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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 505 Avril 2011 L’accident nucléaire qui a frappé le Japon courant mars a suscité nombre d’inquiétudes, jusque dans les officines françaises où les questions concernant l’intérêt de prendre de l’iode en prévention d’une éventuelle contamination se sont multipliées. L e 11 mars dernier, un terri ble séisme de magnitude 8.9 sur l’échelle de Richter – le plus fort jamais enregistré dans le pays – suivi d’un tsunami touche le Nord Est du Japon. Le pays doit alors faire face à une catastrophe sanitaire et économique sans précé- dent. Mais très vite, l’explo- sion de la centrale atomique de Fukushima et les incendies des réacteurs entraînant des rejets de vapeurs radioactives dans l’atmosphère préoccu- pent la planète toute entière. L’accident nucléaire passe, de ce fait, au niveau 6, considéré comme accident grave sur une échelle de 7 (accident de Tchernobyl), d’après l’Autorité de sureté nucléaire française (ASN). La neige et la pluie ne font qu’empirer la situation en précipitant au sol les particules radioactives. La menace D’après le gouvernement japo- nais, des débits de doses allant jusqu’à 400 millisieverts (msv) par heure sont alors enregistrés près de la centrale. Les person- nes habitant dans un rayon de 30 km sont évacuées. En temps normal, la dose de radioactivité que reçoit, dans une année, le corps humain est de 2 à 3 msv. La principale source d’exposition artificielle est d’origine médicale puisque le scanner expose à des doses relativement importantes, jusqu’à 9 msv pour un scan- ner du thorax ou du bassin. À partir de 50 msv, le risque de cancer est faible mais existe. Les principales conséquen- ces de la radioactivité sur le corps humain sont la survenue de cancers de la thyroïde, du poumon, du sein et de la peau, des brûlures, une atteinte des organes reproducteurs et de la moelle osseuse, donc des cellules sanguines (hématies, lymphocytes et plaquettes), des leucémies, des nausées et vomissements, une diar- rhée, la perte des cheveux et des poils. L’iode en pratique Les inquiétudes se multiplient dès lors sur la Côte Ouest des États-Unis entraînant une ruée de la population sur les compri- més d’iodure de potassium. Panique ou simple principe de précaution ? Pour sa part et pour faire face à une éventuelle contamination, le gouverne- ment français a fait parvenir des comprimés d’iode à Saint- Pierre et Miquelon, en Nouvelle- Calédonie, en Polynésie fran- çaise et à Wallis et Futuna. Dans le même temps, les ques- tions affluent également dans les officines de la Métropole. L’iode, oligoélément naturel- lement présent dans l’eau ou l’alimentation, est nécessaire à la thyroïde pour sécréter les hormones thyroïdiennes T3 et T4. L’utilisation des comprimés d’iode n’est recommandée qu’en cas de contamination par l’iode radioactif afin de saturer la glande thyroïde qui, ainsi, ne peut plus le capter ou le fixer. Ils sont à la disposition immédiate de toute population habitant près de centrales nucléaires et des sujets se rendant dans les zones à risque. Toutefois, ils ne peuvent être délivrés que sur instruction formelle des autorités compétentes (préfets) car ils ne sont pas anodins et peuvent induire des effets secondaires (troubles digestifs, éruptions cutanées, allergie, hyperthyroïdie). Ils nécessitent d’observer des précautions d’emploi, notamment chez les nourrissons, les femmes enceintes et les sujets por- teurs de goitres anciens (risque d’hyperthyroïdie). Par ailleurs, pour être pleinement efficace, l’administration d’iode stable doit avoir lieu dans l’heure qui précède l’exposition et au plus tard 24 heures après, du fait d’une demi-vie très courte. L’iodure de potassium, dispo- nible en officine, se présente en comprimés dosés à 65 mg (ou iode stable) qui peuvent être administrés chez l’enfant (2 comprimés dès 12 ans ; 1 comprimé avant 12 ans ; 1/2 comprimé de 1 à 36 mois et 1/4 de comprimé jusqu’à 1 mois qui peut être dissous dans de l’eau, le lait ou un jus de fruit pour masquer le goût métallique) ou chez la femme enceinte (suivi obstétrical obli- gatoire au cours du 3 e  trimestre ainsi que du nouveau-né car cette dose massive d’iode peut induire un blocage de la fonc- tion thyroïdienne du fœtus). Le pharmacien doit expliquer et rassurer. Au niveau natio- nal et dans le monde entier, le débat sur le nucléaire et les nouvelles énergies est relancé. En France, un audit sur le parc nucléaire français comptant actuellement 19 centrales a ainsi été demandé par le gou- vernement à l’ASN.  Stéphane Berthélémy Pharmacien, Royan (17) [email protected] Environnement De la menace nucléaire à la ruée sur l’iode © Fotolia.com/Julien Rousset

De la menace nucléaire à la ruée sur l’iode

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Page 1: De la menace nucléaire à la ruée sur l’iode

6actualités

Actualités pharmaceutiques n° 505 Avril 2011

L’accident nucléaire

qui a frappé le Japon

courant mars a suscité

nombre d’inquiétudes,

jusque dans les officines

françaises où les

questions concernant

l’intérêt de prendre

de l’iode en prévention

d’une éventuelle

contamination se sont

multipliées.

Le 11 mars dernier, un terri ble séisme de magni tude 8.9 sur

l’échelle de Richter – le plus fort jamais enregistré dans le pays – suivi d’un tsunami touche le Nord Est du Japon. Le pays doit alors faire face à une catastrophe sanitaire et économique sans précé-dent. Mais très vite, l’explo-sion de la centrale atomique de Fukushima et les incendies des réacteurs entraînant des rejets de vapeurs radio actives dans l’atmosphère préoccu-pent la planète toute entière. L’accident nucléaire passe, de ce fait, au niveau 6, considéré comme accident grave sur une échelle de 7 (accident de Tchernobyl), d’après l’Autorité de sureté nucléaire française (ASN). La neige et la pluie ne font qu’empirer la situation en précipitant au sol les particules radioactives.

La menaceD’après le gouvernement japo-nais, des débits de doses allant jusqu’à 400 millisieverts (msv)par heure sont alors enregistrés

près de la centrale. Les person-nes habitant dans un rayon de 30 km sont évacuées. En temps normal, la dose de radioactivité que reçoit, dans une année, le corps humain est de 2 à 3 msv. La principale source d’exposition artificielle est d’origine médicale puisque le scanner expose à des doses relativement importantes, jusqu’à 9 msv pour un scan-ner du thorax ou du bassin. À partir de 50 msv, le risque de cancer est faible mais existe. Les principales conséquen-ces de la radioactivité sur le corps humain sont la survenue de cancers de la thyroïde, du poumon, du sein et de la peau, des brûlures, une atteinte des organes reproducteurs et de la moelle osseuse, donc des cellules sanguines (hématies, lymphocytes et plaquet tes), des leucémies, des nausées et vomissements, une diar-rhée, la perte des cheveux et des poils.

L’iode en pratiqueLes inquiétudes se multiplient dès lors sur la Côte Ouest des États-Unis entraînant une ruée de la population sur les compri-

més d’iodure de potassium. Panique ou simple principe de précaution ? Pour sa part et pour faire face à une éventuelle contamination, le gouverne-ment français a fait parvenir des compri més d’iode à Saint-Pierre et Miquelon, en Nouvelle-Calédonie , en Polynésie fran-çaise et à Wallis et Futuna.Dans le même temps, les ques-tions affluent également dans les officines de la Métropole. L’iode, oligoélément naturel-lement présent dans l’eau ou l’alimentation, est nécessaire à la thyroïde pour sécréter les hormones thyroïdiennes  T3 et T4. L’utilisation des comprimés d’iode n’est recommandée qu’en cas de contamination par l’iode radioactif afin de saturer la glande thyroï de qui, ainsi, ne peut plus le capter ou le fixer. Ils sont à la disposition immédiate de toute population habitant près de centrales nucléaires et des sujets se rendant dans les zones à risque. Toutefois, ils ne peuvent être délivrés que sur instruction formelle des autorités compétentes (préfets ) car ils ne sont pas anodins et peuvent induire des effets

secondaires (troubles digestifs, éruptions cutanées, allergie, hyperthyroïdie). Ils nécessitent d’observer des précautions d’emploi, notamment chez les nourrissons, les femmes enceintes et les sujets por-teurs de goitres anciens (risque d’hyperthyroïdie). Par ailleurs, pour être pleinement efficace, l’administration d’iode stable doit avoir lieu dans l’heure qui précède l’exposition et au plus tard 24 heures après, du fait d’une demi-vie très courte. L’iodure de potassium, dispo-ni ble en officine, se présen te en comprimés dosés à 65 mg (ou iode stable) qui peuvent être administrés chez l’enfant (2  comprimés dès 12  ans  ; 1  comprimé avant 12 ans  ; 1/2 comprimé de 1 à 36 mois et 1/4 de comprimé jusqu’à 1 mois qui peut être dissous dans de l’eau, le lait ou un jus de fruit pour masquer le goût métallique) ou chez la femme enceinte (suivi obstétrical obli-gatoire au cours du 3e trimestre ainsi que du nouveau-né car cette dose massive d’iode peut induire un blocage de la fonc-tion thyroïdienne du fœtus).Le pharmacien doit expliquer et rassurer. Au niveau natio-nal et dans le monde entier, le débat sur le nucléaire et les nouvelles énergies est relancé. En France, un audit sur le parc nucléaire français comptant actuellement 19 centrales a ainsi été demandé par le gou-vernement à l’ASN. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

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