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26 TIM n° 198 - Octobre 2008 DOSSIER Europe Au cœur de l’Europe de la Défense Photos: ADC Olivier DUBOIS, ADJ Jean-Raphaël DRAHI, CCH Jean-Baptiste TABONE Iconographe : BCH Pascal VILLEMUR

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26 TIM n° 198 - Octobre 2008

DOSSIER Europe

Au cœurde l’Europe

de la DéfensePhotos : ADC Olivier DUBOIS, ADJ Jean-Raphaël DRAHI, CCH Jean-Baptiste TABONE

Iconographe : BCH Pascal VILLEMUR

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1954la France rejette le projet de Communauté européenne de Défense (CED). Il a fallu attendre 1998 et les accords de Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni, les deux principaux acteursde la Défense en Europe, pour que soit réellement lancée la construction d’une Europe de

la Défense. En dix ans, l’Union européenne est parvenue à poser les bases d’une véritable politique de sécurité etde Défense commune, que ce soit par la création de nouvelles institutions ou par la participation à des opérations extérieures, notamment à partir de 2003: CONCORDIA de mars à décembre 2003, ARTEMIS de juin à septembre 2003 en République démocratique du Congo (RDC), EUFOR RDC durant la période des élections de 2006, et actuellementEUFOR Tchad-République de Centrafrique et EUFOR ALTHEA en Bosnie-Herzégovine.Dans un contexte international marqué par des menaces nouvelles, il est plus que jamais nécessaire d’avancer dansla réalisation de l’Europe de la sécurité et de la Défense, afin de garantir aux citoyens européens un niveau de sécuritésuffisant. Le président de la République a d’ailleurs annoncé que ce chantier serait l’une des priorités de la présidencefrançaise de l’Union européenne au deuxième semestre 2008.C’est dans ce but que l’armée de Terre française se dote d’instruments lui permettant d’être sur le devant de la scène auniveau européen. Le Corps de réaction rapide-France (CRR-FR) a été certifié par l’OTAN lors d’un exercice multinationalen mars 2007. L’implication de l’armée de Terre dans la BFA et les Groupements tactiques 1500, ainsi que son poids dansl’EUROFOR, QG multinational, et dans l’EUROCORPS, illustrent la place de notre armée de Terre au sein de l’« Europepuissance ». Néanmoins, il reste du chemin à parcourir, notamment pour favoriser une meilleure interopérabilité,indispensable à l’action.

LLTTNN AAnnnnee--BBééaattrriiccee MMIICCAARRDD

DOSSIER

Pas à pas _28-31

Un exemple à suivre _32-35

Le cœur des enjeux _36-38

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lle est l’un des domaines les plus dynamiques de laconstruction européenne…Voilà dix ans déjà que la Poli-tique européenne de sécurité

et de Défense (PESD) existe réellement!Petit rappel des faits: les crises des Bal-kans, en Bosnie-Herzégovine, à partir de1991, puis au Kosovo en 1999, révèlentla faiblesse des Européens, incapablesde régler un conflit à leurs frontièressans l’aide américaine. Elles démontrentsurtout que la simple juxtaposition desarmées nationales ne peut en aucun cassuffire à la mise en œuvre d’une politi-que de défense et de gestion des conflitsefficace et autonome. C’est ce constatqui vient appuyer l’idée de défense euro-péenne, basée sur les capacités militai-res de chaque Etat, mais développant des institutions militaires propres pourcontribuer à la résolution des crises.La PESD est née institutionnellementdans le traité d’Amsterdam, signé en1997 et entré en vigueur en 1999. Maisc’est le sommet franco-britannique deSaint-Malo, en 1998, qui a permis de“débloquer” la situation et d’envisager lacréation d’instruments appropriés. AuConseil européen de Cologne des 3 et4 juin 1999, les Etats membres décidentde doter l’Union européenne (UE) desmoyens et capacités nécessaires pourassumer ses responsabilités, mais limi-tent la PESD aux missions de Petersberg:missions humanitaires et d’évacuation,de maintien de la paix ou de forces decombat pour la gestion des crises, ycompris les opérations de rétablisse-ment de la paix. Les accords de “Berlinplus” avec l’OTAN du 16 décembre 2002

marquent une nouvelle étape, permet-tant à l’UE d’utiliser les moyens et lescapacités collectifs de l’OTAN1. En 2003,les interventions militaires de l’UE com-mencent à se multiplier. Les cinq opéra-tions, dont deux, ALTHEA en Bosnie etEUFOR Tchad-RCA, sont toujours encours, ont été des succès, même si ellesrestent modestes. Mais un fait est là :pour chacune des opérations déjà ache-vées, l’Union a fixé un objectif politique etl’instrument militaire l’a atteint dans lesdélais impartis. Exemples d’expériencesencourageantes.

L’opération

EUFOR CONCORDIAen Ancienne république yougoslavede Macédoine, du 31 marsau 15 décembre 2003CONCORDIA prend la relève de l’opéra-tion de l’OTAN ALLIED HARMONY à par-tir de mars 2003, dans le but de garantirla mise en œuvre de l’accord d’Ohrid pourconstruire un pays stable et démocrati-que. Au départ, le recours à l’OTAN pourmettre en œuvre le volet militaire desaccords s’impose. Cependant, dès quel’Union dispose des instruments militai-res pour mener une opération, il appa-raît normal qu’elle fournisse à sonreprésentant spécial à Skopje la forcemilitaire capable de le soutenir. Cetteforce multinationale, sous commande-ment français puis sous commandementde l’EUROFOR, se compose d’environ 400militaires légèrement armés provenantde 26 pays, dont 23 Etats membres del’UE. La participation française s’élève à175 hommes au moment de son mandat

en tant que nation cadre, puis de 94 hom-mes. L’Etat-major de force n° 1 (EMF 1)à Besançon est désigné pour assumerles fonctions de noyau dur du comman-dant des forces européennes et son chef,le général Pierre Maral, comme com-mandant de la force. Les premières trou-pes sont déployées le 1er mars, le transfertd’autorité étant effectué le 31 mars entrel’OTAN et l’UE. Le centre de commande-ment de l’opération est installé au QG despuissances alliées en Europe à Mons. Auniveau opératif, le général de corps d’ar-mée italien Cocozza, chef d’état-majordu commandement sud des forces alliéesde l’OTAN, commande depuis Naples. Auniveau tactique, le général Maral, installéà Skopje, est en relation permanente avecle représentant spécial de l’UE. La plani-fication et le commandement de l’opéra-

tion sont assurés avec le recours auxmoyens et capacités collectifs de l’OTAN,dans le cadre de l’accord de “Berlin plus”,dont ce fut la première applicationconcrète. Les responsabilités de nation

Au cours de la dernière décennie, l’Europe de la Défense a déjà conduit plusieursopérations à travers le monde, dans lesquelles l’armée de Terre française a occupéune place de premier plan.

Pas à pas

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E

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cadre sont transférées le 30 septembrede la France à l’EUROFOR. Un nouveaucommandant, le général de division por-tugais Luis Nelson Ferreira Dos Santos,dirige l’opération sur le terrain jusqu’au15 décembre. Comme l’indique le géné-ral Maral2 : « Cette opération avait pourrôle essentiel de valider le fonctionne-ment des institutions européennes tou-tes neuves ainsi que les accords dits “Berlin plus” tout juste signés à l’issuede longues et difficiles tractations. Vousimaginez donc la pression politique quipouvait s’exercer afin que la PESD trouveenfin une application concrète sur le ter-rain et rôde les nouveaux outils mis à sadisposition. » Puis il conclut: « L’opéra-tion CONCORDIA fut indéniablement unsuccès à la fois européen et français.L’Europe a montré pour la première foisqu’elle pouvait et savait conduire des opé-rations de sortie de crises (…). »

L’opération

EUFOR ARTEMISen République démocratiquedu Congo, de juinà septembre 2003L’opération ARTEMIS constitue uneétape importante dans la mise enœuvre de la PESD à plus d’un titre : ils’agit de la première opération militaireautonome (sans recours aux moyensde l’OTAN comme CONCORDIA) del’UE, de la première opération hors ducontinent européen, de la premièreopération initiée par un Etat membre –la France – puis endossée par l’UE, dela première opération réalisée ensituation de réaction rapide, enfin de lapremière coopération militaire opéra-tionnelle entre l’UE et l’ONU.Dans le nord-est du pays, en Ituri, audeuxième trimestre 2003, la force de700 casques bleus de la Mission desNations unies au Congo (MONUC) serévèle incapable de juguler les violen-ces. L’ONU sollicite la France, puisl’UE. Le 30 mai 2003, la résolution 1484est adoptée par le Conseil de sécuritéde l’ONU qui décide l’engagementd’une force multinationale intérimaired’urgence à Bunia. Cette force, desti-née à rétablir la sécurité, reçoit unmandat limité dans le temps, jusqu’au1er septembre 2003. Le 6 juin, les pre-miers soldats français, dans le cadrede l’opération MAMBA, sont déployés àBunia. Le 12 juin, l’opération MAMBA,rebaptisée ARTEMIS, est officiellementlancée par l’UE. Les soldats européensde l’EUFOR se déploient. Ils sont rele-

L’opération EUFOR ARTEMIS a été mise en placeen juin à septembre 2003.

Militaires de l’opération EUFOR CONCORDIA déployés en 2003 en ancienne république yougoslave de Macédoine.

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vés par une force de l’ONU le 1er sep-tembre. L’opération d’interposition,commandée par le général françaisBruno Neveux, a été menée de manièreautonome, avec la France commenation-cadre et l’utilisation du Centrede planification et de conduite des opé-rations (CPCO) comme PC d’opération.Le quartier général de la force était enOuganda. 2 200 hommes issus de17 pays différents ont participé à l’opé-ration, dont 1 700 Français, les Suédoisfournissant le deuxième contingent leplus important. Le mandat de la forceétait de sécuriser la ville, les centres deréfugiés et l’aéroport et d’assurer lasécurité des ONG et des Nations unies.En moins d’un mois, l’UE a ainsi mon-tré sa capacité à monter une opération,en s’appuyant sur une nation cadre. Lamission a rempli son mandat, dans unenvironnement difficile, permettant lamise en place de la MONUC. Le succèsde cette opération a été à l’origine denouveaux concepts : Groupements tac-tiques (GT 1 500), réaction rapide, cen-tre d’opérations de l’UE, entre autres.

L’EUFOR ALTHEAen Bosnie-Herzégovine,depuis décembre 2004Avec ALTHEA – opération toujours encours –, l’UE connaît en 2004 une nou-velle montée en puissance sur le planopérationnel et ses perspectives peu-vent laisser espérer la poursuite decette montée en puissance.Le 2 décembre 2004 marque la fin de laStabilization Force en Bosnie-Herzégo-vine, déployée en vertu des accords deDayton-Paris (1995). Dans la continuité,l’UE lance l’opération ALTHEA.Cette opération comporte une force de2 200 hommes venant de 33 pays, dont11 non-membres de l’UE, et répartisentre un état-major et trois Task For-ces. 2830 militaires allemands, italienset britanniques sont dédiés au titre dela réserve opérationnelle à partir de leurterritoire. Elle s’appuie sur les moyensde l’OTAN selon le mécanisme de “Ber-lin plus”. Le commandant de la force estle général espagnol Ignacio Martin Vil-lalain depuis décembre 2007. Le com-mandant d’opération est le généralbritannique Mc Coll. À Sarajevo, l’OTANmaintient un QG de quelque 350 hom-mes, dont 150 postes militaires. L’opé-ration a des objectifs ambitieux. Amoyen terme, elle soutient les progrèsde la Bosnie-Herzégovine vers l’inté-gration dans l’Union en contribuant à unenvironnement sûr, avec notamment lasignature le 16 juin 2008 de l’Accord destabilisation et d’association entre laBosnie-Herzégovine et l’Europe. A longterme, elle veut assurer une Bosnie sta-ble, viable, pacifique et multiethnique.

L’opération

EUFOR RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUEDU CONGOde soutien à la MONUC pendantla période électorale en RDC,en 2006Le centre d’opérations de Postdam a étédésigné comme quartier général d’opé-rations. Du 30 juillet au 30 novembre2006, EUFOR RD Congo a été comman-dée par le général allemand Viereck,avec comme commandant de la forcedéployée, à Kinshasa, le général de divi-sion français Damay. La mission : sur-veiller le déroulement des électionsprésidentielles de juillet à novem-bre 2006, une mission militaire de sou-tien aux casques bleus de la MONUC.Les principaux contributeurs en trou-pes de cette seconde opération militaireautonome de l’UE en Afrique, aprèsARTEMIS, ont été l’Allemagne et la

DOSSIER Au cœur de l’Europe de la Défense

Militaire français pendantl’opération ARTEMIS au Congo.

L’opération EUFOR ALTHEA, enBosnie-Herzégovine, a commencé

en décembre 2004.

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gique. Pour l’heure, l’opération est encours. À l’EMAT, on se veut optimiste :« L’UE sauvera les victimes du Darfouren sécurisant les camps de réfugiés lelong de la frontière soudanaise. »

1 Accès aux moyens de planification de l’OTAN,les options de commandement européen del’OTAN et l’utilisation des moyens et des capa-cités de l’OTAN.

2 « Le témoignage du général de division PierreMaral, ancien commandant de l’opération del’Union européenne en Macédoine, du 31 marsau 15 décembre 2003 », dans Doctrine,numéro spécial, janvier 2007.

3 La France, comme 4 autres pays européens,la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et laGrèce, dispose d’une structure qu’elle met àdisposition de l’UE capable d’accueillir l’OHQd’une opération européenne.

France à parité, ainsi que la Pologne,l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède et laBelgique. La Turquie a participé égale-ment à l’opération. Au total, 2 500 mili-taires originaires de près de 20 paysdifférents, dont la quasi-totalité desÉtats de l’Union européenne, y ont par-ticipé. Près de 1 000 militaires françaisont contribué au succès de cette opéra-tion. Les forces prépositionnées auGabon et au Tchad ont par ailleurs per-mis de mettre à disposition de l’EUFOR-RDC des infrastructures d’accueil et deséléments de réserves opérationnellesindispensables à la réussite de la mis-sion. Cette action fait partie de l’effortglobal de l’UE en soutien à la transitiondémocratique en RDC, et plus particu-lièrement au processus électoral.

« À l’avenir, il sera impératif de clarifier les procédures avec le niveau politique. Dans les opérations, le cadre juridique doit être défini par les autorités politiques en liaison avec des juristes et diffusé à la force avant son déploiement. Pour ALTHEA, la différence des restrictions nationales d’un État à l’autre s’est fait ressentir. Ensuite,l’UE doit confirmer sa puissance militaire en s’ “autonomisant” davantage face à l’OTAN. Avec CONCORDIA, une chaînede commandement plus claire et fluide s’est instaurée dans une autonomie progressive. Enfin, il faut poursuivre lesefforts en matière de planification, en renforçant le concept de nation cadre et en améliorant les relations OHQ-FHQ.Ce concept présente l’avantage d’une plus grande réactivité par rapport à un concept multinational classique. La prise en charge de certaines tâches par une seule nation – planification, reconnaissance, projection, entrée en premier – évite les lenteurs des négociations et traductions, ou les doublons rencontrés lors d’opérations multinationales. » Colonel Marc Roussel, bureau emploi de l’EMAT

EUFOR TCHADRÉPUBLIQUE DE CENTRAFRIQUEdepuis septembre 2007Il s’agit de la cinquième et de la plusimportante opération militaire de l’UEconduite dans le cadre de la PESD, etne bénéficiant pas des moyens logisti-ques de l’OTAN. À ce titre, elle consti-tue un test de crédibilité pour l’Union.L’opération a été officiellement lancéepar le Conseil de l’UE le 15 octobre 2007et déployée le 12 février 2008 pour unepériode initiale de 12 mois. L’ossatureest française avec 2100 soldats sur les3700 prévus. La France a proposéd’activer son OHQ pour l’opéra-tion3. Il s’agit d’une infrastruc-ture entièrement dédiée àl’opération et située au Mont-Valérien. Un noyau clé, com-posé de militaires majori-tairement issus du CPCO, etenrichi par des renforts mul-tinationaux a rejoint les locauxde l’OHQ parisien, afin de prépa-rer sa montée en puissance. Lecommandant de l’opération, legénéral irlandais Nash, a rejointl’OHQ, qui constitue le poste de com-mandement de l’opération, d’où ilassure la conduite du niveau straté-

En 2006, l’opération EUFOR RD Congo avaitpour but la surveillance du déroulement

des élections présidentielles, en soutien des casques bleus de la MONUC. L’entrée du camp Europa, au Tchad.

« L’UE doit confirmer sa puissance militaire »

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Un exemple à suivreCORPS DE RÉACTION RAPIDE EUROPÉEN OU EUROCORPSLe Corps de réaction rapide européen (CRRE), issu du Corps d’armée franco-allemand créé en 1992,rassemble cinq nations dites nations-cadres1 : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, et le Luxembourg.

sions blindées, 2 divisionsmécanisées, 1 compagnie dereconnaissance ainsi que deséléments de commandementet de logistique.

Capacités :Le QG de l’Eurocorps a étécertifié Corps de réactionrapide High Readiness Forces(HRF), selon les critères del’OTAN, et placé à la disposi-tion de l’UE et de l’OTAN, en

septembre 2002. Auparavant, son engage-ment aux côtés des Alliés était défini dans lecadre d’un accord avec le SACEUR datant de1993. Il est en mesure de commander uneforce de 60000 hommes, prête à se déployeren 5 jours, sur décision du Conseil de l’OTAN.

Engagements :•SFOR (Force de stabilisation en Bosnie) etKFOR (Kosovo) en 1998 et 2001;•commandement de l’ISAF VI (InternationalSecurity Assistance Force) à Kaboul pour unedurée de six mois, en août 2004;

•commandement de la composante terrestrede la Force de Réaction Rapide de l’OTAN(NRF 7), au second semestre 2006.

Perspectives :Le Corps de réaction rapide européen, conti-nuant à développer ses capacités opération-nelles, reprendra très rapidement le tourd’alerte NRF de l’OTAN puis prendra part à undéploiement opérationnel dans un cadre UEou OTAN. Simultanément, les structures ducorps continuent d’évoluer avec la probableintégration au sein de celles-ci de la Pologne,renforçant ainsi son caractère multinational eteuropéen. D’autres nations devraient égale-ment rejoindre à terme l’Eurocorps, en tantque contributrices, dont une participationaméricaine au titre de l’Alliance, annoncéepour 2009. Cette évolution, menée en paral-lèle de celle du concept d’emploi, répond à unaffichage résolument européen et permettrad’élargir la gamme des missions opération-nelles. A la fin du printemps, le Conseil del’Europe a proposé que le CRRE soit la pre-mière structure militaire permanente dédiéeà l’Europe de la Défense.

Structure :•Un QG d’environ 1 000personnels, dont la majo-rité est issue des cinqnations-cadres, auxquelss’ajoutent des contribu-tions d’autres nations.Quatre autres pays y sontactuellement représen-tés: l’Autriche (pays euro-péen mais « non OTAN »),la Grèce, la Pologne et laTurquie (pays OTAN etreprésenté en tant que tel). Le QG disposeaujourd’hui de sa propre brigade d’appui aucommandement et d’un bataillon de quartiergénéral, conférant ainsi à l’Eurocorps uneautonomie renforcée;•la Brigade franco-allemande (BFA), brigadelégère blindée permanente binationale, estplacée sous le commandement opérationnelde l’Eurocorps (mais non sous un commande-ment organique).Comme tout corps HRF qualifié (ce qu’il estdepuis 2002), l’Eurocorps peut engerber desunités ad hoc non permanentes jusqu’à 2 divi-

Sur le plan institutionnel, l’Union européenne est aujourd’hui en mesure de planifier des opérations de manière auto-nome. Elle dispose d’un Comité militaire (CMUE) capable de fournir une expertise sur les questions militaires de l’UE,d’un état-major de l’UE (EMUE) responsable de la planification stratégique des missions menées par l’UE et, depuisjuin 2007, d’un centre d’opérations militaires de l’UE, qui est en mesure de mener des opérations civilo-militaires demoins de 2 000 hommes de façon autonome sous l’autorité de l’EMUE.À la suite des attentats de Madrid en 2004 et dans le sillage de la « stratégie européenne de sécurité » de 2003, un nou-vel organe de coopération européenne dans le domaine du renseignement a été créé : le Centre de situation conjoint(SITCEN). Grâce à lui, l’Union européenne dispose d’un instrument permanent de veille, d’analyse et de réaction. Cesanalyses sont transmises au Conseil des ministres. Capable d’évaluer la situation de certaines régions de façon perma-nente (24 heures/24), il peut être utilisé comme un outil de gestion de crise. Depuis les attentats de Madrid (mars 2004),ses fonctions ont été élargies au secteur du renseignement intérieur et de la lutte antiterroriste.

Sur le plan institutionnel

En dépit de difficultés liées aux problèmes de génération de forces, que l’onretrouve dans l’OTAN, et à un système de planification des opérations encoreperfectible, l’UE poursuit le développement de ses capacités militaires.

DOSSIER Au cœur de l’Europe de la Défense

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BFALa BFA est une unité binationale placée sous le commandement opérationneldu Corps européen (mais non sous sa responsabilité organique).

Structure :La BFA se compose d’un bataillon de commandement et de soutien, de deuxrégiments d’infanterie, l’un français – le110e Régiment d’infanterie –, l’autre allemand– le 292e Bataillon d’infanterie motorisée –,d’un régiment de blindés français –le 3e Régiment de hussards – et de deux régi-ments d’appui allemands – le 295e Bataillond’artillerie de campagne et la 550e Compagniedu génie blindé2.

Engagements :•La BFA a armé l’état-major de la divisionmultinationale Sud-Est à Sarajevo, en 1996;•SFOR et participation à la KFOR, en 2000 puis2002;•La BFA a été déployée en août 2004 pour 6 mois avec le Corps européen en Afghanistandans le cadre de la FIAS sous l’égide del’OTAN. Elle a commandé la brigade multina-tionale de Kaboul.

Perspectives :Dans le cadre des groupements tactiques del’Union européenne (GT 1 500), la France etl’Allemagne ont décidé en 2006 de contribuer àla prise d’alerte du second semestre 2008avec un GT UE basé sur la BFA avec descontributions espagnole, belge et luxembour-geoise. Chacun des deux pays a par ailleursdécidé de mettre d’autres GT à disposition del’Union. Pour renforcer les liens avec le Corpseuropéen, la France et l’Allemagne ont décidéd’ouvrir, dès 2005, l’état-major de la Brigadeau personnel des autres nations-cadres du Corps européen (Belgique, Espagne etLuxembourg).

EUROFORLes Euroforces ont été créées en1995 (déclaration de Lisbonne) entrela France, l’Italie, l’Espagne et lePortugal. Elles comprennent unedimension terrestre, l’EUROFOR,et une autre maritime,l’EUROMARFOR. Opérationnelleen 1998, l’EUROFOR est une forceterrestre d’action rapide de niveaubrigade/LCC (Land ComponentCommand).

Structure :•Un Etat-major installé en Italie (Florence),fort de 82 militaires des quatre nations (10 offi-ciers et 10 sous-officiers français);•Une unité de quartier général et une compa-gnie de soutien SIC italienne assurent le sou-tien;•L’EUROFOR ne dispose pas d’unité organi-que, mais dispose selon les missions d’unréservoir de forces pourvu par les nations.

des EM composites (KFOR, en 2000-2001 ;EUFOR Concordia, octobre-décembre 2003;ALTHEA au sein du PC EUFOR, décembre 2006-juin 2007).

Perspectives :La France a pris le commandement del’EUROFOR en septembre 2008, pour deux ans.Mandat a été donné par le CIMIN, en juin 2007,pour étudier l’évolution possible de l’EUROFORcomme (F) HQ de groupement tactique (GT1500) de l’Union européenne.

Capacités :Lors du sommet commémoratif du Traité del’Elysée, en janvier 2008, la France et l’Allema-gne ont souligné l’importance de faire de la BFAun élément rapidement déployable pour desopérations de gestion de crise. L’emploi de laBFA en tant que force de réaction rapide pourraainsi s’accomplir sous l’égide del’UE ou au profit de l’OTAN, dansle cadre de la NRF.

Capacités :L’EUROFOR a vocation à exercer les responsa-bilités de commandement multinational d’unecomposante terrestre (LCC), ou de comman-dement multinational interarmes de niveaubrigade, pour remplir les missions de Peters-berg au profit de l’Union européenne. Elle peutêtre engagée au profit de l’OTAN ou de l’ONU,seule ou associée à l’EUROMARFOR.

Engagements :L’EUROFOR n’a pas encore été engagée entant que force constituée mais a participé à

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CRR-FRLa création du Corps de réaction rapide-France (CRR-FR), certifié depuis juin 2007,positionne la France parmi les contributeurs militaires de premier rang en Europe. Avantlui, six états-majors de réaction rapide Terre ont été créés sur le modèle plus ou moinsproche de l’Allied rapid reaction corps (ARRC). Ces états-majors projetables, certifiésétat-major de High Readiness Force (HRF) par le Supreme headquarters allieds powerin Europe (SHAPE) ont la capacité à commander une opération militaire de niveau corpsd’armée dans le cadre de l’OTAN.Il s’agit de l’état-major de l’ARRC, en Allemagne, avec le Royaume-Uni comme nationcadre; du Corps européen à Strasbourg; du NATO Rapid Deployable Corps (NRDC)germano-néerlandais, à Münster en Allemagne; du NRDC Italien à Solbiate Olona;du NRDC espagnol à Valence; du NRDC turc à Istanbul. La France, avec le CRR-FR deLille, créé le 1er juillet 2005, a mis sur pied le 7e état-major HRF. Tous ces états-majorsprennent successivement l’alerte NATO Response Force (NRF), qui est une alertemultinationale à disposition de l’OTAN pour une durée de 6 mois.

Structure:Comprenant en temps de paix 350 militairesfrançais, renforcés de 70 membres de paysalliés, le CRR-FR, dont la France est nationcadre, se situe dans la moyenne des QG HRFterrestres existants. Pour permettre auCorps de mener des opérations de hauteintensité dans la durée (emploi comme HRF),le CRR-FR reçoit des compléments opéra-

tionnels français et alliés qui portent seseffectifs en temps de crise à environ 750.

Capacités:Le CRR-FR peut assurer le commandementd’une composante terrestre (LCC) nationaleou multinationale de niveau corps d’armée.Le CRR-FR confère à l’armée de Terre lacapacité d’entrer en premier sur un théâtre

semestre 2005. En 2006, la France et l’Allema-gne ont contribué aux deux GT: Germano-fran-çais au 1er semestre, et Franco-belgo-allemandau second. La France contribue depuis le début(1er janvier 2005) à la prise d’alerte des GT soitseule (1/2005), soit en association avec d’autresnations: avec l’Allemagne en 2006, la Belgiqueen 2006, 2007 et 2009; l’Espagne en 1/2008. Pourle 2e semestre 2008, la France et l’Allemagne ontconstitué un GT basé sur la BFA avec des contri-butions espagnole, belge et luxembourgeoise. Ila pris l’alerte au 1er juillet 2008.

Perspectives:L’UE disposera à brève échéance d’un réser-voir de GT fournis par plus de 20 États membres. Pour la période 2008-2014, l’ar-mée de Terre a déjà prévu de participer aumoins aux GT espagnol (1/2008), germano-français (basé sur la BFA au 2/2008), belge(2/2009) et sous format Weimar (Pologne,Allemagne et France) avec la Pologne commenation pilote en 2/2013.

Structure:D’un volume d’environ 1500 hommes projeta-bles en moins de 15 jours (autonomie de 30 à120 jours avec ravitaillements), il s’articuleautour:•d’un “cœur combattant “composé d’un batail-lon de mêlée à 3 ou 4 unités de combat;•d’appuis interarmes (CS)3 et de moyens desoutien (CSS)4 adaptés à la mission.Force à dominante terrestre, il bénéficie, selonle besoin, de capacités de projection et d’appui

(strategic enablers) fournies par les autrescomposantes (Marine, Air, forces spéciales,services interarmées, etc.). Sa constitution estentièrement nationale et/ou avec des renfor-cements venant d’autres états, sous l’égided’une nation cadre ou par un groupe d’états.

Capacités:L’UE est ainsi en mesure d’entreprendre deuxopérations de réaction rapide avec une forcede la taille d’un GT et peut en particulier lan-cer ses deux opérations presque simultané-ment. Compatibles avec la NRF, les GT sontdéployables jusqu’à 6000 km de Bruxelles, de5 à 10 jours après décision du Conseil.

Engagements:Les GT n’ont pas été engagés à ce jour. Enrevanche, respectant la déclaration sur lescapacités militaires européennes de novem-bre 2004, le Royaume-Uni et la France se sontengagés à fournir un GT durant le 1er semes-tre de 2005, puis l’Italie durant le second

d’opérations. Sur le plan pratique, il assureson déploiement en moins de 30 jours sur unthéâtre d’opération.

Engagements:Certifié opérationnel à la suite de l’exerciceCITADEL CHALLENGE en 2007, le CRR-FRs’inscrit désormais dans le tour d’alerte NRF.Ainsi, il assure le commandement de la com-posante terrestre NRF 11 depuis le 1er juilletet jusqu’au 31 décembre 2008. Il devrait par-ticiper à l’état-major composite de l’ISAF XIIIau deuxième semestre 2010.

GT 1 500Après le succès de l’opération ARTEMIS, le Royaume-Uni et la France ont proposé que l’UE se dote de groupements

tactiques projetables, les GT 1500. L’idée de mettre sur pied des groupements tactiques aptes à mener des interventionslointaines et rapides a pris corps au sommet franco-britannique du 24 novembre 2003. Le Conseil a adopté le concept en juin 2004,

et définit une capacité initiale d’un GT début 2005, puis une capacité de croisière de deux GT en 2007.Le GT 1500 est défini par l’UE comme « le volume de forces minimum pour être militairement efficace, crédible, cohérent et apte aux actions autonomes ou à la conduite de la phase initiale d’une opération plus importante. Il se fonde sur une force interarmes de la taille du bataillon incorporant les appuis et les soutiens ».Le concept, pleinement opérationnel depuis le 1er janvier 2007, se définit comme le paquet de forces minimum pour être militairementefficace, crédible, cohérent et apte aux actions autonomes ou à la conduite de la phase initiale d’une opération.

DOSSIER Au cœur de l’Europe de la Défense

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Trois questions à…

Général de division Philippe Sommaire,commandant-adjoint de l’Eurocorps

Le Parlement européen a annoncédébut juin qu’il souhaitait déclarerl’Eurocorps comme première forcearmée de l’Union européenne.Mon général, que pensez-vousde l’apport de l’Eurocorps dans ledispositif de l’Europe de la Défense ?A l’évidence, le Corps européen (CE) apporte-rait une visibilité politique et militaire détermi-nantes à une Europe de la Défense dont lescapacités militaires sont encore très limitéesà ce jour. En effet, tout engagement opération-nel dans un cadre européen implique un pro-cessus décisionnel complexe de génération deforce faisant appel au bon vouloir des nationscontributrices, mais dans une certaine mesure,l’OTAN n’y échappe pas non plus! Notons tou-tefois que les BG 1 500 constituent déjà uneétape significative. Cet affichage résolumenteuropéen du Corps européen renforcerait parailleurs le trait d’union indispensable avec l’Alliance Atlantique sous la seule bannière delaquelle il a été jusqu’à présent engagé.Le Corps européen n’est pas une unitécomme les autres, c’est une copropriété entrecinq nations5, dites nations-cadres ou nationsfondatrices, auxquelles s’ajoutent des nationsparticipantes. Très simplement, le CE a déjàparticipé à l’effort militaire européen à traversplusieurs engagements opérationnels. Lemandat ISAF/FIAS en Afghanistan d’août 2004à février 2005 a permis à 360 personnels deson quartier général et à la brigade franco-

« Tirant parti de l’expérience et des acquis accumulés depuis 1999, la Francesouhaite que l’Union franchisse une nouvelle étape […]. La première prioritédoit être donnée au renforcement des moyens d’action. Les Européens, dansleur ensemble, disposent de forces armées considérables numériquement. […]Pour renforcer leur rôle […], la France estime qu’elle doit, avec ses partenaireseuropéens, constituer effectivement et progressivement une capacité d’inter-vention de 60 000 hommes, déployables pendant un an sur un théâtre éloigné,avec les composantes aériennes et maritimes nécessaires. Cette ambition étaitdéjà celle du Corps européen. […] Les Groupements tactiques interarmées de1 500 hommes […] offrent de réelles possibilités en termes de flexibilité et derapidité d’intervention. Mais ils sont loin de satisfaire les besoins opération-nels de l’Union. Les opérations de gestion de crise exigent en effet de disposerd’un réservoir humain important, tant pour la phase de crise proprement diteque pour la phase de stabilisation et de reconstruction après un conflit. […]L’objectif commun devrait être de pouvoir conduire simultanément, pour unedurée significative, deux à trois opérations de maintien ou de rétablissementde la paix […]. Il en découle plusieurs mesures concrètes :- combler les faiblesses des moyens d’intervention [par] la mise en communde certains moyens des pays européens (A400M) ;- renforcer la mutualisation des activités de soutien, […] pour améliorerl’interopérabilité ;- prendre en compte le rôle croissant des réserves ;- accroître les capacités d’anticipation et d’analyse en favorisant une miseen commun du renseignement ;- renforcer nettement les capacités de planification et de conduite d’opérationseuropéennes. » Extrait du Livre blanc.

Les apports du Livre blanc

allemande de prendre le commandementd’une opération réunissant 38 nations diffé-rentes ce qui a contribué à faire progressersimultanément la PESD6.

Quels sont les atouts de l’Eurocorps ?Cette notion de copropriété entre les nations-cadre évoquée il y a un instant fait toute ladifférence par rapport aux autres commande-ments équivalents dans lesquels il y a toujoursun pays meneur. La forte imbrication multina-tionale et, disons-le, le système de prise dedécision en commun en font à la fois son origi-nalité et sa force, car tout engagement duCorps européen incarne une solidarité com-mune entre les nations membres. C’était lecas en 2003-2004 lorsqu’il a pris le comman-dement de l’ISAF. Par ailleurs, la décision de créer en 1992 cequi était alors le “Corps d’armée franco-alle-mand” s’inscrivait d’emblée dans une pers-pective résolument européenne. Le Corpseuropéen a donc été conçu comme une forcemilitaire pour l’Europe (plus précisémentdans le cadre des missions du Petersberg),mise simultanément au service de l’OTANpour le cas d’un conflit impliquant l’Alliance,mais n’oublions pas que c’était en 1992 et quedepuis lors, les conditions d’emploi commeles structures ont notablement évolué ! LeCorps européen constitue en quelque sorteun liant entre la branche de la Défense euro-péenne au sein de la chaîne de commande-ment de l’OTAN, identifiée en 1996 (réunion

ministérielle tenue à Berlin) et les structureseuropéennes de Défense.

Quels sont les liens de l’Eurocorpsavec les forces multinationaleseuropéennes ?On entre ici dans un domaine qui, à l’évidence,a vocation à être harmonisé. Le Corps euro-péen n’est en effet pas tout seul : pour melimiter aux seules forces terrestres, il y al’EUROFOR de Florence, à dimension certesplus légère mais dont l’état-major a néan-moins le mérite d’exister à titre permanent.D’une manière plus générale, les forces mul-tinationales européennes, qu’elles soient ter-restres maritimes ou aériennes, concourenttrès clairement, dans leurs domaines d’actionrespectifs, à l’accomplissement d’un objectifcommun, qui est de conférer à l’Europe unecapacité d’action en autonome.Malheureusement, les modèles juridiques surlesquels elles s’appuient sont hétérogènes. Ilest probable, et à mon avis très souhaitable,que l’un des prochains chantiers de la Défenseeuropéenne soit de mettre en convergence lespièces du puzzle. Or le Corps européen a, unefois de plus si j’ose dire, un temps d’avanceavec l’entrée prochaine en vigueur du Traité deStrasbourg qui va lui donner une capacité juri-dique propre, notamment financière. Cetteévolution du statut est appelée à s’étendre auxautres forces multinationales. Je dirais mêmeque le modèle constitué suscite dès à présentbeaucoup de curiosité.

Pour en savoir plus: consultez le numérode juillet-août 2005 de Terre InformationMagazine.

1 Au sens où elles en sont les vrais propriétaires et pourvoyeurs financiers.

2 Les mesures de modernisation de l’armée deTerre concernant les unités de la BFA sont encours de redéfinition.

3 CS, Combat Support : Génie, Artillerie, ALAT, Guerre Elec., ERI, Imagerie, COMOPS,GEO, NRBC, CIMIC, MVT.

4 CSS, Combat Service Support : Unité de commandement et de logistique, ESN (Eléments de soutien national).

5 L’Allemagne, la France, la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg.

6 Politique européenne de sécurité et de Défense.

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i le phénomène n’est pasnouveau, l’interopérabiliténe parle finalement pas àgrand monde. Et pourtant…C’est bien le cœur de l’enjeu

d’une défense commune ! Pour biencomprendre, il suffit d’expliquer qu’il

s’agit de la capacité de collaboration detoutes les pièces de la chaîne opération-nelle, du plus haut niveau de comman-dement jusqu’au dernier des grenadiersvoltigeurs sur le terrain. Entraînements,équipements, mais aussi culture multi-nationale, l’interopérabilité, c’est ça: par-

ler un même langage! Mais cette inter-opérabilité reste difficile à acquérir. L’ap-proche retenue actuellement vise d’abordà harmoniser les méthodes et les pro-cédures de combat avant de s’intéresseraux équipements. Et pour ce faire riende tel que de s’entraîner ensemble. Legénéral de brigade Marc Duquesne entémoigne, le 11 décembre dernier, le premier jour de l’exercice aéroportéCOLIBRI : « COLIBRI est une de ces nombreuses pierres qui contribuent àl’édification de l’Europe de la Défense.A travers lui, il s’agit de connaître, si ce n’est de partager, les méthodes et

L’expérience tirée des théâtres d’opérations et ledéveloppement de capacités militaires multinationalespropulsent l’interopérabilité au cœur de la problématiquede l’Europe de la Défense.

Le cœur des enjeux

DOSSIER Au cœur de l’Europe de la Défense

S

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procédures de raisonnement, de plani-fication et de conduite des opérations denos alliés, les modes d’action et métho-des de combat de leurs unités, voire laphilosophie de leurs chefs et soldats. »COLIBRI, selon le colonel Philippe Fleck-steiner, du Bureau relations internatio-nales de l’EMAT, répond aujourd’hui àdes critères d’enrichissement tactiqueet opérationnel mutuel bien identifiés.Par exemple, afin de partager un maxi-mum d’enseignements en commun, lesGTIA français ont été mutualisés: ainsi,à COLIBRI, le 1er Régiment de hussardsparachutistes (1er RHP) a été renforcéd’une compagnie espagnole, le 2e Régi-ment étranger parachutistes (2e REP)d’une compagnie belge et le 3e Régimentde parachutistes d’infanterie de Marine (3e RPIMa) d’une compagnie allemande.

Des initiatives, encore des initiatives

La France a, en effet, pris plusieurs initiatives pour dynamiserl’interopérabilité des armées européennes. Nombre de coopérationsexistent déjà.

Dans le domaine de la formationdes personnels :A titre d’exemple, l’école des troupes aéroportées, qui a constaté la récurrence des demandes des armées étrangères pour séjourner enson sein, a initié l’Initiative aéroportée européenne (IAPE). Elle proposeaux principaux partenaires d’améliorer les procédés de planificationet de conduite des opérations aéroportées (OAP) et de fournir les moyens(espace aérien, zone de saut, logement, piste) et conditions météorologiques permettant de parfaire leur formation et entraînementaéroportés, faute de pouvoir envisager une véritable formation communepour des problèmes de langue et surtout d’équipements différents.

Un programme ERASMUS militaire :« Nous avons le sentiment que nous aurions une source de progrèsen engageant une politique européenne de formation commune : noussouhaiterions avoir un ERASMUS militaire, sur le modèle du programmeréservé aux étudiants, pour faire en sorte que les futurs cadres desarmées européennes aient des troncs communs de formation ».C’est en ces termes que le ministre de la Défense, Hervé Morin, annonçaità l’Assemblée nationale, le 14 novembre 2007, la création d’un programmeERASMUS militaire. Ce projet était l’un des sujets de réflexion du8e Séminaire interarmées des grandes écoles militaires (SIGEM) quis’est ouvert le 10 mars 2008 dernier, preuve que les autorités ont prisconscience que la construction de l’Europe de la Défense passe nécessaire-ment par le partage d’une culture commune. Gage d’interopérabilité, lespays sont désormais déterminés, en matière de formation et d’échanges,à participer au lancement d’un ERASMUS militaire d’homologation descursus des officiers et sous-officiers3 de manière à ancrer chez ces soldatsun état d’esprit européen. Bien connu des universitaires, ce programmepermet à des étudiants, chaque année, d’effectuer une partie de leurcursus dans un établissement d’un autre pays d’Europe que le leur.Actuellement, le Bureau politique des ressources humaines de l’Etat-majorde l’armée de Terre (BPRH-EMAT) cherche à développer des échanges quiexistent déjà sous une forme embryonnaire, mais tend de plus en plus vers la mise en place de modules de formation communs ou de semestresentiers. Pour le moment, deux volets sont à l’étude : des modules deformation communs sur certains thèmes comme l’éthique, le commande-ment, et développer des échanges entre écoles. L’armée de Terrese concentre pour l’instant sur Saint-Cyr et les écoles de spécialitépour participer à ce projet.

Partage des facilités d’entraînementau sein de l’UE :Cette initiative a été présentée au Comité militaire le 6 novembre 2006.Le projet vise à améliorer les capacités militaires de l’UE en favorisantl’interopérabilité des forces et la connaissance mutuelle entre armées.Il contribue également à améliorer le taux d’emploi des capacitésd’entraînement. La simplicité du dispositif mérite d’être soulignée, sa miseen œuvre reposant sur des offres volontaires et des contacts bilatéraux.Il n’apparaît donc pas superposable avec la démarche de l’OTAN de créerdes centres d’excellence (COE), qui a sa dynamique et ses exigencespropres (critères qualitatifs). Aujourd’hui, quinze États membres ont déjàcommuniqué à l’État-major de l’UE leurs catalogues. Ces offres peuventêtre consultées sur Internet, via le site du secrétariat général du Conseil :www.consilium.eu.int

xExercice COLIBRI en décembre 2007.

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Savoir-faire communsNé en 1962, COLIBRI a été élargi auniveau européen en 2007. Il s’était déve-loppé de manière bilatérale entre laFrance et l’Allemagne jusque-là alorsque, parallèlement, la France organisaitaussi l’exercice GALIA avec l’Espagne.Le général Duquesne explique: « Sousl’impulsion française, ces deux exerci-ces ont été fondus en un seul et euro-péanisés, en l’ouvrant aux Belgesnotamment. L’intérêt a toujours été dedévelopper des savoir-faire et des pro-cédures communes. Et cela ne relèvepas de la simple déclaration d’intention.Nous sommes déjà intervenus avec cespays dans un cadre multinational, auCongo, au Gabon ou encore, actuelle-ment, dans le cadre de l’EUFOR, auTchad. » Et cela commence dès la phasede préparation: « Les procédures com-munes sont affinées lors des réunionspréparatoires. Et durant l’exercice, ona procédé à l’échange d’officiers de liai-son. L’Allemagne est la nation pilote deCOLIBRI 2008 et nous sommes déjà entrain de définir en commun les objectifspour ce prochain exercice. » Ceci étant,le chef de bataillon Magne, du Comman-dement des forces terrestre (CFT), pré-cise que pour l’heure, faute d’une langue,d’approches politiques et de restrictionsnationales communes, le CFT considèreque l’interopérabilité doit être abordéeavec prudence aux petits échelons tac-tiques. Et de citer l’analyse du colonelEric Recule du CFT, publiée dans larevue Doctrine, en mars 2007: « La pré-servation de l’efficacité opérationnellemilite pour maintenir une forte homo-généité des GTIA et de leurs unitéssubordonnées et pour appliquer la mul-tinationalité au niveau de la brigade,voire au-dessus pour les opérations decoercition ou d’entrée en premier. » Etd’ajouter : « Ces principes valent toutparticulièrement pour la phase inter-vention d’une opération. » Car l’inter-opérabilité aux niveaux inférieurs à labrigade présente bien des intérêts :réduction des contributions nationales,possibilité d’envisager plus de renfor-cements capacitaires, etc. Mais précise-t-il : « La prise sous TACON1 d’unitésétrangères reste donc possible, voiresouvent nécessaire. Elle impose desprocédures formelles pour éviter touteincompréhension. Le contact physiqueet la procédure du back brief2 sont

« La complexité des opérations de gestion de crise nécessite que lespersonnels civils et militaires des pays membres de l’Union bénéficientde formations communes […]. De nombreuses initiatives voient le jourdans ces domaines […] :- les formations, initiale et continue, générale et spécialisée, seront de plus en plus conçues dans cette perspective. C’est déjà le cas de l’écolefranco-allemande de pilotes d’hélicoptère […] ;- l’utilisation en commun des capacités d’entraînement sera égalementorganisée et intensifiée. Les groupements tactiques interarmées 1 500 auront recours à ces facilités ;- plus largement, la France proposera un programme d’échanges et de formation à la sécurité et la Défense ;- un centre européen permanent de formation à la gestion des crisesserait enfin un atout considérable, pour lequel la France est prête à semobiliser. » Le Livre blanc.

Les apports du Livre blanc

DOSSIER Au cœur de l’Europe de la Défense

L’exercice aéroporté COLIBRI est mis en œuvredepuis 1962 par la France et l’Allemagne.

Une semaine d’entraînement conjoint à La Courtine ontpermis de roder les procédures.

incontournables. Ils doivent être com-plétés par l’incorporation de détache-ments de liaison, plus étoffés qu’enconfiguration nationale et armés par dupersonnel qualifié. Ces détachementsde liaison doivent être raccordés par desmoyens de communication fournis parla nation d’accueil, postes radio ou SIC,servis si nécessaire par du personnel dela nation d’accueil. »Le niveau d’interopérabilité est un paramètre majeur de l’efficacité mili-taire, tant pour la rapidité d’exécution dela manœuvre que la mise à dispositionau bon endroit et au bon moment descapacités requises. Affaire à suivre donc.

1 Contrôle tactique.2 Réunion des commandants d’unités autour du chef opérations après une manœuvre pour en tirer les enseignements.

3 L’ERASMUS militaire se concentre aujourd’huisur la formation initiale des officiers.

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