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Médecine des maladies Métaboliques - Juin 2011 - Vol. 5 - N°3 Pour la science 279 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Correspondance : André Scheen Département de médecine CHU Sart Tilman (B35) 4000 Liège – Belgique [email protected] A.-J. Scheen 1 , J. De Flines 1 , A. De Roover 2 , N. Paquot 1 1 Université de Liège, service de diabétologie, nutrition et maladies métaboliques, Département de médecine, CHU de Liège, Belgique. 2 Service de chirurgie digestive, Département de chirurgie, CHU de Liège, Belgique. De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique : vers un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2 From bariatric surgery to metabolic surgery: Towards a new paradigm for the management of type 2 diabetes Résumé La chirurgie bariatrique induit de nombreuses modifications hormonales qui contribuent à réduire la sensation de faim et à améliorer l’homéostasie glycémique chez le patient diabétique de type 2. La meilleure connaissance de ces mécanismes physiopathologi- ques, particulièrement bien étudiés en ce qui concerne la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y, a conduit à une certaine innovation dans les techniques chirurgicales proposées et à envisager d’utiliser celles-ci chez des patients diabétiques de type 2 sans obésité sévère (indice de masse corporelle < 35 kg/m2, voire < 30 kg/m2). Ainsi, on pourrait évoluer d’une chirurgie bariatrique classique vers une chirurgie dite métabolique et s’orienter vers un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2. Cette approche innovante, prometteuse mais encore insuffisamment validée, mérite d’être mieux évaluée, dans une approche multidisciplinaire impliquant une collaboration étroite entre chirurgiens digestifs, gastro-entérologues et endocrino-diabétologues. Mots-clés : Chirurgie bariatrique – chirurgie métabolique – dérivation gastro-intestinale – diabète de type 2 – hormones digestives – obésité. Summary Bariatric surgery induces numerous hormonal changes that could contribute to reduce hunger sensation and improve glucose homeostasis in patients with type 2 diabetes. The better knowledge of these pathophysiological mechanisms, especially well studied with Roux-en Y gastric bypass, resulted in recent innovation in the technical procedu- res to be proposed them to patients with type 2 diabetes but without severe obesity (body mass index <35 kg/m² or even <30 kg/m²). Therefore, we may progress in a near future from bariatric surgery to a so-called metabolic surgery, which may open a new paradigm for the management of type 2 diabetes. This innovative approach, promising but still insufficiently validated yet, deserves further careful evaluation in a multidisci- plinary approach involving digestive surgeons, gastroenterologists, endocrinologists and diabetologists. Key-words: Bariatric surgery – metabolic surgery – gastric bypass – type 2 diabetes – intestinal hormones – obesity.

De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique : vers un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2

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Page 1: De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique : vers un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2

Médecine des maladies Métaboliques - Juin 2011 - Vol. 5 - N°3

Pour la science 279

© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Correspondance :

André Scheen

Département de médecineCHU Sart Tilman (B35)4000 Liège – [email protected]

A.-J. Scheen1, J. De Flines1,

A. De Roover2, N. Paquot1

1 Université de Liège, service de diabétologie, nutrition et maladies métaboliques, Département de médecine, CHU de Liège, Belgique.2 Service de chirurgie digestive, Département de chirurgie, CHU de Liège, Belgique.

De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique : vers un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2From bariatric surgery to metabolic surgery: Towards a new paradigm for the management of type 2 diabetes

Résumé

La chirurgie bariatrique induit de nombreuses modifications hormonales qui contribuent à réduire la sensation de faim et à améliorer l’homéostasie glycémique chez le patient diabétique de type 2. La meilleure connaissance de ces mécanismes physiopathologi-ques, particulièrement bien étudiés en ce qui concerne la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y, a conduit à une certaine innovation dans les techniques chirurgicales proposées et à envisager d’utiliser celles-ci chez des patients diabétiques de type 2 sans obésité sévère (indice de masse corporelle < 35 kg/m2, voire < 30 kg/m2). Ainsi, on pourrait évoluer d’une chirurgie bariatrique classique vers une chirurgie dite métabolique et s’orienter vers un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2. Cette approche innovante, prometteuse mais encore insuffisamment validée, mérite d’être mieux évaluée, dans une approche multidisciplinaire impliquant une collaboration étroite entre chirurgiens digestifs, gastro-entérologues et endocrino-diabétologues.

Mots-clés : Chirurgie bariatrique – chirurgie métabolique – dérivation gastro-intestinale – diabète de type 2 – hormones digestives – obésité.

SummaryBariatric surgery induces numerous hormonal changes that could contribute to reduce hunger sensation and improve glucose homeostasis in patients with type 2 diabetes. The better knowledge of these pathophysiological mechanisms, especially well studied with Roux-en Y gastric bypass, resulted in recent innovation in the technical procedu-res to be proposed them to patients with type 2 diabetes but without severe obesity (body mass index <35 kg/m² or even <30 kg/m²). Therefore, we may progress in a near future from bariatric surgery to a so-called metabolic surgery, which may open a new paradigm for the management of type 2 diabetes. This innovative approach, promising but still insufficiently validated yet, deserves further careful evaluation in a multidisci-plinary approach involving digestive surgeons, gastroenterologists, endocrinologists and diabetologists.

Key-words: Bariatric surgery – metabolic surgery – gastric bypass – type 2 diabetes – intestinal hormones – obesity.

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Pour la science

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Introduction

La chirurgie bariatrique a conquis une place de plus en plus importante dans le traitement du diabète de type 2 (DT2) associé à une obésité sévère ou extrême [1-5]. La place de la chirurgie dans le traitement du DT2 est sans doute appelée à croître dans les prochaines années pour deux raisons essentielles :– la première est l’échec trop souvent rencontré du traitement médical du DT2, surtout associé à un excès pondéral ou une obésité. L’alternative de disposer d’une approche pharmacologique effi-cace et sûre pour traiter l’excès pondéral ou l’obésité s’est éloignée au cours des dernières années, avec le retrait succes-sif de divers médicaments commerciali-sés dans cette indication (fenfluramine, rimonabant, sibutramine, benfluorex), laissant un vide quant à une éventuelle approche médicale ;– la seconde est que les approches chirurgicales se sont diversifiées au cours des dernières années, avec une approche moins traumatisante grâce à la laparoscopie, un meilleur rapport effi-cacité/sécurité et, surtout, une meilleure compréhension des mécanismes physio-pathologiques sous-jacents conduisant à la perte de poids et aux améliorations métaboliques, parfois spectaculaires (rémission du DT2), observées [5, 6].Le DT2 est fortement associé à l’excès de poids, en particulier à l’obésité abdomi-nale, et à un faible niveau d’aptitude phy-sique [7, 8]. Plus de 80 % des patients DT2 présentent au moins un excès de poids (indice de masse corporelle, ou IMC, > 25 kg/m2) et nombre d’entre d’eux sont obèses (IMC > 30 kg/m2). Le traitement pharmacologique du DT2, en particulier lorsqu’il existe une obésité, s’expose à un taux important d’échecs (hémoglobine glyquée, ou HbA1c, restant > 7 % dans au moins la moitié des cas). Par ailleurs, la maladie progresse avec le temps en raison d’un épuisement pro-gressif de la réserve insulinosécrétoire. Cette histoire naturelle, d’une part, impose une approche pharmacologique de plus en plus complexe, onéreuse et à risque de manifestations indésirables, et, d’autre part, rend le taux de succès de plus en plus aléatoire, y compris avec l’in-sulinothérapie, par ailleurs non exempte

de complications. Enfin, la plupart des patients avec un DT2 combinent d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, dont les plus communément observés sont une hypertension artérielle et une dys-lipidémie. Dès lors, ils payent un lourd tribut aux maladies cardiovasculaires (au moins la moitié d’entre eux vont décé-der d’une maladie coronaire et environ un quart d’un accident vasculaire cérébral), ce qui impose une nouvelle donne pour la prise en charge de ces patients [9].La chirurgie bariatrique, en induisant un amaigrissement important, est capable d’améliorer non seulement le contrôle glycémique, mais également les autres facteurs de risque cardiovasculaire [10] ; elle offre donc le potentiel d’amélio-rer le pronostic cardiovasculaire des patients avec DT2 [1-6]. Actuellement, les recommandations internationales reconnaissent que la présence d’un DT2 doit amener à considérer le recours à la chirurgie bariatrique lorsque l’IMC est > 35 kg/m2 (au lieu de 40 kg/m2 en présence d’une obésité sans compli-cations) [11, 12]. Elles ne recomman-dent cependant pas cette approche chirurgicale lorsque l’IMC est inférieur à 35 kg/ m2. Pourtant, de nombreux progrès ont été réalisés au cours des dernières années quant à la compréhension des mécanismes hormono-métaboliques, expliquant les effets positifs de la chirur-gie en ce qui concerne le contrôle du poids et l’homéostasie glycémique, indé-pendamment des effets mécaniques de restriction gastrique et de malabsorption intestinale [5, 6]. Cette nouvelle dynami-que ouvre des perspectives pour le trai-tement du DT2 [13].Nous avons analysé, dans un précédent article, les effets hormono-métaboliques induits par les différents types de chirur-gie bariatrique et discuté brièvement leurs impacts respectifs sur la régula-tion glycémique [6]. Les buts principaux de ce second article sont de rapporter et discuter les résultats des études les plus récentes ayant testé une solution chirurgicale chez le patient DT2 avec un IMC < 35 kg/m2. Nous conclurons en présentant un nouveau paradigme avec l’évolution d’une chirurgie bariatrique vers une chirurgie métabolique et spécu-lerons sur l’avenir de ce type de nouvelle approche dans le traitement du DT2.

Études cliniques chez les patients DT2 avec IMC < 35 kg/m²

Au cours des dernières années, plusieurs équipes ont proposé des opérations de divers types à des patients DT2 présen-tant un IMC < 35 kg/m2 [13, 14]. Cette évolution a été la résultante de deux constatations :– d’une part, la chirurgie bariatrique a fourni des résultats spectaculaires chez le patient DT2 obèse, avec une résolu-tion du DT2 dans 50 à 80 % des cas. Cette amélioration s’opère très rapide-ment, avant même l’obtention d’une perte de poids importante, et est pré-sente quel que soit le degré d’obésité de départ ;– d’autre part, les progrès dans les connaissances physiopathologiques, évoquées ci-dessus et rapportées en détail par ailleurs [6], ont fait clairement apparaître que l’amélioration métabo-lique observée pouvait s’expliquer davantage par les modifications entéro-hormonales induites par la chirurgie plu-tôt que par la simple restriction ou la malabsorption alimentaire, laissant sus-pecter également un effet positif chez des patients DT2, indépendamment de la présence d’une obésité [5, 6].Une revue systématique récente des études publiées entre 1979 et 2009 a identifié 16 études, rétrospecti-ves ou prospectives, comportant un total de 343 patients DT2 avec un IMC < 35 kg/ m2 et ayant bénéficié de pas moins de huit procédures chirur-gicales différentes [14]. Il faut noter qu’en très grande majorité (en fait 11 sur 16), les études répertoriées pro-viennent d’Italie ou du Brésil. Après un suivi très variable selon les études (de 2 à 216 mois), l’IMC a diminué en moyenne de 29,4 à 24,2 kg/ m2. Au total, 85 % des patients DT2 ont pu être sevrés des médicaments hypo-glycémiants, atteignant une glycémie à jeun de 105 mg/dl (soit une diminu-tion moyenne de 93 mg/dl par rapport à la valeur précédant l’opération) et un taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) de 6 % (soit une baisse moyenne de 2,7 %). Ces résultats remarquables ont été obtenus avec un très faible de taux de complications (avec cependant une

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mortalité opératoire de 0,29 %). Les auteurs concluent que ces observations ouvrent la porte à la chirurgie métaboli-que pour des patients DT2 avec un IMC < 30 kg/m2.Les techniques le plus anciennement testées chez les patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m2 ont fait appel à une méthode restrictive pure comme le cerclage gastrique ajustable ou, inver-sement, à une approche malabsorptive pure comme la dérivation bilio-pan-créatique développée par Scopinaro. Nous rappellerons d’abord brièvement les résultats obtenus avec ces deux techniques. Ensuite, nous décrirons les résultats obtenus avec la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y, la méthode la plus utilisée en chirurgie bariatrique, notamment aux États-Unis (figure 1) ; elle représente, en fait, une combinaison de ces deux approches, avec une modification composite de la réponse endocrine intestinale [6]. Enfin, nous focaliserons notre attention sur les travaux faisant appel à des techni-ques chirurgicales tentant d’exploiter

les trois grands mécanismes hormono-métaboliques précédemment décrits, ciblant spécifiquement l’estomac (sleeve, ou gastrectomie en manchon), l’intestin proximal (exclusion duodéno-jéjunale) et l’intestin distal (interposition iléale) [6].

Cerclage ajustableLe cerclage gastrique ajustable est une technique purement restrictive, appa-remment simple, peu invasive et plus facilement réversible, et se distingue en cela de la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y. Cet avantage a popularisé cette technique, plus particulièrement en Europe occidentale, dont la France et la Belgique. Réservée officiellement à des patients avec un IMC > 35 kg/m2, cette approche a néanmoins été réali-sée de façon plus exceptionnelle chez des patients avec un IMC < 35 kg/m2. Ainsi, dans notre série de 658 patients publiée en 1998, 8,5 % des patients avaient bénéficié de cette intervention alors qu’ils n’atteignaient pas ce seuil critique d’IMC, avec néanmoins une

amélioration des divers marqueurs du syndrome métabolique, y compris la gly-cémie à jeun [15]. Depuis lors, au moins trois publications ont fait état de résul-tats positifs obtenus avec le cerclage gastrique ajustable chez des patients DT2 avec un IMC < 35 kg/ m2 [16-18] (tableau I). Dans un travail compa-rant le cerclage ajustable à un traite-ment médical conventionnel chez des patients DT2 avec un IMC entre 30 et 40 kg/m2 (moyenne : 37,1 kg/m2), seu-lement 13 des 60 patients inclus avaient un IMC < 35 kg/m2, ce qui n’est guère représentatif [19]. Dans cette étude, l’IMC avant l’intervention n’était pas prédictif de la rémission du DT2, après ajustement pour la perte pondérale.Au vu de l’importance des modifications hormono-métaboliques induites par les techniques de dérivation intestinale, sus-ceptibles d’exercer des effets positifs sur l’homéostasie glycémique indépendam-ment de la perte de poids [6], il apparaît que le cerclage gastrique ajustable n’est pas la technique qui offre le plus d’oppor-tunités chez le patient DT2 non obèse. Une étude comparative a d’ailleurs mon-tré des résultats moins favorables avec le cerclage ajustable qu’avec le by-pass gastrique chez des patients DT2 avec un IMC compris entre 30 et 35 kg/m2 [20] (tableau I).

Dérivation bilio-pancréatiqueLa technique de dérivation bilio-pancréa-tique a été popularisée par Scopinaro et al. [21]. Il s’agit de la procédure chirurgi-cale qui entraîne la perte de poids la plus importante et le plus grand pourcentage de rémission du DT2 chez les patients avec obésité sévère. Cet effet s’explique non seulement par la malabsorption des aliments ingérés, mais également par les modifications hormonales induites par le court-circuit digestif [21]. Quelques publications ont rapporté des résultats positifs également chez des patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m2 [22-24] (tableau I).Néanmoins, compte tenu des carences nutritionnelles que cette technique est susceptible de provoquer, la dérivation bilio-pancréatique ne paraît pas repré-senter la technique chirurgicale de pre-mier choix chez le patient DT2 avec un IMC < 35 kg/m2.

Gastrectomie Gastrectomie en en manchon manchon avec avec ddéérivation rivation + interposition + interposition ililééale ale

ByBy--pass pass gastriquegastrique

ou dou déérivation gastriquerivation gastrique

((anse anse de Roux en Y)de Roux en Y)

Réduction gastrique

Sécrétion deghréline

Exclusion duodéno-jéjunale

Facteurs anti-incrétine (?)

Contact précoce avec iléon

GLP-1NP-YY

Figure 1 : Illustration de la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y (à gauche) et de la

gastrectomie en manchon avec dérivation et interposition iléale (à droite), deux des principales techniques actuellement proposées par certaines équipes pour le traitement du diabète de type 2 chez des patients avec un IMC < 35 kg/m2. Au milieu, description des principaux mécanismes impliqués dans l’amélioration métabolique.

GLP-1 : glucagon-like peptide-1 ; NP-YY : neuropeptide YY.

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Dérivation gastrique avec anse de Roux en Y

La technique chirurgicale qui a été la plus utilisée (notamment aux États-Unis) et la mieux évaluée est, de loin, le by-pass gastrique, à savoir la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y [25]. Cette tech-nique combine des effets composites, sur l’estomac, sur l’intestin proximal et sur l’intestin distal, qui, tous trois, peuvent contribuer à améliorer le contrôle glycé-mique [6], comme cela a été amplement démontré chez le patient obèse DT2 [25]. Il n’est donc pas étonnant que la dériva-tion gastrique avec anse de Roux en Y ait été testée chez des patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m2 [26-28] (tableau I).

Dans une série brésil ienne de 37 patients DT2 avec un IMC moyen de 32,5 kg/m2, la perte moyenne de l’ex-cès de poids initial a été de 81 %, 6 à 48 mois après le by-pass gastrique, avec une disparition des co-morbidités, dont le DT2, dans 36 cas [26].

Une étude chinoise a comparé les effets de la dérivation gastrique réali-

sée sous laparoscopie chez des patients DT2 avec un IMC < ou > 35 kg/m2 [27]. Parmi 201 patients hyperglycémiques, 44 (22 %) avaient un IMC < 35 kg/m2. Un an après la chirurgie, la glycémie à jeun est normalisée chez 89,5 % des patients avec un IMC < 35 kg/m2, taux un peu moins élevé que chez les patients avec un IMC > 35 kg/m2 (98,5 %). Une différence comparable est observée entre les deux sous-groupes si l’on prend en compte les sujets récupérant un taux d’HbA1c < 7 % avec un bilan lipidique normal (76,5 versus 92,4 %). Ainsi, même si les résultats sont un peu moins spectaculaires chez les patients avec un IMC < 35 kg/m2, ils n’en demeu-rent pas moins remarquables dans cette population asiatique.

Enfin, dans une série limitée de 15 patients DT2 indiens asiatiques avec un IMC initial de 28,9 kg/m2 et une durée connue moyenne de DT2 de 8,7 années (80 % traités par insuline et 20 % par antidiabétiques oraux), le by-pass gas-trique a fait diminuer la glycémie à jeun de 233 à 89 mg/l et le taux d’HbA1c de

10,1 à 6,1 %, 9 mois après l’intervention, alors que tous les médicaments hypo-glycémiants avaient été arrêtés dès le 3e mois [28].

Une étude comparative d’envergure, comprenant 109 patients DT2 avec un IMC entre 30 et 35 kg/m2 dans chaque groupe, a montré que la dérivation gastri-que avec anse de Roux en Y, en compa-raison avec l’anneau gastrique ajustable, a entraîné une perte de poids supérieure et un taux de rémission du diabète plus élevé 6 à 12 mois après l’intervention, mais avec une incidence de complications plus importante durant les 3 premiers mois. Le suivi à long terme (> 1 an) reste cependant confiné à un nombre limité de patients dans ce travail [20] (tableau I).Tous ces résultats sont encourageants et méritent certainement d’être confirmés dans de plus grandes séries suivies pen-dant une période plus prolongée.

Exclusion duodéno-jéjunaleIl y a une dizaine d’années déjà, Pories et Albrecht avaient attiré l’attention sur le rôle de l’intestin proximal dans la

Tableau I : Résultats obtenus avec la chirurgie métabolique dans quelques études récentes réalisées chez des patients diabétiques de type 2 (DT2), avec un indice de masse corporelle (IMC) < 35 kg/m2. La rémission est définie ici par l’arrêt complet de tout traitement hypoglycémiant.

Référence Technique n DT2

avec suivi

> 6 mois

IMC

initial

(kg/m²)

IMC

final

(kg/m²)

Glucose

initial

(mg/dl)

Glucose

final

(mg/dl)

HbA1c

initiale

(%)

HbA1c

finale

(%)

Taux de

rémission

(%)

16 LAGB 4 33,9 29,7* ND ND ND ND 100

17 LAGB 8 32,7 27,6* ND ND ND ND 100

18 LAGB 15 33,1 25,8* ND ND ND ND 50

20 LAGB 40 33,9 30,9 ND ND ND ND 27,5

22 DBP 10 33,3 27,5 ND ND ND ND 100

23 DBP 5 30,9 25,1 ND ND 8,5 5,7 100

24 DBP 7 30,6 25,3 220 136 9,3 6,3 100

26 GB 37 32,5 ND** 146 88 ND ≤ 6 100

27 GB 44 31,7 23,2 169 89 7,3 5,6 ND

28 GB 15 28,9 23,0 233 89 10,1 6,1 100

20 GB 29 33,7 27,2 ND ND ND ND 55

31 DDJ 2 29,6 28,3 ND 92 ND 5,35 100

32 DDJ 12 26,1 25,6 185 158 8,9 7,8 0

33 DDJ 20 27,1 24,4 171 96 8,8 6,8 90

34 DDJ 7 27,5 27,3 209 155 9,4 8,5 14

46 DSG + II 69 25,7 21,8 218 102 8,7 5,9 96

47 (D)SG + II 58 28,2 ND 215 105 8,9 5,4 ND***

48 DSG + II 20 29 22,7 ND ND 8,4 5,4 ND

48 SG + II 18 27 22,2 ND ND 8,6 6,35 ND

51 SG + II 5 33,1 24,6 208 98 10,9 6,1 100

ND : non disponible ; LAGB : cerclage gastrique ajustable ; DBP : dérivation bilio-pancréatique ; GB : By-pass gastrique (avec anse de Roux en Y) ; DDJ : dérivation duodéno-jéjunale ; DSG + II : Sleeve gastrectomie avec dérivation + interposition iléale ; SG + II : Sleeve gastrectomie sans dérivation + interposition iléale ; * Les IMC initiaux et finaux de ces trois études correspondent à la population globale (diabétique et non diabétique) ; ** Perte de 78 % de l’excès de poids initial ; *** Proportion de 91,2 % avec taux d’HbA1c < 7 % (avec ou sans traitement).

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physiopathologie du DT2 [29]. Depuis lors, diverses expériences animales et observations humaines ont confirmé que l’exclusion de la partie proximale de l’intestin, évitant le contact précoce avec les aliments, empêchait la sécrétion de substances, non encore identifiées, capables d’entraver la sécrétion et/ou l’action de l’insuline [6, 30]. Plusieurs équipes ont démontré que l’exclusion duodéno-jéjunale permettait d’amélio-rer le contrôle glycémique du patient DT2 avec un IMC < 35 kg/m2 [31-34] (tableau I).Plutôt que de recourir à une intervention chirurgicale relativement complexe, une alternative récemment testée consiste à placer une prothèse endoluminale dans le duodénum et la partie proximale du jéjunum, permettant ainsi d’exclure cette partie proximale de l’intestin et donc d’éviter tout contact avec les aliments. Cette technique a été ponctuellement testée chez les patients DT2, mais le recul reste encore insuffisant pour pou-voir conclure [35]. Comme pour les autres techniques, elle devra être éva-luée en termes d’efficacité, de sécurité, de durabilité et de coût.

Interposition ou transposition iléaleLe rôle croissant attribué aux hormones dites incrétines (GLP-1 [glucagon-like peptide-1] et GIP [glucose-dependent insulinotropic polypeptide], respective-ment secrétées par les cellules entéro-endocrines L et K de l’iléon) dans la physiopathologie du DT2 a ouvert la voie à des approches chirurgicales innovan-tes [6, 36].Il y a plus de 10 ans déjà, Mason avait montré que la transposition iléale permet-tait d’augmenter la sécrétion de GLP-1, ce qui pouvait avoir des effets positifs à la fois dans le traitement de l’obésité et du DT2 [37]. Depuis lors, cette hypo-thèse a été confirmée, amenant à propo-ser une technique d’interposition iléale pour le traitement du DT2, même en l’absence d’obésité importante [38, 39]. La transposition iléale, avec ou sans gas-trectomie par laparoscopie, a été propo-sée comme la troisième génération de chirurgie bariatrique [40]. Cependant, la transposition iléale, visant à réaliser ce que certains appellent un « frein neuro-

endocrine » (neuroendocrine brake), n’est pas actuellement utilisée de façon isolée pour le traitement du DT2. En revanche, elle a été exploitée en combinaison avec une gastrectomie en manchon, avec ou sans dérivation (voir ci-dessous).

Gastrectomie en manchon combinée à une interposition iléaleLa gastrectomie en manchon (sleeve gas-trectomy) a été récemment utilisée dans le traitement du patient avec DT2 [41-43]. Cependant, cette opération a surtout été réalisée chez des patients obèses. Elle n’a donc pas été évaluée de façon isolée chez le patient DT2 avec un IMC < 35 kg/m2. Une étude est actuellement en cours comparant la gastrectomie en manchon avec le cerclage ajustable chez 150 patients DT2 avec un IMC compris entre 27 et 42 kg/m2, suivis pendant une année, avec comme critère d’évalua-tion principal la récupération d’un taux d’HbA1c < 6 % [44].La gastrectomie en manchon a été com-binée avec la procédure d’interposition iléale par une équipe brésilienne qui a publié plusieurs articles rapportant les résultats d’une série de patients DT2, de plus en plus nombreux, de 2008 à 2010, et/ou avec une durée de suivi de

plus en plus importante [45-50]. Deux variantes de la technique chirurgicale ont été comparées, avec et sans déri-vation, avec finalement des résultats assez comparables (seulement un peu meilleur avec la diversion), ce qui plai-derait plutôt contre un rôle majeur joué par l’intestin proximal [47, 48] (tableau I). DePaula et al. ont également montré que cette nouvelle approche chez des patients DT2 permettait d’améliorer le syndrome métabolique [49] ou encore les hyperlipidémies associées [50]. Cette nouvelle approche chirurgicale combinée a été testée par d’autres équipes, mais dans des séries encore très limitées [51] (tableau I). Ainsi, chez dix patients avec un IMC moyen de 33,8 kg/m2 et un DT2 connu depuis 11 ans, une rémission du DT2 a pu être obtenue dans sept cas et une nette réduction des antidiabétiques oraux dans les trois autres cas après un suivi moyen de 9 mois. Les cinq sujets avec un suivi prolongé (13,6 mois) ont eu une rémission du diabète, tandis que les succès partiels ont été observés chez les cinq patients avec un suivi assez court (4,6 mois) [51]. Il serait souhaitable que cette technique soit plus largement éva-luée avant de pouvoir la recommander éventuellement.

Le diabète de type 2 (DT2) est une maladie plus complexe qu’escomptée initialement,

qui, dans bien des cas, reste imparfaitement contrôlée par les traitements médicaux

classiques.

La meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans l’amélioration méta-

bolique accompagnant la chirurgie bariatrique a ouvert de nouvelles perspectives

en faveur d’une solution chirurgicale pour le traitement du DT2, même en l’absence

d’une obésité importante associée.

Plusieurs techniques chirurgicales ont été évaluées chez des patients DT2 avec un

IMC < 35 kg/m², et même < 30 kg/m² : restrictives pures (cerclage gastrique ajustable),

malabsorptives pures (dérivation bilio-pancréatique) ou mixtes (dérivation gastrique

avec anse de Roux en Y).

L’avenir réside peut-être en des techniques innovantes combinant une restriction

gastrique (gastrectomie en manchon), une exclusion duodéno-jéjunale (éventuel-

lement avec mise en place d’une endoprothèse) et/ou une amplification des effets

intestinaux distaux (interposition iléale).

Avant de progresser d’une chirurgie bariatrique vers une chirurgie métabolique et de

considérer ce nouveau paradigme pour le traitement du DT2 sans obésité avérée, il

faut poursuivre une évaluation soigneuse du rapport bénéfices/risques des différentes

techniques proposées, non seulement à court terme, mais également à long terme,

en ce incluse une analyse pharmaco- et socio-économique.

Les points essentiels

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Pour la science

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Pour la science284

L’opération décrite par DePaula et al. est, en fait, très proche d’une diversion bilio-pancréatique avec un duodenal switch, tout en étant plus complexe sur le plan chirurgical et donc à plus haut risque théorique de complications, comme souligné récemment par Gagner [52, 53]. Néanmoins, DePaula et al. ont publié récemment la morbi-mortalité à 30 jours d’une grande série de 454 patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m2 [54]. Les auteurs concluent que l’opération est sûre, même s’ils rapportent une mortalité de 0,4 %, un taux de complications majeures de 6,4 % et un taux de complications mineures de 11,2 %.Par comparaison à la classique déri-vation gastrique avec anse de Roux en Y, cette procédure est sensée se montrer encore plus efficace sur le plan de l’homéostasie glycémique. En effet, ainsi que discuté dans un article précé-dent [6], la gastrectomie en manchon diminue davantage les taux de ghréline que le by-pass gastrique et l’interposition d’une anse iléale à un niveau plus proxi-mal devrait encore potentialiser davan-tage la réponse incrétine en GLP-1 [6]. À notre connaissance, il n’existe cepen-dant pas d’études publiées comparant directement l’efficacité et la sécurité de ces deux approches chirurgicales.

De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique

On est en train d’assister, manifeste-ment, à une évolution de la chirurgie du patient avec DT2, passant de la chirurgie bariatrique classique, réservée aux sujets avec une obésité sévère (IMC > 35 kg/ m2, voire > 40 kg/m2) [1-4, 10] à une chirur-gie métabolique, proposée à des per-sonnes sans obésité marquée, avec un IMC < 35 kg/m2, voire < 30 kg/ m2 [5, 13, 14, 55, 56].Le DT2 est une maladie complexe, com-binant déficits de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité. Il est caractérisé par une dégradation progressive du contrôle glycémique au cours du temps, liée à une perte inéluctable (jusqu’à pré-sent) de la capacité insulinosécrétoire de la cellule β. Par ailleurs, il est asso-cié à de nombreux autres facteurs de risque cardiovasculaire, ce qui explique

l’incidence élevée et la forte prévalence des accidents coronariens et cérébro- vasculaires. L’escalade thérapeutique qui s’en suit pour contrôler au mieux la glycémie et la polymédication pour cor-riger les nombreux facteurs de risque n’empêche pas le fait que les patients DT2 restent exposés à un risque élevé de complications et de décès prématuré. Force est donc de reconnaître que les approches médicales sont grevées de lacunes non négligeables [7].Dès 1992, Pories et al. mentionnaient, de façon provocante à l’époque, il est vrai, que le DT2 est une maladie « chirurgi-cale » [57] et, trois années plus tard, ils renchérissaient en proclamant « qui aurait

pensé qu’une opération est le meilleur traitement du DT2 ? » [58]. Quelque 15 années plus tard, il ne fait plus aucun doute que la chirurgie va occuper une place de plus en plus importante dans l’approche thérapeutique du DT2, en tout cas lorsqu’il est associé à une obésité et qu’il n’est pas suffisamment contrôlé par le traitement médical [3]. Suivant les tra-ces de Pories, Rubino a publié en 2008 un article intitulé « Le diabète de type 2, une maladie intestinale opérable ? Une hypothèse provocante pourtant raison-nable » [59]. Dans le même ordre d’idée, citons le titre d’un article récent paru dans la Revue Médicale Suisse : « Chirurgie du diabète : provocation ou réalité ? » [60].

La mutation de la chirurgie bariatrique en chirurgie métabolique [66, 67] ouvre la voie à

un nouveau paradigme dans le traitement du DT2, l’option d’une solution chirurgicale

en cas d’échec du traitement médical, même en l’absence d’obésité [13]. On se trouve

sans doute actuellement à un croisement dans la prise en charge du DT2 :

– soit les nouveaux traitements pharmacologiques proposés permettent d’améliorer

drastiquement la situation souvent largement imparfaite des patients DT2 ;

– soit le traitement médical demeure un échec ouvrant alors la porte à la chirurgie

métabolique comme alternative [64].

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que l’adhésion à une meilleure hygiène de vie repré-

sente la base même du traitement du DT2, a fortiori s’il existe un certain excès de poids.

Force est de constater cependant qu’adhérer au long cours aux conseils nutritionnels

est une tâche quasi impossible pour ces patients, de telle sorte qu’une aide chirurgi-

cale pourrait représenter une aide appréciable, voire, dans certains cas, la véritable

solution au problème [68].

Quoi qu’il en soit, avant d’adhérer à ce nouveau paradigme, il convient de disposer

d’études plus larges, non limitées à quelques équipes, bien contrôlées et couvrant une

période suffisamment longue de façon à pouvoir disposer d’une évaluation objective

quant au rapport bénéfices/risques de ce type d’approche. Une analyse pharmaco- et

socio-économique est également indispensable avant que les compagnies d’assurance,

publiques ou privées, acceptent le remboursement de ce type d’intervention chez des

patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m² [61, 69]. Une tentative d’analyse de ce type a été

entreprise récemment, mais n’a pris en considération que la technique du cerclage

ajustable qui, nous l’avons vu, ne paraît pas être la plus performante chez le patient

DT2 [69]. On attend également une estimation tant de la qualité de vie que de l’espé-

rance de vie (cette dernière requiert un recul suffisant) chez les patients DT2 traités par

chirurgie métabolique plutôt que par traitement médical conventionnel.

Rejeter d’emblée la chirurgie métabolique ne paraît guère justifié au vu des progrès

récents dans la compréhension des mécanismes hormono-métaboliques sous-jacents

et dans les techniques chirurgicales proposées. À l’inverse, se précipiter vers cette

solution chirurgicale semble à tout le moins prématuré et ne paraît pas raisonnable

en l’état actuel [60]. La devise « Wait and see » s’impose donc, mais en gardant une

ouverture d’esprit excluant a priori tout ostracisme. On est, en effet, peut-être à l’aube

d’une véritable révolution dans la prise en charge du DT2 !

Conclusion : vers un nouveau paradigme ?

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L’une des questions fondamentales, qui se pose déjà actuellement et qui se posera de plus en plus si la chirurgie métabolique prend son essor, est de savoir à quel patient DT2 proposer une solution chirurgicale [61]. Actuellement, il paraît raisonnable de réserver cette chirurgie en priorité aux patients DT2 les plus obèses, car ce sont sans doute eux qui tireront globalement le plus de bénéfices de l’intervention [61]. Il ne fait cependant pas de doute que l’on assiste à un changement de cap, ouvrant la porte à des patients DT2 sans obésité sévère, voire même avec un simple excès de poids [13]. Cette approche chirurgicale pourrait avoir une place particulière dans la population asiatique qui, on le sait, est confrontée à un risque élevé de DT2 dès que l’IMC est modérément élevé (par exemple > 25 kg/m2) [62]. Certains ont cependant mis en garde contre un engouement excessif pour la chirurgie métabolique chez les patients DT2 non obèses [60, 63]. Le risque hypoglycé-mique, dû à une sécrétion excessive d’insuline, a été mis en avant par cer-tains, même s’il paraît assez exception-nel [64]. Par ailleurs, plus on s’intéresse à des patients diabétiques avec un IMC < 30 kg/m2, plus il existe un risque de sélectionner des patients avec un diabète de type 1 lent plutôt qu’avec un DT2 vrai [65].Enfin, il faut tenir compte des compli-cations toujours possibles inhérentes à l’opération [54, 60]. Celles-ci doivent être mises en balance avec le risque naturel associé au DT2. À ce sujet, il ne faut sans doute pas négliger le fait que les progrès du traitement médical, grâce notamment à une approche globale intégrée, ont contribué à réduire substantiellement le risque cardiovasculaire des patients DT2 au cours des dernières années [9].

ADDENDUMDepuis la soumission de cet article, l’In-ternational Diabetes Federation a publié un document de consensus à propos de la place de la chirurgie bariatrique dans le traitement du patient diabétique de type 2 obèse. Ce document tente d’iden-tifier les patients diabétiques de type 2 éligibles pour la chirurgie bariatrique et ceux pour lesquels cette approche thé-

rapeutique doit être considérée comme une priorité. Selon ces recommanda-tions, les patients avec un IMC entre 35 et 40 kg/m2 doivent être considérés comme prioritaires et ceux avec un IMC entre 30 et 35 kg/m2 comme potentiel-lement éligibles pour la chirurgie baria-trique à condition qu’ils remplissent les critères suivants : HbA1c > 7,5 % malgré une thérapie conventionnelle optimisée, en particulier si le poids corporel est en augmentation ou si l’obésité est accom-pagnée de comorbidités non contrôlées par des traitements conventionnels (par exemple, hypertension artérielle, dyslipidémie, syndrome d’apnée du sommeil). Ce document ne positionne pas la chirurgie bariatrique chez les patients diabétiques de type 2 avec un IMC < 30 kg/m2.

Dixon JB, Zimmet P, Alberti KG, Rubino F on behalf of the International Federation Task Force on Epidemiology and Prevention. Bariatric sur-gery: an IDF statement for obese type 2 diabetes. Diabetic Med 2011;28:628-42.

Déclaration d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

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