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UNIVERSITÉ DE NANTES
UFR SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES ____________________________________________________________________________
ANNÉE 2014 N° 041
THÈSE
pour le
DIPLÔME D’ÉTAT
DE DOCTEUR EN PHARMACIE
par
Fanny Perrouin
-----------------------------------------
Présentée et soutenue publiquement le 31 octobre 2014
L’éthique de la pharmacovigilance des essais cliniques
Président du jury : Monsieur le Professeur Alain Pineau
PU-PH, Pharmacologie-Toxicologie
Directeur de thèse : Madame le Docteur Anne Chiffoleau
PH-Pharmacologie –Direction de la Recherche
Département promotion- Cellule Vigilances
Membres du jury : Monsieur le Professeur Gérard Dabouis
PU-PH, Professeur émerite, consultation d'éthique
(Hôpital Bellier)
Monsieur le Docteur Maxime Paré
Assistant Spécialiste - Pharmacien
2
Remerciements
Je remercie le Professeur Alain Pineau de me faire l’honneur de présider le jury de ma thèse
ainsi que pour ses cours de toxicologie qui m’ont permis de découvrir l’évaluation des
risques.
Je remercie le Professeur Gérard Dabouis d’avoir accepté de faire partie de mon jury ainsi que
pour ses précieux conseils.
Je remercie le Docteur Maxime Paré de m’avoir reçue afin de discuter de ma thèse et d’avoir
accepté de faire partie de mon jury.
Je tiens à remercier tout particulièrement, le Docteur Anne Chiffoleau, de m’avoir accueillie
au sein du département promotion du CHU de Nantes durant six mois dans le cadre de mon
année hospitalo-universitaire. Je tiens aussi à la remercier pour tous les conseils qu’elle m’a
prodigué dans la cadre de ma thèse mais aussi durant mon stage. Grâce à elle, j’ai pu
découvrir le domaine de la pharmacovigilance des essais cliniques ce qui a grandement
orienté mon choix professionnel. Son engagement dans la pratique de sa profession m’a
donné le goût et l’envie de travailler dans le domaine de la pharmacovigilance.
Je remercie Alexandra Jobert pour son travail de relecture et tous les conseils qu’elle a pu me
donner durant mon stage.
Je remercie Mme Omnes, responsable du département Promotion, qui m’a accueillie et a
accepté que je double mon stage afin de réaliser ma thèse au sein du service.
Je remercie, pour leur disponibilité et leur gentillesse, l’ensemble des membres du
département de promotion du CHU de Nantes, les gestionnaires de projets, les ARC de
monitoring, les datas managers, les statisticiens, les qualiticiens et secrétaires qui tout au long
de mon stage, m’ont fait découvrir leurs métiers et apporté leur aide.
3
Je remercie les Comités de Protection des Personnes, les juristes et le représentant des comités
des usagers qui m’ont accordé du temps afin de mieux comprendre l’environnement régissant
l’éthique. Leur aide a été très précieuse pour la rédaction de ma thèse.
Je remercie aussi les Docteurs Amélie Prieur et Sophie Brisset qui m’ont permis de faire des
stages de grande qualité. Les missions et la confiance qu’elles m’ont accordées n’ont fait
qu’accentuer mon envie d’évoluer au sein de la pharmacovigilance. Les stages passés au sein
de leurs structures m’ont permis d’acquérir une expérience de grande qualité et de rencontrer
de véritables amis.
Je remercie aussi la pharmacie Richard-Gardic de m’avoir accueilli durant toutes ces années
au sein de leur équipe. J’ai appris énormément à leur côté et ai beaucoup apprécié leur
disponibilité en période de doutes.
Je remercie mes parents ainsi que mes deux sœurs pour leur soutien sans faille au cours de ces
six années. Ils ont toujours été présents pour moi et m’ont évité de baisser les bras un grand
nombre de fois.
Je tiens aussi à remercier toute la promotion 2014 pour ces belles années passées ensemble.
Tout particulièrement, Elia, ma binôme, qui m’a été d’une grande aide durant toutes ces
années. Je remercie aussi Alba, Flora, Camille, Sandrine, Marine, Morgane et Lise pour toutes
ces années d’amitié. Ses études n’auraient pas eu la même saveur sans vous.
4
Lexique
Assistant de recherche clinique : Personne employée par le promoteur d'un essai clinique,
chargée de s’assurer de la bonne conduite de l’étude par l’investigateur selon les bonnes
pratiques cliniques et la réglementation dans le respect du protocole. Il doit vérifier que les
informations présentes dans les cahiers d’observations sont conformes aux données sources.
En pratique, les ARC gestionnaires de projet assurent les fonctions administratives de dépôt et
suivi des protocoles alors que les ARC de monitoring sont chargés de vérifier au sein des
centres investigateurs la qualité des données.
Brochure pour l’investigateur : Document daté et signé qui décrit l’ensemble des données
cliniques et non cliniques concernant le médicament expérimental.
Cahier d’observation : Document, quel que soit son support (papier/électronique), destiné à
recueillir par écrit toutes les informations nécessaires pour l’analyse des données des
personnes qui se prêtent à la recherche selon les modalités prévues dans le protocole.
Comité de sécurité indépendant : Comité constitué d’experts indépendants qui peut être mis
en place par le promoteur afin d’évaluer de façon périodique l’évolution d’une recherche
biomédicale, les données relatives à la sécurité et les événements déterminants en termes
d’efficacité. Ce comité a également pour rôle de conseiller le promoteur sur la poursuite, la
modification ou l’arrêt de la recherche. L’indépendance s’entend comme l’absence de conflit
d’intérêt avec le promoteur ou la recherche. Le terme de « independent safety board » est
utilisé dans les documents en anglais.
Directives européennes : Ces textes donnent des objectifs à atteindre par les pays membres
dans un certain délai permettant aux gouvernements d’adapter leur législation aux nouvelles
règles communautaires.
Effet indésirable : Toute réaction nocive et non désirée suspectée liée à un médicament
expérimental quelle que soit la dose administrée.
5
Effet indésirable inattendu : Tout effet indésirable d’un médicament dont la nature, la
sévérité ou l’évolution ne concorde pas avec les informations figurant notamment dans le
résumé des caractéristiques du produit lorsque le médicament expérimental dispose d’une
autorisation de mise sur le marché, et dans la brochure pour l’investigateur en l’absence de
celle-ci.
Evènement indésirable : Toute manifestation nocive survenant chez une personne qui se
prête à une recherche biomédicale peu importe qu’elle soit liée ou non à la recherche ou un
produit sur lequel porte cette recherche.
Evènement ou effet indésirable grave : Tout événement ou effet indésirable qui entraîne la
mort, met en danger la vie de la personne qui se prête à la recherche, nécessite une
hospitalisation ou la prolongation d’une hospitalisation, provoque une incapacité ou un
handicap important ou durable, ou bien se traduit par une anomalie ou une malformation
congénitale, ou qui est jugé médicalement significatif, quelle que soit la dose administrée.
Investigateur : La ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la
recherche sur un lieu. L’article L. 1121-3 du code de la santé publique décrit notamment les
conditions de direction et de surveillance de la recherche. Il s’agit majoritairement de
médecins.
Médicament expérimental : Tout principe actif sous une forme pharmaceutique expérimenté
ou utilisé comme référence dans une recherche biomédicale, y compris les médicaments
bénéficiant déjà d’une autorisation de mise sur le marché, mais utilisés, présentés ou
conditionnés différemment de la spécialité autorisée, ou utilisés pour une indication non
autorisée ou en vue d’obtenir de plus amples informations sur la forme de la spécialité
autorisée. Le placebo a aussi un statut de médicament expérimental.
Modification substantielle : Il s’agit d’une modification survenant après l’obtention des
autorisations de la recherche et ayant un impact significatif sur tout aspect de la recherche.
Elle peut porter sur la protection des personnes, sur la qualité et la sécurité des médicaments
expérimentaux, sur les conditions de validité de la recherche, sur la forme ou l’interprétation
des documents scientifiques qui viennent appuyer le déroulement de la recherche ou sur les
modalités de conduite de celle-ci.
6
Promoteur : La personne physique ou morale qui prend l’initiative d’une recherche
biomédicale sur l’être humain, qui en assure la gestion et vérifie que son financement est
prévu. Le promoteur ou son représentant légal est établi dans la Communauté Européenne.
Ainsi, des industriels du médicament mais aussi des organismes scientifiques et des
établissements de santé se portent promoteurs de recherche clinique.
Protocole : Document daté, approuvé par le promoteur et par l’investigateur, intégrant, le cas
échéant, les modifications successives et décrivant le ou les objectifs, la conception, la
méthode, les aspects statistiques et l’organisation de la recherche. Le terme protocole
s’applique au protocole initial et aux versions après amendements. Le contenu et les
modalités de présentation du protocole sont précisés par l’arrêté du 24 mai 2006 relatif au
contenu et aux modalités de présentation d’un protocole de recherche biomédicale portant sur
un médicament à usage humain.
Randomisation : Procédé selon lequel l’attribution d’un traitement à une personne se prêtant
à la recherche est réalisée de façon aléatoire, en vue de réduire les biais dans la réalisation de
la recherche.
Recherche biomédicale : Conformément au premier alinéa de l’article R.1121-1 du code de
la santé publique, une recherche biomédicale portant sur un médicament est entendue comme
tout essai clinique (réalisé sur l’être humain) de médicaments ou produits de santé visant à
déterminer ou à confirmer leurs effets cliniques, pharmacologiques, pharmacodynamiques ou
à mettre en évidence tout effet indésirable, ou à en étudier l’absorption, la distribution, le
métabolisme et l’élimination, dans le but de s’assurer de leur innocuité ou de leur efficacité.
Règlements européens : Ces textes ont un caractère obligatoire pour tous les membres de
l’union européenne dès leur entrée en vigueur. Ils sont directement applicables sans aucune
mesure de transcription en droit local.
REVISE : Groupe de travail national réunissant des pharmacovigilants représentant les
différentes structures institutionnelles dans un but d’échanges et d’harmonisation des
pratiques
7
Technicien d’étude clinique : Personne chargée d’organiser et réaliser le recueil et la saisie
des données des recherches cliniques, basée auprès du médecin investigateur et de l'équipe
médicale.
8
Table des matières
I. INTRODUCTION 13
II. CONTEXTE ETHIQUE ET REGLEMENTAIRE 15
A. Présentation des principes d’éthique : 15 a) Fondements éthiques de la pratique médicale 15 b) Principes généraux de l’éthique médicale 18
B. Règlementation de la pharmacovigilance des essais cliniques : 25 a) Echelle internationale 25 b) Echelle européenne 28 c) Echelle française 30
C. Réglementation applicable à l’activité de pharmacovigilance: 31 a) Gestion des évènements indésirables 31 b) Rédaction de rapports de sécurité périodiques 41 c) Evaluation constante de la balance bénéfices/risques 43 d) Assurer la mise en place d’un système qualité 44
D. Réglementation applicable aux Comités de Protection des Personnes : 46 a) Présentation des CPP 46 b) Soumission d’une demande d’autorisation au CPP 48 c) Evaluation du rapport bénéfices/risques par les CPP 49 d) Prise de décision par le CPP 50 e) Suivi des essais cliniques par les CPP 52
E. Réglementation applicable au Comité de Sécurité (ou surveillance) Indépendant : 53 a) Mise en place d’un Comité de Sécurité Indépendant 53 b) Les missions du Comité de Sécurité Indépendant 55 c) Fonctionnement du Comité de Sécurité Indépendant 55 d) Décisions du Comité de Sécurité Indépendant 56
III. PLACE DE L’ETHIQUE DANS LES DIFFERENTES ACTIVITES DE
PHARMACOVIGILANCE 57
A. Avant la mise en place de l’étude : 57 a) Relecture du protocole et propositions du pharmacovigilant 57 b) Mise en place de la brochure investigateur 62 c) La constitution d’un Comité de Sécurité Indépendant 63
B. Après la mise en place de l’étude : 66 a) Evaluation des cas 66 b) Rédaction de rapports de sécurité 71 c) La levée d’aveugle (ou insu) 77
IV- LA PHARMACOVIGILANCE DES ESSAIS CLINIQUES EN VIE REELLE 79
A. Contribution des Comités de Protection des Personnes 79 a) Résultats du CPP n°1 80 b) Résultats du CPP n°2 83
B. Exemples d’Evaluation bénéfices/risques d’essais cliniques 86 a) Etude dont le rapport bénéfices/risques est constamment remis en question = étude 1 86 b) Etude sur une population particulière, les prématurés = étude 2 93 c) Essai clinique arrêté en cours d’étude pour cause de problème de sécurité = étude 3 102
9
V- DISCUSSION 105
VI- CONCLUSION 112
ANNEXES 116
Annexe 1 : CIOMS I Form 116
Annexe 2 : Ligne directrice du groupe REVISE pour l’analyse des protocoles 117
Annexe 3 : Présentation du contenu de la brochure investigateur selon l’arrêté du 19 mai 2006 (29) 118
10
Liste des figures
Figure 1 - Critères de déclaration des EIGI selon le statut du médicament ...................................................................... 37 Figure 2 - Informations contenues dans un cas saisi ........................................................................................................ 69 Figure 3 - Schéma de l'étude 2 ......................................................................................................................................... 94 Figure 4 - Tests pour l'évaluation des bénéfices de l'étude ............................................................................................... 97 Figure 5 - Méthodologie de l'étude 3 .............................................................................................................................. 102
11
Liste des Tables
Tableau 1 - CIOMS pertinentes en pharmacovigilance des essais cliniques ......................................................... 26 Tableau 2 - Lignes directrices ICH pertinentes en pharmacovigilance des essais cliniques ................................. 27 Tableau 3 - Changements directive/règlement : collecte des évènements indésirables ......................................... 32 Tableau 4 - Changements directive/règlement : délai de notification par l’investigateur ..................................... 34 Tableau 5 - Changements directive/règlement : critères de déclaration des EIGI ................................................. 36 Tableau 6 - Changements directive/règlement : délai de notification par le promoteur ........................................ 38 Tableau 7 - Changements directive/règlement : base de données européenne ...................................................... 40 Tableau 8 - Changements directive/règlement : transmission des DSUR ............................................................. 42 Tableau 9 - Répartition des membres des CPP en deux collèges .......................................................................... 47 Tableau 10 - Présentation du contenu des DSUR ................................................................................................. 74 Tableau 11 - Résultats du questionnaire pour le CPP n°1 ..................................................................................... 80 Tableau 12 - Réponses du questionnaire pour le CPP n°2 .................................................................................... 83 Tableau 13 – Méthodologie de l'étude 1 ............................................................................................................... 86 Tableau 14 - Objectifs principaux et secondaires de l'étude 1 .............................................................................. 87 Tableau 15 - Critères de pré-inclusion et d'inclusion de l'étude 1 ......................................................................... 88 Tableau 16 - Critères d'exclusion de l'étude 1 ....................................................................................................... 89 Tableau 17 - Critères de jugements secondaires de l'étude 1 ................................................................................ 90 Tableau 18 - Objectifs principaux et secondaires de l'étude 2 .............................................................................. 95 Tableau 19 - Critères d'inclusion et d'exclusion de l'étude 2 ................................................................................. 95 Tableau 20 - Critères principaux et secondaires de l'étude 2 ................................................................................ 96 Tableau 21 - Risques prévus au protocole pour l'étude 2 ...................................................................................... 98 Tableau 22 - Objectifs principaux et secondaires de l'étude 3 ............................................................................ 102 Tableau 23 - Critères d'inclusion et d'exclusion de l'étude 3 ............................................................................... 103
12
Abréviations
ANSM Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de
santé
AMM Autorisation de Mise sur le Marché
ARC Assistant de Recherche Clinique
BI Brochure Investigateur
BPC Bonnes Pratiques Cliniques
CIOMS Council for International Organizations of Medical Sciences CPP
CSI
Comité de Protection des Personnes
Comité de Sécurité Indépendant (safety board)
CSP Code de la Santé Publique DIBD Development International Birth Date
DSUR Development Safety Update Report
EI Effet Indésirable
EIG Effet Indésirable Grave
EvI Evènement Indésirable
EvIG Evènement Indésirable Grave
EIGI Effet Indésirable Grave Inattendu
EMA European Medicines Agency
HIV Hémorragie Intra-Ventriculaire
IBD International Birth Date
ICH International Conference on Harmonization
IS Immunosuppresseur
MedDRA Medical Dictionary for Regulatory Activities
OMS Organisation Mondiale de la Santé
PCA Persistance du Canal Artériel
PT Prefferred Term
RCP Résumé des Caractéristiques Produit
REVISE REflexion sur la Vigilance et la Sécurité des Essais TEC Technicien d’Etudes Cliniques
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
13
I. Introduction
Selon l’article R.1121-1 du Code de la Santé Publique (CSP) (1) un essai clinique ou une
recherche biomédicale portant sur un médicament est entendue comme étant « tout essai
clinique (réalisé sur l’être humain) d’un ou plusieurs médicaments visant à déterminer ou à
confirmer leurs effets cliniques, pharmacologiques et les autres effets pharmacodynamiques
ou à mettre en évidence tout effet indésirable, ou à en étudier l’absorption, la distribution, le
métabolisme et l’élimination, dans le but de s’assurer de leur innocuité ou de leur efficacité. »
Les deux principaux acteurs de la recherche biomédicale sont le promoteur, qui finance
l’étude, et l’investigateur qui gère l’étude sur le lieu de recherche. L’activité de recherche est
guidée par un protocole qui définit les objectifs, la population à l’étude mais aussi les données
de sécurité d’utilisation des médicaments.
Dans ce travail, nous nous intéresserons au côté promoteur de la recherche biomédicale.
Le promoteur a des missions très variées qui peuvent aller de la recherche de financement, à
la préparation des protocoles de recherche, leur soumission mais aussi le bon déroulement de
l’étude. Un aspect de leurs missions qui va particulièrement nous intéresser est la gestion de la
sécurité des essais. C'est-à-dire, la mise en place de moyens afin de gérer les évènements
indésirables. Bien que les recherches puissent porter sur d’autres produits de santé que le
médicament, les textes européens s’appliquent majoritairement aux recherches sur ce dernier.
Cette activité est donc appelée la pharmacovigilance des essais cliniques.
Le rôle du pharmacovigilant est primordial dans le bon déroulement des essais cliniques. Il a
un rôle d’interface entre l’investigateur et le département promotion. Il peut être amené à
prendre des décisions importantes pouvant aboutir à l’arrêt de l’essai. Cette personne se doit
donc d’être le plus éthique possible. L’éthique est une réflexion qui vise à déterminer le bien
agir tout en tenant compte des contraintes relatives à des situations déterminées. Pour le
pharmacovigilant, ceci consiste à évaluer le risque d’un essai pour ne pas mettre en jeu le
pronostic vital des patients se prêtant à la recherche sans pour autant les priver d’un accès à
une nouveauté thérapeutique. La décision de poursuite ou d’arrêt d’une recherche s’inscrit
aussi dans une politique plus large de développement d’un médicament, avec ses intérêts
populationnels d’accès aux soins novateurs accompagnés d’interférences d’ordre commercial,
sources de pression.
14
En France, des structures et un encadrement réglementaire sont présents afin d’assurer la
sécurité des patients. Avant toute mise en place de recherche biomédicale, le promoteur doit
obtenir une autorisation de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM) (2)
ainsi qu’un avis favorable d’un Comité de Protection des Personnes (CPP) autrefois appelé
comité d’éthique. De plus, des Comités de Sécurité Indépendants (CSI) composés d’experts
dans la discipline à l’étude doivent être constitués sauf exception. Ils sont impliqués dans la
méthodologie et l’évaluation de la sécurité de la recherche afin d’aider le pharmacovigilant à
prendre des décisions en termes de sécurité.
Au cours d’un stage réalisé au sein du département promotion du CHU de Nantes, auprès du
responsable de la pharmacovigilance, j’ai pu me rendre compte de l’importance de l’éthique
dans cette activité. En effet, chaque décision prise par le pharmacovigilant ou activité réalisée
est encadrée par des textes réglementaires mais aussi et surtout par des principes d’éthique
universels qu’il doit s’approprier et appliquer. Cette facette du métier m’a interpellée c’est
pourquoi j’ai voulu en savoir plus et faire de cette problématique mon sujet de thèse.
Dans la première partie de ce travail, est présentée ce qu’est l’éthique au sens large puis
l’environnement réglementaire applicable au pharmacovigilant, aux CPP et aux CSI. Dans un
deuxième temps, sont présentées les problématiques éthiques que peut rencontrer le
pharmacovigilant dans ses diverses activités, à la lumière de l’expérience au sein d’une
structure institutionnelle. Dans une troisième partie, sont développées les modalités de
fonctionnement de deux CPP au regard de la sécurité et de la pharmacovigilance ainsi que des
difficultés éthiques rencontrées au cours de trois études promues par le CHU de Nantes.
15
II. Contexte éthique et réglementaire
Dans cette partie, sont présentés les principes d’éthique encadrant l’activité médicale ainsi que
l’environnement réglementaire de la recherche biomédicale. Sont plus spécifiquement
présentés les environnements réglementaires de la pharmacovigilance des essais cliniques au
sens large, du pharmacovigilant, des CPP et des CSI.
A. Présentation des principes d’éthique :
a) Fondements éthiques de la pratique médicale
Les grands principes éthiques de la recherche médicale impliquant des êtres humains sont
rappelés dans la déclaration d’Helsinki rédigée en 1964 par l’Association Médicale Mondiale
(3). Cette déclaration s’applique principalement aux médecins mais aussi à toute personne
engagée dans la recherche médicale. Elle rappelle que pour le médecin « la santé de mon
patient prévaudra sur toutes les considérations ». Il y est aussi indiqué que « même les
meilleures interventions éprouvées doivent être évaluées en permanence par des recherches
portant sur leur sécurité, leur efficacité, leur pertinence, leur accessibilité et leur qualité ».
On y retrouve donc l’importance de la pharmacovigilance. Ces grands principes sont évolutifs
et régulièrement mis à jour. Depuis 1964, ce texte a connu 9 amendements dont le dernier en
Octobre 2013.
Un second texte de loi pertinent pour les recherches biomédicales est la loi de bioéthique du 7
juillet 2011 (4) qui rappelle que dans tout acte médical, les droits de l’homme ainsi que la
dignité de l’être humain doivent être protégés à l’égard des applications de la biologie et de la
médecine. Cette loi s’intéresse particulièrement aux thématiques suivantes :
Les examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales
Les manœuvres médicales portant sur des organes et des cellules
Le diagnostic prénatal, préimplantatoire et les échographies obstétricales et fœtales
L’interruption de grossesse pratiquée pour motif médical
L’anonymat du don de gamètes
16
L’assistance médicale à la procréation
La recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
Les neurosciences et l’imagerie cérébrale
Même si certaines activités jugées sensibles sont régies par ce texte de loi, l’éthique n’en reste
pas moins applicable à toutes les activités médicales. D’ailleurs, le serment d’Hippocrate (5)
prêté par chaque médecin fixe les grands principes éthiques qu’il se doit de suivre. L’une des
premières phrases est « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la
santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai
toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur
état ou leurs convictions».
Un troisième texte fixe les grands principes d’éthique, il s’agit de la chartre européenne
d’éthique médicale datant du 10 juin 2011 (6). Ce texte est rédigé par le conseil européen des
ordres de médecins et rappelle les grands principes de l’éthique médicale. Le corps médical
européen s’engage à respecter cette chartre qui comprend 15 principes d’éthiques. Ceux qui
nous intéressent tout particulièrement sont les suivants :
Principe 2 : « le médecin s’engage à donner la priorité aux intérêts de santé du
malade »
Principe 3 : « le médecin donne au malade, sans aucune discrimination, les
soins indispensables les plus appropriés »
Principe 6 : « le médecin utilise ses connaissances professionnelles pour améliorer ou
maintenir la santé de ceux qui se confient à lui, à leur demande ; en aucun cas il ne
peut agir à leur détriment »
Principe 7 : « le médecin fait appel à toutes les ressources des sciences médicales pour
les appliquer d’une manière adéquate à son patient »
Principe 8 : « dans le respect de l’autonomie de la personne, le médecin agit selon le
principe d’efficacité du traitement en prenant en considération l’utilisation équitable
des ressources»
17
Ces principes mettent en évidence que le patient doit constamment rester au cœur de la prise
en charge. Le médecin doit agir pour le patient sans mettre en avant ses propres intérêts.
18
b) Principes généraux de l’éthique médicale
Les quatre principes généraux de la bioéthique sont l’autonomie, la bienfaisance, la non
malfaisance et la justice (7). Aucun principe n’est plus important qu’un autre, ils doivent être
pris en compte dans leur globalité.
1) Principe d’autonomie :
Dans le cadre de la recherche biomédicale, le principe d’autonomie consiste à s’assurer que le
patient est à même de décider s’il veut ou non être inclus dans un essai clinique et s’il est
capable de faire le choix de sortir de l’étude. Le fait que le patient soit libre de sortir de
l’étude à tout moment, sans préjudice pour la prise en charge de sa maladie, doit être
clairement précisé dans le protocole ainsi que dans tous les documents d’information transmis
aux patients (7).
Comme précisé dans la déclaration d’Helsinki, le patient doit signer un consentement
« libre et éclairé » afin de donner son autorisation de se prêter à la recherche. L’autonomie du
patient joue un rôle primordial dans cette prise de décision. Ce consentement est accompagné
d’une note d’information au patient qui doit clairement mentionner les risques de la
recherche. L’investigateur doit expliquer ces risques au patient afin qu’il prenne sa décision
en tout état de cause et lui accorder un délai de réflexion (sauf urgence) (7).
La façon dont l’information est présentée au patient doit être la plus factuelle possible pour ne
pas influencer sa prise de décision. Cette notion est très importante en termes d’éthique.
Auparavant, le médecin était considéré comme le « tout puissant » et les décisions étaient
souvent prises par le médecin de façon unilatérale et autoritaire ; il est nécessaire que les
médecins n’abusent pas de la confiance allouée par le patient. Cette notion est reprise dans le
serment d’Hippocrate au travers de la phrase « Je n’exploiterai pas le pouvoir hérité des
circonstances pour forcer les consciences » (5). Le patient doit rester le seul maître de sa
décision. Le médecin se doit de répondre à toutes les interrogations du patient pour que son
consentement à participer à une étude soit réellement « éclairé » c’est-à-dire, qu’il dispose de
toutes les informations nécessaires à sa prise de décision.
19
L’investigateur doit s’assurer que les points clés de l’étude ont été compris par le patient. Le
discours doit être adapté à chaque patient, intelligible pour lui, car toute situation est unique et
certains patients sont plus à risque que d’autres. Le médecin doit penser aux bénéfices et aux
risques individuels du patient.
La discussion doit s’instaurer et vraiment s’articuler sur des principes cliniques. Il faut tenir
compte des convictions, intentions du patient. L’idéal serait que la décision soit prise dans un
cadre multidisciplinaire afin de placer le patient au cœur de la décision et lui fournir
l’ensemble des éléments nécessaires à sa prise de décision. Le médecin doit respecter la
volonté du patient et ne pas se contenter de lui faire signer le consentement (7).
Le principe d’autonomie consiste aussi à s’assurer que le patient ne subit pas de pressions à la
fois par le personnel soignant et par la famille. Par exemple, le niveau d’autonomie est parfois
très difficile à appréhender en gériatrie, des personnes âgées peuvent être fortement
influencées par leur famille sur le fait de participer à une étude. La famille voit uniquement
les bénéfices que peuvent apporter l’étude mais minimise les risques que peut comporter
celle-ci, compte tenu de la fragilité de la personne âgée.
Le niveau d’autonomie est également difficile à appréhender sur les patients souffrant de
pathologies psychiatriques. Ces dernières ne donnent pas obligatoirement lieu à des mesures
de protections administratives et leur diagnostic peut-être complexe pour le non spécialiste.
De plus, un patient peut refuser de mentionner ce type d’antécédents dans le but d’être inclus
dans un essai. L’inclusion de patients souffrant de pathologies psychiatriques peut entraîner
une augmentation du nombre de patients perdus de vue par l’équipe de recherche et donc
l’arrêt du suivi. Cet arrêt peut s’avérer dangereux pour la santé du patient. Il est aussi possible
d’observer une toxicité du médicament expérimental due à des interactions avec les
médicaments que le patient utilise mais qu’il n’a pas mentionné. Il est ainsi habituel de
mentionner l’existence d’une pathologie psychiatrique dans les critères d’exclusion.
La loi a aussi prévu les situations où un patient peut être temporairement empêché d’exercer
son libre choix. Par exemple, lorsque le traitement à l’étude doit être appliqué en urgence, du
fait d’une menace vitale immédiate il n’est pas possible de recueillir le consentement du
patient avant la mise en place de l’étude Il est possible de ne recueillir ce consentement qu’à
posteriori, consentement dit « de poursuite ». La question de la réelle liberté de choix de ces
patients déjà traités se pose.
20
Bien souvent lorsqu’ils sont en état de donner un consentement, le traitement est terminé et
ces personnes statuent davantage sur l’utilisation des données de la recherche que sur la prise
du médicament.
Dans le cas où le traitement doit se poursuivre, le patient se sentant mieux, va se sentir obligé
de continuer. De même, certains patients dans le coma ne peuvent donner leur consentement
libre et éclairé. Le recours à l’avis de la personne de confiance pré-désignée est possible.
Cette personne est souvent un membre de la famille dont les capacités de choix peuvent être
influencées par la gravité de la situation, sa soudaineté.
L’investigateur peut-il aussi être sûr que cette personne respecte la volonté du patient ? Que
celui-ci s’est exprimé ? Il devra dans la mesure du possible rechercher a posteriori le
consentement du patient. Il devra aussi, en plus des informations sur la recherche, expliquer
clairement la chronologie de la démarche souvent inconnue du public.
L’autonomie des patients s’appréhende aussi au regard de leurs principes moraux et de leur
appartenance à des groupes de population, en dehors de dérives sectaires. Ainsi certains
médicaments contiennent des dérivés porcins, des protocoles imposent des transfusions
sanguines, la prise de contraceptifs etc. Cette information peut influencer les choix de
participation des patients, en particulier en cas de randomisation.
Le pharmacovigilant, au fait de la composition des médicaments expérimentaux, de leur mode
de fabrication, en charge du choix des documents de référence, doit mettre l’information à
disposition des investigateurs. Il doit conseiller au promoteur d’expliciter ces informations
dans les documents destinés aux patients et lors des entretiens préalables afin que ces derniers
n’agissent pas contre leurs principes et à leur insu.
L’autonomie est résumée par une citation de John Stuart Mill : « Chacun est le gardien
naturel de sa propre santé aussi bien physique que mentale et spirituelle. L’humanité gagnera
davantage à laisser chaque homme vivre comme bon lui semble qu’à le contraindre à vivre
comme bon semble aux autres » (8).
21
2) Principes de non malfaisance/bienfaisance :
La non malfaisance consiste à ne pas faire de mal au patient. La bienfaisance consiste à
s’assurer que le patient est soigné correctement et que la recherche lui apporte un bénéfice
compte tenu de ses antécédents, du stade de sa maladie etc. Ces principes sont repris dans le
serment d’Hippocrate par la phrase « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne
prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément »
(5).
Chaque recherche médicale entreprise doit avoir une justification scientifique rigoureuse pour
assurer qu’elle apporte quelque chose aux patients et à la médecine. Les bienfaits du
traitement sont cependant parfois mis à mal par la survenue de complications, d’effets
indésirables, de nuisances qu’il convient de limiter et gérer au mieux pour garantir les intérêts
médicaux et sociaux du patient.
La survenue d’effets indésirables (EI) sévères sinon graves peut soulever la question de la
poursuite malgré tout du traitement, surtout si ce dernier semble efficace. Le réel intérêt du
traitement entrepris pour un patient donné doit être au centre des préoccupations, pouvant
conduire aux décisions d’arrêt de traitement voire de sortie d’étude. La discussion du
bénéfice/ risque va alors prendre toute sa dimension, tant pour un individu que pour
la population participant à la recherche.
L’appréciation du bénéfice/risque passe aussi par l’identification de l’objectif de la recherche.
C’est-à-dire, s’il s’agit d’un traitement curatif ou d’un traitement visant à la rémission ou la
stabilisation de la maladie. Dans ce contexte, on peut se poser la question de l’allongement
réel de la durée de vie ainsi que des conditions de cet allongement en termes de qualité de vie.
Il faut s’interroger sur la possibilité que ce traitement entrepris ne puisse pas être considéré
comme un acharnement thérapeutique en vue du stade de gravité de la maladie du patient. Il
faut tenir compte de la loi n° 2005-370 relative aux droits des malades et à la fin de vie
notamment l’article 1 qui rappelle que « Ces actes ne doivent être poursuivis par une
obstination déraisonnable. Lorsqu’ils paraissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre
effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être
entrepris ».
22
Il est aussi rappelé dans l’article 2 que « Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la
souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable,
quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet
secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade » (9). Ces notions sont reprises
dans le décret n°2006-120 relatif à la procédure collégiale prévue par la loi n°2005-370
notamment par l’article 1 qui spécifie que le médecin « doit s’abstenir de toute obstination
déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou
poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre
objet ou effet que le maintien artificiel de la vie » (10).
Il faut aussi s’assurer que le fait pour le patient de se prêter à la recherche n’aura pas, en plus
d’un risque pour sa santé, une influence néfaste sur son quotidien. La confidentialité des
données doit être respectée. Elle concerne les documents liés à l’étude, mais aussi la survenue
d’un EI typique et stigmatisant (perte des cheveux, coloration des ongles...) du médicament
expérimental qui peut affecter la qualité de vie et rompre en quelque sorte la confidentialité de
sa maladie.
Il est nécessaire que le patient en soit averti afin de limiter l’impact émotionnel, de lui
permettre de s’y préparer et d’adopter la stratégie de son choix vis à vis de son entourage.
Tous les courriers, convocations, certificats éventuels envoyés durant l’étude doivent être
transmis de façon parfaitement confidentielle dans le but de garder la pathologie du patient
secrète pour son entourage s’il le souhaite. Cette notion est reprise dans le serment
d’Hippocrate par la phrase « Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me
seront confiés » (5). Ce principe doit aussi être appliqué lors des publications et présentations.
Ces notions éthiques de bienfaisance et de non malfaisance apparaissent ainsi comme des
fondements de l’activité du pharmacovigilant consistant à continuellement évaluer la balance
bénéfices/risques d’un traitement pour un patient lors de la survenue d’un évènement
indésirable grave (EvIG) mais aussi pour l’ensemble de la population d’une étude.
23
3) Principe de justice :
Le principe éthique de justice est repris dans le serment d’Hippocrate par la phrase « Je
donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera sans discrimination etc.»
(5).
En recherche biomédicale, la justice consiste à s’assurer que les patients ont une égalité des
chances de se prêter à la recherche. Cette notion paraît en réalité difficilement applicable. Des
critères stricts d’inclusion sont mis en place pour sélectionner les patients.
L’objectif de ces critères est d’écarter les patients à risques, mais aussi ceux ne répondant pas
aux normes réglementaires ce qui entraîne l’absence d’égalité d’accès aux soins. Dans la
plupart des essais l’un des critères d’inclusion est le fait d’être affilié à une sécurité sociale y
compris, la couverture médicale universelle. Ainsi des patients étrangers dont le pays n’a pas
d’accord avec le système français, ou en situation irrégulière, bien que bénéficiant de l’aide
médicale de l’état et bien que répondant aux critères médicaux d’inclusion, se voient de fait
écartés des études. Des questions d’assurance et de financement vont aussi prévaloir sur le
choix de certains critères, comme le fait d’écarter les femmes en âge de procréer pour éviter
certes un risque malformatif ou foeto-toxique mais aussi pour limiter l’impact financier lié à
ce risque. Le principe de justice est très difficile à appréhender du point de vue éthique car
certaines activités sont régies par des textes de lois non transgressables.
Un autre exemple est l’exclusion de patients sous tutelle. Est-ce juste ? Ne les prive-t-on pas
d’un traitement qui leur aurait été bénéfique ?
Les exemples choisis mettent en évidence que les principes d’éthique clinique doivent être
appréciés au cas par cas.
La population globale doit aussi être prise en compte, le fait d’inclure un nombre limité de
patients sélectionnés, ne prive-t-il pas une grande partie des patients d’un traitement qui lui
aurait été profitable ?
A terme, cette sélection drastique dans les essais ne nuit–elle pas à la population par le fait
que le médicament n’obtiendra l’autorisation de mise sur le marché (AMM) que pour des
indications thérapeutiques ciblées. Ce problème se pose pour des questions de recrutement, de
faisabilité incluant la durée de l’étude et de coût de traitements.
24
La notion de justice, consiste aussi à s’assurer que la méthodologie de l’étude mise en place
assure une égalité des chances entre les différents bras de traitement. Cet aspect doit être
vérifié tout au long de l’étude afin de suspendre l’essai si un traitement est jugé plus
dangereux ou au contraire si les résultats montrent que le traitement administré dans un bras
est plus efficace.
A ce principe de justice, s’ajoute la notion de morale. Il s’agit de règles de conduites,
s’appliquant de droit, dictées par une société ou une religion. Ces règles peuvent écarter le
patient de certaines thérapeutiques, de la participation à une recherche, toutefois le médecin se
doit de présenter l’étude à tout patient qui répond aux critères médicaux.
Un praticien peut aussi être confronté à un choix personnel d’ordre moral dans son activité de
recherche, les discussions autour des lois de bioéthique en témoignent régulièrement. Il ne
peut en aucun cas faire passer son opinion et son choix avant l’intérêt premier du patient.
25
B. Règlementation de la pharmacovigilance des essais
cliniques :
La pharmacovigilance est une discipline pratiquée internationalement dans le cadre des essais
cliniques mais aussi pour les médicaments commercialisés. La réglementation régissant cette
activité est complexe et composée de différents niveaux, avec une réglementation
internationale, européenne et nationale. Son but reste cependant toujours la sécurité du patient
via la connaissance des effets indésirables des médicaments
Dans cette partie, sera présentée globalement l’organisation de la pharmacovigilance ainsi que
la réglementation applicable.
a) Echelle internationale
1) Le Council for International Organizations of Medical Sciences
Le Council for International Organizations of Medical Sciences (CIOMS) (11) est une
organisation internationale, non gouvernementale à but non lucratif qui a été mise en place en
1949 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’United Nations Educational,
Scientific and Cultural Organization (UNESCO) ou l’Organisation des Nations Unis pour
l’Education, la Science et la culture en français.
Un des objectifs de cette organisation est de mettre en place des groupes de travail
internationaux afin d’harmoniser les pratiques de pharmacovigilance. Ces groupes de travail
proposent des solutions adéquates aux problématiques liées à la sécurité d’utilisation des
médicaments.
En 2013, le CIOMS était composé de 49 membres appartenant à des structures privées et
publiques de tous les pays du monde. Les principaux axes de recherche de ces groupes de
travail sont : la bioéthique, la sécurité des médicaments, le développement et l’utilisation des
médicaments (11).
Les conclusions de ces groupes de travail sont présentées dans des documents appelés CIOMS
assortis des numéros des groupes de travail. Les plus pertinents pour la pratique de la
pharmacovigilance des essais cliniques sont présentés dans le tableau 1.
26
Tableau 1 - CIOMS pertinentes en pharmacovigilance des essais cliniques
Numéro de la
CIOMS
Date de
parution
Sujet de la CIOMS
CIOMS I 1990 Notification internationale des évènements indésirables graves
(EIG) :
Définitions
Critères
Explication de la CIOMS I Form
CIOMS III 1999 Lignes directrices pour la rédaction du document de référence
d’un médicament, incluant des propositions pour la brochure
investigateur
CIOMS V 2001 L’approche pragmatique des challenges en pharmacovigilance
CIOMS VI 2005 Prise en charge des informations de sécurité provenant des
essais cliniques
CIOMS VII 2006 Le Development Safety Update Report (DSUR)
CIOMS IX 2010 Considérations pratiques pour la mise en place de plan de
gestion des risques
Ce tableau présente les numéros de CIOMS, leur date de parution ainsi que les principaux
sujets abordés. Tous ces documents sont disponibles en accès libre sur internet, il s’agit de
documents d’aide à la pratique de la pharmacovigilance. Cependant, s’ils ne sont pas
mentionnés dans une directive, un règlement, ces textes n’ont aucune valeur réglementaire.
Un document de travail provenant du CIOMS I est utilisé en pratique en pharmacovigilance
pour transmettre les informations contenues dans un cas. Il s’agit de la CIOMS I Form (12)
fournie en annexe 1. Malgré l’essor des transmissions électroniques, ce formulaire reste
indispensable pour la transmission des cas de pharmacovigilance dans le cadre des essais
cliniques et de la pharmacovigilance post-autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce
document est constitué de quatre parties qui sont :
les informations sur l’évènement
les informations sur le médicament suspect
les informations sur les médicaments concomitants, les antécédents médicaux du
patient et sa démographie (sexe –âge)
les informations sur le notificateur et le titulaire de mise sur le marché ou propriétaire
de la molécule si absence d’AMM.
.
27
2) International Conference on Harmonization
L’international Conference on Harmonization (ICH) a été créé en Avril 1999 à Bruxelles. Elle
est composée de représentants des autorités de santé ainsi que d’experts provenant
d’industries pharmaceutiques américaines, japonaises et européennes. Ces différentes entités
discutent des aspects scientifiques et techniques de l’enregistrement des médicaments. La
mission de l’ICH est d’obtenir une meilleure harmonisation mondiale afin d’assurer la
sécurité, l’efficacité et la haute qualité des médicaments développés et enregistrés. L’ICH met
à disposition des professionnels de santé, des lignes directrices. Les plus pertinentes en
pharmacovigilance des essais cliniques sont présentées dans le tableau 2 (13).
Tableau 2 - Lignes directrices ICH pertinentes en pharmacovigilance des essais cliniques
Nom de la ligne
directrice
Année de
parution
Sujet abordé
E2A 1994 Prise en charge des données cliniques de sécurité
Définitions
Standards pour la transmission
E2B (R3) 2013 Prise en charge des données cliniques de sécurité
Données nécessaires pour la transmission des
cas de pharmacovigilance
E2F 2010 Development Safety Update Report
E6 (R1) 1996 Les Bonnes Pratiques Cliniques
E8 19997 Considérations générales pour les essais cliniques
Ce tableau présente le nom des lignes directrices, l’année de parution et le sujet abordé. Ce
sont des outils d’aide à la pratique de la pharmacovigilance.
28
b) Echelle européenne
La législation européenne est applicable aux 28 états membres et a aussi été adoptée en
Norvège, en Islande et au Liechtenstein. Les acteurs européens de la législation en
pharmacovigilance sont présentés ci-après.
1) La commission européenne :
Il s’agit de l’instance qui dispose du pouvoir exécutif. Elle est responsable des propositions de
loi, de l’implémentation des décisions et du maintien des traités européens (14).
2) L’European Medicines Agency
L’European Medicines Agency (EMA) est l’autorité de santé européenne dont la mission est
d’aider à la protection et à la promotion de la santé en Europe. Son champ d’action est à la
fois les médicaments de médecine humaine et animale. L’EMA s’appuie sur un réseau de
pharmacovigilance européen constitué des agences des états membres, d’experts et de groupes
de travail. Afin de collecter les différentes données de sécurité, l’EMA gère la base de
données européenne appelée Eudravigilance.
Celle-ci permet au moyen de deux modules distincts, de centraliser les effets indésirables pour
les médicaments ayant une AMM et ceux en cours de développement au sein de l’union
européenne. Les informations contenues dans cette base de données sont accessibles à tous les
états membres pour l’ensemble des données, aux titulaires d’AMM et aux promoteurs
uniquement pour les données concernant leurs médicaments. Ce système permet de détecter
des signaux de couple médicaments/effets indésirables suspectés et non encore identifiés,
mais aussi d’obtenir davantage d’informations sur des effets indésirables connus, tels que le
délai de survenue, l’intensité, la durée (15).
29
3) Les textes réglementaires
Les textes communautaires européens qui régissent la pharmacovigilance des essais cliniques
sont à ce jour la directive 2001/20/CE (16) et la « CT3 » (17):
1. La directive 2001/20/EC
La directive européenne 2001/20/EC (16) est le texte communautaire le plus important en ce
qui concerne la pharmacovigilance des essais cliniques. Elle a été publiée au journal officiel
européen le 4 Avril 2001 et a été signée par le parlement européen et par le conseil. Cette
directive est une synthèse, un rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des états membres de l’union européenne. L’objectif de cette directive est
d’implémenter les bonnes pratiques cliniques dans la mise en place d’essais cliniques de
produits médicaux à usage humain. Une directive doit être suivie par les différents états
membres et ceci passe par la transposition en droit local. La méthode et la forme utilisées pour
répondre à cette directive varient selon les pays.
2. Volume 10: lignes directrices pour les essais cliniques / « CT3 »
Le volume 10 contient des lignes directrices pour les essais cliniques. Le chapitre qui nous
intéresse est le second qui s’intitule « Monitoring and Pharmacovigilance ». Ce chapitre
contient le document appelé CT 3 (17) ou «Detailed guidance on the collection, verification
and presentation of adverse event/reaction reports arising from clinical trials on medicinal
products for human use ». Ce document datant de Juin 2011, contient des informations sur la
collection, le contrôle qualité et les présentations des évènements indésirables provenant
d’essais cliniques.
3. Règlement 536/2014 :
Un nouveau règlement concernant les essais cliniques des médicaments à usage humain a été
publié au journal official le 27 Mai 2014. Il s’agit du règlement 536/2014 (18) qui remplacera
la directive 2001/20/EC (16). Ce règlement est entré en vigueur le 16 juin 2014. Cependant, il
ne sera pas appliqué avant le 28 mai 2016.
30
Ce règlement a pour but de renforcer la sécurité et la pharmacovigilance des essais cliniques.
Les différences entre la directive et le règlement seront présentées au cours de ce travail dans
la section II. C.
c) Echelle française
1) Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de santé
Au niveau français, lors de la mise en place d’un essai clinique, l’autorité compétente est
l’ANSM (ex AFSSAPS). Tout essai clinique se déroulant en France doit obtenir une
autorisation de l’ANSM. Cette entité gère aussi les demandes de modifications d’essais et est
destinataire de toutes les données de sécurité (2).
2) Les bonnes pratiques cliniques
Les bonnes pratiques cliniques (BPC) des recherches biomédicales portant sur des
médicaments à usage humain sont fixées par la décision du 24 novembre 2006 (19) et ont
pour objectif la « protection des droits, la sécurité et la protection des personnes se prêtant à
la recherche ainsi qu’à la crédibilité et la confidentialité des données à caractère personnel
et des résultats de ces recherches » (19). De plus, « les BPC constituent un ensemble
d’exigences de qualité dans les domaines éthiques et scientifiques reconnues au plan
international, qui doivent être respectées lors de la planification, la mise en œuvre, la
conduite, le suivi, le contrôle qualité, l’audit, le recueil des données, l’analyse et l’expression
des résultats des recherches biomédicales ». (19)
Ce texte de loi comporte des informations réglementaires sur les principes de BPC, les
comités de protection des personnes, l’investigateur, le promoteur, le protocole d’essai
clinique, la Brochure-Investigateur (BI) ainsi que les documents essentiels relatifs à la
recherche biomédicale.
Selon l’article L.1121-3 du CSP (1), toutes les recherches biomédicales portant sur des
médicaments doivent être réalisés dans le respect des BPC.
31
C. Réglementation applicable à l’activité de pharmacovigilance:
Les responsabilités du pharmacovigilant correspondent aux obligations du promoteur en
termes de sécurité d’utilisation du médicament expérimental. Les manquements à la
réglementation sont punis par la loi. Selon l’article L.1126-8 du CSP (1), « le fait pour le
promoteur de ne pas communiquer aux expérimentateurs des essais chimiques,
pharmaceutiques, biologiques, pharmacologiques ou toxicologiques les informations
réglementairement prescrites et relatives à l’essai, aux médicaments soumis à l’essai, aux
médicaments utilisés comme référence et à la synthèse du dernier état des connaissances
scientifiques requises pour la mise en œuvre de la recherche est puni de 2 ans
d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. ».
De plus, il est mentionné dans l’article L.1126-9 du CSP (1) que, « le fait pour le promoteur
de ne pas communiquer aux investigateurs les informations réglementairement prescrites et
relatives à l’essai et aux médicaments expérimentaux est puni de deux ans d’emprisonnement
et de 30 000 euros d’amende ».
En conformité avec la décision du 24 novembre 2006 (19) visant à appliquer les règles de
BPC, les différentes activités présentées ci-dessous font partie des obligations réglementaires
des promoteurs et de sa structure de vigilance.
a) Gestion des évènements indésirables
Lors de la réception d’évènements indésirables par le promoteur, le pharmacovigilant va
s’assurer de leur bonne prise en charge c’est-à-dire, leur enregistrement dans le dossier de
l’étude et leur saisie dans la base de vigilance du promoteur en conformité avec la déclaration
initiale. Il va aussi effectuer les corrections éventuelles ou demandes de compléments. Il
vérifie le niveau de gravité, définit l’imputabilité, le caractère attendu ou non au regard du
document de référence et valide les cas avant de les enregistrer et d’en tenir un registre à des
fins de traçabilité.
Lorsqu’un évènement indésirable est jugé grave, qu’il est suspecté lié au médicament et qu’il
est inattendu (EIGI) alors il doit être transmis à l’ANSM et à l’EMA, par le biais de la base de
données européenne ainsi qu’aux CPP. Une information doit aussi être faite auprès des
investigateurs dans l’optique de les informer d’un nouveau risque.
32
La réglementation régissant la gestion des évènements indésirables est en cours de
modification, la directive 2001/20/EC sera remplacé par le règlement 536/2014. Les
conséquences de ce changement sur les différentes étapes de la gestion des évènements
indésirables sont présentées ci-après.
1) Collecte des évènements indésirables par les investigateurs:
La collecte des évènements indésirables va évoluer avec l’arrivée du nouveau règlement. Les
différences entre directive et règlement sont présentées dans le tableau 3.
Tableau 3 - Changements directive/règlement : collecte des évènements indésirables
Directive 2001/20/EC Règlement 536/2014
Article 16 :
Les événements indésirables et/ou les
résultats d'analyse anormaux définis
dans le protocole comme
déterminants pour les évaluations de
la sécurité sont notifiés au promoteur
conformément aux exigences de
notification et dans les délais spécifiés
dans le protocole.
Le promoteur tient un registre détaillé
de tous les événements indésirables
qui lui sont notifiés par
l’investigateur.
Article 41 :
L'investigateur enregistre les
événements indésirables ou les
résultats d'analyse anormaux définis
dans le protocole comme déterminants
pour l'évaluation de la sécurité, les
documente et les notifie au promoteur
conformément aux exigences de
notification et dans les délais spécifiés
dans le protocole.
Le promoteur tient un registre détaillé
de tous les événements indésirables
qui lui sont notifiés par l'investigateur.
Dans la directive, la responsabilité de l’investigateur n’était pas réellement spécifiée, il lui
était uniquement nécessaire de « notifier » les évènements indésirables au promoteur sans
davantage d’informations. Dans le règlement, le terme d’investigateur est ajouté et il est
précisé qu’il doit à la fois « enregistrer, documenter et notifier » les évènements au
promoteur. Les deux textes précisent que le promoteur doit tenir des registres détaillés de tous
les évènements indésirables qui lui sont notifiés par le ou les investigateurs.
33
Au niveau français, dans l’article R.1123-54 du CSP (1), il est spécifié que c’est à
l’investigateur de notifier tout évènement indésirable ou résultat de tests anormaux.
Cependant, le terme de documentation n’est pas présent dans la législation française, seule la
notification est demandée. Des cas peu documentés sont pourtant très difficilement
évaluables.
2) Notification des évènements par l’investigateur au promoteur:
Les changements en termes de règlementation pour la notification des évènements par
l’investigateur au promoteur sont présentés dans le tableau 4.
34
Tableau 4 - Changements directive/règlement : délai de notification par l’investigateur
Directive 2001/20/EC Règlement 536/2014
Article 16 :
L'investigateur notifie immédiatement
au promoteur tous les événements
indésirables graves, à l'exception de
ceux qui sont recensés dans le
protocole ou dans la brochure
investigateur comme ne nécessitant
pas une notification immédiate.
La notification immédiate est suivie
de rapports écrits détaillés.
Article 41 :
L'investigateur notifie les événements
indésirables graves au promoteur,
sans retard indu et au plus tard dans
un délai maximal de vingt-quatre
heures après avoir eu connaissance
des événements, à moins que, pour
certains événements indésirables
graves, le protocole ne stipule
qu'aucune notification immédiate n'est
requise.
Si besoin, l'investigateur transmet un
rapport de suivi au promoteur afin de
lui permettre d'évaluer si l'événement
indésirable grave a une incidence sur
le rapport bénéfice/risque de l'essai
clinique.
Si l'investigateur prend connaissance
d'un événement indésirable grave,
dont on suspecte qu'il a un lien de
causalité avec le médicament
expérimental, survenant après la fin
de l'essai clinique chez un participant
qu'il a traité, il en informe le
promoteur sans retard indu.
Le nouveau règlement renforce le cadre de notification des évènements indésirables graves
par l’investigateur. En effet, le délai est statué à 24 heures alors qu’auparavant, la notion
« d’immédiatement » était noté, ce qui laissait le champ à interprétation.
35
Certains, considéraient qu’ils devaient transmettre l’évènement « immédiatement » à partir du
moment où ils détenaient des informations suffisamment pertinentes. D’autres, considéraient
qu’ils devaient envoyer l’évènement « immédiatement » même si le cas était peu documenté.
Le rôle de l’investigateur est renforcé car il doit envoyer des rapports de suivi pour permettre
au promoteur de réévaluer la balance bénéfices/risques de l’étude en continu. Il est aussi
mentionné que l’investigateur doit notifier les évènements survenant après l’arrêt de l’étude.
Cette notion n’était pas présente dans la directive.
En France, selon l’article R.1123-54 du CSP (1), l’investigateur doit notifier au promoteur
tous les EvIG sans délai, à l’exception de ceux mentionnés dans le protocole comme ne
nécessitant pas de notification immédiate. Cette notification immédiate fait l’objet d’un
rapport écrit et il est suivi de rapports complémentaires écrits détaillés.
3) Déclaration par le promoteur des effets indésirables graves et inattendus
Lorsque le promoteur reçoit un effet indésirable grave qui n’est pas mentionné dans la
brochure investigateur (BI), il est alors appelé EIGI et le promoteur doit le transmettre à
l’ANSM et au CPP au titre de l’alerte. Dans la littérature et les textes, il est possible de
trouver le terme SUSAR (suspected unexpected adverse reaction) qui est l’appellation anglo-
saxone des EIGI. Les changements de déclaration induits par le nouveau règlement sont
présentés dans le tableau 5.
36
Tableau 5 - Changements directive/règlement : critères de déclaration des EIGI
Directive 2001/20/EC Règlement 536/2014
Article 17 :
Le promoteur s’assure que toutes les
informations importantes concernant les
suspicions d’EIGI ayant entraîné ou pouvant
entraîner la mort sont enregistrées et notifiées
le plus rapidement possible aux autorités
compétentes de tous les états membres
concernés ainsi qu’au comité d’éthique.
Tous les autres EIGI doivent être aussi
notifiés aux autorités compétentes et au
comité d’éthique.
Article 42 :
Le promoteur d'un essai clinique conduit dans
au moins un état membre notifie par voie
électronique et sans délai à la base de données
européenne, toutes les informations
pertinentes sur des suspicions d’EIGI
suivants:
toutes les suspicions d’EIGI de
médicaments expérimentaux
survenant dans le cadre dudit essai
clinique, qu'elles soient survenues sur
un site d'essai clinique dans l'Union ou
dans un pays tiers.
toutes les suspicions d'EIGI liés à la
même substance active, quelque soit
sa forme pharmaceutique et son
dosage ou l'indication étudiée, dans
des médicaments expérimentaux
utilisés dans l'essai clinique, survenues
au cours d'un essai clinique conduit
exclusivement dans un pays tiers, si
ledit essai clinique est promu par le
promoteur ou par un autre.
toutes les suspicions d'EIGI liées à des
médicaments expérimentaux, se
produisant chez tout participant à
l'essai clinique, qui sont identifiées par
le promoteur ou qui sont portées à son
attention après la fin de l'essai
clinique.
37
L’article 42 du règlement 536/2014 (18) précise davantage le type d’EIGI qui doit être notifié.
Le champ de notification est élargi à tous les EIGI peu importe le pays d’origine, ceux liés à
la même substance active que le médicament expérimental ainsi qu’aux EIGI survenant après
l’arrêt de l’essai clinique. L’article 17 de la directive 2001/20/EC (16) était beaucoup moins
précis.
En France, l’application de la directive 2001/20/EC (16) est assurée par l’article 4 de l’arrêté
du 24 mai 2006 (20). Il y est indiqué que le promoteur doit déclarer à l’ANSM tous les EIGI
susceptibles d’être dus au médicament expérimental. Le statut du médicament expérimental
est aussi pris en compte, ceci est présenté en figure 1.
Figure 1 - Critères de déclaration des EIGI selon le statut du médicament
Il existe aussi des différences de délai de notification par le promoteur entre les deux
réglementations. Ces différences sont présentées dans le tableau 6.
Promoteur propriétaire du
médicament expérimental ?
oui
déclaration de tous les EIGI pour
toutes les recherches + post
AMM si nécessaire
non
déclaration de tout EIGI
susceptible d'être du au médicament expérimental
pour toutes les recherches dont il est promoteur
38
Tableau 6 - Changements directive/règlement : délai de notification par le promoteur
Directive 2001/20/EC Règlement 536/2014
Article 17 :
Les EIGI ayant entraînés ou pouvant
entraîner la mort doivent être notifiés
le plus rapidement possible et dans un
délai maximum de sept jours à
compter du moment où le promoteur a
eu connaissance de ce cas.
Les informations pertinentes
concernant les suites de l’EIGI
doivent être transmises dans un
nouveau délai de huit jours. Pour tous
les autres EIGIs, le délai de
notification doit être le plus rapide
possible avec un maximum de quinze
jours à partir de la connaissance de
l’EIGI par le promoteur.
Article 42 :
Les EIGI ayant entraînés ou pouvant
entraîner la mort doivent être notifiés
le plus rapidement possible et, en tout
état de cause, au plus tard sept jours
après la prise de connaissance de
l'effet par le promoteur.
Dans le cas de suspicions de l’EIGI
n'ayant pas entraîné la mort ou ne
pouvant pas mettre en danger la vie du
participant, au plus tard quinze jours
après la prise de connaissance de
l'effet par le promoteur.
Dans le cas de suspicion de l’EIGI
initialement considéré comme n'ayant
pas entraîné la mort ou n'ayant pas
mis en danger la vie du participant
mais qui s'avère entraîner la mort ou
mettre en danger la vie du participant,
la notification doit se faire dans les
plus brefs délais au plus tard sept
jours après la prise de connaissance
par le promoteur du fait que
l'évènement a entraîné la mort du
patient ou la mise en jeu de son
pronostic vital.
Les changements entre les articles 42 et 17 ne sont pas nombreux car les délais de soumission
aux autorités restent identiques.
39
Cependant, le nouveau règlement précise les modalités de déclarations des EIGI dont la
gravité a été modifiée, c'est-à-dire que lorsque l’EIGI a finalement entraîné la mort du patient
ou a mis en jeu son pronostic vital, la mise à jour de l’EIGI doit être transmise dans un délai
maximum de sept jours après la prise de connaissance de cette nouvelle information.
En France, dans l’article R.1123-47 du CSP (1), il est indiqué que le promoteur déclare toute
suspicion d’EIGI ayant entraîné la mort ou mis en danger la vie du patient le plus rapidement
possible et au plus tard dans les 7 jours à compter du moment où le promoteur en a eu la
connaissance. Pour les autres EIGI, le délai maximum est de 15 jours à partir de la prise de
connaissance par le promoteur. De plus, le promoteur doit déclarer sous forme de rapport de
suivi à l’ANSM et au CPP les informations complémentaires portant sur cet EIGI. Pour ceux
ayant entraîné la mort ou mis en jeu le pronostic vital du patient, le délai de transmission de
ces nouvelles informations est de 8 jours et reste de 15 jours pour les autres.
En ce qui concerne le support de la transmission des informations, le règlement 536/2014 (18)
a pour but la mise en place d’une déclaration systématique des EIGI sur la base de données
européenne. Les changements à ce sujet entre les deux réglementations sont présentés dans le
tableau 7.
40
Tableau 7 - Changements directive/règlement : base de données européenne
Directive 2001/20/EC Règlement 536/2014
Article 11 :
Les échanges d’informations doivent
se faire aux états membres sur le
territoire desquels l'essai clinique a
lieu, en introduisant toutes les
informations nécessaires dans une
base de données européenne
accessible uniquement aux autorités
compétentes des États membres, à
l'Agence et à la Commission.
Article 17 :
Chaque État membre veille à ce que
toutes les suspicions d’EIGI d’un
médicament expérimental qui ont été
portées à sa connaissance soient
immédiatement introduites dans une
base de données accessible
uniquement, conformément à l’article
11, aux autorités compétentes des
États membres, à l'Agence et à la
Commission.
Article 40 :
L'Agence européenne des
médicaments (EMA) établie par le
règlement 726/2004 constitue et tient
à jour une base de données
électronique pour les notifications
prévues aux articles 42 et 43. Cette
base de données constitue un module
de la base de données visée à l'article
24 du règlement no 726/2004
(Eudravigilance).
L'Agence élabore, en collaboration
avec les États membres, un formulaire
standard en ligne structuré pour la
notification par les promoteurs de
suspicions d'EIGI à la base de
données visée au paragraphe 1.
La nouvelle réglementation prévoit la mise en place d’un formulaire électronique unique pour
permettre aux promoteurs de notifier directement les EIGI dans la base de données
européenne Eudravigilance ce qui n’est pas possible actuellement. La saisie se fait par
connexion directe à la base, ou par transmission de fichiers XML répondant aux standards de
l’E2B. L’accès de la base de données est en pleine révision. Elle est actuellement accessible
aux autorités, aux détenteurs d’AMM ainsi qu’aux promoteurs pour leurs produits. La
discussion porte sur l’ouverture à un public plus large de chercheurs et sociétés civiles par
exemple.
41
En France, c’est l’article 6 de l’arrêté du 24 mai 2006 (20) qui statue sur l’utilisation de la
base de données européenne. Il y est indiqué que tous les EIGI doivent être déclarés par voie
électronique dans Eudravigilance ainsi qu’auprès de l’ANSM. Selon l’article R.112341 du
CSP (1) le directeur général de l’ANSM doit s’assurer que tous les EIGI survenus en France
et portés à sa connaissance ont été déclarés dans Eudravigilance.
b) Rédaction de rapports de sécurité périodiques
Le pharmacovigilant a pour obligation de fournir annuellement un rapport périodique de
sécurité concernant le médicament expérimental. Le format obligatoire est le Development
Safety Update Report (DSUR). Il a pour objectif de fournir une revue cumulative des données
de sécurité depuis le début de la recherche tout en apportant une analyse des données de
sécurité sur la période couverte par le rapport. Il contient le détail de tous les évènements,
sans distinction de critère de gravité, de causalité et de leur caractère attendu ou inattendu. Ce
rapport permet aussi de présenter les décès survenus au cours de l’étude et leur cause.
Il s’agit d’un outil indispensable permettant au promoteur la réévaluation annuelle de la
balance bénéfices/risques d’une recherche. Ce document fournit aussi à l’ANSM et aux CPP
une revue annuelle des données de sécurité globale pour un médicament.
Les changements apportés par la nouvelle réglementation au sujet des rapports de sécurité
sont présentés dans le tableau 8.
42
Tableau 8 - Changements directive/règlement : transmission des DSUR
Directive 2001/20/EC Règlement 536/2014
Article 17 :
Une fois par an pendant toute la durée de
l'essai clinique le promoteur fournit aux États
membres sur le territoire desquels l'essai
clinique est conduit et au comité d'éthique
une
liste de toutes les suspicions d'effets
indésirables graves survenus au cours de cette
durée, ainsi qu'un rapport concernant la
sécurité des participants.
Article 43 :
En ce qui concerne les médicaments
expérimentaux autres que les placebos, le
promoteur transmet à l'Agence, par
l'intermédiaire de la base de données citée
dans l’article 40 un rapport annuel sur la
sécurité de chaque médicament expérimental
utilisé lors d'un essai clinique dont il est le
promoteur.
Actuellement, pour les essais multicentriques internationaux, les DSUR doivent être transmis
individuellement aux autorités de santé de chaque état membre où l’essai clinique est mis en
place ainsi qu’au(x) CPP ou comités d’éthique, avec des modalités de présentation (langue,
format d’envoi) variables. Dans la nouvelle réglementation, les DSUR devront être transmis à
l’EMA par le biais de la base de données européenne Eudravigilance ainsi qu’au(x)
CPP/comités d’éthique. Il sera à la charge de chacun des Etat Membre d’en extraire leurs
documents.
En France, selon l’arrêté du 19 mai 2006 (21) relatif aux rapports de sécurité, le promoteur
doit envoyer électroniquement ou par courrier un rapport de sécurité à l’ANSM et au CPP. En
mars 2014, un envoi postal sur deux CD-ROM a été requis par l’ANSM. Il est difficile de
l’appliquer immédiatement en particulier pour les institutionnels du fait des surcoûts induits
en cours d’année. Ce rapport doit être adressé dans les 60 jours suivant la date de la fin de la
période couverte par ce rapport. Cette date correspond à la première autorisation de recherche
dans la communauté européenne ou la délivrance de la première AMM si applicable.
43
c) Evaluation constante de la balance bénéfices/risques
Le pharmacovigilant, doit continuellement s’assurer que la balance bénéfices/risques des
essais cliniques dont il a la responsabilité reste favorable. D’après l’article R.1123-44 du CSP
(1), il doit tenir un registre détaillé de tous les évènements indésirables qui lui sont notifiés par
le ou les investigateurs afin d’avoir une idée générale des risques induits par le médicament
expérimental. Ces notifications concernent les EvI présentant un critère de gravité. Ainsi, la
rédaction du DSUR est l’occasion de revoir annuellement les différentes données, d’obtenir
les informations concernant les EvI non graves, les EvIG non soumias à déclaration selon le
protocole, souvent disponibles uniquement dans les CRF.
Le pharmacovigilant doit aussi organiser une veille de la littérature afin de se tenir informé de
toutes nouvelles informations pré cliniques, cliniques et épidémiologiques susceptibles d’être
publiées. Il doit aussi se mettre à jour sur d’éventuelles données de sécurité émanant d’essais
cliniques portant sur le même principe actif mais dans une indication ou avec une forme
pharmaceutique différente.
De plus, selon les BPC (19), le pharmacovigilant doit surveiller l’apparition de « fait
nouveau », c'est-à-dire, « tout fait intéressant la recherche ou le médicament faisant l’objet de
la recherche et susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes qui s’y prêtent, qui
conduit le promoteur et l’investigateur à prendre des mesures de sécurité urgentes
appropriées ». Selon l’article 9 de l’arrêté du 24 mai 2006 (20), lorsque ces nouvelles
informations peuvent entraîner une réévaluation du rapport bénéfices/risques de la recherche
alors elles doivent être adressées par voie électronique ou par courrier à l’ANSM et au CPP.
D’après l’article R.1123-47 du CSP (1), cette transmission doit être effectuée dans un délai de
15 jours à compter de la prise de connaissance de l’information. Les informations
complémentaires pertinentes doivent être transmises dans un délai de 8 jours.
Le promoteur doit fournir le titre et numéro d’identification de la recherche ainsi qu’un
résumé du fait nouveau et des mesures de sécurité prises mais aussi toute information
pertinente pour l’évaluation de ce fait nouveau. De plus, selon l’article R.1123-55 du CSP (1),
toute mesure urgente de sécurité mise en place par le promoteur doit être suivie d’une
déclaration de fin de recherche ou de demande de modification substantielle à l’ANSM ainsi
qu’au CPP et ce, dans un délai de 15 jours.
44
Le « fait nouveau » peut émaner directement de la recherche (augmentation sensible de
fréquence d’un EI, mésusage), il peut aussi être la conséquence d’un élément issu de la
bibliographie identifiant un nouveau risque.
d) Assurer la mise en place d’un système qualité
Selon les BPC (19), le promoteur a l’obligation de mettre en place un système de qualité pour
assurer la cohérence avec les standards de qualité. Pour répondre à cette obligation, de
nombreuses procédures sont mises en place afin de définir les rôles et responsabilités de
chacun ainsi que les étapes à suivre pour être en accord avec les réglementations existantes. Il
revient au pharmacovigilant associé aux équipes qualité, de rédiger les différents documents
de qualité régissant son activité. Il doit s’assurer que ces documents sont mis à jour et
transmis aux interlocuteurs concernés lors de modifications de la réglementation par exemple.
Le pharmacovigilant doit, avec l’aide des assistants de recherche cliniques (ARC),
gestionnaires de projets et moniteurs sur le terrain, contrôler que l’investigateur lui fournit
l’ensemble des rapports, notifications, demandes et soumissions requises. Il est nécessaire de
vérifier que les évènements indésirables sont bien rapportés dans le cahier d’observation par
les techniciens d’études cliniques (TEC). Le pharmacovigilant doit aussi s’assurer que les
évènements indésirables sont rapportés de manière appropriée dans les délais prévus par le
protocole ainsi que la réglementation en vigueur. Dans le cas contraire il doit signifier l’écart
aux investigateurs concernés et au promoteur.
Ces textes sont applicables à l’ensemble des promoteurs d’essais cliniques. Toutefois, la
gestion d’essais cliniques dans le contexte institutionnel et tout particulièrement au sein des
centres hospitaliers est confrontée à des problématiques techniques particulières. Les
contextes budgétaires et de gestion du personnel imposent des modalités de fonctionnement
adaptées.
Par exemple, les personnels, dont les TEC, sont partagés entre plusieurs services, exercent
souvent plusieurs fonctions, cliniques et administratives. De plus, les dossiers sources des
patients sont informatisés, avec des formats spécifiques, pas toujours adaptés à la recherche.
45
Afin d’aider le pharmacovigilant institutionnel dans ses activités quotidiennes, un réseau
français entre les différents départements de vigilance de promoteurs institutionnels a été mis
en place. Il s’agit du groupe de REflexion sur la VIgilance et la Sécurité des Essais (REVISE)
(22). Ce groupe de travail créé initialement sous l’égide de la Fédération hospitalière de
France, a été ensuite sous tutelle du Ministère de la Santé et de la Direction des hôpitaux. Il
permet de traiter tous les aspects des obligations de vigilance du promoteur et de bénéficier du
retour d’expérience des équipes participantes. Suite aux réunions de ce groupe de travail, des
lignes directrices sont rédigées. Elles offrent l’opportunité d’harmoniser les pratiques
nationales en proposant des documents qui restent adaptables aux exigences de forme des
différentes structures hospitalières, ainsi qu’à leurs capacités techniques en termes de
personnels et de moyens informatiques notamment.
46
D. Réglementation applicable aux Comités de Protection des
Personnes :
Auparavant, les considérations éthiques étaient déjà présentes mais peu de textes encadraient
formellement la recherche. Les comités d’éthique ont été créés mais l’importance de leur rôle
et leurs missions ont été renforcées avec l’apparition des CPP. Actuellement, nombre de
discussions et considérations portent sur les fonctions, obligations et capacités des CPP.
Depuis 2006, par la circulaire n° 2006/259 (23), les CPP ont été mis en place. Selon l’article
L.1121-4 du CSP (1), une des conditions de mise en place d’une recherche biomédicale est
l’obtention d’un avis favorable par un CPP. L’article L.1126-5 du CSP (1), stipule que le fait
de mener une recherche biomédicale sans cet avis favorable d’un CPP est puni d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Dans cette partie, sont présentés les CPP,
leurs missions et obligations principales ainsi que leur composition.
a) Présentation des CPP
Les comités d’éthique et maintenant les CPP sont des structures reconnues au niveau mondial.
En effet, selon l’OMS, les comités d’éthique de la recherche ont pour mission d’examiner les
protocoles de recherche impliquant des sujets humains afin de vérifier qu’ils respectent les
principes éthiques internationaux et locaux.
Au niveau français, l’article R.1123-6 du CSP (1) stipule qu’il est nécessaire que « le comité
s’assure, au regard du dossier dont il a connaissance, notamment que la protection des
participants à la recherche biomédicale est assurée ».
Selon la ligne directrice opérationnelle pour les comités d’éthique de l’OMS (24) dans le
cadre de leurs responsabilités, les missions allouées aux CPP sont les suivantes :
L’évaluation des protocoles de recherche
L’évaluation des méthodes d’inclusion des patients
L’évaluation de la validité scientifique de l’étude notamment, l’analyse statistique afin
d’assurer la fiabilité des résultats obtenus
L’évaluation de potentielles incitations données aux participants
L’évaluation du consentement éclairé donné aux participants à la recherche
Le contrôle du déroulement des études
La participation au suivi et à la surveillance
47
Selon l’article L.1123-1 du CSP (1), les CPP ont un caractère décisionnel plutôt que
consultatif comme auparavant. Ils ont le pouvoir d’approuver, rejeter ou interrompre des
études. Ils peuvent aussi demander des modifications de protocoles si ceux-ci ne
correspondent pas à leurs exigences en termes d’éthique.
D’après l’article R.1123-4 du CSP (1), les CPP sont composés de deux collèges.
Conformément à l’article R.1123-7 du CSP, le mandat des membres est de 3 ans et prend fin
au terme de l’agrément du comité. La répartition des membres entre ces deux collèges est
présentée dans le tableau 9.
Tableau 9 - Répartition des membres des CPP en deux collèges
Collège 1 Collège 2
Composé de sept personnes :
Quatre ayant une qualification et une
expérience approfondie en recherche
incluant au moins 2 médecins et une
personne qualifiée en biostatistiques
et en épidémiologie
Un généraliste
Un pharmacien hospitalier
Un infirmier
Composé de sept personnes :
Deux personnes qualifiées dans le
domaine juridique
Deux représentants des associations
agréées de malades et d’usagers
Une personne qualifiée en question
d’éthique
Un psychologue
Un travailleur social
Selon l’article L.1123-2 du CSP (1), les membres des CPP doivent venir d’horizons variés
afin que la prise de décision soit la plus multidisciplinaire possible. Selon l’article R.1123-11
du CSP (1), pour qu’une délibération soit possible, il est nécessaire que sept membres soient
présents dont au moins trois appartenant au premier collège et trois au deuxième collège dit
« société civile ». Une répartition adéquate des âges et des sexes doit être respectée. De plus,
il est nécessaire que des « naïfs » soient présents afin de représenter les intérêts et les
préoccupations de la communauté. Il est important de noter que les membres des comités de
protection des personnes doivent avoir une formation de base ainsi qu’une formation continue
sur les aspects éthiques et scientifiques de la recherche biomédicale.
Chaque séance est dirigée par le président du CPP ou, en son absence par le vice-président.
Selon l’article R.1123-10 du CSP (1), le président doit être élu par les membres titulaires à la
majorité absolue. La durée du mandat du président et du vice-président est aussi de 3 ans.
Toutes les séances se déroulent à huis clos. Selon les articles L.1123-3 et R.1123-13 du CSP
(1) les membres des CPP doivent fournir une déclaration mentionnant leurs liens directs ou
indirects avec les promoteurs ou investigateurs de recherche.
48
Cette liste sera ensuite rendue publique et actualisée à leur initiative dès qu’une modification
interviendra concernant ces liens.
Les membres des CPP exercent leur activité à titre gracieux, cependant les membres du CPP
reçoivent des indemnités compensatrices lorsque leur présence au sein du CPP entraîne une
perte de revenus. Seuls les rapporteurs et les experts sont rémunérés lorsqu’ils évaluent un
dossier, cette rémunération est fixée par arrêté et est de l’ordre de 67 euros par jour (Article
R1123-18 du CSP, arrêté du 23/01/2009(24)).
Le calendrier des réunions est fixé en fonction des disponibilités des membres dont ce n’est
souvent pas l’unique activité. Un rythme de réunion mensuelle est le plus régulièrement
appliqué.
b) Soumission d’une demande d’autorisation au CPP
Avant toute prise de décision par les CPP, le promoteur en charge de l’étude doit fournir tous
les documents essentiels à l’évaluation du dossier. Selon l’article R.1123-20 du CSP (1), le
promoteur doit envoyer au CPP par voie postale ou électronique un dossier contenant les
pièces suivantes :
Le protocole complet de la recherche proposée
Un résumé, synopsis ou représentation simplifiée du protocole
La BI, des publications sur les données de tolérance, pharmacologiques,
pharmaceutiques et toxicologiques disponibles sur le produit évalué
La description des considérations éthiques liées à la recherche
Les cahiers d’observation, agendas patients et autres questionnaires destinés aux
participants à la recherche
La description de la procédure suivie pour obtenir le consentement des sujets
La note d’information et autres formes d’information destinées aux participants
potentiels dans la (les) langue (s) comprise(s) par eux et, si nécessaire, dans d’autres
langues.
Le formulaire de consentement éclairé
La déclaration de l’investigateur par laquelle il s’engage à respecter les principes
éthiques fixés dans les lignes directrices appropriées
49
Toutes les décisions antérieures significatives (ex : décision défavorable ou demande
de modification du protocole) prises par d’autres comités de protection ou autorités
réglementaires à propos de la recherche en question (que ce soit dans le même site de
recherche ou autre) et indication du (des) changement(s) apporté(s) au protocole à cet
égard. Les raisons des précédentes décisions défavorables doivent être fournies
Ces documents sont indispensables pour permettre aux membres des CPP d’avoir une vision
globale des considérations éthiques de l’étude. Le CPP est choisi par le promoteur et
l’investigateur principal, dans l’inter-région de ce dernier, souvent en fonction des dates de
réunions affichées. Selon l’article R.1123-20 du CSP, lorsque le nombre de demandes d’avis
pour un CPP dépasse le plafond trimestriel, la demande est transférée à un autre CPP. Le
plafond n’est pas fixé dans la réglementation. Il est approximativement de 50 protocoles à
évaluer par an en se basant sur une périodicité mensuelle des réunions de CPP.
c) Evaluation du rapport bénéfices/risques par les CPP
L’évaluation du rapport bénéfices/risques est une étape très importante de l’analyse réalisée
par les CPP. Le protocole doit être revu et analysé dans sa globalité en ne se limitant pas aux
seuls dommages physiques potentiels mais aussi aux conséquences psychologiques, sociales,
juridiques et économiques.
Selon l’article L.1121-2 du CSP (1), « aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée
sur l’être humain si :
Elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une
expérimentation préclinique suffisante ;
Si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors
de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l’intérêt de cette
recherche ;
Si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être humain et les
moyens susceptibles d’améliorer sa condition ;
50
Si la recherche biomédicale n’a pas été conçue de telle façon que soient réduits au
minimum la douleur, les désagréments, la peur et tout autre inconvénient prévisible
liés à la maladie ou à la recherche, en tenant compte particulièrement du degré de
maturité pour les mineurs et de la capacité de compréhension pour les majeurs hors
d’état d’exprimer leur consentement »
Il est nécessaire que ces différentes instructions soient respectées par le promoteur.
Lors de l’évaluation du risque, le CPP doit partir du principe que les données disponibles dans
le protocole sont nécessaires mais non suffisantes.
Pour évaluer au mieux la balance bénéfices/risques d’une recherche biomédicale, les CPP
doivent posséder à la fois des compétences scientifiques et médicales afin d’assurer une bonne
compréhension des enjeux de l’essai. Ils doivent aussi appliquer les grands principes
d’éthique et s’assurer que la recherche respecte (25) l’autonomie de la personne (aptitude à
prendre des décisions par soi-même), la bienfaisance de l’essai (obligation de « faire du bien »
aux autres), la non-malfaisance (devoir d’éviter de causer du tort à autrui), la justice
(répartition équitable des bénéfices et des contraintes).
d) Prise de décision par le CPP
Selon l’article R.1123-12 du CSP (1), les décisions prises par les comités d’éthique doivent se
faire de façon ouverte et collégiale en tenant compte des points de vue de chacun.
Selon l’arrêté du 13 janvier 2010 (26), deux membres sont désignés comme rapporteurs et
doivent procéder à une analyse critique du protocole. Ces deux rapporteurs discutent entre eux
mais ils ne doivent se rapprocher ni du promoteur ni de l’investigateur. Sur avis du président
ou d’un rapporteur, un expert extérieur peut être nommé afin d’aider à la prise de décision.
Une audition du promoteur ou de l’investigateur est possible pour apporter des
éclaircissements sur des points précis.
Selon l’arrêté du 13 janvier 2010 (26), le vote a lieu à main levée sauf si le vote à bulletin
secret est demandé. En cas de vote avec partage égal des voix, celle du président de séance est
prépondérante. La majorité des décisions se prend cependant par consensus. Lorsqu’un expert
a été requis, cet expert participe aux réunions et sa voix compte pour la délibération.
51
La décision prise par le CPP doit tenir compte de la conception scientifique, de la conduite de
la recherche pour répondre aux objectifs fixés et de l’adéquation de la méthode statistique à
fournir les résultats exacts.
Le CPP vérifie que les critères d’inclusion et d’exclusion sont cohérents avec l’objectif de
l’étude et que le recrutement respecte les fondements de l’éthique. Il s’assure de la faisabilité
de l’étude, vérifie que les arguments en termes d’épidémiologie, de recrutement sont
cohérents. Le CPP doit s’assurer que la balance bénéfices/risques est positive et que le
promoteur a pris des dispositions afin d’assurer et surveiller la sécurité des patients tout au
long de la recherche.
Les CPP ont 35 jours pour se prononcer. En cas de non réponse dans ce délai, l’avis est
considéré comme négatif. Ce délai peut être porté à 60 jours lorsque le comité demande au
promoteur des informations complémentaires sur un dossier ou une modification du projet. Si
le CPP demande des informations complémentaires alors ce délai de 60 jours est suspendu.
Les CPP peuvent donner un avis favorable, négatif ou une réserve. Dans le cas de décisions
conditionnelles, des suggestions précises de révision seront faites et la procédure de réexamen
de la demande sera spécifiée. Toute décision défavorable doit être motivée par des arguments
clairement énoncés. De plus, celle-ci sera transmise aux autres CPP. Selon l’article R.1123-27
du CSP (1), dans les 15 jours suivants la décision défavorable, le promoteur peut saisir le
ministère de la santé afin que son projet soit réexaminé par un second CPP. Cependant, ce
type de demande ne peut être effectué qu’une seule fois.
Selon l’article R.1123-16 du CSP (1), tous les dossiers, rapports, délibérations doivent être
conservés pendant une période de 10 ans après la fin de la recherche.
52
e) Suivi des essais cliniques par les CPP
Dans le cadre du suivi de l’étude, tout amendement au protocole susceptible d’affecter les
droits, la sécurité et/ou le bien être des participants doit être transmis au CPP. L’évaluation
bénéfices/risques doit être revue dès réception de toute nouvelle information. Selon l’article
R.1123-24 du CSP (1), le pharmacovigilant transmet au CPP tous les EIGI liés à la conduite
de la recherche ou au médicament expérimental ainsi que les mesures prises par les
investigateurs, le promoteur et les organismes réglementaires. Il transmet aussi, tout
évènement ou fait nouveau susceptible de modifier le rapport bénéfices/risques. Selon l’article
R.1123-53 du CSP (1), le promoteur transmet au CPP une fois par an un rapport de sécurité
comprenant toutes les données de sécurité.
Lors de la suspension ou l’arrêt prématuré d’une recherche, le promoteur doit en indiquer les
raisons aux CPP et fournir un résumé des résultats obtenus. Le CPP doit en tirer les
conclusions et les conséquences éthiques pour les patients inclus. Dans le cadre de l’arrêt
conventionnel d’une étude, le CPP doit recevoir une notification du promoteur ainsi qu’une
copie du résumé final ou du rapport final de recherche. Toutes ces correspondances doivent
être archivées.
53
E. Réglementation applicable au Comité de Sécurité (ou
surveillance) Indépendant :
Dans la « Guideline on data monitoring committees » datant de 2005 (27), l’EMA mentionne
que les comités de sécurité constitués d’experts indépendants sont chargés d’évaluer l’avancée
de l’étude, les données de sécurités ainsi que les points critiques de l’essai. Des considérations
concernant les situations justifiant la mise en place de ce comité y sont abordées, comme les
études à forte mortalité, impliquant des patients fragiles (enfants), utilisant un médicament à
risque important ou avec un schéma d’étude complexe.
L’article L1123-7 de la loi de santé publique n° 2004-806 du 9 août 2004 (28) stipule que le
promoteur doit justifier auprès du CPP la présence ou l’absence de CSI. L’Arrêté du 16 août
2006 relatif au contenu et aux modalités de présentation d’un protocole précise qu’en vue
d’obtenir une autorisation de l’ANSM, le promoteur doit fournir les motifs justifiant ou non la
constitution d’un CSI. La Décision du 24 novembre 2006 fixant les règles de bonnes pratiques
cliniques mentionne en son paragraphe 5.5.2 que lorsque le promoteur constitue un tel comité,
il doit tenir compte du guide de l’EMA.
Ce CSI se révèle un allié incontestable du pharmacovigilant pour les prises de décision de
sécurité.
a) Mise en place d’un Comité de Sécurité Indépendant
En l’absence de textes très précis, une ligne directrice concernant le CSI a été rédigée par le
groupe REVISE. Si elle s’appuie sur le guide européen, elle propose aussi des modalités de
fonctionnement adaptées à l’environnement institutionnel. Elle indique que les CSI doivent
être idéalement composés de 3 ou 5 membres, voire plus si l’étude le nécessite. Le nombre de
membres du CSI doit être impair afin de faciliter la prise de décision. Les membres sont
choisis pour leurs compétences dans un ou plusieurs des champs d’investigation de l’étude.
54
Un CSI est composé d’au moins :
Un clinicien spécialiste de la pathologie étudiée afin d’évaluer les aspects cliniques de
tolérance et d’efficacité de l’étude,
Un pharmacologue/pharmacovigilant avec des compétences sur le mode d’action et de
sécurité de la classe ou du produit concerné,
Un méthodologiste ou un statisticien indépendant.
Le choix des membres est réalisé par le promoteur et l’investigateur de façon consensuelle.
Les membres doivent désigner parmi eux un président qui sera le principal interlocuteur du
promoteur. Le président est en charge de la rédaction (ou validation) des avis rendus et des
comptes-rendus de réunions. Le CSI est nommé par le promoteur pour toute la durée de
l’essai.
Chaque membre doit fournir une déclaration de non conflits d’intérêts avant la composition
du CSI et s’engager à respecter la confidentialité et les règles de fonctionnement d’une
recherche biomédicale. Toute impossibilité et tout nouveau conflit d’intérêt doivent être
signifiés au promoteur qui devra alors modifier la composition du CSI. La participation au
CSI se fait à titre bénévole. Seuls les déplacements éventuels sont remboursés sur la base des
tarifs institutionnels.
Avant toute mise en place d’une étude, le CSI doit être parfaitement fonctionnel. Le rythme
des réunions est au minimum annuel et doit être décidé d’un commun accord entre le CSI et le
promoteur. Il est possible que la périodicité des réunions soit augmentée en cas de fréquence
accrue des effets indésirables attendus et d’évènements indésirables graves liés aux
procédures ou aux méthodes diagnostiques de l’essai clinique.
55
b) Les missions du Comité de Sécurité Indépendant
Les CSI ont un rôle primordial dans la recherche biomédicale car ils doivent émettre un avis
sur le bénéfice/risque d’un essai et proposer des mesures importantes comme :
La poursuite ou non du protocole,
La nécessité de réaliser des analyses complémentaires comme des tests statistiques,
une documentation d’EIG,
La nécessité d’amendement pour mettre en place des modifications majeures du
protocole en terme de sécurité ou d’analyse des données, ou faits nouveaux concernant
la sécurité,
L’arrêt d’une étude dans le pire des cas.
La constitution d’un CSI est très importante surtout dans le cas d’études dites plus sensibles
comme les études précoces de phase I et II, les études en double aveugle et les études sur des
médicaments particuliers comme les vaccins. Un CSI peut être spécialisé sur des populations
particulières comme les enfants, les patients atteints de déficits mentaux ou de maladies rares.
Les CSI jouent un rôle important dans les études pour lesquelles des difficultés d’analyse sont
à prévoir compte tenu d’un taux de mortalité important, d’un plan d’étude compliqué ou du
risque d’EvIG complexes. A la fin de l’essai, le CSI est dissout par le promoteur et chaque
membre reçoit les principaux résultats de l’étude.
c) Fonctionnement du Comité de Sécurité Indépendant
Chaque réunion du CSI comprend un ordre du jour listant les questions pour lesquelles le
promoteur et/ou l’investigateur coordonnateur demande une aide à la prise de décision. Le
CSI peut également aborder toute autre question qui lui paraîtrait pertinente.
Environ dix jours, avant la réunion du CSI, délai choisi arbitrairement sur l’expérience des
participants, le promoteur doit réunir les documents suivants :
La dernière version du protocole et ses amendements,
L’état de recrutement des patients ainsi que leur suivi,
La liste des évènements indésirables,
Les analyses intermédiaires éventuelles,
56
Le critère principal d’efficacité,
Le critère principal de tolérance,
Les critères d’inclusion des patients,
Les indicateurs de la qualité de l’étude, c'est-à-dire, les sorties d’étude et déviations au
protocole.
Des données extérieures notamment de la littérature médicale, scientifique ainsi que des
données portant sur d’autres essais peuvent être fournis au CSI le cas échéant.
d) Décisions du Comité de Sécurité Indépendant
Grâce aux informations fournies, le CSI délibère selon l’ordre du jour établi puis rédige un
compte-rendu validé et signé par le président puis, transmis au promoteur. Le CSI peut
demander des compléments d’information, des analyses supplémentaires, des modifications
de la note d’information des patients ou du consentement de participation avant de statuer.
Dans certain cas, le CSI peut être amené à recommander des décisions majeures, telles que
l’arrêt prématuré de l’essai ou des modifications profondes du protocole et de prise en charge
des patients. Les délibérations du CSI sont confidentielles. Le compte-rendu du CSI est
transmis dans les meilleurs délais au promoteur qui transmet le compte-rendu à l’investigateur
coordonnateur, au comité de protection des personnes et à l’ANSM. Si besoin, l’aveugle doit
être préservé pour l’investigateur. Sauf exception, il ne doit être diffusé qu’à ces seuls
destinataires.
Dès réception de l’avis du CSI, le promoteur délibère et prend sa décision. Il est habituel qu’il
se conforme à l’avis du CSI mais il n’y est pas obligé car cet avis est consultatif. Cependant,
une forte divergence d’appréciation suppose que les raisons en soient justifiées par écrit à
l’intention du CSI, de l’investigateur coordonnateur, de l’ANSM et du CPP concerné.
57
III. Place de l’éthique dans les différentes activités
de pharmacovigilance
Les première et seconde parties de ce travail ont dressé un tableau de l’environnement éthique
et réglementaire régissant les activités des différents acteurs de la recherche biomédicale, plus
spécialement ceux impliqués dans la sécurité des essais cliniques. Il est important de noter que
ces différents textes s’appliquent à la fois aux promoteurs industriels et institutionnels mais
que les moyens alloués sont différents. D’une part, le promoteur institutionnel n’est que très
rarement propriétaire du médicament expérimental. Ce point peut s’avérer très gênant pour le
transfert rapide et la transparence des informations notamment vers les patients, lorsque des
règles de confidentialité et de protection industrielle sont requises par les propriétaires de la
molécule, partenaires de l’institution. D’autre part, le promoteur institutionnel est un
organisme ou une personne qui ne poursuit pas un but lucratif et ne dispose souvent que d’un
budget limité ce qui peut avoir un impact sur ses activités quotidiennes. Dans cette 3ème
partie
nous nous intéresserons au questionnement d’éthique auquel peuvent être confrontés les
pharmacovigilants, plus particulièrement ceux exerçant en milieu institutionnel.
A. Avant la mise en place de l’étude :
Lors de la mise en place d’un essai clinique, avant toute demande d’autorisation à l’autorité
compétente ainsi qu’au CPP, il est nécessaire que le protocole soit revu par un
pharmacovigilant du promoteur. Une relecture de la partie vigilance du contrat est aussi
souhaitable lorsqu’un partenariat industriel est mis en place.
a) Relecture du protocole et propositions du pharmacovigilant
Dans le milieu institutionnel, le protocole est rédigé par l’investigateur porteur du projet en
collaboration avec un ARC gestionnaire, des méthodologistes et des statisticiens. Le
pharmacovigilant est aussi amené à participer à la rédaction, essentiellement par le biais de la
relecture du protocole et par ses remarques, visant à assurer que les informations contenues
dans la partie concernant la sécurité du médicament soient adéquates.
58
Le groupe REVISE a proposé une ligne directrice afin d’aider le pharmacovigilant dans sa
relecture et lui permettre de ne pas oublier des rubriques importantes. Cette ligne directrice est
présentée sous la forme d’une fiche listant ces différents points. Cette fiche est présentée en
annexe 2.
Cette fiche comporte des informations administratives : le nom de l’étude, les contacts de
l’étude en particulier le nom du porteur de projet, souvent investigateur principal, ainsi que
l’identification de l’ARC gestionnaire de projet.
Le pharmacovigilant y fait figurer les grands points de l’étude, c'est-à-dire, les objectifs, le
nombre de patients à inclure, le médicament expérimental, le comparateur éventuel, la durée
d’exposition au produit, la durée de suivi des patients et enfin la durée de l’étude.
Ensuite, le pharmacovigilant va s’intéresser aux critères d’inclusion et d’exclusion des
patients. Cette étape consiste à vérifier si les patients inclus sont des patients « sensibles », si
leur inclusion ne les expose pas à un sur-risque et si le choix des critères ne présente pas de
faille de sécurité (âge limite, test de grossesse, oubli de mention d’une contraception
indispensable, d’une interaction rédhibitoire…). Les populations généralement considérées
comme les plus à risque sont les enfants, les sujets âgés, les patients psychiatriques et les
patients immunodéprimés.
Le pharmacovigilant doit contrôler la liste des risques présentés dans le protocole ainsi que les
effets indésirables attendus à la fois pour le médicament expérimental et pour le comparateur.
Il doit aussi s’assurer que les risques induits par la pathologie sous-jacente, son évolution
propre et les antécédents médicaux des patients ainsi que les éventuelles complications dues à
des procédures complémentaires (biopsie, imagerie, traitements concomitants…) imposées
par le protocole sont bien pris en compte. Il va proposer à l’investigateur les modifications et
ajouts qu’il juge nécessaire.
La réglementation prévoit que certains EvI, bien que répondant aux critères de gravité, ne
nécessitent pas de transmission immédiate au promoteur. La liste de ces EvI figure dans le
protocole. Le pharmacovigilant va apporter son aide à l’investigateur pour sélectionner ces
EvI et/ou s’assurer que cette liste est pertinente, ne risque pas d’entraîner l’omission de
déclaration d’évènements importants pour l’évaluation.
59
Ces évènements correspondent majoritairement à des circonstances fréquentes et habituelles
dans l’évolution de la pathologie étudiée. Par exemple, des décès dans des pathologies à très
forte mortalité comme la très grande prématurité, la prise en charge de traumatismes crâniens
sévères. Ils peuvent aussi correspondre à des circonstances techniques, sociales ou de confort
du patient comme une prolongation de séjour en cas d’intempéries, d’absence de place de
séjour en aval ou d’indisponibilité temporaire d’un matériel qui prolongent l’hospitalisation
mais de façon artificielle, sans lien aucun avec une qulconque gravité de la situation. Cette
étape est réellement primordiale pour assurer une pharmacovigilance efficace en évitant la sur
déclaration d’EvI sans relation avec la recherche.
Le pharmacovigilant va se prononcer sur le choix des documents de référence, sur leur rythme
de mise à jour et sur l’information donnée aux participants.
Le pharmacovigilant doit s’assurer que le suivi prévu des patients est rigoureux et que les tests
réalisés sont pertinents et suffisants. Il doit aussi vérifier que la durée de suivi du patient est
cohérente avec la demi-vie du médicament, d’un potentiel métabolite et éventuellement avec
une toxicité potentielle à long terme du médicament expérimental (effet de classe par
exemple).
Enfin, le pharmacovigilant doit donner un avis final, regroupant ses principales remarques et
conseils ainsi que sa conclusion sur la sécurité des patients en l’état. Cette analyse de
pharmacovigilance est rediscutée avec l’ARC gestionnaire et l’investigateur.
En termes d’éthique, la relecture d’un protocole est très délicate car elle est composée de
plusieurs sous-activités. En ce qui concerne l’inclusion des patients, le pharmacovigilant
approuve en quelque sorte les critères choisis pour la recherche et s’il le juge nécessaire, peut
demander l’ajout de critères de sélection. Ces choix doivent être justifiées, tant sur le plan
scientifique qu’éthique. Les questions qui peuvent se poser sont ; le risque est- il réel, avéré ?
Est-ce une simple précaution de « confort », de « sécurité» pour le promoteur ? Quelle est la
perte de chance du fait de la non- inclusion ? Y a-t-il un choix alternatif ? Le patient est-il
bien informé des raisons de ces critères ? Suffisamment pour ne pas tenter de minimiser un
risque ?
60
Ainsi la justification d’un test de grossesse se pose sur le plan éthique, si l’étude ne présente
aucune risque tératogène ou foetotoxique, mais que la survenue d’une grossesse représente
juste un inconvénient pour l’investigateur en termes de recrutement ou d’allongement du
suivi. Lors de l’analyse des critères d’inclusion, le pharmacovigilant se doit de respecter le
principe éthique de justice. Il doit vérifier que la notion d’égalité d’accès aux soins est
présente.
La multiplicité de critères de sélection peut certes protéger les patients, mais s’avérer délétère
pour leur accès à un traitement, biaiser des résultats, et à terme, retarder la mise à disposition
de la communauté de connaissances pertinentes pour la prise en charge de la pathologie. La
prise de décision doit se faire dans un contexte global et consensuel avec l’investigateur.
Le pharmacovigilant se doit de veiller à ce que des critères non médicalement justifiés ne
soient pas rajoutés par le promoteur (ou à la demande de partenaires), au nom du principe de
précaution mais à des fins de protections juridiques et financières par exemple. Les risques
listés dans le protocole doivent être pertinents et en aucun cas masquer des informations
importantes en termes de sécurité. L’investigateur et son équipe doivent avoir accès aux
dernières informations disponibles. Le patient doit être clairement informé des risques
auxquels il s’expose.
Le pharmacovigilant a donc un rôle primordial à jouer dans la rédaction, relecture et mise à
disposition des documents mentionnant les risques. Il doit donc prendre soin d’être au fait de
toutes les données de sécurité actualisées. Il doit aussi être attentif quant aux termes utilisés
pour décrire les EI attendus, éviter les termes imprécis (éruption, trouble..) qui ne permettent
pas ensuite de discriminer de nouveau risque. Cette étape est importante pour assurer la
bienfaisance et la non malfaisance de l’étude par rapport aux patients.
Dans le cas de collaboration directe avec le gestionnaire de projet et l’investigateur, si le
pharmacovigilant dispose d’une certaine liberté dans la présentation des risques, il peut aussi
être l’objet de pressions de l’investigateur tout comme de ses tutelles pour présenter une
balance bénéfices/risques plus favorable.
61
Dans les firmes pharmaceutiques, le pharmacovigilant doit aussi respecter la liste imposée par
sa maison mère (par exemple, un core data sheet) et le plus souvent, si il peut demander
d’ajouter des risques liée aux particularités de la recherche, il ne peut pas en supprimer même
si ces risques ne se présentent pas dans le contexte de l’étude (par exemple, risque tératogène
d’un antibiotique utilisé dans une population gériatrique pour le traitement de la prostatite).
Alors que les documents destinés aux investigateurs sont complets, il peut être tentant de ne
faire figurer dans ceux destinés aux patients que des informations édulcorées afin de ne pas
dissuader les inclusions. Le pharmacovigilant se doit de contrôler aussi ces formulaires pour
assurer que l’autonomie du patient soit respectée et donc que le consentement soir réellement
« libre et éclairé ».
La revue des protocoles demande une importante implication du pharmacovigilant. Le
pharmacovigilant est seul pour effectuer cette évaluation parfois dans des domaines cliniques
pour lesquels ses connaissances sont limitées. Afin d’être le plus pertinent et juste possible, le
pharmacovigilant doit approfondir ses connaissances sur le sujet, ce qui peut nécessiter des
recherches bibliographiques, un temps de lecture, la consultation d’experts externes et donc
prendre un temps important.
Il doit s’assurer que ses connaissances sur le médicament expérimental sont complètes, en
particulier qu’il dispose des informations requises (RCP, BI, bibliographie, avis des autorités)
et que les risques encourus par les patients sont justifiables compte tenu des bénéfices
attendus. Il doit donc faire preuve d’humilité, s’associer des compétences et disposer du temps
nécessaire à une évaluation correcte.
Cependant, dans le contexte institutionnel, les protocoles à évaluer sont nombreux, liés aux
spécialités phares de l’établissement et aux réponses aux appels d’offre indispensables à la
survie des équipes de recherche. Les moyens alloués au pharmacovigilant bien qu’en
progression depuis l’entrée en vigueur des textes restent limités (un à deux équivalents temps
plein au mieux dans les CHU). Il doit donc effectuer des choix, hiérarchiser le traitement des
demandes qui lui sont soumises, le médicament, le dispositif médical ayant le moins de recul
sur le marché ainsi qu’une étude sur une population pédiatrique seront ainsi traités en priorité.
62
Le bien-fondé de ces choix en termes d’éthique est discutable, ne mettant pas à égalité de
traitement tous les participants des protocoles.
b) Mise en place de la brochure investigateur
Avant la mise en place de l’étude, le pharmacovigilant doit vérifier qu’il dispose bien du
document de référence du médicament expérimental et qu’il est en accord avec le choix de ce
dernier. Lorsque le médicament expérimental dispose d’une AMM et que l’indication
expérimentale y est conforme, alors le document de référence est le résumé des
caractéristiques produit (RCP). Dans ce cas, la liste des effets attendus correspond au
paragraphe 4.8 « effets indésirables » du RCP. Les modalités d’administrations spécifiques au
protocole (posologie..) seront précisées dans ce dernier.
Lorsque le médicament ne dispose pas d’AMM, le document de référence est la BI. En
France, le texte de loi régissant ce document est l’arrêté du 19 mai 2006 (29). Les différentes
sections devant être présentes dans ce document sont présentées en annexe 3.
L’objectif de ce document est de fournir à l’investigateur ainsi qu’aux autres acteurs de la
recherche biomédicale l’ensemble des données disponibles sur le produit. Ce document
comporte les différentes modalités techniques d’utilisation telles que les doses à administrer,
la fréquence des traitements ainsi que les techniques procédures nécessaires pour assurer la
sécurité d’utilisation (reconstitution..).
Il présente des données physico-chimiques, pharmacologiques, toxicologiques,
pharmacocinétique, métaboliques et cliniques du médicament expérimental ainsi que des
données non cliniques (pharmacologie, pharmacocinétique, toxicologie). Il apporte des
informations sur toutes les données de sécurité, d’efficacité issues des études déjà réalisées et
le cas échéant des données obtenues après la mise sur le marché du produit.
La BI comprend tous les effets indésirables attendus dans le contexte de l’étude. Le
pharmacovigilant doit être d’accord avec les effets mentionnés et vérifier qu’ils sont cohérents
avec ceux mentionnés dans le protocole.
63
Il peut demander des modifications s’il le juge pertinent. Il est nécessaire de réaliser au moins
une révision annuelle de la BI, assortie ou non d’une décision de changement.
Les considérations éthiques sur ce sujet sont importantes car lorsqu’ils figurent sur ce
document, les effets ne requièrent pas de transmission immédiate aux autorités car ils seront
considérés comme « attendus ». Le pharmacovigilant se doit d’être le plus attentif, exhaustif
et juste possible tout en gardant un regard critique afin que les effets listés restent pertinents.
Il ne faut pas oublier que le patient reste au centre de cet essai. Il ne s’agit pas de lister un
nombre d’effets plus ou moins pertinents pour se protéger juridiquement d’une part et d’autre
part pour limiter la diminution du nombre de déclarations d’EIGI et donc entraîner une sous-
information des risques encourus durant l’étude et ainsi fausser la balance bénéfice/risque.
Cette dérive peut avoir l’objectif de faciliter une mise sur le marché, une publication ou éviter
des recours juridiques au détriment de la réelle alerte. Le pharmacovigilant doit s’assurer que
les principes de bienfaisance et de non malfaisance sont respectés compte tenu des
informations disponibles sur le médicament expérimental et l’étude en général.
c) La constitution d’un Comité de Sécurité Indépendant
Si la réglementation tend à imposer la présence d’un CSI dans les études interventionnelles, sa
constitution reste de la responsabilité du promoteur et, de fait, implique le pharmacovigilant.
Le CSI est une réelle aide pour le pharmacovigilant dans la prise de décisions en termes de
sécurité. Toutefois, sa constitution et son fonctionnement optimal peuvent s’avérer
complexes. Il est important de noter que les membres du CSI ont d’autres activités, ne sont
pas rémunérés mais seulement indemnisés pour les éventuels déplacements qu’ils sont amenés
à effectuer dans le cadre de leur fonction. Cette information est importante car elle souligne
l’indépendance des membres du CSI vis-à-vis du promoteur. Elle explique aussi les difficultés
de recrutement de membres réellement actifs.
Les membres du CSI sont choisis en fonction de leur domaine d’expertise, afin de pouvoir
prendre des décisions en tout état de cause.
64
Leur totale indépendance est donc difficile à affirmer, les spécialistes se connaissent souvent,
participent aux mêmes sociétés savantes, ont des projets communs et parfois, dans des
domaines particuliers sont peu nombreux. Ils se trouvent ainsi dans plusieurs CSI, ce qui peut
induire des conflits d’intérêt entre études.
De plus, le choix de ces CSI se fait par consensus local, promoteur-investigateur, il est donc
possible de s’entourer de personnes qui sont potentiellement en accord avec nos façons de
faire et nos points de vue. Il s’agit d’une limite des CSI en termes d’éthique. Il est de la
responsabilité des acteurs de diversifier autant que possible le choix des intervenants. Le
groupe Revise a ainsi tenté de réaliser une liste de candidats par spécialité, mais n’a pas eu
d’écho favorable auprès des investigateurs.
Un autre problème est le temps que les membres du CSI peuvent consacrer à la recherche.
Certains cliniciens bien que très occupés, n’osent pas refuser, acceptent de participer par
respect ou par amitié pour le confrère qui les sollicite. Malgré leur engagement de
participation, les membres du CSI ont des obligations professionnelles qui peuvent
compliquer la tenue des réunions aboutissant à des échanges espacés et le non-respect des
calendriers. Il arrive ainsi que dans l’urgence, ils ne puissent être sollicités et que des
questions restent sans réponse.
En théorie le CSI peut être une réelle aide à la prise de décision pour le pharmacovigilant.
Celui-ci doit cependant rester prudent car l’indépendance des membres n’est pas toujours
assurée, des délais de réponses ne permettent pas de gérer des situations urgentes et se
révèlent incompatibles avec les procédures ou nécessités réglementaires.
De plus, des décisions sont prises dans un contexte de pression due à la nécessité de résultats
à la fois pour l’investigateur et le promoteur alors qu’elles devraient être prises avec
précaution pour ne pas freiner la recherche intempestivement tout en assurant la sécurité des
patients.
Sur le plan éthique, il apparaît que la pseudo indépendance de membre d’un CSI, le manque
de temps peuvent nuire à la qualité de la décision en termes de sécurité donc de bienfaisance
tout comme au respect de l’égalité des patients vis-à-vis du traitement de leurs données.
65
Il n’est ainsi pas certain que deux patients présentant un EIGI auront un retour du CSI dans les
mêmes délais.
66
B. Après la mise en place de l’étude :
a) Evaluation des cas
1) Détermination du critère de gravité de l’évènement et de son caractère attendu ou pas
La décision du 24 novembre 2006 (19) transpose en droit français les bonnes pratiques
cliniques ainsi que la directive 2001/20/EC (16). Cette décision impose la gestion des
évènements indésirables par le promoteur. Cependant, il y a peu d’informations sur la gestion
de ces évènements en pratique. Ces informations sont disponibles dans les lignes directrices
de l’ICH E2A (30) et E2B (31), ainsi que dans la ligne directrice de la commission
européenne appelée CT3 (17).
Selon l’article 3 de l’arrêté du 24 mai 2006 (20), la gravité de l’évènement est choisie par
l’investigateur car c’est le professionnel de santé le plus proche des patients et donc le plus au
fait des conditions de survenue de l’évènement. Il doit donc statuer si l’évènement entraîne le
décès du patient, met en jeu son pronostic vital immédiat, a entraîné une hospitalisation ou
une prolongation d’hospitalisation, a entraîné une incapacité, une anomalie congénitale ou
tout autre conséquence jugée comme médicalement importante. De plus, l’investigateur se
prononce aussi sur le lien de causalité entre l’événement et le médicament à l’étude.
Lors de la réception du cas, le pharmacovigilant vérifie qu’il est en accord avec le stade de
gravité proposé par l’investigateur. Le deuxième critère à vérifier est le fait que l’évènement
soit lié ou non au médicament expérimental. Si un lien est retenu, il est considéré comme effet
(ou « drug reaction »). Le pharmacovigilant doit donc disposer des informations médicales
suffisantes pour exercer son jugement mais souvent, au moins dans un premier temps, il ne
dispose d’aucun argument. En l’absence de documentation prouvant le contraire, tout EvIG
doit être suspecté lié. Si le pharmacovigilant suspecte que l’EvIG est lié, alors il doit
déterminer si cet effet potentiel est attendu ou non. Il faut alors se référer au document de
référence : la BI ou le RCP.
Seul un effet lié peut trouver sa place dans la description des EI d’une BI ou d’un RCP, il est
donc nécessaire que le pharmacovigilant dispose des informations cliniques, des diagnostics
différentiels lui permettant d’étayer son jugement. Il ne peut se contenter d’entériner l’opinion
de l’investigateur.
67
Pour déterminer le lien de causalité (l’imputabilité) au traitement à l’étude, le
pharmacovigilant doit tenir compte des explications alternatives notamment un traitement ou
une maladie concomitante Si cette explication alternative est jugée de plus grande probabilité
que le médicament expérimental, alors il ne sera pas retenu de « lien raisonnable » avec le
traitement à l’étude.
Dans le cas où les opinions de l’investigateur et du pharmacovigilant divergent quant à la
causalité ou au caractère attendu, les deux avis doivent être pris en compte et figurer dans les
bases de données et les transmissions aux autorités. En cas d’erreur, toutes les modifications
doivent être justifiées et tracées. Tous ces critères doivent être revus par le pharmacovigilant
car c’est à lui de décider si l’évènement en question est un EIGI et doit donc être transmis à
l’ANSM et au CPP.
L’interprétation des mentions figurant sur le document de référence peut poser question
notamment pour juger si des termes sont synonymes. Par exemple, si il est noté dans le
document de référence qu’il est possible d’observer des insuffisances hépato-cellulaires et
qu’une élévation des enzymes hépatiques est rapportée, doit-on considérer l’évènement
comme inattendu ? Ou encore lorsque l’investigateur transmet un cas de thrombose
superficielle survenant après l’injection du médicament expérimental et qu’il considère
l’évènement comme inattendu, doit-on suivre sa décision ? Doit-on considérer qu’il s’agit
d’une complication courante de la perfusion de médicaments en particulier cytotoxiques et
donc ne pas le déclarer ?
Le pharmacovigilant joue un rôle déterminant dans cette activité, il dispose de compétences
pharmaceutiques et cliniques, il est l’interlocuteur de l’investigateur pour obtenir les
explications complémentaires, les suivis et il peut, si besoin, demander l’avis des experts du
CSI pour l’aider à prendre sa décision.
Dans le cadre de cette activité, le pharmacovigilant se doit de répondre au principe éthique de
justice en fournissant la même qualité d’évaluation pour tous les patients et toutes les
pathologies. Il est donc nécessaire, qu’il actualise ses connaissances sur la pathologie en
question et exige des investigateurs les informations nécessaires à son évaluation.
68
2) Saisie des EvIG et EIGI
Après réception de la fiche de déclaration d’évènement indésirable, chaque événement décrit
dans le cas va être saisi dans la base de données de pharmacovigilance et codé à l’aide d’un
langage universel appelé le Medical Dictionary for Regulatory Activities (MedDRA). Ce
dictionnaire permet de coder tous les évènements indésirables, les diagnostics, les indications,
les résultats de tests complémentaires dans le terme le plus proche de celui employé par le
clinicien, terme qui est regroupé dans une terminologie médicale plus générale appelé
Preferred Term (PT). Lors de la transmission des cas de pharmacovigilance, le codage
MedDRA permet une compréhension universelle des données présentes dans le cas. La
qualité du codage détermine les résultats des analyses ultérieures et le pharmacovigilant doit
vérifier que le terme saisi est adéquat.
Selon l’article annexe de l’arrêté du 24 mai 2006 (20), les informations figurant dans la
déclaration d’une suspicion d’EIGI sont celles présentées en figure 2. .
69
Figure 2 - Informations contenues dans un cas saisi
cas
informations administratives
date de réception du cas
la gravité du cas
la nécessité d'une déclaration ou non
numéro de l'étude
caractéristiques du patient
age, poids, sexe
antécédant médicaux
antécédents médicamenteux
evènement indésirable
la durée
le délai de survenue
l'évolution
le traitement
dosage
voie d'administration
indication
action prise avec le médicament
70
La causalité du médicament expérimental à l’évènement exprimée par l’investigateur doit être
mentionnée lors de la saisie du cas, tout comme celle déterminée par le promoteur. La gravité
et causalité sont déterminées pour chacun des EvIG figurant sur la déclaration, « le cas ». Le
promoteur ne peut en aucun cas diminuer la causalité du médicament expérimental donné par
l’investigateur. Dans le cadre de la pharmacovigilance des essais cliniques, il y a deux choix
disponibles dans la détermination de l’imputabilité ; reasonnable possibility, no reasonnable
possibility.
Le cas saisi comporte aussi un narratif qui est un résumé du cas reprenant le traitement
protocolaire, le cas échéant en insu, le terme MedDRA décrivant l’EvIG, les résultats
biologiques et d’imagerie, les mesures thérapeutiques mises en place, l’évolution de
l’évènement et les autres informations pertinentes. Le narratif doit présenter les avis de
l’investigateur comme son diagnostic et les diagnostics différentiels éventuels évoqués, la
causalité attribuée ainsi que les autres informations pertinentes dont le caractère attendu
lorsqu’il a été déterminé . Le narratif doit aussi contenir l’avis du promoteur ses commentaires
avec, le cas échéant, la présentation des points sur lesquels il est en désaccord avec
l’investigateur. Lors de la soumission des EIGI, toutes les informations seront intégrées dans
un format de transmission appelé CIOMS I pour l’ANSM et le CPP et feront l’objet d’un
export au format XML vers la base Eudravigilance.
En termes d’éthique, la gestion des cas peut être une étape délicate pour le pharmacovigilant
car il est de sa responsabilité de demander des informations complémentaires à l’investigateur
si les informations qui lui sont transmises sont insuffisantes.
Cependant, l’investigateur n’est pas toujours disponible, considère que le pharmacovigilant
n’étant pas spécialiste de la pathologie n’est pas à même de juger l’évènement ou il estime
confidentielles certaines données. Certains cas peuvent rester peu documentés mais tout de
même nécessiter une évaluation.
Le pharmacovigilant est rarement sollicité sur la prise en charge immédiate d’un patient, mais
son avis quant à la durée d’un EvI, les options thérapeutiques et la possibilité de ré-
adminstration est parfois requis. Il doit se tenir informé en temps réel des nouvelles
informations disponibles sur le médicament.
71
Le pharmacovigilant doit avoir constamment à l’esprit qu’il ne manipule pas des « cas
d’EvIG » mais qu’il a la responsabilité de lier une complication au traitement administré à un
patient, de déterminer s’il est nécessaire d’interrompre le traitement, de prendre des mesures
correctives non seulement pour ce patient mais pour les autres participants. Il doit aussi
décider de l’information juste et pertinente à leur apporter pour leur permettre de poursuivre
leur participation en toute connaissance de cause.
La gestion informatisée des cahiers d’observation soulèvent des questions. En effet, il arrive
que des évènements soient renseignés comme étant graves dans le cahier électronique mais
cette information, saisie par les TEC, n’est pas validée par un médecin. Le pharmacovigilant
reçoit tout de même une alerte par mail pour l’informer de la survenue de cet évènement.
Quelle est la marche à suivre ? Le pharmacovigilant doit-il saisir l’évènement non validé ou
ignorer cette alerte ? Si lors de la revue médicale le médecin considère que l’évènement n’est
pas grave comment faut-il considérer l’EvI ? La qualification des opérateurs de saisie ou des
techniciens des centres ainsi que la nécessite d’un avis médical et d’une validation sont des
problématiques quotidiennes en pharmacovigilance.
Chaque cas doit être évalué avec sérieux car un seul cas peut remettre en cause la balance
bénéfices/risques du médicament. Le promoteur doit tout mettre en œuvre pour obtenir le plus
d’informations possibles car les cas seront la base des rapports de sécurité appelés DSUR.
b) Rédaction de rapports de sécurité
Dans le cadre de la recherche biomédicale portant sur des médicaments, la nécessité que le
promoteur fournisse un rapport annuel de sécurité est statuée dans l’arrêté du 19 mai 2006
(21). Ce rapport est composé de trois parties qui sont ; une analyse de la sécurité des
personnes qui se prêtent à la recherche, la liste de toutes les suspicions d’EvIG survenus
pendant la période couverte par le rapport et un tableau de synthèse comprenant tous les
signes et symptômes ou diagnostics des EvIG survenus depuis le début de l’étude.
En 2006, le CIOMS VII a conclu à la mise en place d’un nouveau format pour ce rapport, il
s’agit du DSUR. Conformément à la guideline CT3 (17), vu précédemment, la communauté
européenne recommande que le rapport annuel de sécurité soit remplacé par le DSUR.
72
La ligne directrice présentant les différentes parties devant figurer dans le DSUR est l’ICH
E2F (32). Les informations présentées dans cette partie, sont issues de cette ligne directrice.
1) Définition et objectifs du DSUR :
Les DSUR s’appliquent pour les essais non cliniques ainsi que les études de Phase I, II et III.
La périodicité de soumission des rapports de sécurité est définie en début d’étude. Elle est au
minimum annuelle ce qui permet une revue régulière des données de sécurité.
La date de soumission du DSUR dépend du statut du médicament. Si le médicament bénéficie
d’une AMM, cette date est appelée l’International Birth Date (IBD) (33) et correspond à la
date de l’obtention de la première AMM dans le monde. Lorsque le médicament ne bénéficie
pas d’AMM, cette date est appelée la Development International Birth Date (DIBD) (33) et
correspond à la date de la première autorisation de recherche pour cette molécule. Un DSUR
devra donc être fourni tous les ans dans les 60 jours suivant cette date.
L’objectif principal du DSUR est de vérifier que les données collectées par le promoteur
durant l’essai clinique sont conformes aux données connues sur le médicament expérimental.
Le DSUR doit être concis et fournir les informations nécessaires aux autorités de santé afin
qu’elles puissent vérifier que le promoteur monitore et évalue les données de sécurité du
médicament à l’étude. Il regroupe ainsi les informations directement issues de la recherche et
présente une synthèse de toutes celles disponibles sur le médicament testé.
Toutes les données de sécurité mises en évidence durant la période d’étude doivent être
discutées dans le DSUR. Ce document doit aussi souligner les nouvelles données de sécurité
qui peuvent avoir un impact sur la sécurité des patients inclus, résumer les connaissances
actuelles issues de la recherche depuis son début, exposer les mesures prises éventuellement
pour gérer les risques potentiels et identifiés. Il permet de réaliser une mise à jour du statut de
l’essai clinique, de son avancement et des résultats disponibles.
73
Le DSUR doit aussi inclure toutes les données pertinentes non issues de l’essai à proprement
parler. Il s’agit d’informations provenant d’études observationnelles ou épidémiologiques,
d’études non cliniques, d’études récemment publiées dans la littérature, de résultats d’essais
cliniques mettant en évidence un manque d’efficacité qui pourrait avoir un impact sur le profil
de sécurité de l’essai en cours. Peuvent aussi être présentés, les DSURs portant sur le même
médicament expérimental, les renseignements concernant les changements dans le procédé de
fabrication ou la sécurité microbiologique, et le cas échéant toutes les autres données de
médicaments dans la même classe thérapeutique.
Compte tenu du fait que le développement continue après la mise sur le marché du
médicament, il est possible d’inclure des données de post-marketing dans le DSUR. Le DSUR
doit se focaliser sur le médicament à l’étude et peut se contenter de fournir des informations
sur le comparateur uniquement si c’est « pertinent » pour la sécurité de l’étude.
Un débat reste ouvert à ce sujet car, bien évidemment, la comparaison des risques entre deux
bras d’une étude est « pertinente ». Cependant entrent en ligne de compte des conflits de
propriété industrielle, de concurrence lorsque que le comparateur n’appartient pas au même
promoteur. Les partenariats sont encouragés. Le pharmacovigilant est responsable de la
préparation, du contenu et de la soumission des DSURs.
2) Contenu du DSUR:
Les informations indispensables devant être présentes dans le DSUR sont listées dans la ligne
directrice ICH E2F. Un résumé de ces information est présenté en table 10.
74
Tableau 10 - Présentation du contenu des DSUR
Section Contenu
Introduction Le numéro du rapport
Les informations sur le médicament expérimental (mode d’action,
classe thérapeutique, voie d’administration)
La population à l’étude
Les objectifs de l’essai
Actions prises durant la période du rapport en termes de sécurité
(par le promoteur, l’ANSM, le CPP)
Des informations sur un refus de mise en place d’un essai clinique
avec le même médicament expérimental
Un rappel de lot
Une modification du protocole (modification des doses, des critères
d’inclusion, durée de l’étude)
Modifications du document de référence Contre-indications
Mises en gardes
Effets indésirables graves
Etc.
Estimation de l’exposition cumulée au médicament expérimental Des essais cliniques et des usages autorisés si applicable
Données de sécurité présentées sous forme de tableaux Information sur le document de référence utilisé
Présentation des EIG par groupe de pathologies (étude, numéro
identification patient, âge, sexe, traitement, dose, délai de survenue,
traitements concomitants, commentaire du pharmacovigilant pour
75
l’imputabilité)
Présentation des décès par groupe
Tableau cumulatif des EIG depuis le début de l’étude
Données significatives provenant d’autres essais cliniques Essais cliniques terminés
Essais en cours
Données d’études non interventionnelles Etudes non observationnelles
Registres
Programme de surveillance active
Données non cliniques obtenues pendant l’étude In vitro et in vivo
Carcinogenotoxicité
Reproduction
Etc.
Les données issues de la littérature Nouvelles données de sécurité
Les données de manque d’efficacité
76
La rédaction des DSURs demande une implication importante du pharmacovigilant qui doit
connaitre l’ensemble des données concernant l’étude mais aussi se mettre à jour en effectuant
une recherche approfondie dans la littérature afin d’identifier les nouveautés sur le
médicament expérimental. Le nombre de DSUR à fournir annuellement peut être conséquent
pour un pharmacovigilant. La qualité des informations réunies dépend d’une part de toute la
chaine des acteurs impliqués en amont (investigateurs, TEC, ARC, gestionnaires de base de
données, statisticiens) et d’autre part de la capacité du pharmacovigilant à analyser et
synthétiser ces données en termes de temps mais aussi de compétences.
Du point de vue éthique, le pharmacovigilant doit s’assurer de réellement fournir toutes les
informations qu’il a en sa possession en étant le plus exhaustif possible. Aucun résultat ne
doit être dissimulé, les décès doivent être présentés en détail et il ne faut pas oublier
d’informations pertinentes comme des antécédents médicaux qui pourraient changer la
causalité du médicament expérimental.
Le DSUR doit déboucher sur une prise de décision quant à l’avenir de la recherche à partir de
cette évaluation à jour du bénéfice/risque. C’est à dire, se demander si : l’étude est toujours
pertinente ? Doit-on ajouter des précautions ? Des restrictions ? Quelle conséquence sur
l’analyse statistique ? Doit-on informer les patients d’un nouveau risque ? Comment ? Faut-il
communiquer plus largement qu’aux seuls patients exposés ? Il est nécessaire de prendre ces
décisions en respectant les principes éthiques de bienfaisance et de non malfaisance.
77
c) La levée d’aveugle (ou insu)
Lorsque l’essai clinique se déroule en double aveugle, ni l’investigateur ni le patient ne
connaissent le traitement individuel de chaque patient. Seules les personnes responsables des
randomisations ont accès aux informations. Le service vigilance du promoteur reste aussi en
aveugle. Le protocole doit définir précisément tant les méthodes de mises en aveugle que les
modalités et les droits de levée d’insu et définir le devenir (maintien ou non dans l’étude,
traitement en ouvert, autres traitements) des patients ainsi identifiés.
Des procédures précises doivent donc être mises à disposition des intervenants tant dans les
services cliniques, pharmaceutiques que chez le promoteur La levée d’aveugle anticipée est
classiquement prévue dans deux cas :
pour l’investigateur, souvent en urgence, devant une situation clinique menaçante pour
laquelle la prise en charge du patient dépend du type de traitement administré (par
exemple, contre-indication à l’administration d’autres médicaments utiles en
réanimation, risque hémorragique majoré…). Avec un moindre degré d’urgence, il
peut aussi s’agir d’identifier des patients exposés à un lot de produit défectueux,
nécessitant de fait une surveillance particulière.
selon l’article 8 de l’arrêté du 24 mai 2006 (20) pour le promoteur, réglementairement,
lors de la réception d’évènements indésirables jugés graves et inattendus, pour leur
validation et leur transmission aux autorités, sauf mention particulière du protocole.
Rappelons qu’il est en effet possible, en accord avec l’ANSM, de prévoir dans le
protocole que des EIG potentiellement inattendus avec le traitement administré mais
présent dans l’évolution naturelle de la maladie soient dispensés de transmission
immédiate (voir partie III.A.a) ).
Lors de la réception d’EvIG, ou lors de la rédaction des rapports de sécurité (par exemple en
cas de cluster de cas, de suspicion de faits nouveaux), le responsable de la vigilance peut
décider de lever l’aveugle pour améliorer l’analyse, s’il lui apparaît que la sécurité des
patients le justifie. Cette information ne sera transmise aux cliniciens en charge des patients
concernés que si leur prise en charge en dépend. Ainsi le pharmacovigilant peut être amené à
transmettre un rapport avec levée d’aveugle aux autorités et à donner aux investigateurs un
rapport « masqué ». Dans la majorité de ces cas, le pharmacovigilant bénéficie des conseils
d’experts scientifiques, en particulier de ceux du CSI.
78
La levée d’aveugle dans le cadre normal de l’essai clinique peut être réalisée jusqu’à quelques
mois après la réception de l’évènement indésirable ou d’intérêt. Le rapport final de l’étude
comportera l’ensemble des tableaux actualisés par bras. Dans ce cas, il peut être nécessaire
d’effectuer une mise à jour de certains EvIG et de transmettre aux autorités les éléments
actualisés. Il est possible que la levée d’aveugle modifie l’imputabilité notamment lorsque le
traitement suspecté se révèle être le placebo.
Cependant, il est important de conserver l’aveugle le plus longtemps possible dans le cadre de
la recherche biomédicale afin de minimiser les biais. Le délai induit par ce maintien de l’insu
peut alors se révéler un inconvénient pour la mise à jour des informations de sécurité dans la
BI et l’information des participants, investigateurs et patients.
En amont, lors de la rédaction du protocole, la décision de maintien de l’aveugle en cas de
survenue d’EvIG doit être prise en tenant compte de l’intérêt du patient et non pas de celui de
la recherche. La question primordiale est celle de l’impact de cette information sur la prise en
charge thérapeutique de l’EvIG d’une part et sur celle de l’évolution de la pathologie d’autre
part. Le porteur de projet est décisionnaire mais l’avis du pharmacovigilant, en éclairant sur
des points pharmacologiques ou sur des conséquences en termes de retour d’information est
indispensable.
Le pharmacovigilant est par contre seul décisionnaire lors de la réception d’EvIG, y compris
lorsque des situations d’exclusion ont été prévues. Il lui revient, si possible avec l’aide des
experts du CSI, de décider en dernier lieu de la conduite à tenir tant dans l’intérêt du patient
que pour celui apporté à la connaissance du médicament. Il doit pour cela disposer du
maximum d’éléments lui permettant d’exclure « raisonnablement » la possibilité que l’EvIG
ait été généré par des causes extérieures.
Cette situation peut être conflictuelle, tant vis-à-vis des investigateurs que du promoteur, du
statisticien. Le patient concerné n’est pas obligatoirement le bénéficiaire de la procédure,
l’intérêt de la population incluse est plus souvent discuté ainsi que les mesures correctives
nécessaires.
79
IV- La pharmacovigilance des essais cliniques en vie
réelle
Dans cette partie, sont abordés quelques aspects plus pratiques de la gestion de l’éthique dans
la pharmacovigilance des essais cliniques. Deux CPP ont accepté de répondre à un
questionnaire quant à leur fonctionnement permettant une approche de leur contribution à la
gestion de la sécurité des essais cliniques. Trois essais cliniques pour lesquels des questions
en termes de sécurité ont été soulevées seront détaillés à titre d’exemple.
A. Contribution des Comités de Protection des Personnes
Afin de comprendre comment, en pratique, les CPP évaluent la sécurité du protocole d’une
recherche biomédicale, la pharmacovigilance ainsi que les données de sécurité qui leur sont
envoyées (EIGI, DSUR), deux d’entre eux ont été interrogés.
Un questionnaire par mail a été adressé à ces deux CPP. Dans un cas, le président du CPP
ayant peu de disponibilité, le questionnaire a dû être adapté et raccourci.
80
a) Résultats du CPP n°1
Ce CPP était celui qui avait le plus de temps à nous accorder. Il s’agit d’un CPP dont un pharmacovigilant est le président ce qui est très
intéressant compte tenu du sujet de ce travail. Est présenté dans le tableau 11 les questions posées à ce CPP et les réponses apportées.
Tableau 11 - Résultats du questionnaire pour le CPP n°1
Questions Réponses
1) Lors de la relecture du protocole quels sont les critères que
vous analysez, que vous jugez pertinents ?
La personne en question étant à la fois présidente du CPP et
pharmacologue, elle possède deux lectures différentes. En tant
que président elle recherche les points sur lesquels elle veut
orienter la discussion durant la séance avec les autres membres.
Elle cible des problématiques réglementaires, les conditions de
la recherche en hospitalisation ou en ambulatoire, les
conditions de recrutement et d’information du participant. En
tant que pharmacologue elle regarde surtout la méthodologie et
l’information fournie sur le médicament testé.
Dans chaque séance, un rapporteur est désigné afin qu’il
s’attache plus particulièrement à l’étude du dossier technique
avec le contexte clinique, la faisabilité de la recherche, la
description complète de l’intervention et la validité des critères
d’évaluation.
En ce qui concerne les risques potentiels, ce CPP cherche à
percevoir l’ensemble des contraintes et risques de l’étude. Il ne
se limite pas à la vérification des informations concernant la
technique en elle-même mais contrôle également les examens
nécessaires à l’inclusion et à l’évaluation donc les contraintes
inhérentes. Mais ce CPP souligne le fait que l’ensemble des
contraintes et des risques potentiels sont difficiles à percevoir à
la lecture d’un protocole.
81
Lors des séances, il doit être fourni au CPP un document
additionnel apportant les éléments essentiels concernant les
différences entre la prise en charge habituelle et celle de la
recherche proposée. Cependant, ce document additionnel est
très souvent mal rempli.
2) De combien de personnes est composé votre CPP, quelles sont
leurs professions ? y a-t-il des pharmacovigilants ?
Environ 14 personnes participent à une séance.
Les professions représentées sont les infirmières et cadres de
soins, les médecins (généralistes, spécialistes praticiens
hospitaliers ou exerçant en secteur privé), les pharmaciens, les
psychologues, les assistantes sociales, les représentants des
patients, les directeurs d’hôpital, les avocats.
La personne ayant répondu au questionnaire est elle-même le
pharmacovigilant
3) Etudiez-vous avec précision la partie vigilance des essais (EI
attendus, inattendus, la sécurité d’utilisation du produit etc.) ou
alors vous vous fiez à la décision du pharmacovigilant du
département de promotion sans effectuer de recherches
supplémentaires ?
Lors de l’évaluation du rapport bénéfices/risques pour une
demande d’avis initial, ce CPP cherche à repérer les risques
potentiels.
En général, l’attaché scientifique se charge de cette partie dans
le cas présent, il s’agit d’un pharmacien.
Lorsqu’il s’agit d’un domaine très spécialisé, le CPP fait appel
à un expert pour les éclairer sur le risque. Par exemple, un
pédiatre s’il y a inclusion d’enfants, un neurologue spécialisé
dans les épilepsies rebelles, un spécialiste de la fécondation in
vitro, un radiopharmacien, un pharmacien spécialiste des
dispositifs médicaux etc.
82
4) Comment traitez-vous les EvIG, EIGI, rapports de sécurité
provenant de vos différentes études ? Effectuez-vous une
analyse, portez-vous un regard critique ?
Les CPP sont composés de bénévoles qui viennent pour la
plupart uniquement à la séance mensuelle. Par manque de
temps, les observations et rapports de vigilance envoyés au
cours du suivi de la recherche sont seulement lus et classés.
Il est considéré que la responsabilité dans ce cas, est celle de
l’ANSM.
5) Avez-vous le même regard pour des études provenant de
l’industrie ou du secteur public ? pour des études médicaments,
dispositifs médicaux, hors produits de santé ?
Ce CPP a exactement le même regard ; il dispose cependant, de
plus de référentiels pour les études portant sur un médicament.
6) Une fois le protocole accepté, émettez-vous des avis sur la
sécurité (demande de modification la lettre d’information au
patient, du protocole etc.) et si oui, vérifiez-vous que ces
modifications soient effectuées.
Dans ce CPP, ceci est rare mais possible. Par exemple, dans un
essai une erreur d’antivitamine K est survenue, il a donc été
demandé de faire une information spécifique aux investigateurs
notamment pour éviter la répétition de ce même type d’erreur.
83
b) Résultats du CPP n°2
Dans cette deuxième partie, sont présentés les questions et réponses du CPP qui disposait de moins temps à nous accorder. Les résultats n’en
restent pas moins intéressants. Ils sont présentés dans le tableau 12.
Tableau 12 - Réponses du questionnaire pour le CPP n°2
Questions Réponses
1) Combien de personnes participent aux décisions du CPP 20 personnes
2) En moyenne combien de dossier sont analysés par séance ? 5 nouveaux protocoles
2 reprises de protocoles
15 amendements
3) Chaque membre analyse-t-il tous les dossiers ? Y-a-t’il des
pharmacovigilants parmi les membres ? Tous les membres analysent les dossiers, il n’y a pas de
personne dédiée à l’analyse critique en terme de sécurité
Il n’y a ni pharmacovigilant, ni matériovigilant parmi les
membres
4) Quelles sont les informations qui sont évaluées par le CPP ? Pour un nouveau protocole, les éléments évalués sont
l’argumentaire de la balance bénéfices/risques, la partie
vigilance avec les évènements attendus, les paramètres
d’évaluation de la sécurité ainsi que les documents
d’information et de consentement destinés aux patients
La fiche de déclaration des EvIG préparée par le
pharmacovigilant est très peu regardée
Aucune recherche complémentaire n’est effectuée par rapport
au protocole
Pour ce CPP, la relecture par un pharmacovigilant n’est pas
nécessaire
84
5) Comment traitez-vous les EvIG, EIGI, rapports de sécurité
provenant de vos différentes études ? Effectuez-vous une
analyse, portez-vous un regard critique ?
Les EIGI, les rapports de sécurité et lettres d’accompagnement
ne sont pas lus par ce CPP
6) Avez-vous le même regard pour des études provenant de
l’industrie ou du secteur public ? pour des études médicaments,
dispositifs médicaux, hors produits de santé ?
Oui exactement
85
Ces deux exemples de prise en charge de la sécurité des protocoles mettent en évidence le fait
que l’organisation interne pour répondre aux obligations réglementaire varie d’une entité à
l’autre. En effet, dans le premier CPP le pharmacovigilant a toute sa place parmi les membres
du CPP cependant par le biais d’autres fonctions alors que le deuxième n’éprouve pas le
besoin d’avoir recours à un pharmacovigilant pour évaluer la partie sécurité des essais
cliniques.
Ces CPP n’étudient pas les documents relevant spécifiquement de la pharmacovigilance
(EIGI, rapports) envoyés par le promoteur car ils considèrent que leur évaluation est de la
responsabilité de l’ANSM. Une fois le protocole accepté par un CPP, celui-ci ne réévalue pas
régulièrement la balance bénéfices/risques. Il est important de noter qu’aucun moyen n’est
alloué aux CPP pour favoriser l’emploi de personnes dédiées à l’activité d’analyse pourtant
réglementaire. L’activité est réalisée par des bénévoles ayant une autre activité principale.
86
B. Exemples d’Evaluation bénéfices/risques d’essais cliniques
Dans cette partie, sont présentés trois essais cliniques pour lesquels des questions éthiques ont
été abordées : une étude dont le rapport bénéfices/risques est constamment remis en question,
une étude réalisée chez des prématurés et une étude suspendue pour cause de problèmes de
sécurité.
a) Etude dont le rapport bénéfices/risques est constamment remis en
question = étude 1
Il s’agit d’une étude prospective, multicentrique, randomisée, en double-aveugle, contrôlée à
groupes parallèles, visant à évaluer la balance bénéfice-risque du sevrage progressif d’un
immunosuppresseur (IS) chez des patients transplantés rénaux depuis 4 ans minimum et
cliniquement sélectionnés sur leur bonne tolérance de la transplantation.
1) Méthodologie de l’étude 1
Les patients inclus dans cette étude sont répartis en deux bras présentés dans le tableau 13.
Tableau 13 – Méthodologie de l'étude 1
Bras sevrage Bras contrôle
Traitement administré Immunosuppresseur puis
placebo
Immunosuppresseur
Indication Prévention du rejet du greffon
chez les transplantés rénaux
Prévention du rejet du greffon
chez les transplantés rénaux
Dose J – 30 à J 0 : dose habituelle
J 0 – J 60 : 2/3 de la dose
habituelle
J 60 – J 120 : 1/3 de la dose
habituelle
J 120 – en cours : placebo
J-30 – en cours : dose
habituelle en 2 prises
quotidiennes
La durée prévue de l’étude est de 53 mois, incluant 36 mois de recrutement et 17 mois de
suivi. L’immunosuppresseur testé dans le cadre de l’étude dispose d’une AMM dans la
prévention du rejet en transplantation cardiaque, hépatique et rénale.
87
L’objectif principal de l’étude ainsi que les objectifs secondaires sont présentés dans le
tableau 14.
Tableau 14 - Objectifs principaux et secondaires de l'étude 1
Objectif principal Objectifs secondaires
Démontrer le bénéfice du
sevrage en immunosuppresseur
sur la fonction rénale des
patients après la fin de la
période de sevrage
La détermination du taux de rejet chronique
et de rejet aigu prouvés par biopsie
L’évaluation du taux de survie des patients
et des greffons
La détermination de l’apparition d’anticorps
anti-HLA donneur spécifique et non
donneur spécifique
La détermination de l’apparition de lésions
histologiques de rejet aigu ou chronique
humoral ou cellulaire infra-clinique
La détermination de l’apparition ou
l’aggravation de lésions histologiques de
fibrose interstitielle et d’atrophie tubulaire
inflammatoire
L’évaluation des conséquences du sevrage
de l’immunosuppresseur sur les effets
secondaires liés à l’effet
immunosuppresseur et ceux liés directement
à la molécule elle-même
La détermination des bénéfices de la
procédure de sevrage de
l’immunosuppresseur sur la qualité de vie
des patients
Le suivi des patients sevrés et non sevrés est fait mensuellement, en aveugle, jusqu’à la fin de
l’étude avec des prises de sang tous les 15 jours de J0 à M7.
88
2) La population à l’étude
La population à l’étude étant très spécifique et potentiellement à risque, il existe pour cette
étude à la fois des critères de pré-inclusion et d’inclusion présentés dans le tableau 15.
Tableau 15 - Critères de pré-inclusion et d'inclusion de l'étude 1
Critères de pré-inclusion Critères d’inclusion
Homme ou femme d’âge compris
entre 18 et 80 ans (inclus)
Patient ayant reçu une greffe de
cadavre ou d’un donneur vivant avec
compatibilité ABO
Première allogreffe rénale depuis au
moins 4 ans et moins de 10 ans
Patient présentant une fonction rénale
stable
Patient ayant donné son consentement
éclairé
Patient assuré social
Patiente (en âge de procréer) ayant
une contraception efficace
Débit de filtration glomérulaire défini
par le dosage de la cystatine C >= 40
ml/min/1.73 m2
Protéinurie <= 0.5 g/jour
Absence d’anticorps anti-HLA au
moment de l’inclusion (vérifié au
moyen de technique ultra-sensible)
Absence de signe histologique de rejet
aigu ou chronique humoral ou
cellulaire infraclinique sur la biopsie
du greffon rénal
Afin d’assurer la sécurité des patients, les critères d’exclusion de l’étude sont restrictifs. Ces
critères sont présentés dans le tableau 16.
89
Tableau 16 - Critères d'exclusion de l'étude 1
Critères d’exclusion
Patient âgé de moins de 18 ans ou de plus de 80 ans
Transplanté depuis moins de 4 ans et plus de 10 ans
Patient ré-transplanté
Patient transplanté de plusieurs organes
Patient non traité par immunosuppresseur en traitement
d’entretien
Patient ne présentant pas une fonction stable du greffon à
l’inclusion
Patient présentant des anticorps anti-HLA à l’entrée de l’étude
Présence de signes histologique de rejet aigu ou chronique
humoral ou cellulaire infraclinique sur la biopsie du greffon
rénal
3) Les critères d’évaluation du bénéfice de l’essai
L’évaluation du bénéfice de l’essai consiste à vérifier que malgré la suppression des
immunosuppresseurs, la greffe rénale du patient continue à fonctionner correctement. Le
critère de jugement principal est la mesure du débit de filtration glomérulaire par dosage de la
cystatine C 1 an après le sevrage complet d’immunosuppresseurs.
Les critères de jugements secondaires sont évalués à la fois en début de sevrage et 1 an après
la fin de période de sevrage, ils sont présentés dans le tableau 17.
90
Tableau 17 - Critères de jugements secondaires de l'étude 1
Critères de jugements secondaires de l’étude 1
Amélioration de la fonction rénale par mesure de la créatinine
sérique en utilisant l’équation MDRD originale
Taux de rejets (aigus et chroniques) prouvés histologiquement
par biopsie
Taux de retour en dialyse (survie des greffons)
Incidence des cancers et des infections
Taux de survie des patients
Détection et dosage des anticorps anti-HLA donneur et/ou
donneur spécifiques par une technique de haute sensibilité
Apparition de lésions histologiques de rejet aigu ou chronique
humoral ou cellulaire infraclinique sur la biopsie protocolaire de
fin d’étude
Incidence de l’hypertension, du diabète et de l’hyperlipidémie
Qualité de vie des patients
4) L’évaluation bénéfices/risques de cette étude :
Le risque principal identifié dans cette étude est le rejet puis la perte du greffon rénal
accompagné de l’apparition d’anticorps anti-donneur. Dès le début de l’étude, des
déclarations d’EvIG de « rejet » ont été effectuées et les levées d’aveugle par le centre
investigateur pour « prise en charge urgente » ont révélé que la majorité de patients étaient
dans le bras « sevrage ». Le pharmacovigilant et l’investigateur ont alors sollicité au nom du
promoteur l’avis du CSI. Le CSI a aussi été interrogé compte tenu des difficultés de
recrutement des patients dues à la complexité du protocole ainsi qu’aux critères de pré-
inclusion et d’inclusion très restrictifs.
A cette date, 13 patients avaient été inclus, 9 randomisés, 5 dans le bras sevrage et 4 dans le
bras non sevrage. L’apparition d’anticorps anti-HLA a été mise en évidence pour 4 patients et
2 d’entre eux ont par la suite présenté des signes de rejet. Ces 4 patients étaient dans le bras
« sevrage ».
91
Le CSI a acté la différence entre les bras et à la lumière des analyses complémentaires
requises a pu identifier la présence d’antécédents défavorables chez plusieurs des patients
concernés. Ainsi ont été soulignés, une grossesse récente, la présence préalable à l’inclusion
d’anticorps anti donneur détectés grâce à une nouvelle technologie de dosage, non prévue au
protocole car non faite en routine lors du dépôt de ce dernier. Le CSI a conseillé d’inclure ce
nouveau test de screening et de diminuer l’objectif initial d’inclusion du nombre de patients,
avec un suivi rapproché. Il a été décidé de ré-inclure 3 patients dans chaque bras et d’assurer
une surveillance très rapprochée de ces patients. Un amendement a donc été effectué dans ce
sens.
Par la suite, un nouveau patient a présenté un rejet ce qui a entraîné, par réflexe de
l’investigateur, l’arrêt du recrutement, mais le CSI, de nouveau sollicité a jugé qu’il était
nécessaire de continuer l’étude dans les conditions prévues par l’amendement.
La conclusion du CSI mentionne que « le risque semble bien majoré dans le bras « sevrage »
toutefois les antécédents des patients peuvent avoir joué un rôle ». Au total, à ce stade de
l’étude, le déséquilibre entre les deux bras ne permet pas de considérer qu’il existe un sur-
risque à poursuivre l’étude. Toutefois, il est nécessaire de respecter scrupuleusement les
critères d’inclusion. Une limite de cet essai est aussi que les difficultés d’inclusion des
patients peuvent mettre en péril l’évaluation statistique prévue.
Le rôle du pharmacovigilant est ici très important en termes d’éthique, il a la responsabilité de
demander au promoteur de continuer ou non l’essai en fonction des informations fournies par
le CSI et de son expertise. Il est responsable de l’intégrité, de la qualité et de l’exhaustivité
des informations transmises au CSI, afin d’assurer leur choix en toute connaissance au
bénéfice de la sécurité des patients.
Des études comme celle-ci sont très difficiles à gérer en termes d’éthique car le bénéfice
attendu est très important du fait de l’amélioration attendue de la qualité de vie pour le patient
qui pourrait ainsi s’affranchir des prélèvements destinés au suivi thérapeutique, éviter la
survenue d’effets indésirables dont des infections sévères, des cancers. Le risque de rejet est
présent, avec la nécessité du retour en dialyse, la perspective éventuelle d’une seconde greffe
et bien sûr un risque vital à plus ou moins long terme.
92
La question de la bonne décision pour un patient donné se pose au quotidien, aurait-on dû
l’inclure ? Faut-il arrêter le protocole ? Si arrêt du traitement, alors sort-on rapidement le
patient de l’étude ou pas ? Le patient peut subir des complications « récupérées », comme ici
le rejet, mais au prix de traitements agressifs. Est-ce que cela représente une perte de chance
pour l’avenir du patient ? Est-ce pire que la poursuite de l’IS initial ? La survenue de ces
EvIG constituent-ils un vrai « fait nouveau » et doivent-ils être adressés aux autorités ? Contre
l’avis du CSI ?
La poursuite de l’étude se discute au niveau de son intérêt scientifique et populationnel : peut-
on exposer ainsi des patients à ce schéma de décroissance de doses en IS pour un jour offrir
un confort à d’autres, peut être avec un autre schéma (décroissance plus lente..). L’évolution
des techniques d’analyse rend-elle toujours pertinents les choix faits en termes de
surveillance ? Toutes ces questions font partie du quotidien du pharmacovigilant dans le cadre
des essais cliniques. Il est nécessaire de prendre en compte que chaque décision prise est
suivie de conséquences directes sur le patient. Aucun risque ne doit être sous-estimé.
93
b) Etude sur une population particulière, les prématurés = étude 2
1) Pathologie à l’étude :
La persistance du canal artériel (PCA), un vaisseau connectant l’aorte descendante et l’artère
pulmonaire pendant la vie fœtale est une pathologie fréquente chez les grands prématurés. On
considère que la PCA aggrave de façon significative la morbidité et la mortalité dans ce
groupe d’enfants. Le canal artériel se ferme spontanément chez seulement 34% des enfants
prématurés de moins de 1000 g. Les complications précoces possibles d’un canal artériel
hémodynamiquement significatif chez le prématuré sont une augmentation du débit sanguin
pulmonaire entraînant un risque accru d’hémorragie pulmonaire, une augmentation des
besoins ventilatoires et du risque de dysplasie bronchopulmonaire.
Par ailleurs, dans les premières heures de vie, un large canal artériel peut se compliquer de bas
débit systémique, authentifié par les mesures du débit d’éjection du ventricule droit et du débit
dans la veine cave supérieure. Ces effets hémodynamiques sont significativement associés à la
survenue d’une hémorragie intraventriculaire (HIV) et à plus long terme à des anomalies du
développement psychomoteur. Enfin, le bas débit systémique pourrait aggraver les morbidités
digestives et rénales du prématuré.
2) Méthodologie de l’étude:
Cette étude consiste à observer les effets sur la morbidité de l’administration d’un anti-
inflammatoire non stéroïdien (AINS) initié dans les 12 premières heures de vie des
prématurés ayant un canal artériel « large ». Le traitement comparateur est un placébo. Les
prématurés sont répartis en trois bras présentés en figure 3.
94
Figure 3 - Schéma de l'étude 2
Le bras petit canal permet de déterminer le bénéfice de l’abstention thérapeutique initiale chez
les patients à petit canal. L’étude est menée sur 4 ans comprenant 2 ans de recrutement. Le
patient est traité durant 3 jours puis est suivi pendant deux ans. Il s’agit d’une étude
multicentrique, contrôlée, randomisée, double insu, prospective.
Patients inclus
Petit canal (les patients les
moins à risque)
Absence de traitement
Canal large
Bras AINS
Bras Placebo
95
Les objectifs principaux et secondaires de cette étude sont présentés dans le tableau 18.
Tableau 18 - Objectifs principaux et secondaires de l'étude 2
Objectif principal Objectifs secondaires
Une augmentation de 18% du taux de
survie sans infirmité motrice
cérébrale à 2 ans d’âge corrigé (qui
passerait ainsi de 35% à 53%)
Comparer le développement
comportemental à 2 ans entre les 2
bras (placebo versus AINS du groupe
LARGE)
Comparer la survie sans séquelles
entre le groupe PETIT et le groupe
LARGE placebo déterminer si le
critère utilisé pour le ciblage initial est
discriminant
Déterminer l’impact du traitement sur
les autres morbidités du prématuré :
HIV, morbidité digestive, morbidité
rénale, morbidité respiratoire
3) Population à l’étude :
La population à l’étude est une population à risque car les prématurés sont une population très
fragilisée avec une grande immaturité physiologique. Les critères d’inclusion et d’exclusion
de ces patients sont présentés dans le tableau 19.
Tableau 19 - Critères d'inclusion et d'exclusion de l'étude 2
Critères d’inclusion Critères d’exclusion
Naissance survenant avant 28
semaines d’aménorrhée
Age postnatal inférieur ou égal à H12
Hémorragie intraventriculaire à
l’échographie initiale
Echographie possible avant H12 Hypertension artérielle pulmonaire
Contre-indication à l’anti-
inflammatoire non stéroïdien
96
4) Evaluation des bénéfices de l’étude :
Les critères principaux et secondaires utilisés pour évaluer les bénéfices de l’étude sont
présentés dans le tableau 20.
Tableau 20 - Critères principaux et secondaires de l'étude 2
Critère principal Critères secondaires
La survie sans infirmité motrice
cérébrale à 2 ans d’âge corrigé
Le taux d’HIV 3 – 4
Le taux de survie
La morbidité respiratoire
La morbidité digestive
La morbidité rénale
Des tests sont mis en place pour pouvoir évaluer ces différents critères, présentés en figure 4.
97
Figure 4 - Tests pour l'évaluation des bénéfices de l'étude
5) Evaluation des risques :
Dans le cadre de cette étude sur une population particulière, la notification des EvIG par
l’investigateur au promoteur a été revue avec le pharmacovigilant. En effet, la notion de mise
en jeu du pronostic vital sous-jacente aux EvIG peut être appréhendée différemment selon les
investigateurs, leurs pratiques et les recommandations auxquelles ils se réfèrent, en particulier
en raison de l’extrême fragilité des prématurés.
C’est pourquoi, des évènements récurrents immanents à cette population, assimilables à des
évènements indésirables graves attendus ne seront notifiés au promoteur que s’ils sont jugés
cliniquement significatifs par l’investigateur sur la base de critères de sévérité/intensité ou de
leur singularité.
Il s’agit d’évènements liés à l’immaturité et donc entraînés par la fragilité des structures
anatomiques, physiologiques, métaboliques et cellulaires. Ces différents évènements sont
présentés ci-dessous dans le tableau 21. Un guide de pharmacovigilance a été rédigé afin
d’harmoniser les pratiques entre centres.
Evaluation des bénéfices de l'étude
Echographie cardiaque
Dans les 12 premières heures
3 jours après la naissance
14 jours après la naissance
36 semaines après la naissance
Echographie transfontanellaire
Dans les 12 premières heures
3 jours après la naissance
14 jours après la naissance
36 semaines après la naissance
Evaluation du développement
A 4 mois
A 12 mois
A 24 mois
98
Tableau 21 - Risques prévus au protocole pour l'étude 2
Effets indésirables liés à la prématurité Des complications de technique et
chirurgies de prise en charge
Hémorragies pulmonaires
sauf lorsqu’elles sont considérées
comme sévères.
Hémorragie intraventriculaire de grade
I et II
Ictère avec bilirubine totale < 180
micromol/L
Cholestase avec bilirubine conjuguée
< 100 mmol/l
Bradycardies/apnées (sauf si passage
en arythmie persistante ou évolution
vers décès par ex sur torsade de pointe)
Sepsis (sauf sepsis sévère à bacille
Gram négatif, ou sepsis lié à un germe
inhabituel)
Anémie justifiant une transfusion
globulaire
Rétinopathie de la prématurité ne
nécessitant pas de traitement par laser
ou anti-VEGF
Hyperglycémie nécessitant une
insulinothérapie
Perturbations du bilan
biologique restant dans les fourchettes
suivantes:
Natrémie 120 à 155 mmol/L
Kaliémie 2.5 à 6.5 mmol /L
pH 7.15 à 7.50
Tamponnade péricardique
compliquant la pose d’un cathéter
veineux central
Complications post-opératoires
après fermeture chirurgicale de
canal artériel : chylothorax,
paralysie récurrentielle, infection,
paralysie diaphragmatique, troubles
hémodynamiques…
99
Le guide prévoit que tous les autres EI attendus rencontrés seront à renseigner dans le cahier
d’observation électronique de l’étude et éventuellement à déclarer en EvIG. Par exemple, une
augmentation du QT, une natrémie de 160 mmol/L etc.
Tous ces EvIG représentent un large panel d’évènements très fréquemment observés dans les
unités de néonatologie, leur exclusion de la déclaration permet de soulager la charge de travail
des équipes en ciblant des EvIG jugés plus pertinents car impliquant le mécanisme d’action
du médicament (entéropathie, atteinte rénale, décompensation cardio-vasculaire saignements
majorés..) qui doivent être transmis immédiatement au promoteur.
Cependant, il est prévu un monitoring intensif ainsi qu’une surveillance particulière tous les
10 patients visant plus spécialement les complications digestives, rénales, et cardiovasculaires
afin d’observer une éventuelle sur-morbidité et donc pouvant aboutir à une possible levée
d’aveugle. Cette surveillance sera réalisée sur les cas survenant jusqu’à 8 jours après la
dernière administration du produit (et jusqu’à 20 jours pour les complications digestives).
Cependant, tous les évènements sont à notifier dans le cahier d’observation électronique.
Dans cette étude, le CSI est composé d’un expert en pharmacovigilance ayant des
compétences en réanimation pédiatrique et de deux experts en néonatologie.
6) Evaluation bénéfices/risques :
Le bénéfice individuel pour l’enfant est la fermeture du canal sans recours à la chirurgie et la
diminution des complications dues à sa persistance. Au niveau du bénéfice collectif, si
l’hypothèse se confirme, le bénéfice d’un traitement précoce par un AINS sera de diminuer la
surmortalité/surmorbidité du prématuré liée au canal artériel. Par ailleurs, comme ceci a été
démontré par tous les essais cliniques testant l’efficacité du traitement du canal artériel par les
AINS, le traitement précoce permettrait de diminuer le taux de recours à une ligature
chirurgicale du canal artériel, qui augmente le risque de broncho dysplasie et de séquelles
neurologiques donc l’impact émotionnel des décès de ces enfants sur leur famille et le coût
financier pour la société.
100
Les risques peuvent être séparés en deux groupes, les risques individuels et les risques
collectifs.
Risque individuel
o Risques et contraintes physiques
L’administration intraveineuse d’AINS requiert une voie d’abord veineuse, laquelle est
systématiquement posée chez les nouveau-nés prématurés afin d’assurer la nutrition
parentérale et prodiguer les soins courants en néonatologie. L’échographie réalisée fait partie
des soins courants et n’est pas une technique invasive donc ne pose pas de problème en ce qui
concerne la sécurité du patient.
o Risques liés à la maladie
Déjà listés pour expliquer le bienfondé de la recherche, les complications précoces possibles
d’un canal artériel hémodynamiquement significatif chez le prématuré sont une augmentation
du débit sanguin pulmonaire entraînant un risque accru d’hémorragie pulmonaire, une
augmentation des besoins ventilatoires et du risque de dysplasie bronchopulmonaire. De plus,
dans les premières heures de vie, un large canal artériel peut se compliquer de bas débit
systémique, authentifié par les mesures de débit d’injection du ventricule droit et du débit
dans la veine cave supérieure. Ces effets hémodynamiques sont significativement associés
avec la survenue d’une hémorragie intraventriculaire (HIV) et à plus long terme à des
anomalies du développement psychomoteur. Enfin, le bas débit systémique pourrait aggraver
les morbidités digestives et rénales du prématuré.
o Risques liés aux traitements à l’essai et aux traitements associés
La toxicité des AINS en néonatalogie est principalement rénale (insuffisance rénale
oligo/anurique), digestive (entérocolite ulcero-nécrosante, perforation digestive isolée ou
infections à point d’entrée digestif), cardiovasculaire (hypertension artérielle pulmonaire) et
hématologique (thrombopénie). Le risque allergique est considéré comme mineur. Les
médicaments co-administrés dans le contexte de réanimation (anti infectieux, sédation,
surfactant, vitamines..) varient selon les co-pathologies et sont trop nombreux pour être listés
au protocole. Leurs EI sont détaillés dans leurs RCP respectifs
101
Risque collectif
Une mauvaise évaluation de cette stratégie curative précoce et une généralisation de la prise
en charge sont susceptibles de majorer l’exposition des nouveau-nés prématurés à la toxicité
de l’AINS. Afin de pallier à ce risque de surexposition, les critères d’inclusion ont été étudiés
afin de seulement inclure les prématurés les plus à risque de canal artériel persistant, dépistés
par l’échocardiographie très précoce.
L’évaluation bénéfices/risques de cet essai doit constamment être réévaluée par le
pharmacovigilant car c’est à lui de statuer s’il est nécessaire ou non de faire appel au CSI et
donc de prendre des mesures correctives. En termes d’éthique, il est très difficile de réaliser
une étude sur les prématurés car il s’agit d’une population à risque. Il n’est pas acceptable de
leur faire courir le moindre sur-risque.
La décision de limiter la déclaration a donc été longuement discutée avec les experts tant
cliniciens que vigilants. Une demande trop exhaustive pouvait d’une part mettre en péril la
réalisation de l’étude en rebutant les professionnels déjà très sollicités et d’autre part « noyer »
des informations essentielles sous une masse d’événements. Le monitoring intensif permet de
contrôler la déclaration et d’éviter tout dérapage.
La décision de ne pas lever systématiquement l’aveugle en cas d’EvIG suspecté lié et
aboutissant au décès de l’enfant a été prise du fait de la mortalité très élevée dans la
population, toutes causes confondues ainsi que des difficultés d’imputer une atteinte au seul
traitement, l’origine étant souvent multivoque et de l’absence d’intérêt thérapeutique dans la
mesure où le décès survient souvent après la fin du traitement protocolaire.
102
c) Essai clinique arrêté en cours d’étude pour cause de problème de sécurité
= étude 3
1) Méthodologie de l’étude :
Il s’agit d’un essai clinique de phase 3 randomisé évaluant l’efficacité d’un anticorps
monoclonal associé à une chimiothérapie intensive, chez des patients ayant une leucémie
aiguë myéloblastique de risque intermédiaire. La méthodologie est présentée en figure 5.
Figure 5 - Méthodologie de l'étude 3
Les objectifs principaux et secondaires de cette étude sont présentés dans le tableau 22.
Tableau 22 - Objectifs principaux et secondaires de l'étude 3
Critère principal Critères secondaires
Evaluation de la survie sans
évènement à 3 ans
Evaluation du taux de rémission
complète à l’issu de la cure
d’induction
Evaluation de la survie globale à 3 ans
Evaluation du taux de rechute à 3 ans
Evaluation de la tolérance
Patients inclus
Bras A
Anthracycline pendant 3 jours
Antimétabolite pendant 7 jours
Anticorps monoclonal le 4 ème jour
Bras B Anthracycline pendant
3 jours
Antimétabolite pendant 7 jours
103
2) Population à l’étude :
Sont présentés dans le tableau 23 les critères d’inclusion et d’exclusion de la population
d’étude.
Tableau 23 - Critères d'inclusion et d'exclusion de l'étude 3
Critères d’inclusion Critères d’exclusion
Leucémie aigüe myéloïde (LAM) à
risque intermédiaire définie
cytogénétiquement
Au moins 20% de blastes dans la
moelle osseuse
Expression de l’antigène CD33 sur les
blastes
Espérance de vie > 1 mois
Clairance de la créatinine >= 50
mL/min
Localisation extra médullaire isolée
de la maladie
Sérologie VIH ou HTLV-1 positive
Hépatite C chronique active
Femme enceinte ou allaitante
3) Evaluation bénéfices/risques :
L’essai a finalement été suspendu pour des raisons de sécurité car les résultats de l’analyse de
sécurité à 6 mois ont démontré un taux de rémission non significativement différent dans le
bras expérimental par rapport au bras de référence. De plus, l’incidence cumulative des décès
toxiques était significativement plus élevée dans le bras expérimental par rapport au bras de
référence. Seule l’incidence cumulée des rechutes semblait moins importante dans le bras
expérimental. Après concertation avec le CSI, il a été décidé de proposer un amendement aux
autorités ainsi qu’au CPP afin de modifier le protocole pour inclure des patients uniquement
dans le bras de référence et de poursuivre l’étude biologique ancillaire initialement prévue.et
bien sûr continuer à suivre les patients préalablement exposés dans le bras expérimental.
Les monitorings effectués progressivement ont mis en évidence dans le bras contrôle
l’existence d’événements indésirables similaires à ceux déclarés dans le bras expérimental.
Ces EvIG jugés « habituels » très connus avec ce traitement de référence comme des
infections, des toxicités hématologiques n’avaient pas été transmis par les investigateurs.
104
Les nouvelles analyses statistiques ont montré que si ces cas avaient été déclarés, la différence
entre les deux groupes n’aurait pas été significative et un arrêt de l’essai n’aurait pas été
nécessaire.
Cet essai montre bien l’importance du rôle du pharmacovigilant tant dans la préparation de
l’étude (niveau de monitoring, de contrôle des centres à renforcer en cas de doute) que dans la
validation des éléments transmis aux experts du CSI et dans l’analyse des données aboutissant
à l’arrêt d’un essai ou non. Le rythme de monitoring dépend habituellement du risque estimé,
de la durée de l’étude, mais limité par les budgets alloués, il peut faire l’objet d’arbitrage et de
choix stratégiques du promoteur.
Cet essai montre aussi que la réglementation est souvent méconnue, non respectée et que la
pharmacovigilance n’est pas toujours bien perçue dans les services et par les investigateurs.
Ils perçoivent la pharmacovigilance comme se limitant l’identification de nouveaux EvI et ils
ne jugent donc pas nécessaire de déclarer des EvIG connus car ils considèrent que c’est une
perte de temps. Dans le cas présent, des EvIG nécessitant une déclaration ont été jugés non
pertinents par l’équipe soignante et n’ont pas été transmis. Cette négligence a donc entraîné
l’arrêt d’une étude qui n’était en fait pas justifiée.
Le pharmacovigilant n’a pas perçu le risque majeur de sous notification, a sur estimé les
niveaux d’autonomie et de « confiance » attribuables aux centres. Dans certains domaines où
la recherche est une nécessité de santé publique, le nombre d’études ouvertes en parallèle dans
les services les met en concurrence tant pour le recrutement des patients que pour la
disponibilité des équipes. Le promoteur le plus « présent », offrant des moyens aura plus de
chances de voir aboutir son projet. Cette réalité aussi a été sous-estimée dans le cas présent.
Cet arrêt représente sans doute a posteriori une perte de chance pour les patients. Elle
représente aussi un retard au développement d’un médicament avec ses conséquences
industrielles et commerciales
105
V- Discussion
La pharmacovigilance est un des domaines médicaux les plus réglementés, encadrés et
procédurés.
Néanmoins, ce travail met en évidence qu’il existe une réelle scission entre ce qui est prévu
dans la réglementation, les principes d’éthique généraux et la pratique de la
pharmacovigilance des essais cliniques en vie réelle.
Nous avons notamment remarqué que le principe d’éthique général d’autonomie avait
quelques limites. Nous avons abordé le cas de patients âgés, en état de faiblesse, pouvant être
influencés par leur entourage, subir la pression de soignants, de morales religieuses ou
sociétales que l’investigateur ne peut toujours connaître ou maîtriser.
Il est légalement possible de se passer du consentement pour débuter le traitement chez des
patients incapables de donner leur consentement pour un acte ou un traitement d’intérêt vital
immédiat, de patients dans le coma. Il convient néanmoins de faire appel si possible à une
personne de confiance et dans la mesure du possible de rechercher son consentement a
posteriori.
Pour toute personne mais plus couramment lorsque la perte d’autonomie se fait de façon
progressive, il est possible de désigner une personne de confiance qui sera chargée de prendre
toute décision médicale à la place du patient dont les décisions de participation ou non à une
recherche biomédicale. Le patient doit désigner cette personne de confiance par écrit.
L’équipe de recherche doit s’assurer que la personne de confiance a bien compris le protocole,
agit pour le bien-être du patient. Tout comme le patient, cette personne de confiance ne doit
en aucun cas être influencée par les médecins.
Les conditions d’inclusion de ces patients doivent être clairement précisées dans le protocole
afin d’assurer au mieux une égalité d’accès aux soins pour ces patients tout en étant conforme
à la loi et aux principes généraux d’éthique.
Le pharmacovigilant en charge de ces protocoles devra être attentif aux médicaments et
traitements administrés, ceux-ci peuvent-ils aussi altérer le jugement et influencer le choix a
posteriori? Le mode et le rythme de recueil des EvI est-il adapté à cette population? Faut-il
ajouter des explorations spécifiques? L’information sur le médicament, les risques est-elle
suffisamment intelligible, facile à lire ?
106
La réglementation est complexe avec la juxtaposition d’un grand nombre d’instances et de
réglementations à la fois européennes et locales, nécessitant la mise en place de procédures,
tant pour effectuer que pour assurer la traçabilité de chaque obligation.
L’évolution de la réglementation va imposer d’implémenter ces différents changements aux
documents qualité des études mais aussi d’organiser des formations aux équipes de recherche.
Il s’agit d’une étape indispensable pour que le pharmacovigilant puisse continuer son activité
conformément à la réglementation.
Plus spécifiquement, la réglementation de la pharmacovigilance des essais cliniques, se
renforce et vise à apporter un retour d’information plus complet et plus rapide aux autorités,
une transparence de plus en plus importante. Il est ainsi discuté de la possible ouverture des
données de la base de données européenne de pharmacovigilance aux équipes de recherche et
au public, à terme
Pour que la réglementation soit appliquée, le pharmacovigilant doit organiser des formations
sur le terrain afin que les investigateurs, les ARC et l’ensemble des équipes de recherche
soient mises au courant de la réglementation et qu’ils l’appliquent dans leur activité
quotidienne.
Pour l’équipe soignante qui est continuellement à proximité du patient, la pharmacovigilance
paraît être une contrainte réglementaire sans réelle importance. Elle est perçue comme une
perte de temps qui pourrait être allouée à la prise en charge des patients. Sur le terrain, les
investigateurs délèguent en général cette activité aux TEC. Ils doivent valider l’information
transmise au pharmacovigilant, malheureusement cette validation se fait plus de principe,
qu’elle n’est assortie d’une relecture et d’une vérification de la pertinence des informations
médicales bien qu’ils surveillent de près ce qui est transmis au pharmacovigilant.
Le pharmacovigilant a donc un rôle pédagogique à jouer. Son implication lors de la rédaction
du protocole, son aide à la gestion des EIGI et des situations de crise, au fonctionnement de
CSI et le retour d’information sous forme de synthèse que représentent les rapports de sécurité
lui permettent cependant de mieux faire connaitre cette activité et son importance pour la
recherche.
107
Du point de vue éthique, le pharmacovigilant est confronté à un grand nombre de situations
qui peuvent s’avérer sensibles. Il serait important que tous les pharmacovigilants bénéficient
d’une formation générale sur l’éthique afin de les orienter dans leur prise de décision. De plus,
ils pourraient transmettre ces notions d’éthiques à l’ensemble des équipes de recherche.
En amont de l’étude, le pharmacovigilant doit relire le protocole ainsi que les documents de
référence de l’étude, définir le rythme de mise à jour de ce dernier. Cependant, le promoteur
institutionnel n’est en général pas titulaire de l’AMM du médicament expérimental.
En l’absence de partenariat avec le propriétaire du médicament, le pharmacovigilant doit
veiller à s’informer des alertes des agences et faire un suivi bibliographique de l’évolution des
risques. En cas de partenariat, il doit être destinataire des versions des BI et pouvoir vérifier
que ces différentes versions sont applicables et concernent bien une évolution de sécurité
(certaines versions ne comportent que des changements administratifs). Lorsqu’il prépare
ainsi un protocole, il est nécessaire que le pharmacovigilant dispose des documents les plus
récents. Ceux-ci peuvent être sous embargo jusqu’à la levée du secret industriel et leur
consultation liée à la signature de contrats hors de son champ de compétence.
De plus, le temps alloué à la revue de ces documents est en général limité. Le
pharmacovigilant a ainsi toujours la crainte de ne pas être informé d’un nouveau risque, de
passer à côté d’une information pertinente pour la sécurité du médicament.
Un autre problème concerne l’application des décisions du pharmacovigilant. Lorsque le
pharmacovigilant souhaite que des risques soient ajoutés au protocole ou au document
d’information destiné au patient, il lui est parfois difficile d’imposer ses idées. En effet,
l’investigateur est spécialiste dans la pathologie et peut ne pas vouloir tenir compte du point
de vue « sécurité » du pharmacovigilant. Il peut aussi craindre que ce risque ajouté ait un
degré d’importance élevé pour certains patients et qu’il freine donc l’inclusion dans l’étude.
Pour illustrer ceci nous pouvons prendre l’exemple de la coloration des ongles qui ne
comporte en soi pas de risque mais qui peut être perçue comme étant très handicapante pour
certains patients.
Certaines décisions sont donc acceptées à la suite de longues discussions. Les investigateurs
peuvent être tentés d’accorder plus d’importance aux demandes des industriels considérés
comme plus au fait des risques de leurs médicaments et parce qu’ils peuvent apporter des
moyens financiers à la hauteur de leurs exigences.
108
Le pharmacovigilant se doit de faire appliquer ses idées car dans le cas contraire il s’agit
d’une sorte de sous-information ce qui ne respecte pas les principes éthiques d’autonomie de
prise de décision, de bienfaisance et de non malfaisance. Il doit aussi aux autorités et aux
futurs bénéficiaires du médicament une honnêteté scientifique sans faille.
Le pharmacovigilant peut aussi se trouver confronté à des questions éthiques en voulant
mettre en place des tests biologiques à réaliser avant l’inclusion des patients et se demander si
ce critère modifie le principe de justice. Par exemple, est-il nécessaire d’imposer un test de
grossesse à une femme en âge de procréer si le risque associé n’est pas très important?
La demande de mention d’origine raciale, certes intéressante pour le calcul de la clairance
rénale, ou l’identification de particularités enzymatiques est-elle appropriée ? Quel effet aura
l’annonce des résultats sur le patient ?
Après la mise en place de l’étude, d’autres problématiques apparaissent. Le pharmacovigilant
se doit de répertorier tous les EvIG survenus durant l’étude. Au cours du monitoring sur le site
de recherche il est courant que les ARC repèrent des évènements indésirables graves qui n’ont
pas été transmis au promoteur. La négligence, mais surtout la méconnaissance de
l’importance des déclarations et le manque de temps en sont les principales causes. L’impact
de cette sous notification doit faire l’objet de l’attention du pharmacovigilant. Il doit veiller à
ce que l’information sur la vigilance des personnels sur site soit effectuée à chaque mise en
place et répétée régulièrement. La dimension éthique doit aussi être exposée.
Ces EvIG peuvent en effet faire basculer la balance benefices/ risques comme nous l’avons
souligné avec l’exemple de l’étude 3. Cette étude a été arrêtée sur la foi d’informations
inexactes, montrant une surmortalité sans bénéfice dans le bras expérimental. Le réajustement
après recueil de tous les EvIG du bras contrôle a lissé la différence statistique préjudiciable.
Les évènements reçus en routine sont en général peu documentés, imposant au
pharmacovigilant de rappeler les investigateurs ou les TEC pour avoir davantage
d’informations et comprendre le contexte dans lequel l’évènement est survenu. Il arrive que
certains centres ne soient pas joignables, qu’il faille envoyer plusieurs mails, courriers. Cette
documentation de cas prend un temps important mais en termes d’éthique, le
pharmacovigilant se doit de le faire. Si malgré tous ses efforts le pharmacovigilant ne réussit
pas à obtenir les informations dont il a besoin alors le cas sera tout de même évalué mais la
causalité avec le médicament pourra être sous ou surestimée.
109
L’analyse d’un EvIG avec la détermination de son caractère attendu/inattendu passe aussi par
l’utilisation du bon référentiel. La mise à jour des documents de référence, l’identification de
nouveaux risques sont ainsi des préoccupations quotidiennes. L’usage d’un document
obsolète peut entraîner la méconnaissance du lien entre un effet et la prise du médicament,
l’absence de retour vers l’investigateur et la poursuite de l’exposition au médicament qui peut
s’avérer délétère pour le patient.
Les études 1 et 2 ont quant à elles illustrées le fait que les décisions devant être prises par le
pharmacovigilant sont parfois difficiles. Les considérations éthiques sont très importantes
comme lorsque l’étude est réalisée sur des populations à risques comme des prématurés et des
greffés rénaux.
Le pharmacovigilant doit se tenir au fait de tout ce qui se passe dans les différentes études
pour ne pas négliger des risques qui peuvent apparaître. De plus, c’est à partir des
informations disponibles que le CSI prendra ses décisions.
Ensuite, le questionnaire mené dans deux CPP a mis en évidence qu’ils ont des obligations
réglementaires mais qu’aucune réglementation n’impose « la façon de faire ». Dans un des
deux CPP, le pharmacovigilant a toute sa place et en est même président. Cependant, dans le
deuxième CPP cette nécessité d’avoir recours à un pharmacovigilant n’est pas considérée.
Dans les deux cas, l’évaluation faite en amont par le pharmacovigilant est considérée comme
exhaustive et ils ne font pas de recherches complémentaires. Lors de son analyse, le
pharmacovigilant se doit donc de ne prendre aucun protocole à la légère et de réaliser une
revue complète de la littérature pour chaque médicament expérimental.
Il ne peut pas être sûr de bénéficier d’une contre-expertise du CPP. Il est impossible pour le
pharmacovigilant d’être expert dans tous les domaines. Cette activité demande un degré de
compétences multidisciplinaires important ce qui est difficilement atteignable en pratique. Il
lui faut donc chercher des appuis et ressources C’est le rôle théorique des CSI.
La réglementation prévoit que les CPP réévaluent la balance bénéfices/risques des protocoles
en cours d’étude. La réalité montre que les EIGI envoyés aux CPP ainsi que les rapports de
sécurité sont au mieux lus et au pire directement classés, ce faute de temps et de moyens. Les
CPP considèrent qu’il est de la responsabilité de l’ANSM de s’assurer que la balance
bénéfices/risques d’un essai est respectée. Les CPP sont des structures indispensables à la
recherche mais il serait nécessaire que les moyens leur étant alloués soient plus importants.
110
Si les CPP avaient plus de moyens il serait possible de disposer de personnes à temps plein
qui puissent évaluer des protocoles en continu et non uniquement lors des réunions
mensuelles.
Les CPP évaluent en moyenne 50 protocoles par an sans compter l’évaluation des
amendements au protocole. Il est clair que tous ces protocoles ne peuvent être revus en détail
par les membres des CPP. Les experts impliqués dans les CPP ont un rôle important au
moment de la prise de décision quant à l’acceptation ou non de l’étude cependant ils restent
peu impliqués dans le suivi des essais compte tenu de leur disponibilité
Un autre problème à soulever en termes d’éthique est l’indépendance des CPP qui n’est pas
toujours assurée. Un promoteur aura tendance à faire appel à un CPP qui est proche de lui
géographiquement ce qui peut entraîner la présence de « liens ».
Compte tenu du fait que ces CPP peuvent avoir des « liens » avec le promoteur et qu’ils sont
en général spécialisés dans une pathologie, il serait intéressant de répartir les CPP par
spécialité et imposer un tirage au sort parmi ceux spécialisés dans la pathologie à l’étude. Ce
tirage au sort permettrait d’assurer une réelle indépendance des CPP et assurerait une
meilleure expertise des protocoles.
Les CSI jouent en théorie un rôle primordial dans la sécurité des essais cliniques mais en
réalité les réunions sont difficiles à établir car chaque membre a une activité principale. Par
manque de disponibilité, les membres ne sont pas toujours au fait de ce qui se passe dans
l’étude et ils peuvent mettre du temps à répondre aux questions du pharmacovigilant compte
tenu de leurs obligations professionnelles.
Comme indiqué dans ce travail, les membres du CSI sont choisis. On peut donc se poser la
question de l’indépendance de la prise de décision. Même en cas d’indépendance, le CSI
prend sa décision en fonction des données qui lui sont transmises par le pharmacovigilant et
c’est aussi à lui de déterminer s’il fait appel à eux. Ceci dépend encore une fois de la vision
éthique du pharmacovigilant.
Dans la gestion des évènements indésirables d’une étude il existe des différences entre le
secteur industriel et les structures institutionnelles en particuliers hospitalières.
Pour les promoteurs privés, l’organisation est beaucoup plus développée, chaque tâche est
segmentée et toute l’activité est régie par des structures juridiques.
111
Des problématiques éthiques comme soulevés dans ce travail apparaissent donc moins
régulièrement au quotidien. Ces questions d’éthique peuvent se poser en termes de choix de
développement de tel médicament plutôt que tel autre, du choix des partenaires et centres
d’investigation. Le pharmacovigilant intervient peut être moins visiblement lors de la
rédaction du protocole, des BI. Il doit néanmoins gérer les EvIG, les rapports et déclencher
des alertes. Ce faisant il peut aussi être en porte à faux tant vis-à-vis du patient que de sa
hiérarchie.
Pour les promoteurs publics, les moyens alloués sont en général plus faibles et le personnel
moins nombreux. Pour exemple, au CHU de Nantes, la pharmacovigilance des essais
cliniques est gérée par un médecin pharmacovigilant et son assistante à temps partiel. En
fonction des choix de stage, un étudiant en 5ème
année en pharmacie option industrie rejoint
l’équipe. Les équipes industrielles sont en général beaucoup plus étoffées. Elles peuvent
bénéficier de niveau de monitoring plus important, permettant des retours d’information plus
rapides. La mise à disposition des documents de référence est aussi plus rapide, la
bibliographie est assurée par des personnels formés à la recherche documentaire.
Dans le cadre institutionnel, l’indépendance entre promoteur et investigateur est souvent
moins marquée pour des raisons de proximité géographique par exemple. Le promoteur est
plus souvent au courant de « bruit de couloirs » sur une étude et dans ce cas il est difficile de
savoir comment gérer cette information non officielle. Notamment, s’il s’agit d’un évènement
indésirable grave.
Dans le privé, les études sont pour la majorité multicentriques et internationales, donc ce type
de problématiques est en général peu rencontré car ils n’ont pas accès à ce genre
d’informations.
Le pharmacovigilant institutionnel jouit cependant d’une indépendance « médicale » vis-à-vis
de son établissement (statutaire) qui le laisse libre de son jugement de médecin, de
pharmacien, de l’application du serment d’Hippocrate.
112
VI- Conclusion
Ce travail met en évidence que l’activité du pharmacovigilant est un éternel exercice
d’équilibre entre la réglementation et l’éthique. En effet, les missions qui lui sont allouées
sont importantes, primordiales pour le bon déroulement d’une étude et comportent le
traitement de données et de patients sensibles. Une partie de la complexité de cette activité
vient de la charge de travail.
L’importance des études et des « retombées » en termes de notoriété encore plus que de
finance font que les institutions comme les industriels ont besoin de résultats. Un autre point
très important est que la pharmacovigilance demande un niveau d’expertise élevé dans tous
types de pathologies, ce qui est impossible en pratique. Pour ne pas négliger l’objectif de
préserver au mieux la santé et l’intérêt du patient, il doit donc faire preuve d’humilité,
s’associer des compétences. Il doit aussi se battre pour que ses suggestions en termes de
sécurité soient entendues.
Le pharmacovigilant est entouré de structures d’aide à la prise de décision comme le CSI et le
CPP mais la théorie est souvent différente de la pratique. Ces structures sont d’une grande
aide mais l’organisation interne de chaque équipe varie largement et elles sont plus ou moins
présentes dans l’accompagnement du pharmacovigilant pour la prise de décision en termes de
sécurité.
Le principal problème soulevé est le manque de moyens dont disposent ces structures. Pour le
CSI et le CPP, les membres sont uniquement des bénévoles et ont une activité principale, il
est donc difficile pour eux de passer du temps sur les problématiques de routine d’une étude.
Les équipes de pharmacovigilants institutionnels sont aussi en sous-effectifs et le niveau
d’expertise demandé ainsi que la charge de travail sont trop importants compte tenu des
moyens alloués.
Afin que le système de pharmacovigilance des essais cliniques soit le plus éthique et le plus
efficace possible, il serait essentiel de développer des équipes plus étoffées. De plus, l’idéal
serait que chaque CSI ou CPP dispose de membres permanents qui évaluent en continue la
balance bénéfices/risques des essais afin que le pharmacovigilant soit moins seul dans ses
prises de décision. Il serait aussi nécessaire que l’ANSM joue un rôle plus important dans le
suivi de l’étude et fasse un retour au pharmacovigilant lorsqu’elle reçoit les EIGI ainsi que les
rapports envoyés continuellement au cours de l’étude.
113
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avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et modifiant le code de la santé publique
(dispositions réglementaires) | Legifrance [Internet]. [cité 25 sept 2014]. Disponible sur:
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d’effets indésirables et des faits nouveaux dans le cadre de recherche biomédicale portant sur un
médicament à usage humain. JO n°124 du 30 mai 2006. [Internet]. [cité 10 sept 2014]. Disponible sur:
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rapport de sécurité d’une recherche biomédicale portant sur un médicament à usage humain. JO n°124 du 30
mai 2006. [Internet]. [cité 10 sept 2014]. Disponible sur:
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http://ansm.sante.fr/content/download/40434/526942/version/2/file/FAQ_HMA_DSUR.pdf
116
Annexes Annexe 1 : CIOMS I Form
117
Annexe 2 : Ligne directrice du groupe REVISE pour l’analyse des protocoles
118
Annexe 3 : Présentation du contenu de la brochure investigateur selon l’arrêté du 19 mai 2006
(29)
La présente annexe décrit le format de la brochure pour l’investigateur. La nature et l’étendue
des informations mentionnées dépendent du stade de développement du médicament
expérimental.
La brochure pour l’investigateur comporte les chapitres suivants, chacun accompagné, le cas
échéant, des références aux principaux travaux exploités :
1. Informations générales.
1.1. Page de couverture précisant notamment :
- le nom du promoteur ;
- l’identification de chaque médicament expérimental : nom de code, nom de la substance
active (dénomination commune internationale proposée ou approuvée), nom de la spécialité le
cas échéant;
- la date de publication, le numéro de version ainsi qu’une référence au numéro et à la date de
la version précédente, le cas échéant.
1.2. Déclaration de confidentialité, le cas échéant.
2. Table des matières.
3. Résumé concis de toutes les informations disponibles et pertinentes.
4. Introduction précisant brièvement :
- la dénomination du ou des médicaments expérimentaux ;
- toutes les substances actives ;
- la classe pharmacologique et la place que devrait occuper le médicament expérimental dans
cette classe ;
- la justification des recherches menées sur le médicament expérimental ;
- les indications préventives, thérapeutiques ou diagnostiques attendues.
L’introduction décrit l’approche générale à suivre pour évaluer le médicament expérimental.
5. Propriétés physico-chimiques, biologiques, pharmaceutiques et formulation.
119
6. Essais non cliniques.
6.1. Introduction :
Les résultats de tous les essais non cliniques pertinents concernant la pharmacologie, la
toxicologie et la pharmacocinétique du médicament expérimental sont présentés sous forme
de résumés. Ces résumés précisent la méthodologie utilisée, les résultats obtenus et
comportent une discussion sur la pertinence des conclusions par rapport aux effets
thérapeutiques étudiés et aux éventuels effets indésirables et non voulus chez l’être humain.
6.2. Les informations suivantes doivent être fournies, si elles sont appropriées et disponibles :
Espèces étudiées ;
Nombre et sexe des animaux dans chaque groupe ;
Dose unitaire, telle que milligrammes/kilogramme (mg/kg) ;
Intervalle entre les administrations ;
Voie d’administration ;
Durée de traitement ;
Informations sur la distribution systémique ;
Durée du suivi des animaux après exposition ;
Résultats, comprenant notamment les aspects suivants :
- nature et fréquence des effets pharmacologiques ou toxiques ;
- sévérité ou intensité des effets pharmacologiques ou toxiques ;
- délai d’apparition des effets ;
- réversibilité des effets ;
- durée des effets ;
- dose-effet.
Les données sont présentées, dans la mesure du possible, sous forme de tableaux ou de listes.
6.3. Les sections suivantes présentent les résultats les plus importants des essais non cliniques,
notamment l’impact de la dose sur les effets observés, leur pertinence vis-à-vis de l’utilisation
chez l’être humain et de tous les aspects à étudier chez l’être humain. Le cas échéant, les
résultats de la dose efficace et de la dose non toxique chez une même espèce animale sont
comparés (par exemple la marge thérapeutique doit être étudiée). L’extrapolation de ces
informations à la posologie prévue pour l’être humain est discutée.
a) Pharmacologie non clinique.
120
b) Pharmacocinétique chez l’animal.
c) Toxicité :
- toxicité par administration unique ;
- toxicité par administration réitérée ;
- carcinogénicité ;
- tolérance locale, telle qu’irritation et sensibilisation ;
- toxicité de la reproduction et du développement ;
- génotoxicité in vitro et in vivo.
7. Effets chez l’être humain.
7.1. Introduction :
Une discussion approfondie des effets connus du médicament expérimental chez l’être
humain est fournie, comprenant notamment les informations sur la pharmacocinétique, la
pharmacodynamie, la relation dose-effet, la sécurité, l’efficacité et d’autres propriétés
pharmacologiques. Les résultats des recherches biomédicales réalisées sont fournis sous
forme de résumés. Des informations sont également fournies concernant toute utilisation
éventuelle du médicament expérimental en dehors de recherches biomédicales, telle que les
informations recueillies après sa mise sur le marché.
7.2. Pharmacocinétique.
7.3. Sécurité et efficacité :
Les informations relatives à la sécurité, à la pharmacodynamie, à l’efficacité et à la relation
dose-effet du médicament expérimental (y compris ses métabolites le cas échéant) obtenus
lors d’essais antérieurs chez l’être humain sont présentés sous forme de résumés. La brochure
pour l’investigateur décrit les risques possibles et les effets indésirables prévisibles sur la base
des données disponibles sur le médicament expérimental et sur les médicaments appartenant à
la même classe pharmaco-thérapeutique ou chimique. Elle décrit également les précautions
d’emploi ou le suivi particulier à mettre en oeuvre dans le cadre de l’utilisation du
médicament dans la recherche.
7.4. Expérience après la mise sur le marché :
La brochure pour l’investigateur indique les pays dans lesquels le médicament expérimental
dispose d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation équivalente. Elle
précise également tous les pays dans lesquels une demande d’autorisation de mise sur le
marché du médicament expérimental a été refusée ou dans lesquels le médicament a été retiré
121
du marché. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux promoteurs mentionnés au 12° de
l’article L. 1123-14 du code de la santé publique.
Toutes les informations pertinentes recueillies dans le cadre de l’utilisation du médicament
mis sur le marché et dont le promoteur a connaissance sont résumées.
8. Résumé des données et recommandations pour l’investigateur.
122
Vu, le Président du jury,
Monsieur le Professeur Alain Pineau
Vu, le Directeur de thèse,
Madame le Docteur Anne Chiffoleau
Vu, le Directeur de l'UFR,
123
UNIVERSITÉ DE NANTES Année 2014
UFR Sciences Pharmaceutiques et Biologiques
Nom - Prénoms : PERROUIN Fanny, Marion
Titre de la thèse : L’éthique de la pharmacovigilance des essais cliniques
Résumé de la thèse :
La recherche biomédicale est mise en place par un promoteur et gérée dans les services de soins par
l’investigateur. Le promoteur a des obligations de gestion des évènements indésirables. Cette
discipline est la pharmacovigilance des essais cliniques. Des structures comme les comités de
protection des personnes (CPP) et les comités de sécurité indépendants (CSI) sont mis en place pour
aider le pharmacovigilant dans ses prises de décision en termes de sécurité. Le patient étant au cœur de
toutes les problématiques rencontrées dans les diverses activités nous avons décidé de nous intéresser
au rôle de l’éthique dans les différentes activités d’un pharmacovigilant.
Dans un premier temps, ce travail présente les principes éthiques fondamentaux régissant les activités
médicales et la réglementation de la pharmacovigilance des essais cliniques. Sont aussi présentées les
réglementations et activités du pharmacovigilant, des CPP et des CSI.
Puis, l’importance de l’éthique dans les différentes activités du pharmacovigilant est discutée à la fois
pour ses activités réalisées en amont de l’étude et celles réalisées en cours d’étude comme la collecte
et l’évaluation des évènements indésirables ainsi que la rédaction de rapports de sécurité. Les
différentes questions auxquelles peut être confronté le pharmacovigilant au cours de son activité sont
décrites.
La suite du travail contient des résultats plus pratiques. Deux CPP ont été interrogés afin de
comprendre et comparer leur mode de fonctionnement. Notamment la gestion de la sécurité des essais
cliniques et l’évaluation de la balance bénéfices/risques. Trois études promues par le CHU de Nantes
et pour lesquelles des problématiques d’éthique ont été soulevées sont détaillées à titre d’exemple.
Ce travail met en évidence les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les pharmacovigilants en
milieu institutionnel. Les activités sont guidées par des textes réglementaires mais aussi des principes
éthiques. On peut remarquer au travers de ce travail qu’il existe une grande différence entre la théorie
et la pratique et que les moyens alloués sont souvent insuffisants compte tenu des compétences
exigées et résultats attendus.
MOTS CLÉS : pharmacovigilance, essais cliniques, éthique, bénéfices, risques,
réglementation, investigateur
JURY :
PRÉSIDENT : Monsieur Alain Pineau, PU-PH Pharmacologie-Toxicologie
ASSESSEURS : Madame Anne Chiffoleau, PU-PH, Pharmacologie-Direction de la
Recherche. Département Promotion –Cellules vigilances
Monsieur Gérard Dabouis, PU-PH, Professeur émerite,
consultation d'éthique (Hôpital Bellier)
Monsieur Maxime Paré, Assistant Spécialiste, Pharmacien
Adresse de l'auteur : Fanny Perrouin
5, rue André Maurois
44110 Châteaubriant