De La Monarchie Parlementaire

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  • 8/6/2019 De La Monarchie Parlementaire

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    Hamid OURAZOUK

    De la monarchie parlementaireA notre poque, nombreux sont ceux qui croient que linstauration, au Maroc, dunemonarchie parlementaire est lunique voie qui mne vers le dveloppement et laprosprit. A force de la rpter, cette ide a fini par devenir un des dogmes les plusindiscutables chez beaucoup de nos politiques.Or, cette vision errone nest que la consquence immdiate dune autre erreur. Il sagitde lide, trs gnralement rpandue, que les institutions peuvent remdier auximperfections des socits, et que le progrs des peuples rsulte de la seule rforme desconstitutions.Certes, cette assertion est aussi vieille que la pense politique. Elle fut, tout au long delHistoire, le point dappui de toutes les rvolutions ayant secou les diffrentescivilisations. Mais est-il vrai que les changements sociaux soprent par le seulchangement des codes et des lois? Assurment, nous ne pouvons rpondre que par langative. Car nous pensons, linstar du sociologue franais Gustave Le Bon, que lesinstitutions sont filles des ides, des sentiments et des murs ; et quon ne refait pas lesides, les sentiments et les murs en refaisant les codes. Les peuples, crit Le Bon, nesont pas gouverns suivant leurs caprices dun moment, mais comme lexige leur

    caractre. Par consquent, aucun peuple na le pouvoir de choisir des institutions songr, pas plus quil na le pouvoir de choisir la couleur de sa peau.A ce propos, la Rvolution franaise reprsente lexemple typique des drames pouvanttre causs par la volont de transformer les destines des hommes travers le brusquechangement des rgimes politiques. Ignorant, en effet, que la grandeur dune nationdpend de son caractre et nullement de la forme de son gouvernement, les penseurs dela rvolution de 1789 prchrent la mise en place dun systme politique cr de toutepice. Cependant, leur action ne fut quun dsastre ayant conduit la France la dictature.A lheure actuelle, ce sont les amricains qui semblent suivre la mme chimre. En effet,les Etats Unis mnent, en Irak et en Afghanistan, deux guerres sanglantes dont le but estdimposer des institutions auxquelles est attribu le pouvoir magique de mtamorphoserles socits. Mais la rsistance des peuples irakien et afghan dmontre que lesconstitutions politiques nont nullement le pouvoir surnaturel dtre valable en tout lieu.

    Utiles un moment donn pour un peuple donn, elles peuvent tre nuisibles pour unautre.Malheureusement, cette loi, pourtant vidente, demeure mconnue de la part de tousceux qui rclament, avec un enthousiasme exaltant, une monarchie parlementaire auMaroc. Des personnes qui, pour tayer leur position, passent leur temps disserterphilosophiquement sur les limites de notre constitution actuelle ainsi que sur celles durgime auquel elle donne naissance. Un rgime au sein duquel ces adeptes de larationalit politique pensent que le monarque occupe une place de premire ordreclipsant, de la mme, les autres acteurs. Aussi ces mmes personnes considrent-elleslactivit royale parmi les facteurs perturbateurs de laction gouvernementale. Desconsidrations qui impliquent, leurs yeux, la ncessit dlaborer une nouvelle loifondamentale qui aura pour consquence la restriction des pouvoirs dvolues au Roi.Sans doute, les critiques formules, ainsi que les rformes prconises, sontparfaitement valables aux yeux de la raison pure. Or, ce nest point la raison qui mne la

    vie des peuples. Car quand nous voyons le notre, compos dethnies diverses, consacrerdes sicles defforts pour fonder cette forme de gouvernement que certains veulentchanger de manire subite ; quand nous constatons les puissants liens affectifs quiunissent les marocains leur Roi, nous pouvons conclure que notre systme politiquenest, en ralit, que le rsultat dinexplicables ncessits dont on ne souponne mmepas lexistence. De l, vouloir importer des institutions, aussi parfaites soient-elles, neserait que contraindre les marocains porter un vtement demprunt compltementtranger leur structure mentale.Deux raisons nous poussent croire quune monarchie agissante est, pour le moment,lune des conditions mme de la stabilit de notre socit :

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    * Elle est, en premier lieu, un facteur indispensable pour la cohsion nationale. Personnene peut, en effet, nier que les diffrentes composantes de la socit marocaine sont bienloin dtre fusionnes. Dans ce contexte, luvre la plus utile de la royaut fut toujoursde cimenter les divers lments de notre mosaque ethnique. Le roi reprsente donc, dece point de vue, un symbole qui cristallise autour de lui les aspirations de l ensemble descitoyens. Mconnatre cette ralit cest occulter lune des spcificits inhrentes notreparticularit nationale.

    * Dans un second lieu, linstitution royale est, selon nous, le seul acteur politique qui napas perdu sa crdibilit aux yeux du peuple marocain. A cet gard, les scnes deuphorie,par lesquelles le souverain est accueilli, sont minemment significatives. Elles sont, notre entendement, une preuve irrfutable des esprances normes que lesdplacements royaux font natre au fond des mes des citoyens. En revanche, les autresacteurs, notamment les partis politiques dont le rle primordial consiste encadrer lescitoyens, ne jouissent, eux, que de peu de popularit au sein des diffrentes couches dela socit. Certes, nous sommes ici devant lune des anomalies de notre vie politique laquelle lon doit imprativement mettre fin. Cest dire lutilit dentamer, dsmaintenant, des rformes susceptibles de redonner aux formations partisanes leur clatde jadis.Cependant, la rforme entreprise devrait innover pour se dbarrasser de lanomalie etnon pas pour crer un autre malaise plus grave que celui auquel on remdie. Cest l une

    rgle prcieuse qui devrait guider toutes les actions rformatrices qui se profilent lhorizon. Hlas! Certains esprits croient pouvoir agir sans quils aient besoin didesorientatrices de quelque nature quelle soit. Il sagit de ces esprits imprvoyants qui,ddaignant les ralits et ignorant que lon nexprimente pas sur une socit comme surdes cobayes, prtendent tre en mesure de remplacer, du jour au lendemain, un rgimeayant pris des sicles pour se former par un autre. En substituant linstitution royaledes institutions sans aucun clat, on risque de briser le lien ancestral qui nous a toujoursunis. Lheure prsente est peu favorable de tels bouleversements. Car ceux-ci sont,souvent, lorigine de brutales dchirures qui ne se rparent que difficilement.La rforme de nos institutions est certainement recommandable et toutes les forces vivesde la socit en attendent la ralisation, mais elle ne deviendrait utile qu la conditiondtre convenablement oriente.Il faudrait, notre avis, tablir de nouvelles relations entre nos institutions sans tropsloigner, toutefois, de leur schma actuel. Car lon ne doit pas perdre de vue, en aucun

    instant, que les institutions qui nous gouvernent sont lexpression des besoins de notreme collective, et ne sauraient, par consquent, tre, elles seules, la source des mauxdont souffre notre socit.Le sous-dveloppement de notre pays nest, avant tout, que le fruit de notre caractre.Un caractre qui ne pourrait tre transform quaprs de longs efforts ducatifs et,nullement, par le biais des seules rformes lgislatives. Dailleurs, lexemple chinoismontre parfaitement que les institutions nont aucune vertu intrinsque, et quelles nesont ni bonnes ni mauvaises en elles-mmes. En effet, la chine, se dveloppemerveilleusement malgr la dictature du parti unique laquelle elle est soumise, alorsque dautres, tels que les pays africains, vgtent dans la plus extrme pauvret bienquils soient, majoritairement, rgis par des constitutions dmocratiques.Cela nous mne conclure, en disant avec Le Bon, que cest un inutile exercice derhteur que de perdre son temps fabriquer des constitutions. La ncessit et le temps

    se chargent de les laborer, quand on laisse agir ces deux facteurs.24/3/2011