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CONFERENCES Aux sources de la violence. De l’enfance à l’adolescence, 8, 9 & 10 Octobre 2009, Paris. FFPP DE LA VIOLENCE AU LANGAGE : LE BILAN PSYCHOLOGIQUE COMME MEDIATION Christine Arbisio [[email protected]] Psychologue, psychanalyste Maître de conférences en psychopathologie et psychologie clinique, laboratoire UTRPP Université Paris Nord Saint-Denis C’est à partir de plusieurs années de collaboration avec différentes équipes de l’Aide Sociale à l’Enfance, pendant lesquelles j’ai été sollicitée pour effectuer des bilans psychologiques avec des enfants et des adolescents en difficulté, qu’il m’est apparu que cette pratique pouvait apporter bien plus que ce que l’on en attend habituellement, tout particulièrement quand la symptomatologie s’exprime par le biais de la violence. Dans ces situations, le bilan psychologique est généralement demandé comme aide au diagnostic et à l’orientation, par des professionnels mis eux-mêmes en difficulté par les comportements violents de ces jeunes. Parmi les enfants et les adolescents concernés par le dispositif de protection de l’enfance, nombreux sont ceux qui viennent exprimer leur mal-être par des agissements violents. Ce sont parfois des enfants qui ont été eux-mêmes confrontés à la violence des adultes, soit au sein du couple parental soit violence subie par les enfants. Pour d’autres, qui n’ont pas été eux-mêmes victimes de violences, on peut parfois avoir l’impression que leur seule modalité d’expression passe par des actes violents. Il me paraît essentiel ici de distinguer différents registres : la psychanalyse nous a appris que l’agressivité, la haine et la violence sont constitutives du psychisme humain. L’agressivité, en tant que pulsion, et la haine, qui existe dès qu’il y a une relation à l’autre, sont présentes dès le début de la vie. Alors que la haine est un phénomène intersubjectif, la violence est un fait socio-humain, elle est éminemment symbolique. La violence ne prend sens que pour les êtres humains, car elle vient faire effraction dans une vie sociale régulée par des échanges symboliques, c’est-à-dire le langage qu’elle met en échec. Au-delà de la très grande diversité des problématiques à l’origine des symptômes violents, une constante se dégage : la violence apparaît toujours quand le sujet est nié, quand sa parole n’est pas reconnue. A fortiori, quand le processus de subjectivation n’a pas eu lieu antérieurement, les réactions violentes risquent de se banaliser : sur le plan psychique, la violence constitue souvent une tentative désespérée de séparation, quand celle-ci est trop difficile, voire impossible. Avec ces enfants dits violents, la proposition de bilan psychologique apporte souvent bien davantage qu’une aide au diagnostic et à l’orientation. Les tests et le bilan constituent un support et une médiation pour la relation avec le psychologue. Cette relation paraît alors moins dangereuse à l’enfant et un espace peut s’ouvrir pour le langage. C’est à partir de situations cliniques de bilans psychologiques, avec des enfants repérés comme violents, que j’aborderai ces différentes questions. Arbisio, C. (à paraître). Le bilan psychologique avec l’enfant – Approche clinique du WISC-IV. Paris : Dunod. Arbisio, C. (2007). L’enfant de la période de latence. Paris : Dunod. Berger, M. (2003). L’échec de la protection de l’enfance. Paris : Dunod. Melman, C. (2002). L’homme sans gravité. Paris : Denoël. Weil, E. (1985). Logique de la philosophie. Paris : Vrin. L’esprit de la psychologie Au cœur de la psychologie

DE LA VIOLENCE AU LANGAGE - LE BILAN PSYCHOLOGIQUE COMME MEDIATION

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[[email protected]] Psychologue, psychanalyste Maître de conférences en psychopathologie et psychologie clinique, laboratoire UTRPP Université Paris Nord Saint-Denis DE LA VIOLENCE AU LANGAGE : LE BILAN PSYCHOLOGIQUE COMME MEDIATION CONFERENCES Aux sources de la violence. De l’enfance à l’adolescence, 8, 9 & 10 Octobre 2009, Paris. FFPP Christine Arbisio

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CONFERENCES Aux sources de la violence. De l’enfance à l’adolescence, 8, 9 & 10 Octobre 2009, Paris. FFPP

DE LA VIOLENCE AU LANGAGE : LE BILAN PSYCHOLOGIQUE COMME MEDIATION

Christine Arbisio [[email protected]]

Psychologue, psychanalyste Maître de conférences en psychopathologie et psychologie clinique, laboratoire UTRPP

Université Paris Nord Saint-Denis

C’est à partir de plusieurs années de collaboration avec différentes équipes de l’Aide Sociale à l’Enfance, pendant lesquelles j’ai été sollicitée pour effectuer des bilans psychologiques avec des enfants et des adolescents en difficulté, qu’il m’est apparu que cette pratique pouvait apporter bien plus que ce que l’on en attend habituellement, tout particulièrement quand la symptomatologie s’exprime par le biais de la violence. Dans ces situations, le bilan psychologique est généralement demandé comme aide au diagnostic et à l’orientation, par des professionnels mis eux-mêmes en difficulté par les comportements violents de ces jeunes. Parmi les enfants et les adolescents concernés par le dispositif de protection de l’enfance, nombreux sont ceux qui viennent exprimer leur mal-être par des agissements violents. Ce sont parfois des enfants qui ont été eux-mêmes confrontés à la violence des adultes, soit au sein du couple parental soit violence subie par les enfants. Pour d’autres, qui n’ont pas été eux-mêmes victimes de violences, on peut parfois avoir l’impression que leur seule modalité d’expression passe par des actes violents. Il me paraît essentiel ici de distinguer différents registres : la psychanalyse nous a appris que l’agressivité, la haine et la violence sont constitutives du psychisme humain. L’agressivité, en tant que pulsion, et la haine, qui existe dès qu’il y a une relation à l’autre, sont présentes dès le début de la vie. Alors que la haine est un phénomène intersubjectif, la violence est un fait socio-humain, elle est éminemment symbolique. La violence ne prend sens que pour les êtres humains, car elle vient faire effraction dans une vie sociale régulée par des échanges symboliques, c’est-à-dire le langage qu’elle met en échec.

Au-delà de la très grande diversité des problématiques à l’origine des symptômes violents, une constante se dégage : la violence apparaît toujours quand le sujet est nié, quand sa parole n’est pas reconnue. A fortiori, quand le processus de subjectivation n’a pas eu lieu antérieurement, les réactions violentes risquent de se banaliser : sur le plan psychique, la violence constitue souvent une tentative désespérée de séparation, quand celle-ci est trop difficile, voire impossible.

Avec ces enfants dits violents, la proposition de bilan psychologique apporte souvent bien davantage qu’une aide au diagnostic et à l’orientation. Les tests et le bilan constituent un support et une médiation pour la relation avec le psychologue. Cette relation paraît alors moins dangereuse à l’enfant et un espace peut s’ouvrir pour le langage. C’est à partir de situations cliniques de bilans psychologiques, avec des enfants repérés comme violents, que j’aborderai ces différentes questions.

• Arbisio, C. (à paraître). Le bilan psychologique avec l’enfant – Approche clinique du WISC-IV. Paris : Dunod. • Arbisio, C. (2007). L’enfant de la période de latence. Paris : Dunod. • Berger, M. (2003). L’échec de la protection de l’enfance. Paris : Dunod. • Melman, C. (2002). L’homme sans gravité. Paris : Denoël. • Weil, E. (1985). Logique de la philosophie. Paris : Vrin.

L’esprit de la psychologie Au cœur de la psychologie