64
IUFM Orléans-Tours Année universitaire 2006 - 2007 MEMOIRE PROFESSIONNEL De la rencontre entre le petit prince et le renard au concept de l’amitié : Comment articuler littérature de jeunesse et discussions à visée philosophique ? Céline MANH Professeur des écoles stagiaire Directeur du mémoire : M. Bruno CHEVAILLIER

De la rencontre entre le petit prince et le renard au ... · Les Philo Fables (préface), Albin Michel, 2003, p.6. 6 Ministère de l’Education Nationale. Document d’application

Embed Size (px)

Citation preview

IUFM Orléans-Tours Année universitaire 2006 - 2007

MEMOIRE PROFESSIONNEL

De la rencontre entre le petit prince et le

renard au concept de l’amitié :

Comment articuler littérature de jeunesse et discussions à visée

philosophique ?

Céline MANH Professeur des écoles stagiaire

Directeur du mémoire : M. Bruno CHEVAILLIER

2

Céline MANH

Professeur des écoles stagiaire

Discipline : Formation générale

De la rencontre entre le Petit Prince et le Renard au concept d’amitié :

Comment articuler littérature de jeunesse et discussions à visée philosophique ?

Résumé : Ce mémoire professionnel tente de montrer comment on peut amener les élèves

à penser par eux-mêmes à partir de la littérature de jeunesse et dans le cadre de discussions à

visée philosophique.

Mots clés : littérature de jeunesse, discussions à visée philosophique, amitié

From the meeting between the Little Prince and the Fox to the concept of friendship:

How can we articulate youth literature and philosophical discussions ?

Summary : This professional report aims at showing how we can make our pupils think on

their own thanks to youth literature within the framework of philosophical discussions.

Key words : Youth litterature, philosophical discussions, friendship

Nombres de pages : 33

Nombres d’annexes : 10

Date de parution : mai 2007

Ce mémoire peut être consulté dans les centres de ressources documentaires de l’IUFM

Orléans-Tours (site d’Orléans).

3

De la rencontre entre le petit prince et le

renard au concept d’amitié :

Comment articuler littérature de jeunesse et discussions à visée

philosophique ?

4

«Dans cette fable charmante, [...] l'auteur raconte ses souvenirs de sa rencontre avec un petit bonhomme tout à fait extraordinaire, habitant d'une autre planète qui n'est pas plus grande qu'une maison. Peu à peu nous apprenons l'étrange histoire de cette créature minuscule -- le petit prince -- et comment il a commencé ses voyages vers sept planètes, qui l'ont apporté enfin à la Terre. En ce dernier lieu il apprend, grâce à un renard, le secret le plus important de sa vie. »

Le Petit Prince, Harcourt, Brace Jovanovich, Inc. 1941

5

SOMMAIRE

INTRODUCTION…………………………………………………………………….………7 I - ECLAIRAGES THEORIQUES ET INSTITUTIONNELS ……………… ………..…..8

1. La philosophie …………………………………………………..…………………….8

a) Qu’est-ce que la philosophie ? Qu’est-ce que philosopher ?...............................8 b) Philosopher avec des enfants ?...............................................................................8 c) Quelle place les Instructions Officielles accordent-elles aux pratiques philosophiques ? ……………………………………………………………………...9

2. La littérature de jeunesse ……………………………………………….………….10

a) Comprendre les textes littéraires…………….…………………………………10 b) Le débat interprétatif ……………………………………………….…………..10

3. De la littérature de jeunesse à la discussion à visée philosophique ………………11

a) La littérature de jeunesse éveille le lecteur au monde………………………...11 b) La discussion à visée philosophique et ses exigences intellectuelles………….12 c) Les objectifs de la discussion à visée philosophique…………………………...13

II - PRATIQUE DE CLASSE ET ANALYSE.………………………………... ………….15

1 - La mise en œuvre pédagogique…………………………………………………….. 15

a) Le choix du sujet……………………………….……...…………………..…… 15 b) L’organisation spatiale et matérielle………….………………….…………….15 c) L’organisation pédagogique ……………………………………………………16 d) La programmation des séances…………………………………………………16

2. Le cheminement progressif de la pensée des élèves…………………………...…..16

a) La problématisation (séance 4)…………………………….…………………...16 b) La conceptualisation………………………………………………………....….19

3. Bilans…………………………………………………………...…………………….22

a) Séance 1…………………………………………………………………….…….22 b) Séances 2 et 3………………………………….…………………………............22 c) Séances 5 et 6……………………..…………………………………………..….23

4. Des aides à la réflexion ……………………………...………………………………23

a) Le retour au texte……………………………………………………….….……23 b) Le rôle maître : quels gestes professionnels ? …………………………………25 c) Les écrits de travail………………………………………………….………......27

CONCLUSION ……………………………………………...………………………………29

6

BIBIOGRAPHIE…………………………………………………………………………… 30 TABLE DES ANNEXES ………………..………………………………….………………32

7

INTRODUCTION

On assiste aujourd’hui à un véritable engouement pour la philosophie avec les enfants.

En effet, la production éditoriale pour la jeunesse propose chaque année un nombre de plus en

plus important de titres permettant aux enfants de « goûter » au plaisir de penser tels que les

célèbres « Goûters Philo » de Brigitte Labbé et Michel Puech.

Ma curiosité m’a amenée à m’intéresser de plus près à ces ouvrages ; j’ai été séduite.

Travaillant la littérature de jeunesse avec une classe de CM2 dans le cadre de mon

stage en responsabilité filé, je me suis alors demandée comment je pouvais amener mes élèves

à « goûter » eux aussi au plaisir de penser pendant les temps consacrés à la littérature.

Ma réflexion s’est alors organisée autour de la problématique suivante :

Comment articuler littérature de jeunesse et discussions à visée philosophique ?

J’ai choisi de travailler le débat d’idées à partir du Petit Prince de St Exupéry afin

d’insérer ma démarche dans l’un des projet de la classe autour de l’oeuvre (spectacle de fin

d’année du Petit Homme, costumes « planètes – étoiles » pour le carnaval, etc.…).

Ma réflexion s’est accompagnée d’interrogations :

Comment le texte du Petit Prince allait-il permettre aux élèves de penser ? Serait-il un

prétexte ? L’illustration d’un problème ? Ou bien serait-il vraiment un support à la réflexion

des élèves ?

Par ailleurs, quels sont les moyens de faire progresser la pensée des enfants ? Quel est le rôle

du maître ?

J’ai alors émis les deux hypothèses suivantes :

1 - Le texte de littérature de jeunesse, grâce aux valeurs et aux questions universelles dont il

est porteur, va permettre à l’élève de penser et de réfléchir.

2 - Le maître peut aider à faire progresser la réflexion personnelle de l’élève, sans influencer

sa pensée.

Après avoir apporté un éclairage théorique et institutionnel sur les principaux concepts

de la problématique, j’analyserai les séances et données obtenues dans le cadre de ma pratique.

8

I. ECLAIRAGES THEORIQUES ET INSTITUTIONNELS

1. La philosophie

a) Qu’est-ce que la philosophie ? Qu’est-ce que philosopher ?

L’étymologie nous renvoie à l’origine grecque du mot qui signifie « l’amour de la

sagesse ». La sagesse repose sur la connaissance de soi. Le sage y parvient par la pensée

philosophique ordonnée à une fin : celle de la vérité.

Philosopher, c’est « penser, raisonner sur des questions philosophique ».1 Pour Anne

Lalanne, « la question philosophique est celle d’un être qui s’éveille et qui s’interroge sur le

monde, sur son être, sur son rapport au monde et aux autres… Interrogation qui est une

perpétuelle quête de sens animée profondément par une recherche de la vérité. »2

Elle ajoute que « philosopher, c’est d’abord réfléchir, c’est-à-dire faire un retour sur ces

représentations, les prendre pour objet de son étude pour au moins trois raisons ; « savoir ce

qu’on pense (en prendre conscience) ; savoir d’où on tient ce qu’on pense (quelle est

l’origine de ce savoir ?) et enfin jusqu’où ce savoir vaut comme savoir (c’est-à-dire qu’elle

est sa valeur rationnelle ?). »3

b) Faire de la philosophie avec des enfants ?

Il est à noter que la tradition scolaire française veut qu’on n’enseigne la philosophie

qu’en classe de Terminale. Cela signifie-t-il qu’on ne peut pas philosopher avec des enfants ?

Depuis ces dix dernières années, en France, de nombreux chercheurs, enseignants et

didacticiens se sont intéressés aux pratiques philosophiques à l’école et soutiennent qu’il est

possible de philosopher avec des enfants.

A l’école primaire, il n’est pas question d’étudier l’histoire de la philosophie, ni de

disserter sur les textes des grands philosophes. Kant, dans sa Théorie transcendantale de la

méthode, écrit qu’ « on ne peut apprendre la philosophie, on ne peut qu'apprendre à

philosopher". En effet, on n’apprend pas la philosophie parce qu’elle n’est jamais donnée en

tant que telle, mais on peut apprendre à philosopher, c’est-à-dire à penser par soi-même.

1 Le Petit Robert, Edition 2000. 2 LALANNE, Anne. Faire de la philosophie à l’école élémentaire, E.S.F., 2002, p 31. 3 Ibid, p 25.

9

Par ailleurs, il s’avère que les enfants, comme les adultes, se posent des questions sur

le monde et les grands problèmes de l’existence. Roger-Pol Droit, à propos du livre de Jostein

Gaarder, Le monde de Sophie, déclare in Le monde des livres, en février 1995 :

« Entre enfants et philosophes, il y a ce premier point commun : n’avoir jamais pu s’habituer au monde. Toujours trouver étonnant, inexplicable, déroutant le simple fait d’exister. Et puis poser des questions, insolubles et simples, et ne pas vouloir les laisser tomber. Et s’étonner continûment que les choses soient ainsi et pas autrement, ou même simplement qu’elles soient »4. En proposant des activités philosophiques aux enfants, il s’agit alors de les aider à

développer leur réflexion et leur permettre de « goûter » au plaisir de penser parce que,

comme Michel Piquemal l’écrit dans sa préface aux Philo-fables, « [les enfants d’aujourd’hui]

ont besoin de penser " grand " »5

c) Quelle place les Instructions Officielles accordent-elles aux pratiques philosophiques ?

La philosophie n’est pas directement inscrite dans les nouveaux programmes en tant

que discipline à part entière.

Cependant, nous lisons dans le document d’application des programmes Littérature

cycle 3 à propos de l’interprétation, qu’elle « prend, le plus souvent, la forme d’un débat très

libre dans lequel on réfléchit collectivement sur les enjeux esthétiques, psychologiques,

moraux, philosophiques qui sont au coeur d’une ou plusieurs oeuvre(s) ».6

Plus loin nous lisons encore que l’appropriation des œuvres littéraires « créé l’opportunité

d’échanger ses impressions sur les émotions ressenties, d’élaborer des jugements esthétiques,

éthiques, philosophiques et de remettre en cause des préjugés ».7

Par ailleurs, depuis la rentrée 2002, une demi-heure hebdomadaire de débat est inscrite

à l’emploi du temps des classes primaires, ce qui donne aux pratiques philosophiques un

cadre institutionnel où elles peuvent se développer en lien avec les autres disciplines.

2. La littérature de jeunesse

4 DROIT, Roger-Pol. in Le monde des livres, février 1995. 5 PIQUEMAL, Michel. Les Philo Fables (préface), Albin Michel, 2003, p.6. 6 Ministère de l’Education Nationale. Document d’application des programmes, Littérature cycle 3, SCEREN. CNDP ; 2002, p.6. (C’est nous qui soulignons.) 7 Ibid, p.6.

10

a) Comprendre les textes littéraires

La littérature est apparue en tant que discipline à part entière dans les textes officiels

de 2002 et vise la construction d’une « première culture littéraire. » 8

Le Document d’application des programmes Littérature cycle 3 insiste sur la nécessité

d’assurer la compréhension des textes littéraires à l’école primaire.

Pour commencer, il convient de distinguer la lecture littérale de la lecture littéraire. La

lecture littérale permet au lecteur de comprendre ce que le texte dit explicitement. Cette

lecture s’avère cependant insuffisante pour comprendre les textes plus complexes dits

« résistants », c’est-à-dire les textes dont le sens n’est pas donné immédiatement, qui

comportent une part importante d’implicite et des énigmes, ou sont polysémiques. C’est la

lecture littéraire qui va alors permettre de comprendre ce qui est implicite et ce qui est dit en

profondeur. En effet, lorsque qu’il n’est pas donné, le sens « se construit dans la relation

entre le texte, le lecteur et l’expérience sociale et culturelle dans laquelle celui-ci s’inscrit (la

signification d’une œuvre n’est pas intangible).»9

Il s’agit pour le lecteur d’interpréter le texte, de l’interroger et cela nécessite de sa part

qu’il se distancie du texte et qu’il prenne parti sur ce que dit le texte.

Pour illustrer nos propos sur ces deux niveaux de lecture et de compréhension, prenons

l’exemple du Petit Prince de Saint Exupéry.10 Dans le passage de la rencontre entre le petit

prince et le renard, la lecture littérale va permettre de comprendre, entre autres, que le

personnage principal rencontre un renard et que ce dernier va lui confier un secret.

L’interprétation du texte quant à elle pousse la compréhension plus loin : il ne s’agit plus

seulement de comprendre que le renard confie un secret au petit prince, ni en quels termes il

le fait, mais de comprendre précisément ce que son message signifie.

b) Le débat interprétatif

8 Ministère de l’Education Nationale. Document d’application des programmes, Littérature cycle 3, SCEREN. CNDP ; 2002, p.3. 9 Ibid, p.8. (C’est nous qui soulignons.) 10 Le Petit Prince de Saint Exupéry fait partie de la Liste de référence des oeuvres de littérature de jeunesse pour le cycle 3 figurant dans le Document d’accompagnement des programmes, Littérature (2) cycle 3. SCEREN. CNDP ; 2002.

11

L’un des outils préconisés par le Document d’application des programmes Littérature

cycle 3 pour aider les élèves à comprendre finement les œuvres littéraires et se les approprier

est le débat interprétatif :

« À la fin d’une séquence qui aura permis de parcourir entièrement une œuvre, il importe d’organiser un débat pour mettre à jour les ambiguïtés du texte et confronter les interprétations divergentes qu’elles suscitent. »11

Notons que tout récit est construit sur l’expérience du lecteur et que ce dernier étant

singulier, chaque lecture est singulière. Dans le débat interprétatif, les élèves vont confronter

leurs lectures de l’histoire et les apports de chacun vont éclairer le texte. Cela suppose des

élèves qu’ils se décentrent, c’est-à-dire qu’ils soient à l’écoute des propositions faites par les

autres.

Cependant, bien que les lectures puissent être multiples, elles ne sont pas toutes

recevables. C’est pourquoi chacune des interprétations proposées doit être justifiée par un

retour au texte, comme le précise le Document d’application des programmes Littérature

cycle 3 :

« Le recours à l’œuvre reste le critère du travail d’interprétation. Il est absolument nécessaire que l’élève prenne conscience que toutes les interprétations ne sont pas possibles et que certaines peuvent entrer en contradiction avec le contenu même du texte. »12

3. De la littérature de jeunesse à la discussion à visée philosophique

a) La littérature de jeunesse éveille le lecteur au monde Le Document d’application des programmes Littérature cycle 3 précise que :

« La littérature de jeunesse, qu’elle soit d’hier ou d’aujourd’hui, n’a jamais manqué de mettre en jeu les grandes valeurs, de montrer comment les choix qui président aux conduites humaines sont difficiles, et comment un être de papier (comme un être de chair) n’est jamais à l’abri des contradictions ou des conflits de valeurs qui guettent chacune de ses décisions. »13 Certains ouvrages de littérature de jeunesse sont en effet porteurs de valeurs qui vont

bousculer et interroger le monde.

11 Ministère de l’Education Nationale. Document d’application des programmes, Littérature cycle 3, SCEREN. CNDP ; 2002, p.8. (C’est nous qui soulignons.) 12 Ibid, p.8. (C’est nous qui soulignons.) 13 Ibid, p.6. (C’est nous qui soulignons.)

12

Pour Anne Touzeau, la « lecture philosophique » de ces textes amène alors à se poser

ces questions :

« Comment cette histoire résonne-t-elle en moi et pour les autres ? Qu’est-ce que cette histoire dit de moi, des autres et du monde qui m’/nous entoure ? » 14

Enfin, Michel Piquemal explique que «lorsque l’on veut dialoguer avec un enfant, on

a besoin de supports narratifs. Il est difficile d’appréhender par exemple les concepts de

liberté ou de justice de manière abstraite. Mais il est plus facile de le faire à partir de

Diogène et les lentilles ou de la célèbre fable de La Fontaine, le Loup et le Chien, (…). Car

ces récits nous posent de vraies questions. »15

Cela signifie que le texte narratif, parce qu’il mobilise la sensibilité et l’imaginaire de l’enfant

et parce qu’il pose de « vraies questions », fait réagir l’enfant et va déclencher sa réflexion. Le

texte littéraire est donc un apport précieux pour organiser des discussions philosophiques car

il aide l’enfant à interroger son rapport au monde et à autrui et donc à former son jugement

moral.

b) La discussion à visée philosophique et ses exigences intellectuelles

La discussion à visée philosophique se situe au-delà du débat d’interprétation. Il ne

s’agit plus de réagir par rapport à un texte et de construire des possibles mais d’aborder les

questions universelles formulées à partir d’un texte parce qu’ « apprendre à lire des histoires,

c’est (…) apprendre à lire sur les lignes, entre les lignes et hors des lignes. »16 C’est donc

passer du texte qui pose un problème à une question que l’on aborde dans son universalité,

comme l’explique Jean-Marc Lamarre lors d’un colloque en 2004 :

« Lorsqu’on passe d’une question posée dans le contexte d’une œuvre littéraire (l’histoire de tel personnage, par exemple) ou dans le contexte d’une situation nationale ou internationale (telle guerre, telle catastrophe écologique, etc.), à une question générale (Qu’est-ce que l’amitié ? Y a-t-il des guerres justes ?), le débat devient alors une discussion à visée philosophique. »17

14 TOUZEAU, Anne. Les activités à visée philosophique en classe, l’émergence d’un genre ?, Actes du colloque de Rennes : « Quelle pratiques de la philosophie à l’école et dans la cité ? » du 22-23 mai 2002, CRDP de Bretagne, p.137. 15 PIQUEMAL, Michel. Les Philo fables, Albin Michel, 2003. p6. (C’est nous qui soulignons.) 16 TAUVERON, Catherine (dir). Lire la littérature à l’école, Pourquoi conduire cet apprentissage spécifique ? De la GS au CM, Hatier, 2002, p.32. 17 LAMARRE, Jean-Marc. « Faire philosopher à l’école : les élèves ? les maîtres ? », Colloque international de l’IUFM de Basse-Normandie Caen, 24-25 novembre 2004.

13

Rappelons que l’objectif de tout débat réflexif est d’apprendre à penser par soi-même.

On peut alors se demander où commence la réflexion philosophique. Suffit-il que la question

de départ soit universelle, de type philosophique pour qu’elle soit traitée de façon

philosophique ?

Michel Tozzi explique que « si le langage est nécessaire à la pensée parce qu’il n’y a

pas de pensée sans langage, le langage ne suffit pas à la pensée. Il faut des exigences

intellectuelles. »18 En effet, il ne suffit pas de parler et d’interagir pour penser. De même que

réfléchir avant de parler n’implique pas nécessairement un discours philosophique.

Il ajoute que « dans les discussions sur [les] grandes questions de la vie, comme dans

toute discussion à visée philosophique, il y a trois types d’exigences : la conceptualisation, la

problématisation, et l’argumentation».19

En quoi consistent ces trois exigences intellectuelles ? Tentons de les définir.

La conceptualisation consiste à préciser ce dont on parle, le concept se définissant

comme une représentation mentale, générale et abstraite d’un objet possédant des attributs

essentiels. Il s’agit donc, à partir de son expérience ou de la confrontation avec celles des

autres, de définir les mots qui expriment les notions, d’en repérer les champs d’application, et

de procéder à des distinctions conceptuelles, c’est-à-dire rechercher en quoi certains mots sont

ou ne sont pas des synonymes (par exemple ami et copain). L’accès au concept permet alors

de préciser le sujet et de mieux comprendre les questions que l’on se pose.

La problématisation consiste à identifier et formuler le problème mis en jeu. Il s’agit

pour cela d’interroger les évidences, de poser les questions qui vont traduire ce qui fait

obstacle, ce qui apparaît comme une difficulté ou un doute.

Enfin, l’argumentation consiste à expliquer, à expliciter de façon rationnelle, la

véracité ou l’inexactitude d’une thèse défendue ou apportée.

Ces trois exigences sont un premier pas vers l’abstraction. Elles sont intimement liées et

vont garantir la « philosophicité », c’est-à-dire le caractère philosophique des discussions.

c) Les objectifs de la discussion à visée philosophique

Pour Anne Perrin, les ateliers de philosophie visent quatre objectifs :

18 POPET, Anne (propos recueillis par). « La vie, l’amour, la mort… Comment en parler ? », Le Journal des Instituteurs n°6, février 2006, p.19. 19 Ibid. p. 19.

14

• « Faire participer les enfants au grand débat humain sur les questions essentielles à

la vie […]. »

Cela va être possible, comme nous l’avons vu précédemment, grâce au questionnement

des valeurs véhiculées par certains textes littéraires.

• « La découverte par les enfants qu’ils peuvent produire de la pensée, issue de leur

propre source […]. »

L’enfant apprend à développer sa pensée réflexive pour trouver les réponses à ses

propres questions ; il grandit et se construit comme sujet pensant.

• « Permettre l’éveil de la pensée réflexive par la découverte du rôle de l’intériorité

dans l’élaboration de la pensée. »

La réflexion est le retour de la pensée sur elle-même. Au-delà du questionnement du

problème qui est à la base de toute réflexion philosophique, il y a le questionnement de

soi. A ce sujet, Michel Tozzi interroge : « La philosophie ne travaille-t-elle pas le

questionnement pour qu’il nous travaille ? » 20 Ainsi, dans la discussion à visée

philosophique, l’élève apprend à réfléchir, c'est-à-dire à dialoguer intérieurement avec

lui-même en même temps qu’il apprend à formuler sa pensée pour la partager avec les

autres élèves.

• « Faire l’ « expérience de démocratie » par laquelle le groupe devient une

communauté de chercheurs. » 21

L’exercice réflexif va permettre à l’enfant de construire sa pensée en s’interrogeant et en

confrontant son point de vue avec celui d’autrui. Michel Tozzi écrit dans son

introduction à L’éveil à la pensée réflexive à l’école primaire que la discussion à visée

philosophique « étaye une image de soi positive par l’expérimentation de sa dignité

d’être pensant, et favorise la coopération socio-cognitive. » 22

20 TOZZI, Michel. Cité par Anne TOUZEAU dans Les activités à visée philosophique en classe, l’émergence d’un genre ?, Actes du colloque de Rennes : « Quelle pratiques de la philosophie à l’école et dans la cité ? » du 22-23 mai 2002, CRDP de Bretagne, p.142. 21 PERRIN, Annick. « Ateliers de philosophie à l’école primaire. », Argos, n°26, décembre 2000. 22 TOZZI, Michel (coord.). L’éveil à la pensée réflexive à l’école primaire, C.N.D.P. Hachette éducation, 2001.

15

II. PRATIQUES DE CLASSE ET ANALYSE

1. La mise en œuvre pédagogique

a) le choix du sujet

Les séances mises en place ont été menées avec « mes » 28 élèves de CM2 dans le

cadre de mon stage en responsabilité filé. La classe n’a jamais été initiée aux pratiques

philosophiques mais est habituée à la prise de parole en grand-groupe grâce à l’instauration,

depuis le début de l’année scolaire, d’un temps de parole libre, quotidien (« Quoi de neuf ? »).

Les élèves ont assisté à la représentation du Petit Homme, une adaptation du Petit

Prince de Saint Exupéry, proposée par le Théâtre de Berlingot.

Suite à la représentation, j’ai pris un temps pour recueillir les impressions des élèves

sur le spectacle et l’histoire qu’elle racontait. De façon générale, ils n’ont pas aimé le

spectacle, le jugeant trop « enfantin ». Mais cela n’a pas empêché un grand nombre d’entre

eux de mettre en avant le thème de l’amitié et d’apprécier la scène de la rencontre entre le

renard et le petit prince : Yoann : « J’ai juste aimé quand le petit prince rencontre le renard. » Fanny : « J’ai adoré le moment où ils parlaient de l’amitié. » Marjorie : « Je me rappelle du renard qui expliquait au petit homme que pour être ami il ne suffit pas de dire : « On est ami », il faut se comporter comme un ami. » Ludivine : « J’ai aimé car dedans on parle de comment on se fait des amis. »

Cependant, les avis qui ont le plus retenu mon attention ont été ceux qui posaient la notion

d’amitié comme une évidence, du moins pour les « grands » enfants de CM2 qu’ils sont :

Elie : « C’était trop pour les enfants ; l’amitié, on sait déjà ce que c’est ! » Sarah : « Ça parle de l’amitié avec un renard et ça c’est bien pour les petits d’apprendre l’amitié. »

Cet échange à propos du spectacle m’a naturellement conduit à choisir de travailler

avec les élèves sur le concept de l’amitié, avec comme point de départ à la réflexion le

chapitre XXI23 du Petit Prince de Saint Exupéry.

b) L’organisation spatiale et matérielle

Afin de favoriser les échanges entre les élèves, il me paraissait important que tous les

23 Se référer à l’annexe 1.

16

élèves puissent se voir. La disposition du mobilier de la classe ne le permettant pas, nous

avons utilisé la salle polyvalente de l’école.

Chacune des discussions a été enregistrée à l’aide d’un magnétophone. Cela m’a

permis de retranscrire ce qui avait été dit au cours des séances.

c) L’organisation pédagogique

Toutes les séances ont été conduites avec le grand groupe-classe.

J’ai distribué la parole aux enfants dans l’ordre où ils la demandaient mais en essayant

de toujours donner la priorité à ceux qui ne s’étaient pas encore exprimés.

e) La programmation des séances

Six séances d’expérimentation ont été conduites. Les objectifs étaient les suivants :

Séance 1 :

- Spectacle

- Echanges spontanés sur la représentation et l’histoire du Petit Homme / Petit Prince

- Présentation de la séquence aux élèves

- Réalisation d’un tableau de synthèse sur les règles à respecter pour assurer le bon

déroulement d’une discussion

Séances 2 et 3 :

- Découverte du texte extrait du Petit Prince, chapitre XXI et lecture entendue24

- Travail sur la compréhension et l’interprétation de l’extrait

Séance 4 :

- Problématisation à partir de l’extrait

Séances 5 et 6 :

- Discussion réflexive organisée autour des questions philosophiques formulées et retenues

par les élèves à l’issue de la phase de problématisation, respectivement « Qu’est-ce que

l’amitié ?» et « Comment se faire des amis ? ». 2. Le cheminement progressif de la pensée des élèves

a) La problématisation (séance 4)

24 Le Petit Prince, texte lu par Pierre Arditi ; Editions Gallimard Jeunesse, mars 2004. CD Audio.

17

Lors de cette phase de problématisation, les élèves ont été confrontés à deux obstacles

majeurs liés au contrat didactique d’une part, et à l’exigence d’universalité que suppose la

questionnement philosophique d’autre part.

Au début de la séance, j’ai invité les élèves à chercher les problèmes posés par le texte.

Bien que les élèves aient compris ce à quoi renvoyait une question philosophique, suite à ma

question aucune proposition n’a été tentée. Cette difficulté me semble être directement liée au

contrat didactique. Rappelons que dans notre démarche, et plus particulièrement encore dans

la phase de problématisation, nous nous situons dans une pédagogie du questionnement. Il est

donc demandé aux élèves de trouver des questions et de les poser, ce qui implique un

renversement dans le contrat didactique25 : l’enseignant n’est plus celui qui pose les questions

et qui en connaît les réponses.

Les silences peuvent être interprétés grâce à l’analyse des attentes que les enfants ont

exprimées :

Maîtresse [III- 7]26 : « D’après vous, quels sont problèmes que le texte pose ? » (Silence)

Maîtresse [III- 8] : « Quelles sont les questions que le texte soulève ? » (Silence)

Maîtresse [III- 9] : « Vous avez compris ce qu’il faut faire ? » Damien [IV- 10] : « Bah pas trop en fait…Tu peux ré expliquer ? » Maîtresse [III- 11] : « Quand on fait une discussion philosophique, on réfléchit ensemble sur une question. On fera la discussion la semaine prochaine. Mais il faut que l’on trouve d’abord les questions sur lesquelles on va pouvoir discuter la prochaine fois, vous voyez ? » Elie [III- 12] : « Mais c’est pas toi qui pose les questions ? » Maîtresse [III- 13] : « Non, je ne pose pas les questions, pas cette fois. C’est à vous, à partir de ce que l’on a dit sur le Petit Prince, de ce que vous avez compris, qui allez essayer de trouver des questions. Des questions que vous vous posez, qui vous intéressent, dont vous souhaitez discuter… » (Silence) Alexian [III- 14] : « Mais tu la connais toi ou pas la question philosophique ? » Maîtresse [III- 15] : « Non… C’est à nous, à vous de la trouver. Et il n’y en n’a peut-être pas qu’une. Peut-être que vous vous posez plusieurs questions… »

Les interventions d’Elie [III- 12] et d’Alexian [III- 14] montrent bien leurs attentes par

rapport au statut que j’incarne : celui du maître, du référent qui pose les questions et qui en

connaît les réponses.

Face à ce changement dans le contrat didactique, quelques élèves ont été déstabilisés.

Prenons l’exemple de Damien :

25 Le contrat didactique désigne les attentes implicites entre l’enseignant et les élèves. 26 Les extraits de la discussion seront tous codés de la sorte : le nombre en chiffres romains renvoie au numéro du corpus, le nombre en chiffres arabes au tour de parole.

18

Damien [IV- 101] : « Bah oui. Oui, mais toi qui connais la différence entre copain et ami, c’est quoi la différence ? » Maîtresse [IV-102] : « Tu sais, comme je l’ai expliqué avant que l’on ne commence la discussion, je n’ai pas de réponses toutes faites pour chaque question que l’on se pose. Le but de la discussion est justement d’essayer de réfléchir ensemble. Mais bien sûr, j’ai un point de vue. » Damien [IV-103] : « Bah… c’est quoi pour toi ? » Maîtresse [IV-104] : « Tu veux mon avis sur la question ? » Damien [IV-105] : « Bah oui parce que je comprends pas trop. »

On comprend ici que Damien est persuadé que je possède la réponse à la question et semble

ne pas comprendre pourquoi je ne la donne pas. Le manque de réponse étant angoissant, il a

eu besoin d’être rassuré.

Ayant du mal à se placer dans une position de questionnement, les élèves ont eu des

difficultés à formuler des questions :

Laetitia [III-16] : « Bah comme question y’avait quand bah…quand le renard il demande au petit prince d’être ami. » Maîtresse [III-17] : « Alors si on cherche des questions, il faut formuler des questions… Est-ce que ce que tu viens de proposer, c’est une question ? » Laetitia [IV-19] : « Bah euh… si… bah si il partage bien ce qu’on dit avec lui… euh… qu’il répètera pas un secret… » Maîtresse [IV-20] : « Laetitia, est-ce que ce sont des questions que tu formules ? »

C’est ainsi que de façon spontanée, ils ont cherché non pas à poser les questions mais à y

répondre :

Maîtresse [III-39] : « D’autres questions que vous vous posez, auxquelles le texte vous fait penser ? » Anouk [III-40] : « C’est quoi l’amitié ? Qu’est-ce que c’est l’amitié ? » Maîtresse [III-41] : « Qu’est-ce que vous en pensez les autres ? » Sarah [III-42] : « Bah c’est avoir confiance en quelqu’un… » Maîtresse [III-43] : « Attends, je te coupe, on cherche juste à savoir si c’est bien une question philosophique. » Une autre difficulté dans cette phase de problématisation réside dans le fait que le

travail de questionnement philosophique supposait des élèves qu’ils passent du particulier au

général : d’un texte qui parle d’un petit prince et d’un renard, ils devaient parvenir à une

question générale, à une question philosophique. En d’autres termes, il ne s’agissait plus de

réagir par rapport au texte mais de passer du texte et de son sens à une ou plusieurs questions

à partir du texte.

Intéressons-nous aux interventions de Laetitia :

Laetitia [III-16] : « Bah comme question y’avait quand bah… quand le renard il demande au petit prince d’être ami. » Laetitia [III-18] : « (…) Bah la question c’est " Est-ce que tu veux être mon ami ? " »

19

Ici, on voit que l’élève ne parvient pas à se dégager de l’histoire, à décontextualiser sa

réflexion. En fait, elle a posé la question que le renard aurait pu poser au petit prince, ce qui

montre qu’elle s’est identifiée aux personnages, qu’elle est restée dans l’univers fictionnel.

Par la suite, en reprenant les questions alors formulées par les élèves, j’ai tenté de

montrer que même si des questions avaient été formulées, elles relevaient du particulier et non

du général et qu’en conséquence il n’était pas possible des les poser comme des questions

philosophiques :

Maîtresse [IV-26] : « Moi, quand vous me proposez ces questions « Est-ce que tu veux être mon ami ? », « Gardes-tu un secret ? » « Est-ce que tu les dis aux autres personnes ? », j’ai l’impression qu’elles ne s’adressent qu’à moi… »

Les élèves sont finalement parvenus à prendre assez de distance par rapport au texte et

à faire émerger des questions qu’ils se posaient, des questions à portée universelle.

Parmi toutes les questions proposées, la question qui a été retenue par les élèves pour

commencer la première discussion a été : « Qu’est-ce que l’amitié ? ». Les élèves ont bien

compris que c’est seulement si on sait ce qu’est l’amitié que l’on peut s’interroger ensuite sur

d’autres questions telles que « A quoi ça sert d’avoir des amis ? » ou « Comment se faire des

amis ? » :

Marjorie [III- 66] : « Qu’est-ce que c’est l’amitié ? » Maîtresse [III- 69] : « Les autres, est-ce que vous pensez que l’on pourrait commencer par se demander ce que c’est l’amitié ? » Maîtresse [III- 71] : « Pourquoi ? » Elie [III- 72] : « Bah c’est logique » Elie [III- 74] : « Bah euh… bah… bah... bah faut déjà savoir qu’est-ce que c’est qu’un ami pour pouvoir répondre aux autres questions. » Florian [III- 77] : « Bah oui, c’est le principal ». Enfin, on peut pointer le caractère philosophique de cette question grâce à l’amorce

« Qu’est-ce que » et à l’article défini « l’ », ici à valeur universelle. La philosophie se définit

par la recherche d’une définition générale abstraite : les enfants ont donc essayé de définir la

notion de l’amitié.

b) La conceptualisation

Le travail de conceptualisation a pris place dans la séance 4 consacrée à la discussion

sur la question « Qu’est-ce que l’amitié ? »

Un élève avait utilisé les termes « ami » et « copain » dans une de ses interventions. J’ai alors

saisi l’opportunité pour demander à l’ensemble du groupe si ces deux mots signifiaient la

même chose. D’un point de vue philosophique, il s’agissait pour les élèves d’établir une

distinction conceptuelle entre les deux notions.

20

Au cours de la discussion, un élève a demandé pourquoi on ne recourait pas au

dictionnaire pour obtenir la définition de ces mots :

Florian [IV- 108] : « Mais pourquoi on cherche pas dans le dictionnaire ? Comme ça on saurait tout de suite. » Maîtresse [IV- 108] : « Ce n’est pas le but… » Alexian [IV- 109] : «… Moi j’ai déjà cherché. » Maîtresse [IV- 110] : « Ah bon, et alors ? » Alexian [IV- 111] : « Bah, quand j’ai regardé « ami » y’avait marqué « copain » et quand j’ai regardé « copain » y’avait écrit « ami » donc c’est la même chose. » François [IV- 112] : « C’est normal, c’est des synonymes. » Maîtresse [IV- 113] : « Oui, mais nous avons vu en vocabulaire que les synonymes voulaient dire presque la même chose, mais jamais exactement la même chose. Il y a toujours une nuance et c’est cette nuance que l’on est en train de chercher. »

En recherchant la définition des mots « copain » et « ami » dans le dictionnaire, les élèves se

sont intéressés au lexique. Certes, cette recherche leur a permis de répondre aux questions

« Que signifie " ami " ?» et « Que signifie "copain " ? ». Or, les questions qui étaient en jeu

étaient : « Qu’est-ce qu’un " ami " ? » et « Qu’est-ce qu’un "copain " ? ».

Rappelons qu’en philosophie, il convient de distinguer le lexique du concept. Ainsi,

conceptualiser la notion d’" ami " par exemple, c’est se poser la question suivante : « Quelle

est la définition essentielle de l’amitié ? ». En d’autres termes, conceptualiser n’est ni définir à

l’aide du dictionnaire, ni rechercher de synonymes, mais consiste à dégager de la notion ses

attributs essentiels pour la définir.

A l’aide de nombreux exemples tirés de leur expérience et de leur réflexion sur la

distinction ami - copain, les élèves sont finalement parvenus à conceptualiser la notion

d’amitié.

Anne Lalanne27 a travaillé sur ce concept avec ses élèves, et en s’appuyant sur les travaux

d’Aristote28 elle définit l’amitié comme une relation qui :

• est un choix libre : on choisit d’être ou de ne pas être ami avec quelqu’un. C’est donc

une relation que l’on ne peut pas nous imposer.

Anouk [V- 76] : « Bah c’est comme si que pour être ami il faut être d’accord tous les deux comme on peut pas forcer les gens à être amis, c’est obligé qu’on soit d’accord. »

• se construit dans le temps :

Maîtresse [V- 12] : « " Comment faire pour avoir des amis ? " » François [V- 20] : « En fait le petit prince… non c’est le renard, il dit au petit prince que… qu’il faut du temps. » Maîtresse [V- 21] : « Du temps ? Du temps pour quoi faire François ? »

27 LALANNE A. Faire de la philosophie à l’école élémentaire, E.S.F., 2002, p 97. 28 Se référer à l’annexe 3.

21

François [V- 34] : « Bah faut être patient, c’est une question de temps. Il faut bien apprendre à le connaître l’ami. » Kiliann [V- 35] : « Bah déjà il faut se faire le copain et après l’ami, c’est pour ça qu’il faut du temps. » Lisa [V- 38] : « Oui, il faut beaucoup de temps si on veut apprendre à se connaître, pour savoir tout ce qu’il aime, tous les jeux qu’il aime bien, apprendre à lui faire confiance. »

• respecte les différences :

Elie [V- 39] : « (…) il faut avoir plusieurs rendez-vous. On se parle, on essaye de s’apprendre les uns… les qualités, les défauts, on se parle après on devient ami et puis voilà. Après on commence à s’apprendre, après on va se connaître. »

• est réciproque : entre amis on se console, on se défend… C’est aussi une relation de

partage (on partage ses secrets)

Agathe [IV- 154] : « Bah un ami on lui fait plus confiance et on peut lui dire des secrets sans qu’il les répète. (…) » Kiliann [IV- 115] : « Les amis, on pense souvent à leur écrire. Le copain tu l’oublies un peu plus qu’un ami. Et aussi bah les amis ça console, ça défend, c’est… et les copains ça consolent pas souvent. »

• est sans intérêt (Ce point n’a pas explicitement été souligné au cours des discussions.)

Quelques élèves ne parvenaient pas à distinguer l’amitié de la camaraderie entre

copains : Damien [IV- 95] : « Mais est-ce qu’on peut m’expliquer c’est quoi la différence entre ami et copain ? Ouais, c’est quoi ce qu’il y a de différent ? »

J’ai alors proposé aux élèves de marquer la distinction entre les deux notions à l’aide d’un

tableau. Ensemble nous sommes parvenus à la trace écrite suivante :

Un ami c’est quelqu’un …

Mais un copain c’est quelqu’un …

… avec qui on joue.

… avec qui on joue aussi.

… qu’on aime. … avec qui on partage une relation forte.

… qui ne compte pas vraiment.

… qu’on n’oublie pas. … avec qui on partage une relation durable.

… qu’on oublie parfois.

… à qui on fait confiance (on lui confie ses secrets).

… à qui on ne fait pas toujours confiance.

…qu’on connaît bien, depuis longtemps.

… qu’on connaît moins bien qu’un ami.

… avec qui on se dispute parfois, mais on se réconcilie vite.

… avec qui on se dispute, alors on peut changer de copain.

… qui ne nous laisse pas tomber, nous réconforte, nous aide, nous défend.

… qui nous laisse parfois seul, qui nous laisse tomber.

Remplir ce tableau alors que la discussion avait déjà commencé n’a pas été facile parce que

les élèves ont eu du mal, ce qui apparaît normal, à retrouver les nombreuses idées qu’ils

22

avaient proposées. Il aurait en fait fallu que je note dès le départ, et au fur et à mesure, les

points de distinction proposés par les élèves. Cela leur aurait très probablement permis d’y

voir « plus clair » et les aurait ainsi aidé dans leur réflexion.

3. Bilans

a) Séance 1

Dans un souci de donner du sens aux apprentissages, j’ai présenté le projet de la

séquence au cours de cette séance.

J’ai commencé par annoncer aux élèves que nous allions ensemble essayer d’apprendre à

penser à partir du Petit Prince et que notre réflexion s’organiserait sous forme de discussions.

J’ai ensuite expliqué qu’après avoir bien compris le texte, nous poserions des questions

philosophiques à partir du texte. J’ai défini les questions philosophiques comme étant des

questions à caractère universel, c’est-à-dire qui concernaient tous les hommes et par

conséquent les concernaient également. J’ai enfin précisé que ces questions n’avaient pas de

réponses immédiates ou définitives et que nous devrions donc y réfléchir ensemble pour

essayer d’y répondre.

Enfin, un tableau de synthèse29 portant sur les règles à respecter pour permettre le bon

déroulement d’une discussion a été réalisé collectivement et affiché dans la classe.

Je n’ai pas dans cette séance (ni dans les suivantes) insisté suffisamment sur les

exigences intellectuelles que supposait ce travail autour du Petit Prince, pour que les élèves

saisissent vraiment l’enjeu de ces séances. Il aurait par exemple été intéressant de distinguer

l’exemple de l’argument et de l’idée. Mon objectif premier était d’initier les élèves à la pensée

réflexive, mais il me paraissait également très important que les élèves prennent conscience

de ce qu’est penser. Or, à la fin de la séquence, nombreux sont les élèves à avoir déclaré qu’ils

n’avaient pas particulièrement appris à penser, parce qu’ils savaient « déjà penser »

b) Séances 2 et 3 30 :

L’objectif des ces deux séances étaient la compréhension et l’interprétation du texte.

J’ai choisi de travailler la compréhension et l’interprétation du texte conjointement car

je pense que l’interprétation, parce qu’elle cherche à éclairer les zones d’ombre, à lever

29 Se référer à l’annexe 2. 30 Se référer aux annexes 3 et 4 pour la retranscription des séances.

23

l’implicite du texte peut aider à comprendre. La compréhension et l’interprétation constituent

donc deux processus complémentaires, comme l’illustre cette citation de Catherine Tauveron :

« L’interprétation guide et nourrit la compréhension, elle éclaire certains points qui n’auraient pas été saisis ou qui demeuraient mystérieux. Les deux processus sont bien en interaction dialectique, ils s’enchaînent et se confortent. » 31

Je pense avoir manqué d’organisation dans la lecture du texte. En effet, j’ai progressé

linéairement dans le texte alors que les idées sont éparpillées dans tout l’extrait. Peut-être

aurait-il fallu dégager des thématiques pour y voir plus clair.

c) Séances 5 et 6 32:

Au cours de ces discussions, mes interventions n’ont pas toujours été pertinentes. Il

m’est par exemple arrivé d’entraîner les élèves vers le particulier, l’affectif au lieu de les

inciter à généraliser à partir de leurs exemples :

Elie [V- 33] : « Bah ça dépend. Bah il faut avoir plusieurs rendez-vous, qu’on se donne rendez-vous, on se donne des rendez-vous. On se parle, on essaye de s’apprendre les uns…, les qualités, les défauts, on se parle après on devient ami et puis voilà. Après on commence à s’apprendre, après on va se connaître. » Maîtresse [V- 34] : « Donc tu es d’accord avec ceux qui ont dit qu’il faut du temps ou pas ? » Elie [V- 35] : « Bah oui. » Maîtresse [V- 36] : « C’est comme ça que vous faites pour vous faire des amis ? » Alexian [V- 37] : « Bah oui, par exemple, des fois quand y’a des nouveaux qui arrivent, je vais le voir je fais « Salut, comment tu t’appelles ? » et tout ça, « Moi, je m’appelle Alexian » et tout ça, puis voila, c’est comme ça que ça arrive au début et ouais voila, et …et puis ça continue. »

Par ailleurs, à la fin de la deuxième discussion, aucune synthèse n’a été proposée.

Même si les élèves n’avaient plus rien à ajouter, il aurait fallu que je conclue moi-même la

discussion, d’autant plus qu’il s’agissait de la dernière séance de la séquence. Une conclusion

aurait permis de mettre en perspective les différentes réponses proposées par rapport à la

question de départ. Nous aurions alors pu voir que la question n’attendait pas une question

unique et définitive.

4. Les aides à la réflexion

a) Le retour au texte

31 TAUVERON, Catherine. « La lecture comme jeu, à l’école aussi » dans La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements, Les actes de la DESCO, SCEREN CRDP Versailles, 2004, p.41. 32 Se référer aux annexes 6 et 7 pour la retranscription des séances.

24

Au cours des discussions, les élèves ont à de nombreuses reprises fait référence à

l’extrait de départ (la rencontre entre le renard et le petit prince) et même parfois à d’autres

passages de l’œuvre.

Je pense que chaque retour au texte a aidé l’élève à penser. En effet, le texte :

� Aide à structurer la pensée :

Maëlle [IV- 141] : « De toute façon, c’est pas son physique qui compte. » Maîtresse [IV- 142] : « Alors, qu’est-ce qui compte ? » Maëlle [IV- 143] : « Ce qui compte c’est qui il est, c’est que c’est notre ami. » Ludivine [IV- 144] : « Euh… c’est pour dire que c’est comme " L’essentiel est invisible pour les yeux " ». Maîtresse [IV- 146] : « Ludivine, tu viens de citer une phrase du Petit Prince, c’est très intéressant. Je pense que vous vous en souvenez tous. Pourquoi tu as cité ce passage ? » Ludivine [IV- 147] : « C’est parce que Maëlle, elle a dit que c’est pas que le physique qui compte. »

Ici Ludivine [IV- 144] prend le texte comme référent parce qu’elle se rend compte qu’il

converge avec l’idée proposée par Maëlle [IV- 141]. Son retour au texte prouve qu’elle

réfléchit, qu’elle tisse les liens entre ce qu’elle a compris de l’extrait et ce qu’elle entend dans

la proposition de sa camarade. Elle pointe une analogie (« comme ») à tout le groupe, ce qui

peut aider à clarifier la pensée.

� Aide à approfondir l’idée :

Maîtresse [V- 27] : « Et qu’est-ce que ça veut dire " apprivoiser " ? » Fanny [V- 28] : « C’est créer des liens. » Maîtresse : [V- 29] : « Oui, c’est vrai, c’est comme cela que le renard l’explique, mais toi, comment est-ce que tu le comprends ? » Fanny [V- 30] : « Bah c’est le connaître… Apprendre à le connaître. »

De la formule « créer des liens » empruntée au renard, Fanny tire l’idée de la connaissance de

l’autre. C’est ainsi que dans un premier temps, créer des liens signifie pour elle « connaître ».

Elle parvient ensuite à pousser sa réflexion un peu plus loin et complète son idée. Le verbe

« créer » implique que quelque chose se construit, et « créer des liens » c’est alors

« apprendre à connaître ».

� Fait progresser l’élève dans le travail de conceptualisation :

Alexian [V- 43] : « Bah oui, par exemple, des fois quand y’a des nouveaux qui arrivent, je vais le voir, je fais « Salut, comment tu t’appelles ? » et tout ça, « Moi, je m’appelle Alexian » et tout ça, puis voila, c’est comme ça que ça arrive au début, et ouais voila, et… et puis ça continue. » Fanny [V- 50] : « En fait, quand on dit qu’il faut se connaître c’est pas que… que se dire « Salut et après jouer ». C’est… c’est aussi créer des liens. »

Fanny [V- 50] revient sur l’intervention d’Alexian [V- 43] et parvient, grâce à un retour au

texte, à pointer l’insuffisance de la thèse qu’il illustre avec un exemple en situation. Fanny a

compris ce que signifie « créer des liens » et cela lui permet de mettre en lumière une

25

distinction d’ordre conceptuel portant sur la connaissance : « connaître » c’est « créer des

liens », « connaître » ce n’est pas seulement « faire connaissance avec ».

Cet autre extrait de discussion montre comment l’histoire permet de dépasser le

singulier pour accéder à l’universel.

Agathe [70] : « Oui, mais je me souviens que y’avait écrit comme "Ma rose, je crois qu’elle m’a apprivoisé. " » Lisa [72] : « Bah la rose elle… peut-être qu’elle a partagé des choses avec le petit prince aussi. On n’en sait rien, elle a aussi peut-être apprivoisé le petit prince. » Maîtresse [V- 79] : Alors si j’ai bien compris l’idée, c’est que l’amitié c’est… c’est en fait une relation entre deux personnes. Le petit prince et sa rose sont amis parce que le petit prince a apprivoisé sa rose et que la rose a apprivoisé le petit prince, c’est ça ?

Les élèves soulignent les attentions réciproques du petit prince et de sa rose, ce qui nous a

permis de définir l’amitié comme une relation humaine (J’ai synthétisé ce qu’ils avaient

exprimé).

Je pense que le travail antérieur sur le texte (débat d’interprétation) a été réinvesti au

cours des discussions. Il apparaît clairement que les élèves retournent au texte non pas parce

qu’ils ne parviennent pas à s’en détacher (d’un point de vue affectif) mais parce que celui-ci

les aide à penser, à répondre aux questions qu’ils se posent.

b) Le rôle du maître : quels gestes professionnels ?

Mon objectif en mettant en place des discussions à visée philosophique a été de

permettre aux enfants de développer leur pensée réflexive. Je me suis alors demandée dans

quelle mesure les élèves étaient capables de penser seuls et cela m’a conduit à m’interroger

sur le rôle du maître dans la discussion à visée philosophique.

Je pense qu’afin de répondre aux exigences intellectuelles induites par la discussion

philosophique et conduire les élèves le plus loin possible dans leur effort de penser, le maître

doit les guider dans la réflexion.

Le rôle du maître est alors complexe puisqu’il doit trouver un équilibre entre sa

fonction de guidage et la libre expression de la pensée des enfants.

Je propose ici de mettre en avant quelques gestes professionnels que le maître peut

mettre en œuvre pour assurer le bon déroulement de la discussion et permettre aux élèves

d’aller vers l’abstraction, de pousser plus loin leur réflexion :

� Le maître rappelle les règles de la discussion afin d’assurer les meilleures conditions pour

les échanges : en effet, il est parfois difficile pour l’élève de se décentrer et de tenir compte du

point de vue de ses camarades.

26

Laetitia [IV- 68] : « Bah je disais que dans « amitié » y’a ami et dans « copain » y’a compagnie. » Damien [IV- 69] : « Bah non pas du tout. N’importe quoi ! » Maîtresse [IV- 70]: « Damien, on ne se moque pas, tu te souviens ? »

� Il s’adresse à l’ensemble des élèves et les invite à réagir aux affirmations émises : il s’agit

alors de développer l’interactivité entre pairs, de mettre les élèves en relation entre eux :

Maîtresse [IV- 75] : « Les autres, est-ce que vous pourriez essayer de répondre à Marjorie ? » Maîtresse [IV- 128] : « Qu’est-ce que vous pensez de ce qu’Alexian vient de dire ? Est-ce qu’on peut être copain et ami à la fois ? »

� Il invite les élèves à définir, à conceptualiser les notions en jeu pour préciser le sujet de la

réflexion :

Maîtresse [IV- 10] : « Kiliann a donc utilisé les mots « copain » et « ami », est-ce que pour vous ce sont deux choses identiques ? Est-ce que c’est la même chose ? » Maîtresse [IV- 15] : « (…) Certains disent qu’un copain et un ami c’est pareil, d’autres que c’est différent. C’est intéressant. Est-ce qu’on pourrait essayer de définir ces deux mots ? Qu’est-ce qu’un ami ? Et qu’est-ce qu’un copain ? »

� Il met en relation les différentes interventions afin de faire apparaître les points de

convergence…

Agathe [IV- 43] : « Bah un ami ça sert à quand on a des problèmes parce que tu peux te confier. » Maîtresse [IV- 44] : « Donc tu rejoins l’idée de Kiliann… »

� … ou de divergence, ce qui permet de relancer le débat :

Elie [IV- 45] : « Un copain c’est quelqu’un qu’on connaît bien, on le connaît plus qu’un ami. » Kiliann [IV- 46] : « C’est l’inverse. » Maîtresse [IV- 47] : « Ah, apparemment vous n’êtes pas d’accord entre vous … »

� Il précise la nature de l’intervention de l’élève, c’est-à-dire qu’il nomme les opérations

mentales effectuées ; cela va permettre de poser des repères dans la réflexion :

Lisa [IV-36] : « Par exemple un ami et un copain, c’est pas pareil parce que quand on a des problèmes, on va vers le copain et il nous dit « Va vers quelqu’un d’autre, je m’en fiche » ou des choses comme ça alors qu’un ami il vient nous réconforter. » Maîtresse [IV-37] : « Lisa, tu donnes un exemple pour illustrer ton idée, c’est intéressant. »

� Il encourage les élèves à exprimer, à verbaliser leur pensée. La mise en mots étant une

tâche difficile, il peut aider les élèves à formuler leurs idées mais il doit veiller à ne pas les

interpréter. Il demande alors à l’élève de confirmer la justesse de la (re)formulation.

Maëlle [IV- 159] : « Bah …copain et ami… c’est le mot qui est différent… » Maîtresse [IV- 160] : « Tu veux dire qu’il y a deux mots pour dire la même chose ? » Maëlle [IV- 161] : « Euh… non c’est pas la même chose… je sais pas comment expliquer… » Maîtresse [IV- 162]: « Essaye… Je vais essayer de t’aider…même les autres, vous pouvez l’aider … »

27

Maëlle [IV- 163] : « Bah par exemple, Elie il dit : « Un copain c’est comme un ami » …mais c’est pas ça… c’est… c’est… » Maîtresse [IV- 164] : « Qui peut aider Maëlle ? … Personne ? » Maîtresse [IV- 165] : « Si j’ai bien compris ton idée, tu penses en fait qu’Elie se trompe de mot, qu’il confond les mots « copain » et « ami » ? Est-ce que c’est ça que tu voulais dire ? » Maëlle [IV- 166] : « Oui. »

� Il reformule pour expliciter ou clarifier certains propos :

Alexian [V- 55] : « Mais si ils ont un peu raison quand même. Bah en fait à chaque fois on est obligé d’avoir un copain avant d’avoir un ami. Parce qu’un copain on le connaît de mieux en mieux et après il peut devenir notre ami. » PE [V- 56] : « Donc c’est le copain que l’on a bien appris à connaître qui devient l’ami, c’est ça que tu veux dire ? »

� Il recentre la discussion, notamment lorsque les élèves tendent à « tomber » dans l’affectif.

Son intervention va alors rediriger leur réflexion vers la question générale :

Lisa [IV- 79] : « Bah parfois on n’est pas toujours avec ses amies. Moi, ma meilleure amie, (…) on se dispute un peu et deux secondes après on redevient amies. Voilà, deux secondes, après, c’est fini. » Alexian [IV- 80] : « Ouais, les filles c’est comme ça. C’est comme Sarah et Aurélie. Elles se bagarrent et dix minutes après c’est fini. » (Rires) Maîtresse [IV- 80] : Alors si on revenait à la question de Marjorie ? Est-ce que pour être ami il faut être tout le temps ensemble ?

� Il encourage les élèves à approfondir et à argumenter les idées émises :

Elie [IV- 45] : « Un copain c’est quelqu’un qu’on connaît bien, on le connaît plus qu’un ami. » Kiliann [IV- 46] : « C’est l’inverse. » Maîtresse [IV- 47] : « Ah, apparemment vous n’êtes pas d’accord entre vous … » Elie [IV- 53] : « Euh…oui. Bah oui un copain tu peux faire des choses avec lui, que un ami tu viens de t’en faire un et tu le connais moins. » Anouk [IV- 54] : « Mais non c’est le contraire. » Maîtresse [IV- 55] : « Essayez d’expliquer pourquoi vous pensez que c’est le contraire. »

� Il utilise le tableau pour noter la question qui est au centre de la réflexion (cela aide les

élèves à ne pas s’écarter du sujet pendant le débat) et les éléments essentiels de la discussion.

L’écriture au tableau formalise la parole de chacun et va traduire la progression de la réflexion.

Par ailleurs, en organisant les idées relevées (par un tableau, un schéma, etc.), il peut mettre

en évidence ce que tous les élèves ne perçoivent pas clairement.

Le maître a un rôle très important dans la mesure où il est le garant de l’exigence de

pensée réflexive que suppose la discussion philosophique. L’étayage de l’adulte paraît alors

nécessaire voire indispensable.

28

Pour aider les élèves à développer et à affiner leur réflexion, il intervient au cours de la

discussion, mais à aucun moment il ne doit influencer leur pensée.

c) Les écrits de travail

Des écrits de travail ont été proposés avant et après les discussions.

Précédant les discussions, ils ont permis aux élèves de produire une réflexion

personnelle avant la confrontation aux autres. Au début des séances 2 et 5, j’avais posé

respectivement les questions « Que signifie le message du renard ? » et « Pour toi, qu’est-ce

que l’amitié ? »33. Les élèves se sont servis de leurs premières idées au cours du débat, ils les

ont complétées, confrontées et cela a permis d’enrichir et de construire la réflexion de tous.

Proposés en fin de discussion, ils ont permis aux élèves de faire un retour réflexif. A la

fin de la dernière séance, les questions posées étaient : « Qu’as-tu pensé de la séance et de ta

prestation ? Souhaiterais-tu améliorer quelque chose ? », puis « Qu’as-tu appris au cours de

ces discussions ? »34

Je pense qu’un travail d’écriture individuelle pour prolonger la réflexion aurait été très

intéressant, mais rien n’a pu être mis en place, faute de temps.

Si ces écrits ont été utiles dans la réflexion des enfants, ils l’ont également été pour

moi.

D’une part, ils m’ont permis de voir comment la pensée des enfants avait progressé

grâce à l’interaction avec leurs pairs et de mon questionnement.

D’autre part, je me suis rendue compte, souvent en fin de séance, que certains enfants

pourtant attentifs sont restés en retrait et n’ont pas pris la parole. Je me suis alors demandée

pourquoi : Etait-ce seulement dû à la timidité ? Comment remédier à ces silences ? S’ils

n’avaient pas participé, qu’avaient-ils fait alors ? J’ai ensuite compris, grâce à certains écrits

d’élèves et notamment celui de Julie35, que même si ces élèves n’intervenaient pas dans la

discussion, ils n’étaient pas pour autant passifs mais ils réfléchissaient bien comme leur

camarades.

Ainsi, les écrits de travail ont sans conteste contribué à développer la pensée réflexive

des élèves.

33 Se référer à l’annexe 9. 34 Se référer à l’annexe 9. 35 Se référer à l’annexe 10.

29

CONCLUSION

Grâce au sujet d’étude de mon mémoire et aux séances mises en place avec mes élèves,

j’ai vécu une expérience très enrichissante.

Tout d’abord, ils m’ont permis de valider mes hypothèses.

Mon objectif était d’initier les élèves à la pensée réflexive. Je me demandais au début

de ma réflexion, en quoi le Petit Prince de Saint Exupéry pouvait aider les élèves à penser.

Tout d’abord, parce qu’il donne une image du monde, et qu’il est porteur de valeurs, il s’est

avéré être un déclencheur de questions. En effet, c’est bien à partir du texte que les élèves ont

posé des questions, se sont posés des questions. Des questions à valeur universelle, dont ils

souhaitaient discuter parce que « ça (les) intéresse ». En outre, ce texte littéraire a également

aidé les élèves à réfléchir et à répondre à leurs questions. J’ai ainsi compris que la littérature

de jeunesse, parce qu’elle propose des ouvertures essentielles, fait grandir.

Ma dernière hypothèse concernait le rôle du maître. Quel devait être son rôle dans la

discussion ? Ma pratique et l’analyse que j’ai tentée d’en faire m’ont permis de comprendre

que le maître, par sa fonction d’étayage peut réellement aider l’élève à penser, à développer sa

réflexion.

Je pense pouvoir ajouter que même si tous les élèves n’ont pas pris conscience qu’ils

avaient un peu « grandi » au cours de cette expérience parce qu’ils avaient appris à penser

ensemble et surtout par eux-mêmes, ils ont pris du plaisir à participer à ces discussions. Ils ont

d’ailleurs été nombreux à exprimer leur souhait de recommencer à « faire des discussions ».

Il est certain que je ne suis qu’au début de ma réflexion; je souhaite vivement la

prolonger par d’autres expériences

Enfin, je souhaite clore mon travail par une citation d’Anne Lalanne qui traduit à la

fois toute mon appréhension du départ et le plaisir que j’ai finalement pris à mener ces

séances.

« Personne ne sait d’avance sur quoi va déboucher le thème débattu et c’est ce qui fait à la

fois la difficulté d’une telle entreprise mais aussi sa valeur. »36

36 LALANNE, A., Faire de la philosophie à l’école élémentaire, E.S.F., 2002, p.24.

30

BIBLIOGRAPHIE

TEXTES OFFICIELS

Ministère de l’Education Nationale. Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, SCEREN, CNDP 2004, 352 pages. Ministère de l’Education Nationale., Document d’application des programmes, Littérature cycle 3, CNDP, 2002, 64 pages. Ministère de l’Education Nationale., Document d’accompagnement des programmes, Littérature cycle 3 (2), CNDP, 2004, 128 pages.

OUVRAGES PEDAGOGIQUES

LALANNE, Anne. Faire de la philosophie à l’école élémentaire, E.S.F., 2002, 126 pages. MIRI, Nadia; RABANY, Anne. Littérature : Album et débat d’idées cycle 3, Bordas 2003, 128 pages. PERRIN, Annick. « Ateliers de philosophie à l’école primaire. », Argos, n°26, décembre 2000. PIQUEMAL, Michel. Les Philo Fables, Albin Michel, 2003. 128 pages. RABANY, Anne. « De la bibliothèque à la classe : susciter un débat philosophique à partir de la littérature de jeunesse » in Tozzi M. (sous la dir.), Les activités à visée philosophique en classe, l’émergence d’un genre ?, Actes du colloque de Rennes : « Quelles pratiques de la philosophie à l’école et dans la cité ? » du 22-23 mai 2002, C.R.D.P. de Bretagne, 2003, pp 143- 157. TAUVERON, Catherine. « La lecture comme jeu, à l’école aussi » dans La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements, Les actes de la DESCO, SCEREN CRDP Versailles, 2004, 160 pages. TAUVERON, Catherine (dir). Lire la littérature à l’école, Pourquoi conduire cet apprentissage spécifique ? De la GS au CM, Hatier, 2002, 351 pages. TOUZEAU, Anne. « Vers une lecture philosophique de l’album » in Tozzi M. (sous la dir.), Les activités à visée philosophique en classe, l’émergence d’un genre ?, Actes du colloque de Rennes : « Quelle pratiques de la philosophie à l’école et dans la cité ? » du 22-23 mai 2002, CRDP de Bretagne, 174 pages. Tozzi Michel (coord.), L’éveil à la pensée réflexive à l’école primaire, C.N.D.P. Hachette éducation, 2001, 125 pages.

Le monde des livres, février 1995.

31

Le nouvel éducateur, « « Je pense donc je suis », Le débat philo dans la classe, n° 175, janvier 2006

SITOGRAPHIE

Site de l’IUFM d’Orléans-Tours. Travaux du groupe autoformation « La philo à l’école » : http://www.orleans-tours.iufm;fr/ressources/ Site de Diotime l’Agora, Revue internationale didactique de la philosophie à l’école : http://www.crdp-montpellier.fr/ressources/agora/ PERRIN, Annick. « Les débats à partir de la littérature : une voie indirecte qui contribue à la formation du sujet-enseignant ».

32

TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 Le Petit Prince de Saint Exupéry – chapitre XXI………………………………………..…….1 ANNEXE 2 Tableau des règles de la discussion élaboré avec les élèves …………….………………..…...4 ANNEXE 3 Corpus I - Retranscriptions de la séance 2 : Compréhension / Interprétation (1) ……….……5 ANNEXE 4 Corpus II - Retranscription de la séance 3 : Compréhension / Interprétation (2) ……….…...10 ANNEXE 5 Corpus III - Retranscription de la séance 4 : Problématisation……………………………….14 ANNEXE 6 Corpus IV - Retranscription de la séance 5 : Qu’est-ce que l’amitié ? ……………….…...…17 ANNEXE 7 Corpus V - Retranscription de la séance 6 : Comment se faire des amis ? ………………..…24

ANNEXE 8 La conceptualisation de l’amitié par Aristote ……………………………………...…...……29 ANNEXE 9 Ecrits de travail………………………………………………………...……………………..30 ANNEXE 10 Ecrits de travail de Julie………………………….……………………………………..…….32

ANNEXE 1

Le Petit Prince de St Exupéry - Chapitre XXI

CHAPITRE XXI

C'est alors qu'apparut le renard : - Bonjour, dit le renard. - Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien. - Je suis là, dit la voix, sous le pommier. - Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli... - Je suis un renard, dit le renard. - Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste... - Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé. - Ah! Pardon, fit le petit prince. Mais, après réflexion, il ajouta : - Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ? - Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ? - Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ? - Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ? - Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ? - C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens..." - Créer des liens ? - Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde... - Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé... - C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses... - Oh! Ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince. Le renard parut très intrigué : - Sur une autre planète ? - Oui. - Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ? - Non. - Ça, c'est intéressant ! Et des poules ? - Non. - Rien n'est parfait, soupira le renard. Mais le renard revint à son idée : - Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas

2

de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé... Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince : - S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il. - Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître. - On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! - Que faut-il faire ? dit le petit prince. - Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près... Le lendemain revint le petit prince. - Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites. - Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince. - C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances. Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche : - Ah ! dit le renard... Je pleurerai. - C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise... - Bien sûr, dit le renard. - Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince. - Bien sûr, dit le renard. - Alors tu n'y gagnes rien ! - J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. Puis il ajouta : - Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret. Le petit prince s'en fut revoir les roses : - Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisé et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde. Et les roses étaient bien gênées. - Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle

3

dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose. Et il revint vers le renard: - Adieu, dit-il... - Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. - L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir. - C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. - C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir. - Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose... - Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir.

4

ANNEXE 2

Tableau des règles de la discussion élaboré avec les élèves (séance 1)

Pour qu’une discussion se déroule bien …

Il faut :

- travailler, réfléchir, chercher des idées

- accepter les réponses des camarades - s’écouter et regarder - être respectueux et poli - parler fort mais pas trop - lever le doigt pour parler - avoir un bon langage - être sérieux

Il ne faut pas :

- couper la parole - parler en même temps - bavarder - se bagarrer

5

ANNEXE 3

Corpus I

Retranscriptions de la séance 2 : Compréhension / Interprétation (1)

1. Maîtresse : « Qui sont les deux personnages que l’on trouve dans ce passage ? » 2. Anaïs : « Le renard et le petit prince. » 3. Maîtresse : « D’accord, et qu’est-ce qui se passe dans l’histoire ? » 4. Florian : « Bah le renard il demande au petit prince à l’apprivoiser. » 5. Maîtresse : « Il lui demande de l’apprivoiser. Pourquoi ? » 6. Agathe : « Parce que c’est pas un ami. » 7. Fanny : « Il veut se faire un ami. » 8. Agathe : « Oui, pour avoir un ami, pour qu’il soit plus tout seul le renard. » 9. Maîtresse : « Vous vous rappelez pourquoi le petit prince est seul ? » 10. Elie : « Parce qu’il a quitté sa rose. » 11. Damien : « Il s’ennuie. Il est triste aussi. » 12. Florian : « Il a envie de jouer. » 13. François : « Oui, mais il lui dit qu’il ne peux pas jouer avec lui parce qu’il l’a pas

apprivoisé. » 14. Maîtresse : « François, tu parles de qui ? » 15. François : « Bah du renard. Il dit que le petit prince doit l’apprivoiser pour pouvoir

jouer ensemble. » 16. Maîtresse : « Vous avez dit que le petit prince se sentait triste. Comment se sent le

renard ? » 17. Agathe : « Il se sent semblable à cent mille renards. » 18. Sarah : « J’ai pas compris… Est-ce que tu peux répéter s’il te plaît ? » 19. Maëlle : « C’est parce que le renard est semblable à cent mille renards. » 20. Maîtresse : « Qu’est-ce que vous comprenez ? » 21. Laetitia : « Bah il se sent semblable à cent mille autres… euh… à cent mille renards. » 22. Maîtresse : « Que pensez-vous de la réponse de Laetitia ? » 23. Damien : « Bah non, parce que ça répond pas à la question. » 24. François : « Bah le renard, il dit que pour le petit prince il est semblable à cent mille

renards. » 25. Anouk : « Il est pas heureux. » 26. Maîtresse : « Pourquoi ? » 27. Florian : « Parce qu’il doit servir les poules et les hommes le chassent. » 28. François : « Il est malheureux parce que les hommes le chassent. » 29. Agathe : « Parce que sa vie est monotone. » 30. Maîtresse : « Qu’est-ce que ça veut dire "monotone" ? » 31. Maëlle : « C’est toujours la même chose. » 32. Elie : « Sa vie n’a pas de sens. Mais si le petit prince il veut bien l’apprivoiser, après

sa vie elle sera plus pareille. » 33. Maîtresse : « Et pourquoi ça ? » 34. Elie : « Bah elle sera plus pareille, sa vie elle sera plus monotone puisqu’il aura des

amis, donc forcément... bah voilà quoi. » 35. Maîtresse : « "Sa vie ne sera plus monotone"… Qu’est-ce que ça va lui apporter d’être

apprivoisé ? »

6

36. Anaïs : « Bah il se fera plus chasser parce que le petit homme va l’aider. » 37. Sarah : « On n’a pas entendu. » 38. Maîtresse : « Qui peut répéter ou reformuler ce qu’a dit Anaïs ? » 39. Elie : « Bah Anaïs elle a dit que… elle a dit que le petit prince, si il apprivoisait le

renard, le renard il sera plus chassé par les chasseurs. » 40. Maîtresse : « Qu’est ce que tu en penses ? » 41. Elie : « C’est bien. » 42. Maëlle : « C’est pas vrai… Parce que le pas du chasseur ça le fait rentrer dans son

terrier alors que si c’est le pas du petit prince ça va le faire sortir du terrier. » 43. Elie : « Bah oui, mais comment il peut différencier ? » 44. Alexian : « Bah oui, c’est vrai ça. » 45. Anouk : « Mais il va pas venir quand y’a les chasseurs. » 46. Agathe : « Mais vu que les blés ont la même couleur que les cheveux du petit prince,

eh bah le renard en regardant les blés, il va penser au petit prince. » 47. Maîtresse : « Ah, c’est une nouvelle idée. Quelqu’un veut compléter ? » (Silence) 48. Maîtresse : « On y reviendra. Tout à l’heure, Maëlle disait que le renard était

semblable à cent mille renards pour le petit prince. Quand le renard dit : « Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards.», qu’est-ce que vous comprenez ? »

49. Agathe : « C’est que sa vie ça l’énerve un peu parce que c’est toujours la même chose, ça se répète en boucle. »

50. Maîtresse : « Laetitia, tu suis ? » 51. Laetitia : « Bah oui. » 52. Maîtresse : « Alors, tu en penses quoi ? » 53. Laetitia : « Bah je sais pas trop… » 54. Maëlle : « Bah c’est parce qu’il commence à s’ennuyer. Il est un petit peu triste. » 55. Agathe : « C’est pour lui raconter sa vie. » 56. Anaïs : « Bah en fait, ce qu’il comprend c’est que… enfin… il veut dire que de toute

façon il… il se dit qu’il va se faire chasser par les chasseurs alors ça sert à rien… qu’il joue avec moi ou quelque chose comme ça. »

57. Maîtresse : « Les autres, est-ce que vous pensez que c’est ce qu’il veut dire ? » 58. François : « Bah en fait il parle d’une chaîne alimentaire un peu ; il mange la poule et

les hommes le tuent et voilà. En fait il tue les poules et les hommes le tuent. » 59. Maîtresse : « Je vous relis le passage. « Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon

tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. » Pourquoi est-ce que le renard dit au petit prince qu’il est semblable à cent mille petits garçons ? »

60. Elie : « Parce que c’est tous le même garçon. » 61. Alexian : « Parce qu’ils sont toujours pas amis. » 62. Cindy : « Parce qu’il ne l’a pas encore apprivoisé, il a pas encore… ils n’ont pas

encore jouer ensemble. » 63. François : « Bah en fait il dit : « Si tu m’apprivoises, tu seras unique pour moi et je

serais unique pour toi ». Donc forcément ça sera pas le même garçon que les autres. » 64. Maëlle : « Il le connaît pas très bien encore. Mais il veut l’apprivoiser et après il sera

différent parce qu’il le connaîtra mieux. » 65. Maîtresse : « Alors quand on apprend à bien connaître une personne, elle finit par être

différente des autres, c’est ça que vous voulez dire ? »

7

66. Maëlle : « Oui, on connaît pas les autres personnes donc on sait pas comment elles sont, mais si on se connaît entre nous, oui alors après on est différent. »

67. Maîtresse : « Vous dites que le renard veut être apprivoisé. Que veut dire ce mot, « Apprivoiser » ? »

68. Agathe : « Créer des liens. » 69. Maîtresse : « D’accord… et qu’est-ce que ça veut dire "créer des liens" ? » 70. Yoann : « C’est le petit prince qui va savoir plus de choses sur le renard et le renard

qui va savoir plus de choses sur le petit prince. Ils vont faire des liens. » 71. Maîtresse : « Qu’est-ce que c’est un lien au fait ? » 72. Fanny : « C’est quand on se connaît… » 73. Anouk : « Ça sert à se connaître. » 74. Fanny : « Être uni. » 75. Anaïs : « Bah quand on est marié, on dit : "Vous êtes unis par les liens du mariage. " » 76. Maîtresse : « Oui, c’est un bon exemple. » 77. Agathe : « Alors là, le renard et le petit prince, c’est comme si qu’ils vont être unis par

les liens de… l’amitié. » 78. Anouk : « Apprivoiser, c’est comme devenir ami ». 79. Maîtresse : « "Apprivoiser, c’est comme devenir ami"… Et si le petit prince

apprivoise le renard, à votre avis, qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce que ça va changer quelque chose dans sa vie ? »

80. Anaïs : « Bah il va l’emmener sur sa planète. » 81. Yoann : « Une fois que le petit prince aura apprivoisé le renard il va en être

responsable. » 82. Fanny : « Sa vie va être ensoleillé et il sera plus tout seul. » 83. Mervé : « Il sera content… » 84. Maud : « … Parce qu’il aura un ami. » 85. Maîtresse : « Pourquoi le petit prince dit : " Il y a une fleur, je crois qu’elle m’a

apprivoisé " ? » 86. Elie : « Y’a une fleur, elle s’est liée avec moi en amitié. » 87. Damien : « Bah ils ont fait… ils ont été apprivoisés tous les deux… je sais pas

comment expliquer… ils sont devenus amis… » 88. Maîtresse : « Comment est-ce que le petit prince sait que la rose l’a apprivoisé ? » 89. Damien : « Bah il le sait… » 90. Anaïs : « Bah on voit s’ils ont créé des liens ensemble. » 91. Maëlle : « Grâce à l’explication du renard. » 92. Maîtresse : « Explique. » 93. Maëlle : « Bah il a discuté avec le renard et le renard, il lui a dit : " Va voir les roses et

tu verras que ta rose elle est unique au monde". » 94. Elie : « Oui, elles sont uniques. » 95. Maîtresse : « Elles sont ? Elles sont plusieurs ? De qui est-ce que tu parles ? » 96. Elie : « Bah les roses. » 97. Maîtresse : « Lesquelles ? Toutes celles du champ de roses ? » 98. Elie : « Non, celles qu’il a apprivoisées… enfin, je sais pas… On parle des quelles

roses ? » 99. Aurélie : « C’est sa rose, celle qui est sur sa planète… »

100. Elie : « Mais y’en a qu’une seule ? Sur une planète ? » 101. Maîtresse : « Oui, sur la planète du petit prince. Alors tu disais qu’elle était unique… » 102. Elie : « Oui, y’a que elle…, il l’a apprivoisé… et il l’aime. » 103. Maîtresse : « Et vous vous souvenez de la réaction du petit prince quand il découvre le

champ de roses ? »

8

104. Fanny : « Bah il dit que même si elles sont toutes belles, que c’est pareil que sa rose mais aussi que c’est pas pareil. »

105. Maîtresse : « Est-ce que tu peux expliquer ce qui est pareil et ce qui n’est pas pareil ? » 106. Fanny : « En fait, il a vu que sa rose à lui bah… elle était pas unique. » 107. Maîtresse : « Donc ça veut dire que la rose du petit prince n’est pas unique, c’est

ça ? » 108. Alexian : « Bah non… C’est… Au début il croyait déjà que c’était la seule rose dans

tout l’univers et dès qu’il les a vues dans le champ de roses, il a vu que c’était pas vrai et après il commencé à être un peu triste, et après il a rencontré le renard, il est allé revoir les roses pour leur dire que sa rose était unique au monde. »

109. Maîtresse : « Ah d’accord… Quelqu’un souhaite ajouter quelque chose ? » 110. Cindy : « C’est par rapport à la rose… Il dit aussi que si sa rose voyait ça elle serait en

colère. » 111. Maîtresse : « Oui. » 112. Anaïs : « C’est pour dire que si il a vu un champ de roses euh… ces roses qu’il a vues

dans le champ de roses, eh ben… eux ils parlaient pas, eux… ? » 113. Maîtresse : « Elles, elles ne parlaient pas. » 114. Elie : « Bah la rose non plus elle parlait pas. » 115. Maîtresse : « Je ne crois pas que les roses parlent en effet, on pourra vérifier dans le

livre. En fait, c’est le petit prince qui leur parle… Mais Anaïs, est-ce que le fait de ne pas parler, ça empêche les roses d’avoir des sentiments, d’être en colère par exemple ? »

116. Anaïs : « Bah non. » 117. Maîtresse : « Et quand le renard demande au petit prince de l’apprivoiser, le petit

prince répond : " Je veux bien, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître. " Qu’est-ce que vous en pensez ? »

118. Elie : « C’est le renard qui dit ça ? » 119. Laetitia : « Non, c’est le petit prince. Bah… bah… ils vont être amis, pendant

quelques temps puis après euh… quand il… quand il partira, il va retourner dans sa planète puis il pensera toujours à lui. »

120. Elie : « Il essayera de trouver à apprivoiser autre chose. » 121. Alexian : « Bah en fait c’est… c’est euh… le renard, il dit que bah… le garçon, il était

d’accord pour l’apprivoiser alors le renard lui a expliqué comment… qu’il faut être très patient et chaque jour il faut qu’il se rapproche un peu plus de lui et après il l’a fait et après il l’a apprivoisé. »

122. Maîtresse : « Donc d’après le renard, qu’est-ce qu’il faut pour apprivoiser quelqu’un ? »

123. Mervé : « De la patience. » 124. Maîtresse : « C’est-à-dire ? » 125. François : « Bah faut pas être trop pressé. » 126. Maîtresse : « On a besoin de quoi alors ? » 127. Fanny : « Du temps. Il faut du temps pour connaître la personne. » 128. Eloïse : « C’est avec la patience qu’on peut connaître quelqu’un. » 129. Maîtresse : « Mais quand le petit prince dit " Je veux bien, mais je n’ai pas beaucoup

de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître", vous ne trouvez pas qu’il y a quelque chose de contradictoire ? »

130. Mervé : « Ça veut dire quoi "contradictoire" déjà ? » 131. François : « Ça veut dire que y’a deux idées qui sont pas pareilles. » 132. Mervé : « Ah oui. » (Silence) 133. Maîtresse : « Est-ce que les hommes prennent le temps de se connaître ? »

9

134. Damien : « Non. » 135. Maîtresse : « Est-ce que le petit prince prend le temps de connaître le renard ? » 136. Elie : « Bah oui. Il lui parle, après il va venir le voir tous les jours et ils vont s’habituer

quoi. » 137. Maîtresse : « Les autres ? » 138. Fanny : « En même temps, il dit qu’il a pas trop le temps parce qu’il veut découvrir…

euh … d’autres choses alors euh... » 139. Elie : « Bah c’est normal, il peut pas toujours rester que avec lui. Il a d’autres choses à

faire ! » 140. Maîtresse : « C’est vrai, il a d’autres choses à faire. S’il n’a pas le temps alors il n’a

qu’à aller chez un marchand d’amis… » 141. Yoann : « Ça existe pas. » 142. Maîtresse : « Pourquoi il n’existe pas de marchands d’amis d’après vous ? » 143. Anouck : « En fait pour être amis, il faut qu’on se connaisse, qu’on s’aime bien. Si on

achète des amis comme ça, on peut pas les connaître, c’est pas des vrais amis. C’est comme si on était obligé d être ami avec lui. »

144. Eloïse : « Bah l’amitié ça s’achète pas. » 145. Laetitia : « Si par exemple on achetait un ami, on connaît rien de lui et si on veut jouer

avec lui à un jeu et si lui il aime pas du tout on peut pas s’entendre, on n’aura pas forcément les mêmes goûts. »

146. Anaïs : « Bah faut créer des liens d’abord… bah tu peux pas l’acheter… bah si en fait… bah si, parce que les chiens ça s’achète… »

147. Maîtresse : « Ah… Alors est-ce qu’avoir un chien et avoir un ami, c’est comparable ? Les autres, qu’est-ce que vous en pensez ? »

148. Elie : « Bah si, un chien c’est un peu comme un ami. » 149. Florian : « Oui, mais un chien ça parle pas. » 150. Elie : « Bah quand même. » 151. Laetitia : « On lui donne à manger, on le promène. » 152. Agathe : « Bah souvent les amis c’est des hommes et… c’est pas possible de les

acheter. » 153. Anaïs : « Bah aussi bah… parce que ça coûterait trop cher. » (Rires) 154. Maîtresse : « Il va être l’heure. Est-ce que quelqu’un peut reformuler ce qui a été dit

sur les marchands d’amis ? » 155. « Marjorie : « Eloise, elle a dit que ça s’achète pas… euh… Anouck, elle a dit qu’on

se connaîtrait pas, on saurait rien de l’autre,… et que euh… il faut se connaître pour être amis et que… il faut qu’ils créent des liens, faut qu’ils se connaissent bien. Ça sert à rien par exemple de dire tout de suite : " Toi, t’es mon ami " alors qu’ils se connaissent pas. »

156. François : « L’amitié ça se crée, ça s’achète pas. » 157. Maîtresse : « "L’amitié ça se créé, ça ne s’achète pas"… Bien on continuera la

prochaine fois.

[Fin de la séance]

10

ANNEXE 4

Corpus II

Retranscription de la séance 3 : Compréhension / Interprétation (2)

1. Maîtresse : « Alors la dernière fois, on s’était arrêté aux marchands d’amis, vous vous souvenez ? »

2. Les élèves : « Oui. » 3. Maîtresse : « Et vous aviez conclu la séance en disant que l’amitié ça se crée, ça ne

s’achète pas. » 4. Les élèves : « Oui. » 5. Maîtresse : « On continue, on essaye de bien comprendre le texte. Alors, à un moment

le renard dit que " Le langage est source de malentendus ". Qu’est-ce que ça évoque pour vous ? »

6. Aurélie : « C’est que des fois on réfléchit pas assez à ce qu’on dit, on peut blesser les autres. »

7. Lisa : « Des fois on peut partir sur une discussion normale puis y’a quelque chose qu’on dit qui blesse l’autre. »

8. Maud : « On peut dire des choses et…et… et ne pas savoir se comprendre. » 9. Anaïs : « Faut déjà… faut d’abord qu’on… faut pas… faut d’abord qu’on aille lui

parler… parce qu’il dit que c’est malentendu d’aller parler à quelqu’un. Mais, il faut bien lui demander : "Oui, quel est ton prénom… quel est ton âge ? " ?»

10. Maîtresse : « Dorian, qu’est-ce que tu penses de ce que vient de dire Anaïs ? » 11. Dorian : « Des fois on peut se disputer quand on dit des choses. On se comprend pas

des fois. » 12. Maîtresse : « D’après le renard, est-ce qu’il faut forcément parler pour apprendre à se

connaître ? » 13. Anaïs : « Bah… » 14. Maëlle : « Non, rien qu’en se regardant ils vont apprendre à se connaître. » 15. Maîtresse : « Quand l’heure du départ approche, le renard pleure et le petit prince lui

dit alors qu’il n’y gagne rien à être son ami. Qu’est-ce que cela signifie ? » 16. Florian : « Bah le renard il va pleurer… il va être triste. » 17. Maîtresse : « Pourquoi ? » 18. Florian : « Parce que l’heure du départ c’est un moment triste. » 19. Maîtresse : « Donc tu penses aussi que le renard ne gagne rien à être l’ami du petit

prince ? » 20. Florian : « Bah non… enfin si… il a un ami, c’est bien, mais après quand il va partir il

va être triste. » 21. François : « Il y gagne parce que le moment où il est avec le petit prince, c’est un

moment de bonheur pour lui. » 22. Lisa : « Il s’en rappellera toujours à cause de la couleur du blé. » 23. Maîtresse : « Tu peux développer ? » 24. Lisa : « Bah comme les blés sont dorés et que ses cheveux sont dorés, il pensera à lui à

chaque fois qu’il verra le blé. » 25. Maîtresse : « Et à la fin, qu’est-ce qu’il lui dit ? » 26. Florian : « De répéter après lui. » 27. Elie : « Il va lui dire son secret. »

11

28. Mervé : « Un conseil. » 29. Maîtresse : « Quel conseil est-ce qu’il lui donne ? » 30. Damien : « D’aller voir les fleurs… les roses… » 31. Maîtresse : « Pourquoi ? » 32. Damien : « Euh, pour leur dire euh… que la … que c’était pas que sa rose euh… sa

rose euh… que c’était pas une fleur unique. » 33. François : « En fait il lui dit d’aller voir sa rose pour que comme ça il comprendra que

sa rose est unique. » 34. Maîtresse : « Oui et ensuite qu’est-ce qu’il se passe ? » 35. Anouk : « Il va voir les roses et il leur dit qu’elles sont pas uniques. Il dit : " Vous êtes

belles mais vous êtes vides. " » 36. Maîtresse : « "Vous êtes vides"… Pourquoi est-ce qu’il leur dit ça ? » 37. Anouk : « Il dit ça parce que personne ne les a apprivoisées. » 38. François : « Et du coup elles n’ont pas d’amies. » 39. Maëlle : « Et elles n’ont apprivoisé personne, elles sont pas uniques. » 40. Maîtresse : « Comment le petit prince comprend que sa rose à lui est unique ? » 41. Elie : « Bah c’est parce que… elle est toute seule. » 42. Maîtresse : « " Elle est toute seule"… » 43. Elie : « Elle est toute seule sur une planète. » 44. Maîtresse : « Mais qu’est- ce qui fait qu’elle est unique ? » 45. Elie : « Bah c’est celle qu’il aime et qu’il a apprivoisée. » 46. Anouk : « Il a été aux petits soins. » 47. Maîtresse : « Oui. » 48. Anouk : « Il l’a mise sous globe, il lui a donné un paravent, il a tué les chenilles sauf

pour les deux ou trois papillons… » 49. François : « Il l’avait arrosé et il l’a entendu se plaindre ou se vanter. Il l’a élevé…

euh… Il a pris de la patience… » 50. Maîtresse : « Et ce sont donc toutes ses attentions qui font que le petit prince a

apprivoisé la rose ? » 51. Elie : « Bah oui. » 52. Maîtresse : « À part le conseil d’aller voir les roses, qu’est-ce que le renard dit au petit

prince ? Vous vous rappelez ? » 53. Cindy : « Il lui fait un cadeau. » 54. Mervé : « Il lui dit un secret. » 55. Alexian : « Ouais il dit : "On voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour

les yeux. " » 56. Maîtresse : « Qu’est-ce que ça veut dire ? » 57. Elie : « Ça veut dire qu’on voit bien… c’est… l’amour c’est important… » 58. Agathe : « Mais d’habitude on voit avec les yeux. » 59. Maëlle : « Et le cœur aussi. » 60. Lisa : « En fait c’est… quand on aime quelque chose, ça sert à rien de voir avec les

yeux, faut… il faut regarder avec son cœur. » 61. Florian : « En fait, l’apparence physique elle sert à rien, on s’en fiche. » 62. Maîtresse : « Un exemple ? » 63. François : « Bah par exemple, si tu trouves une femme qui est jolie, que t’aime bah…

ça se trouve au fond d’elle est bête et tout et ça tu pourras le voir qu’avec le cœur pas avec les yeux. »

64. Elie : « C’est l’amour ! » (Rires) 65. Maîtresse : « Tiens Elie, au lieu de ricaner, si tu nous disais ce que c’est l’amour pour

toi… »

12

66. Elie : « Bah… C’est… Bah voilà quoi… c’est… C’est quand tu vois une fille, qu’elle est belle, intelligente et tu lui déclares ton amour, tu fais une déclaration… Euh… C’est la nature. »

67. Anaïs : « Mais on voit vraiment avec le cœur ? Comment on fait ? Le cœur il… il… y’a pas de yeux… »

(Rires) 68. Maëlle : « Bah par exemple, on peut très bien naître aveugle et voir avec le cœur, t’es

pas aveugle du cœur. » 69. Maîtresse : « Et qu’est-ce qu’on peut voir avec le cœur ? » 70. Elie : « L’amour. » 71. François : « Les sentiments. » 72. Anouk : « Bah on voit ce qu’il y a vraiment au fond du cœur. » 73. Marjorie : « Moi je voulais dire, il dit pas que ça comme message. » 74. Maîtresse : « Oui, développe… » 75. Marjorie : « Bah il dit aussi que faut s’occuper de ce qu’on a apprivoisé. » 76. Agathe : « Bah oui, il faut s’occuper de lui, si il a besoin de quelque chose. Par

exemple, les parents, ils sont responsables de nous. » (Silence) 77. Maîtresse : « Je reviens sur "C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose

si importante », qu’est-ce que le renard veut faire comprendre au petit prince, à votre avis ? »

78. Florian : « En fait le temps ça… ça les a aidé à mieux se connaître et à devenir amis… Ils sont importants maintenant. »

79. Maîtresse : « Et le temps qu’il leur a fallu pour se connaître alors, c’est du temps perdu ? Parce qu’il dit : " le temps que tu as perdu pour ta rose… " »

80. Laetitia : « Bah si, il a perdu du temps… mais c’était… s’il avait pas perdu du temps… bah euh … ça se pourrait pas qu’ils soient de vrais amis. »

81. Elie : « Bah oui. » 82. Maîtresse : « Donc est-ce que vous diriez qu’il a gagné quelque chose ? Et si oui

quoi ? » 83. Damien : « Il a gagné du temps pour sa rose. » 84. Marjorie : « Il a gagné un ami en renard. » 85. Dorian : « Il a gagné l’amitié de la rose. » 86. François : « Bah en fait Marjorie… enfin dans le texte, le renard, il dit qu’on doit

s’occuper de ce qu’on a apprivoisé mais sauf que lui il est sur sa planète et il doit s’occuper de sa rose… il va aussi devoir retourner sur la terre pour s’occuper de son renard ? Il a dit : " il faut s’occuper de ce qu’on a apprivoisé " ? »

87. Anaïs : « Bah non, puisque là il lui dit adieu. Il aurait dû dire au revoir. » 88. Maîtresse : « C’est vrai, il lui dit « Adieu » mais justement, est-ce que vous pensez

pour autant qu’il disparaît complètement de sa vie ? » 89. Anaïs : « Bah moi à chaque fois qu’on m’a dit " Adieu ", on se revoit pas. » 90. Florian : « Bah non, parce qu’il pense toujours à lui puis bah… » 91. Anaïs : « Et si après il l’oublie ? » 92. Anouk : « Bah si c’est vraiment un ami il peut pas l’oublier. » 93. Alexian : « Bah oui… bah chaque fois qu’il va voir un renard aussi il va plutôt penser

à le renard qu’il apprivoisé. » 94. Anaïs : « Mais si il voit jamais de renard. » (Rires) 95. François : « En fait il va pas disparaître complètement puisqu’il sera encore dans ses

pensées. »

13

96. Maîtresse : « La séance arrive à sa fin… Si vous deviez retenir quelque chose de ce passage ce serait quoi ? Qu’est-ce qui vous paraît le plus important ? »

97. Anouk : « Bah pour avoir une amie il faut au départ les apprivoiser et après elle devient particulière et elle sera toujours une amie. Et aussi ce qui est important c’est qu’il faut du temps pour créer des liens. »

98. Eloïse : « L’amitié, ça s’achète pas. » 99. Sarah : « C’est ce que dit le renard qui est important. " On ne voit bien qu’avec le

cœur, l’essentiel est invisible pour le cœur".» 100. Maëlle : « Aussi moi je trouve que le plus important c’est en fait quand le renard il lui

dit son secret au petit prince parce que ça montre vraiment qu’il l’a apprivoisé, parce qu’on dit les secrets qu’à ses amies. »

101. Maîtresse : « Oui, c’est vraiment très intéressant ce que tu dis. On reprendra la prochaine fois. »

[Fin de la séance]

14

ANNEXE 5

CORPUS III

Retranscription de la séance 4 : Problématisation

1. Maîtresse : « On a essayé de bien comprendre le texte et maintenant il va falloir trouver la ou les questions sur lesquelles on va pouvoir réfléchir et discuter la prochaine fois. Vous vous souvenez de ce que c’est qu’une question philosophique ? Qui se souvient ? »

2. Florian : « C’est une question qui concerne tous les hommes. » 3. Maîtresse : « Oui, d’autres propositions ? » 4. Mervé : « C’est une question qui concerne tout le monde. » 5. Maîtresse : « Oui, ça revient à ce qu’a dit Florian, non ? » 6. Mervé : « Si. » 7. Maîtresse : « Alors, d’après vous, quels sont problèmes que le texte pose ? » (Silence) 8. Maîtresse : « Quelles sont les questions que le texte soulève ? » (Silence) 9. Maîtresse : « Vous avez compris ce qu’il faut faire ? » 10. Damien : « Bah pas trop en fait… Tu peux ré expliquer ? » 11. Maîtresse : « Quand on fait une discussion philosophique on réfléchit ensemble sur une

question. On fera la discussion la semaine prochaine. Mais il faut que l’on trouve d’abord les questions sur lesquelles on va pouvoir discuter la prochaine fois, vous voyez ? »

12. Elie : « Mais c’est pas toi qui pose les questions ? » 13. Maîtresse : « Non je ne pose pas les questions, pas cette fois. C’est à vous, à partir de ce

que l’on a dit sur le Petit Prince, de ce que vous avez compris, qui allez essayer de trouver des questions. Des questions que vous vous posez, qui vous intéressent, dont vous souhaitez discuter… »

(Silence) 14. Alexian : « Mais tu la connais toi ou pas la question philosophique ? » 15. Maîtresse : « Non… C’est à nous, à vous de la trouver. Et il n’y en n’a peut-être pas

qu’une. Peut-être que vous vous posez plusieurs questions… » 16. Laetitia : « Bah… comme question, y’avait quand bah… quand le renard il demande au

petit prince d’être ami. » 17. Maîtresse : « Alors si on cherche des questions, il faut formuler des questions… Est-ce

que ce que tu viens de proposer, c’est une question ? » 18. Laetitia : « Euh… non… bah la question c’est : Est-ce que tu veux être mon ami ? » 19. Maîtresse : « Je vais écrire vos questions au tableau… » 20. Maîtresse : « D’autres propositions ? » 21. Laetitia : « Bah euh si… bah si il partage bien ce qu’on dit avec lui… euh qu’il répètera

pas un secret… » 22. Maîtresse : « Laetitia, est-ce que ce sont des questions que tu formules ? » 23. Laetitia : « Gardes-tu un secret ? euh… Est ce que tu les dis aux autres personnes ? » 24. Maîtresse : « Gardes-tu un secret ? » « Est-ce que tu les dis aux autres personnes ? ». Je

les écris…Tout le monde, regardez les questions au tableau. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que l’on pourra en discuter tous ensemble la prochaine fois ? »

25. Les élèves : « Oui. »

15

26. Maîtresse : « Moi, quand vous me proposez ces questions " Est-ce que tu veux être mon ami ? ", " Gardes-tu un secret ? ", " Est-ce que tu les dis aux autres personnes ? ", j’ai l’impression qu’elles ne s’adressent qu’à moi… »

27. Elie : « Bah il faut parler avec le cœur, et pour être de bons amis, il faut créer des liens et… il faut être de bons amis… »

28. Maîtresse : « Est-ce que c’est une question ? » 29. Elie : « Comment faire pour être de bons amis ? » 30. Maîtresse : « Comment faire pour être de bons amis ? J’écris… Qu’en pensez-vous ? » 31. François : « Bah ça va parce que c’est pas comme la question de Laetitia, c’est pas une

question qui est que pour toi par exemple… » 32. Maîtresse : « Oui, je suis d’accord. » 33. Lisa : « Pourquoi être ami avec quelqu’un ? Ou pourquoi être ennemi avec quelqu’un ? » 34. Maîtresse : « Oui, je note… » 35. Lisa : « On peut aussi se poser la question " Avec qui être ami ? " parce qu’on peut pas

être ami avec n’importe qui. » 36. Marjorie : « Est-ce qu’on sait encore être des amis… Est-ce qu’on sait se faire un ami ? ou

comment s’en faire ?… Parce que si on est trahi à chaque fois, il faut bien trouver d’autres amis… »

37. Maîtresse : « Oui. Alors " Est-ce qu’on sait encore être des amis ? ", " Comment se faire des amis ", je note au tableau ou pas ? »

38. Les élèves : « Oui. » 39. Maîtresse : « D’autres questions que vous vous posez, auxquelles le texte vous fait

penser ? » 40. Anouk : « C’est quoi l’amitié ? Qu’est-ce que c’est l’amitié ? » 41. Maîtresse : « Qu’est-ce que vous en pensez les autres ? » 42. Sarah : « Bah c’est avoir confiance en quelqu’un… » 43. Maîtresse : « Attends, je te coupe, on cherche juste à savoir si c’est bien une question

philosophique. » 44. Sarah : « Ah… euh… oui euh… » 45. Maîtresse : « Pourquoi Sarah ? » 46. Sarah : « Parce que c’est des liens… » 47. Maîtresse : « Tu as compris ce que c’est qu’une question philosophique Sarah ? » 48. Sarah : « Oui… ça concerne tous les hommes. » 49. Maîtresse : « Oui. » 50. Marjorie : « Est-ce qu’on prend encore le temps d’être ami ? » 51. Maîtresse : « Oui. » 52. Lisa : « Aussi "A quoi ça sert d’être ami ? " » 53. Maîtresse : « Oui, c’est intéressant. Il y en a parmi vous qui se pose cette question ? » 54. Les élèves : « Oui. » 55. Maîtresse : « Alors je note. Autre chose ? » 56. Anouk : « Peut-on être ami avec tout le monde ? » 57. Maîtresse : « Oui. » 58. Maëlle : « Est-ce qu’on peut avoir plusieurs amis ? » 59. Maîtresse : « Oui. » 60. Agathe : « Comment on sait qu’on est ami ? » 61. Maîtresse : « Oui… C’est tout ? (Pas de nouvelle proposition)

Bien c’est déjà très intéressant ce que vous avez trouvé. Donc si on reprend… on a exclu celles-là et il reste donc : « Comment faire pour être de bons amis ? » « Pourquoi être ami avec quelqu’un ? »

16

« Pourquoi être ennemi avec quelqu’un ? » « Avec qui être ami ? » « Est-ce qu’on sait encore être des amis ? » « Comment se faire des amis ? » « Qu’est-ce que c’est l’amitié ? » « Est-ce qu’on prend encore le temps d’être ami ? « A quoi ça sert d’être ami ? » Vous voulez ajouter quelque chose ?

(Pas de réponse) Bien, on a le choix entre toutes ces questions. Il faudrait en choisir une pour commencer la discussion. Attention, on choisit une question de départ mais ça ne veut pas dire qu’on ne discutera pas des autres questions, d’accord ? Alors ? »

62. Elie : « A quoi ça sert l’amitié ? » 63. Maîtresse : « Pourquoi ? » 64. Elie : « Bah parce que t’as demandé de quoi on voulait discuter, bah moi je trouve que

c’est bien si on parlait de cette question… » 65. Maîtresse : « Très bien, il faudrait que tout le monde soit d’accord… Les autres, par quoi

est-ce qu’on va pouvoir commencer ? » 66. Marjorie : « Qu’est-ce que c’est l’amitié ? » 67. Maîtresse : « Pourquoi veux-tu en discuter ? » 68. Marjorie : « Parce que c’est intéressant. » 69. Maîtresse : « Est-ce que vous pensez que l’on pourrait commencer par se demander ce que

c’est l’amitié ? » 70. Elie : « Bah oui. » 71. Maîtresse : « Pourquoi ? » 72. Elie : « Bah c’est logique. » 73. Maîtresse : « Ah oui ? » 74. Elie : « Bah euh… bah… faut déjà savoir qu’est-ce que c’est un ami pour pouvoir

répondre aux autres questions. » 75. Maîtresse : « Les autres ? Vous êtes d’accord ? » 76. Les élèves : « Oui. » 77. Florian : « Ah oui, c’est le principal. » 78. Maîtresse : « C’est vrai. D’accord, alors la prochaine fois, pour la discussion

philosophique on réfléchira à la question "Qu’est-ce qu’un ami ? ". Je crois que vous aviez dit tout à l’heure " Qu’est-ce que c’est l’amitié ? "… Alors " Qu’est-ce qu’un ami ? " ou " Qu’est-ce que c’est l’amitié ? " »

79. Les élèves : « Qu’est-ce c’est l’amitié ? »

[Fin de la séance]

17

ANNEXE 6

CORPUS IV

Retranscription de la séance 5 : Qu’est-ce que l’amitié ?

1. Maîtresse : « Le thème de la discussion est " Qu’est ce que l’amitié ". (La question est inscrite sur le tableau et est visible de tous.) Qui souhaite prendre la parole ? »

(Silence) 2. Kiliann : « Bah c’est quelqu’un avec qui on joue, on fait plein de choses ensemble. » 3. Elie : « C’est quelqu’un qu’on aime bien, on joue ensemble et tout. » 4. Laetitia : « C’est quelqu’un à qui on dit ses secrets. » 5. Kiliann : « Aussi c’est quelqu’un qu’on n’oublie pas, pas comme un copain. » (Silence) 6. Maîtresse : « Kiliann vient de dire qu’ " un ami c’est quelqu’un qu’on n’oublie pas, pas

comme un copain ", qu’est-ce que vous en pensez les autres? » 7. Laetitia : « Bah oui, un ami on l’oublie pas. » 8. Maîtresse : « Et le copain alors ? » 9. Laetitia : « Bah on l’oublie pas non plus. On n’oublie pas ses copains. » » 10. Maîtresse : « Kiliann a donc utilisé les mots "copain" et "ami", est-ce que pour vous ce

sont deux choses identiques ? Est-ce que c’est la même chose ? » 11. Kiliann : « Bah non, c’est pas pareil. Y’en a un c’est un copain et l’autre c’est un ami.

Y’en a un qu’on oublie et l’autre qu’on n’oublie pas. » 12. Florian : « Bah moi je trouve que c’est la même chose. Si tu dis « C’est mon copain »

ou « C’est mon ami », c’est la même chose. » 13. Damien : « Moi aussi. » 14. Laetitia : « Oui, mais en fait avec un ami y’a plus d’amitié, on se connaît mieux et tout,

c’est ça ? » 15. Maîtresse : « Je ne sais pas…Certains disent qu’un copain et un ami c’est pareil,

d’autres que c’est différent. C’est intéressant. Est-ce qu’on pourrait essayer de définir ces deux mots ? Qu’est-ce qu’un ami ? Et qu’est-ce qu’un copain ? »

16. Florian : « C’est la même chose. » 17. Maîtresse : « Si tu devais définir chacun des mots, qu’est-ce que tu dirais ? » 18. Florian : « Bah… bah copain c’est comme copain et… bah… ami c’est comme ami. » (Rires) 19. Maîtresse : « Est-ce que tu as l’impression d’expliquer quelque chose là ? » 20. Damien : « Non… » 21. Maîtresse : « Alors ? » 22. Damien : « Non, mais je sais pas comment expliquer. » 23. Agathe : « Un copain, souvent tu te disputes plus avec lui qu’avec un ami. » 24. Fanny : « Un copain, c’est plus fait pour jouer. Un ami c’est plus fait pour garder les

secrets. » 25. Kiliann : « Y’a des copains, tu leur dis des secrets et ils vont les dire à quelqu’un

d’autre. » 26. Marjorie : « C’est une question d’amitié en fait. » 27. Maîtresse : « Mais qu’est ce que tu veux dire ? Essaye d’expliquer. » 28. Marjorie : « Bah euh… C’est… je sais pas comment expliquer… C’est qu’y a en

fait… y’a plus d’amitié entre un ami et un copain. »

18

29. Maîtresse : « C’est-à-dire ? » 30. Marjorie : « Bah… euh… » 31. Maëlle : « Y’a plus d’amitié, ça veut dire que c’est plus grand un ami. » 32. Maîtresse : « Plus grand ? » 33. Maëlle : « Bah c’est plus facile de faire confiance à un ami qu’à un copain qui a pas

forcément d’importance. » 34. Fanny : « C’est plus important je trouve aussi un ami. » 35. Kiliann : « Aussi pour moi, j’en ai eu cinq des amis et là je sais bien qu’un copain

c’est pas la même chose. Quand je confie un secret à un ami je vois qu’il le redit pas et à un copain, je lui ai dit un secret et il l’a répété, mais moi je peux pas le répéter. »

36. Lisa : « Par exemple, un ami et un copain, c’est pas pareil parce que quand on a des problèmes, on va vers le copain et il nous dit : " Va vers quelqu’un d’autre, je m’en fiche " ou des choses comme ça alors qu’un ami il vient nous réconforter. »

37. Maîtresse : « Lisa, tu donnes un exemple pour illustrer ton idée, c’est intéressant. Les autres, vous partagez son idée ou pas ? »

38. Kiliann : « Bah oui. Quand toi t’as un… euh… ta famille qui vient de mourir et il vient te consoler ou des trucs comme ça. Alors que ton copain, il est toujours en train de jouer. »

39. Maud : « Un ami ça sert à… à… lui dire ses problèmes parce qu’on sait qu’il ne le dira pas. Par exemple si tu pleures, il vient te consoler. Ou des fois le copain il va voir quelqu’un d’autre et il nous laisse tout seul alors qu’on est tout seul dans un coin. »

40. Agathe : « Bah un ami, ça sert à quand on a des problèmes, tu peux te confier. » 41. Florian. : « T’as dit quoi ? » 42. Maîtresse : « Agathe, tu peux répéter ? » 43. Agathe : « Bah un ami ça sert à quand on a des problèmes parce que tu peux te

confier. » 44. Maîtresse : « Donc tu rejoins l’idée de Kiliann… » 45. Elie : « Un copain, c’est quelqu’un qu’on connaît bien, on le connaît plus qu’un ami. » 46. Kiliann : « C’est l’inverse. » 47. Maîtresse : « Ah, apparemment vous n’êtes pas d’accord entre vous … » 48. Elie : « Mais… mais un copain c’est ce que tu connais depuis tout le temps. Par

exemple, Kiliann il est arrivé au début de l’année, bah c’est un ami qui vient juste d’arriver. Alors que par exemple François que je connais depuis tout petit, c’est plus un copain. On se connaît depuis longtemps. »

49. Maîtresse : « J’en vois certains qui réagissent dans leur coin. Qui prend la parole ? » (Silence) 50. Maîtresse : « Est-ce que quelqu’un pourrait reformuler l’idée d’Elie ? » 51. Lisa : « À la place que c’est un ami qui est plus important, c’est un copain. » 52. Laetitia (en s’adressant à Elie): « En fait toi tu dis qu’un ami c’est moins important

qu’un copain. » 53. Elie : « Euh… oui. Bah oui, un copain tu peux faire des choses avec lui, que un ami tu

viens de t’en faire un et tu le connais moins. » 54. Anouk : « Mais non, c’est le contraire. » 55. Maîtresse : « Essayez d’expliquer pourquoi vous pensez que c’est le contraire. » 56. Elie : « Mais non. Un copain, c’est plus important qu’un ami. Tu joues avec tes

copains mais un ami c’est que, tu viens de t’en faire un pour… euh, bah tu le connais pas vraiment alors qu’un copain tu le connais depuis longtemps. »

57. Kiliann : « Moi, je préfère largement avoir un ami parce que c’est sûr, parce que quand moi je suis arrivé, c’était plutôt des copains que j’ai eu parce que un ami, ça dure plus longtemps. »

19

58. Maîtresse : « Un ami, ça dure plus longtemps : tu veux dire que la relation avec un ami dure plus longtemps ? »

59. Kiliann : « Oui. Moi, c’est parce que… j’ai su que les copains ils sont toujours là parce que j’ai un copain, quand j’étais pas encore dans cette école mais encore avant, j’avais un vrai ami et à chaque fois, on fait que de s’écrire depuis les deux écoles où je suis passé, les deux autres écoles avant. »

60. Maîtresse : « Donc pour toi, un ami c’est quelqu’un qui est toujours là ? » 61. Kiliann : « Oui. » 62. Maîtresse : « Et quelqu’un avec qui tu gardes contact même si vous êtes loin l’un de

l’autre ? » 63. Kiliann : « Oui. » 64. Laetitia : « Tout à heure, tu as demandé si on pouvait dire ce que c’est un ami et un

copain… Je crois que j’ai trouvé… Dans amitié, y’a " ami"et dans copain (inaudible). »

65. Maîtresse : « Attends, je n’ai pas entendu. Les autres vous avez entendu ? » 66. Les élèves : « Non. » 67. Maîtresse : « Donc il faut que tu articules. Vas-y, on t’écoute. » 68. Laetitia : « Bah je disais que dans "amitié" y’a " ami" et dans "copain" y’a

"compagnie". » 69. Damien : « Bah non, pas du tout ! N’importe quoi ! » 70. Maîtresse : « Damien, on ne se moque pas, tu te souviens ? » 71. Damien : « Oui, mais c’est pas ça ? » 72. Maîtresse : « Laetitia, c’est intéressant de chercher la construction des mots mais pour

copain - compagnie… je ne pense pas que ce soit ça. » 73. Florian : « Bah un copain, on va pas forcément aller jouer avec lui à chaque fois,

qu’avec un ami, on peut rester avec lui plus longtemps. » 74. Marjorie : « Moi, j’ai une question : pourquoi des fois on reste plus de temps avec un

copain qu’avec un ami et pourtant c’est juste une copine. » 75. Maîtresse : « Les autres, est-ce que vous pourriez essayer de répondre à Marjorie ? » 76. Elie : « C’est quoi la question ? Est-ce qu’elle peut la redire ? » 77. Maîtresse : « Marjorie ? » 78. Marjorie : « Bah c’est pourquoi des fois on reste toujours avec sa copine et moins

souvent avec ses amies alors que les copines c’est moins important ? » 79. Lisa : « Bah parfois on n’est pas toujours avec ses amies. Moi, ma meilleure amie, elle

habite à Donnery. On se voit pas du tout souvent nous, en fait pendant une journée des fois, on se dispute un peu et deux secondes après on redevient ami. Voilà, deux secondes, après c’est fini. »

80. Alexian : « Ouais les filles, c’est comme ça. C’est comme Sarah et Aurélie. Elles se bagarrent et dix minutes après c’est fini. »

(Rires) 81. Maîtresse : « Alors si on revenait à la question de Marjorie ? Est-ce que pour être amis

il faut être tout le temps ensemble ? » 82. Damien : « Bah non, parce que quand… si déménage on se voit plus, après faut se

déplacer pour se voir mais je crois qu’on reste amis. » 83. Maîtresse : « Même si l’autre habite très loin, on peut être amis ? » 84. Damien : « Bah oui, on peut se téléphoner. » 85. Anaïs : « Oui, mais voilà tu vas pas toujours lui téléphoner, c’est trop cher après. » 86. Anouk : « Bah y’a les lettres. » 87. Anaïs : « Ah ben c’est plus cher. » 88. Anouk : « Bah il dit que y’a le téléphone mais y’a pas que le téléphone pour garder

contact, y’a pas que le téléphone. »

20

89. Florian : « Y’a MSN avec ta webcam. » 90. Les élèves : « Ouais » (Rires) 91. Elie : « C’est moins payant parce que c’est moins cher. » 92. Marjorie : « Tu peux avoir une amie même si elle est loin et si tu restes pas en contact

avec elle. Tu peux t’en souvenir beaucoup, penser à elle mais sans garder contact. » 93. Elie : « Bah non, hein parce que ça se trouve elle va pas penser à toi l’autre. » 94. Marjorie : « Si, parce que quand j’étais petite à la crèche, j’avais une amie, on était

amies mais en fait je m’en rappelle toujours. Je lui avais même donné une poupée à son nom, et j’ai encore son livre et dès que je le vois je me rappelle d’elle. »

95. Damien : « Mais est-ce qu’on peut m’expliquer c’est quoi la différence entre ami et copain ? Ouais c’est quoi ce qu’il y a de différent ? »

96. Maîtresse : « Eh bien pour toi, est-ce qu’il y a une différence ? » 97. Damien : « Bah non. » 98. Maîtresse : « Donc pour toi, un ami et un copain c’est la même chose ? » 99. Damien : « Bah oui. »

100. Maîtresse : « Exactement la même chose ? » 101. Damien : « Bah oui. Oui, mais toi qui connais la différence entre copain et ami, c’est

quoi la différence ? » 102. Maîtresse : « Tu sais, comme je l’ai expliqué avant que l’on ne commence la

discussion, je n’ai pas de réponses toutes faites pour chaque question que l’on se pose. Le but de la discussion est justement d’essayer de réfléchir ensemble. Mais bien sûr, j’ai un point de vue. »

103. Damien : « Bah … c’est quoi pour toi ? » 104. Maîtresse : « Tu veux mon avis sur la question ? » 105. Damien : « Bah oui, parce que je comprends pas trop. » 106. Maîtresse : « Tu sais, je suis comme vous, j’ai des amis et des copains. Je dirais,

certains l’ont dit tout à l’heure, que pour moi un ami, c’est plus important qu’un copain. Quand je dis que c’est plus important, je veux dire que l’ami compte plus dans mon cœur, je partage plus de choses avec lui, j’en suis plus proche… Je propose aussi que l’on reprenne au tableau vos idées. En faisant deux colonnes, on verra mieux si « ami » et « copain » c’est pareil ou pas. »

107. Florian : « Mais pourquoi on cherche pas dans le dictionnaire ? Comme ça on saurait tout de suite. »

108. Maîtresse : « Ce n’est pas le but… » 109. Alexian : « …Moi j’ai déjà cherché. » 110. Maîtresse : « Ah bon, et alors ? » 111. Alexian : « Bah, quand j’ai regardé "ami" y’avait marqué "copain" et quand j’ai

regardé "copain" y’avait écrit "ami" donc c’est la même chose. » 112. François : « C’est normal, c’est des synonymes. » 113. Maîtresse : « Oui, mais nous avons vu en vocabulaire que les synonymes voulaient

dire presque la même chose, mais jamais exactement la même chose. Il y a toujours une nuance et c’est cette nuance que l’on est en train de chercher. »

[Réalisation collective du tableau de synthèse.]

114. Maîtresse : « Je propose que l’on poursuive la discussion pour essayer d’y voir plus

clair. » 115. Kiliann : « Les amis, on pense souvent à leur écrire. Le copain, tu l’oublies un peu

plus qu’un ami. Et aussi bah les amis, ça console, ça défend, c’est… et les copains ça consolent pas souvent. »

21

116. Maîtresse : « Les amis s’entraident, qu’est-ce que vous pensez de cette nouvelle idée, elle est intéressante, non ? »

117. Elie : « Oui, mais un copain aussi ça défend. Nous, on est copains et on se défend. » 118. Kiliann : « T’as des copains, ils ont peur, ils s’enfuit direct alors que y’a de vrais amis,

il restent. Y’a des copains que par exemple, y’en a ils t’embêtent, des grands. Ton copain, il va dire : "Moi je m’en vais, je le laisse se faire tabasser et puis après je reviendrai quand ça sera fini. " »

119. Marjorie : « Mais en fait, pour un ami au lieu d’aider un enfant, vaut mieux aider en allant chercher de l’aide, parce que ça sert à rien de se battre pour aider l’autre, ça peut être pire après. »

120. Maîtresse : « Qui peut reformuler l’idée d’Elie ? » 121. Anouk : « Il dit que les copains ça se défend aussi. » 122. Maîtresse : « Oui et alors, vous en pensez quoi ? » 123. Alexian : « Bah Elie et moi, on est copains et si y’a quelqu’un qui vient l’embêter bah

je viens l’aider quoi. » 124. Kiliann : « J’ai pas dit que les copains ça s’aident pas. J’ai dit que des fois, ça te laisse

tout seul. Alors que les amis c’est sûr eux, bah ils restent toujours. » 125. Alexian : « En fait on est copain et ami en même temps. » 126. Maîtresse : « Qu’est-ce que tu veux dire par là ? » 127. Alexian : « Bah je sais pas. » 128. Maîtresse : « Qu’est-ce que vous pensez de ce qu’Alexian vient de dire ? Est-ce qu’on

peut être copain et ami à la fois ? » 129. Damien (en aparté) : « Oh moi, je comprends rien… » 130. Anouk : « Bah pas trop. Tu peux pas être des fois ami et des fois copain. Ça se peut

pas trop. Pas avec la même personne en tous cas… » 131. Maëlle : « Oui, soit t’es un copain, soit t’es un ami. » 132. Laetitia : « Moi, je dis qu’un ami, on le reconnaît toujours, tu retiens toujours quelque

chose de lui même quand il a trente ans, tu le reconnais alors qu’un copain non. » 133. Maîtresse : « Tu dis que tu reconnaîtras toujours un copain, mais ce n’est pas pareil

avec un ami ? » 134. Anouk : « Oui, mais ça veut rien dire, moi j’ai un copain que j’aime pas trop, et quand

je l’ai revu, je l’ai bien reconnu alors ça veut un peu rien dire. » 135. Laetitia : « Si. » 136. Kiliann : « Même un ennemi, tu vas le reconnaître. » 137. Florian : « Bah oui, n’importe qui tu vas le reconnaître. » 138. Marjorie : « Mais pourquoi on parle de ça ? » 139. Maëlle : « De toute façon, c’est pas son physique qui compte. » 140. Maîtresse : « Alors, qu’est-ce qui compte ? » 141. Maëlle : « Ce qui compte c’est qui il est, c’est que c’est notre ami. » 142. Ludivine : « Euh c’est pour dire que c’est comme "L’essentiel est invisible pour les

yeux." » 143. Elie : « Ah oui ! » 144. Maîtresse : « Ludivine, tu viens de citer une phrase du Petit Prince, c’est très

intéressant. Je pense que vous vous en souvenez tous. Pourquoi tu as cité ce passage ? »

145. Ludivine : « C’est parce que Maëlle, elle a dit que c’est pas que le physique qui compte. »

146. Agathe : « C’est pour redire… de l’exemple de Laetitia… Bah avec un copain, bah tu fais des choses mais un ami, tu t’en sépares pas trop, alors c’est sûr que tu le reconnais. »

147. Maîtresse : « Essaie d’expliquer. »

22

148. Agathe : « Bah… un copain tu le quittes plus souvent qu’un ami. Un ami c’est beaucoup plus dur de le quitter parce qu’on est beaucoup plus attaché, et un copain c’est un peu comme quelqu’un de rechange quoi. »

(Rires) 149. Elie : « Mais si un ami c’est dur à se quitter, un copain c’est pareil hein. » 150. Lisa : « Bah par exemple un copain, il peut nous laisser tomber pour quelqu’un d’autre

alors qu’un ami, il peut avoir d’autres amis et rester avec nous. » 151. Laetitia : « Bah… un ami, si on lui fait confiance il peut ne pas répéter les secrets…

L’ami, il sait que si on lui dit des secrets, il peut pas les répéter. » 152. Maîtresse : « On va devoir arrêter là. Je crois que vous n’êtes pas tout à fait d’accord

sur ce que c’est qu’un ami et un copain… Quelqu’un veut essayer de conclure la séance en reprenant les grandes idées par exemple ? »

153. Mervé : « Les copains, on joue plus avec. » 154. Agathe : « Bah un ami, on lui fait plus confiance et on peut lui dire des secrets sans

qu’il les répète. C’est plus fort. » 155. Maîtresse : « Qu’est-ce qui est plus fort ? » 156. Agathe : « Bah notre sentiment… on l’aime plus, on le défend… en fait être ami c’est

aussi quand par exemple on fait des bêtises et un des deux se fait prendre, on peut pas tout remettre sur sa tête. »

157. Maëlle : « Bah un copain et un ami c’est un mot, ça veut dire presque pareil mais psychologiquement ça dépend pour qui, c’est différent. »

158. Maîtresse : « Tu peux reprendre s’il te plaît ? » 159. Maëlle : « Bah … copain et ami… c’est le mot qui est différent… » 160. Maîtresse : « Tu veux dire qu’il y a deux mots pour dire la même chose ? » 161. Maëlle : « Euh… non c’est pas la même chose… je sais pas comment expliquer… » 162. Maîtresse : « Essaye… Je vais essayer de t’aider… même les autres, vous pouvez

l’aider … » 163. Maëlle : « Bah par exemple, Elie il dit : "Un copain c’est comme un ami"… mais c’est

pas ça… c’est… c’est… » 164. Maîtresse : « Qui peut aider Maëlle ? … Personne ? » (Silence) 165. Maîtresse : « Si j’ai bien compris ton idée, tu penses en fait qu’Elie se trompe de mot,

qu’il confond les mots « copain » et « ami » ? Est-ce que c’est ça que tu voulais dire ? »

166. Maëlle : « Oui. » 167. Maîtresse : « Bien, qu’est-ce que vous avez pensé de cette séance ? » 168. Les élèves : « C’était bien. » 169. Maîtresse : « Qu’est-ce qui était bien ? » 170. Les élèves : « Tout. » 171. Maîtresse : « Est-ce qu’il y a des choses qu’il faudrait améliorer la prochaine fois ? » 172. Anouk : « Y’en a qui parlent et après on n’entend plus très bien. » 173. Elie : « C’est toujours les mêmes qui parlent aussi. » 174. Maîtresse : « Oui, c’est vrai. Ceux qui n’ont pas parlé, c’est que ça ne vous intéressait

pas ? Alexandre ? » 175. Alexandre : « Bah si… » 176. Maîtresse: « Avant de s’arrêter… Damien, au début tu pensais qu’un ami et un copain

c’est pareil. Qu’est-ce que tu en penses maintenant ? » 177. Damien : « Bah euh… c’est pas pareil… euh je sais pas moi… au début je croyais que

c’était pareil. » 178. Maîtresse : « Pourquoi ? » 179. Damien : « Euh … »

23

180. Maîtresse : « Pour toi, qu’est-ce que c’est un ami ? » 181. Damien : « C’est quelqu’un qu’on aime bien. » 182. Maîtresse : « Et un copain ? » 183. Damien : « C’est pareil… » 184. Maîtresse : « Donc tu penses toujours que c’est la même chose ? » 185. Damien : « Non… enfin que des fois… » 186. Maîtresse : « Pourquoi ? » 187. Damien : « Parce que j’ai écouté ce que les autres ils ont dit et c’est un peu vrai… » 188. Maîtresse : « Regarde, dans le tableau, dans chaque colonne on n’a pas marqué les

mêmes choses… » 189. Damien : « Oui. » 190. Maîtresse : « Bon, on reprendra la prochaine fois. »

[Fin de la séance]

24

ANNEXE 7

CORPUS V

Retranscription de la séance 6 : Comment se faire des amis ? 1. Maîtresse : « Vous vous souvenez que la semaine dernière le sujet de la discussion était

« Qu’est-ce que c’est l’amitié » et qu’à partir de la question, on s’était demandé s’il y avait une différence entre un ami et un copain. »

2. Les élèves : « Oui. » 3. Maîtresse : « Je vous remets l’affiche que l’on avait faite. » 4. Kiliann : « Aussi pour se faire un ami, c’est plus dur que de se faire un copain. » 5. Maîtresse : « Pourquoi est-ce que tu dis ça ? » 6. Kiliann : « Bah parce que c’est pas pareil. » 7. Maîtresse : « Qu’est-ce qui n’est pas pareil ? » 8. Kiliann : « Bah un copain et un ami. Quand on déménage des fois on l’oublie pas l’ami. Et

puis aussi un ami c’est plus dur à avoir qu’un copain. » 9. Maîtresse : « Pourquoi tu dis que c’est plus dur d’avoir un copain ? Et quelle question tu

soulèves là ? » 10. Kiliann : « Bah pourquoi c’est dur d’avoir des amis et pas des copains ? » 11. Marjorie : « C’est aussi "Comment faire pour avoir des amis ? " » 12. Maîtresse : « Comment faire pour avoir des amis ? Est-ce qu’on peut partir de cette

question pour commencer la discussion d’aujourd’hui ? Qui est d’accord pour réfléchir sur cette question ? (La majorité des élèves lève le doigt.) D’accord. « Comment faire pour avoir des amis ? » Qui souhaite commencer ? »

13. François : « Bah il faut s’apprivoiser. » 14. Florian : « Comme le petit prince et le renard. » 15. Maîtresse : « Oui. Continue. » 16. Florian : « Bah oui, il faut s’apprivoiser et se… essayer de se connaître. » 17. Anaïs : « Bah en fait, bah oui, pour l’histoire du petit prince, c’était dur pour lui de se faire

un ami parce que… bah… y’avait pas de pays avec… y’avait pas d’homme donc il avait qu’un seul ami et après il a trouvé une fleur et quand il a rencontré le renard, il a compris que sa rose… eh bah… elle… elle… elle était unique. »

18. Maîtresse : « Donc quelle est ton idée ? » 19. Anaïs : « Je sais plus. » 20. François : « En fait, le petit prince… non c’est le renard, il dit au petit prince que… qu’il

faut du temps. » 21. Maîtresse : « Du temps ? Du temps pour quoi faire François ? » 22. François : « Pour l’apprivoiser. » 23. Maîtresse : « Oui et alors ? » 24. Elie : « Bah au début, le renard il a dit au petit prince que si il voulait que ce soit son ami,

il fallait qu’il l’apprivoise. » 25. Florian : « Mais c’est pour les animaux. » 26. Elie : « Oui, je sais mais on parle du petit prince alors je parle du petit prince. » 27. Maîtresse : « Et qu’est-ce que ça veut dire "apprivoiser"? » 28. Fanny : « C’est créer des liens. »

25

29. Maîtresse : « Oui, c’est vrai, c’est comme cela que le renard l’explique, mais toi, comment est-ce que tu le comprends ? »

30. Fanny : « Bah c’est le connaître… Apprendre à le connaître. » 31. Maîtresse : « Les autres, qu’est-ce que vous en pensez ? » 32. Elie : « Bah oui, c’est ça. » (Silence) 33. Maîtresse : « Et pourquoi est-ce qu’il faut du temps pour se connaître ? » 34. François : « Bah faut être patient, c’est une question de temps. Il faut bien apprendre à le

connaître l’ami. » 35. Kiliann : « Bah déjà il faut se faire le copain et après l’ami, c’est pour ça qu’il faut du

temps. » 36. Maîtresse : « Tu peux développer ton idée ? 37. Kiliann : « Bah oui, un copain tu dis : "Tu veux être mon copain ? ", "Bah oui". Un ami

c’est au bout d’un certain temps pour avoir vraiment confiance et après c’est un ami. » 38. Lisa : « Oui, il faut beaucoup de temps si on veut apprendre à se connaître, pour savoir

tout ce qu’il aime, tous les jeux qu’il aime bien, apprendre à lui faire confiance. » 39. Elie : « Bah ça dépend. Bah il faut avoir plusieurs rendez-vous, qu’on se donne rendez-

vous, on se donne des rendez-vous. On se parle, on essaye de s’apprendre les uns…, les qualités, les défauts, on se parle après on devient ami et puis voilà. Après on commence à s’apprendre, après on va se connaître. »

40. Maîtresse : « Donc tu es d’accord avec ceux qui ont dit qu’il faut du temps ou pas ? » 41. Elie : « Bah oui. » 42. Maîtresse : « C’est comme ça que vous faites pour vous faire des amis ? » 43. Alexian : « Bah oui, par exemple, des fois quand y’a des nouveaux qui arrivent, je vais le

voir je fais "Salut, comment tu t’appelles ?" et tout ça, " Moi, je m’appelle Alexian " et tout ça, puis voila, c’est comme ça que ça arrive au début et ouais voila, et… et puis ça continue. »

44. Damien : « Aussi on peut sortir ensemble si les parents ils veulent bien. » 45. Maîtresse : « Donc pour devenir ami, on commence par se présenter et ensuite on passe du

temps ensemble, c’est ça ? » 46. Damien : « Bah oui, c’est ce qu’on fait nous. On fait ça le mercredi et le dimanche, et on

se voit à l’école. » 47. Florian : « Bah en fait, on dit que pour se faire des amis il faut prendre du temps pour

qu’on soit amis mais en fait c’est pas obligé, parce que Alexian, on était quasiment à la maternité quand on s’est rencontré mais on était tout de suite amis quand on s’amusait. »

48. Alexian : « Bah oui. » 49. Lisa : « Oui, mais quand tu venais de naître tu pouvais pas tout de suite bien le connaître

hein. » 50. Fanny : « En fait, quand on dit qu’il faut se connaître c’est pas que… que se dire « Salut »

et après jouer. C’est… c’est aussi créer des liens. » 51. Maîtresse : « C’est très intéressant ce que tu dis, explique-nous. » 52. Fanny : « Bah c’est pas possible de se connaître tout de suite comme ça. » 53. Maîtresse : « Florian, qu’est-ce que tu en penses maintenant ? » 54. Florian : « Je sais pas. » 55. Alexian : « Mais si, ils ont un peu raison quand même. Bah en fait, à chaque fois on est

obligé d’avoir un copain avant d’avoir un ami. Parce qu’un copain on le connaît de mieux en mieux et après il peut devenir notre ami. »

56. Maîtresse : « Donc c’est le copain que l’on a bien appris à connaître qui devient l’ami, c’est ça que tu veux dire ? »

57. Alexian : « Bah oui, c’est pas ce qu’on vient de dire ? » 58. Elie : « Mais si ! »

26

(Silence) 59. Maîtresse : « Tout le monde veut avoir des amis, n’est-ce pas ? » 60. Kiliann : « Bah oui, c’est sûr y’a personne qui veut être tout seul. Si on n’a pas d’ami

après on est malheureux… bah c’est comme le petit prince il veut un ami parce que sinon il est tout seul. »

61. Mervé : « Mais en fait c’est le renard qui est tout seul sur sa planète et qui veut un ami, pas le petit prince. »

62. Lisa : « Mais il est pas tout seul sur sa planète, il est sur la planète Terre. » 63. Elie : « Oui, mais il a pas d’amis, c’est la même chose. Il a pas d’ami, il essaie de s’en

faire un. » 64. Kiliann : « Oui, mais le petit prince aussi il est tout seul vu que sa fleur elle est pas là. » 65. Agathe : « Oui, mais le petit prince il a déjà apprivoisé la fleur. » 66. Mervé : « Mais, c’est pas la fleur qui l’a apprivoisé ? » 67. Elie : « Mais là aussi, c’est la même chose ! Il a une rose et puis c’est tout. On s’en fiche

en fait de savoir qui c’est qui l’a apprivoisé d’abord. » 68. Maîtresse : « Est-ce que tout le monde est d’accord avec ce qu’Elie vient de dire ? » 69. Mervé : « Bah non… euh… parce que… bah oui… comme c’est le petit garçon qui s’est

occupé de la fleur donc c’est lui qui l’a apprivoisé. » 70. Agathe : « Oui, mais je me souviens que y’avait écrit comme "Ma rose, je crois qu’elle

m’a apprivoisé. " » 71. Maîtresse : « C’est exact Agathe. Alors qu’est-ce que tu comprends ? » 72. Lisa : « Bah la rose, elle… peut-être qu’elle a partagé des choses avec le petit prince aussi.

On n’en sait rien, elle a aussi peut-être apprivoisé le petit prince. » 73. Laetitia : « Moi je pense que… bah si on va être ami avec quelqu’un… mais tu vois,

l’autre il veut pas bah euh… on pourra pas le forcer à être ami avec nous, voilà. C’est pour ça que c’est comme ça pour la fleur et le garçon. »

74. Maîtresse : « Est-ce que quelqu’un a compris l’idée de Laetitia ? Qui peut la reformuler ? »

75. Marjorie : « Elle a dit que… la fleur elle… le petit prince… j’ai pas compris en fait. » 76. Anouk : « Bah c’est comme si que pour être amis il faut être d’accord tous les deux

comme on peut pas forcer les gens à être amis, c’est obligé qu’on soit d’accord. » 77. Maîtresse : « D’accord, merci Anouk. » 78. Florian : « D’accord de quoi ? » 79. Maîtresse : « Alors si j’ai bien compris l’idée, c’est que l’amitié c’est… c’est en fait une

relation entre deux personnes. Le petit prince et sa rose sont amis parce que le petit prince a apprivoisé sa rose et que la rose a apprivoisé le petit prince, c’est ça ? »

80. Laetitia : « Oui, voilà c’est ce que je voulais dire mais bah j’y arrivais pas, mais c’est ça que je voulais dire. »

81. Maîtresse : « D’accord, on veut donc avoir des amis mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils nous apportent en fait ? »

82. Elie : « Bah parce que c’est un vrai ami. » 83. Maîtresse : « Et qu’est ce que ça nous apporte un vrai ami ? » 84. Alexian : « Bah c’est que c’est pas un faux. » (Rires) 85. Maîtresse : « Est-ce que tu trouves que tu réponds à la question ? » 86. Florian : « Non…Bah de la joie. » 87. Maëlle : « Bah un ami tu peux plus facilement discuter avec lui sachant qu’il ne va pas se

moquer de toi. Alors qu’un copain, t’en est pas sûr. » 88. Laetitia : « Bah euh… en fait ça nous apporte euh… du conseil à peu près. » 89. Maîtresse : « Du conseil ? Tu veux dire qu’un ami donne des conseils ? »

27

90. Laetitia : « Bah oui des fois les vrais amis ça conseillent. Puis ça prend soin de toi. Après si t’as un problème, il te demande "Qu’est-ce que t’as ? ", euh… si t’as envie d’eux tu vas les voir et ils te rejettent pas. »

91. Lisa : « Mais est-ce que ça existent les faux amis ? » 92. Maîtresse : « Très bonne question… » 93. Yoann : « En fait, les vrais amis, c’est ceux qui gardent les secrets tandis que les faux

amis, c’est ceux qui les répètent aux autres. » 94. Sarah : « Oui, une amie on peut lui confier un secret mais un copain ou une copine on a

plus de mal à lui confier. » 95. Maîtresse : « Est-ce que toi tu confies tes secrets à tes copines ? » 96. Sarah : « Ça dépend. Bah des fois non mais des fois on se dit des secrets plus petits. » 97. Maîtresse : « Pourquoi ? » 98. Sarah : « Parce que… on a plus peur qu’elle le dise… parce qu’on n’a pas tout à fait

confiance en elle. Et puis parce que… elle… comme elle compte moins, c’est pas une vraie amie donc on lui fait moins confiance. »

99. Kiliann : « Bah les amis, ils sont plus fait pour… on a plus confiance en eux, c’est normal. 100. Maîtresse : Pourquoi tu dis que c’est normal ? » 101. Kiliann : « Bah une copine ou un copain c’est celui qui va te laisser tomber quand y’a un

nouveau ou une nouvelle par exemple, c’est un peu normal mais après il va t’oublier. » 102. Maëlle : « Mais moi y’a quelque chose que je comprends pas. Comment on peut faire

confiance différemment ? Je vois pas comment on peut faire moins confiance à un copain et plus confiance à un ami… »

(Silence) 103. Yoann : « Bah je vois pas pourquoi c’est pas possible, si à ton copain tu lui dis pas tout

tout tout. Et lui c’est pareil. » 104. Lisa : « En fait les secrets on les dit qu’à sa meilleure amie. » 105. Maîtresse : « Donc si on essaye de reprendre, il y a les copains ou les copines, les ami(e)s

et aussi les meilleur(e)s ami(e)s ? Marine, qu’est-ce que tu en penses ? » 106. Marine : (silence) 107. Maîtresse : « Tu as compris la question ? » 108. Marine : « Oui… on a des préférences. » 109. Sarah : « Euh quand on a un meilleur ami, c’est que en fait, c’est celui qu’on a rencontré

plus tôt, pas en premier mais qu’on a passé plus de temps avec lui que les autres, on le connaît plus. Par exemple, j’ai rencontré Maëlle et c’est ma meilleure amie, on a pris le temps de se connaître, on se comprend. »

110. Maîtresse : « Qu’est-ce que vous comprenez ? » 111. Maëlle : « En fait on sait un peu ce que l’autre pense à peu près. On se gronde pas, on va

pas se crier dessus. Aussi, on se critique pas. Mais on peut avoir deux amis ? Ou deux meilleures amies ? »

112. Les élèves en même temps : « Oui / Non. » 113. Maîtresse : « Ah… Vous pouvez penser « oui » ou « non » mais il faut expliquer pourquoi

vous le pensez. » 114. Elie : « Bah non parce qu’après on sait pas trop à qui se confier. » 115. Laetitia : « Aussi peut-être qu’après ils vont se lier ensemble. » 116. Lisa : « Aussi ça dépend, on peut avoir deux amis et que les deux amies qu’on a, elles

s’aiment pas du tout et alors c’est pas toujours facile, alors ça fait des disputes et nos amies elles ne veulent plus être amies avec nous. »

117. Marjorie : « Bah moi Anouk et Maëlle quand je leur parle, elles gardent des secrets et quand je suis toute seule elles viennent me voir alors que Marine… c’est Marine… c’est juste une copine parce que si je lui dis quelque chose elle va le dire à toute la cour et puis elle me crie dans les oreilles. Alors que Anouk et Maëlle il suffit que je leur dise quelque

28

chose, que je m’asseye un peu à côté d’elles quand elles sont toutes seules, puis en fait on parle à peine et pourtant on est vraiment amies. »

118. Maîtresse : « Donc toi contrairement à Lisa, tu penses qu’on peut avoir deux amies, même deux meilleurs amies ? »

119. Laetitia : « Moi aussi j’ai dit ça. » 120. Maîtresse : « Oui, d’accord. » 121. Marjorie : « Oui. » 122. Maîtresse : « Bien, on va devoir s’arrêter là, est-ce quelqu’un veut ajouter quelque

chose ? » (Pas de proposition).

[Fin de la discussion]

29

ANNEXE 8

La conceptualisation de l’amitié par Aristote

« Ceux qui témoignent mutuellement de l’amitié, en se fondant sur l’utilité qu’ils peuvent en retirer, ne s’aiment pas pour eux-mêmes, mais dans l’espoir d’obtenir de l’autre quelque avantage. (…) Ainsi donc aimer à cause de l’utilité, c’est s’attacher en autrui à se qui est avantageux pour soi-même ; aimer à cause du plaisir, c’est s’attacher en autrui à ce qui est agréable pour soi. Bref, on n’aime pas son ami parce qu’il est lui, on l’aime dans la mesure ou il est utile ou agréable. (…) Il en résulte que des amitiés de cette sorte sont fragiles, ceux qui les éprouvent changeant aussi ; le jour où les amis ne sont plus utiles ou agréables, nous cessons de les aimer. (…) L’amitié parfaite est celle des bons et de ceux qui se ressemblent par la vertu. Ils se veulent mutuellement du bien, puisqu’ils sont bons. Vouloir le bien de ces amis pour leur propre personne, c’est atteindre le sommet de l’amitié. Une amitié de cette sorte subsiste tant que ceux qui la ressentent sont bons ; or le propre de la vertu est d’être durable. (…) De telles amitiés sont rares, car les hommes qui remplissent ces conditions sont peu nombreux. Il faut en outre la consécration du temps et de la vie en commun ; le proverbe dit justement qu’on peut se connaître les uns les autres avant d’avoir mangé ensemble bien des fois. »

Aristote, L’Ethique à Nicomaque, livre VIII.

30

31

32