avant

la révélation du Décalogue : « et vous serez pour Moi une royauté de prêtres » (Ex 19, 6). Or n’oublions pas que les prérogatives du prêtre (cohen) s’expriment dans le rite d’expiation des fautes et du pardon, ainsi que dans la transmission de la bénédiction. Si l’antijudaïsme puis l’antisémitisme nous ont obligés à nous replier sur nous-mêmes, cela ne devrait justifier aucun judéo-centrisme, à moins de nous renier nous-mêmes. Toute pensée juive, toute action communautaire devrait autant renforcer notre identité que notre ouverture à l’universel. Ca r l e pa r t i c u l a r i sme d’Israël s’exprime dans son universalisme. Ce fut l’idée révolutionnaire qui présida à la constitution d’un peuple qui, tout en refusant de convertir massivement les nations, se sentait responsable d’elles devant Dieu.

■ D’abord un état d’esprit

L’archi tecte précède le maçon, et l’esprit précède la lettre. Pour bâtir le judaïsme de demain, il nous faut une pensée du judaïsme pour aujourd’hui. Le judaïsme dans sa dimension libérale, par son ouverture, sons sens de l’accueil, peut vraiment répondre au questionnement de la major i té de nos coreligionnaires si éloignés de tout culte, et de tout d i scours re l ig ieux . Les quelques pierres que nous avons évoquées constituent les éléments d’un chantier dont nous pouvons être les artisans.

« Tu n’es pas obligé de terminer la tâche, mais tu n’es pas libre de t’y soustraire totalement ». Si vous le voulez ! ■

Rabbin Philippe Haddad

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Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager 9 • המבשר

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Aux lendemains de la Sortie d’Egypte, au moment où Jethro retrouve Moïse, il l’instruit sur la manière dont il devra établir la justice parmi les Israélites. Il lui dit alors « Préviens-les au sujet des décrets et des enseignements, fais leur savoir la route dans laquelle ils vont marcher ainsi que ce qu’ils doivent faire. » (Exode XVIII:20).

Dans le même sens, quand Il s’adresse aux Enfants d’Israël, l’Eternel les invite à Lui être fidèles en disant « Si vous marchez dans mes lois... » (Lévitique XXVI:3).

>page 10

Penser la Halakha ou le judaïsme

« en marche »Par le rabbin Jonas Jacquelin

Ob s e r ve r l a To ra h , ê t r e f i d è l e a u x

c o m m a n d e m e n t s e s t assurément, dans ces versets, lié à l’idée d’une marche, au principe d’un mouvement. Et en effet, c’est le substantif de Halakha , littéralement la marche, qui en hébreu désigne la loi juive. Dans le texte biblique, divers termes peuvent être employés pour désigner la loi mais à aucun moment ce vocable n’est utilisé. Ce n’est que plus tard, dans les textes rabbiniques que la Halakha désignera la législation d’Israël.

Se pose alors la question de la signification exacte à donner à ce mot. Dans Aroukh , son lexique des termes talmudiques, Nathan ben Yehiel de Rome définit la Halakha à la fois comme une chose qui vient des jours anciens et va vers les temps futurs et comme ce avec quoi marche Israël.

Deux idées-forces se dégagent alors de cette définition. La première veut que la loi juive soit structurellement en mouvement, en perpétuelle évolution. C’est-à-dire que tout en se situant sur une ligne précise, celle qui unit

le passé au futur, elle ne soit jamais statique mais toujours dans une dynamique. La seconde idée veut qu’en marchant avec le peuple juif, elle en assure l’unité et la cohérence, elle se doit alors d’être un facteur d’intégration des Juifs dans leur héritage.

Qu’en est-il de ce double objectif aujourd’hui ? La Halakha est elle encore en mouvement et continue-t-elle d’assurer l’unité du monde juif ?

Abraham Geiger, l’un des p remie r s p ionn ie r s e t théoriciens d’une vision libérale du judaïsme propose de distinguer quatre phases dans l’évolution de l’histoire juive qui peuvent éclairer le rapport à la loi.

A ses yeux, la première est celle de la révélation qu’il considère comme celle du génie d’Israël, de l’esprit des prophètes et de l’émergence d’une éthique de la loi.

La deuxième est celle de la tradition, avec la mise en place du système d’interprétation rabbinique et la fixation des coutumes juives.

La troisième est celle d’un légalisme rigide avec la codification de la loi et un certain immobilisme qui peut en découler.

Vient enfin, à ses yeux, la quatrième période qui est celle d’une libération par l’application de la raison critique dans l ’approche e t l ’ appréhens ion des phénomènes religieux.

Si l’approche de Geiger peut sur certains points se montrer caricaturale et mérite donc d’être critiquée, ajustée ou nuancée, il n’en demeure pas moins qu’elle donne à penser l’évolution du judaïsme dans sa globalité. N’y a-t-il pas un moment de son histoire où, du fait d’une codification par certains aspects trop rigides, la Halakha a perdu de son dynamisme et de sa vivacité ? C’est ainsi, par exemple, que Leo Baeck explique que la codification de la loi en a permis la démocratisation en la rendant accessible à tous, mais que dans le même temps, elle a rendu définitives des décisions qui en réalité si elles étaient pertinentes au moment de leur édiction

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n’avaient sur le long terme pas vocation à devenir une norme immuable.

Pour lui, cela induit un risque de saturat ions spir i tuel le et morale susceptibles de donner le sentiment d’être arrivé au but et non pas d’être encore et toujours en chemin.

Par ailleurs, comment considérer la loi juive aujourd’hui quand seule une minorité de ceux auxquels elle est destinée vit dans le cadre des « quatre coudées »1 de la Halakha. Certes, il serait inexact de penser que de tout temps, l’ensemble de la communauté juive a vécu dans la stricte observance ; par le passé, il a toujours existé une disparité quant au degré de pratique, néanmoins, cette dernière n’a certainement jamais été aussi forte qu’elle l’est depuis l’époque des Lumières et de la Modernité. Dans ce sens, le rôle de la loi en tant qu’instrument de l’unité de la famille d’Israël peut se poser. De plus, il peut aussi arriver que cette loi soit perçue comme un facteur de division au sein du monde juif. Certains, parmi les plus orthodoxes ayant alors tendance à se replier derrière une idée donnée de la Halakha quand d’autres, parfois plus éloignés de la vie religieuses au sens strict du terme, la rejette en bloc sous prétexte qu’elle ne serait pas adaptée à la vie moderne.

Tout d’abord en s’accordant sur le fait que par définition, la Halakha est plurielle. Dans ce sens, il est même impropre d’écrire la Halakha avec un article défini. Il convient plutôt de considérer et de se rappeler que sur nombre de sujets, il existe des Halakhot (au pluriel) qui reflètent les sensibilités des différents décisionnaires. Le plus important alors est que puisse exister un minimum de respect entre les tenants des diverses options halakhiques.

Ensuite, en se rappelant que dans l’histoire de son développement, la loi juive ne s’est jamais développée en hors-sol mais au contraire, toujours en lien avec la réalité humaine sur laquelle elle avait vocation à s’appliquer.

Enfin, en se souvenant qu’elle a pour vocation d’être le bien commun du peuple juif et qu’il ne saurait exister de loi juive à plusieurs vitesses. Dans ce sens, la responsabilité du décisionnaire halakhique doit le conduire à se demander si son positionnement aura pour effet de rapprocher les Juifs de leur tradition religieuse ou à l’inverse, de les en éloigner de leur tradition religieuse ou à l’inverse, de les en éloigner. ■

Rabbin Jonas Jacquelin

1 Formule talmudique désignant la loi juive dans son

ensemble

En effet, il se trouve aujourd’hui que sur certains thèmes, la loi juive peut donner le sentiment d’être en décalage avec la réalité du monde juif.

C’est le cas par exemple au sujet de la place des femmes dans la vie religieuse. Alors que dans la vie civile, elles peuvent accéder aux postes les plus prestigieux, dans de nombreux segments du monde religieux, elles sont tenues à l’écart de la vie cultuelle et de l’étude.

C’est le cas aussi dans le rapport avec le monde non-juif à une époque où une large partie des unions matrimoniales contractées par des Juifs le sont avec des conjoints n’appartenant pas à la communauté. Se pose alors la question de l’éventuelle intégration de ces derniers à la communauté juive et du statut religieux des enfants à naître dans les cas où leur mère n’est pas juive.

Or sur ces questions, il semble parfois que les réponses halakhiques classiques ne sont pas toujours adaptés à notre époque et à ses défis.

I l serait présomptueux de vouloir conclure sur une problématique aussi épineuse. Néanmoins, qu’il nous soit permis de proposer quelques points à garder à l’esprit afin que la Halakha reste le plus proche possible de sa définition originelle.

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La Bible un texte toujours

moderne■ Une des idées centrales de votre pensée est la modernité de la Bible, qu’est-ce qui la rend moderne ?

Claude Birman : La modernité du texte biblique provient de sa capacité d’anticipation. Il professe un monothéisme é th ique qu i désacra l i se les forces de la nature, les appareils de pouvoir, et le particularisme des cultures. Pour les Hébreux, le soleil n’est plus un dieu mais une lampe, le roi est un homme soumis aux lois, et les rites ne valent que

par leur signification éthique. C’est l’esprit humain libre et responsable qui prévaut, non la force, l’arbitraire, ou la magie : « Je t’ai donné le choix entre la vie et la mort : choisis la vie ! » (Deutéronome 30).

D i v i n i s e r l a n a t u r e subordonnerai t l ’homme à la fatalité de l’ordre des choses, et de son désordre : Joseph montre au Pharaon que le Nil n’est pas un dieu capricieux, mais que ses crues et décrues sont prévisibles et peuvent être anticipées grâce

Claude Birman, Normalien, Agrégé de

philosophie, spécialiste de l’histoire

des religions, a placé l’étude des textes

bibliques et talmudiques au cœur de

sa réflexion philosophique. Elève de

Jean Zacklad, il enseigne à Sciences-

Po et est directeur de programme au

Collège international de philosophie. Il

participe à de nombreux colloques et

nous reproduisons ici son interview sur

l’actualité de la Bible.

Claude Birman

Entretien avec Claude Birman

Propos recueillis par Michaël Bar-Zvi

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au libre-arbitre, qui permet de devenir « comme maîtres et possesseurs de la nature entière », selon la formule de Descartes inspirée de Genèse1. Pour la tradition juive, Abraham le fondateur « met fin à l’astrologie », et « il n’y a plus de destin pour Israël ! »

leur organisation politique. Ciel et terre ne déterminent pas l’action des hommes, mais n’en sont que les « témoins ». Car les hommes sont à l’image d’un dieu qui n’appartient pas au monde, mais tel que c’est le monde qui a son lieu en lui.

phénicienne, l’écriture de la Bible témoigne donc d’une mutat ion radica le de la conscience religieuse. Quand les mythologies religieuses aux a lentours racontent l ’histoire des dieux, leurs amours et leurs colères, le récit biblique ne parle pas de Dieu en lui-même, il « tait », dirait Wittgenstein, tout propos théologique, et met en scène un Dieu un et transcendant, « anthropotrope », selon le terme d’Abraham Heschel, qui ne se dévoile que pour parler aux hommes en vue de les inciter à assumer leur liberté. « Je ne raisonnerai jamais sur la nature de Dieu », écrit Rousseau dans l’Emile, que je n’y sois forcé par le sentiment de ses relations avec moi ». La Bible parle donc non des dieux mais des hommes. Et elle en parle de manière pragmatique : comment devenir libres et responsables ? Son propos est donc pratique au sens de Kant, c’est-à-dire normatif, et non empirique. Elle ne traite ni d’histoire objective, ni de poésie subjective. Son sujet, c’est la Loi qui rend libre. Le Décalogue commence par un énoncé normatif radical :

« Moi je suis YHWH, ton Dieu, qui t’ai fait sortir de la terre d ’Égypte , d ’une maison d’esclaves ».

Le seul vrai dieu est celui qui délivre des enfermements, qui élève au-dessus des détermin ismes nature ls , des entraves sociales et des part icular ismes cul turels mensongers et mutilants. Le Décalogue, écrit Lacan dans son Ethique de la psychanalyse, institue l’homme en position de sujet parlant.

Car qu’est-ce que la modernité ? Hannah Arendt, dans La crise de la culture, la définit par trois traits complémentaires : la reconnaissance de la liberté individuelle, et par suite de la dignité humaine ; le progrès des sciences et des techniques qui s’ensuit ; et l’essor de la liberté politique. Elle en trouve les indices chez Luther protestant pour le libre examen, c’est-à-dire le droit de lire la Bible par soi-même, dans l’audace de Galilée levant sa lunette vers la lune pour chercher l’uniformité des lois de la nature, et avec Colomb ouvrant la voie d’un Nouveau Monde, l ibre de préjugés politiques inégalitaires.

Mais l’apport du récit biblique à la pensée moderne réside aussi et surtout dans son unité, sa cohérence et sa complétude ; ce pourquoi il est pour les Juifs l’Ecrit immuable pour toujours source d’écrits nouveaux. Son universalité paradigmatique tient à ce qu’i l conte une fois pour toutes comment se construit une famil le monothéiste, dans la Genèse, comment de là naît, dans l’Exode, un peuple défini par sa résistance à l’oppression et l’affirmation du Droit ; comment celui-ci édifie ensuite une société où « chacun agissait comme bon lui semblait » (Juges 21), puis un Etat unifié soumis au Droit, et un Temple signe d’ouverture universelle et d’attention aux autres nations.

Chaque livre de la Bible prend sens au sein de ce dessein cohérent

Par exemple le livre de Job montre qu’un homme juste

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Les hommes faits à l’image du dieu unique sont égaux entre eux, tous doués de la capacité de penser librement. La même capacité d’invention se retrouve en chacun : idée que reprend, près de trois milles ans plus tard, Hannah Arendt : « Chaque enfant qui naît est une nouvelle chance pour l’humanité ». La pensée d’un homme ne peut jamais en droit être réduite à ce qu’il apprend des autres. La Bible n’a pas seulement provoqué les traditions juives, chrétiennes, et musulmanes, mais aussi la modernité des Lumières. En regard de cette égalité, le droit de naissance est ainsi une barbarie, un « racisme » qui soumet la culture à la nature. Platon l’avait vu, et Hegel, lecteur de Rousseau et de Kant, le rappelle par exemple dans sa critique du système des castes hindou, aujourd’hui aboli par Nehru ; et dans son éloge de l’abolition des privilèges, à Paris la nuit du 4 août 1789. Le Serment du Jeu de Paume, et les théories du Contrat social qui l’ont précédé, sont inspirés du récit du serment unanime des Hébreux, qui jurent au désert fidélité à la Loi qui les constitue en peuple d’égaux solidaires (Exode 23). La Bible forme, écrit Spinoza, « le droit public des anciens Hébreux », qui anticipe le patriotisme constitutionnel de Habermas. Les ennemis du droit ne s’y trompent pas. Les hommes sont faits « de chair et de sang », mais leur système nerveux les élève au-dessus du monde animal, aussi bien dans l’ordre des rapports avec le monde physique, que dans celui de

Selon la parabole rabbinique, Dieu est comme un cavalier qui chevauche le monde, mais dont la cape recouvre la monture. Et par suite, selon l’heureuse traduction de Genèse 2 par Henri Meschonnic, si l’homme adam est présenté comme formé, par l’art du potier, de l’argile rouge nommée adamah, ce n’est pas tant que l’homme est fait de terre, mais que cette terre est la « terre des hommes ». Aussi le temps du repos de Dieu est-il celui de l’avènement des êtres pensants. Et selon l’adage repris par le Maharal de Prague au seizième siècle : « le monde a été crée pour que la Loi soit donnée ».

■ Au fond n’est-ce pas le monothéisme juif qui est à l’origine de la modernité ?

Historiquement, les Hébreux formaient au douzième siècle avant l ’ère commune une petite population sémitique de l’Ouest, prise en tenailles entre deux énormes civilisations impériales hégémoniques, mais en déclin : Babylone et l’Egypte. D’une part, ils héritent de ces deux immenses cultures, de l’autre ils subissent une pression intenable qui les propulse vers une pensée de l’avenir et du dépassement des impasses . Ce l les -c i viennent de la confusion entre nature, pouvoir, et esprit qui caractérise l’inhumanité impériale, et que les prophètes appellent l’idolâtrie. Grâce à une refonte de la mythologie

La modernité du texte biblique consiste donc fondamentalement en ce qu’il suscite indéfiniment de la modernité, c’est-à-dire de la liberté et de la responsabilité.

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mais seul doit rejoindre un projet collectif. Le livre de Jonas montre qu’un homme ne peut fuir ses responsabilités, et ne doit pas plus méconnaître les capacités de reprise de ceux qui se sont fourvoyés. Le Chant des chants évoque sous le couvert d’une relation amoureuse, la multiplicité des relations d’alliance heureuses, qui peuvent naître de l’attention au sens de la Loi d’un peuple par ailleurs aux prises avec son être au monde. L’Ecclésiaste enfin définit avec profondeur les limites dans lesquelles l’homme peut accomplir sa finitude. La fécondité de cette narration linéaire tient donc à la liaison de ses moments, qui met en évidence la relation étroite qui unit les dimensions normatives anthropologiques et politiques de l’affirmation de la liberté. Ainsi Genèse 2, 24 prescrit : « l’homme quittera son père et sa mère pour s’unir à sa femme » Rachi, au onzième siècle, y reconnaît d’abord la prohibition de l’inceste, chère à l’anthropologie et à la psychologie contemporaines. Mais ce verset signifie aussi implicitement qu’à partir de sa conscience religieuse (son « père »), et de sa culture (sa « mère »), un Etat (« l’homme ») doit l ibrement s’unir à la dynamique de sa société civile (sa « femme »). Assurément l’Etat peut être une régression, et lorsque le peuple demande » un roi » au prophète Samuel, celui-ci s’y oppose (I Samuel 8). Mais Dieu intervient pour dire à Samuel d’écouter « la voix du peuple » : la liberté, comme le montre Hegel, reste fragile et inachevée sans conscience politique effective. Le message abrahamique donne sens à la fois aux droits de l’individu, des communautés et des Etats, parce qu’il relie et unifie ces exigences sans les réduire, c’est-à-dire avec une attention scrupuleuse à leur altérité. Il insiste sur la nécessité rationnelle de la convergence des nations vers ce qu’Isaïe nomme « la Montagne de Sion », chacune

à partir de sa propre histoire, en vue de la construction d’un monde de paix. Marie Balmary remarque ainsi une émouvante analogie entre l ’étonnant rassemblement de nos jours de mille et une communautés juives dispersées, dans leur petite patrie de refuge, et la vaste tentative contemporaine de construction d’un ordre juridique et politique mondial. Sans illusion utopique, mais au contraire au cœur du devenir réel des sociétés, jusqu’aux extrêmes détresses entraînées par le jeu furieux des intérêts et des passions, sans Etat ou avec, Israël continue avec sa Bible d’éveiller les esprits et les cœurs à la possibilité rationnelle de construire un monde humain unifié, fraternel, juste et pacifié. En ce qui concerne les relations entre Bible et philosophie, nous sommes donc en chemin vers un renversement des mentalités, anticipé par bien des grands esprits. Il n’y a pas lieu d’opposer foi et raison. Nulle philosophie n’est plus rationnelle que la pensée biblique, puisqu’elle se fonde sur l’intuition de l’infini. On peut, comme Spinoza dans l’Ethique, s’attacher à la transposer en termes post-cartésiens : ce dont Alain lui sait gré dans la préface de son Spinoza. On peut comme Pascal s’attacher à son langage imagé, qui « n’instruit pas mais échauffe », mais en se souvenant que si « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », c’est parce que la véritable intelligence du sens n’est pas une simple ratiocination, mais qu’elle met en œuvre des capacités de penser et de sentir qui fondent la valeur des raisonnements. Le coeur est ainsi pour Pascal aussi bien au fondement de sa foi que des mathématiques. Comme l’a souligné Jean-Pierre Vernant, ce « cœur » est moins le siège des émotions-que le kardia grec évoque, que le lev hébreu, principe d’unité et de recentrement de la pensée et de l’action. ■

■ Considérez-vous que le judaïsme est aujourd’hui en période de préservation, d’adaptation ou de renouveau ?

E l i e z e r S c h i l t : P o u r commencer, i l me parait important de préciser de quel judaïsme nous allons parler. Ce terme renvoie le plus souvent à la religion juive, à une culture ou éthique juive. Cependant on ne doit pas le limiter à cette définition mais y englober plus largement l’ensemble des Juifs, quelle que soit leur relation avec le judaïsme, que ce soit un rapport religieux, un sentiment d’appartenance au peuple juif, une fidélité à certaines valeurs, un lien avec l’État d’Israël, une volonté de changer le monde, une histoire personnelle, une tradition familiale, un attachement à une langue ; un peu de tout cela, rien de tout cela, tout cela… De nos jours, un individu se forme lui-même plus qu’il ne calque ce qu’il a reçu. Il puise dans tous les champs d’information que notre monde propose, fixe ainsi son rapport au judaïsme et le fait évoluer au fil des années. Pour autant, il reste un point commun : le fait d’être Juif, que l’on s’étiquette soi-même ainsi ou que les autres, pour reprendre l’idée de Jean-Paul Sartre dans ses Réflexions sur

la question juive, le fassent avec de mauvaises intentions, ou non.

Cette mise au point me permet de souligner la plural i té des réponses possibles à cette première question. Le judaïsme suscite en effet de multiples questionnements dans la plupart des milieux juifs, depuis les laïcs jusqu’aux orthodoxes en passant par les libéraux et les massortim. Cela conduit progressivement à un renouveau du judaïsme, clairement perceptible en Israël ou aux États-Unis, un peu moins en France, me semble-t-il. Cela prend du temps, comme tout changement de cette nature. Ce renouveau s’inscrit dans la continuité des évolutions du judaïsme depuis bientôt trois siècles, et particulièrement depuis quelques décennies où nos rapports au monde ont été bouleversés sur de nombreuses questions de société : féminisme, droits des minorités, libéralismes, monde du travail, temps libre, etc. Ainsi, dans les sociétés occidentales, nous vivons actuellement p l u s i e u r s r é v o l u t i o n s simultanées, à commencer par la p lus importante , la révolut ion numérique, aussi transformatrice pour l e s ê t res huma ins que l’invention de l’écriture ou celle de l’imprimerie. Par ricochet, dans le judaïsme, de nouvelles questions émergent ou réapparaissent : peut-on, par exemple, tenir le même discours aujourd’hui à des

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Le judaïsme de demain

Eliezer Schilt, auteur d’une thèse sur les relations judéo-chrétiennes en

France depuis 1945, à l’université de Beer Sheva, professeur d’histoire juive

à l’Institut catholique d’études juives Decourtray, directeur de projet aux

Archives sionistes, enseignant d’histoire juive à Yad Vashem, s’interroge sur

la condition juive dans le monde contemporain. Il a répondu à nos trois questions sur le judaïsme de demain.

Eliezer Schilt

Trois questions à Eliezer Schilt

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■ Considérez-vous que le Judaïsme soit aujourd’hui en période de préservation, d’adaptation ou de renouveau ?

Le judaïsme comme entité abstraite n’existe pas mais désigne un phénomène qui se subdivise en trois dimensions. La dimension textuelle qui regroupe les littératures du Judaïsme. Ces littératures sont abondantes et s’étendent du texte biblique jusqu’aux derniers recueils qui seront rédigés demain. La dimension sociologique, qui englobe les communautés juives à travers le monde et qui représente les aspirations socioreligieuses et culturelles de leurs membres.

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jeunes filles, diplômées de l’Université et avides d’étudier, qu’il y a vingt siècles et les tenir éloigner de l’étude des textes de notre tradition ? Ou, peut-on prendre le risque, dans un monde global, de restreindre la Torah à une dimension exclusivement particulariste ? Les questions de ce type se multiplient et doivent être posées sérieusement par l’ensemble des responsables du judaïsme. Leurs réponses ne sont évidemment pas simples et doivent tenir compte des héritages de l’Histoire alors que les différentes fractures provoquées par les mouvements d’émancipation sont toujours présentes. L’exemple des débats que suscitent les récentes interventions du gouvernement israélien au sujet de la gestion de l’espace de prières du Kotel ou de la loi sur les conversions sont bien une illustration que tous les milieux du judaïsme ne s’inscrivent pas dans cet élan complexe de renouveaux ; dans certains milieux ultra-orthodoxes, le judaïsme semble

y être, au contraire, en période de préservation, souvent caractérisée par l’érection de nouvelles barrières qui entourent le « monde de la Torah », considéré par ses défenseurs comme agressé par le monde extérieur.

■ Comment le judaïsme doit-il préparer l’avenir ? Doit-il évoluer ou changer en fonction des défis que pose le monde actuel ?

Pour préparer l’avenir, il me semble que l’on doit tirer certaines leçons de l’Histoire. À chaque fois que nous nous sommes divisés, le judaïsme n’en est pas sorti grandi. Lorsque le second Temple a été détruit en 70 par les Romains, nos Maîtres d’alors ont présenté la haine gratuite au sein du peuple juif comme la raison fondamentale de cette catastrophe. Or de quoi s’agit-il ? Pour le comprendre, je ramènerai une autre discussion que l’on ramène ailleurs dans la littérature rabbinique : pourquoi les décisionnaires qui ont fixé

la Loi juive ont privilégié dans la quasi-totalité des cas les choix de l’École de Hillel face à l’École de Chammaï ? Sur le fond, dit-on, les deux avaient raison – cette réponse est déjà en soi déroutante. Mais, les disciples de Hillel ont été distingués pour avoir d’abord écouté les arguments de l’autre partie avant de trancher. Cette nécessaire écoute de l’autre me semble capitale si l’on veut avancer. Car si la division nuit, il ne s’agit pas pour autant de promouvoir une unité monolithique. Le judaïsme ne vise pas dans sa nature l’uniformité monocolore. Depuis le temps des Patriarches, nous apprenons de la Bible que la diversité n’est pas un obstacle à former un seul peuple. Que ce soit l’exemple des douze tribus ou celui de la répartition entre Cohen-Lévi et Israël, l’idéal du judaïsme n’a jamais été que tout le monde soit identique. Chacun a sa place, sa mission à remplir. L’important reste toujours de savoir dans quel but. Une dispute, enseigne-t-

on dans le Traité des Pères, est une source de richesses, à condition qu’elle ait toujours lieu « au nom du Ciel ».

■ Quel sera à votre avis le visage du monde juif dans vingt ou trente ans ? Visage humain, culturel, sociologique ?

Il est toujours difficile en tant qu’historien de se projeter dans l’avenir tant l’Histoire nous apprend que ceux qui se sont lancés dans de telles prédictions ont rarement été confirmés par la suite. Les événements qui vont survenir entre aujourd’hui et vingt ou trente ans permettront de savoir quel visage aura à terme le judaïsme. Devant tant d’incertitudes, il est donc difficile de le décrire avec justesse. En revanche, ce qui est sûr, c’est que ce visage restera humain, celui que chacun d’entre nous aura modelé par ses choix responsables. ■

Mikhael Benadmon est docteur en philosphie, auteur de nombreux ouvrages, dont « Pourquoi Israël – Les

tentations territoriales : Avoir, Etre, Pouvoir » (Editions Lichma) est directeur d’études à la Faculté

d’éducation Herzog. Il partage son temps entre l’enseignement et l’écriture. Ses travaux portent sur les concepts d’altérité, de corporalité et de tolérance dans

la littérature halakhique et la théologie du sionisme religieux. Il est un des intellectuels francophones de ce

que l’on appelle l’orthodoxie moderne. Il a répondu à nos trois questions sur l’avenir du judaïsme.

Trois questions à Mikhael Benadmon

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Le judaïsme de demain

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Ces trois dimensions ne se recoupent que partiellement. Ainsi, l’individu comme la communauté piochent et cherchent dans les l ittératures du Judaïsme des sources qui s’accordent avec les impératifs personnels et sociologiques du moment et du lieu, dans une lecture qui donne sens à leurs projets respectifs. Pour ma part, je considère qu’une vie juive responsable se constitue dans la préservation d’un équilibre entre ces trois dimensions et la conservation de la tension dialectique qui y est inhérente. Un des grands dangers de l’ultra-orthodoxie est de sanctifier la dimension textuelle du monde d’hier et d’y subordonner les deux autres dimensions. Le danger des communautés dites progressistes est au contraire de minimaliser, voire sacrifier, la dimension textuelle et de consacrer les deux autres dimensions. Je constate que la dimension textuelle est aujourd’hui en pleine effervescence dans les deux grands centres juifs qui sont Israël et les Etats-Unis et fait preuve d’un renouveau sans précédent. La création littéraire du Judaïsme n’a en effet jamais été aussi féconde et plurielle. La dimension sociologique quant à elle me parait être en période de préservation et de crispation, et très peu de communautés sont prêtes et capables de se réinventer et de revisiter les nouveaux défis dans une ère où cela est pourtant indispensable. La lourdeur institutionnelle en est pour beaucoup responsable. La dimension identitaire quant à elle, et pour peu qu’il soit possible d’en dire quelque chose de générique, est considérablement challengée et doit se frayer un chemin dans une époque où il n’est pas aisé de combiner une véritable naïveté religieuse (la ‘seconde naïveté’de P. Ricœur) avec la pluralité légitime des identités contemporaines.

■ Comment le judaïsme doit-il préparer l’avenir ? Doit-il évoluer ou changer en fonction des défis que pose le monde actuel ?

J’identifie onze défis qui se présentent aujourd’hui et qui exigent une refonte

Le défi religieux : Comment renforcer l’étude et la pratique religieuse ; comment intensifier le dialogue entre les textes du judaïsme et le monde environnant ? Quelles voix religieuses faut-il faire entendre et comment développer une spiritualité authentique dans un monde pluriel et pluraliste ?

Le défi social : Comment intensifier l’action et la justice sociale au sein de la communauté juive et envers la communauté nationale ?

Le défi d’Israël : quelle place donner à Israël et au sionisme dans l’identité des Juifs et dans la vie communautaire ; quelle est la place de la Aliya ; comment réagir aux critiques antisionistes ?

Le défi féministe : Comment réfléchir la place des femmes au sein de la communauté et de la synagogue ; Comment développer l’étude de la Torah et le statut de la femme dans la halakha ?

Le défi antisémite : Comment combattre ces phénomènes ; qui sont les partenaires et quelles sont les actions possibles ; comment générer une ambiance plus saine et favorable aux Juifs ?

Le défi de l’assimilation : Comment enrayer le processus d’assimilation et proposer des activités culturelles et des loisirs qui se tournent vers tous et toutes ?

et une réflexion originale, sans quoi le Judaïsme de demain risque fortement de perdre toute pertinence pour les générations futures. Je citerai rapidement ces défis, qui constitue un véritable état des lieux du judaïsme contemporain, en insistant sur les principaux chantiers à traiter. Ces défis se posent bien entendu à toute communauté de France et de Navarre.

Le défi du Leadership : Comment assurer une relève ; comment faire émerger un leadership engagé et compétent pour le Judaïsme de demain qui soit une véritable élite servante et pas des fonctionnaires dépassés ; les leaders en présence (rabbins, leaders spirituels, administrateurs) sont-ils adaptés aux besoins et comprennent-ils les défis ; quelle formation faut-il proposer aux intéressés ; toutes les populations (jeunes, femmes) sont-elles représentées au sein du leadership en poste ?

Le défi institutionnel : Les institutions qui gèrent et représentent la vie des juifs sont-ils effectifs ? Comment amplifier la transparence et le participatif afin d’augmenter l’adhésion et la confiance en ces institutions ; faut-il opérer une révision des institutions ?

Le défi éducatif : Quelles structures éducatives sont-elles le plus adaptées pour l’enseignement des valeurs du Judaïsme ? Quelle place donner aux enfants de mariages mixtes qui désirent étudier en école juive ?

Le défi familial : Comment transformer la communauté en lieu d’accueil pour toute la famille ; quelles activités mettre en place afin de transformer la communauté en lieu de vie familial ?

Le défi de la jeunesse : Quelle place conférer à la jeunesse, aux mouvements de jeunesse ; comment donner plus de place aux jeunes, aux étudiants, dans le cadre d’une action religieuse et non religieuse ?

La troisième dimension enfin est celle de la judéité qui appartient à l’individu et se traduit en termes d’identité : elle est personnelle, intime, dynamique. elle s’élabore face aux aléas de l’histoire personnelle d’une part et face aux fluctuations de l’histoire collective des juifs d’autre part.

Le renouveau est donc nécessaire et passe par la mise en place d’une réflexion stratégique et une professionnalisation des acteurs pour qui le fait juif doit se perpétuer.

■ Quel sera à votre avis le visage du monde juif dans vingt ou trente ans ? Visage humain, culturel, sociologique ?

N’étant ni prophète ni fils de prophète et fort d’une tradition talmudique qui considère que ‘Celui qui prépare son repas la veille de Chabbat pourra le déguster pendant Chabbat’(Avoda Zara 3a), je suis persuadé que l’avenir commence dès aujourd’hui. Le Judaïsme que nous lèguerons à nos enfants doit être assez consistant pour constituer à leurs yeux un projet passionnant et pétillant. ■

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Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager 15 • המבשר

Guerre u l t ime auss i , d’une certaine manière,

car jamais un conflit armé si bref n’avait autant été chargé de sens. Comme le pressent P. Boutang, cette guerre n’est pas seulement un affrontement militaire mais un paradoxe, dans lequel le politique rejoint le spirituel, à travers une révolution des consciences qui quest ionne l ’Europe autant que le Proche-Orient. Les dimensions symboliques, affectives, religieuses, et culturelles de cette guerre ont une force qui dépasse l ’ événemen t l u i -même et nous renvoient à nos angoisses, nos fantasmes et nos valeurs. Aventure mys tér ieuse éga lement dont les causes matérielles, formelles, eff ic ientes et finales ne sont pas connues totalement à ce jour, et que

peut-être certains récents événements dans le monde arabe nous dévoilent petit à petit. Enfin, une guerre dont les conséquences définitives nous échappent encore, comme s’il s’agissait d’un destin ou d’un projet dépassant le réc i t des hommes, écrit pour l’histoire et qui réserve un sort funeste aux héros qui veulent en changer le sens. Immense et parfaite tragédie grecque récitée par des chœurs juifs et musulmans, telle est aussi la contradiction de ce qui se joue depuis 1967 sur la scène du Proche-Orient, et dont personne ne possède toutes les clés, mais où tout le monde assiste à l’avènement expiatoire de la théâtrocratie.

La guerre des six jours est un tournant historique, non seulement par la force de son

résultat, mais avant tout par ce qui lui précède. Une vingtaine d’années après sa création, Israël a déjà remporté deux victoires militaires, au cours de la guerre d’indépendance et lors de l’opération de Suez, mais dans ces deux cas, l’Etat hébreu n’était pas seul, il bénéficiait d’un soutien direct des grandes puissances. En 1948, le peuple juif réalise son rêve d’un retour et du rétablissement d’une

souveraineté sur la terre de ses ancêtres, mais à un prix très lourd, des pertes énormes en vie humaine (environ 1 % de la population) et le tracé de frontières indéfendables en cas d’attaque globale des pays arabes. En 1956, l’opération Kadech, comme on l’appelle, s’achève par un coup d’épée dans l’eau. Israël n’obtient aucun bénéfice direct, ni stratégique, ni politique et encore moins économique.

Nous vivons depuis presque un demi-siècle,

le septième jour de la guerre des six jours,

comme le temps d’une vie d’adulte avec ses

joies et ses peines, ses déceptions et ses

espoirs. Fin et commencement à la fois d’une

période de l’histoire, la guerre des six jours

a marqué les esprits d’une trace indélébile,

en dessinant les contours des engagements

politiques qui subsistent encore aujourd’hui.

Le septième jour

Par Michaël Bar-Zvi

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Vue aérienne Vieille Ville Jérusalem

Le Kotel par Salvador Dali

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r Bien au contraire, cette guerre renforce les Etats arabes de la région dans leur nouvelle idéologie : le panarabisme. Hussein, chérif de La Mecque, à l’origine de cette forme de nationalisme, trouve avec Nasser en Egypte et avec le parti Baas, fondé en Syrie par le chrétien Michel Aflaq et le musulman Salah al Din Ql Bitar, un écho à cette vision permettant d ’eng lober musu lmans , chrétiens et laïques dans un même mouvement politique. Deux piliers sont à la base du panarabisme : la volonté de retrouver la grandeur arabe et la haine d’Israël. De 1956 à 1967, les dirigeants arabes ont mis sur pied la stratégie censée leur permettre de réaliser les objectifs du panarabisme, dont la première étape est la destruction de l’Etat d’Israël. La création de l’OLP autour des descendants et disciples de Hadj Amin El Husseini, ancien Mufti de Jérusalem, en 1964, est un des jalons de cette entreprise de construction d’une identité nationale palestinienne dans le giron du panarabisme. L’échec cuisant des armées arabes pendant la guerre des six jours est, à juste titre, considéré comme le début de la fin du panarabisme.

La récupéra t ion de la « cause palestinienne » par le panarabisme est remise en cause par la défaite de juin 1967, et aboutira en décembre 1967 au départ du fondateur de l ’OLP, Ahmed Choukeiry et à son remplacement par Yasser Arafat, qui met en place une autre stratégie de combat contre l’Etat d’Israël. Il ne s’agit pas là seulement d’une substitution de personnes, mais d’un changement radical de politique. Alors que le mouvement palestinien sous la direction de Choukeiry souhaitait s’associer à une guerre totale contre Israël,

aux côtés et dans les rangs des armées arabes, il va petit à petit s’orienter à partir de la fin des années vers une nouvelle forme de terrorisme, que nous connaissons encore aujourd’hui. Le constat de l’échec des armées arabes à vaincre Israël sur le champ de bataille va donner naissance à un terrorisme planétaire, dont le but avoué est l’exportation du conflit hors de la région du Proche-Orient. Le terrorisme palestinien réussira, au cours

de la décennie qui suivit la guerre des six jours, à marquer psychologiquement les esprits, amenant souvent les pays occidentaux à des compromis et renoncements peu glorieux. Armés d’une triple identité, tantôt palestinienne, tantôt arabe et tantôt musulmane, les dirigeants de l’OLP ont, pendant les deux décennies qui suivirent la guerre des six jours, mobilisé tour à tour les forces progressistes, nationalistes ou islamistes à

son activisme terroriste contre Israël et les communautés juives à travers le monde. Cette universalisation du terrorisme a servi et sert encore de modèle aux nébuleuses qui menacent l’équilibre de la planète.

Depuis quarante-quatre ans la question que se posent aussi bien les observateurs que les béotiens est la suivante : la victoire militaire écrasante de 67 est-elle une victoire à la Pyrrhus ? Un succès sur le champ de bataille qui se transforme en défaite politique. A court terme, le résultat a constitué une surprise pour Israël, dont l’objectif immédiat était la levée de la menace de destruction qui pesait sur lui depuis le retrait des Casques Bleus du Sinaï en mai et le blocus maritime du canal de Suez. Le choc des armées arabes humiliées a semble-t-il empêché l’amorce d’une négociat ion avec l’Egypte et la Syrie. Prises de

La Knesset

Jérusalem avant 1967

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court, les grandes puissances et l’ONU n’étaient pas en mesure de trouver une formule pouvant mener à un accord. Les tractations autour de la fameuse résolution 242, et ses différentes versions anglaise et française, montrent bien la confusion créée par un revers aussi cuisant et aussi imprévisible des forces arabes. A moyen terme, le capital de sympathie dont bénéficiait l’Etat d’Israël s’est retourné au profit de ceux qui n’ont cessé de se poser en victimes, opérant ainsi un transfert compassionnel que l’Occident, fautif pendant la seconde guerre mondiale, espérait depuis la Shoah. En quête de réponse simple à une question compliquée, la classe politique et les castes intellectuelles occidentales résumaient le problème du Proche-Orient à la réparation d’une iniquité. A long terme, on se rend compte que les enjeux

diplomatie bien-pensante, trop souvent ignorante des racines spirituelles et culturelles d’une région dont l’intérêt n’est pas seulement stratégique. Les aléas d’une géopolitique, qui réduit les problèmes à des confrontations d’intérêt ou à des luttes pour la domination, ont abouti à un malentendu profond sur le conflit arabo-israélien, en proposant deux grilles de lecture beaucoup trop schématiques ou trop simplificatrices. La première thèse considère le conflit comme un problème de souveraineté et de frontières, dont la solution est un compromis territorial, ne tenant pas compte de l’appartenance à une terre, ni du lien à un patrimoine ancestral. La seconde thèse place le conflit dans la perspective d’une guerre religieuse, avec comme épicentre la ville de Jérusalem, chère aux trois monothéismes, mais dont les notions de sainteté ne sont pas explicitées. La guerre des six jours a remis Jérusalem au cœur du conflit. Le retour des Juifs dans les ruelles de la Vieille Ville, la capacité retrouvée de prier devant le Mur des Lamentations, la libération du Mont Scopus et le renouveau d’une cité moderne sur les lieux d’un passé glorieux sont autant de symboles qui ont redonné à Jérusalem sa dimension historique et métaphysique, mais ont également ranimé les passions et les haines. Troisième ou quatrième ville sacrée pour l’Islam, Jérusalem n’a jamais été la capitale d’un quelconque Etat musulman, même pendant les dix-neuf années d’occupation jordano-palestinienne. L’extension de la souveraineté juive à l’ensemble des quartiers de la ville « confiée à la garde de l’Etat et du soldat juifs » -selon les termes de P. Boutang- aurait-elle « resacralisé » Jérusalem aux yeux des musulmans ? Le monde chrétien hésite, malgré les avancées du Pape Jean-Paul II, à nouer une nouvelle alliance avec le peuple juif, qui pourtant serait l’unique assurance de conserver aux Lieux Saints leur statut et leur importance sans risquer une islamisation ou une compromission impardonnable . Le mythe d’une Jérusalem, berceau des trois religions, ne résiste ni à l’analyse historique de leur destinée, ni à l’interprétation théologique des textes canoniques. Jérusalem, ville absente du Coran, sinon de manière allusive selon les exégètes, n’a pas le même statut de sacralité dans la tradition islamique que dans la tradition juive. L’unicité de Jérusalem dans le judaïsme est évidente, mais pour autant elle

géopolitiques sont bien plus complexes et que, comme le perçoit P. Boutang, les clés ne se trouvent pas dans l’application d’un schéma ordonné d’avance, mais dans la connaissance profonde des réalités, et notamment celles des civilisations arabes et juives. Les récents événements dans le monde arabe nous démontrent avec force qu’en deçà et au-delà de la question palestinienne, les véritables interrogations portent sur la nature de l’Islam, sur ses relations avec l’Occident, dont Israël est à ses yeux le messager emblématique, sur la vision de la modernité, sur le sens de la liberté et sur la reconnaissance de l’autre dans les Etats arabo-musulmans.

Le conflit arabo-israélien ne peut se résumer pas à une question territoriale, ni se résoudre par l’établissement d’un Etat palestinien, formule magique de la

Jérusalem après 1967

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n’est pas une ville sainte, dans le sens où l’entendent les chrétiens. Jérusalem est désignée en hébreu sous le nom Ir Hakodech, la ville du sacré, c’est-à-dire la ville où le peuple hébreu a érigé un Temple pour sanctifier le Nom. La notion de « lieu saint » est étrangère au judaïsme qui sacralise le temps et non l’espace. Le caractère sacré de Jérusalem n’est pas lié au sol, mais à l’acte de sanctification qu’a constitué la construction du Temple de Jérusalem. En revanche, le rétabl issement d’une souveraineté juive sur la terre ancestrale et sur Jérusalem représente un devoir moral, que le Talmud désigne sous le terme Mitsvat Yichouv Haaretz (littéralement précepte de peuplement de la terre). Son application constitue une étape nécessaire de la rédemption au même titre que le rassemblement des exilés. Maimonide considère que le rétablissement d’une telle souveraineté représente un appel au retour en Eretz Israël auquel les Juifs de la diaspora ont l’obligation morale de répondre.

Une des conséquences pour la nation juive, et non des moindres, de la guerre des six jours a été ce retour du spirituel par le politique. Alors qu’un sociologue juif français, Georges Friedmann, s’interrogeait à l’époque sur l’éventualité d’une « Fin du peuple juif », la nouvelle réal i té instaurée par la guerre eut l’effet contraire et engendra la plus grande Alya – immigration- vers Israël depuis l’indépendance. En Israël, le miracle de la sonnerie du Shofar, entendue à nouveau sur le mont du Temple, redonna un nouvel élan au sionisme réalisateur, qui avait été celui des premiers pionniers. Cette fois, ce n’était plus l’idéologie socialiste qui animait le mouvement

pionnier, mais un courant inspiré des idées du Rav Kook, figure de proue du sionisme religieux : le Gouch Emounim (Bloc de la foi). A côté de ce mouvement de jeunesse, dont le but était de repeupler la Judée-Samarie, une autre organisation vit le jour, le mouvement pour l’intégrité de la terre d’Israël, composée d’intellectuels issus de tous les partis, y compris la gauche israélienne. Le prix Nobel de littérature S.Y.Agnon, le poète Nathan Alterman, l’écrivain Moshe Shamir, l ’anc ien chef du Mossad Isser Harel furent parmi les fondateurs de ce mouvement dont l’objectif était de redonner un sens historique, spirituel et politique à la victoire de 1967, au profit de la nation juive. Au lendemain de la guerre des six jours, deux conceptions radicalement opposées ont vu le jour en Israël. La première qui ne voit dans les terres reconquises qu’une monnaie d’échange en vue d’un accord avec les Etats arabes voisins, et la seconde qui considère le retour à Jérusalem et en Judée-Samarie comme une part du projet sioniste et non comme un accident de l’histoire. On a coutume de désigner les partisans de la première conception par le « camp de la paix » et ceux qui adhèrent à la seconde par le nom de « camp national ». Pourtant, ces appellations sont trompeuses, car les premiers accords de paix ont été signés avec l’Egypte par M. Begin,

premier ministre issu du camp national, et les accords de paix signés avec la Jordanie par Y. Rabin n’ont pas fait l’objet d’échange de territoires conquis en 67. En revanche, les évacuations de territoires, comme la bande de Gaza et une partie de la Judée-Samarie n’ont pas amené la paix, mais un regain des hostilités à partir des zones abandonnées, devenues immédiatement après le retrait des forces israél iennes, des bases terroristes. Plus de quarante après la guerre des six jours, ces deux conceptions ne semblent plus correspondre à la réalité politique israélienne. La gauche i sraé l ienne, mouvement central dans les années pré et post étatiques a quasiment disparu de la carte politique, en tant que part i de gouvernement, et la droite israél ienne apparait aujourd’hui comme « recentrée ». Quant au parti sioniste religieux, il a lui aussi perdu son influence sur le cours des événements, cédant la place aux orthodoxes non-sionistes et à un parti situé à la droite du Likoud, dont les membres proviennent en ma jeure par t i e de l’immigration massive de l’ex Union Soviétique, depuis une vingtaine d’années. Ces données socio-politiques e t d é m o g r a p h i q u e s s e r v i ro n t s a n s a u c u n doute de fondement à une politique raisonnable, qui devra préserver les gages

sécuritaires fournis à l’Etat d’Israël par la victoire de Tsahal en 1967.

La guerre des six jours marque aussi la fin d’une alliance entre la France et Israël, après l’embargo tout d’abord, mais surtout après l’inoubliable con fé rence de p res se du général De Gaulle en novembre 1967, dans laquelle il rendossa les vieux habits d’un antisémitisme que l’on croyait dévolu. Une fois débarrassée du problème algérien, la France reprenait les oripeaux de sa traditionnelle politique arabe et le coup de semonce contre le peuple juif « sûr de lui-même et dominateur » ne fut que la reconnaissance officielle et publique de ce revirement diplomatique. Désormais, la France, puis l’Europe dans son sillage allait affirmer de manière de plus en plus claire son opposition à la diplomatie israélienne, à travers tous ses gouvernements . Ce changement d ’ a t t i t ude entrepris par le général De Gaulle a fini par rendre le rôle de la France au Proche-Orient presque insignifiant. Il est temps que cette erreur soit reconnue et réparée, et que des dirigeants courageux rétablissent un juste et sage équilibre, non seulement pour assurer l’avenir d’Israël mais aussi celui de l’Europe. ■

Michaël Bar-Zvi(Postface au livre « la guerre des six

jours » éditions Les provinciales)

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Au terme de la guerre d’indépendance, en 1949, l’armée israélienne a fondé

l’Organisation des Invalides de Tsahal pour aider les 6 000 blessés de ce conflit. Depuis des milliers de nouveaux membres blessés au cours de leur service actif ou de leurs périodes de réserves ont rejoint les rangs de cette organisation, qui comprend aujourd’hui plus de 50 000 membres, d’autant que les attentats terroristes depuis les années 2000 ont contraint l’association à ouvrir ses portes aux victimes civiles. Après la guerre de Kippour, face au nombre très important de blessés, l’organisation a décidé de créer des centres de réhabilitation et de traitement pour permettre une rééducation et une meilleure réinsertion sociale des personnes handicapées. Il existe actuellement quatre centres : Tel Aviv, Jérusalem, Haïfa et Beer-Sheva, et l’association a prévu la construction d’une cinquième structure à Ashdod. Nous avons visité le centre de Tel Aviv, dans le quartier d’Afeka au nord de Tel Aviv où se déroule chaque jour des dizaines d’activités sportives, artistiques, et thérapeutiques pour améliorer le bien-être des blessés de Tsahal. La directrice du

département européen des centres Beit Halochem, Ruthy Benitah, nous a accordé un entretien.

■ Nous sommes dans le centre Beit Halochem de Tel Aviv, depuis quand existe cette structure ?

Ruthy Benitah : Le centre de Tel Aviv a été créé en 1974 et il est le premier en son genre. Dès son ouverture il a regroupé les handicapés des guerres depuis 1948. Nous avons ensuite construit trois autres centres. Nous recensons aujourd’hui 51 000 invalides de guerre, et également maintenant une centaine de civils victimes d’actes terroristes, dont le taux d’invalidité est de 100 %. Ils peuvent ainsi profiter des services du Beit Halochem en termes de soins et d’activités permettant une meilleure réinsertion sociale. Les centres sont sous l’autorité et la responsabilité de l’Organisation des Invalides de Tsahal. Tous les fonds que nous collectons sont intégrés et contrôlés par cette organisation, qui décide des objectifs et des investissements dans le matériel ou la rénovation. Le ministère de la Défense israélien participe au budget de l’organisation à hauteur de 15

Entretien avec Ruthy Benitah, réalisé par Michaël Bar-Zvi

Beit Halochem Fondation des invalides

de Tsahal

BH-Haifa matan

L’Etat d’Israël est en état de

guerre de manière quasi

ininterrompue depuis sa

création et la guerre a un

prix humain très élevé, car

non seulement de nombreux

soldats, et parfois des civils

y perdent la vie, mais bien

d’autres, que l ’on oubl ie

trop souvent sont blessés

et continuent de souffrir de

handicaps physiques et

psychologiques pendant de

longues années.

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à 20 %, mais le reste provient de dons et de cotisations. Cette année le budget est de 95 millions de shekels et la participation de l’Etat s’élève à 25 millions, ce qui nous oblige à trouver les 70 millions qui manquent auprès de nos donateurs en Israël et à l’étranger. Les membres du Beit Halochem versent également une cotisation qui est de l’ordre de 400 shekels par an pour l’utilisation des infrastructures des centres. Nous avons un peu partout de par le monde des associations d’amis du Beit Halochem, et par ailleurs nous bénéficions de temps à autre de legs et

centres nous n’administrons pa s v r a imen t de so i n s médicaux, mais paramédicaux comme la kinésithérapie ou l’hydrothérapie. Ces soins sont subventionnés par le ministère de la Défense et sont délivrés au sein du Beit Halochem. Cependant la majeure partie de nos activités sont d’ordre sportif, culturel et social, pour tous les âges. Tous les matins nous avons des conférences organisées, ainsi que des projections de films et des excursions pour les plus âgés. Nous avons ouvert un club pour les jeunes, suite à la dernière opération à Gaza « bordure protectrice », où

qui prend en charge les enfants tous les après-midis pendant que les parents pratiquent d’autres activités et reçoivent des soins. Nous avons également onze clubs répartis dans tout Israël destinés aux handicapés qui ne sont pas en mesure de venir dans les centres du Beit Halochem.

■ Qui dirige l’association ? Quel est son mode de fonctionnement ?

R. B : Comme toutes les associations à but non lucratif nous procédons à des élections tous les cinq ans pour nommer un conseil d’administration et un bureau, qui désigne le président pour un mandat

successions. En France nous avons une représentation sous la responsabilité de M. Hubert Habib ([email protected],

BP 6453, 75064 Paris cedex 02,

Tél. : 06 14 20 80 72, www.zdvo.

org.). Il existe aussi en Israël une association amicale.

■ Comment se passe la prise en charge des blessés ? A quel moment intervenez-vous ?

R. B : Dès qu’un soldat est blessé nous sommes immédiatement mis au courant et nous rendons vis i te à la vict ime. Deux personnes sont nommées pour encadrer sa réhabilitation, que nous appelons son père et sa mère. Ils suivent son parcours de traitement dans le cadre hospitalier et vers la fin du cycle de convalescence, nous les invitons à visiter les centres du Beit Halochem pour leur présenter les activités dont ils pourront bénéficier. Dans les

nous avons accueilli plus de 600 nouveaux handicapés. Ces jeunes sont parrainés par des anciens qui leur montrent les activités sportives adaptées à leur handicap. Lorsque les handicapés sont mariés nous adoptons également leurs familles qui pourront utiliser les infrastructures sportives : piscine, salle de musculation, courts de tennis et terrain de jeux. Nous disposons d’une garderie avec une puéricultrice

renouvelable une seule fois. L’organisation au quotidien est gérée par un directeur général qui centralise les activités. Le président actuel, Haïm Bar, est lui-même, comme ses prédécesseurs, un invalide de guerre. Toute personne cotisant à l’association peut être élue au conseil ou aux fonctions de président, sans tenir de compte de son grade dans l’armée au moment de sa blessure.

■ Est-ce que toute personne blessée dans le cadre de l’armée peut bénéficier de vos services ou bien y-a-t-il un « seuil d’invalidité » ?

R. B : En principe tout blessé ayant un taux d’invalidité supérieur à 10 % peut adhérer au Beit Halochem. Il est possible que ce seuil passe à 20 % pour des raisons budgétaires. Par ailleurs il y a certains handicaps, comme les post-traumatismes, qui ne sont reconnus que très tardivement et la question de leur prise en charge s’est posée, mais finalement l’organisation a obtenu la reconnaissance de ces personnes comme invalides de guerre.

■ Quels sont les équipements dont vous disposez dans ce centre d’Afeka à Tel Aviv ?

R. B : Nous avons une salle de tir, deux salles de gymnastique, une salle de bains pour les soins

Visite aux victimes

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hydro-thérapeutiques, une salle polyvalente pour le tennis de table et les danses, une salle de sport où se déroulent les matchs handisports comme le basket ou le handball pour aveugles, le volley-ball, une piscine olympique qui vient d’être rénovée, avec une piscine de soins en hydrothérapie a t tenante , une sa l le de cérémonie et de réception, où se déroulent des tournois de bridge. L’organisation offre également des bourses d’études universitaires pour 400 handicapés chaque année et des bourses pour environ 90 sportifs et entraineurs qui excellent dans plusieurs catégories. Nous disposons également d’ateliers pour l’apprentissage de la peinture, de la sculpture, de la céramique et de la poterie. Chaque année nous organisons une exposition pour présenter les travaux des participants

aux ateliers. Les lauréats de

cette exposition reçoivent une

bourse de création. Les bourses

proviennent en général des

amis de l’association et des

donateurs à l’étranger et en

Israël.

■ Comment procédez-vous pour assurer la communication sur vos activités et sur les besoins de votre association ?

R. B : Nous publions une fois

par an, au moment du Yom

Atzmaout, un journal en

plusieurs langues, dont le

français, dans lequel nous

informons le public sur nos

réalisations et sur les cas de

blessés que nous soutenons

dans le cadre des centres Beit

Halochem. Cette brochure est

envoyée à tous nos donateurs

et amis. ■ Be

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LES ACtIVItéS SoNt D’orDrE SPortIF, CuLturEL Et SoCIAL, Pour touS LES âgES.

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Bloc-notes

Hamevasser a sélectionné pour vous

Cet avocat, éditeur et producteur multimédia se

consacre à l’écriture, L’Affaire Rosenblatt est son

deuxième roman.

en partenariat avec

L’AFFAIRE ROSENBLATT Joël Haroche Editions Grasset

L’assassinat du Président Kennedy suscite toujours l’imagination des écrivains. Dans son nouveau roman, L’affaire Rosenblatt, Joël Haroche a inventé une rencontre entre deux hommes, le premier est un avocat en mal d’affaires, le second, Lee Harvey Oswald, l’assassin présumé de Kennedy. Début des années soixante : les Rosenblatt ont posé leurs valises au Texas. Juifs au milieu de la plus importante population évangélique du

pays ; russes d’origine à une époque où l’on se prépare à vitrifier les « ruskoffs » ; gauchistes dix ans après que les époux Rosenberg ont grillé sur la chaise : l’intégration ne va pas aller de soi… Julius, le père de famille, est un avocat raté. Sa femme Rose rêve d’adaptation et entreprend à cette fin de

burlesques tentatives. Leur dernier fils Nathan, génie de huit ans, scande la vie familiale de ses obscénités. Quant à l’aîné Elias, narrateur du récit, il oppose un humour salvateur aux idées morbides qui l’assaillent. En 1963, les Rosenblatt se lient à un jeune couple encore plus paria qu’eux : lui est un Marines dyslexique en rupture de ban, elle une fragile exilée d’URSS.

Comment imaginer, à suivre leurs innocentes parties de campagne, que bientôt va se produire une déflagration promettant enfin la célébrité à ce petit monde de paumés ?

Fable tragi-comique sur l ’adaptation impossible et la revanche des humiliés, ce roman irrésistible de charme et de drôlerie nous promène avec délices dans la petite histoire pour mieux nous propulser dans la grande. ■

Des Russes chez l’oncle Sam

EVACUATION Raphaël Jerusalmy Actes sud

Norma l i en , o f f i c i e r dans les services de re n s e i g n e m e n t d e Tsahal, Raphaël Jerusalmy est issu d’une famille de libraires, qui est passionné par les livres

et la musique comme le montrèrent ces deux précédents livres sur Mozart et Villon. Dans ce livre il nous propose une fable politique. C’est la guerre. L’ensemble de la population de Tel-Aviv est évacué. Sauf qu’à la dernière minute, Saba, le grand-père de Naor, descend du bus, entraînant le jeune homme et sa petite amie Yaël dans une dérive clandestine au cœur de la cité désertée désormais toute à eux.Une expérience de survie à hauts risques, à l’intensité démultipliée par trois – trois âmes dont la fraternité efface les générations, trois grands enfants éperdus : Saba, le rescapé beckettien aux velléités oubliées, Yaël, la belle artiste aux idéaux intacts, et Naor, l’étudiant en cinéma aux yeux grands ouverts. Dans une ville bombardée devenue terrain de jeu, cocon paradoxal pour une innocence réinventée, Évacuation est un conte sans morale, une bulle de poésie arrachée aux entrailles de l’histoire au présent, une ode urbaine au désir de vivre, et de paix. ■

Une Fable proche-orientale

UNE VOIX SUR ISRAëL ET SON ÉCHO PAR FABRICE HADJADJ Paul Claudel Éditions Les provinciales

En 1949 Claudel veut célébrer la création de l’État d’Israël : « Tout de même c’est arrivé ! c’est arrivé sous nos yeux et cela sent encore, cela fume encore ! » Alors que les armées arabes et juive viennent à peine de cesser le feu, à un moment où l’on ne s’apitoie guère sur la

tribulation de rescapés des « infatigables cheminées d’Auschwitz », Claudel évoque « ce perpétuel Mercredi des Cendres » dont « Israël a fait son habitation » : « Je songe à ces flocons de suie humaine répartis par les quatre vents à tous les peuples d’Europe ». Avec la franchise un peu rugueuse qui caractérise le grand poète, il évoque « la promesse à Abraham » et « Israël par sa seule force reprenant possession de la terre de ses pères, refoulant les occupants, reconnu comme une nation autonome » car : « Ici tu es chez toi. Il n’y a pas prescription. Il n’y a jamais eu un acte juridique pour te déposséder ». « Leur retour à la Terre promise n’a pas eu le caractère d’un accident, écrit-il, mais d’une nécessité. Il n’y avait pas d’alternative. » Et il cite l’Évangile : Seigneur, où irions-nous ? « De nouveau il y a Israël debout sur l’antique pierre du pacte. » Claudel applique à la seule véritable révolution du xxe siècle les mots-mêmes de saint Paul : « Si leur perte a été la réconciliation du monde, que sera leur assomption, sinon la vie d’entre les morts ? » Et c’est cela qu’il appelle « la vocation catholique d’Israël » : « Implante-toi, Israël, dans la rectitude : montre-nous, comme un piquet de fer, ce ciel où toute rédemption aboutit. » Alors qu’une Europe démissionnaire, effrayée des conséquences de sa propre histoire, est prête à se débarrasser peut-être de tout ce qui a été jusqu’ici son existence et le charme de la vie sur cette terre, ces mots retentissent comme l’héritage, l’avertissement, la vérité et l’horizon du catholicisme français : « C’est Israël qui a accordé à Dieu l’incarnation ». ■

Olivier Véron

Catholique sioniste

L’ESPRIT DE LA KABBALE Julien Darmon Éditions Albin Michel

Disciple de C. Mopsik, Julien Darmon nous présente un ouvrage d’introduction au mysticisme juif. Qu’est-ce que la kabbale ? Une mystique, un ésotérisme, un ensemble

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Joël Haroche

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de pratiques magiques ? Autant de termes flous qui ne nous éclairent pas vraiment sur cet enseignement multiséculaire et unique en son genre. D’ailleurs selon les textes kabbalistiques eux-mêmes, la kabbake ne devrait

être transmise qu’à des Juifs, et même à une élite savante et spirituelle du judaïsme. Alors pourquoi tenter d’en partager l’esprit, qui plus est dans une langue non hébraïque ? Tel est le défi de ce livre, qui ne néglige pas les travaux d’érudits comme Gershom Scholem ou Moshe Idel, mais aborde la question par un autre versant. Le lecteur est invité à entrer dans une vision globale du monde, de l’homme et du divin – une vision certes profondément enracinée dans la tradition juive, comme le montrent son vocabulaire et ses références à la Torah, mais qui ouvre sur l’universel et peut enrichir tout un chacun. Chaque notion (tsimtsum, sefirot, gematria…) est replacée dans le système vivant où elle prend tout son sens, au-delà du folklore et des approximations. Tableaux, schémas et annexes permettent de se repérer dans cette complexité, qui nous est rendue accessible par une remarquable clarté d’exposition. Un livre stimulant pour le cœur et l’intelligence. ■

Une entrée en matière spirituelle

MON MARI ET MOI Elisabeth Jacquet Serge Safran éditeur

L’épouse de Paul Maruani, notre cher ami, et écrivain à succès, vient de publier un petit livre délicieux, drôle, et profond. Alors que l’égalité hommes/femmes est en progrès, mais n’a

pas encore touché le but final, Elisabeth Jacquet s’interroge sur le fait que dire pour une femme « Mon mari et moi » n’a rien à voir avec pour un homme dire « Ma femme et moi ». Car une femme ne dit pas : « mon homme et moi » ! Pourquoi une telle différence ? Que cache-t-elle ? La conscience d’un mystère ? Pourtant, reconnaît-elle, ce qui

est sûr c’est que mon mari est la personne avec laquelle je me suis trouvée le plus souvent dans le plus grand nombre d’endroits ! Cela épuise-t-il la signification du mariage ? Certes non. Alors qu’est ce qui se cache d’ailleurs derrière l’expression « Mon Mari et moi » ? Que connaît-on de son mari ? Que connaissent les femmes de leurs maris ? Car « mon mari » n’est qu’une infime partie de lui-même. Qu’il est dur de l’admettre ! Mais peut être le mariage simplifie-t-il l’existence ? Peut-être nous transforme-t-il ? Quelle en est alors la chimie ? Resterons-nous uniques, des énigmes l’un pour l’autre ? Des étrangers l’un pour l’autre ? Est-ce une forme ringarde d’existence ? A quoi cela sert de se marier ? Qu’avons-nous en commun ? Nous permet-il de nous découvrir chacun de

nous ? Nous donne-t-il accès à un mystère ? Pouvons-nous dire quelque chose de ce « et », du « mon mari et moi » ? Qu’est-ce que cette expression rajoute à chacun de nous 2 ? Est-ce une espèce de drone qui nous surveille, ou un tissu conjonctif qui nous rassemble ? Y-a-t-il une promesse du mariage à l’exclusion de souvenirs communs ? Comme le dit l’auteur, merveilleusement, le mariage est une façon d’être sédentaires à deux alors que nous sommes séparément nomades. Cet être-ensemble n’est donc pas rien : il nous module. Ensemble nous voyons des choses que jamais nous n’aurions vues seuls. Le mariage est l’art de l’adaptation de l’un à l’autre malgré les archaïsmes de chacun. Sans être capables de savoir ce que nous connaissons l’un de l’autre. Sur un ton badin, beaucoup de profondeurs, beaucoup d’éclairs, beaucoup de vérités. Un petit bréviaire de sagesse, et d’humilité. A lire, relire, ruminer. ■

Jean-François Bensahel

Le mariage pour tous

LES JUIFS D’ITALIE À LA RENAISSANCE Alessandro Guetta Éditions Albin Michel

Spécialiste du judaïsme italien, et directeur de recherches à l’INALCO, A. Guetta nous propose un ouvrage sur une des périodes les plus riches de l’histoire italienne, et dans laquelle les Juifss eurent une place non négligeable. Ils participèrent pleinement à cette formidable aventure culturelle. Les études bibliques, talmudiques, la philosophie, et la kabbale, mais aussi la linguistique, la poésie, le théâtre connaissent une effervescence sans pareille, avant et après l’institution des ghettos. Pendant cent cinquante ans, les Juifs d’Italie ont su développer une culture à la fois fidèle à la tradition et ouverte aux nouveautés de l’époque : en un mot une culture juive moderne. Livre passionnant et riche en informations, il comprend en fin de volume en annexe de nombreux tex tes et documents, peu connus du grand public comme des extraits de poèmes, de pièces de théâtre, de témoignages, de textes de commentateurs. On y retrouvera ce passage des Essais de Montaigne sur une cérémonie de circoncision dans une famille juive. ■

Un judaïsme baroque

ELLE CHANTAIT RAMONA Henri Raczymow Éditions Gallimard

Né à Paris après-guerre dans une famille ashkénaze, H. Raczymow essaie dans ce livre de reconstruire la vie de ses parents et

grands-parents dans le quartier populaire de Belleville, où le yiddish est la langue courante. Avec une certaine nostalgie d’un lieu, aujourd’hui englouti par les transformations urbaines, il évoque les voix, les expressions, les détails qui composaient le quotidien de cette population juive, ouvrière, militante pour les lendemains qui chantent. Son regard est tantôt ironique, tantôt empreint d’une immense tendresse, lorsqu’il raconte les anecdotes de son enfance, les dialogues entre ses parents ou les expériences de vacances. Au rythme des chansons populaires de cette période, Ramona, Tire tire l’aiguille, Ménilmontant, Savez-vous passer le tradéridéra, ou Dans la forêt lointaine, il déplie devant nous la tapis de la mémoire. Mais avant tout il nous rappelle comment, avec un courage et une vitalité exceptionnels, ces victimes du plus grand désastre de l’histoire ont su se reconstruire, fonder des familles, élever des enfants, participer aux luttes pour la justice et la vérité. « C’est que nos aînés, pas nécessairement les vieillards, ont cette particularité que leur vie englobe la nôtre, la comprend comme une figure de géométrie en comprend une autre, un cercle, un carré, un autre cercle, un autre carré. J’aime que ma vie soit contenue dans la mémoire d’une autre, une autre vie, une autre mémoire. » ■

La mémoire en chansons

ATTENDEZ-MOI MÉTRO RÉPUBLIQUEHanan Ayalti L’AntilopeNé en 1910 en Pologne, Hanan Ayalti a vécu en Palestine, puis en France de 1933 à 1942. Réfugié en Uruguay, il émigre à New-York en 1946 où il poursuit ses activités d’écrivain et de journaliste jusqu’à sa mort en 1992. Ce livre intitulé en yiddisch « Père et fils » raconte la vie d’une famille juive immigrée de Pologne prise dans la tourmente de la guerre et de l’occupation à Paris. Le fils, résistant communiste, participe à des attentats contre les Allemands. Recherché par la Gestapo, il se cache et sa mère, comprenant le danger, veut absolument le retrouver. Elle erre dans la capitale, à l’affût du moindre signe. Mené comme une intrigue policière, ce livre nous montre les conditions de l’occupation, les méthodes de la police pour débusquer les fuyards, les pressions exercées sur les proches et les familles. Elle nous montre la réalité qui crée des salauds et des héros, mais aussi les petites histoires d’amour et d’amitié sur lesquelles la grande Histoire tisse sa toile. Ecrit en 1943 à Montevidéo, ce roman avait été publié sous forme de feuilleton dans le journal yiddish de Buenos Aires Di Presse. ■

Une famille juive sous l’occupation

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Les éditions de l’Antilope viennent de publier le roman d’une écrivaine israélienne, Danielle Carmi dont plusieurs ouvrages ont été déjà été traduits en de nombreuses langues, notamment « Samir et Jonathan », (Hachette) qui obtint en 1997 le prix de littérature de jeunesse pour la tolérance. Ce livre racontait l’amitié entre un enfant palestinien soigné dans un hôpital en Israël et un enfant israélien. La tolérance et le dialogue entre Juifs et Arabes sont au cœur de l’œuvre de Daniella Carmi, dont certains romans ont été adaptés

au théâtre. « La famille Yassine et Lucy dans les cieux » raconte l’histoire d’un couple d’Arabes israéliens, Nadia et Salim, qui ne pouvant pas avoir d’enfants, font une demande d’adoption. Les services sociaux leur attribuent un garçon de huit ans, Nathanaël, qui s’avère être autiste. Quand il sort de son mutisme, il chante à tue-tête, Lucy in the sky. A travers ce livre, l’auteur nous ouvre une fenêtre sur la mosaïque humaine qui compose la société israélienne d’aujourd’hui, hors des sentiers battus, des clichés et des stéréotypes.

La famille Yassine et Lucy dans les cieuxun portrait loufoque de la société israélienne Entretien avec Daniella Carmi réalisé par Michaël Bar-Zvi

■ Comment définiriez-vous votre livre ? Est-ce une fable, une métaphore, une parabole ? Votre intention était-elle de briser les clichés ou les stéréotypes, notamment sur la minorité arabe en Israël ?

La meilleure définition est celle que m’a proposée le fils d’un ami, une histoire d’amour familial . Je n’avais pas la prétention de briser les clichés, mais j’avais imaginé l’histoire d’un couple arabe qui adopte un enfant juif, et au début je ne pensais pas à un enfant venant d’un milieu religieux. Je voulais montrer, à travers leur relation, la complexité de la vie en Israël, dans un esprit positif, c’est-à-dire comment il réussit à leur faire aimer ce qu’il aime, comme les chansons des Beatles par exemple. Nadia est une assistante sociale qui rencontre toutes les couches de la société israélienne, les immigrants de Russie ou les originaires d’Ethiopie, et c’est cela la réalité sociale israélienne, à travers toutes ses composantes.

■ Le thème principal de vos livres est la relation entre Juifs et Arabes, pensez-vous que la littérature, et notamment les livres pour la jeunesse, peuvent jouer un rôle dans le rapprochement entre les peuples ?

Je suis née en Israël et au cours de ma vie, je me suis rapprochée de l ’extrême gauche israélienne qui m’a permis de comprendre ce qui s’est passé ici en 1948, puis en 1967, sans vraiment juger ou savoir qui a raison ou tort. En 1948 les réfugiés juifs sont arrivés ici et cette terre n’était pas vide, mais c’était ainsi, il n’y avait pas le choix. En revanche après l’occupation de 1967, les choses dépendent directement de nous et de la responsabi l i té de nos dirigeants. Je ne sais pas où tout cela va nous mener, mais je pense que c’est destructeur pour la société israélienne, qui est, à mon avis, malade. Je fais ce que je peux à mon niveau, celui d’un écrivain. Comme l’art en général, la littérature ne peut pas vraiment changer la réalité, mais je rencontre

des gens qui ont lu mes livres il y a quinze ou vingt ans et me disent qu’ils ont grandi avec ces histoires et qu’elles les ont aidés à se forger une vision du monde. Je constate, même si je suis assez marginale, que la société n’a pas évolué de façon positive.

■ Est-ce que vos livres ont été traduits en arabe ? Est-ce qu’ils ont eu un écho de l’autre côté ?

Oui, il y a eu quatre adaptations théâtrales du livre « Samir et Yonathan », dont une dans un théâtre arabe près de St Jean d’Acre, avec le fils de Mohammed Bacri. Plusieurs de mes livres sont traduits en arabe ou d’autres langues et les critiques sont élogieuses, y compris en France. En Israël j ’ai reçu des livres d’enfants et certains textes sont étudiés dans les écoles. Je ne sais pas évaluer l’influence que mes livres ont sur les mentalités. Je n’écris pas des livres politiques militants. Le problème, aujourd’hui, c’est que les gens ne s’intéressent plus à ce qui se passe dans les territoires. L’indifférence est

petit à petit en train de devenir le sentiment dominant. Je peux comprendre que les gens en ont marre, même en Europe on ne s’intéresse plus vraiment à nous, mais ce n’est pas en fermant les yeux qu’on résout les problèmes. Je crois malheureusement que depuis de nombreuses années, nos deux peuples n’ont pas eu beaucoup de chance avec leurs leaders.

■ Ce qui est intéressant dans votre livre, c’est justement qu’il n’est pas un manifeste politique mais raconte une histoire où tous les personnages sont complexes et n’entrent pas forcément dans le moule prévu.

J’ai écrit un livre dans lequel i l n’y a pas de méchant. Tous les personnages ont des bons côtés. On m’a récemment contacté pour écrire un scénario de film à partir de cette histoire et les producteurs m’ont dit : « le problème de votre livre c’est qu’il n’y a pas de méchant ! » Je crois que c’est peut-être pour moi le meilleur compliment. ■

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oet contraint de s’exiler en Belgique avec d’autres sympathisants du mouvement. A son retour en France éclate l’affaire Dreyfus et Pissarro, convaincu comme Bernard Lazare, autre anarchiste juif, de l’innocence du capitaine, va s’engager dans la lutte contre l’antisémitisme. Sa correspondance révèle notamment l’antisémitisme dont il fut lui-même la victime de la part de certains grands artistes comme Renoir et Degas. On y trouve une phrase de Renoir affirmant se sentir souillé par la fréquentation de l’israélite Pissarro. En revanche Monet et Zola rejoignirent le camp des dreyfusards peu de temps après Pissarro. Eloigné de la religion, qu’il abhorrait, il revendiquait les valeurs juives de justice, à travers son engagement pour les classes sociales démunies. Il participe à de nombreuses revues de gauche, comme les Temps nouveaux, dans lequel il expose ses thèses sur l’art. S’opposant à l’idée d’un art social, Pissarro pense que « tous les arts sont anarchistes, quand c’est beau et c’est bien ». L’arrière-petit-fils de Pissarro, l’artiste Joachim Pissarro définit ainsi la relation de son arrière-grand-père au judaïsme : « Il était juif, mais ce n’était pas un artiste juif, il y a une très grande différence. Il était juif de naissance, mais ne croyait pas au judaïsme : être juif ne posait pas de problème, il n’a donc pas récusé son judaïsme, mais il a simplement dit : je ne veux pas vivre en juif et je ne veux certainement pas être un artiste

Par Michaël Bar-Zvi

L’année 2017 a permis de redécouvrir Camille Pissaro, à travers trois expositions en Ile-de-France, une au musée Marmottan, une au Palais du Luxembourg et une autre à Pontoise.

C’est l’occasion de découvrir des aspects moins connus de ce personnage aux multiples facettes, qu’à juste titre on considère que le premier des impressionnistes, et dont l’influence sur Paul Cézanne, par exemple, est indéniable.

l’entreprise de négoce de son père. Il quitte l’île de St Thomas en 1 854 pour aller vivre à Caracas et où il commence à s’intéresser à la peinture sous l’influence d’un ami danois Fritz Melbye Il revient en France en 1 855 et va se consacrer entièrement à la peinture. Il y rencontre de nombreux artistes, Corot, Delacroix, Ingres, Millet, Courbet, auprès desquels il trouve ses inspirations et développe son goût pour les paysages ruraux. Il fréquente diverses académies et en particulier celle du père Suisse, où il fera la connaissance de Monet, Cézanne et Guillaumin. Ils travaillent dans plusieurs ateliers à La Varenne, La Roche Guyon, mais ses toiles sont refusées dans les salons officiels. En 1 860 il rencontre celle qui deviendra sa compagne, Julie Vellay, paysanne bourguignonne, avec laquelle il aura huit enfants, mais cette alliance est rejetée par son père qui cesse de le soutenir financièrement. Pissarro s’installe à Pontoise, puis à Eragny-sur-Epte où il vivra ses dernières années. Il meurt à Paris en 1903.

Jacob Abraham Camille Pissarro naquit en 1 830 sur l’île de St Thomas, colonie

danoise des Antilles à cette époque (faisant partie aujourd’hui des îles Vierges américaines), dans une famille juive pratiquante dont le père, Abraham Frédéric Gabriel, originaire de Bragança au Portugal, avait épousé une juive créole, Rachel Manzano-Pomie. Ce mariage consanguin, refusé par la synagogue, fut reconnu en 1 833. En 1 842 Camille est envoyé en France pour y poursuivre ses études à Passy, où il commence à dessiner. Il retourne aux Antilles en 1 847 pour travailler dans

Pissarro n’était pas seulement un peintre révolutionnaire, mais un homme engagé dans les combats de son époque. A partir de 1 880 il se lie d’amitié avec les peintres Seurat et Signac proches des milieux anarchistes, avec lesquels il s’identifie. Il soutiendra idéologiquement et financièrement les anarchistes et leurs familles en exil, sans pour autant être lui-même impliqué dans les actions violentes qu’ils mènent contre le pouvoir. Au lendemain de l’assassinat de Sadi Carnot, en 1894, par un militant anarchiste, il est recherché par la police

juif. Je pense qu’on se trompe ou qu’on se méprend fondamentalement quand on décrit Pissarro comme un impressionniste juif. Il était juif- il était impressionniste-point. Mais pas un impressionniste juif. » Pourtant les nazis classeront les œuvres de Pissarro comme « art juif dégénéré », même si de nombreuses toiles furent transférées en Allemagne pendant la guerre, pillées dans des collections appartenant à des familles juives. ■

Camille PissarroPeintre juif créole et...

dreyfusard !

Autoportrait (1898), non localisé

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autres pays, le judaïsme libéral est accepté comme une des propositions possibles dans des communautés, qui acceptent le principe du pluralisme religieux, dans le respect mutuel des uns et des autres. Il n’y a pas de volonté d’exclusion, et c’est ce à quoi nous aspirons en France.

■ En France, on connaît le contexte et l’histoire avec l’existence du Consistoire, mais pourquoi en Israël ?

En Israël, les enjeux dépassent la sphère purement spirituelle ou religieuse. La Cour suprême est parfois sollicitée pour trancher sur des questions à caractère religieux, qui est Juif ? ou encore sur la question des conversions. Le contexte politique en Israël a une influence déterminante sur les relations entre les courants du judaïsme. Certes ici ou là il peut y avoir des tensions entre les communautés, mais Israël et la France restent les deux exceptions.

■ Qu’en est-il des communautés de l’ex Union Soviétique, où le judaïsme n’a pas été présent pendant plus de 60 ans ? Le judaïsme libéral arrive-t-il à se développer et correspondre aux attentes des Juifs qui y vivent encore ?

Le développement du judaïsme libéral dans ces régions est gigantesque, avec d’ailleurs aussi une forte présence du mouvement Habad, dont les précurseurs viennent de ces endroits. Nous organisons notamment des centres de vacances pour les jeunes pendant les mois d’été, où plus de 1 000 enfants ont été accueillis l’été dernier, et cette année nous allons réitérer cette opération à une plus grande échelle. Nous avons également mis sur pied un programme de formation rabbinique avec l’université de Moscou, c’est-à-dire avec l’aide du gouvernement russe et en partenariat avec l’université allemande de Potsdam et le Geiger College. Ces rabbins auront vocation à servir les communautés dans ces pays.

■ Quelles décisions sont à attendre de ce Congrès ?

Beaucoup de dispositions à caractère organisationnel et des partenariats, mais aussi une déclaration sur l’accueil des réfugiés, qui rappelle la position de bienveillance du judaïsme progressiste et libéral à l’égard des populations qui souffrent dans le monde. Certaines communautés, comme l’Angleterre, ont mis en place des programmes concrets d’aide sociale. Par ailleurs nous avons mis en place une application « Congregation finder » qui permet aux personnes qui voyagent de trouver une communauté d’accueil lors de leurs déplacements. ■

■ Est-ce que cette convention avait un sens particulier, en raison de la date, cinquante ans après la guerre des six jours et la libération de la ville de Jérusalem ?

Stéphane Beder : Oui bien sûr, mais aussi parce que la participation au Congrès est particulièrement haute. Le nombre de participants est 50 % plus élevé que la plus importante participation aux rencontres précédentes, soit plus de 450 personnes, venues d’une trentaine de pays, alors qu’auparavant nous n’avions jamais dépassé les 300 participants. L’anniversaire des cinquante ans a bien évidemment joué, d’autant que le programme y fait référence. Mais je pense que les gens trouvent dans le fait de se retrouver pour partager leurs expériences une motivation très forte à prendre part à de tels événements. Ces rencontres permettent de créer de réelles connexions avec d’autres communautés, pour dans un monde de plus en plus global, des Juifs d’Argentine trouvent un environnement agréable quand ils viennent à Paris, ou des Juifs de Lyon se rendant à Minsk puissent rencontrer des familles avec lesquelles ils partagent les mêmes valeurs.

■ Depuis sa fondation la WUPJ est une assemblée à forte présence anglo-saxonne, est-ce qu’on perçoit une

Le dernier congrès de la World Union for Progressive Judaism s’est tenu en mai dernier à Jérusalem dans le cadre splendide du Beit Shmuel, face aux murailles de la Vieille Ville. Alternant des visites de sites et de projets dans lesquels le mouvement libéral est impliqué ce Congrès a réuni des délégués de toutes les communautés. A la tête de la délégation, notre ami Stéphane Beder, président de l’Assemblée du Judaisme libéral, seul membre francophone du comite de Management , nous a accordés un entretien. L’ULIF était représenté par Tamar Cohen, notre secrétaire générale et Richard Metzger ont également participé à une partie des activités.

Entretien avec Stéphane Beder,

Propos recueillis par Richard Metzger et Michaël Bar-Zvi

augmentation de la participation des francophones cette fois-ci ?

La participation francophone est en augmentation depuis quelques années, et surtout ce qui est important c’est qu’elle n’est pas seulement parisienne. Nous avons des gens de Lyon, de Toulouse, de Strasbourg, de Montpellier, de Grenoble, et évidemment des amis de Belgique et Suisse. Nous sommes en train de préparer l’ouverture d’autres communautés dans d’autres villes françaises. Nous constatons partout que le fait que le judaïsme libéral soit une option complémentaire à l’offre orthodoxe existante correspond à un besoin de recherche d’un judaïsme moderne, ouvert, en correspondance avec la vie quotidienne de citoyens français.

■ Le judaïsme libéral est le premier courant du judaïsme aux Etats-Unis, et il s’étend chaque année un peu plus, est-ce le cas en France également ?

Au niveau mondial, le judaïsme libéral est aussi le premier mouvement unifié avec environ 2 millions de personnes affiliées. Le poids de la communauté libérale aux Etats-Unis permet d’avoir des relations plus sereines avec les autres courants du judaïsme. En revanche en France et en Israël, les rapports sont encore très crispés. Dans les

Stéphane Beder

rencontre du judaïsme libéral mondial

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à Jérusalem – mai 2017

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Concert « Kol Nidré, nouvelles visions »du 21 mai 2017Trois créations mondiales et trois créations européennes dans une synagogue pleine à craquer !

Le 21 mai 2017 avait lieu le dernier concert de la saison 5777 de « Musique à

Copernic », « Kol Nidré, nouvelles visions ». Ces nouvelles visions faisaient en effet suite, à huit ans d’intervalle, au concert « Kol Nidré, huit visions » de 2009, déjà donné dans une synagogue pleine à craquer. Le concert de 2009 avait été diffusé sur France-Musique et avait donné lieu au CD du même titre dans la collection « Patrimoines musicaux des Juifs de France », de la Fondation du Judaïsme Français.

Pourquoi un nouveau concert « Kol Nidré » ?

Parce que la mélodie de cette prière, peut-être plus célèbre que son texte, a inspiré de multiples compositeurs, plus souvent pour le concert que pour les offices religieux. Cette mélodie aurait été donnée à Moïse par l’Eternel sur le mont Sinaï, selon la légende. Les musicologues nous disent que l’auteur est probablement, en réalité, un anonyme du haut Moyen-Âge ; un anonyme ayant eu un certain succès, en tout cas, puisque cette mélodie s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Elle a même la particularité unique d’être commune à toutes les synagogues à travers le monde, au moins dans le rite ashkénaze.

Parce que la partition, jamais jouée , du « Ko l N idre i » d’Alexandre Tansman a été remise à Copernic par la fille

du compositeur, avec mission – volontiers acceptée – d’en donner la première audition mondiale. Tansman, grand compositeur dont les œuvres sont maintenant de plus en plus jouées, est né à Lodz en Pologne. Il s’est installé en France en 1919, où, au terme d’une belle et longue carrière, il est décédé en 1986. Son « Kol Nidrei » n’avait jamais été donné de son vivant. C’est donc à Copernic qu’échut le grand honneur de présenter pour la première fois cette œuvre pour ténor (Sébastien Obrecht), chœur (l ’Ensemble Choral Copernic) et orgue (Nicole Wiener), sous la direction d’Itaï Daniel, en présence de la fille du compositeur, Mireille Tansman-Zanuttini.

En tout t ro i s créa t ions mondiales furent données à Copernic le 21 mai. On entendit en effet également :

Le « Kol Nidré » pour quatuor à cordes de Benoît Menut, jeune compositeur français extrêmement doué faisant de plus en plus parler de lui. Cette pièce a été commandée par Copernic et créée par le « Quatuor Copernic » (Yaïr Benaïm et Guillaume Latour, violon, Theodor Coman, alto et Catherine Doise, violoncelle).

Le « Kol Nidré » de Jean-François Zygel pour piano seul. (photo 1) Improvisateur, compositeur, pédagogue fort connu, Jean-François Zygel a créé lui-même

son « Kol Nidré » pour piano seul et a donné par a i l l eu r s , l o r s de la seconde partie du concert, son autre « Kol N idré » , pour v io loncel le et

piano, avec la complicité de Martine Bailly, fidèle de Copernic et ancien premier violoncelle solo de l’orchestre de l’Opéra National de Paris. (photo 3)Mais ce concert fut aussi l’occasion de donner trois premières européennes :

Le « Kal Nidrei » du ‘hazan canadien Eyal Bitton, pour cantor et chœur a cappella. Eyal Bitton, actuellement ‘hazan de la congrégation Beth Jacob, à Hamilton, dans l’Ontario, était venu spécialement à Paris pour chanter lui-même la partie de soliste de son œuvre.

Les « Kol Nidrei Variations » de Ben Zebelman, originaire de New York, pour piano, violon et violoncelle ont été interprétées par t ro i s br i l l an t i s s imes étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris : Luka Ispir (violon), Slava Guerchovitch (piano) et Lisa Strauss (violoncelle).

Le « Kol Nidrei » de S id Robinovitch, pour guitare classique solo, a été interprété par la gui tar is te franco-israélienne Liat Cohen, de réputat ion mondiale . S id Robinovitch vit à Winnipeg, dans le Manitoba (Canada).

Il faut citer également les œuvres pour voix et piano de Louis Aubert et d’Alberto Hemsi, chantées par le ténor Benjamin Alunni-Cohen, avec Itaï Daniel au piano, l’improvisation jazz sur le thème du Kol Nidré par

Denis Cuniot, pianiste jazz et klezmer ayant à son actif 30 ans de succès jamais démenti, ainsi que le « Kol Nidrei » de Joachim Stoutchevsky (arrangé pour harpe et violoncelle), interprété par Sivan Magen, incomparable harpiste israélien, actuellement de passage à Paris, et Martine Bailly. Stoutchevsky est né en Ukraine, puis s’est installé en Autriche, pays qu’il a quitté pour Israël à l’époque de l’Anschluss (1938). Il est mort en 1982.

Le concert s ’est terminé majestueusement avec le « Kol Nidrei » d’Itaï Daniel pour chœur, ténor, clarinette et quatuor à cordes, chanté par l’Ensemble Choral Copernic, l’un des deux chœurs d’amateurs de Copernic, dirigé par le compositeur, chef de chœur de l’Ensemble Choral Copernic depuis 7 ans. (photo 2)Ces premières audi t ions s’ajoutent à la liste déjà longue des œuvres données en création mondiale à Copernic, œuvres dues à la plume d’Itaï Daniel, de Serge Kaufmann ou de Graciane Finzi par exemple. Copernic peut s’enorgueillir d’être le seul lieu en Europe favorisant la création musicale juive contemporaine. C’est ce qu’a bien compris l’Institut Européen des Musiques Juives, dirigé par Hervé Roten, qui produira un CD à partir de l’enregistrement audio professionnel réalisé au cours du concert. La sortie de ce CD « Kol Nidré, nouvelles visions » est prévue pour fin 2017. ■

Bruno Fraitag

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30 • Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager המבשר

Cette conférence était organisée par Copernic et l’association Arzenou-France.

Devant une assemblée nombreuse, il a retracé l’histoire de la création d’Israël, de la guerre des 6 jours et de ses conséquences pour la région et pour le monde, jusqu’à aujourd’hui.

En effet, la guerre des 6 jours a totalement modifié la géopolitique du Moyen Orient et la perception des occidentaux à l’égard d’Israël.

Quelles sont les perspectives qui s’offrent maintenant à Israël ? Michaël a tenté de répondre à cette question qui, selon lui, est autant un piège qu’une véritable question tant aucune solution acceptable, pour aucune partie, ne semble envisageable à court et moyen terme.

Lors de cette conférence, Michaël était accompagné par l’artiste israélien Ariel Cohen qui a chanté quelques airs connus sur Jérusalem. ■

Richard Metzger

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Les grandes conférences de Copernic

Dimanche 11 juin, malgré la finale de Roland Garros et la soirée

des élections législatives, plus d’une centaine d’auditeurs sont venus écouter Dominique Bourel évoquer l’itinéraire exceptionnel de Martin Buber. Directeur de recherche au CNRS et ancien Directeur du Centre français de recherche de Jérusalem, Dominique Bourel, avec sa verve habituelle et son enthousiasme communicatif, a brossé le portrait de ce personnage hors du commun, qui a traversé le xxe siècle en y laissant son empreinte. « De Vienne à Jérusalem, Buber a pour ainsi dire vécu plusieurs vies ». Né à Vienne mais élevé à Lemberg (surnommée « La Vienne de l’Est »), il a toujours été là où on ne l’attendait pas, avec un pied en Occident et l’autre en Orient. Dans bien des domaines, il est allé à contre-courant. D’abord en n’adoptant pas le sionisme politique de Herzl, auquel il préférait le sionisme culturel venu de Russie. Ensuite en réhabilitant le Hassidisme originel, qui avait pourtant mauvaise presse chez ses compatriotes de la Mitteleuropa, et auquel il consacrera une grande partie de son activité littéraire. Profondément attaché à ses racines juives, croyant – voire mystique - mais non pratiquant, il a inlassablement défendu le dialogue avec chrétiens et musulmans. Partisan d’un Etat bi-national et démocratique en Palestine, il tourne le dos à l’adage largement répandu dans l e s ce rc l e s sionistes « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Il ne s’installera pourtant en Pa les t ine que chassé par le nazisme. Témoin engagé des bouleversements du siècle, il deviendra, dit Bourel, une véritable icône.

Ariane Bendavid

Le 13 juin dernier, notre Rédacteur en

chef, Michaël Bar Zvi a tenu une conférence très intéressante sur le thème Jérusalem, 50 ans après la guerre des six jours : ville divisée ou unifiée ?

des nouvelles du Talmud Torah

Encore une belle année scolaire qui s’achève ! Au

palmarès de ce millésime, près d’une centaine de Bar et Bat Mitsva, pour le plus grand bonheur des familles et de toute la Communauté. Et toujours plus de modernité pour nos jeunes : désormais, ce

sont 4 tableaux interactifs qui ont permis aux élèves de 1re et 2e années de bénéficier des ressources numériques du e-talmud, programme pédagogique porté par la Fondation Esther Natan et Pepo Tchenio, auquel l’équipe enseignante de l’ULIF a contribué depuis l’origine, et dont nous sommes très fiers ! Cette année nous a permis d’élaborer le 3e niveau de ce magnifique programme, ce qui signifie que les enfants de 3e année pourront en bénéficier dès la rentrée.

Après une joyeuse fête de Pourim qui a rassemblé à Copernic l’ensemble des communautés libérales, et après une belle célébration de Yom Ha-Atsmaout qui a réuni, autour de chants et de danses, élèves, parents et fidèles de la Communauté, le Talmud Torah a eu la joie d’organiser la cérémonie de Remise des Diplômes aux Bné-Mitsva de l’année. Un grand moment d’émotion orchestré par nos Rabbins Philippe Haddad et Jonas Jacquelin, ainsi que par Benjamin Huglo, notre administrateur responsable du Talmud Torah – qui pour sa part a continué à mettre en place le bel office annuel des enfants du Talmud Torah.

A l’heure où parents et enfants songent aux prochaines vacances, le Talmud Torah ose d’ores et déjà vous donner rendez-vous pour la rentrée scolaire qui aura lieu le dimanche 10 septembre à 10 h 00, qui sera également notre matinée porte ouverte avec petit déjeuner inclus !Lors de cette matinée, après notre traditionnelle réunion d’information et de présentation du e-talmud, nous inviterons tous les parents à procéder à l’inscription de leur enfant (ou à leur réinscription) et à se procurer les livres. Les élèves rejoindront leur classe, avec leurs manuels scolaires, sans perdre de temps !

La rentrée des mardi et mercredi se fera les 12 et 13 septembre.

En 5778, grande nouveauté, nous proposerons dès la fin des fêtes de Tichri, un cours de pensée juive pour les parents d’élèves, le dimanche matin, à l’horaire du Talmud Torah, ainsi qu’un cours d’hébreu moderne (Oulpan), pour les enfants qui ont déjà fait leur Bar Mitsva, le mercredi en fin d’après-midi.

Pour inscrire ou réinscrire vos enfants au Talmud Torah, ou pour l’oulpan du mercredi, ou si vous êtes intéressés par le cours de pensée juive du dimanche matin 10 h 30, une seule adresse : [email protected]

N’hésitez pas à vous rendre également sur le site copernic.paris, vous y trouverez une toute nouvelle vidéo de présentation de notre Talmud-Torah, à visionner en famille !Et toujours, un secrétariat à votre disposition : Monique Goldberg, 01 47 04 37 27.

Toute l’équipe du Talmud Torah vous souhaite un très bel été !

Ariane Bendavid et David Dokhan

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Fêtes de Tichri ■ Guy BOUAZIZ, où en êtes-vous dans l’organisation des prochaines Fêtes de Tichri ?

Cette année encore, elles auront lieu relativement tôt puisque Roch Hachana débutera le 20 septembre et Yom Kippour le 29 septembre.

Toute l’équipe de la Commission Tichri – Nathalie Moock, Lise Goldfard, Tamar Cohen, Patrick Altar (référent au Palais des Congrés avec Bernard Daltroff),

Bertrand Granat, Norbert Chiche, Grégory Horn - est à l’œuvre depuis le mois de mars pour que ces Fêtes, tant sur le plan de l’accueil, de la sécurité et de son déroulement en règle générale, soient une réussite et pour que nos fidèles puissent se recueillir et prier dans la sérénité.

■ Quelle est votre principale préoccupation ?

Chaque point, chaque minute du déroulement de ces Fêtes est primordial. La fluidité de l’accueil, la garderie pour enfants, l’organisation du placement, l’enchaînement des offices, l’aménagement de la Tebah sur la scène du Palais des Congrès, l’efficacité de nos hôtesses… tout est important et nécessite attention et rigueur ! Néanmoins, un aspect de cette organisation requiert plus particulièrement notre vigilance, à savoir la sécurité de nos fidèles. En effet, entre nos deux sites, rue Copernic et Palais des Congrès, nous allons accueillir plus de 4 400 fidèles. Cela suppose et exige un système de sécurité exceptionnel pour un événement exceptionnel. Avec l’aide des pouvoirs publics, de nos bénévoles et du SPCJ, nous disposerons d’un plan sécurité à la hauteur de l’événement.

■ L’inquiétude des fidèles en matière de sécurité peut-elle jouer un rôle et faire en sorte que certains préfèrent ne pas assister aux offices ?

Nous vivons une époque difficile et l’inquiétude de nos fidèles est tout à fait légitime.

Notre rôle est de les rassurer et de veiller sur eux. Les zones tampon mises en place pour les Fêtes, le nombre d’agents des forces publiques, les soldats en faction, nos agents de sécurité que renforcent plusieurs éléments de contrôle sont autant de moyens pour garantir la sécurité de chacun.

Les pouvoirs publics sont tout à fait conscients de la situation et rien, absolument rien n’est laissé au hasard.

J’ajoute qu’en ces temps troublés, cette année encore, ces Fêtes seront plus que jamais l’occasion de montrer une communauté forte, soudée, confiante dans ses moyens, ses capacités, dans son avenir en France et sa volonté inébranlable de pratiquer son culte dans la paix et la sérénité.

Une chose est sûre ! Nous juifs, ne pouvons pas apporter seuls une réponse à toutes les questions existentielles qui menacent notre pays mais nous devons faire partie intégrante des solutions et porter notre part de réponses.

■ Quels conseils donneriez-vous aux fidèles ?

Vraisemblablement celui de venir nombreux, de réserver et de retirer leurs places au plus tôt et surtout de ne pas attendre le dernier moment. Je les encourage à prendre leurs places avant la fermeture de nos bureaux du 31 juillet au 20 août.

En agissant dès maintenant, ils nous aideront et nous permettront de focaliser notre attention sur des aspects plus prégnants de l’organisation de ces Fêtes.

Je les en remercie par avance.

■ Un mot de conclusion ?

Toute l’équipe de la Commission Tichri que j’ai l’honneur de diriger, travaille avec beaucoup de passion, d’engagement à l’organisation de ces Fêtes. C’est un acte véritable d’affection envers notre communauté. Notre force réside dans cette fraternité et notre volonté d’union et de solidarité.

Comme l’écrivait Nietzsche, « ce qui se fait par passion s’accomplit toujours par-delà le bien ou le mal ».

C’est cette passion là qui nous anime. ■

décès de madame Simone Veil (z’l)

Heureux qui a rencontré une femme vaillante ! Elle est infiniment plus précieuse que les perles.

Rendez-lui hommage pour le fruit de ses mains, et qu’aux Portes ses œuvres disent son éloge !

(Proverbes, chap. 31, v. 10 et v.31)

C’est avec une très grande tristesse et une très forte émotion que nous avons appris le décès de Madame Simone VEIL (z’’l).C’est une grande personnalité de la vie politique, sociale, culturelle et intellectuelle de notre pays et de l’Europe qui s’est éteinte aujourd’hui. C’est un fidèle de notre Communauté de longue date qui ne sera plus parmi nous.Personnalité forte, d’une humanité rare, d’une intelligence du monde et d’une grande sensibilité, celle qui fut magistrate, ministre de la Santé, Ministre d’Etat aux Affaires sociales, Présidente du Parlement européen, membre du Conseil constitutionnel, était une visionnaire exceptionnelle etincarnait à la fois la République exemplaire, dans ce qu’elle a de meilleur, le combat d’un être humain face à l’adversité, pour que la vie triomphe sur les forces du Mal, l’expression d’un judaïsme intelligent et ouvert sur le monde, une lutte déterminée pour l’égalité entre les hommes et les femmes, une pionnière de la construction européenne, animée par sa tragique et douloureuse expérience de la Shoah. Tous ses combats sont plus que jamais les nôtres aujourd’hui.Nous avons perdu, nous, la France, l’Europe, une grande femme, une grande âme, une personnalité hors normes.Son doux et fort regard brillera à jamais en nous, dans notre Maison, comme une lumière indispensable. Cette terrible perte nous afflige, nous sommes désormais seuls mais elle demeurera présente parmi nous car elle a su nous montrer la voie, celle du combat et de l’espérance pour un monde meilleur, à construire et à réparer.Nous adressons à ses enfants et petits-enfants, à toute sa famille et ses proches nos pensées les plus attristées et nos sincères et émues condoléances. ■

Jean-François BensahelPrésident

Juillet 2017 - n° 200 / Le Messager 31 • המבשר

Nous avons le plaisir de vous annoncer la parution du nouveau CD de Sofia Falkovitch,

cantor mezzo soprano (par ailleurs épouse de notre rabbin Jonas Jacquelin) « Chants hébraïques et chants d’amour » qui interprète, entre autres, Bizet, Rimski-Korsakov, Ravel avec l’Orchestre de chambre « Les Illuminations » sous la direction de Gabriel Bourgoin

Cet enregistrement d’art cantorial, chanté par une femme et accompagné par un orchestre de chambre, est une première en France !Nos fidèles ont eu la chance d’entendre Sofia chanter au concert « Jewish Pavarotti & Friends ».

Le CD est disponible à Copernic ou en ligne fr.sofiafalkovitch.com

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dimanche 6 avril 2017

Cindy BAROUKH et Jonathan SROUSSI

dimanche 30 avril 2017

Emily LAFITAN et Fabien COHEN-HADDAD

dimanche 14 mai 2017

Michal CZYK et Stéphane BENMAYOR

dimanche 24 mai 2017

Carolina FUHRICHOVA et Guillaume NATAF

dimanche 28 mai 2017

Monique BENYAMIN et André BENYAMIN

lundi 29 mai 2017

Lisa TAPIERO et Gary ZEITOUN

dimanche 4 juin 2017

Anaëlle FIELD et Alexandre LUMBROSO

Amandine YEBKA et Mathieu BLOCH

dimanche 11 juin 2017

Laetitia CORVI et Samuel BEN AROUSSE

lundi 12 juin 2017

Léa COHEN et Nathan BECKER

Jeudi 15 juin 2017

Clara Bouché et Fabien Uzzan

dimanche 18 juin 2017

Sarah LE POULLOUIN et Clément BOUMENDIL

Sarah CHATELAIN et THOMAS PRAT

Lundi 26 juin 2017

Lesly NABETH et Morgan HAYOUN

Un grand Mazel tov aux familles de la part de l’ULIF.

✡ Simone VEIL née JACOB

✡ Monique FRANCK née BLOCH

✡ Gérard FRANCK

✡ Philippe LEVY

✡ Jacqueline LEWI née RAPHAëL

L’ULIF présente ses sincères condoléances à leurs familles et à leurs proches.

Les offices de tichriSeLIHoT

Dimanche 17 septembre 8 h 30 avec petit-déjeuner

Lundi 18 septembre 7 h 00 avec petit-déjeuner

Dimanche 24 septembre 8 h 30 Jeûne de Guédalia pas de petit-déjeuner

Lundi 25 septembre 7 h 00 avec petit-déjeuner

Jeudi 28 septembre 7 h 00 avec petit-déjeuner

roCH HACHANA 5778Veille de Roch Hachana

mercredi 20 septembre 2017 au Palais des Congrès et Copernic à 19 h 00

Jeudi 21 septembre Palais des Congrès et Copernic à 10 h 00

Vendredi 22 septembre uniquement Copernic à 10 h 00

Yom KIPPour 5778Kol Nidré vendredi 29 septembre 2017

Palais des Congrés et Copernic à 19 h 00

Samedi 30 septembre Palais des Congrès et Copernic à 10 h 30

Yizkor vers 17 h 30

Fin du Jeûne à 20 h 19

SouCCoTVeille mercredi 4 octobre 2017 uniquement Copernic 18 h 30

Jeudi 5 octobre 2017 uniquement Copernic à 10 h 00

SIm’HAT TorAH et CHemINI ATSereT

Veille mercredi 11 octobre 2017 uniquement Copernic 18 h 30

Jeudi 12 octobre 2017 uniquement Copernic à 10h00

samedi 22 avril 2017

Agathe BENMUSSA

Samedi 29 avril 2017

Noémie AMARA

Adam BROJMAN

Samedi 6 mai 2017

Leo YOM TOV

Noah SFEZ

Jules MOUTAL

Katia BADER

Samedi 20 mai 2017

Alexis SDIKA

Simon ROUSSEL

Talia ROUSSEL

Alexandre BEHAR

Samedi 27 mai 2017

Anaë NUNES

Louna ATTIAS

Victor KOPLEWICZ

Samedi 3 juin 2017

Ethan ESKENAZY

Yoni CANAL

Adam MIZRAH

Samedi 10 juin 2017

Alix ABOULKER

Abigaëlle SPRUNG

Carla GUEDJ

Sacha COHEN

Samedi 17 juin 2017

Siena BERKOWITZ

Clara GHENASSIA

Roxanne ZELLITCH

Michaël Ethan DIAI

Samedi 24 juin 2017

Raphaël ANAS

Sacha GOZAL

Samuel AZAR

Mattéo BENSIMON

Samedi 10 juin 2017

Daphné Daphna ABOULKER