DE L’ENFANT-JÉSUS, o.c.d. · Père vit intensément cette vie de dévotion envers la Mère de Dieu, « signe prophétique de la grâce à venir ». En abritant ses enfants sous

P.MARIE-EUGÈNE

DEL’ENFANT-JÉSUS,o.c.d.

JeveuxvoirDIEU

Nouvelleéditionrevueetcomplétée

sousladirectionduP.Marie-LaurentHuet,o.c.d.etduP.LouisMenvielle

73emille

ÉditionsduCarmelToulouse

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alorsàRomesaufpendant lesannéesde laGuerreoù il rentreenFrance.Dèsle24août1937,laFraternitédeNotre-DamedeViereçoitl’érection canonique9. Marie Pila est alors élue supérieure,chargequ’elleexercera jusqu’àsamorten1974.Unmoisplustôt, le Père Marie-Eugène a représenté le Père Général auxjournées des Études Carmélitaines d’Avon10. Le 3 novembre1937 meurt madame Grialou. Depuis un certain nombred’années, lagrandeaffectiondesonfilsetuneauthentiqueviespirituelleavaientfinipartriompherdesespréventions.Jusqu’en1955,ilestdifficilededissocierlaviepersonnelleduPèreMarie-Eugènedesesmultiplesengagementsauservicedel’Ordre carmélitain. Cette expérience du gouvernement luipermet d’acquérir une connaissance approfondie de sescomposantes contemplative, missionnaire et internationale. LavisitedescouventsdecarmesdePalestine(mars-avril1939)luifaitgrandeimpression.Lorsquelaguerreéclate, ilestmobilisé(2 septembre 1939) et promu capitaine de réserve.L’impossibilité de rejoindre Rome l’oblige à rester en France(1940-1945) où il prêche de nombreuses retraites dans lescarmelsoudansdesgroupesdivers.LePères’adapteàtouslespublics. C’est un conférencier apprécié. Il parle sans effetsoratoires mais avec une grande force de conviction. Qu’ils’adresse à des universitaires, à des séminaristes, des pasteursd’âmesoudeslaïcsenfouisdanslamasse,sonenseignementestle même : contempler Dieu tout en restant dans l’action,transmettre aumondemoderne la grâce du Carmel, vivre sousl’emprisedeDieu et sedonner, collaborer à l’œuvreduSaint-Espritqu’ilconsidèrecommeun«Ami».Enboncarme,lePèreMarie-Eugèneestaussiuneâmemariale.Pourlui,laViergeestlaparfaiteillustrationduprocessusd’unionentrel’âmeetDieu.

«Marie,écrit-il,excelleàintervenirsanstroublerlaréalisationdudesseindeDieu,sansdiminuerlapuissancebienfaisantedesalumièreni l’efficacitédesonaction[…].Ombresilencieusedans la nuit, Marie répand la douceur sans supprimer lasouffrance, crée une douce pénombre, sans dissiperl’obscurité11 ». Pétri des traditions médiévales du Carmel, lePère vit intensément cette vie de dévotion envers la Mère deDieu,«signeprophétiquedelagrâceàvenir».Enabritantsesenfants soussonHabit (le scapulaire), laVierge lesassocieaudéploiementdelagrâcetoutenlescachant.Ellerévèlel’actiondeDieutoutenlamaintenantdansl’obscuritésouslevoiledelafoi. Enfant, Henri Grialou a fait ses premiers pas dans lesanctuairemarialdeCeignac.Devenureligieux, ilcontinueraàse laisser guider par Celle qui répond au doux vocable de«ReineetBeautéduCarmel».Ilrépandsonculteetl’offreenexempleauxâmesqu’ilveutdirigersurlerudechemindelafoi.C’estbiensûrlecasdesoninstitutséculier,consacréàNotre-Dame de Vie, mais deux autres événements attestent de laferveurmarialeduPère:sacontributioncapitaleàlafondation,danssaprovincereligieuse,d’unSaint-DésertabritantunbeaupetitsanctuaireprovençaldédiéàNotre-Dame-de-Pitié(1948)etlegrandpèlerinagecarmélitainduCentenairedesapparitionsàLourdes (16 juillet 1958)dont il est l’initiateur et le principalorganisateur.Sonexpérienceexceptionnelledeladirectionspirituelleluifaitdire:«LemystèredesâmesestplustroublantquelemystèredeDieu12 ». Il est exigeant avec les autres commeavec lui-mêmepourtoutcequitoucheàlarelationavecDieumaisilfaitpreuved’unedouceurétonnante lorsqu’ils’agitderelever lesâmesenpeine et leur donner de nouvelles raisons d’espérer. Supérieurreligieux durant presque toute sa vie, il est craint et respecté

mais touche par sa simplicité. Son gouvernement est rugueuxmais juste. L’impulsivité de son tempérament le fait parfoissouffrir mais il sait accepter l’humiliation et s’en sert pourencouragerlesautres.Satournured’espritestplusintuitivequespéculative. La recherche intellectuelle universitaire nel’intéresse que comme un accès, une étape vers uneconnaissanceplushaute.Iladmireetauneprédilectionpourlesfrèresconvers,piliersdelaviecommunautaireetdelastabilitéconventuelle.Pratiquantlapauvretéàundegrééminent,ilestàl’aiseaveclespetitesgensdont ilsauratoujoursresterproche.S’il est un spécialiste reconnudesmystiques carmélitains ‒ etspécialementdesdeuxsaintesThérèse‒ lePèreMarie-Eugèneest avant tout une personnalité de type élianique, témoin duDieuvivant dansunmondematérialiste enprofondemutation.RevisitantlatraditionduCarmeldontilestunfinconnaisseur,il laproposeà tous leschercheursdeDieusansdistinctiondemilieuxoudecultures.Notre-DamedeVieconstituesonœuvreprivilégiéeetnecessedes’accroître.Peuaprès laConstitutionapostolique Provida Mater13 de Pie XII sur les Institutsséculiers, elle obtient son intégration à l’Ordre des CarmesDéchaux (10 mars 1947) et son approbation comme Institutséculierdedroitdiocésain(15août1948):l’undespremiersdel’Église.À lamême époque, le PèreMarie-Eugène est reconduit danssesfonctionsautitredePremierDéfiniteurduPèreSilveriodeSainte-Thérèse,GénéraldesCarmes(26avril1947).Malgréseslourdes responsabilités, il publie Les oraisons des débutants(1944) et, surtout, son œuvre magistrale Je veux voir Dieu(1949-1951), fruit de ses nombreuses conférences spirituelles.Le23février1948,PieXII14lenommeVisiteurapostoliquedesCarmélites Déchaussées de France. De septembre 1948 à


débuts » (197). On évite ainsi l’écueil d’un sentimentalismeégoïstedansl’oraison.c)LePèreMarie-Eugènemetenévidencelesconséquencesdel’exercice de la foi pour la vie d’oraison. L’oraison est unesuccession d’actes de foi, d’une foi aimante, car Dieu estcherché et attendu avec amour : « C’est l’amour qui est auprincipedumouvementdelafoiverslavéritédivine.C’estparamour que Dieu intervient pour maintenir la foi en son objetdivin…C’estàuneuniond’amourqu’aboutissentl’adhésiondela foi et l’emprise divine » (410). Lorsque l’action de l’EspritSaint devient prédominante dans l’oraison, la foi devient une« foi vive » ou « foi contemplative » (307). Dieu s’adaptanttoujours aux tempéraments et aux besoins particuliers dechacun, les modalités de l’oraison, sous l’action de l’EspritSaint, peuvent être plutôt savoureuses (506) ou sourcesd’inquiétude, d’agitation douloureuse, de « sécheressecontemplative»(579à598).Lacroissancedelafoiinclutdesétapesdepurificationdenosfacultéshumaines:intelligence,mémoire,volonté,envued’uneunion plus profonde avecDieu (535-536, 581, 584, 773-774).Lorsque l’unionàDieu tendàdevenircomplètepar l’effetdesinfusionsd’amourdel’EspritSaint,laconnaissanceobscuredela foi s’enrichit de la connaissance par connaturalité, fruit del’amour7 (685). Subtile et secrète, elle est cependant uneconnaissance vivante des personnes divines, selon la promessede Jésus : «Celui quim’aime sera aimé demon Père, etmoiaussijel’aimerai,etjememanifesteraiàlui8.»Découvrirl’ÉgliseàpartirdeJeveuxvoirDieuEnprésentantquelquesaspectsduMystèredeL’Église,JeveuxvoirDieuestuneinvitationàlirelestextesconciliaires9,etàse

reporter aux numéros 748 à 828 du Catéchisme de l’ÉgliseCatholique.LePèreMarie-Eugènementionne l’Église en tant que sociétéhiérarchisée (249), son magistère infaillible pour définir lesvérités importantespour la foides fidèles (207).Mais surtout,avec saint Paul, et à la suite de saint Épiphane10, il présentel’Églisecommefindetouteschoses.LedesseindeDieuest«desauver tous leshommessansdistinctionen les identifiant tousavecleChristJésus,dansl’unitédesonCorpsMystique.Dansl’éternitéDieucontemplaitdéjà leChrist total11, l’Église, et ytrouvait ses complaisances comme dans le chef-d’œuvre de saMiséricorde»(657,cf.aussi77,656à662,1019).Chaque chrétien est appelé à découvrir son appartenance àL’Égliseetl’impérieusenécessitédedonnertoutessesénergiespourlaconstruire(664à666,1028à1040).Chaquechrétienaunefonctionàremplirdansl’Église,qu’ilaitreçuun,deuxoucinq talents : «Chaque chrétien incorporé auChrist Total parson baptême, a samission, sa vocation dans l’Église. Ce rôlesocialestsaraisond’êtrepuisquedansleplandivinl’Égliseestla fin de toutes choses. La réalisation de sa vocation,l’accomplissement du devoir d’état, l’acceptation des chargesprovidentielles,lafidélitéàtouslesdevoirsquiluiviennentdeson appartenance à l’Église constitue la preuve d’amour queDieuimposeàchaquechrétien»(1049).La « Sainteté pour l’Église » est la flèche indicatrice desquatrième et cinquième parties de l’ouvrage. L’oraison quiconduitàlasaintetéestsourcedeféconditépourl’édificationdel’Église(1066à1077).LireJeveuxvoirDieuavecsainteThérèsedel’Enfant-JésusL’index (p. 1355-1357 de cette édition) fait mention de 185référencesexplicitesàsainteThérèsedel’Enfant-JésusdansJe

veuxvoirDieu.Ons’attacheraàconsidérerlaplacesignificativeque lePèreMarie-Eugène luidonnedans lesillagedeThérèsed’AvilaetdeJeandelaCroix.Elleestenbonnepositiondanslechapitrequatrièmedelacinquièmepartie,intitulé«Laconduitedel’âme»12.LesdispositionsqueThérèseincarnes’appliquenten quelque sorte à toute la vie spirituelle : « Non, la voied’enfancen’estpasunevoieréservéeauxparfaits.Elleestunevoied’ascension…Lavoied’enfances’ouvredevant toutes lesâmes13»(859).C’est bien cette « voie d’enfance », voie évangélique parexcellence14qui,avecThérèsedel’Enfant-Jésus,estaucœurdeJeveuxvoirDieu, tantparsonfondementqueparlesattitudesquiendécoulent.Le fondement de la « petite voie » thérésienne : « Dieu estAmour»,Thérèsel’apuissammentexpérimentétoutaulongdesa vie.Dieu, dans saMiséricorde infinie, tient compte de nosfaiblessesetde la fragilitédenotrenature (833-834,36,135).Toute la vie de Thérèse est faite de découvertes etd’approfondissements progressifs de l’Amour divinmiséricordieux(834-835,678).Samissionsera,mêmeaprèssamort, de « faire aimer l’Amour » (1038-1039). « L’Amour neveutpaslimitersonactionàquelquesâmesprivilégiées.Ilaspireàserépandrepartoutetàconquérirlemondeentier»(834).Thérèse nous oriente vers une confiance inouïe, celle del’enfant envers son Père, et qui a foi en laMiséricorde toute-puissante en gardant sa faiblesse d’enfant (166). Avoir lesentimentdesamisère,deseslimites,desapauvreté,lesétalerdevantDieu,créeuneattituded’humilitéquiouvre leséclusesde l’Amour gratuit deDieu (91, 344, 348). Pour parvenir à lasainteté, Thérèse prend l’ascenseur que sont les bras de Jésus(74).


senspéjoratif3.»LaViespirituelleetlaRevued’ascétiqueetdemystique naissent en 1919, puis 1920. Douze ans plus tard,paraît le premier volume du Dictionnaire de spiritualitéascétiqueetmystique.Lathéologiespirituelleestainsipourvuede ses instruments et de ses revuesmajeures. La béatificationpuis la canonisation de Thérèse de Lisieux en 1923 et 1925,suiviedudoctoratdeJeandelaCroixen1926,oul’inscriptionde la théologiemystique dans la ratio studiorum des facultésecclésiastiques manifestent le souci de Pie XI de donner desguidessûrsaumouvementspirituel.Lesgrandesspiritualitésrépondentaumêmebesoin.LeCarmeljouitdel’autoritédeThérèsed’AvilaetJeandelaCroix,etdel’étonnantepopularitédeThérèsedeLisieux.En1915,210000exemplairesdesonHistoired’uneâmesontdéjàdiffusés.AprèslaViergeMarie,elleestavecJeanned’Arc,l’intercesseurlepluspriéparlesFrançaisdurantlaGrandeGuerre.Lanouveautédesannées trente est la découverte de son envergure doctrinale.Certes, son enseignement est encore trop souvent réduit à unpieux sentimentalisme, mais pour Mgr André Combes, elleapparaît déjà comme l’initiatrice d’une révolution spirituellesimilaireàcelle lancéeparThomasd’Aquin,pour la théologiespéculative. En 1932, le jésuite Desbuquois propose saproclamation comme docteur de l’Église. La requête fait longfeu,maisquelaseuleobjectionsoulevéeaitétél’obstat sexus,enditassezsurl’autoritéreconnueàlacarmélite.La spiritualité franciscaine nourrit un Tiers-Ordre en pleinevitalité.Danslaveinebénédictine,lesécritsdeDomChautardetDomMarmion ont un gros succès. Les écoles dominicaine etignacienneontune influenceprofonde,grâceà leurs religieux,directeurs spirituels et prédicateurs recherchés. L’Écolefrançaise de spiritualité rayonne sur le clergé à travers les

séminaires sulpiciens. La figure deCharles de Foucauld perceaugrand jour à partir de 1921.La large place réservée par leséditeurs aux ouvrages religieux est un autre indicateur duprintemps mystique. Quant aux grandes dévotions populaires,elles restent en situation de hautes eaux durant la premièremoitié du siècle.Congrès eucharistiques et pèlerinages attirentles foules. Le succès du Grand Retour de 1943 à 1948,pérégrination à travers le pays, des statues de Notre-Dame deBoulogne,manifesteuneattentepopulairequin’apasfaibli.

LesfrontsdelathéologiespirituelleAudébutdusiècle,s’ouvreundébatsurlaquestionmystique.L’objetprincipalenestl’appeluniverselàlaviemystique.Pourcertainsauteurs, le commundesbaptisés est invité à s’engagersur la voie ordinaire de l’ascèse et de la dévotion, et la voiemystiquen’estréservéequ’àunpetitnombre.Elleleurapparaîtdu reste, périlleuse et habituellement marquée du sceau del’extraordinaire. Dès 1896, Auguste Saudreau conteste cetenseignement alors dominant4. Il affirme que les grâcesmystiques sont les conditions normales de la perfection etqu’elles sont largement offertes à qui s’y disposegénéreusement. Le seuil décisif sépare l’oraison méditativeordinaire de la contemplation infusée par les dons du Saint-Esprit. Ce plaidoyer suscite l’opposition. Pour le jésuitePoulain, la perfection chrétienne s’acquiert soit par lacontemplationacquise,uneprièrequis’estpeuàpeusimplifiée,soit par la contemplation infuse, porte d’entrée de l’uniontransformante et déifiante.C’est là, stricto sensu, l’expériencemystiquedontonnesauraittropaffirmerlararetéetlagratuité.Troisquestionsmajeuressedégagentdeladiscussion,cellesdelanaturedesétatsmystiques,duseuilquilesséparentdesétatsplusordinaires,etdeceuxenfin,quisontappelésàlefranchir.

Unbref deBenoîtXVdonne implicitement raison àSaudreauen1921.L’influencedudominicainGarrigou-LagrangeetdeLaVie spirituelle, pleinement acquis à ses thèses, leur rallie lesesprits.L’accord s’établit pour spécifier l’étatmystique par unmodedeconnaissanceetd’amourdeDieudevenufréquent,oùprédominent la passivité en l’homme et l’action de l’EspritSaint. Lamystique est disjointe en son essence, d’éventuellesmodalitésextraordinaires.Laviespirituelleestmieuxvuedansson unité, avec un versant ascétique à dominante active, et unversant mystique à dominante passive. On en conclut à lavocationdetousàlaperfectionmystique,etàunappelgénéralet éloigné à la contemplation infuse. JacquesMaritain apporteau débat une distinction féconde entre la vie mystique, oùl’exercicepassifdesdonsduSaint-Espritl’emportetoujourssurceluidesvertus,etsaréalisationpardesdonsquipeuventêtreactifsautantquecontemplatifs.Silasainteténesauraitêtrequemystique,ellenepassepasnécessairementparlacontemplation.Une autre problématique surgit dans les numéros desÉtudescarmélitaines.Elleconfrontelamystiquechrétienneaveccelles«dudehors ».Élisée de laNativité ouvre le débat en1931, àpartir de l’expérience mystique d’Ibn ‘Arabî5. Peut-on laqualifier de surnaturelle ? Le carme répond positivement, enadmettantlafoithéologaleimpliciteetl’élévationdusoufiàunehaute communion d’amour avec Dieu. Rien ne permet ainsid’exclurequ’unnon-chrétienreçoivedesgrâcesexceptionnelles.La crainte du relativisme et du syncrétisme conduisent aucontraire Garrigou-Lagrange, à ne concevoir hors duchristianisme, que des « prémystiques naturelles6 », presquetoujours perverties. Après quelques variations,Maritain admetque les mystiques extrême-orientales puissent aboutir à uneexpérience de la présence divine d’immensité7. Sans être


Si l’on demandait àMarie-Eugène quels sont les fondementsscripturairesd’une telle théologie, il répondrait par cesversetsjohanniques «Mes paroles sont esprit et elles sont vie12 » et«Siquelqu’un fait lavolontédeDieu, il connaîtra13 », versetcommenté ainsi : « Pour apprécier la doctrine de Jésus et lacomprendre, il fautd’abords’ysoumettreet lavivre14.»C’estdirecombien lechapitredeJeveuxvoirDieu sur«Ledondesoi » est fondamental pour comprendre l’exposé de Marie-Eugène15quis’inscritainsidanscette ligneportéeparnombrede ses contemporains tels Jean Daniélou16. Comme l’écrivaitHenrideLubacàproposdesPèresdel’Église,‒citationnotéepar Marie-Eugène dans l’un de sesCahiers ‒, « le problèmereligieuxn’estpasunpurproblèmedeconnaissanceobjective.Ce qu’ils considèrent avant tout, ce n’est pas la proclamationd’unedoctrineabstraite:c’estlarencontreeffectivedel’hommeet de Dieu, c’est l’accoutumance de la nature humaine à ladivinité […], c’est la transformation de l’homme sous l’actionde la grâce de Dieu17. » Marie-Eugène est en harmonie aveccette sèvepatristique.JeveuxvoirDieu estune illustrationdecetterecherched’unitéentrequêtespéculativeetviespirituelle.UnethéologiedelagrâceC’est l’unedes finalitésdeJe veuxvoirDieu : conduire à larencontreeffectivedel’hommeetdeDieu,mettreenlumièrelesvoies de l’union de l’homme avec sa source et sa fin, leDieuvivant. Marie-Eugène veut présenter les richesses de la viebaptismale18etlamanièredontellesedéveloppe.L’essencedelaviechrétienneétantl’amourquel’EspritSaintdiffuseennoscœurs19,JeveuxvoirDieuveutmettreà ladispositiondenoscontemporainslasciencedelacharité.Marie-Eugèneprécise:

«NousvenonsdeDieuet nous retournonsversDieu ; notrevéritable vocation, notre fin, n’est pas uniquement dans unparfait développement de notre nature humaine, accompagnéd’uneteintesurnaturellequinousferaitenfantdeDieumaisdeloin,etseraitdestinéàassureruncertainéquilibre,uncertainbonheur ànotrenaturehumaine.LavocationdivinequeDieunousadonnée,deparlagrâceetlafiliationdivinequ’ellenousassure, c’est de retourner en Dieu. Notre fin n’est pas unbonheurquelconquequiseraitassuréàceluiquiabienagietbien rempli la loi morale, à celui qui a été un honnêtehomme[…].Notrevocationestd’allerenDieupourparticiperà laviedivine,entrerdansson rythmeet réaliseravec luiuneunion sans fin [...]. C’est là notre fin, c’est là le bonheur duCiel:nonpasseulementvoirDieudeloin,maisêtreDieuparparticipation, faire les opérations de connaissance et d’amourquisontlesopérationsduVerbeet,decettefaçon,partagerlebonheuretlavieduVerbe.End’autrestermes:entreravecluicommeacteuretnonpasseulementcommespectateur20.»Je veux voir Dieu éclaire ce chemin théologal pour quel’homme découvre sa fin et puisse l’atteindre sûrement, étapeaprès étape, par une identification au Christ de plus en plusprofonde21,bienquedenuit,celledelafoi.Cet exposé sur la grâce n’est pas invitation à une intimitéjalousementpréservée.L’amourétantdynamique,l’apostolatestnécessité, mouvement essentiel de l’amour : y renoncer dansl’isolementseraitluidonnerlamort22.Selivreràlagrâce,c’estdevenir ressemblant au Christ, adopter sa mission, construirel’Église23. Aussi Je veux voir Dieu est-il un traité invitant àl’uniondelacontemplationetdel’action24:ledernierchapitredel’ouvragelemanifeste.

TroispiliersPour atteindre cette triple finalité,Marie-Eugène s’appuie surtroispiliers:laParoledeDieu,lemessagedessaints,lalumièredelaraison.Àl’écoutedelaParoledeDieuLeConcileVaticanIIprécisequeDieu,quinousatoutditparson Fils, met sa Parole à notre portée par la Sainte Écriture(Parole de Dieu en tant que consignée par écrit) et par laTradition (qui porte cette même Parole de Dieu, confiée auxapôtres, transmise à leurs successeurs)25. Je veux voir Dieuintègrecesdeuxdimensionsde laParolecommefondementdesonenseignement.LaParole consignéepar écrit est l’âmedeJe veux voirDieu.Pourtant,Marie-Eugène l’affirme lui-même : « Je ne veux pasfaired’exégèse26».Defait, ilnes’estpasattardéàdesétudesphilologiques poussées mais, avec les moyens mis à sadispositiondans lecontextequiétait lesien, ila travailléavecardeurl’ÉcritureavantdeselancerdanslarédactiondeJeveuxvoirDieu comme en témoignent ses notes de cours d’ÉcritureSainte prises pendant son séminaire et ses notes personnelles.Elleslaissentdécouvrircombienilsouhaiterejoindrelesensdel’Écriture:«Lirecestextessouslamotiondel’EspritSaintlui-mêmecarces textessont inspiréspar l’EspritSaint.C’est l’EspritSaintqui parlait de lui-même. Chacun de cesmots est respectable.Chacundecesmotsestadmirableetpleindesens27.»C’estdansl’Écriturequel’auteurveutretrouverlesfondementsdes principes de la vie spirituelle édictés par les Maîtres duCarmel ; il voudrait n’en rester qu’à ces seuls fondements28.Son art est d’enraciner son enseignement dans l’Évangile.


Histoiredelacompositiondutexte

LetextedeJeveuxvoirDieuprendsasourcedansl’expériencecarmélitainedel’auteur.Celle-cifutuneexpériencedeDieutrèsprofonde dès ses premiers mois chez les Carmes à Avon. Ilconfiera:«Audébutdemaviereligieuse,jecroisavoirétésaisipar l’EspritSaint,puisenplusieurscirconstances,d’unefaçonvigoureuseetd’unefaçonabsolumentcertaine.Unjourmême,jecroyais bien que j’allaismourir, et je ne savais plus commentfaire.»IlouvrelaBible,trouvesaintPaulauxRomains:«Riennepourranousséparerdel’amourqueDieuapournousdansleChrist Jésus ». Immédiatement, il « retrouve la vie »1. CettePentecôte réitérée faisait expérimenter au novice l’œuvre deDieu en lui, la formation particulière que l’Esprit donne lui-même,commeilleditdansundesescahiersdel’époque:«uneformation de l’âme elle-même, une divinisation en quelquesorte, une adaptation de toutes les facultés de l’individu queDieuaainsiformé,envuedelamissionqueDieuluiréserve2».Elleétaitaccompagnéededésirsdesemortifieretdesedonnertotalement,enselivrantàl’oraison,ce«soleil»etce«centrede toutes les occupations de la journée », sa « grandeconsolation…qui lui faitoublier tout le reste»3.JeveuxvoirDieuseconstruirad’abordcommeungrand«Coursd’oraison»qui apprend à des hommes assoiffés de Dieu comme l’étaientThérèse d’Avila et lesMaîtres carmélitains, àmarcher vers lessommetsdel’uniondivinesousl’actiondel’Esprit,àvivreainsicomme des hommes de Dieu, dans les engagements de leurexistence.De fait, le jeuneprêtre de trois semaines entré au couvent en1922àlasuitedecontactsaveclescarmélitesdeRodezpendantson temps de séminaire, avait découvert son appel grâce à la

lectured’unpetit livre sur saint Jeande laCroix,offertpar lasœurportière,aumomentdesaretraitedesous-diaconat:«Ilsedit : “C’estexactementça !”4 »Vocation irrésistible.Quand ilarriveraaucouvent,quatorzemoisplustard,ilauradéjàabordéetméditélesœuvresdeThérèsed’AvilaetdeJeandelaCroix5.Il ne cessera de se laisser enseigner par eux ainsi que par son« amied’enfance»,Thérèsede l’Enfant-Jésusdevenue commeune«jeunemaîtressequis’assiedprèsdenouspournouscontersesexpériences6».Ladoctrinedesafamillespirituelleestalorsmûrie au feu de son engagement total dans la volonté duSeigneur7. Il sentqu’ilestappeléàdonnerde la lumièreetdel’amour à beaucoup « d’enfants », et c’est comme lesMaîtresderrièrelesquels ilsecachevolontiersqu’il lefera,enécrivantcette«sommede théologiespirituelle8 »,dans lemême tempsoùilfonderal’InstitutséculierdeNotre-DamedeVie.

Les«coursd’oraison»C’esteneffetenrelationdirecteaveclesdébutsdelafondationques’estconstituélelivreJeveuxvoirDieu.Iln’estpaslefruitd’untravailintellectuelréalisédanssacelluledereligieux,avecune bonne bibliothèque. C’est celui d’un homme de Dieuréalisantunministèredeprédicationenrépondantàlademanded’une initiation à la science de la prière carmélitaine. Lapremièreécritureestdoncd’unepart,celleinscritedanslecœurdecet«instrumentdeDieu»,filsd’Élie,leprophète,vivantenprésencedeDieuetrempliduzèledesagloire9,etd’autrepartcellequis’écrivaitprogressivementdans l’intimedeces jeunesfemmes, professeurs de l’enseignement secondaire àMarseillequi cherchaient leur voie et trouvèrent dans ce Père et sesenseignements la lumière pour leur existence selon l’appel deDieu. Elles lui permirent de réaliser ainsi une école d’oraison

qui débuta très humblement en 1931-1932mais qui attira vitedesespritsdegrandeenvergure,commelesphilosophesJacquesPaliard et Gaston Berger, moins soucieux cependant de« satisfaire une curiosité intellectuelle… que d’éclairer leurexpérience spirituelle » et de nourrir leur soif deDieu10. Cesespritsbrillantsstimulèrentaussi leprédicateuràexposerdansun«témoignagevécu»«l’enseignementsimpleetabsolu,directet savoureux » des Maîtres carmélitains, garanti par une« efficience pratique »11. Thérèse d’Avila en fut le guideprivilégié parce qu’elle « donne le processus complet del’ascensiond’uneâme12».Après deux premières conférences enmai et juin 1931 sur laprièredeJésusetsurl’oraison,puisuneautreendécembresurlaprièredelasainteVierge13,le«coursd’oraison»commençavraiment au début de 1932 et se poursuivit sans discontinuerjusqu’en mars 1937, lors du départ du Père Marie-Eugène àRomecommedéfiniteurgénéral.Untableaudesconférencesfutréalisé en 1935, réorganisé en 1936 et complété par le PèreMarie-Eugène. Nous donnons en annexe cette synthèse duparcoursdéjàsuivi.Àl’aidededonnéespuiséesdansdeslettreset les documents d’archives conservés à Notre-Dame de Vie,nousy ajoutons les conférencesde1936-1937,puis cellesquifurentrédigéesparlasuite,portantlenombredesconférencesà40.L’ensemble qui se dévoile est suggestif d’une élaborationprogressive dans une visée déjà globale du parcours à suivreavecsainteThérèse.Lesmanuscritsde lamainduPèreMarie-Eugène, presque tous bien rédigés, sont conservés14. Leurrépartitionparannéemontrel’effortcontinuetordonnéduPèredanscetravail,commencédès1931etpoursuivijusqu’àlaveilledelaguerrede193915.


déterminantes pour sa vie et sa doctrine, comme celle deNicodème en Jn3,5-8 (cf. JVVD, t338s ; 821s). La petite Thérèse et Jean de la Croixs’illuminentdefaçoninoubliable.Ilvivraaveceuxjusqu’àlafin.8. Expression de Philippe SAINZ DE BARANDA, Préposé général o.c.d.,PréfacedePèred’uneMultitude,LettresautobiographiquesduPèreMarie-Eugène,Sarment-Fayard,1988,p.9.9.«SaintÉlie,PatriarcheduCarmel»,Carmel, juillet1927,n°10,p.219-227.10.Cf.JVVD,Avant-Propos,t9.11.Ibid.,t10.12.Ibid.13.21mai1931:«LaprièredeNotre-Seigneur»;10juin:«Qu’est-cequel’oraison ? » (PèreMarie-Eugène, récréation du 31-12-1955) ; 5 décembre1931:«LaprièredelasainteVierge».14.Lesdeuxpremiersmanuscrits sontdesplansdétaillésavecdescitationsrelevéesàpart ; lesdeuxsuivantssontdes textesbrefs (6et10pages),pascomplètement rédigés.Tous les autresmanuscrits (05 à 40) sont des textesrédigés avec citations intégrées (et parfois quelques ajouts de plans oucitations).15.Cinqcoursd’oraisonen (1931)-1932 ; six en1932-1933 ;huit en1933-1934;sixen1934-1935;cinqen1935-1936;quatreen1936-1937.LePèresemble avoir anticipé puis prolongé la rédaction de ses cours entre 1937et1939(n°35à40,cedernierversmai-juin1939).16.JVVD,I,8.17.Ibid.,I,9.18.Ibid.,III,1etIII,3.19.Laretraitedu21au27juillet1935estsignificativeparlesconférencessur« l’esprit duCarmel », « l’Esprit Saint » et « le don de soi ». Il y a aussi« l’obéissance», « la foi », « la contemplationde foi », « le silence».Onpeutnoteraussiquela«directionspirituelle»n’estpasabordéecommetelleavant1939(Coursn°40).20.Certains textesmanuscrits seront repris presque totalement (souvent lespremiers chapitres ; ceux des Oraisons des débutants ; cf. aussi n° 37),d’autresenpartie(ex.n°35);d’autresenfinserontcomplètementrédigésànouveau(ex.n°36),ensuivantparfoislesélémentsessentielsduplaninitial(ex.n°38et39).21.LettreàBerthedu2novembre1940.Ildutlesprêcheràplusieursreprises

àdiversgroupesdepersonnes.22. Cette deuxième vague de conférences auCoursNotre-Dame de Francen’a pas laissé, semble-t-il, de synthèse propre dans les archives de Notre-Dame deVie. Elle rassemble cependant, sur des thèmes déjà abordés, desinterventionsdontlestitresfontsongeràquelqueschapitresimportantsdeJeveuxvoirDieu.Lapremière,le9janvier1941,faitapparaîtrelevocabulairede la Sagesse et s’intégrera à la charnière vers la deuxième phase : « LesdiversesSagesses»(cf.JVVD,II,10,BetC).Ensuite,àpartirdu22février,se constituent plus clairement les «Perspectives » : «L’âme,Temple de laSagesse» (cf. I,2) ; le 29mars : «ConnaissancedeDieu, connaissancedesoi»(cf.I,3);le10mai:«L’oraison,commerced’amitié»(cf.I,4);puisle15novembre1941:«LeChristJésusdansl’oraisonthérésienne»(cf.I,5);le12mars1942:«Vieetmortspirituelle»(prochedeI,6surl’ascèse;cf.aussi II,1-2), et finalement le 4 juin 1942 : « De la prière vocale à laméditation»(cf.II,3).23.Pourlevolumepublié,respectivement:JVVD,I,1;I,5;I,9;puisII,5etII,7. Il continuera ensuite par deux textes qui formeront des chapitres dudeuxième volume sur les cinquièmes Demeures : « L’union de volonté »,Carmel, janvier1947(cf.IV,9)et«L’obéissance»,Carmel,1950,n°1(cf.IV,8).D’autres revuesaussi serontdes lieuxdepublication :«Doctrinedel’Enfance Spirituelle »,Études etDocuments, 1950, n° 6 et 8, (cf. V,4B) ;«Lasécheressecontemplative»,LavieSpirituelle,1950,n°355,(cf.IV,6);«DévotionàlaSainteFacedeSteThérèsedel’E.J.»,ÉtudesetDocuments,1951,n°8(cf.V,5A).24. Éditions du Carmel, 1944, 127 p. ; il paraîtra de nouveau à 4 000exemplaires en 1946 (Lettre du 12-11-1946) et sera traduit en espagnol dès1947,puisenjaponaisetenpolonais.Ilserarééditéenfrançaisen2008.25.Lesoraisonsdesdébutants,1944,p.5et7.26.Cf.ArchivesdeNotre-DamedeVie,Dossiers23,26et23,20.UnelettreàMariePiladu13février1946parlede«continuerlaVePartieetlaterminerdans quelques mois ». Il semble être question des Ve Demeures. Le18 novembre 1949, il écrira en effet à la même qu’il « espère pouvoirterminer cet hiver » le second volume, soit Je suis fille de l’Église. Ilterminaitalors lechapitre«Fiançaillesetmariagespirituel»,etdemanderadesprières lemoissuivant«pourdireclairementdeschosesimportantes»dansledernier,encorenommé«conférence»(6déc.1949).27.Le 9 septembre 1947, il écrit àMariePila : « Jemets au point l’Avant-Proposetleplandel’ensemble».Ils’agitdupremiervolumeoùfiguredéjà,

entête,letableauinitialdetoutel’œuvreavecl’ensembledeschapitres.28.Cf.LettreàMmeGrialouetBerthe,du30avril1937.29.Noussavonsparexemplequ’ilabordeCatholicismeduPèredeLubacetlepremiervolumedelapartiehistoriqueduCorpsMystiqueduChristdeÉ.Mersch dès les années 1938-1939, et qu’il poursuivra ses lectures aprèsguerre avec Méditation sur l’Église de de Lubac et Morale et CorpsMystique de Mersch. Son attrait pour l’Église n’est pas nouveau, dans leprolongement du christocentrisme puisé dans ses sources carmélitaines etdans l’École française. Le livre de Dom A. Gréa, L’Église et sa divineConstitution a pu aussi avoir assez tôt un certain impact pour fortifier sonregardsurledesseindeDieuquiculminedansl’Église,demêmequelelivreduPèreClérissacsurLeMystèrede l’Église,dont laPréfaceestcitéedanssesnotesvers1928.30. Il y participe en 1937, 1938, 1948, 1950, 1952 et 1956, y rencontre C.Journet, J. Maritain, R. Garrigou-Lagrange ; J. Guitton, C.H. Nodet ; J.Lhermitte,H.Ghéon,G.Thibon,S.Fumet,L.Massignon,etc.31. Sont conservés un grand nombre de textes dactylographiés qui ont étéréalisés à partir de 1946 et qui ont été coupés, corrigés et complétés parl’auteur. Cette première frappe a donc dû être reprise pour la premièreéditionendeuxlivres,en1949et1951.32.LettreàJeannePlegat,du19février1950.33. Cf. Lettre du 17 octobre 1949. Signalons cependant les dossiersd’archivesquimontrentuntravailcolossaldelectureattentivedestextesdesMaîtrescarmélitains(dèslesannéestrentemaissurtoutpourlaréalisationdela dernière partie entre 1946 et 1950) et une préparation soignée de pointsdélicats commepar exemple les troubles rencontrésdans lanuit de l’espritou les descriptions des fiançailles et du mariage spirituels, ainsi que del’uniontransformanteetseseffets«dansleChristtotal».34. Je veux voir Dieu, Avant-Propos de la première édition du deuxièmevolume (1951), réuni au premier, t487. Il avait déjà prévenu le PèreLouisGuilletparlettre,dèsle11mars1949.35.JVVD, t397.Cette perspective faitmieux comprendre le développementdu chapitre sur « l’esprit thérésien » et la synthèse déployée dans « lacroissancespirituelle»(Premièrepartie),ainsiquel’apparitiondeschapitressur«LaSagessed’Amour»et« ledonde soi», entourant celui sur« lesDonsduSaint-Esprit»,quioriententlasecondephase(Troisièmepartie).36.JVVD,t1073et1076-1077.


J’ai dit, au début de l’écrit ci-joint, avec quelle répugnance je l’aicommencé;maisdepuisqu’ilestterminé,ilmecauselajoielaplusvive.Jeregardeeneffetcommebienemployée lapeine,d’ailleurs très légère je lereconnais, qu’il m’a coûtée. Quand je considère, mes sœurs, l’étroiteclôture oùvous êtes, le peud’agrément qui s’y trouve et l’insuffisance simanifeste du local qui serait nécessaire pour quelques-uns de nosmonastères, ilme sembleque ce seraune consolationpourvousdevousdélecter dans ce Château intérieur ; car vous pourrez y entrer et vous ypromenerà touteheure, sansavoirbesoind’endemander lapermissionàvosSupérieurs21.

LaSainteestheureuse.Ilestvisiblequ’elleatrouvéelle-mêmede la joie à se promener dans ce « Château » de son âme,résidence et propriété de son Maître, à y revoir l’œuvremiséricordieuse de son Dieu, à s’attarder devant ses dons lesplusprécieuxetlesplusrares,àleremercierdetout.Sajoieaétéplusgrandeencoredepouvoirnousintroduireencedomainemystérieuxetréservé,denousenfaireadmirerlesrichessespourquenouslesdésirions,etdenousmontrerlesvoiesquidonnentaccèsjusqu’auxDemeureslesplussecrètesafinquenousnousyengagionsàsasuite.

C.VALEURDEL’OUVRAGELa joiede laSainte aun autremotif : elle est contentede laperfectiondesonouvrageetnes’encachepas.Quelquesjoursaprès,elleécriteneffetauP.GaspardeSalazar,s.j.:…SiM. Carillo (P. Gaspar) venait, il verrait un autre bijou qui est biensupérieur à l’autre (le livre de saVie).Ce bijou (livre desDemeures) estenrichid’émauxplusdélicatsquelepremier,etsontravailestplusparfait;carl’orfèvrequandilfitcelui-cin’ensavaitpasautantquemaintenant.Deplus,l’ordecebijouestd’unequalitéplusexcellentequeleprécédent,bienquelespierresprécieusesn’ysoientpasaussiàdécouvert22.

Critiques littérairesetauteursspirituelsont toussouscritàcejugement.LeChâteauIntérieurouLivredesDemeures estparexcellencelebijoudesainteThérèse:c’estsonchef-d’œuvre.

Le « travail est plus parfait » car cet écrivain de race qu’estThérèse s’est perfectionné dans l’art délicat d’analyser etd’expliquerlesopérationsdeDieudansl’âme.Sonvocabulairespirituelestdevenuplusriche.Saplumesoupleobéitmieuxàlapensée ; elle peut la laisser courir : elle sera toujours fidèle,précise,délicieusedevieetd’entrain.Autrefois « l’orfèvre n’en savait pas autant quemaintenant ».Depuiseneffetqu’elleécrivaitlelivredesaVie,l’expérienceetla science spirituelles de la Sainte se sont considérablementenrichies23.Qued’âmesellearencontréesquiluiontfaitdesconfidenceset qu’elle a dirigées dans les voies spirituelles : âmes de sesfillesdanssesmonastères,personnesdumondepourquielleestun oracle, religieux qui lui témoignent une grande confiance !Elle les a vues s’engager dans les chemins de la perfection,marcheraveccourage,poursuivreleurrouteàsasuitemalgrélestempêtes, ou s’arrêter ici ou là devant telle difficulté,spécialement en ces fourrés obscurs des quatrièmes Demeuresquebeaucoupatteignentmaisquebienpeudépassent.LasainteMèreconnaîtlesécueilsdelarouteetlafaiblessedesâmes.Elleafréquentédenombreuxthéologiensetdesmeilleurs.Deles avoir rencontrés et d’avoir pu les consulter est, à son avis,unedesgrandesgrâcesde savie.Lasciencedecesmaîtresdel’Universitéaapaisébiendesdoutesetprojetédelalumièreendenombreuxproblèmes.PendantprèsdetroisanssaintJeandelaCroixaétésonconfesseuraumonastèredel’Incarnation,oùilestvenusursademande.Ilsontconfrontéleursexpériencesetmis en commun leurs biens spirituels. Thérèse a donné de sagrâcedeMère,JeandelaCroixausédesonautoritédePèreetcommuniquésasciencededocteurmystique.Leursentretiensseterminent parfois dans l’extase ; et c’est après la communion

reçuedesmainsduP. Jeande laCroixque sainteThérèse estélevéeaumariagespirituel(18novembre1572).Cette grâce marque la transformation complète de l’âme enDieu. Ainsi que la Sainte l’explique elle-même aux septièmesDemeures24, elle jouit alors d’une façon habituelle, par visionintellectuelle,delaprésencedelaTrinitésainteaucentredesonâme.Cen’estdoncplusd’unefaçontransitoireetfugitive,maisconstamment que son regard peut plonger dans la lumière dumystère de Dieu, et y puiser de nouvelles richesses. Elle estassise au banquet de laSagesse qui lui communique les biensinnombrables dont elle est la source : la lumière de vérité quimetchaquechoseensaplacedans laperspectivede l’Infinietendétermineainsilavaleur,aveclacharitéquidébordeenzèleardent.LasciencedeThérèseestdevenueplusprofondeetplusvaste,plus élevée et plus simple.Des sommets où elle est parvenue,elle découvre mieux les droits de Dieu et les devoirs de lacréature, lesexigencesde l’absoluet la faiblessede l’homme;elle peut considérer le chemin parcouru, mesurer les étapes,apprécierlesdifficultésetcompatiràlasouffrancedesâmesquipeinent sur les pentes. Elle peut décrire avec précision,conseiller avec | autorité, se pencher avec amour : le mariagespiritueladonnéàsamaternitédegrâce toutesapuissancedefécondité.C’est au monastère de l’Incarnation, avant la fondation ducarmel de Saint-Joseph d’Avila, que sainte Thérèse a subil’assaut du séraphin qui lui a transpercé le cœur25. Il nousimporte relativement peu de savoir si la blessure fut alorsréellementphysique26,maisilestcertainquelaSainteareçuàcetteheurelesprémicesdel’espritqueDieudonneauxchefsdefamille, ainsi que des trésors et des grandeurs en rapport avec


trouver, l’âme va s’orienter et marcher vers les profondeursd’elle-même. La vie spirituelle sera par excellence une vieintérieure ; la marche vers Dieu sera une intériorisationprogressive jusqu’à la rencontre, l’étreinte, l’union dansl’obscur, en attendant la vision du ciel. En cette marched’approche, chaque étape dans l’intériorisation sera une«Demeure»quimarqueraenfaitunprogrèsdansl’union.Telleest la conception de la vie spirituelle que livre la vision duChâteau.Faisonslapartdel’imageetdiscernonslaréalitéetsesenseignements.Dieuqui habite le palais des septièmesDemeures estAmour.Or l’Amour est toujours en mouvement pour se donner. Il nesaurait cesser de se répandre sans cesser d’être lui-même :bonum diffusivum sui. Essentiellement dynamique etdynamogèneilentraînedansledondelui-mêmetoutcequiluiappartientetilaspireàconquérirpourdonnerdavantage.Dans les septièmes Demeures Dieu est un soleil qui envoieconstamment ses rayons, un brasier toujours ardent, unefontainetoujoursjaillissante.Ilesttoujoursenactivitéd’amourdans l’âme où il réside. Cette âme est le champ de Dieu :agriculturaDeiestis26.Dieus’enfaitlelaboureur,levigneron:Patermeusagricolaest27.Artisan|denotresanctification,illaréalise par la diffusion de la grâce qu’il répand suivant nosmérites ou simplement pour satisfaire le besoin de samiséricorde :Caritas Dei diffusa est in cordibus nostris perSpiritum sanctumqui datus est nobis28. Il aspire à régner surnousetcettegrâceestsoninstrumentdeconquêtepacifiqueetdedominationsuave.Cette grâce en effet répandue dans l’âme est demême natureque Dieu : vie, amour, bien diffusif de soi comme Lui,conquérantecommeLui.Deuxdifférencescependant : l’amour

enDieuengendreetdonne ; la charité surnaturelledans l’âmeestengendréeetremonteverssasource;lepremierestpaternel,lasecondeest filiale29.Deplus l’amourdeDieuestéterneletimmuable.Lagrâceaucontraire,bienquedéjàunissanteensondegré le plus infime telle qu’elle est reçue au baptême,ressemble à un germe si on considère les accroissements dontelleportelapuissanceetladestinée.LeroyaumedeDieu,nousditNotre-Seigneur,estsemblableàungraindesénevé,quiestlaplus petite des graines et qui deviendra le plus grand desarbrisseaux30 ;oumieuxencorepourcequiconcerne lagrâcedans nos âmes : le royaume de Dieu est semblable au levainqu’unefemmemetdanstroismesuresdefarineetquitransformetoutelapâte31.Envahissante et filiale, la grâce va accomplir son œuvre detransformationetdeconquête.Greffée sur la nature humaine, avec son organisme vivant devertus infuses et de dons du Saint-Esprit, la grâce épouseparfaitementlesformesducomplexehumain,ensaisittouteslespuissances et toutes les activités. Envahissante, elle pénètre etdomineprogressivementlesfacultéshumainesenleslibérantdeleurs tendances égoïstes et désordonnées. Filiale, elle lesentraîne,aprèslesavoirconquises,danssonmouvementversceDieuintérieur,Pèredelumièreetdemiséricorde,etlesLuioffredésormaispurifiéesetfidèles,toutessoumisesàseslumièresetàsonaction.Il ne sera pas inutile de signaler dès maintenant qu’en cetteactionconquérantedelagrâce,Dieusembletoutd’abordlaisserbeaucoup à l’initiative et à l’activité de l’âme. Il affirme plustard sa maîtrise, parfois en révélant | sa présence, se réservel’initiative et impose à l’âme une activité de soumission etd’abandon jusqu’à ce que, transformée par la charité en vraie

filledeDieu,ellen’obéisseplusqu’auxmotionsdel’EspritdeDieu qui vit en elle : Ii sunt filii Dei, qui… spiritu Deiaguntur32.Ainsi s’établit le règnedeDieudans l’âmeet s’opère l’uniontransformante par l’envahissement de la grâce quiprogressivement conquiert, transforme et soumet au Dieuintérieur.Enselibérantdesexigencesextérieuresdessensetdeses tendances égoïstes, en obéissant à des lumières et desmotions de plus en plus spirituelles et intérieures, l’âmes’intérioriseelle-mêmejusqu’àappartenircomplètementàCeluiqui réside en la fine pointe d’elle-même. Telle est la viespirituelleetsonmouvement.La marche, décrite par sainte Thérèse, de l’âme à travers lesdiversesDemeures,pours’uniràDieudanslesseptièmesoùilréside, est à peine un symbole, un symbole cependant, maiscombienprécisetriched’enseignements.

C.L’UNIONTRANSFORMANTE:BUTDELASPIRITUALITÉTHÉRÉSIENNE

L’uniondivine,termedelaviespirituelle,estdifférentesuivantles âmes. Elle comporte des degrés en nombre quasi indéfini,depuis celle qui est réalisée chez l’enfant qui meurtimmédiatementaprèssonbaptême,jusqu’àl’unionineffabledelaSainteViergeaujourdesonAssomption.SainteThérèseaspireàuneuniontrèsélevéeetdontellefixeles caractères. Nous l’étudierons plus complètement en sontemps ; dèsmaintenant nous devons nous y arrêter un instantpourconnaîtrelebutdel’activitéspirituellecarmélitaine.Desfaveursmystiques(visionintellectuelledelaTrinitésainteet vision du Christ Jésus qui lui remit un clou, signe de sonalliance)mirentenreliefchezsainteThérèsecessommetsdelavie spirituelle qui consistent essentiellement en une union


divers. La violence et la diversité de ces mouvements sousl’action deDieu furent pour sainteThérèse cause d’angoisses.Uneexplicationsurladistinctiondesfacultés,quiontchacuneleuractivitépropre,luifutlumineuse:Pourmoi,j’aigrandementsouffertparfoisdecesdivagationsd’esprit,etiln’y a guère plus de quatre ans que j’ai compris par mon expériencepersonnelle que la pensée, ou pour que l’on me comprenne mieux :l’imagination,n’estpas lamêmechoseque l’entendement.Jeconsultaiunsavant, et ilme dit que c’était vrai ; cette réponse ne fut pas d’une petiteconsolation pour moi. Comme l’entendement est une des puissances del’âme, j’étaisdésoléede levoirparfois sidistrait, tandisqu’ordinairementl’imagination prend son vol de suite ; il n’y a que Dieu qui puissel’enchaîner11.

2.L’actiondeDieuluipermetdedistinguerdeuxrégionsdansson âme : une région extérieure et ordinairement plus agitée,dans laquelle semeuvent l’imagination qui crée et fournit desimages, et l’entendement qui raisonne et discourt (ces deuxfacultés sont volages et ne sauraient rester longtempsenchaînées,mêmeparuneactionpuissantedeDieu);unerégionplus intérieure et | plus paisible où se trouvent l’intelligenceproprementdite, lavolontéet l’essencedel’âme,quisontplusrapprochées des sources de la grâce, plus dociles aussi à sonemprise, et lui restent plus aisément soumises malgré lesagitationsextérieures.Cette distinction entre l’extérieur et l’intérieur, entre sens etesprit, que nous retrouvons avec des terminologies différenteschez tous les auteursmystiques12, lui permettra de donner unenseignement précis sur l’attitude intérieure à garder dans lacontemplationlorsquelefonddel’âmeestprisparDieu,tandisquel’entendementetsurtoutl’imaginationsontagités:D’un côté je voyais, ce me semble, toutes les puissances de mon âmeabsorbées en Dieu et recueillies en Lui, d’un autre côté l’imagination setrouvaitdansuntroublecomplet;j’enétaistoutinterdite…

Or,demêmequenousnepouvonspasarrêterlemouvementducielquiestemportéavecune rapiditéprodigieuse,demêmenousnepouvonsarrêternotre imagination. Nous mettons aussitôt toutes les autres puissances del’âme avec elle, et alors il nous semble que nous sommes perdus et quenous employonsmal le temps que nous passons en la présence deDieu.Peut-être cependant que l’âme lui est unie tout entière dans les demeuresquisontlesplusrapprochéesdelasienne,tandisquel’imaginationestdanslesavenuesduchâteauoùellesouffredesetrouveraumilieudemillebêtesférocesetvenimeuses…Tandisquej’écrisceslignes,jeréfléchisàcequisepassedansmatête…ilme semble entendre le bruit d’une foule de fleuves qui se précipitent,d’oiseauxquichantentetdesifflements;jeleperçoisnondanslesoreilles,mais dans la partie supérieure de la tête où, dit-on, réside la partiesupérieuredel’âme…Quelquesoitce trouble, ilnem’empêchepasdeme livrerà l’oraison,nid’être attentive à ceque jedis en cemoment ; l’âmeau contraire est toutentièreoccupéedesaquiétude,desonamour,desesdésirsetdesaclaireconnaissance13.

De cette expérience la Sainte tire la conclusion qu’« il n’estdonc pas bien de nous laisser troubler par les penséesimportunesoud’enéprouverdelapeine14».3. Le vol de l’esprit met sainte Thérèse en face d’un autreproblème psychologique, moins important que les précédentspour la vie spirituelle, mais plus ardu, et dont le seul énoncérévèlelapénétrationdesonregard.Ceproblèmeestcelui-ci:Ya-t-il une distinction entre l’âme et l’esprit, entre l’essence del’âmeetlapuissanceintellectuelle?Certaines philosophies lui répondent que c’est une mêmechose.Etcependant,danslevoldel’espritelleserendcompteàla fois que« l’esprit semble véritablement sortir du corps » etque l’âme ne l’a point quitté puisque la personne « n’est pasmorte15 ». Comment expliquer ce phénomène ? Elle voudraitbienavoirlasciencepouryparvenir.Àsondéfautelleéclaireraleproblèmeavecunecomparaison:

Celui qui a l’expérience de cette faveur pourra en parler ; si de plus ilpossède la science, il y trouvera un grand secours. Voici une pensée quim’estvenuebiensouvent.Dès lorsque le soleildenotre firmamentpeut,sanssedéplacer,envoyersesrayonsavecunetellepuissancequ’ilsarriventjusqu’ànousenuninstant,est-cequel’âme‒quin’estqu’unemêmechoseavec l’esprit, comme le soleil avec ses rayons ‒ ne pourrait pas, tout endemeurant où elle est, et par la force de la chaleur qui lui vient du vraiSoleil de justice, s’élever au-dessus de sa propre substance par quelquepartiesupérieured’elle-même16?

II.ConnaissancespirituelleQuelquesnotionspsychologiquessontnécessairesauspirituelpour éviter des souffrances et des difficultés ; il lui importecependant beaucoup plus de posséder cette connaissance quenousavonsappelée«spirituelle»etqui lui révèlecequ’ilestdevant Dieu, les richesses surnaturelles dont il est orné, lestendancesmauvaisesquientraventsonmouvementversDieu.Si la connaissance psychologique est utile à la perfection, laconnaissancespirituelleenfaitpartiecarellealimentel’humilitéetseconfondavecelle.Aussiest-cedecettedernièrequesainteThérèse affirme qu’elle est le pain avec lequel il faut mangertouslesautresaliments,sidélicatsqu’ilssoient.L’action divine, par les effets divers produits dans l’âme, arévélél’organisationdumondeintérieur.C’estuniquementsousla lumière de Dieu que nous pouvons maintenant explorer letripledomainedecetteconnaissancespirituelledesoi.a)CequenoussommesdevantDieuDieu est ami de l’ordre et de la vérité, dit sainte Thérèse.L’ordre et la vérité exigent que nos rapports avec Dieu soientbaséssurcequ’ilestetsurcequenoussommes.Dieu est l’Être infini, notreCréateur.Nous sommes des êtresfinis,sescréatures,quidépendententoutdeLui.


Chapitrequatrième

L’Oraison

LaportequidonneentréedansceChâteau…c’estl’Oraison1.L’Oraisonestuncommerced’amitié2…

Connaître Dieu, se connaître soi-même dans la lumière deDieu : telle est la double connaissance qui constitue lefondement de la vie spirituelle, en règle le mouvement, enindiquelesprogrès,enassurelaperfection.Parquelsmoyensl’âmeva-t-elleseporterverslesprofondeursd’elle-même pour s’unir au Dieu qui y habite ? Dès lespremièrespagesduChâteauIntérieursainteThérèsel’indique:Revenons, écrit-elle, à notre splendide et délicieux Château et voyonscommentnouspouvonsypénétrer…D’aprèscequejepuiscomprendre,laportequidonneentréedansceChâteau,c’estl’oraisonetlaconsidération3.

Cemotnouslaisseentrevoirlerôleessentieldel’oraisondanslaspiritualitéthérésienne.Précisonsce rôle ;nousexpliqueronsensuitesadéfinitiondel’oraisonetdesclassificationsqu’elleendonne.

A.RÔLEDEL’ORAISONDANSLASPIRITUALITÉTHÉRÉSIENNE« La porte qui donne entrée dans ce Château… c’estl’oraison.»SainteThérèseécritd’abordpoursesfilles,quiviventsouslarèglecarmélitainedesaintAlbert.Cetterègle,quiacodifié lesusagesdesermitesduMont-Carmel,contientunprécepteautourduquel tous les autresgravitent : «méditer la loi duSeigneur,nuitetjour».

C’est simple, net et absolu. Telle était la vie des ermites duCarmel. Ils étaient venus sur la saintemontagne pour vivre del’esprit du grand prophète Élie, dont l’âme tout entière s’étaitexprimée en son cri de guerre : « Vivit Dominus in cujusconspectusto!IlestvivantleSeigneurenprésencedequijemetiens4.»CecrideguerreinscritdansladeviseduCarmelfixel’attitudefoncièrede l’âmecarmélitaine.LaprésencedeDieuest leportd’attache auquel elle doit revenir dès que sont terminées lestâches particulières qui lui sont imposées. Ainsi faisaient lesprophètesaudésert,etlesermitesauMont-Carmel.SainteThérèseseréclamedesafiliationàleurégardetveutenrevivrelagrâceentoutesaferveurpremière:NoustoutesquiportonscesainthabitduCarmel,écrit-elle,noussommesappeléesàl’oraisonetàlacontemplation.Telleaétéeneffetnotrepremièreinstitution. Nous descendons de cette race de saints religieux du Mont-Carmel,quines’enfonçaientdansunesolitudesiprofondeetnevouaientaumondeunméprissiabsoluquepouralleràlarecherchedecetrésor,jeveuxdiredecetteperleprécieusedontnousparlons(lacontemplation)5.

Filledecesermites,sainteThérèseacommeeuxfaimetsoifdeDieu.Elleréclame,elleaussi,lesilenceetlasolitudedudésert.Ne pouvant s’y rendre, elle va le créer au sein des villes enfondantlemonastèreréformédeSaint-Josephd’Avila.Lavieysera érémitique, grâce à une étroite clôture, des grilles, desvoiles, un petit nombre de religieuses et la retraite en cellule.C’est le triomphe de son génie organisateur, qui excelle àréaliserunegrandepenséeaumoyend’unefoulededétails.Danscesilencedésertiquelesâmespeuventetdoiventrevivrel’idéal primitif de l’oraison continuelle. La Sainte le leurrappelleentoutesoccasions.Dès leur entrée dans la vie religieuse, elles ont à s’exercer àvivre constamment en compagnie du bon Maître qui les y a

appelées. Elles n’y sont point venues elles-mêmes pour autrechose.Pourprendrecettehabitude,untempsplusoumoinslongseranécessaire suivant la facilitéque lagrâce leurendonnera.Quelles que soient les diffi¬cultés rencontrées, elles doivent ytravaillerjusqu’àcequ’ellesysoientparvenues.Sans ce commerce habituel avec le bon Jésus, ce cadredésertique n’aurait point de sens et aurait perdu son âme. Iln’offriraitplusqu’ennuiou,pisencore,refugeàlamisanthropieetàlaparesse.LorsquesainteThérèseayanttrouvésavocationapostoliquesedécide à fonder desmonastères sur lemodèle de Saint-Josephd’Avila, elle est guidée par le désir de rassembler les âmesgénéreusesquiveulentprierpour les défenseursde l’Église, pour les prédicateurs et les savants qui lasoutiennent…C’estpourcetteœuvrequ’ilvousaréuniesici,ajoute-t-elle;c’estlàvotrevocation,cesontlàvosaffaires;teldoitêtrel’objetdevosdésirs,lesujetdevoslarmes,lebutdevosprières6.

La mission de la Réforme thérésienne sera de prier pourl’Église, en même temps que d’y maintenir un haut espritd’oraisonetd’enenseignerpratiquementlesvoies.Pourlesâmescarmélitainesl’oraisonn’estdoncpasseulementunmoyendeperfection,unexercicede lavie spirituelle, c’estl’occupation essentielle qui doit remplir la journée, qui doitfaire la trame de la vie spirituelle. Elle est le chemin deperfection que sainte Thérèse va tracer et décrire en résumantdansuntraitélesconseilsqu’elledonnaitàsesfilles.C’est d’ailleurs le chemin de perfection qu’elle a suivi elle-même. Sa vie spirituelle personnelle a été tellement liée à sonoraisonque l’unea suivi lesvicissitudesde l’autreetque leurhistoire seconfond.Elleaprogressé tantqu’elleaété fidèleàl’oraison, et les périodes demoindre ferveur ont étémarquées


fortes et souples, à la disposition des délicates motions del’EspritdeDieu.

117.1eDem.,c.1,p.819[1,7].118.Vie,c.8,p.82[8,5].119.1eDem.,c.1,p.817-819[1,5.7].120.1R17,1.121.5eDem.,c.1,p.893[1,2].122.Chemin,c.1,p.584-585[1,2.5].123.Chemin,c.26,p.706-707[24,5.6].124.1eDem.,c.1,p.818[1,6].125.Fond.,c.5,p.1099[5,3].126.2Co3,18.127.Vie,c.8,p.85[8,8].128.Vie,c.8,p.82[8,5].129.Vie,c.11,p.112[11,13].130.SainteThérèsepritconseildesPèresdelaCompagniedeJésuspresquedès leur installation à Avila (1555). Elle eut le P. Balthasar Alvarez, s.j.,comme directeur pendant six ans. Elle connut donc certainement lesExercices de saint Ignace et la méthode d’oraison propagée par laCompagnie.Avidedetoutcequiconcernaitl’oraisonelleconnuttrèsprobablementaussila méthode d’un certain abbé de Montserrat, qui était très répandue enEspagne.Lesméthodespeuventêtre trèsutiles, surtoutaudébutde laviespirituelle,car, adaptées au tempérament de chacun, elles soutiennent et guidentjudicieusementleseffortsdesâmes.Ellesne restentbienfaisantesqu’à laconditionqu’onsacheabandonner lesactes multiples et ordonnés qu’elles prescrivent lorsqu’on est parvenu aubut,c’est-à-direàl’intimitéavecDieu.Parfois,malheureusement,cesméthodessontmalcomprises.Onconsidèrele travail des facultésqu’ellesdemandent, beaucoupplusque le commerced’amitiéauquelellesdoiventconduire.Onconfondlemoded’oraisonavecl’oraison elle-même. Faire oraison, pense-t-on, c’est construire un cadreimaginaire,sentir,entendre,voir,avoirdefortesimpressions,ouencorefairedes considérations ou avoir devant les yeux une vérité à contempler. On

consacretousseseffortspourréaliserlemodequiaétéimposéouquiaétéchoisi ; on se prive de la liberté d’âme nécessaire à la vie d’amour.L’accessoireestdevenul’essentielaupointquel’onoubliequel’oraisonestunéchangeetqu’onnepensemêmeplusàDieuàquil’ondoitparler.L’âmes’enfermedansunmoded’oraisonparticulier,ouplutôtfaitdevainseffortspours’yastreindre,et,n’yparvenantpasounetrouvantaucunegrâcedansunsirudeeffortquirestestérile,elleseretiredécouragéeaveclaconvictionqu’ellen’estpasfaitepourunevied’oraison.131.DansleChemindelaPerfectionsainteThérèsedonneraelle-mêmeuneméthodequiestl’oraisonderecueillement.Cetteméthoden’estliéeàaucuneforme précise d’activité des facultés et n’affirme que la préoccupation deconduirel’âmeàDieuparleChristJésus.132.Jn1,18.133.Mc5,25-34.134.Man.Autob.Cfol.25r°etv°.135.Vie,c.11,p.107[11,7-8].136.Ibid.,c.11,p.108[11,9].137.Ibid.,c.14,p.137-138[14,1-2].138.Ibid.,c.16,p.157[16,1].139.Ibid.,c.20,p.194[20,2].140. Dans le Château Intérieur, sainte Thérèse ne distingue plus commedegré spécial d’oraison cette troisième eau ou sommeil des puissances.Probablement, fortement impressionnée tout d’abordpar les effets de cetteoraison,d’intensitésensiblenotablementplusgrandequeceuxde lasimplequiétude,elleserenditcompteplustard,dansunevisionpluspréciseetpluscomplètedetouslesdegrésd’oraison,quelesommeildespuissancesn’étaitqu’undébordementdanslesensdesgoûtsdivinsdelaquiétude,et,commeunionimparfaite,pouvaitêtrerattachéeàlaquiétude.141.«L’oraisonlamieuxfaiteetlaplusagréableàDieuesttoujourscellequilaisse après elle les meilleurs effets. Je n’entends point parler des grandsdésirs, car,quoiquece soitunebonnechoseque lesdésirs, ilsne sontpastoujours tels que notre amour-propre nous les présente. J’appelle “bonseffets” ceux qui s’annoncent par les œuvres, de sorte que l’âme fasseconnaître le désir qu’elle a de la gloire de Dieu par son attention à netravaillerquepourLui.»(LettreauP.Gratien,23octobre1576,Lettres,t.2,p.18[cf.trad.duP.Grégoire‒LT136,4]).


d’efficacité que par le vœu chez le baptisé de recevoirl’Eucharistie55.Lacommunionauneffetdetransformation.Maiscen’estpaslanourriturecélestequiest transforméeenceluiqui lamange,c’estleChristJésusquisedonne,quivientenconquérantpourtransformerdanssalumièreetdanssacharité.Nousparvenonsau mystère de l’union du Christ avec les âmes et toute sonÉglise.Après laCène, Jésus le laisse entrevoir à ses apôtres qui ontcommuniépourlapremièrefoisetontétéordonnésprêtres:«Jesuis la vigne, vous êtes les rameaux.Le rameau séparé du cepn’estplusqu’unsarmentquiserajetéaufeu.Sansmoivousnepouvezrienfaire56.»ToutenotreviesurnaturelleestliéeànotreunionauChristJésus.Séparésdeluinousnesommesplusrienetn’avonsplusdevaleurnid’existencedansl’ordresurnaturel.AussiensaprièresacerdotaleavantlaPassion,leChristJésusne fait qu’une demande pour ses apôtres et pour ceux quicroirontenleurparole:qu’ilssoientunavecLui,commeLuietsonPèresontun57,afinqu’ils |puissentvoirsagloire58.Cela,le Christ Jésus l’exige comme le prix de son sacrifice. Cetteunité est le but de l’Incarnation et de laRédemption. Elle estvitalepournosâmesetpourl’Église.L’apôtresaintPaulvaexplicitercetenseignementetenfairelasynthèse. Il se proclame le héraut du grandmystère qui est lemystèreduChrist,decedesseinéterneldelamiséricordedivinequi,après lachute, restaurant toutparsonVerbe incarné, luiadonnélaprimautéentouteschoses,arassembléenLuitoutceque lepéchéavait séparé,nousadonc tous réunisenLuiafinqueparLuiet enLuinousayons lapurification, le salut et lasainteté,etqu’avecLuinous formionsunseulcorpsquiest leChrist total ou l’Église. In Christo Jesu : telle est l’idée

maîtresse de l’enseignement de saint Paul ; c’est l’essence duchristianisme.L’Église c’est le Christ diffusé ou le Christ répandu en sesmembres.Elle leprolongeen lui fournissantdeshumanitésdesurcroîtdans lesquelles ilétale les richessesdesagrâceetparlesquelles il continue sa mission sacerdotale ici-bas. La grâcedivine,quinepeutnousvenirqueduChrist,nousenchaîneauChristetnousfaitduChrist.AinsinoussommesauChristetleChristestàDieu.La nature de notre grâce nous découvre sous un autre aspectnotredépendanceduChristetnotreunitéavecLui.Notregrâceesteneffetfiliale;c’estunenoteessentielle.Nousavonsreçuunespritfilial«quinousfaitcrierversDieu:Père59».AuseindelaTrinitésaintenoussommesfilsounousnesommespas.OrlePèren’aqu’unFils,c’estsonVerbe.LerythmeéterneldelavieauseindelaTrinitésainteestimmuable:DieulePère,parla connaissance qu’il a de Lui-même, engendre le Verbe quil’exprime ; le Père et le Fils, par une spiration communed’amour, produisent le Saint-Esprit. Les siècles, pas plus quel’éternité, ne changeront rien à ce mouvement. Commentpourrons-nous y entrer et y participer ainsi que l’exige notrevocation surnaturelle ? Pas autrement qu’à la faveur d’uneadoptionetd’uneemprise telle,qu’ellecréeunecertaineunitéavecl’unedesPersonnesdivines.LeVerbes’estincarné,aprisune humanité qu’il a entraînée, heureuse captive, au sein decette gloire que le Verbe avait avant que le monde fût60. ParcettehumanitésainteduChrist, leVerbesaisitetentraînetousles hommes qui se laissent saisir par sa grâce. Tout le Christdiffuséetcompletestplacé,parson|unitéavecleVerbe,souslapaternité éternellement féconde du Père de lumière et demiséricorde, et avec Lui spire l’amour de l’Esprit Saint qui,

Esprit du Père et du Fils, devient par conséquent l’Esprit del’Égliseetlenôtre.TelestleplandeDieuquinousenveloppeetlesdesseinsqu’ilveutréaliserennousetparnous.NousseronsduChristounousn’auronspasdeviesurnaturelle;nousseronsFilsavecleVerbeincarné au sein de la Trinité sainte ou nous serons exclus duroyaumedescieux.Cesvéritésnedoiventpasseulementfournirunalimentànotrecontemplation. Puisqu’elles commandent toute l’œuvre divinedelaRédemptionetdel’organisationdel’Église,ellesdoiventprésider à la coopérationquinousestdemandéeà cetteœuvredivine.Cesvéritéssihautessontparmi lespluspratiquespourlaviespirituelleetpourl’apostolat.Parconséquentlephilosophedoitrenonceràtrouverl’intimitédivine au terme de sa spéculation intellectuelle, serait-elle laplus haute.Lui arriverait-il par un bondou une défaillance desonespritde toucherà l’intellectualitépureetenreviendrait-ill’intelligence lourde d’intuitions profondes, il ne devrait pascroire avoir touché Dieu s’il n’est point passé par la foi auChristJésus.DieuEspritnepeutpasêtresaisidirectementdanslalignedelarechercheintellectuellepure.Lecontemplatif lui-mêmeneparviendrapasà laperfectiondesa contemplation amoureuse uniquement en s’enfonçant dansl’obscuritéde lanuit savoureuse.Pour trouver leurplaceen laTrinité sainte, l’un et l’autre devront aller au Christ Jésus etsolliciter humblement la médiation toute puissante maisnécessairedeCeluiquiestlavoie,laportedubercailetlebonPasteur. Berger ou Mage, on ne peut atteindre Dieu ici-basqu’en s’agenouillant devant la crèche de Bethléem et enl’adorantcachédanslafaiblessed’unenfant.Que le spirituel avide d’ascensions spirituelles ne cherchepoint d’autre voie que leChrist.Considérer leChrist, l’imiter


redira-t-onaprèsavoirentendulescrissublimesquimontentdeleursâmesembrasées.«Spiritualitéqui,àforced’êtresublime,n’estplushumaine»ajoute-t-on. « Heureusement qu’il est des maîtres de viespirituelleplus compréhensifs, tels saintFrançoisdeSalesparexemple ou même sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, de lafa¬mille carmélitaine elle aussi, qui savent tenir compte de lafaiblessehumaineetdesbesoinsdenotretemps».Objectionspécieuse,souvententendue,dontl’examenvanouspermettredemettreenrelieflavivantesouplessed’adaptationdel’ascèseabsoluedesMaîtresduCarmel.Notons d’abord que ce serait faire une grave injure à laspiritualité de saintFrançois deSales oude sainteThérèsedel’Enfant-Jésus, que d’affirmer qu’elles ne sont point arméesd’une ascèse absolue. Autant affirmer qu’elles ne sont pointchrétiennes. La violence qu’elles imposent est peut-êtredissi¬mulée, elle s’y trouve nécessairement puisque seuls lesviolents emportent le royaumedeDieu.En faitnous savons laviolenceque se fit à lui-même ledouxFrançoisdeSalespourmaîtriser son tempérament emporté, l’héroïsme qu’il exigea desainte JeannedeChantal, spécialement aumoment où elle dutquittersonfoyeretpassersurlecorpsdesonfilspourfon¬derlaVisitation.Nous sommes encore mieux éclairés sur sainte Thérèse del’Enfant-Jésus,quiavaitcommeprincipequ’ilfauttoutprendredanslaviespirituelle32,etqu’ilfautallerjusqu’auboutdesesforcessansseplaindre,etdontsasœurCéline,sacompagnedetoujours, disait que la vertu de force était sa vertucaractéristique.LadouceurdesaintFrançoisdeSales,demêmequelesourirede sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, abritent donc des vertus

pratiquéesàundegréhéroïque.L’unet l’autre,commeThérèsedeJésusetJeandelaCroix,sontdespèlerinsdel’absolu.Desdifférencesnotablesmarquentcependant leurformedesaintetéet leurenseignement. Ilestnécessairede le reconnaîtreetplusutileencoredel’expliquer.Lamortification peut avoir un double but : la destruction dupéchéennousetlarédemptiondesâmes.Pourl’instant,seullepremierbutnousimportepuisquenousparlonsd’ascèse.Pour que cette ascèse soit efficace, elle devra s’adapter autempérament afin d’atteindre les tendances dominantes àdétruire.Or nous savons que les tendances, différentes en chaqueindividu, se retrouvent cependant avec une certaine constancechezleshommesd’unemêmeépoque,d’unemêmeclassedelasociété.Nousconnaissonseneffetl’EspagnolduXVIesiècle,leFrançais duXVIIe ; nous pourrions dire leurs qualités et leursdéfauts, qui s’étalent dans lesœuvres politiques, littéraires ousocialesdeleurtemps.Les maîtres de vie spirituelle, des saints ordinairement, dontl’EspritSaintpourvoitl’Égliseentouttemps,sontàlafoisdesespritséclairéssurlesexigencesdeDieuetdespsycho¬loguespénétrants. Ils connaissent les principes de la vie spirituelle eten tirent des conseils précis adaptés aux be¬soins des âmesqu’ilsdoiventguider.Leurenseignementtrouvedanslafidélitéauxprincipes traditionnels et dans son adaptation auxbesoinsdutemps,sûretédoctrinale,originalitéetefficacité.Saint Jean de la Croix et sainte Thérèse sont docteurs del’Église universelle. Leur science mystique est pour tous lestemps. Ils appartiennent toutefois à une époque et à unena¬tion : ils sont espagnols du XVIe siècle et parmi lesreprésentants les plus qualifiés de cebrillant siècle clas¬siquedel’Espagne.Ilsontparléavecleurgénieespagnoletpour les

auditeurs vivants qui les écoutaient, donc en tenant compte deleursbesoinsdanslescommentairespratiquesdeleurdoctrine.Nousconnaissonsletempéramentdel’EspagnolduXVIesiècle.Ilaunefoiprofondeetde lapiété,commesonroiPhilippeII,quivitcommeunreligieux,esttrèspréoccupédelaréformedesdiversOrdresetveutàtoutprixpréserversessujetsdel’erreurprotestante qui sévit en Europe. Il entretient le zèle del’Inquisitionqui, sanspitiéet sansacceptiondepersonne,metensesprisonsl’étrangerobscur,leprofesseurcélèbreoumême|l’archevêqueimprudentensonlangage.Lafoiestprotégée:lepéchéneserapasdansl’intelligence,qu’ellesoumet.Le péché sera dans les sens et les puissances sensibles.L’Espagnol du XVIe siècle est débordant de vie et d’ardeurs.Finies les luttesavec lesMauresdans lapéninsule, il estpartipartoutoùl’onsebat,ouplutôtilportelaguerrepartout,danslesPays-Bas,enItalie,enAmérique.Sessenss’exaltentdanslapiétécommeàlaguerre.L’illuminismelesmenace.Tous lesmaîtres de vie spirituellemèneront le combat contreces ardeurs sensibles qui trouveront un apaisement dans lesmortifications physiques les plus violentes. Sainte Thérèse etsaint Jeande laCroixyexcellent,etcependant ils sont surcepoint parmi les modérateurs33. Leur doctrine s’en ressent. LaMontéeduCarmel est pleine de la préoccupationde répondredans le détail aux besoins des contemporains, et plusspécialementdesignaler ledangerde l’illuminisme.SaintJeandelaCroixytraited’unefaçondistinctedelapurificationdelamémoireetdelavolonté.Lamortificationdel’entendementn’yestabordéequedanslesexplicationsdonnéessurlanaturedelafoietencoreenfonctiondesdangersdel’illuminisme.SaintFrançoisdeSales écrit quelque trente ansplus tard.LeFrançaisdudébutduXVIIesièclenediffèrepasnotablementde


Ilnoussuffiradepréciserlestraitscaractéristiquessuivants:I.Fréquencedesinterventionsdudémon

Chaque soir au début de Complies la sainte Église nous faitentendrel’exhortationdel’apôtresaintPierre6:«Mesfrères,veillezetpriez,parcequeledémon,votreennemi,rôde autour de vous, comme un lion rugissant, cherchant uneproieàdévorer.»L’exhortationestpressante;ellenousestrépétéechaquejour,parcequecertainementlamenaceestconstante.Lahaine des démons est puissante et toujours en éveil. Il estnormal qu’ils usent de toutes les occasions pour entraverl’actiondeDieudanslesâmes.Lesressourcesdesdémonssontvariées, ils sont nombreux : personne ne peut prudemment secroireàl’abrideleursattaques.Telle est l’opinion de sainte Thérèse, exprimée en maintspassagesdesesécrits.Ensesascensionsspirituellesiln’estpasd’étapeoùellenelesaitrencontrésetn’aiteuàlescombattre.Dèslespremièresdemeuresellenousavertit:Comme l’intention du démon est toujours si perfide, il doit mettre danschacune de ces Demeures plusieurs légions de mauvais esprits, afind’empêcherlesâmesdepasserauxautresDemeures;etcommelespauvresâmesne lecomprennentpas, il leurdresse toutessortesd’embûchespourles tromper.Sonpouvoir toutefoisestmoinsgrandvis-à-visdecellesquisontplusrapprochéesdelaDemeureoùhabiteleRoi7.

Les premières emprises divines des cinquièmes Demeuresirritent la jalousie du démon et éveillent ses craintes pourl’avenir:En cet état, écrit la Sainte, l’âme n’est pas tellement forte qu’elle puisses’exposerauxdangers,commeellelepourraaprèslesfiançaillesdontnousparleronsdanslaDemeuresuivante.Ellen’aeuqu’uneseuleentrevueavecl’Époux;aussi ledémonnenégligeraaucuneffortpour lacombattreet ladétournerdecesfiançailles…

Je vous l’assure, mes filles, j’ai connu des âmes très élevées qui étaientarrivéesàcetétat(cinquièmesDem.).Orledémon,àforcederusesetdepiègeslesafaittomber;toutl’enferseliguepourlesséduireet,commejel’aiditsouvent,siledémonperduneseuledecesâmes,ilenperdenmêmetempsunefouled’autres,commel’expérienceleluiaprouvé8.

À partir des sixièmes Demeures, le démon devient moinsdangereuxpourl’âme:Lorsquedanslasuiteledémonlavoitcomplètementsoumiseàl’Époux,iln’a plus autant d’audace vis-à-vis d’elle, car il la redoute ; d’ailleursl’expérience luimontreque, si parfois il ose alors l’attaquer, il n’en retirequeplusdeconfusion,etl’âmeplusdeprofit9.

Toutefois c’est bien en ces sixièmesDemeures que le démons’acharneàreproduirelesgrâcesextraordinaires,etcelaaveclapermission de Dieu et une grande fréquence qu’affirme saintJeandelaCroix:Les faveurs que Dieu confère par le moyen du bon Ange, Dieu permetd’ordi¬naire que le démon en ait connaissance, pour qu’il s’y oppose detoutesses forcesd’après lesproportionsde la justiceetnepuissealléguerdesondroitenprétextantqu’onneluipermetpasdevaincrel’âme,commeil l’aditdeJob10.Et ilenseraitdelasortesiDieunelaissaitunecertainechance de succès entre les deux adversaires, le bon Ange et le mauvais,pourlaconquêtedel’âme11.

Les plus hautes communications divines, celles queDieu lui-même fait à l’âme, ne sauraient toutefois être connues dudémon:Lacause,ditleSaint,vientdecequeSaMajestédemeuresubstantiellementdansl’âme,oùnilebonAngeniledémonnepeuventarriveràcomprendrecequisepasse,ouàconnaître lescommunications intimesetsecrètesquiontlieuentreDieuetl’âme12.

Cesaffirmationsnousmontrentquelesâmesquiaspirentà laperfection sont tout spécialement l’objet de ses attaques. Lespécheurs, livrés à leurs passions, lui sont une conquête plusfacile ; c’est ainsi que le démon règne pacifiquement sur une

fouleimmensed’âmesqu’ilnetroubleenaucunefaçon.Letièdelui est une proie aisée. Seuls les fervents échappent à soninfluenceetc’est contreeuxques’acharnesahaine rageuseetpersévérante.De cet acharnement Notre-Seigneur nous donne une idéelorsqu’ildit:Lorsquel’espritimmondeestsortid’unhomme,ilerreparleslieuxarides,cherchant le repos,mais il n’en trouve point. Il dit alors : Je retourneraidans ma demeure d’où je suis sorti. Et revenant il la trouve inhabitée,purifiéedecequilasouillaitetornée.Ilvaprendrealorsseptautresespritsplus pervers que lui. Ils entrent tous ensemble dans la demeure et s’yétablissent13.

Les retoursoffensifsdudémonn’obtiennentpas toujoursunepareillevictoire,maiscettedescriptiondeNotre-Seigneurnousditlapersévérancedesesattaquescontreceuxquil’ontvaincuet dont les progrès ne peuvent qu’augmenter la violence de sahaine.L’action du démon contre les âmes soucieuses de perfectionn’estpointparconséquentunfaitrare,réservéàl’hagiographie;elle est normale et fréquente. Elle devient particulièrementintensequandledémoncomprendque,parsesqualitésetsespratiques|devertu,une âme est apte à monter très haut. Tout l’enfer est alors conjuré pourl’obligeràsortirduChâteau,

assuresainteThérèse14.Mais conclure de ces affirmations que les attaques dudémonprendront fréquemment une forme extérieure visible seraitméconnaître complètement lesmœurs démoniaques. Le démonestessentiellementunepuissancedesténèbres.Il travailledansl’obscurité pour surprendre et tromper. Le succès de sesagissementsauprèsdesâmesferventesdépenddesonhabiletéàdissimulercequ’ilestetcequ’ilfait.Aussiilnesedévoilepar


Elledemandeeneffetdel’eaubénitechaquefoisqu’elleestenbutteàuneattaquedudémonetellelechasseainsi.Envoiciunexemple:Une autre fois il me tourmenta durant cinq heures par des douleurs siterriblesetun troublephysiqueetmoralsiprofond,que jenecroyaispaspouvoir y résister plus longtemps. Les personnes présentes étaientépouvantées ; ellesne savaientque faire,nimoicommentmedéfendre…LeSeigneurdaignamefaireentendrequec’était ledémon.Jeviseneffetprès de moi un petit nègre d’aspect abominable ; il grinçait des dentscommedésespéréd’avoiressuyéunepertelàoùilcroyaittrouverungain.Dèsquejel’eusaperçu,jememisàrireetjedemeuraisanscrainte,carilyavaitprèsdemoiquelquesreligieuses…Je leurdemandaide l’eaubénite.Ellesm’enapportèrenteten jetèrent surmoi,maiscefutsanseffet.J’enjetaimoi-mêmeducôtéoùétaitledémonetildisparutaussitôt;toutmonmalmequittacommesionl’avaitenlevéaveclamain ; mais je restai aussi brisée que si j’avais été rouée de coups debâton48.

L’Égliseeneffet,dans lesdiversesoraisonsde labénédictionde l’eau, demande avec instance qu’à cette eau soit accordé lepouvoirde«mettreenfuite toute lapuissancede l’ennemi,dedéraciner cet ennemi avec tous les anges rebelles, et de lechasser… de détruire l’influence de l’esprit immonde etd’éloignerleserpentvenimeux49…».« Cela montre combien est grand tout ce qui est établi parl’Église»commentesainteThérèse50.On comprend dès lors ce qu’a déposé la Vénérable Anne deJésusauprocèsdebéatification,àsavoirquelaSaintene se mettait jamais en voyage sans emporter de l’eau bénite. Elle avaitbeaucoup de peine si l’on venait à l’oublier. Aussi nous portions toutes,suspendueàlaceinture,unepetitegourdepleined’eaubéniteetellevoulaitavoirlasienne51.

II.Tactique

Lutteravecdetellesarmescontrelesdémons,c’ests’assurerlavictoire.Maislessaintssemblentnepasdésirercettelutteetnelarecherchentpas.Levoyageurquitraverseledésertinfestédebrigandsnecherchepasàlesrencontrer,mêmes’ilestsûrdelesvaincre;iln’estpréoccupéqued’atteindrelebutdesonvoyage.Ainsi,|l’âmeenrouteverssonDieunecherchepaslesdémonsqui pourraient sinon l’arrêter, du moins la retarder dans samarche en lui causant quelques dommages, mais elle les fuitvolontiers.Excellente tactique que celle de la fuite, quimet à l’abri desatteintes,descoupsetdesrusesdesdémons.Onlaréaliseenseportantparlafoietl’humilitédanslesrégionssurnaturellesoùilnesauraitparvenirlui-même.a)L’exercicedelafoiouactesanagogiquesDans l’épître aux Éphésiens, l’apôtre saint Paul décrivantl’armurequedoitrevêtirlechrétienpourlescombatsspirituels,indique spécialement la foi comme arme défensive contre ledémon:Revêtez-vousde l’armuredeDieupourpouvoirrésisterauxembûchesdudiable.Carnousn’avonspasàluttercontrelachairetlesang,maiscontrelesprincipautés,lespuissances,contrelesmaîtresdecemondedeténèbres,contre les mauvais esprits répandus dans les airs. C’est pourquoi prenezl’armuredivinepourpouvoir résisterau jourmauvais,et resterdeboutenremportant une complète victoire.Debout donc, les reins ceints devérité,revêtusdelacuirassedelajustice,lespiedschaussésduzèledel’Évangilede paix, tenant en outre le bouclier de la foi contre lequel viendronts’éteindrelestraitsenflammésduméchant52.

Dans laNuit obscure, saint Jean de la Croix commente trèsheureusement et gracieusement cet enseignement de l’Apôtre.Enentrantdanslacontemplationparl’exercicedelafoi,l’âme,dit-il,sedéguisesousunenouvellelivrée.Cettelivrée,faitedes

vertusthéologales,ladissimuleàsesennemis.C’estlevêtementblancdelafoiquilasoustraitaudémon:La foi, écrit-il, est une tunique intérieure d’une blancheur tellementéclatantequ’elleéblouitlavuedetoutentendement.Quandl’âmes’avancerevêtuedelafoi,ledémonnepeutnilavoir,niluinuire;ellemarchealorsentoutesécurité.Cettevertulaprotègebeaucoupplusquelesautrescontreledémonquiestsonennemileplusredoutableetleplusrusé.AussisaintPierre,quin’apastrouvédemeilleurbouclierpourlerepousser,nousdit:«Cui resistite fortes in fide53 », résistez-lui en demeurant fermes dans lafoi54.

Lafoieneffet faitdépasser ledomainedusens, sur lequel ledémon peut exercer sa puissance, et introduit l’âme dans ledomaine surnaturel dans lequel il ne saurait pénétrer. L’âme ydevientdoncinaccessibleàsonennemi,etparsuiteàl’abridesesattaquesetdesescoups.DanssesSouvenirs,leP.ÉliséedesMartyrs,confidentdesaintJeande laCroix, assureque le saintDocteur recommandait laméthode des « actes anagogiques » ou actes des vertusthéologalespouréchapperàtouteslestentations.Ilnousdonneencestermesl’enseignementduSaint:Aussitôtquelepremiermouvementouquelapremièreattaqued’unvicesefaitsentir…ilnefautpass’yopposerparactedelavertucontraire,selonlapremièremanière,maisrecouriraussitôtàunacteoumouvementd’amouranagogique qui s’oppose à l’attaque. En unissant ainsi notre affection àDieu, il se fait que l’âme, en s’élevant, quitte les choses de la terre, seprésente devant Dieu et s’unit à Lui. De ce fait le vice, la tentation del’ennemi se trouvent frustrés, la tentative échoue, l’idée de faire du malmanqued’objet.L’âme,plus forte là-hautoùelle aime,quedans le corpsqu’elle anime, soustrait divinement la chair à la tentation, ce qui fait quel’adversairenesaitplusl’atteindrenilablesser;ellenesetrouvepluslàoùilcomptaitlafrapperetlaruiner.Chosemerveilleuse!l’âmesemblealorsétrangèreaumouvementvicieux;prèsduBien-AiméetunieàLui,elleestentièrement libre de ce mouvement sur lequel le démon fondait sesespérances55.


Ilnes’agitplusdejoiesàsavoureraucontactduMaître,maisde combats à soutenir pour l’amour duChrist et pour le salutdesâmes.Maiscomment,dansuneclôture si étroite, satisfairede tellesardeurs et servir utilement l’Église ? La Sainte se pose laquestion:Mais étant femme et bien imparfaite encore, je me voyais impuissante àréalisercequej’auraisvoulupourlagloiredeDieu11.

Parcequ’il est surnaturel, cet amourn’estpoint égarépar sesardeurs: laSainteestplusréalistequejamais;pourrépareretservirellecommenceraparaccomplirparfaitementsesdevoirsdereligieuse:Toutmondésirétaitetestencoreque,puisqu’il(Dieu)atantd’ennemisetsipeud’amis,ceux-cidumoinsluifussentdévoués.Jemedéterminaidoncà faire le peu qui dépendait de moi, c’est-à-dire à suivre les conseilsévangéliquesdanstoutelaperfectionpossibleetàporteraumêmegenredevielesquelquesreligieusesdecemonastère12.

Lapassionquis’estlevéedanssonâmel’obligeàrepenserenquelquesortesonidéaldeviereligieuseetlesobligationsquiendécoulent.La prière était déjà la fonction principale du Carmel dansl’Église. Combien elle est nécessaire à ceux qui luttent pourl’Église, sainte Thérèse l’expose tout au long de ce chapitretroisième duChemin de la Perfection que nous citons. Cetteprièredoitleurobtenir«lesqualités|requisespourcettelutte»etlapréservationdesdangersdumonde.Sans quitter sa clôture sainte Thérèse va pouvoir intervenirdans les rudes combats qui se livrent et assurer la victoire duChrist:Nousnousmettrionstoutesenprièrepourlesdéfenseursdel’Église,pourlesprédicateurset lessavantsqui lasoutiennent,etnousaiderionsdanslamesuredenosforcesceSeigneurdenosâmes13.

Lebutapostoliquequiluiestoffertvacontribueràfairecetteprière plus haute. Pour qu’elle soit puissante, il faut en effetqu’ellesoitparfaite.L’efficacité de la prière tient surtout au degré de sainteté del’âmequilafait.L’amourdesâmespousseàuntravaild’unionàDieu:Travaillons, écrit laSainte, à être telles quenos prières puissent aider cesserviteursdeDieu14.

Au lieu de distraire l’âme carmélitaine de sa prièrecontemplative, lezèledesâmesvaaugmenter sonélanvers lesprofondeursdeDieu.Elleutilisera tous lesmoyensnaturelsetsurnaturelsqueluioffrentlatechniqueetlagrâcepoursaisirdeplusprèsDieu,causepremière,etpuiserensatoute-puissance.Cezèleouvredeshorizonsdesacrificequeledésird’intimitédivine ignorait. Certes « pour voir Dieu il faut mourir »proclamait sainteThérèse.Etcependantelleavouait elle-mêmequ’enfondantlemonastèredeSaint-Josephd’Avilaellen’avaitpointsongéàypratiquerdesaustérités:Lorsqu’on traita de la fondation (dumonastère de Saint-Joseph d’Avila),monbutn’étaitpasqu’ilyeûttantd’austéritésextérieuresniqu’onyvécûtsans revenus. J’aurais voulu au contraire tout disposer pour que rien n’ymanquât15.

Lezèledesâmesimmoled’abordunecertainerecherchedesoiquegardaitledésird’intimitédivine.Mais surtout, auprès duChrist Jésus entrant dans sa passionpourlesacrificesuprêmeaprèsavoirfaitlaprièresacerdotale,ilcomprendquelaprièrepourl’Églisenetrouvesonefficacitéquedanslesacrifice.DepuisqueThérèseadécouvertl’Égliseetquelagrandepitiédesâmess’estlevéedanssonâme,lapénitenceauCarmels’est

faite plus austère et l’immolation complète y est devenue unbesoinetuneloi.

IIILe grand prophète dont sainte Thérèse a retrouvé l’esprit enplénitudequittaitparfoissasolitudepouralleràl’action.Parmices prophètes que l’on a appelés prophètes d’action, en lesopposant aux prophètes écrivains, Élie est le plus grand. Sesinterventions dans la vie d’Israël sont fréquentes etretentissantes.QuevafairesainteThérèse?Va-t-elleselancerdansl’action?Commentn’enéprouverait-ellepasledésir?Jefussiaffligéedelapertedetantd’âmesquejenesavaisquedevenir.Jeme retirai dans un ermitage où je répandis des larmes en abondance. Jesuppliai Notre-Seigneur, à grands cris, de me procurer le moyen detravaillerunpeuàLuigagnerquelquesâmes…Jeportaisbeaucoupd’envieàceuxqui,animésdesonamour,avaient la libertédeseconsacreràcetteœuvre,mêmeauprixdemillemorts16.

Àcesdésirsardentsdetravauxapostoliques,Jésusvarépondrelui-même:Jeme trouvais plongée dans ce profond chagrin dont je viens de parler,quandunsoir,étantenoraison,jevisNotre-Seigneurm’apparaîtresouslaforme ordinaire. Il me témoigna beaucoup d’amour ; puis, comme s’ilvoulait me consoler il me dit : Attends un peu, ma fille, et tu verras degrandeschoses17.

Quesignifiecettepromesse?Queserontcesgrandeschoses?Lavisite duP.Rubeo,Général desCarmes, va les révéler à laSainte. Le P. Général, au cours de son séjour à Avila (1566),manifeste à sainte Thérèse le plus affectueux intérêt pour cemonastère de Saint-Joseph d’Avila qui réalise ses plus chersdésirsdepèredel’Ordre.IlordonneàlaSaintedefondersurlemêmemodèletouslesmonastèresqu’onluidemandera.Dieu a parlé par le supérieur de l’Ordre. Thérèse ne saurait


quatrièmesDemeures,l’obéissanceetl’amourdeDieupourlescinquièmesDemeures, l’espérance et la pauvreté aux sixièmes,lachastetéetlacharitéparfaitesauxseptièmesDemeures6.3. Cette action de Dieu et cette coopération de l’âme, en siétroite dépendance l’une de l’autre, produisent une véritabletransformationdontsainteThérèseseplaîtàsignaler leseffetsprofondsetqu’elleillustreparlacomparaisonduveràsoie:Vousaurezentenduparler,écrit-elle,delafaçonmerveilleusedontsefaitlasoie et dont Dieu seul peut être l’inventeur. Vous aurez appris en outrecomment elle vient d’une semence qui ressemble à de petits grains depoivre.Pourmoi,jen’aijamaisvucettesemence,maisj’aientenduparlerdeceque jevousraconte,etsiceque jevousdisn’estpasexact, jen’ensuispasresponsable.Or,dèsquelesmûrierscommencentàsecouvrirdefeuilles, cette semence semet elle aussi à prendre vie sous l’action de lachaleur ; et, tant que l’aliment qui doit la soutenir n’est pas prêt, elledemeure comme morte. C’est donc avec les feuilles de mûrier que senourrissent lesversqui viennentde cette semence.Àpeineont-ils grandiqu’onplacedevanteuxdepetitesbranchesoùavecleurspetitesbouchesilsfilentlasoiequ’ilstirentd’eux-mêmes;ilsfontainsidepetitescoquestrèsétroites où ils se renferment. C’est là que ces vers, qui sont grands etdifformes, trouvent la finde leurvie ;puisdecettecoqueelle-mêmesortunpapillonblanctrèsgracieux7.

Cette comparaison « très appropriée » au dire de sainteThérèse, et sur laquelle elle revient plusieurs fois, montrel’action transformante de la charité qui divinise en sedéveloppant, crée des vertus nouvelles, perfectionne lespuissances naturelles et produit un type nouveau et parfaitd’humanitéquiestuneâmetransforméeenDieu.Un des effets les plus notables de cette transformation est laformationdel’apôtreréaliséeprogressivement.Tandis que dans la première phase, correspondant aux troispremièresDemeures, l’âme exerce samission apostolique avecson activité naturelle secondée par la grâce, dans la deuxième

phaseDieu la saisit pour en faire un instrument parfait de sesdesseins.Alors que son règne s’établit en elle aux quatrièmesDemeures, il serait nuisible à l’âme de vouloir distribuer lestrésors spirituels qu’elle reçoit et dont elle ne saurait ainsi sepriver sans danger. | Aux cinquièmes Demeures, Dieu, ayantétablisonrègnedanslavolonté,peutdéjàutiliserl’âmecommeinstrumentetluiconfierunemission:instrumentimparfaitqueles épreuves extérieures et les purifications intérieures dessixièmesDemeuresperfectionneront.L’uniontransformantefaitl’apôtreparfait,embrasédezèle,docileauxmotionsdivines,etdecefaitétonnammentpuissant.Ces transformations intérieures ont des échos perçus dans laconscience psychologique. Indépendamment des faveursextraordinairesquiyproduisentdevéritableschocsetylaissentleur blessure bienfaisante, silencieusement et lentement, àtraverslesjoiespassagèresetquelquefoisdébordantes,àtraverslessouffrancessouventviolentesetavecelles,lagrâcecréedansles profondeurs de l’âme une région de paix : refuge quen’atteignent que rarement le bruit et les tempêtes, oasis auxsources de force et de joie dont le bienfaisant rayonnements’étendprogressivement, assurant stabilité et équilibre, jusqu’àlaplénitudeetl’épanouissementdesseptièmesDemeures.La croissance spirituelle se présente, on le voit, comme undéveloppementvivantetcomplexedontonpeutdistinguer,maisnondissocier, lesmultiplesaspects.Ledésird’enmontrerà lafoisl’unitéetlarichessevivantesnousafaitétabliruntableausynthétique qui indiquera aussi la division de notre travail etjustifieralechoixdessujetstraités8.

B.MYSTÈREDELACROISSANCE

Une étude attentive du tableau qui, par des signes variés etprécis,indiqueleprocessusrégulierdelacroissancespirituelle,

pourrait donner l’impression qu’il est aisé de discerner lesprogrès d’une âme et de la situer en cette progression. Parcontre, l’examen de multiples cas concrets découvre lacomplexité vivante des âmes et le mystère de la croissancespirituelle.Toute croissance, depuis celle de la plante qui puise dansl’humusdelaterrelesélémentsorganiquesqu’elle |transformeet assimile, jusqu’à la croissance de Jésus-Enfant en qui semanifestaientprogressivementlesrichessesdelasagesseetdelagrâcequiétaientenLui,restemystérieuse.1. Dans la croissance spirituelle lemystère est plus complet.Ailleurs, l’obscuritén’enveloppeque lemodesuivant lequel lavie s’assimile et utilise pour ses fonctions vivantes la matièreinanimée;ellelaisseapparaîtreleseffetsdelavieetdonnedessignes extérieurs de son développement. Dans la croissancespirituelledel’âme,l’obscurités’étendàlaviedelagrâceelle-même qui, comme la vie même de Dieu dont elle est laparticipation,nepeutêtreobservéeici-bas.AucielparlelumengloriænouspourronsvoirDieutelqu’ilestetnous-mêmestelsque nous serons avec nos richesses divines. En attendant, cesréalités spirituelles restent, pournous, enseveliesdans l’ombredumystère,fauted’unepuissancepourlessaisirdirectement.Ilexistecependantdesmanifestationsauthentiquesdelagrâce,etlesdonsduSaint-Espritendonnentunecertaineexpérience.Mais combien difficiles à observer, irrégulières, mélangéesd’élémentsétrangers,cesmanifestationsdusurnaturel!combienincomplète et intermittente, même chez les contemplatifs lesplusfavorisés,cettequasi-expérienceréaliséeparlesdons!En s’incarnant dans l’humain le surnaturel épouse les formesdelanatureindividuellequilereçoit.Ilnousapparaîtainsisousdes visages aussi divers que les hommes eux-mêmes. Lesréactions extérieures que produit son action sont aussi


Chapitrepremier

LespremièresDemeuresParlons…àcesâmesquifinissent

parentrerdansleChâteau1.

NousvoicidanslespremièresDemeuresauprèsde«cesâmesquifinissentparentrerdansleChâteau».LaSaintelestrouvebiendignesdesasollicitudematernellecarellessontbienfaibles.Écoutons-ladécrireleurétatetleurparlerlelangageaffectueuxdelacraintepourlesinviteràs’avancerendesrégionsmoinsexposées.

A.DESCRIPTIONDESPREMIÈRESDEMEURESCes premières Demeures sont de vastes antichambres quirayonnentdanstoutelapériphérieduChâteau:Elles renferment non pas un petit nombre seulement, mais une infinitéd’appartements.Lesâmesypénètrentdebiendesfaçons2.

Etilyafouleencesvastesappartements.Certainsnefontqu’ypasser ; beaucoup y stationnent et ne vont pas plus avant.Netrouverions-nous pas en ces Demeures la grande masse deschrétiens ? Écoutons, pour en juger, la description que sainteThérèsefaitdel’étatdecesâmes:1° Ce sont des âmes qui sont en état de grâce. Ceci est siévident pour la Sainte qu’il lui suffit de noter d’un traitvigoureux:Enparlantdesâmesquisontenétatdepéchémortel,nousavonsdéjàditjusqu’àquelpointellessontsemblablesàdeseauxnoires|etinfectes.JenedispasquelesâmesquisontdanslapremièreDemeureleurressemblent;

Dieunousenpréserve!ilnes’agitqued’unesimplecomparaison3.

OnnepeutentrerdansleChâteauqu’avecl’étatdegrâce,carlagrâce seule permet d’établir avec Dieu ce commerce d’amitiéqu’estl’oraisonetlaviespirituelle.2°Cettegrâceaunecertainevie,maiscombienanémiée!Cesâmes y arrivent animées d’une bonne intention4 ; « toutengagéesqu’ellessontdanslemonde,ellesontpourtantdebonsdésirs5».Bonne intention et bons désirs qui semanifestent parfois parunrecoursàDieu:Elles se recommandent parfois et de loin en loin à Notre-Seigneur. Ellesconsidèrent ce qu’elles sont, bien que ce ne soit pas d’une manière trèsapprofondie.Detempsentempsdanslemoisellesfontdesprièresoùellesapportent la pensée demille affaires dont leur esprit est presque toujoursoccupé6.

Onlevoit,leurviespirituellen’estpasintense.Elleestréduiteauminimumqui leurpermetdenepasmourir.SaintAlphonsede Liguori ne dit-il pas en effet que le minimum vital de lacharité, pour qu’elle ne succombe pas d’inanition, est deproduireaumoinsunacteparmois7?LaviesurnaturelleencespremièresDemeuresgraviteautourdeceminimum.3°Qu’est-cequiempêchelefermentdelaviechrétiennedesedévelopperenelles?Cesâmessontencoreimprégnéesdel’espritdumonde,plongéesdanssesplaisirs,enivréesenfinparseshonneursetsesprétentions8.Ellessonttellementattachéesauxchosesdecemonde,queleurcœurs’envalàoùestleurtrésor9.

On devine avec quelle peine elles remontent vers Dieu.Cependantleurmouvementestsincère:Elless’arrachentparfoisàtoutepréoccupationterrestre10…Enfincesâmesentrent dans les premières Demeures d’en-bas, mais elles y sont

accompagnéesdetantdereptilesqu’ilsneluipermettentnidecontemplerla beauté du château, ni d’y trouver le repos. Néanmoins c’est déjàbeaucoupqu’ellessoiententrées11.

4°Ceminimumdevie spirituelleque laSainte souligne avecunemiséricordematernelle,cetteétincellequi|brilleàpeinenesuffitpasàéclairerl’âmeetàluidonnerl’impressiondelavie.Elle ne voit pas en effet la lumière deDieu en elle. Et sainteThérèse,habituéeàlalumièreclaireetpurequiremplitsonâme,soulignecettedéficience:Remarquez-le bien, ces premières Demeures ne reçoivent encore presquerien de la lumière qui sort du palais où réside le Roi ; elles ne sont pascependant complètement dans les ténèbres ; elles ne sont pas noires nonplus, comme quand l’âme est en état de péché, mais il y a quelque peud’obscurité. Je nem’explique pas bien : je veux dire que si celui qui estdans l’appartement ne peut voir cette lumière, ce n’est pas parce que laDemeuren’estpaséclairée,maisparcequetoutecettefouledecouleuvres,vipèresetreptilesvenimeuxquiysontentrésavecl’âme,nelalaissentpasprofiterdelalumière.Voiciquelqu’unquientredansunesalleoùlesoleildardevivementsesrayons.Maissesyeuxsonttellementcouvertsdebouequ’ilnepeutpresquepaslesouvrir;or,bienquelasallesoitéclairée,ilnejouit pas de son éclat à cause de l’obstacle qu’il porte sur les yeux ou àcause des bêtes féroces et des bêtes fauves qui l’empêchent de voir autrechosequ’elles-mêmes12.

Cette demi-obscurité exclut non seulement toute expériencemystiqueproprementdite,mais toutbesoinhabituelde revenirvers Dieu, et pratiquement toute capacité de s’arrêter à leconsidérerunpeulonguementetderentrerunpeuprofondémentensoi:en fait, ajoute laSainte, (l’âme)voudrait-elle se contempler et jouir de sapropre beauté qu’elle n’y réussirait pas et qu’elle serait impuissante, cesemble,àsedébarrasserdetantd’obstacles13.

5° Dans cette demi-obscurité, « dans la confusion de cespremières Demeures14 », créée par le débordement des


Chapitresecond

Àlabasededépart

L’âmenedoitpassongeràchercherdesjoiesdanscesdébuts1.

Anémie spirituelle et désordre dans la pénombre : telle estl’impressionquenouslaissentlespremièresDemeures.L’âmeyest une proie facile pour ses ennemis.Comment échapper à laconfusiondecesrégionsetauxdangersquinousymenacent?Iln’estqu’unseulmoyen:fuirverslesrégionsplusintérieuresoùbrille la lumière, où s’épanche la vie, où règnent la paix et lafécondité.L’âmedoitfuirversDieu.Aussibienlaspiritualitéthérésiennen’apointd’autrebutqued’organisercettefuiteversDieu.Fuir vers Dieu, telle est la première résolution que sainteThérèseimposeàl’âme.Maiscettefuiterequiertdèsleprincipe,del’énergie,deladiscrétionetdegrandsdésirs.LaSainteexigecesdispositionsdesondisciple.

A.ORIENTATIONVERSDIEU«JeveuxvoirDieu!»s’estécriéeThérèse,etcen’estpaslàundésir passager, le soupir d’un instant de ferveur, c’estl’aspiration de toute son âme, la passion de toute sa vie quicommande toutes ses attitudes spirituelles. La perfectiond’ailleurs, consiste à s’unir parfaitement à Dieu notre fin. LalogiqueréalistedelaSainteintervientdèslabasededépartpourimposer à l’âme comme première attitude et comme premiermouvementdetendreversLuiaveclesforcesmodestesdontellepeutdisposer.

CetterecherchedeDieudevraréglerlamarchedesondiscipleet inspirer tous ses gestes. Ce point très ferme | del’enseignement thérésienmérite d’être souligné à causede sonimportancepratiqueetdesonoriginalité.Dans les premières pages de son traité des Demeures, sainteThérèse, l’esprit rempli de sa vision lumineuse, présente le« splendide et délicieux Château » qu’est l’âme, et surtout lagranderéalitéqui leremplit, l’astrequiybrilleet lasourcedeviequiyjaillit.Avecunenthousiasmecommunicatif,elledécritsessplendeurs;elleyrevientàplusieursfoispouraccumuleretpréciserlestraits,etditsadésolationdevoirdisparaîtresouslevoiledesténèbresdupéchécesoleil quidonnait à l’âme tantde splendeur et debeauté, et qui se trouveencoreaucentred’elle-même2.

Ilimporteeneffetquel’âmesachedèsledébutqu’ellen’estpasautrechosequ’unparadisoùNotre-Seigneur, selonqu’ill’affirme,trouvesesdélices3.

Ignorer cela serait « une insigne stupidité », car ce seraitignorercequel’onest.LaSainte inviteaussitôt l’âmeàentrerenelle-mêmeparcetteportequ’est«l’oraisonetlaconsidération»4,pourconnaîtreetadmirer les merveilleuses réalités spirituelles qu’elle contient.Ceuxquineveulentpasfairecettedémarcheetdonttoute«lasollicitudeseportesurlagrossièretédel’enchâssuredudiamantou enceinte de ce Château, c’est-à-dire sur notre proprecorps5»,ressemblentàdesperclusoudesparalysésaupointdevue spirituel,quiontpris la ressemblancedes reptiles etbêtesaumilieudesquelsilsontl’habitudedevivre6.Peut-êtreont-ilsvraimentlaviesurnaturelle,maisquedired’uneviequinefait

même pas le premier mouvement par lequel elle devraits’affirmer?ConnaîtreDieuensoietlesrichessesqu’ildéversedansl’âmeest,àcoupsûr,poursainteThérèse,lapremièreconnaissanceàacquérir,lepremieractedelaviespirituelleàposer.Onn’entredanslaviespirituellequeparcetteporte:Je vous ai dit que la porte pour entrer dans ce Château, c’est l’oraison.N’allonsdoncpascroirequenousentreronsauCielsinousnerentronsennous-mêmes pour nous connaître, pour considérer notre misère, poursavoir quelles sont nos obligations envers Dieu et implorer souvent samiséricorde;ceseraitunefolie7.

Maisqu’onnesetrompepoint:c’estpourtrouverDieuqu’onfranchitcetteportedel’oraisonetqu’onentreensoi-même.LaconnaissancedesoidépenddelaconnaissancedeDieu:Qu’elle (l’âme)m’en croie, et prenne parfois son vol pour contempler lagrandeuret lamajestédesonDieu.Là,elledécouvrirasaproprebassessebeaucoup mieux qu’en elle-même… Sans doute c’est, je le répète, unegrandemiséricordedeDieuqu’elles’appliqueàseconnaître,mais,commeonacoutumedeledire,lepluscontientlemoins.Aussi, croyez-moi, vous pratiquerez beaucoup mieux la vertu enconsidérantlesperfectionsdivines,qu’entenanttoujoursleregardfixésurvotreproprelimon8.

CetteconnaissancedeDieuet cetteprisedecontact avecLuidansl’oraisonestlasourcedetouslesbiensnécessairesàlaviespirituelle. On y découvre le but à atteindre, les exigencesdivines,lesvertusàpratiqueretlaforcepourréaliser:Le Seigneur lui-même nous dit : Personne ne montera à mon Père si cen’estparmoi;…ilaajouté:Quimevoit,voitaussimonPère.Or,l’âmequi ne jette jamais sur lui les regards, qui ne considère jamais sesobligationsenverslui,nilamortqu’ilaenduréepournous,commentpeut-elle le connaître ? Je me le demande, comment peut-elle accomplir debonnesœuvresàsonservice9?


quiest laVertu, laSaintetéMême,c’estLuiseulquisecontentantdemesfaibleseffortsm’élèverajusqu’àLuietmecouvrantdesesméritesinfinis,meferaSainte48.

LapetiteSainteécritencore:Moi,jemeconsidèrecommeunfaiblepetitoiseaucouvertseulementd’unlégerduvet, jenesuispasunaigle, j’enaisimplement lesyeuxet lecœurcar malgré ma petitesse extrême j’ose | fixer le Soleil Divin, le Soleil del’Amour,etmoncœursentenluitouteslesaspirationsdel’Aigle…LepetitoiseauvoudraitvolerverscebrillantSoleil49…

Grands désirs et humilité peuvent marcher de pair, segarantissentetsefécondentmutuellement.Seulel’humilitépeutconserver aux grands désirs leur regard confiant vers lessommetsàtraverslesvicissitudesintérieuresetextérieuresdelavie spirituelle. D’autre part, l’humilité serait fausse qui feraitrenoncer une âme à ses grands désirs et la vouerait ainsi à latiédeurouàunehonnêtemédiocrité.C’est un art d’équilibrer harmonieusement l’énergie, ladiscrétion et les grands désirs, un art qu’ordinairement ledébutantneconnaîtpoint.Ildemanderaàundirecteurdeleluiapprendre. Celui-ci devra normalement au début conseiller lamodération. Sainte Thérèse craint qu’il ne pèche par excès dediscrétionetnedétruiseainsiounediminuelesgrandsdésirsdel’âme.Aussidemande-t-elleaudébutantquiprendundirecteurdeveillerànepasenchoisirunquinousenseigneà imiter lecrapaudouquiestsatisfaitlorsqu’ilnousamontrécommentilfautfairelachasseauxlézards50.

Pour que sainte Thérèse défende les grands désirs avec destermessiénergiques, il fautvraimentqu’elle lesestimecommeunerichesseprécieuseetbienmenacée!Assoiffée de Dieu et mettant à la disposition de cette soifimmense une mâle énergie, un jugement droit et le désir degrandes choses, telle est la fille idéale de sainte Thérèse à la

base de départ. Peut-être, les premières étapes franchies à larecherche de Dieu, paraîtra-t-elle à l’observateur superficielmoinsvertueuse,moinsrégléeetmoinsordonnéeensesgestesextérieurs que d’autres dont les efforts des débuts ont étédominésparlesouciuniquedelavertu.Lesmaîtresd’Avilanetrouvaient-ils pas sainte Thérèse, au temps de ses premièresgrâces mystiques, trop peu vertueuse pour recevoir de tellesfaveurs?LaMèreconsentiraprovisoirementàcequesesfilleslui ressemblent, pourvu que, le regard inlassablement fixé surDieu,presséesparlalonguecoursequ’ellesdoiventfournirpours’uniràLui,ellesneselaissentpasarrêterparlesobstaclesoulespetitslézardsrencontréssurlaroute,maisqu’ellessehâtentavec toutes les énergies de leur âme et l’élan de leurs grandsdésirs vers ces sommets oùbrille la lumière deDieuqui les aséduites.

1.2eDem.,c.1,p.840[1,6].2.1eDem.,c.2,p.821[2,1].3.Ibid.,c.1,p.814-815[1,1].4.Ibid.,p.819[1,7].5.Ibid.,p.815-816[1,2].6.Ibid.,p.818[1,6].7.2eDem.,c.1,p.844[1,11].8.1eDem.,c.2,p.826[2,8].9.2eDem.,c.1,p.844[1,11].10.1eDem.,c.1,p.820[1,8].11.2eDem.,c.1,p.835-836[1,2].12.1eDem.,c.2,p.830[2,14].13.Chemin,c.30,p.727[28,12].14.1eDem.,c.2,p.831[2,14].15.1eDem.,c.2,p.831[2,15].16.2eDem.,c.1,p.836[1,2].17.Chemin,c.17,[c.15du]Ms.del’Escurial.TraductiondesCarmélitesde

Paris(Beauchesne),t.3,pp.97-98[trad.J.Poitrey:24,3-4‒Cerf:ajout3-4àlafinduc.15].18.L’enseignementascétiqueduChemindelaPerfectionetdelaMontéeduCarmel peut être utile à toutes les âmes. Mais il a été écrit et convientéminemmentpar lecaractèreabsoludont ilestmarqué,àdescontemplatifsquiontdécouvertletoutdeDieuetsesexigencesabsolues.Àdirevrai,pourla première phase sainte Thérèse indique (Vie, c. 12, p. 117 [12, 2]) unouvrageintitulé«L’artdeservirDieu»quiditcommentl’âmedoitfairedesactes pour favoriser l’accroissement des vertus. Elle pense donc que sondisciple ira à d’autres ouvrages pour compléter son enseignement sur lapratique des vertus.Cet enseignement devra en toutes occasions, s’inscriredanslalignedesadoctrinequisubordonnel’ascèseàlarecherchedeDieu.19.2eDem.,c.1,p.840[1,6].20.2eDem.,c.1,p.840[1,6-7].21.Ibid.,p.836[1,2].22.Ibid.,p.839[1,5].23.Vie,c.11,p.106[11,5].24.2eDem.,c.1,p.836[1,2].25.Ibid.,p.836-837[1,2-3].26.2eDem.,c.1,p.839[1,5].27.Ibid.,p.837[1,3].28.Ibid.,p.838[1,4].29.Ibid.,p.837-838[1,3].30.Ibid.,p.837[1,3].31.Vie,c.11,p.110[11,11].32.2eDem.,c.1,p.842[1,8.9].33.Ibid.,p.843[1,9].34.Ibid.,p.837[1,3].35.Ibid.,p.842[1,8].36.Chemin,c.23,p.689[21,2].37.Vie,c.11,p.113[11,15].38.2eDem.,c.1,p.841[1,8].39.Ibid.,p.843[1,10].40.Chaquedébutantporteenluiuncapitaldeforceetdebonnevolonté.Sidèsledébutondépensececapitalenaustéritésoueneffortsviolents,l’âme


qu’ellesnepeuvent faire.Si lemaîtrequi lesguide lesoblige àdemeurerlongtemps à l’oraison sans ce secours, elles ne pourront y persévérerlongtemps18.

On pourra prendre un livre de méditations qui fournira desconsidérations développées, des sentiments exprimés, desrésolutions à prendre, toute une oraison bien ordonnée,impersonnelleilestvrai,maisquel’âmepourrafairesienneenprenantcequiluiconvientetenl’adaptantàsesbesoins.Le livre à choisir pour la lecture méditée n’est pas le livreseulementinstructifoupieux,pasmêmelelivreintéressantquicaptive,maislelivresuggestifquiprovoquelaréflexion,stimuleles sentiments, ou mieux encore le livre qui réveille et tientl’âmeenprésencedeDieu.Unesimplelectureneseraitpasunelectureméditée.Lalectureméditéedoit être interrompuepour réfléchir devantDieu, pourluiexprimerdessentiments,pours’entreteniraveclui.Elleseracourte ou prolongée selon les besoins, et ne sera reprise quelorsquel’âmedéfailledanssonimpuissance.Si la lecture enfin, par les flots de pensées et de sentimentsqu’ellesuggère,faisaitoublierDieu,ellemanqueraitsonbut.Lalecturen’est ici qu’unmoyendestiné à faciliter l’oraison.Sonrôle exclusif est de fournir un sujet d’entretien avec Dieu,d’assurerunsoutienpours’uniràLui;elleestauservicedececommerce d’amitié avec Dieu qui est l’acte essentiel del’oraison;ellenedoit jamaiss’enlaisserdistraireetc’estverscebutquel’âmedoitlaramenersanscesse.La lectureméditéeseranormalement l’oraisondunovicedanslesvoiesspirituelles.Lecontemplatiflui-mêmeyreviendraauxheuresde fatiguephysiqueoumoralepoursoutenirou reposersesfacultés,ouencorepourlesarracherauxpréoccupationstropvivesouobsédantesquiempêchentlerecueillement.

ÉcoutonslesexpériencesdouloureusesetconcluantesdesainteThérèsesurcepoint:Pourmoi, jesuis restée,dit-elle,plusdequatorzeanssanspouvoirmêmeméditer,sicen’estàl’aided’unlivre19.

DanslelivredesaVie,ellepréciselerôledelalectureméditéependantsesdix-huitannéesdesécheresses:Durant toute cette époque, je n’osais jamais, si ce n’est après lacommunion,memettreàl’oraisonsansunlivre…Lelivreremédiaitàmescraintes.Ilmeservaitpourainsidiredecompagnie.C’étaitunbouclierquime protégeait contre les traits des nombreuses distractions. Il était maconsolation.Lasécheressen’étaitpascontinuelle.Maisdèsquelelivrememanquait, j’y retombais toujours ; jeme troublais aussitôt etmes penséess’en allaient. Avec lui, je commençais à les ramener. Il était comme uneamorcequisoulevaitmonâme.Souventmêmejen’avaisqu’àouvrirmonlivre,etc’étaitassez.Quelquefoisjelisaisunpeu;d’autresfois,beaucoup,selonlagrâcequeleSeigneurdaignaitm’accorder20.

CesconfidencesdesainteThérèsenousmontrentl’importancedelalectureméditéedansledéveloppementdesavied’oraison.Aussionnepeutques’étonnerdeladéfiancedontonl’entoureen certainsmilieux où l’on oblige les novices à supporter lessécheresses inévitables des débuts dans une obscurité quasicomplète, sansqu’ilspuissent s’aiderd’une lecturepour sortirdu vide où les fait tomber leur inexpérience ou même leurignorance. Le danger de paresse qui accompagne la lecture nejustifiepascettedéfiance.Lalectureesteneffetunappuitropfermeetunboucliertropprécieuxpourledébutantpourqu’onaitledroitdel’enpriverparcraintequeparfoisilnesachepass’enservirouenusemal.

D.LAMÉDITATIONLorsque les facultés sont suffisamment exercées et nourriespoursepasserd’unsoutien,l’âmepeutaborderl’oraisonensaformelaplustraditionnellequiestlaméditation.

Laméditationconsisteàfaire,surunsujetchoisid’avance,desréflexions ou considérations pour créer en soi-même uneconviction féconde ou résolution. Elle peut être guidée pardiverses méthodes, qui comportent toutes un prélude deprésencedeDieuetd’humilité,uncorps|delaméditationdanslequelsecréent,parlaréflexion,lesconvictions,uneconclusionenfin où s’expriment les sentiments, les demandes, et seprécisentlesrésolutions.Decesméditationsfortbienagencées,leslivresfournissentdesmodèles adaptés aux besoins des diverses âmes. Les ouvragesexpliquant les méthodes d’oraison discursive ou donnant desméditations avec les réflexions à faire, les affections à former,les actes à produire, furent nombreux à toutes les époques.SainteThérèseenconnaissaitdéjàqui«renfermentunedoctrineexcellenteetdesconseilsappropriéspour lecommencementetlafindel’oraison21».Les personnes, écrit-elle, qui ont un jugement bien réglé et qui sont déjàexercéesà laméditationetpeuventserecueillir,ontà leurdispositionunefouledelivresexcellents,composéspardesauteursdemérite22.

D’autres ont suivi. Dans le Carmel réformé certains maîtresélaborèrent pour les novices desméthodes qui indiquaient lesdiversactesàproduirependantl’oraison.L’écoledespiritualitéfrançaise amultiplié à l’usagedesprêtres,des religieuxetdespersonnes du monde cultivées, ces livres de méditation quidéveloppent en un style d’une pureté classique desconsidérations pieuses et raisonnables, qui ont formé desgénérationsd’âmes fortes etmodérées, aussi ennemiesdubienquifaitdubruitquedumalquifaitscandale.Pour nos esprits modernes plus intuitifs que discursifs, plusavidesdevivantetdeconcretquede longs raisonnements, cesméthodesetceslivresdeméditationsontvieillienpeudetemps.


indépendantes, mais deviennent des moyens pour réaliserl’oraisonderecueillement.Certains utiliseront donc l’imagination, qui, construisant lesscènesévangéliquesoureprésentantlaphysionomieetl’attitudeduMaître,faciliteralecommercevivantavecLui.Les réflexions de l’entendement ou méditations discursives,peuventfavoriserl’oraisonderecueillement,maisàlaconditionqu’on n’y passe pas trop de temps et que les raisonnementscèdent promptement la place au contact intime qu’ils doiventservir:Ilestbondeseservirdu raisonnementpendantquelques instants,écrit laSainte, mais ensuite faisons taire le raisonnement et demeurons près duSauveur26.

Il arrivera qu’on ne pourra utiliser dans l’oraison, nil’imagination,nil’entendement.Ilesttoujourspossibledefixersur leMaîtreunsimple regardde foietdese tenirainsiensaprésence;sainteThérèsenousendonnel’assurance:JenevousdemandepasencemomentdefixervotrepenséesurLui,nidefairedenombreuxraisonnements,oudehautesetsavantesconsidérations.Cequejevousdemande,c’estdeporterleregarddevotreâmesurLui.Prenezl’habitudequejevousindique;jesaisquevouslepouvez.Durantdelonguesannées, j’aimoi-mêmesouffertdenepouvoirfixermonespritsurunsujetdurantl’oraison27.

Ce regard établit un contact suffisant. Assez fréquemmenttoutefois,illaisseral’âmedansuneimpuissancedouloureuse.Pour parer à cette impuissance, commed’ailleurs à toutes lesautres d’où qu’elles viennent, sainteThérèse indique quelquespetitesindustries.La prière vocale d’abord, dont nous connaissons déjà lesavantages,etquipeutnourrirainsil’oraisonderecueillement:Cette manière de prier, bien que vocale, aide l’esprit à se recueillirbeaucoupplusrapidementquetouteautre,etproduitaussilesbienslesplus

précieux28.

La lecture méditée est aussi un moyen et des meilleurs pouraideraurecueillement:Unautremoyenexcellentpourvousaidermêmeàvousrecueilliretàbienfairevosprièresvocales,c’estdeprendreunbonlivreenlanguevulgaire29.

PouraffrianderlesfacultésetlesaideràconsidérerlapersonnedeJésusvivant,onpourrautiliseruneimage:Voiciunmoyenquipourravousaiderpourlepointenquestion,écritsainteThérèse.Ayez soin d’avoir une image ou une peinture deNotre-Seigneurqui soit à votre goût.Ne vous contentez pas de la porter sur votre cœur,sans jamais la regarder,mais servez-vousenpourvousentretenir souventavecLui,etilvoussuggéreracequevousaurezàLuidire30.

L’expérience fera trouver à chacun bien d’autres « attraits ouartifices31»poursoutenirl’activitédesfacultésouysuppléeretmaintenirl’âmeencontactavecleDieuvivant.Àlapersévérancequisauraenuser,sainteThérèseprometunsuccèsassezprompt:Sil’oncontinuedelasorte,dit-elle,durantquelquesjours,etsil’onfaitdeseffortssérieux,onverraclairementquelprofitendécoule.Dèsquel’âmesemettra à prier, elle verra ses sens se recueillir comme les abeilles quiretournentàleurrucheetyrentrentpourfairelemiel32.

Mais l’oraison de recueillement doit déborder sur la journéeentière,danslapenséedesainteThérèse,etpénétrertoutelavie.Pour poursuivre cette intimité divine à travers les diversesoccupations, les moyens utilisés pour l’oraison ne suffirontplus;ilenfauttrouverdesimplesetadaptés.CesontdesrappelsdeprésencedeDieuattachésàdesobjetsdéterminés, images ou objets familiers quelconques, à unchangement d’occupation, à tout autre point de repère quirappelleront la présence divine et l’acte d’amour à faire. Oncherchera cette présence divine sous les divers voiles qui la

dissimulent à la fois et la livrent, dans le tabernacle, dans sonâme,dansunepersonnedéterminée.Cette technique très simple s’unissant à l’amour, la présencedivine devient promptement familière. À tout instant elle estsignalée par ces points de repère devenus lumineux, un peupartout dans le cadre où l’on vit, dans les personnes qu’onfréquente,dansnosoccupations;elleremplitl’atmosphèreetlavie, et quasi sans effort et sans bruit, elle devient constante etpaisiblementlumineuse.C’est de cette présence de Dieu devenue constante, de cetteintimité avec Jésus devenu le compagnon inséparable, bref del’oraisonderecueillementdanstoutesonextensiondanslavie,queparlesainteThérèselorsqu’elledit:Dès lors que l’onn’apprend rien sans quelquepeine, je vous en conjure,messœurs,pourl’amourdeDieu,regardezcommebienemployéstouslesefforts que vous ferez dans ce but. Je sais que si vous vous y appliquezvousréussirezavecl’aidedeDieuauboutd’unan,peut-êtremêmeauboutdesixmois.Voyezcombience tempsestcourtpouracquérirunegrâcesiélevée que celle de poser un fondement solide à ces grandes chosesauxquellesleSeigneurdaignerapeut-êtrevousappeler33.

Précédemmentelleavaitdit:Si nous ne recevons pas cette faveur au bout d’une année, travaillonsplusieurs années pour l’obtenir. Ne regrettons pas un temps si bienemployé. Et qu’est-ce qui nous presse ? Vous pouvez donc, je le répète,voushabitueràcettepratiqueettravailleràvoustenirdanslacompagniedecevéritableMaître34.

En ces textes, la Sainte semble affirmer que le recueillementhabituel exige une grâce particulière de Dieu. La méthoded’oraison prépare l’âme à recevoir cette faveur et la lui faitmériter.Cetteméthodeeneffetmetenœuvretouteslesactivitésdel’âmepourl’acquériretprovoquelamiséricordedivine.C’estdiredéjàsonexcellenceetexpliquersonsuccès.


religieuses, ils n’ont trop souvent gardé de l’instruction reçueautrefoisquequelquesnotionsmoralespratiques,maispeuoupoint de notions dogmatiques qui pourraient nourrir leur viespirituelle. Comme ceux de leur milieu ils sont allés à leursétudes et à leur tâche. Devenus hommes de loi, industriels,médecins, commerçants, professeurs ou artistes, ils pensent,agissent et vivent comme tels.De temps à autre, régulièrementpeut-être, ils se montrent chrétiens pour remplir un devoirextérieurde la religion.Maisdepuis leuradolescence ilsn’ontjamais pris un contact réel avec la vérité révélée. Ils ne l’ontjamais pensée avec leur intelligence d’hommes faits et n’ontjamaisplacéleurâmeetleurviepersonnellesouslalumièreduChrist.Etainsileurinstructionreligieuseetleurviechrétiennesontrestéesvéritablementinférieuresàleurculturegénéraleetàleur formation professionnelle. Il en résulte dans leur âme unenvahissement et une domination du naturel aux dépens dusurnaturel.La foi resteainsique leshabitudeschrétiennesquesoutient la tradition, mais la vie profonde manque. Leurchristianisme sans lumière, donc sans force, ne peut avoird’influenceréellesurlapenséeetsurl’activitéhumaines.Pourrestervivantedansuneâmeetagissantedansunevie, lafoidoitêtreassezéclairéeetassezfortepourrésisteràtouslesfermentsquilamenacentetàtouteslespressionsquis’exercentsur elle. Elle ne peut remplir son rôle dans une âme que si lalumièrequil’éclaireestproportionnéeàlavigueuretàlaculturede l’esprit qui lapossède.Si ellen’est pasnourrie selon cettesagemesure,àpeinepeut-elleéchapperàlaruine;àplusforteraison ne peut-elle pas aspirer à soutenir une vie spirituelleprofonde12.

B.LECHRISTJÉSUS,LE«LIVREVIVANT»

C’est à sainte Thérèse même que nous allons demander unprincipedirecteurpourlechoixdenoslectures.En1559,legrandInquisiteurd’Espagnecrutdevoirinterdirelalecturedelaplupartdeslivresspirituelsécritsenespagnol,pourarrêter la vague montante de l’illuminisme. Cette mesureradicalejetasainteThérèsedansladésolation.Elles’enplaignitaffectueusementàNotre-Seigneur:Quandonprohiba,écrit-elle, la lectured’ungrandnombredelivresécritsen langue castillane, j’éprouvai une peine très vive car quelques-unsservaient de récréation àmon âme, et je ne pouvais plus les lire dès lorsqu’onn’enautorisaitplusqueletextelatin.Notre-Seigneurmedit:«N’enaiepointdepeine;jetedonneraiunlivrevivant!»Jenepuscomprendrealorspourquoicetteparolem’avaitétédite,carjen’avaispasencoreeudevisions13.

Dès lors commencent pour elle les visions de l’humanité duChrist.Visionsd’abordintellectuellesdanslesquelleslaSaintenevoyaitrien,mais,écrit-elle,ilmesemblaitqueJésusétaitprèsdemoietquec’étaitLuiquimeparlait…Ilmesemblaitqu’Ilmarchaittoujoursàcôtédemoi,maisjenevoyaispassousquelleforme14.

Cetteprésencequi«dureplusieursjoursetmêmeparfoisplusd’unan15 », non perçue par les sens,mais claire et certaine àl’âme « d’une certitude beaucoup plus grande que celle dessens16»,produitdansl’âmebeaucoup de confusion et d’humilité… une connaissance particulière deDieu,l’amourleplustendrepourSaMajesté,etmaintientl’âmesanscesseenéveil,toujoursattentiveetsansdistractions17.

Vinrent ensuite des visions imaginaires, rapides comme unéclair,maisquilaissentimpriméedansl’imaginationuneimagedu Christ glorifié d’une telle beauté que la | Sainte considèrecommeimpossiblequ’elles’eneffacejamais.

Lavisionintellectuelle,écrit-elle,estplusélevéeàcoupsûr,maiscelle-ci(lavisionimaginaire)al’avantaged’êtreplusappropriéeànotrefaiblesse,carelleporteleplusgrandsecoursàlamémoire18.

Ce livre vivant qui s’ouvrait ainsi à l’âme de Thérèse,l’instruisaitmerveilleusement:Depuisqu’ilm’aétédonnédecontempler labeauté ineffableduSauveur,ajoute-t-elle, je n’ai pu voir une seule personne qui, comparée àLui, pûtavoir de l’attrait pour moi ou occuper mon esprit… La vue de Notre-Seigneur et les entretiens si fréquents que j’avais avec Lui, augmentèrentbeaucoupmonamouretmaconfiance.Jecomprenaisque,s’ilestDieu,ilesthommeaussietqu’ilnes’étonnepasdesfaiblessesdeshommes19.

Cesvisionseurent sur lavie spirituellede sainteThérèseuneportéeimmense:nousl’avonsvu,ellenevoulutpointchercherautrechosequeleChristdanssonoraison.Saint Jean de la Croix dans laMontée du Carmel donne lamêmedoctrine.Pourmontrerqu’onnedoitpasinterrogerDieupar voie surnaturelle, il rappelle la parole de l’Épître auxHébreux:«CequeDieuarévéléànospèresendiverstempsetdediversesmanièresparl’intermédiairedesprophètes,ill’aditmaintenantparsonFils20.»EtlesaintDocteurcommente:DèslorsqueDieunousadonnésonFils,quiestsaparole,iln’apasd’autreparoleànousdonner.Ilnousatoutditàlafoisetd’unseulcoupencetteseuleparole…FixezseulementvosregardssurLuietvousytrouverezlesmystères les plus profonds, les trésors de la sagesse et des merveillesdivines qui sont renfermés enLui, comme l’Apôtre le dit : « En lui sontcachéslestrésorsdelasagesseetdelasciencedeDieu21»22.

Toute la science spirituelle est contenue dans leChrist Jésuscar ilest leVerbeéterneletenmêmetempsleVerbeprononcédansletemps,lalumièrequiéclairetouteintelligencevenantencemondeetlalumièrequiabrillédansnosténèbresetquenouspouvonssuivresanscraintedenouségarer.


qu’ildissimulelorsqu’onconnaîtsapatiencedanssesépreuvesetsesexigencespourlesnovices.Selonl’adagebienconnu:verbamovent,exemplatrahunt,lesexemplesontuneforced’entraînementànulleautrecomparable.Àcetteforcequivientàl’âmeàtraverslesjoiespaisiblesdelalecture s’ajoutepour laviedes saints lagrâce surnaturellequiestdonnéepar leursainteté.SainteThérèseraconte l’influencedécisive qu’eut sur sa vie la lecture desConfessions de saintAugustin43.Variésetnombreux,on levoit, sont lescommentairesécritsàpropos du Christ. Certes, ils n’épuisent pas les trésors delumièreetdesagessequisontenLui.Cependantc’estpareuxque l’âme les fait siens progressivement, et surtout apprend àliredanslelivremêmeduChristvivant.Immenseestl’influencede la lecturedans ledéveloppementde lavie spirituelle. Il estdoncnécessairedes’yappliqueravecsoin,avecespritdefoietavecpersévérance.

1.Vie,c.26,p.272[26,5].2.Ibid.,c.4,p.38[4,7].3.Ibid.,c.2,p.22-23[2,1].4.Ibid.,c.3,p.32[3,7].5.Ibid.,c.5,p.50[5,8].6.Ibid.,c.4,p.41[4,9].7.[LeLivredesvisions…,c.57,p.227].8.Rm10,14.9. Ces affirmations ont toute leur valeur pour les débuts de l’oraison dontnousparlons.Plustard,danslacontemplationsurnaturelle, laconnaissancedistinctedéfaille(NuitL.2,c.12,p.597[2,12,1-2]).L’amour prend alors les devants, instruisant l’âme dans l’onction de laSagesse. Cette sagesse savoureuse ne dispense pas l’âme du recours à lavéritérévélée,maisellediminuecependantsesbesoinsdelumièredistincte.10. [Cf.Procès informatif ordinaire, p. 275 ;Procès apostolique, p. 266 ;

ConseilsetSouvenirs,p.80].11.Cesoraisonsdontnousparlons,sontdesoraisonssimplementaffectives,danslesquellesilyapeuoupointdecontemplationvéritable.Ellesdéfaillentparcequ’ellesnesontsoutenuesniparl’actiondeDieu,niparletravaildesfacultés.12.Cetteignorancereligieuseproduitunphénomèneaupremierabordassezétrange : celui d’âmes droites qui, sous la pression des événements ou del’inquiétude intérieure, ont retrouvé en elles-mêmes un besoin profond devie spirituelle, et qui, pour le satisfaire, vont aux religions orientales parcequ’elles ignorentcomplètement lavieprofondedecechristianismequ’ellesontcôtoyési longtempsetquiest la religionde leurbaptême.Ce leur seraune heureuse mais souvent tardive surprise de découvrir les richessesdébordantesduChrist,aprèss’êtreabreuvéesàdessourcesséduisantesmaisimpures.13.Vie,c.26,p.271-272[26,5].14.Vie,c.27,p.274[27,2].15.6eDem.,c.8,p.995[8,3].16.Ibid.,p.996[8,3].17.Ibid.,p.997,passim[8,4].18.Vie,c.28,p.293[28,9].19.Ibid.,c.37,p.417-418[37,4-5].20.He1,1-2.21.Col2,3.22.MontéeL.2,c.20,p.232.234[2,22,3.6].23.1Co2,2.24.Ph3,8.25.Ép3,19.26.1Tm2,5[cf.Confessions,VII,18].27.Jn17,3.28.Jn10,9.29.Col2,3.30. [Cf.LT193du30 juillet 1896 auP.AdolpheRoulland ;LaBible avecThérèsedeLisieux,Cerf/DDB,1979,p.19-20].31. [Cf. Procès informatif ordinaire, p. 275 ; Procès apostolique, p. 266 ;ConseilsetSouvenirs,p.80].

32.[Cf.LT108du18juillet1890àCéline].33. [Cf. par exemple L 280 du 12 juillet 1906 à sa mère, in ŒuvresComplètes,Cerf,Paris,2007,p.693].34.Depuisqueceslignesontétéécrites,ilyaplusdequinzeans,onconstateunretourverslessaintesÉcritures,quiestunedesgrâceslesplusprécieusesdenotretemps.[Le«coursd’oraison»surleslecturesspirituellesremonteau11janvier1936.Cettenote,quin’existaitpasdanslapremièreéditionde1949,aétéajoutéeparl’auteurdansl’éditionde1957].35.Ac8,31.36.[Cf.5eDem.,1,8,p.897].37.[Cf.ladépositiondeSrGenevièvedelaSainteFace,inProcèsinformatifordinaire,p.298;Letriomphedel’humilité,Cerf/DDB,1975,p.111-112].38.L’expressionlaplussimpledontnousparlonssera,nonlaplusbanaleoulamoins imagée,mais celle qui disparaît en quelque sorte elle-mêmepourmettreenrelieflavéritéqu’elleexprime.39.CetteactionprovidentielleapparaîtnettementdanslaviedesaintJeandelaCroix.LesaintvaàDurveloaprèsavoirfaitdefortesétudesàl’universitédeSalamanque.Sonrudeapprentissagedelaviecarmélitainecontemplativeterminé, après avoir organisé le noviciat à Pastrana, il revient aux étudescomme recteurducollège théologiqued’Alcala ; ily faitdesprovisionsdelumière pour le long silence fécond d’Avila (1572-1577) qui se termineradanslaprisondeTolède.Parvenuaumariagespiritueletayantretrouvésesforcesphysiques,ilestnommérecteurducollègedeBaezaetlesprofesseursdel’universitéviennentfréquemmentaucouvent.Cenouveaucontactavecla vérité dogmatique prépare la période de fécondité littéraire qui a donnétouslesgrandstraitésduSaint.40.Ph2,5.41.[Cf.Chemin,1,2-6,p.583-586].42.[Cf.Fondations,1,7,p.1074-1075].43.Vie,c.9,p.92[9,8].


violent.Qu’il s’agissede l’impuissancedes facultésdevant lesvérités surnaturelles, de leur instabilité naturelle, desmalaisesphysiquesoudel’actiondudémon,nousnousrendonscompteque la violence que nous mettrions à les vaincre, seraitirraisonnableetorgueilleuse.Cetteconvictioninspireratoutelalutte contre les distractions et nous y feramettre la discrétionqui seule peut avoir raison de ces obstacles. Mais, écoutonsnotresageMaîtresse:Àlapeinequ’ilsenéprouvent(desdistractions)ilsverrontquecen’estpasdeleurfaute.Qu’ilsnesetourmententdoncpoint,cequiseraitpire.Qu’ilsnesefatiguentpasàremettreàlaraisonleurentendementquipourlorsenest incapable. Qu’ils prient le mieux qu’ils pourront, et même qu’ils neprientpoint.Puisqueleurâmeestmalade,qu’ilss’appliquentàluiprocurerquelquereposets’occupentdequelqueautreœuvredevertu25.

Ellepréciseailleurs:Plusonveut laforceralors(l’âme),plusonaggravesonétatetplusaussion le prolonge. Il faut donc de la prudence pour découvrir quand lemalprovient de cette cause (indisposition), et ne point achever d’étouffer lapauvre âme. Ces personnes doivent comprendre qu’elles sont malades.Elleschangerontl’heuredel’oraison,etsouventellesserontobligéesd’agirainsi plusieurs jours de suite. Elles supporteront cet exil comme ellespourront.C’estunecroixbiensensiblepouruneâmequiaimesonDieudesevoiraumilieudetellesinfirmités,etdenepouvoirréalisersesvœux,àcaused’unhôteaussitristequececorps26.

LaSainterésumesesconseils:Quel’âmealorsserve lecorpspour l’amourdeDieu,afinque lecorps laserve à son tour dans beaucoup d’autres circonstances.On peut en outrechercher quelque distraction dans les conversations vraiment saintes oualler respirer l’air de la campagne, selon le conseil que donnera leconfesseur.Entoutcelal’expérienceestd’ungrandsecours:ellenousfaitconnaîtrecequinousconvient;d’ailleursentoutétatonpeutservirDieu27.

Nous citons longuement, moins pour recueillir des conseilsprécissurlaconduiteàtenir,carlescassontbiendifférents,que

pour apprendre à l’école de sainte Thérèse dans quel esprit ilfaut mener la lutte contre les distractions. On devine que,parfois, pour remédier à certaines impuissances, il faudra plusquedeladiscrétiondansl’effort,maisdessoulagementsetdessoinséclairés.Lacollaborationdudirecteuretdumédecinpeut,danscertainscas,devenirnécessaireetcontribuerheureusementàlasantéducorpscommeauprogrèsdel’âme.

II.LapersévéranceLadiscrétion n’est pas destinée à favoriser la paresse,mais àrendre possible la persévérance. « C’est la persévérance quiimporteleplusici»proclamesainteThérèse28.LaSainteneselasse pas de le répéter. N’avait-elle pas écrit sur un signet :« Tout passe. La patience obtient tout ! » Ceci est vrai del’oraisonsurtout.C’est par la persévérance qu’elle a elle-même obtenu sesrichessessurnaturelles:«Enréalitépeudejourssesontpassés,écrit-elle,sansquej’aieconsacrébeaucoupdetempsàl’oraison,àmoinsquejefussetrèssouffranteoutrèsoccupée29.»La plus grande tentation de sa vie fut de rester une année etmêmedavantagesansfaireoraison,parcequecelaluiparaissaitplushumble30.Cettepersévérance seporteranon seulement sur l’exercicedel’oraisonelle-même,maisaussisurl’ascèsederecueillementquidoitl’accompagner.Ilfautgardersessenspendantlajournée,segarderdes frivolitésquidissipentet reveniraussi fréquemmentquepossibleversleMaîtrepardesoraisonsjaculatoiresoudesactesdesvertusthéologales.Ces oraisons de distractions et surtout de sécheresses sontlumineuses car elles montrent, avec la faiblesse foncière del’âme,lescausesprécisesdesdistractions.C’estunesympathie

ouune antipathie vers laquelle on revient habituellement, telleimpression qui trouble encore, telle perception qui s’imposeavec persistance, tel souvenir qui empêche le recueillement.Mieuxquepartouslesexamensdétaillés,l’âmedécouvreainsilepointprécissurlequeldoiventporterleseffortsdesonascèsederecueillement.Serait-elle pécheresse, que l’âme persévère, assure sainteThérèse,etDieuaurapitiéd’elle:Lesméchantsquine sontpointdevotrecondition,ômonCréateur,vousles rendriez bons. Ils n’ont qu’à supporter que vous soyez près d’euxseulementdeuxheurespar jour,alorsmêmeque leurespritserait,commejadis le mien, emporté loin de Vous et agité de mille soucis et de millepensées frivoles. En récompense des efforts qu’on fait pour rester en sibonnecompagnie,voustenezcomptedecequedanslesdébutsetparfoismêmedanslasuitenousnesaurionsfairedavantage31.

Bref,seulelapersévéranceestcapabled’assurerlesuccèsdansl’oraison.

III.L’humilitéUne humilité patiente et confiante doit accompagner cettepersévérance:Mais que fera donc ici celui qui, après avoir travaillé longtemps, nerencontre qu’aridité, dégoût, ennui et répugnance extrême à puiser del’eau ? S’il ne considérait pas le plaisir qu’il procure et les services qu’ilrend au Maître du jardin, s’il ne veillait pas à ne point perdre tous lesmérites acquis, ni les récompenses qu’il attend encore d’un travail aussipéniblequeceluidedescendre fréquemment le seaudans lepuitspour leretirervide,illaisseraittoutlà…Maisjelerépète,queferalejardinier?Ilse réjouira, il se consolera, il considérera que déjà c’est une très hautefaveurdetravaillerdanslejardind’unsihautsouverain.Ilsaiteneffetquepar là il Le contente, et son but est de rechercher non une satisfactionpersonnelle, mais celle de son Maître. Qu’il Lui adresse les plus vivesactionsdegrâcesdecequeceMaîtrecomptesurlui…Qu’ilL’aideaussiàporter sa croix ; qu’ilmédite comment toute sa vie s’est passée aumilieudes souffrances ; qu’il ne recherche pas son royaume ici-bas, qu’il


d’unefaçonhabituelleetcontinuellelesévénementsextérieurs,et plus encore les causes libres, comme des messagers de salumièreetlesplusauthentiquesintermédiairesdesagrâce.«Lafoivientdel’ouïe23»ditl’Apôtre,etdanslemêmesensnouspourrionsajouter:lessenssontàlaviesurnaturellecequeles racines sont à la plante, c’est par euxque lanourriture luiarrive. On conçoit dès lors l’influence que peut avoir sur ledéveloppementdelaviesurnaturellelemilieu,l’ambiancedanslaquellesemeuventlessens,etsurtoutlesamitiésparlesquellesilssontaffectésd’unefaçonprofondeetplusconstante.L’âme qui débute sera normalement plus sensible à cetteinfluence de l’amitié. Sainte Thérèse souligne et expliquecombienellepeutluiêtrebienfaisante:Je conseillerais à ceux qui font oraison de rechercher, surtout au début,l’amitiéetlecommercedespersonnesquis’yadonnentégalement.C’estlàun point de la plus haute importance, alorsmême qu’il n’y aurait que leprofit de prier les uns pour les autres. Mais il y a beaucoup d’autresavantages. Si dans le monde on recherche des conversations et desaffections qui ne sont pas très parfaites, si on se procure des amis pourgoûterprèsd’euxles|douceursdureposetaugmentersajoieparlerécitdevainsplaisirs,jenevoispaspourquoiceluiquisemetrésolumentàaimeretàservirDieunepourraitpass’entreteniraveccertainespersonnesdesesjoies et de ses peines, car les unes et les autres arrivent aux âmesd’oraison…Monavisestqu’aveccetteintentiondroitedanssesentretiens,ilseprocurelesplusgrandsavantagesàlui-mêmeetàceuxquil’écoutent.Il en sort avecdes lumièresplusvives, etmêmeà son insu il instruit sesamis. Celui qui tirerait de la vaine gloire de tels entretiens, en tireraitégalement d’être vu quand il entend la messe avec dévotion et quand ilpratique d’autres exercices qu’il doit accomplir sous peine de n’être paschrétienetqu’onnepeutomettreparcraintedelavainegloire.Cepointesttellementimportantpourlesâmesquinesontpasencoretrèsaffermies dans la vertu, que je ne saurais trop y insister. Car elles ontbeaucoupd’ennemisetmêmed’amispourlesporteraumal…Aujourd’huiil y a si peu d’énergie pour tout ce qui concerne le service deDieu, queceuxquiluisontdévouésdoiventsesoutenirmutuellement…Ontrouvesi

natureldeselancerdanslesvanitésetlesjoiesmondainesquec’estàpeinesi on y fait attention.Mais quelqu’un vient-il à se donner à Dieu, il voitaussitôt s’élever tant de murmures qu’il lui faut nécessairement chercherunebonnecompagniepoursedéfendre,jusqu’àcequ’ilsoitassezfortpourne pas craindre la souffrance, sans cela il se verrait dans la plus grandedétresse… C’est d’ailleurs un genre d’humilité que de se défier de soi-mêmeetdecroirequeDieunousaideraparlemoyendenosconfidents;deplus, la charité grandit en se communiquant ; enfin, il y a mille autresavantages ; jen’oserais ledire siune longueexpériencenem’avait apprisl’importancedecetteconduite24.

II.ChoixdesamitiésL’influenceprofondedel’amitiéinviteàlacirconspectiondanslechoixdecellesquenousdevonscultiver.Ilyalieu,eneffet,dedistinguerentrelesamitiés.Le Christ Jésus eut des amis pendant sa vie ici-bas. À sesapôtresildisaitlessecretsduroyaumedeDieu,lesmystèresdesavieintime.Parmieuxlestroispréférésdeviennentlestémoinsde sa transfiguration et de son agonie au jardin des Oliviers.Pendant les dernières semaines de lutte douloureuse àJérusalem, Jésus allait le soir se reposer à Béthanie, dansl’atmosphèrequefaisaitdouceàsoncœurl’affectiondeLazare,MartheetMarie.Hommecommenous,Jésuscultivedesamitiéshumainespoursanctifierlesnôtres.EnJésus, l’amitiéest le fruitd’un librechoixdesa tendressemiséricordieuse qui voulait se répandre. Chez les saints, elleprocède à la fois de l’amour divin qui se donne en charitéfraternelle, et du sentiment profond qui | leur reste de leurfaiblessesouslavaillancedeleurvertu.Ennous,ellenaîtd’unbesoindesoutienetd’épanchement,ainsiqued’uncourantdesympathie.On levoit, laqualitéde l’amitiéest faitedumouvementdontelleprocède,del’amourquil’anime.

Experte en l’art d’aimer et psychologue pénétrante pouranalyserlessentiments,sainteThérèsevanousaideràdiscerneretàapprécierlesamitiésenqualifiantl’amourquilesinspire.Àcepointdevuepratique, l’enseignementqu’elledonnedans leChemindelaPerfectionestincomparable.Remarquonsd’abordquel’amourestlaloidetoutevie,detoutêtre.Dieuamiscetteloientoutecréaturepourréglersamarchevers sa fin providentielle, mais il l’a adaptée à la nature dechaqueêtre.L’astregravitedansl’espaceenobéissantàcetteloidelagravitationuniverselleetdel’attractionmutuelledescorpsqui est la loi d’amour de la matière. L’instinct est une autreformedelamêmeloid’amour.Dansl’hommenoustrouvonstroisformesdecetteloid’amouradaptées aux trois vies qui se superposent chez le chrétienbaptisé : l’amour sensible propre à la vie du corps, l’amourraisonnablequiappartientàl’âme,etl’amoursurnaturelquiestessentiel à la vie de la grâce. Chacun de ces amours doitconduire à son parfait développement la vie à laquelle ilappartient.TousprocèdentdeDieuetsontdoncbonsensoi.Onne saurait en maudire, ni en détruire aucun, à les considérerisolément.Aussibienlavienenousprésente-t-ellepascesdiversamoursséparés comme en la division logique,mais unis à des degrésdifférents. Le jugement pratique doit porter sur le dosage dechacun d’eux dans une nature humaine individuelle, sur lasynthèsevivanteréaliséeparleurunion.C’estledynamismedecet ensemble, son mouvement, sa direction qu’il imported’apprécieren fonctionde la fin surnaturellede l’hommeet lavocationparticulièrede chacun.Lavaleurmorale et spirituelleestfaitedel’unitéharmonieusedesesénergiesvitalesetdeleurconvergenceverssadestinéeprovidentielle.


P.Grégoire,t.4,p.52,note1‒trad.deJ.Poitrey:7,4‒Cerf:4,16,notee].32.Chemin,c.6,p.608[5,1].33.Ibid.,c.5,p.603[4,6.8].34.NuitL.1,c.5,traductiondesCarmélitesdeParis(DounioletCie)[p.498‒1,4,7].35.Chemin,c.5,p.603[4,7].36.Ibid.,c.7,p.612[6,1].37.Ibid.,c.7,p.613[6,3].38.Chemin,c.7,p.613[6,4].39.Ibid.,c.7,p.615[6,8].40.Ibid.,c.8,p.617[7,1].41.Ibid.,c.7,p.614[6,5].42.Ibid.,c.8,p.618[7,3-4].43.Chemin,c.8,p.617[7,1].44.Ibid.,c.8,p.619[7,4].45.Lettres,Séville,9mai1576[LT106,1].46.Ibid.,Avila,1578[finaoût.LT261,3].47.Lettres,30mai1582[LT451,10].48.Chemin,c.8,p.620[7,6].49.Lettres,Tolède,décembre1576 [7décembre.Trad.duP.Grégoire, t. 2,p.102‒LT160,1].50. Chemin, c. 7. Note manuscrite de l’Escurial (Édition de la « VieSpirituelle»,p.72-73)[trad.duP.Grégoire,t.4,note1‒trad.deJ.Poitrey:11,4‒Cerf:7,4,notea].51.Cf.sainteThérèsedel’Enfant-Jésus,Man.Autob.Afol.38v°.52. Vie de sainte Thérèse par une carmélite, t. 2, p. 414 [Marie du Sacré-Cœur, Histoire de sainte Thérèse d’après les Bollandistes, ses divershistoriensetsesœuvrescomplètes,t.2,Paris,VictorRetaux,1905,p.414].

Chapitrehuitième

Ladirectionspirituelle

J’aiperdubiendutempsfautedesavoircommentmediriger1…

L’âmeenmarcheversDieutrouvedanslesamitiésspirituellesunréconfort;elledemanderaàladirectionspirituellelalumièrepour se guider en ses voies. Tandis que l’ami est un égal, ledirecteur est un supérieur auquel on se soumet. Le rôle de cedernierpeutêtredistinctdeceluiduconfesseur.Leconfesseurestunmédecinquiguéritetpréservelaviedelagrâcecontrelesatteintes du péché ; le directeur assure le progrès spirituel del’âme.C’estencore touteunedoctrinequenous trouvonschezsainteThérèsesurladirectionspirituelle,sursonimportanceetsa nécessité en certains cas, sur le choix et les qualités dudirecteuretsurlesdispositionsdudirigé.

A.IMPORTANCEETNÉCESSITÉDELADIRECTION1.LesoinquemettaitsainteThérèseàseprocurerlesecoursdeladirectionsuffitàmontrerl’importancequ’elleyattachait.Ellen’entreprend rien sans consulter théologiens et spirituels. Lesnombreuses relations de sa vie ou des grâces qu’elle a reçuesnousdisentl’espritdefoiqu’ellemettaitencesconsultationsetl’importancequ’elleleurdonnaitdanslaviespirituelle:Pour moi, écrit-elle, je bénis Dieu de tout mon cœur ‒ et nous autresfemmes, ainsi que toutes les personnes qui ne possèdent pas la science,nousdevrionstoujoursluiadresserd’infiniesactionsdegrâces‒decequ’ilnous procure les gens instruits qui, au prix des plus grands travaux, ontacquislaconnaissancedelavéritéquenousignorons…Soyez béni, ô mon Dieu, de ce que vous m’avez créée si inhabile et siinutile!Soyezbénisurtoutdecequevoussusciteztantd’âmesqui,àleur

tour,nousportentàlavertu.Nousnedevrionsjamaiscesserdeprierpources savants qui nous donnent la lumière. Et que deviendrions-nous sanseux, au milieu de ces tempêtes si grandes qui, à l’heure actuelle, agitentl’Église2?

Sareconnaissanceestbienjustifiée.Eneffet,parmilesprêtresséculiersetlesreligieuxdetoutesrobesqu’elleconsulteàAvilaetdanslesvillesoùlaconduisentsesvoyagesdefondation,ontrouve les plus grands théologiens de son époque tels lesdominicainsIbañez,BarthélémydeMedina,legrandBañezsonthéologien attitré, les spirituels les plus qualifiés comme lespremiers jésuites d’Avila, dont le Père Balthazar Alvarez, etquatresaintscanonisés :saintPierred’Alcan¬tara, franciscain,saint Louis Bertrand, dominicain, saint François de Borgia,commissairegénéraldelaCompagniedeJésus,etsaintJeandelaCroix,lepremiercarmedéchaussé.Dans ses traités elle revient fréquemment sur l’importance oumêmelanécessitédeladirection:Monavis,écrit-elle,atoujoursétéetseraquetoutchrétiendoits’appliquer,quand il le peut, à communiquer avec un guide instruit, et le plus éclairéseralemeilleur.Celuiquisuitlavoiedel’oraisonenaplusbesoinquetoutautre:etplusonestavancédanslaspiritualité,plusilfautyavoirrecours3.

C’est dès le début de la vie spirituelle que cette direction estnécessaire:Celui qui commence doit bien examiner ce en quoi il profitedavantage. Pour cela unmaître lui est très nécessaire pourvu qu’il ait del’expérience4.

Pour parer aux premières difficultés du recueillement elleécrit:Jeveuxseulementvousfaireremarquerqu’ilesttrèsimportant,àmonavis,des’ouvriralorsàdespersonnesquiontl’expériencedecetétat5.

Le besoin de directeur se fera spécialement sentir dans lespériodesd’obscuritéquesontlespériodesdetransition,c’est-à-


confusiondepouvoirsnepeutquenuireà l’autoritéspirituelleproprement dite ; elle tend à un asservissement plutôt qu’à lalibération progressive de l’âme, et va par conséquent àl’encontredubutdeladirectionspirituelle.

III.ExpérienceL’expérience des voies spirituelles sera le guide avisé de laprudence.Tous lesmaîtresdeviespirituelleont |parléd’aprèsleur expérience personnelle ou l’expérience des âmes qu’ilsavaientpuobserverdeprès.L’actiondeDieudansl’âmeestrégléeparlamiséricordedivinequidéconcertenotre logiquehumaine.Techniquesetméthodesne suffisent pas à la suivre et risquent, au grand détriment del’âme, d’arrêter ou d’endiguer trop sévèrement ses flotsbienfaisants.Les explications les plus heureuses ne dissipent pas tout lemystèredel’actiondeDieudansuneâme.Commentledirecteurpourra-t-il, au-delà des phénomènes qui l’enveloppent et desmots qui veulent l’expliquer, saisir la vérité vécue, indiquerensuiteàl’âmelalignedeconduiteàsuivre,s’ilneconnaîtpasexpérimentalementcetteformedel’actiondeDieuoudumoinsles régions spirituelles où elle se situe et les effets qu’elleproduit?Sansl’expérienceilpourraêtreuntémoinbienveillantet passif, il ne semble pas qu’il puisse, àmoins d’être éclairésurnaturellement, encourager et diriger avec autorité comme safonctionl’yoblige.Ces remarques s’appliquent surtout à certains états et auxgrâces surnaturelles. Elles gardent toute leur valeur dans ledomaine plus modeste de la pratique de la vertu, de lamortificationetdesdifficultésquis’yrencontrentdès ledébutdelaviespirituelle.

SainteThérèsenousditqu’ellenefutpleinementrassuréesurses visions et les paroles intérieures que par saint François deBorgiaet saintPierred’Alcantara,quipouvaient s’appuyersurleurpropreexpérience.Ilsemblebienaussiquel’interprétationdessignesdelacontemplationdonnésparsaintJeandelaCroixet leur application à un cas concret exigent une certaineexpérience.De même la Sainte conseille au débutant de prendre undirecteur qui ait l’expérience des difficultés qu’il rencontre etdesgrâcesdontilaétéfavorisé:Celui qui commence doit bien examiner ce en quoi il profite davantage.Pourcelaunmaîtreluiesttrèsnécessaire,pourvuqu’ilaitdel’expérience.Silemaîtren’estpastel,ilpeutcommettrebeaucoupd’erreurs.Ilconduiral’âme sans la comprendre, et sans lui permettre de se comprendre elle-même ; et cette âme, connaissant les grands mérites qu’il y a à obéir audirecteur,n’oserapassortirdelavoiequiluiestprescrite.J’airencontrédecesâmesquiétaientdansletroubleetl’afflictionàcausedel’inexpériencedu directeur. Ellesme faisaient pitié. J’en ai vu une en particulier qui nesavait plus que devenir.Quand un directeur ne comprend pas ces chosesspirituelles, ilaffligetoutàlafoisl’âmeetlecorps; ilarrêtetoutprogrès.Unepersonnem’a racontéque le sien la tenait enchaînéedepuishuit ans,sans la laisser sortir de la connaissance d’elle-même, et cependant | leSeigneurl’avaitdéjàélevéeàl’oraisondequiétude;aussieut-elleàsouffrirdetrèsgrandestortures27.

Cetteinexpériencerisquedebriserdéfinitivementl’éland’uneâmeparsonincompréhensionousatimidité,ouencoredel’userprématurément par des mortifications excessives dont cetteinexpérienceneconnaîtpaslarigueuretleseffets.

IV.LascienceÀ l’expérience sainte Thérèse ne préfère-t-elle pas la sciencechezledirecteur?Bien que la doctrine, écrit-elle, ne semble pas nécessaire ici, mon avis atoujoursétéetseraquetoutchrétiendoits’appliqueràcommuniqueravec

unguideinstruit,etlepluséclairéseralemeilleur28.

Lascienceque sainteThérèsedemandeaudirecteurn’estpasunescienceordinaire.Enplusieursendroits29desesécrits,ellerappellelemalqueluifirentcesdemi-savantsquinesurentpaslui expliquer le mode de présence de Dieu dans l’âme ou lagravité de ses fautes, et elle les oppose aux vrais savants quil’ontéclairée.Ces vrais savants étaient pour la plupart des professeurs qui,possédant une connaissance approfondie du dogme, pouvaientcontrôler les expériences spirituelles lesplusélevéesetnepass’eneffrayerparcequenouvelles.Lesexpériencesmystiqueseneffets’appuienthabituellementsurdesvéritésdogmatiquesque,seuls,deshommesd’étudedominentavecassezdemaîtrisepourendégagertoutelalumièreetlavaleurspirituelle:Lorsquejeparledeceschosesdifficiles,etbienquejecroielescomprendreetdirevrai,jemeserstoujoursdecetteexpression:«ilmesemble»;carjesuistoutedisposée,sijemetrompe,àm’enrapporteraujugementdesvraissavants.Bienqu’ilsn’aientpointéprouvélesfaveursdecetétat, ilsont jenesaisquelle lumière,parcequeDieu lesdestineàéclairersonÉglise ;etlorsqu’il s’agit d’une vérité, ils sont assistés pour la reconnaître. Quand,loind’êtreadonnésàladissipation,ilssontdevraisserviteursdeDieu,ilsne s’étonnent jamais des merveilles que le Seigneur opère… S’ils entrouvent de moins connues ils doivent, en considérant celles qui sontrapportéesdans les livres, jugerqu’onpeut lesaccepter.Voilàcequem’aprouvé une longue expérience. Je connais aussi ces demi-savants qui ontpeurdetoutetquim’onttantcoûté30…

Lasciencedudirecteurdoitembrasserlathéologiemoraleetlathéologiemystique,c’est-à-dire lasciencedesvoiesdeDieuetdes principes qui les régissent. Cette étude est indispensable.Elle peut en certains cas suppléer à l’expérience, et serviratoujoursàencontrôlerlesdonnées.Le directeur n’a pas le droit d’ignorer complètement lapsychologie religieuse et la psychiatrie qui lui fourniront des


EllesontundésirardentdenepointoffenserSaMajesté,ellesse tiennentmême en garde contre les péchés véniels ; elles s’adonnent à lamortification;ellesontleursheuresderecueillement;ellesemploientbienleur temps ; elles s’adonnent aux œuvres de charité envers le prochain ;elles sont pondérées dans leurs paroles, rangées dans leurmise, et quandelles se trouvent à la tête d’unemaison, elles la gouvernent avec sagesse.Àcoupsûr,leurétatestdigned’envie4.

Lademeurespirituellesemblebienrangée;toutrespirel’ordreet la belle tenue. Mais ne nous contentons pas d’un regardd’ensemble,examinonslesdétails.Ilapparaîtquecebelordreestdûàuneorganisationparfaitedela vie extérieure.Cette âme a un règlement de vie qui fixe lesexercicesdepiétéetleurdurée,l’emploidutempsdelajournéequi comporte des œuvres de charité. Ce sont, dirions-nousaujourd’hui,despersonnesdepiétéadonnéesauxœuvres.Maisne craignons pas que les œuvres ou la dévotion nuisent auxdevoirsdefamilleetdesociété.Iln’yapasdenégligencesurlesdevoirs essentiels puisque la même sagesse préside augouvernement de leur maison et à l’organisation de leur viepersonnelle. C’est donc une piété de bon aloi, qui a su trèsheureusement harmoniser extérieurement ses devoirs à l’égarddeDieu,delafamilleetdelasociété.Mais qu’y a-t-il sous cette belle façade ? Ce bel ordre a-t-ilgagné l’intérieur de la demeure ? Oui, à ce qu’il semble. Cesâmes«ontledésirardentdenepointoffenserSaMajesté;ellesse tiennent même en garde contre les péchés véniels ». Tellessontleursdispositionsintérieures.Vraiment,avecsainteThérèse,nousnepouvonsqu’admirerdesibeauxrésultats,surtoutsinousévoquonsuninstantl’étatdecetteâme lorsqu’elleétaitauxpremièresDemeures ;alors toutimprégnéedesmaximesdumondeetlivréeàsestendances,elle

pensaitsérieusementàDieuàpeinedetempsentempsdanslemois.Nousdevinons la ténacitéde l’effort fourni, la longueurde lalutte contre soi et contre les autres pour fuir les occasions,mortifier les tendances,organisersavie,ymettredesexercicesde piété réguliers, accomplir avec soin tous ses devoirs d’état,donner auxœuvres de charité le tempsqueprenaient autrefoislesplaisirsou lesdistractions,éviteren tout lepéché,acquérirdesvertus,ordonner|enfintoutsonextérieur,sesparolesetsesgestes, pour qu’y brille un reflet discret des dispositionsintérieures.Une étape est franchie. De bonnes habitudes sont prises etentréesdanslaviequotidienne.Parseshabitudesdevie,parsespréoccupationsdontellenefaitpasmystère,parsesœuvresquis’étalent discrètement mais sans respect humain, par tout sonextérieur, cette âme est fixée dans le groupe des âmes dont lapiétésérieuse,largeetcharitable,forcel’estimeetlerespect.C’est un triomphe qui est dû à l’énergie persévérante de lavolontééclairéepar la raison.Mais, avantdeconclure,voyonslesprogrèsréalisésdansl’oraison.

B.ORAISONSSIMPLIFIÉESCesâmes«ontleursheuresderecueillement»ditbrièvementsainte Thérèse parlant des troisièmes Demeures, en ajoutantcependant qu’elles y trouvent parfois des sécheresses. LeChemindelaPerfectionetlelivredesaVienousrenseignerontmieuxsurlesdéveloppementsdel’oraisondanscesâmes.Danscedomaineaussileseffortsfournisavecpersévéranceontcréédesfacilitéspourlerecueillement:Dèsquel’âmesemettraàprier,elleverrasessensserecueillir,commelesabeillesquiretournentàleurrucheetyrentrentpourfairelemiel.Ilneluiencoûteraaucuneffort.LeSeigneuravouluquedurantletempsoùellese

faisaitviolence,l’âmeaitméritéd’exercerdelasortel’empiredesavolonté.À peine a-t-elle manifesté qu’elle veut se recueillir, les sens obéissent etrentrent dans son sanctuaire. Ils sortiront de nouveau, mais c’est déjàbeaucoupqu’ilssesoientsoumis.Aussiilsnesortentplusquecommedessujets et des captifs, qui ne peuvent plus faire autant de mal queprécédemment. Si la volonté les rappelle, ils reviennent avec unepromptitudeplusgrandeencore5.

Cettefacilitéacquisepourserecueillirestaccompagnéed’unesimplificationdansl’activitédespuissancesquientretenaientlecommerced’amitiéavecDieu.Fallait-il autrefois de longues prières vocales pour s’occuperprèsduMaître?Voiciquemaintenant,après quelques généreux efforts pour nous tenir en compagnie de ceSeigneur, Il nous entend par signes. Quand nous devions précédemmentsouvent réciter lePaterpournous faireentendredeLui, Ilnousentendradès la première fois. Il est très désireux |de nous épargner la fatigue. Sidans l’espaced’uneheurenousnedisonsqu’unefois lePater,c’estassezpourvu que nous comprenions que nous sommes avec Lui, que noussachions ce que nousLui demandons, quel désir Il a de nous exaucer, etquel plaisir Il a de se trouver avec nous ; Il n’aime pas que nous nousrompionslatêteàluiadresserdelongsdiscours6.

Sionutilisaitl’imaginationpoursereprésenterleChristJésus,ses images aussi se simplifient, les détails s’estompent, lescontours deviennent moins précis pour laisser paraître plusvivanteetplussaisissantelaprésenceaimée.Quant à l’intelligence, elle perd normalement le goût desraisonnements multiples, des méditations successives sur dessujets divers, mais revient volontiers sur telle ou telle vériténourrissante ou sur de larges synthèses riches de multiplesnotionsparticulières connues, les embrassed’un regard simpleet apparemment confus, en réalité pénétrant et affectueux, enretiredesimpressionsprofondesetvivantes.


Demeures:manqued’humilitéetdedétachement,inquiétudeettristesse exagérée pour de petites épreuves.Ce sont là défautsapparents si nous les comparons à un autre plus profond, quitoucheaucomportement intérieurde l’âme, atteint toute laviespirituelle et explique tous les autres. La Sainte va nous ledévoiler:Ces personnes dont je parle, écrit-elle, ont leurs pénitences aussi bienréglées que l’ensemblede leur conduite.Elles tiennent beaucoup à la vie,afindel’employerauservicedeNotre-Seigneur;|ettoutcelan’estpasmal.Aussi usent-elles d’une grande discrétion dans la pratique des pénitencespournepasnuireàleursanté.Necraignezpasqu’ellessetuent3…

Noussavionsquecesâmesétaientbienordonnéesetquetoutétait parfaitement réglé chez elles. L’aimable ironie de sainteThérèsenenousétonnepasnonplus,carelleesttropspontanéeet tropvivante pour nepas sourire d’unordre si bien réglé entoussesdétails.Maisvoiciundecesmots,commeonentrouveparfois chez elle, lancé comme à l’aventure au milieud’explications apparemment embrouillées et qui, ouvrant denouveauxhorizons,donnelaclefd’unproblème:Leurraisonestencoretrèsmaîtressed’elle-mêmeetl’amourn’estpasassezfortpourlafairedélirer4…

Cette vérité semble lui être lumineuse à elle-même. Elle lasaisit,ladéveloppeavecchaleur:Jevoudraisplutôtquenotreraisonnousmontrâtquenousdevonsnepasnous contenter de servir Dieu de cette sorte en marchant toujours à pascomptés, car nous n’arriverions jamais au terme du chemin. Nous nousimaginonsquenousavançons toujours, etnousnous fatiguonsparcequecette façon demarcher, vous pouvezm’en croire, est énervante ; ce serabeaucoup que nous ne nous égarions pas…Aussi ne serait-il pas mieuxd’enfinirunebonnefois?…Comme nous allons avec tant de prudence, tout nous est obstacle ; nousavons peur de tout ; nous n’osons passer outre…Prenons donc courage,mesfilles,pourl’amourdeNotre-Seigneur;remettonsnotreraisonetnos

craintes entre sesmains ; oublions notre faiblesse naturelle qui peut nousabsorberbeaucoup…hâtons-nousd’avancerpourvoirNotre-Seigneur5.

Voilàquiestnet:lesâmesdontlaraisonasibienréglélaviesontmaintenanttropraisonnablespourallerplusloin.Cequiaété moyen très utile devient maintenant obstacle presqueinsurmontable, car ces âmes ne peuvent se rendre compte queleurraisonleurfermelechemindelaperfection.Pareil reproche sous cette forme absolue nous étonne un peuchezsainteThérèse.Nouslaconnaissons,spontanéeetvivante,gênée par conséquent par les prescriptions trop minutieuses :elle frémit rien qu’en lisant les règles nombreuses qu’unreligieux a imposées à un de ses monastères les jours decommunion.Maisdecettemèresispirituelleetsiprudente,decegéniesibienéquilibré | ensadoctrinecommeensavie,decette saintequi reste si humainedans l’épanouissementde sesfacultés naturelles jusque dans l’union transformante nousn’attendionspasleprocèsdelaraison.Faut-ildoncunpeudefoliepourlasainteté?2. C’est ce qu’affirme clairement l’apôtre saint Paul dansl’épîtreauxCorinthiens.L’apôtreétaitvenuàCorintheaprèsl’échecpresquecompletdumagnifique discours qu’il avait prononcé à l’Aréopaged’AthènesetdontlesActesnousontconservéleschéma6.Devantlesdifficultésd’unautregenrequ’il trouveàCorinthe(oppositionviolentedesJuifsetdépravationmoraledelaville)l’apôtreavaitsentiplus impérieusement lebesoindes’appuyeruniquement sur la force du Christ. D’ailleurs sa prédicationd’humble artisan qui tissait les poils de chèvre n’avait fait deconquêtes que parmi les humbles. Leur rappelant cesévénementsilleurécrivaitdanssapremièreépître:

LeChristnem’apasenvoyébaptiser,maisprêcherl’évangile.Encoren’est-cepasaveclesartificesdelaparole,pournepasenleversonefficacitéàlacroixduChrist.Leseulmotdecroixestunefoliepourceuxquisontentraindeseperdre;maispourceuxquisontsur lavoiedusalut,c’estunevertudivine,selonqu’ilestécrit:Jeperdrailasagessedessagesetjeréprouverail’intelligencedesintelligents.Oùsontlessagesparmivous?oùsontleslettrés?oùsontceux qui scrutent les choses du temps présent ? Dieu n’a-t-il pas plutôtécarté,commeinapte,lasagessedecemonde?Commelemonden’avaitsuprofiter ni de la sagesse divine, ni de sa propre sagesse pour acquérir laconnaissancedeDieu,Dieus’estpluàsauversesfidèlespardesmoyensdeprédicationqu’onpeutqualifierdefous.Car,alorsquelesJuifsdemandentdessignes,etquelesgentilsexigentlasagesse,nousautresnousprêchonsun Christ mis en croix : scandale pour les Juifs, folie pour les gentils.Effectivementpourlesélus,tantjuifsquegentils,ceChristestlavertuetlasagessedeDieu.Carcequiest folieauxyeuxdeDieudépasse la sagessedeshommes,etcequiestfaibleauprèsdeDieudépasseleurforce.Regardez les élus que vous êtes, frères, constatez que vous n’êtes pasbeaucoupdesagesselonlachair,nibeaucoupdepuissants,nibeaucoupdenobles.Mais ce qui est insensé aux yeux dumonde,Dieu le choisit pourconfondrelessages;etcequiestfaibleauxyeuxdumonde,Dieulechoisitpourconfondreles|forts;etcequiestsansnaissanceauxyeuxdumonde,cequiestméprisé,cequin’estpas,Dieulechoisitpourconfondrecequiest,pourquenulnepuisseseglorifierdevantDieu.C’estparLuiquevousêtesdansleChristJésus,queDieuafaitpournoussagesse,justice,sainteté,rédemption,pourqueseréalisel’Écriture:Celuiquiveutseglorifier,qu’ilseglorifiedansleSeigneur.Pourmoi,quand je suisvenuchezvous, frères, jenesuispasvenuvousannoncerl’évangiledeDieuaveclesdiscoursétudiésdel’éloquenceoudelasagesse. JenemesuispascruobligédesavoirautrechoseparmivousqueJésus-ChristetJésus-Christcrucifié.Defait,jemesuisprésentéàvousfaible,timide,extrêmementcraintif;maparoleetmaprédicationn’ontrieneudesartificesd’unesagessepersuasive,ellesnevenaientquede l’EspritSaintetdesavertu,pourquevotrefoireposâtuniquementsurlavertudeDieu,nullementsurlasagessedeshommes7.

De cette longue citation où les affirmations se heurtent, oùabondentlesantithèses,uneidéesedégagenetteetpuissante:ily a une opposition radicale entre la sagesse du monde dans


CONTEMPLATIONETVIEMYSTIQUE

Chapitrepremier

LaSagessed’amourSerépandantàtraverslesâgesdanslesâmessaintes,elleenfaitdes

amisdeDieuetdesprophètes1.

Nous sommes parvenus au seuil des quatrièmes Demeures àl’entréeduroyaumedelaSagessed’amour.Jusqu’àprésent lesecoursgénérala laisséà l’âmel’initiative.Dieu est resté dans la pénombre au second plan de l’activitéspirituelle. Désormais le secours particulier va révéler laprésence, affirmer la puissance conquérante de ce Dieu quesainteThérèsenousasignalédanslesprofondeursduChâteau,soleil qui resplendit au centre du globe de cristal, fontainejaillissante dont les eaux se répandent dans tous lesappartements,Trinitésaintedontl’âmeestletemple.Avantdepénétrerencesrégionsfortunées,saluonslamaîtresseet reine de ces lieux, la Sagesse d’amour qui y règne et yordonnetouteschosesdanslalumièreetdansl’amour.

A.QU’EST-CEQUELASAGESSED’AMOUR?L’AncienTestamentn’apointconnuleVerbeincarné, leDieuquiahabitéparminous.AussiavecsollicitudeilacherchéDieudans les créatures, dans ses œuvres, dans la belle ordonnancequ’il a mise en toutes choses. Il a trouvé ainsi la Sagesse deDieu. Il s’est efforcédepénétrer lemystère de sa nature et desonactionetill’amagnifiquementexalté.Ou plutôt c’est la Sagesse elle-même qui s’est révélée et,parlant par la bouche des auteurs inspirés, a dit ses origineséternellesetachantéelle-mêmesesperfections:

Yahwehm’apossédéeaucommencementdesesvoies,avantsesœuvreslesplusanciennes.

J’aiétéfondéedèsl’éternité,dèslecommencement,avantlesoriginesdelaterre.Iln’yavaitpointd’abîmequandjefusenfantée,

pointdesourceschargéesd’eaux.Avantquelesmontagnesfussentaffermies,

avantlescollines,j’étaisenfantée.Lorsqu’iln’avaitencorefaitnilaterrenilesplainesnilespremiersélémentsdelapoussièreduglobe2.

ElleestéternellecommeDieuparcequ’elleestDieu.Elleaeuunrôledanslacréationdumonde;elleordonnaittouteschosestandisqueDieucréait:

Lorsqu’ildisposalescieux,j’étaislà,lorsqu’iltraçauncercleàlasurfacedel’abîme,

lorsqu’ilaffermitlesnuagesd’en-hautetqu’ildomptalessourcesdel’abîme,

lorsqu’ilfixasalimiteàlamer,pourqueleseauxn’enfranchissentpaslesbords,

lorsqu’ilposalesfondementsdelaterre.J’étaisàl’œuvreauprèsdeLui,meréjouissantchaquejour,

etjouantsanscesseensaprésence,jouantsurleglobedelaterre,

ettrouvantmesdélicesparmilesenfantsdeshommes3.

CetteSagesseest«l’ouvrièredetouteschoses4»,«elleatteintavec force d’un bout dumonde à l’autre et dispose tout avecdouceur5».Maiselletrouveunejoieparticulièreensonœuvrelaplushautedetoutes:lasanctificationdesâmes.C’estelleeneffetqui«serépandantàtraverslesâgesdanslesâmessaintes,enfaitdesamisdeDieuetdesprophètes6».Mais qu’est-elle cette Sagesse ? Est-il possible de la décrirepuisqu’elle est Dieu ? Son œuvre nous la révèle. Par touches


Chapitresecond

LesdonsduSaint-EspritCeux-làsontlesvraisenfantsdeDieuquisontagis

parl’EspritdeDieu1.

C’est par les dons du Saint-Esprit que la Sagesse d’amourintervientdirectementdanslaviedel’âmeetyétablitsonrègneparfait. Le rôle des dons du Saint-Esprit est donc d’uneimportancecapitaledanslaviespirituelle.EtcependantSainteThérèsenelesnommepoint.SaintJeandelaCroix leur réserveàpeinequelquesallusionsexplicites.Lesthéologiens eux-mêmes ne les abordent que timidement,tellementlesrégionsoùilssesituentrestentmystérieuseset ladoctrineàleursujetencorepeuprécisée.Une étudemême sommaire sur les dons du Saint-Esprit peutêtre si riche de lumières pratiques que nous croyons devoir latenter.QuesontlesdonsduSaint-Espritetquelleestlanaturede l’action de Dieu qu’ils reçoivent ? quelle est l’expériencedont ils sont les instruments ? enfin quelle utilisation devons-nous en faire ? Tels sont les problèmes que nous aborderonsaveclaseulepréoccupationd’éclairerutilement.

A.NATUREETRÔLEDESDONSDUSAINT-ESPRITI.Définition

D’après saint Thomas, les dons du Saint-Esprit sont des« habitus ou qualités permanentes surnaturelles, qui| perfectionnent l’homme et le disposent à obéir avecpromptitudeauxinspirationsduSaint-Esprit2».

Cette définition de saint Thomas est heureusement expliquéeparcellequedonneleP.Gardeil3.Lesdons,dit-il,sont«despassivitésengendréesdansl’âmeparl’amour de charité et transformées par l’Esprit Saint en pointsd’appui permanents pour ses opérations directes dans l’âme ».Lacharitésurnaturelleeneffet,parcequ’elleestamourd’amitié,établit des rapports de réciprocité entre Dieu et l’âme. Tour àtouractiveetpassive,elledonneetellereçoit.Elleestfaitepourceséchangesetn’existequepoureux.C’est surcetteaptitudeessentielledelacharitéàrecevoir,sursacapacitéréceptive,quesont établis les dons du Saint-Esprit comme habitudes ouqualités permanentes surnaturelles constamment ouvertes àl’action de l’Esprit Saint présent dans l’âme. Qualitésréceptives, les dons reçoivent et transmettent les lumières, lesmotions, l’action de l’Esprit Saint et permettent ainsi lesinterventionsdirectesetpersonnellesdeDieudanslaviemoraleet spirituelle de l’âme et jusque dans les moindres détails.Qualités permanentes, les dons mettent l’âme en disponibilitéconstante vis-à-vis de l’Esprit Saint et peuvent la livrer à toutinstantàseslumièresetàsonsouffle.Lesdonssontàl’âmecequelavoileestàlabarquequel’effortdurameurfaitpéniblementavancer.Viennelesouffledelabrisefavorable qui gonfle la voile, la barque vogue rapidement verssonbutalorsmêmequecessel’effortdurameur.IlapparaîtbienainsiquelesdonsduSaint-Espritsont,selonladéfinition de saint Thomas « des habitudes ou qualitéspermanentes surnaturelles, qui perfectionnent l’homme et ledisposent à obéir avec promptitude aux inspirations du Saint-Esprit».Àl’appellationcommunede«dons»,saintThomaspréfèrelamanièredeparlerde l’Écriturequi lesnommedes«esprits» :

« Sur lui (le Messie), lit-on dans Isaïe4, reposera l’esprit duSeigneur,espritdesagesseetd’intelligence,espritdeconseiletde force,espritdescienceetdepiété, il respirera lacraintedeDieu.»Le termede«don»esteneffetéquivoque,car ilévoqueunepuissancequisesuffitàelle-même.L’appellationd’espritelle-même,surtoutsielleestaccompagnée|del’énumérationprécisedesrichessessurnaturellesquinousviennentparlesdons:dondesagesse,d’intelligence,deforce,etc.,risquedenousvoilerlanature des dons en permettant la confusion entre le don« puissance réceptive » et l’action de Dieu qu’il reçoit ettransmet.Cette confusion est d’autant plus regrettable que l’action deDieu par les dons est essentiellement gratuite et dépend de salibre volonté. Dieu répand sa grâce selon la mesure de sonchoix, affirme l’Apôtre. Les dons ne sont que des aptitudes àrecevoirl’actiondeDieu.Ensedéveloppantenmêmetempsetaumême rythme que l’organisme surnaturel de la grâce et desvertus, ils deviennent des capacités plus vastes, plus affinéespourcapterlesouffleetlesmotionsdélicatesdel’EspritSaint,desinstrumentsplusdociles,plussouplesetpluspuissantssousl’actiondeDieupoursesinterventionspersonnelles;maisilsneportentjamaiseneux-mêmesundroitstrictàuneactiondeDieuplus fréquente ou plus profonde. Dieu ne donne pas à celui« qui court, mais à celui à qui il veut faire miséricorde5 »proclame l’Apôtre, parlant clairement de cette action de Dieugratuiteparlesdons.Maissi,commeonlefaithabituellement,onlesconsidèrenonplusseulementeneux-mêmescommedesinstrumentsréceptifs,mais comme des instruments animés par le souffle actuel deDieu, on peut dire avec Mgr Gay qu’ils sont « à la fois des


n’expérimente ni Dieu ni son action, mais seulement lesvibrationsproduitesenelleparcetteactiondivine.L’expériencemystiquen’estdoncpasuneexpériencedirectemaisunequasi-expérience de Dieu à travers la vibration que produit sonintervention.4.Encettequasi-expérience ilyaune impressiondefond, laplupart du temps dominante et la plus forte, parfois mêmeunique et exclusive de toute autre : c’est la perception oul’expérience du contraire de ce qui est | donné par lacommunication divine. Expérience qu’on pourrait appelernégative.En effet, en se communiquant directement à l’âme, Dieu nepeut pas dissimuler ce qu’il est enLui-même, ni la qualité dudon qu’il fait. Sa transcendance se manifeste. Sa présenceimpose un respect profond ; sa lumière éblouissante produitl’obscurité dans l’intelligence inadaptée pour la recevoir ; saforceécraselafaiblessehumaine,lasaveurmêmequiarriveparledondesagessefaitexpérimenterdélicieusement lapetitesse.Dieumetainsil’âmedansuneattitudedevéritéencréantenellel’humilité.Aussi cette expérience négative pour déconcertante qu’ellesoit26, est laplusconstanteet le signe leplusauthentiquedel’actiondivine.L’expériencepositivedudonpeutmanquerainsiquenous l’avonsdit27.Si l’expériencenégative faitdéfaut,onpeutdouterlégitimementdelaréalitédel’actiondeDieu.S’unissantà lacommunicationdivinedontelleest lesigneetl’effet, cette expérience négative explique ces antinomiessouvent signalées comme effets caractéristiques des dons28 etfondelesrapportsdesdonsaveclesbéatitudes.Bienheureuxlespauvresenesprit,lesdoux,lescœurspurs,lespacifiques,ceuxquiontfaim|etsoifdelajustice…parcequeleursdispositions

depauvreté,depureté,dedouceur,leursoifdelajusticesontlefruitd’uneactiondeDieueneuxetlesdisposentàdenouveauxenvahissements divins. Pour s’offrir aux illuminations divinesparl’humiliation,commeleconseillePascal29, il fautavoirététouchéparlalumièredeDieu,etlapetitessequiattirelasagesseen est aussi le fruit. Antinomie de dispositions qui semblentcontraires,maisquisecomplètentets’appellentmutuellement:petitessedelacréatureetgrandeurdeDieu,péchédel’hommeetmiséricordedivinedoiventapparaîtreets’éclairerchaquefoisqueDieuagitetsemanifestedanslavérité.5.Àcette expériencenégativedeprivationpeut s’ajouteruneexpériencepositiveetdélectabledel’actiondeDieuparledon.À dire vrai, seul le don de sagesse donne l’expériencedélectabledudondeDieu.Donsuprêmeperfectionnanttouslesautres, de même que la charité dont il procède perfectionnetoutes les vertus, le don de sagesse introduit une saveur, lasienne, plus ou moins subtile dans tous les autres dons, entoutes les âmes soumises à l’action de l’Esprit Saint et créel’humilitépaisiblequiestlesigneducontactdeDieu.Misàpartledondesagesseetsasubtileinfluencesurtouslesautres, l’expérience positive des autres dons est extrêmementvariable.Ledond’intelligencepeutentourer l’âmeuniquementd’obscuritésou fairebrillerparfoisdes lumièresprofondes surundogme.LedondeforcepermetàsaintLaurentdenarguersesbourreaux et laisse sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus héroïquemaissansprovisiondeforce;ilfaitgémirJésusencroixsursadétresse et s’exprime par un cri surhumain qui frappe sesbourreaux.Ledondeconseilfaitbrillerunelumièrecertainesurunedécisionàprendreoulaissel’âmedansl’hésitationjusqu’àce qu’un événement l’engage comme malgré elle dans ladirectionàprendre.Ledondesciencepeutdonnerledégoûtdes

créatures ou montrer au contraire leur valeur dans le plan deDieu.En cette expérience, le tempérament du sujet qui reçoitintervient,tantdanslesvibrationsproduitesquedansleurprisede conscience. Sous le choc de la force ou de la lumière deDieu,différentesserontlesréactionsdesunsetdesautres;dansun même faisceau d’impressions l’optimiste soulignera cellesqui sont agréables, le pessimiste n’accusera que lesdouloureuses. Si nous ajoutons que certaines interventionsdivines peuvent elles-mêmes créer telles ou telles impressions,produireenunefacultételouteleffetprécis,nousnousrendonscompte qu’en ce domaine de l’expérimentation positive | del’actiondeDieuparledonduSaint-Esprit,noussommesenundomaine complexe et obscur où l’on ne peut avancer qu’avecprudence et porter des jugements qu’avec une extrêmecirconspection.6.Pournousreposerdecesincertitudesetobscurités,allonsausignelepluscertainetleplusvisibledel’actiondeDieuparlesdons.Afructibuseorumcognoscetiseos:vouslesconnaîtrezàleurs fruits30. Tel est le critérium donné par Jésus pourdistinguer des faux bergers, les prédicateurs et prophètesinspiréspar l’EspritSaint.Laféconditéspirituelleaccompagnetoujours l’action de l’Esprit Saint. Ses fruits ne sont pastoujours lesmiracles,mais la charité, labénignité, lapatience,etc.Maiscediscernementdesfruitsdel’EspritdeDieuneserapas toujours aisé, car,même chez le juste, cesœuvres bonness’accompagnentdedéficiencesetdedéfauts,et laféconditénesemanifestequ’àlongueéchéance.L’EspritdeDieuypourvoiraLui-même et se fera reconnaître lorsque ce sera nécessaire, àl’humblepatiencequiaurasuattendreetprier.

C.UTILITÉETUTILISATIONDESDONSDUSAINT-ESPRIT


acquiescementsferventsquinouslivrentauxenvahissementsdelagrâce.Dieu prend ce que nous Lui donnons, mais il ne se donne pascomplètementtantquenousnenoussommespasdonnésàLuid’unefaçonabsolue7.

C’est une loi de la vie spirituelle qu’énonce ainsi sainteThérèse.DieunenousenvahitquedanslamesureoùnousnouslivronsàLui.L’unionparfaiteexigecommepremièreconditionledoncompletdesoi.II.‒Ledondesoiestunbesoindel’amouretsonacteleplusparfait.L’amour,biendiffusifdelui-même,tendàcettepertedelui-même en celui qu’il aime ; il y trouve sa satisfaction et saplénitude.DieutrouvesonbonheurinfinidanslagénérationduVerbe qui l’exprime | parfaitement et dans cette spirationd’amour qui est l’Esprit Saint, dans lequel il passecomplètement.Lacharitéquiest ennous trouveelleaussi saplénitudeet saperfection lorsqu’ayant tout conquis en nous, elle peut toutemporterversDieudanssonmouvement filialvers lePère.Cedoncompletestl’acteleplusparfaitqu’ellepuissefaire.Aussi la purification complète que la théologie, avec saintThomas8, déclare être attachée à la profession perpétuelle dureligieuxn’estpasunprivilège,unesorted’indulgenceplénièredontseraitfavorisécetactesiimportant.Elleestl’effetnormalde cette charité parfaite qui couvre lamultitude des péchés etqui inspire cette consécration radicale et solennelle qu’est laprofession perpétuelle. Tout don complet, fait avec la mêmeferveurd’amour,purifiel’âmedelamêmefaçon.Noussommestentésparfoisdechercherparmilesformuleslesplus poétiques ou dans les sentiments les plus délicatsl’expression de l’amour parfait ; c’est le don de nous-mêmes,

completetsincère,quinousoffrecetteexpressionlaplussimpleetlaplushaute.III.‒Ledondenous-mêmesestaussilesacrificeleplusparfaitquenouspuissionsoffriràDieu.Lesacrifice,actereligieuxparexcellence,quiseulreconnaîtlesouverain domaine de Dieu et fournit une réparation pour lepéché,comportel’oblationd’unevictime,suiviehabituellementd’uneimmolation.L’oblationest,seloncertainsthéologiens,leseulacteessentieldusacrifice;autémoignagedetousilenestleplusimportant.L’oblation livre la victime àDieu, la fait sienne et Lui permetd’endisposercommeIlledésire,soitpourl’immoler,soitpourl’utiliseràd’autresfins.C’estcetteoblationqueréaliseledondesoiquioffreàDieucequenousavonset cequenous sommes, acceptantd’avancetoutessesvolontésetsonbonplaisir.En offrant pour le présent et pour l’avenir les facultésd’intelligenceetdevolonté,quisontlesplushautesetlesplusspécifiquement humaines, l’homme fait l’oblation la plusexcellemmenthumaine, laplusgrandeparmicellesquisontenson pouvoir et la plus agréable à Dieu. « L’obéissance estmeilleurequelesacrifice9»,enseignel’EspritSaintcomparantl’oblationquel’obéissanceimposeàl’immolationsanglantedesvictimesdel’ancienneLoi.IV.‒ParleprophèteMalachie,Dieudisaitaussi:Mon bon plaisir n’est pas avec vous, dit le Seigneur des armées, et jen’accepterai plus d’offrande de votre main. Car de l’Orient à l’Occidentmonnomestgrandparmilesnations.Entout lieuunevictimepurem’estofferteet immolée,parcequemonnomestgrandparmi lesnations,dit leSeigneurdesarmées10.

Dieu témoignait ainsi de son impatience de voir enfin lesfigurescéderàlaréalité.Cetteréalité,c’estl’oblationduChrist.Cetteoblationquifaisaittoutelavaleurdessacrificesfiguratifssous l’ancienne Loi, peut seule, sous la nouvelle Loi, donnertoutsonsensaudondesoiréaliséparlechrétien.Enarrivantà l’existence l’humanitésainteduChrist se renditcompte aussitôt, grâce à la vision intuitive, de toutes lesrichesses divines qu’elle portait. Elle découvrit les admirablesperfectionsdesanaturehumaineforméeparl’EspritSaintdansleseindelaVierge,laviedébordantedechacunedesesfacultéset l’harmonieux équilibre de ce complexe humain à nul autrecomparable. Le Christ voit directement, face à face, la naturedivinequihabitecorporellementenLuietl’ointdesononctionsuave et forte qui l’écrase et le soulève, le sanctifie et lebéatifie ; il découvre l’union hypostatique qui le fait subsisterdans la deuxième Personne de la sainte Trinité et l’y riveindissolublement. Dans la même lumière de vision directe, leChristJésusdécouvreleplandeDieusurLui:parlesacrificeduCalvaireilestappeléàunirtoutcequelepéchéaséparé,etildoitdevenirunesourceinépuisabledegrâcepourl’humanitérégénérée. Ces richesses et cettemission incomparable, qui sedécouvrentaupremierregardduChristJésus,ontétédonnéesàsonhumanitésainte toutà faitgratuitement, sansaucunmériteantécédent puisqu’un instant auparavant elle n’existait pas etqu’elle n’a jamais existé que prise par le Verbe. Quel sera lepremiermouvementdesonâmesouslepoidssuaveetbéatifiantde la lumièreetde l’onctiondivines?Lepsalmiste l’anotéetl’apôtresaintPaull’asoulignédansl’épîtreauxHébreux,pourenmarquerl’importance:LeChristenentrantdanscemondeadit:Parcequevousn’avezpasvoulunisacrifice,nioblation,vousm’avezforméuncorps.Vousn’avezpluseupouragréablesniholocaustes,nisacrificespourlepéché,alorsj’aidit:Me


Chapitrequatrième

L’humilitéEnprésencedelaSagesseinfinie,onpeutm’encroire,mieuxvaut

étudierunpeul’humilitéetenproduireunseulacte,quedepossédertoutelasciencedumonde1.

DèslespremièresDemeures,sainteThérèsenousaparlédelanécessité de la connaissance de soi pour avancer dans la viespirituelle.Nousavons recueilli sonenseignementdansundespremiers chapitres de cette étude2. Mais cette connaissance,même précise, de ce que nous sommes devant Dieu et de nostendancesmauvaises ne suffit pas. Elle doit passer dans notrevie et dans notre âme, y créer une disposition et même uneattitude, un comportement de l’âme en toute sa vie spirituelle.Cen’estqu’ensetransformantenhumilitéquelaconnaissancedesoiacquierttoutesonefficacité.SainteThérèsenese lassepasdeproclamer lanécessitéde lavertu d’humilité. La découvre-t-elle dans une âme, elle estrassurée, quelles que soient les formes d’oraison quil’accompagnent. Ne la trouve-t-elle pas, elle est inquiète, yaurait-il les dons surnaturels et naturels les plus brillants, car,dit-elle«iln’yapasdetoxiqueaumondequiempoisonneaussipromptementlecorps,quel’orgueilnetuelaperfection3».Mais en cette étape de la vie spirituelle l’humilité estparticulièrement nécessaire. C’est parce que les âmes destroisièmes Demeures en manquent qu’elles ne vont pas plusloin:

Sil’onveutavancer,écrit-elleencestroisièmesDemeures,ilfautavoirunehumilitéprofonde,commevousl’avezbiencompris;c’estlà,àmonavis,lepointdéfectueuxpourlesâmesquinepénètrentpasplusavantdanscesDemeures4.

AuseuildesquatrièmesDemeureselleécritencore:Lorsquevous vous serez conformées à ce que j’aimarquépour ceuxquihabitent les Demeures précédentes, pratiquez l’humilité et encorel’humilité :c’estparelleque leSeigneurse laissevaincreetnousaccordetoutcequenousLuidemandons5.

CetteinsistancedelaSaintenousmontrequenousnepouvonsallerplusloinsansapprofondirsonenseignementsurl’humilité.Après nous être convaincus de sa nécessité, nous verrons sesdegrésainsiquelesformesd’orgueilauxquelleselles’opposeetnousdironsunmotdesmoyenspourl’acquérir.

A.NÉCESSITÉDEL’HUMILITÉL’âme en ces régions doit se disposer aux emprises de laSagesse d’amour. Si le don de soi provoque cette Sagesse,l’humilité l’attire irrésistiblement. C’est ce que la conduite deNotre-Seigneur dans l’Évangile nous découvre d’une façonlumineuse.À suivre Jésus dans sa vie publique on ne peut point ne pasremarquerlasagediscrétionqu’ilobservedanslamanifestationde la qualité de sa mission et de sa doctrine. Il usehabituellement en effet de paraboles dont le symbolisme plusclair, certes, pour des Orientaux que pour nous, laissaitcependant place à de telles obscurités que les apôtres endemandaientordinairementenparticulierl’explicationdétaillée.Unjourqu’ilcheminaitavecsesapôtresàCésaréedePhilippe,Jésusleurposelaquestion:«Quidit-onquejesuis?»Ilsluirépondirent : « Les uns disent Jean-Baptiste ; d’autres, Élie ;d’autres,unprophète.‒Maisvous,leurdemanda-t-il,quidites-

vousquejesuis?».Pierreluirépondit:«VousêtesleChrist,leFils du Dieu vivant. » Jésus lui répondit : « Heureux es-tu,Simonbar-Jona, car cen’estni la chairni le sangqui te l’ontrévélé,maisc’estmonPèrecéleste…»Etalorsilenjoignitauxdisciplesdenedireàpersonnequ’ilétaitleChrist6.CettescènenousmontrequeJésusn’avaitpasrévélélui-mêmeàsesapôtressa messianité, et que, même en cette deuxième année de saprédication,ilnevoulaitpasqu’onladévoilepubliquement.Lafouled’ailleurschercheàpénétrerlemystèrequientourelesoriginesdeJésuset samission.SaintJean |nous faitentendreunéchodesdiscussionspassionnéesquis’élèventàcesujetlorsdelafêtedesTabernacles, ladernièreannéedelaviepubliqueduSauveur.Entreautres:«Ilyeneutdanslafoulequidirenten entendant ces paroles “C’est vraiment le Prophète !”, etd’autresdirent“C’estleChrist!”Àquoid’autresobjectaient:“Maisest-ceque leChristvientdeGalilée?L’Écriturenedit-ellepasquec’estdelaracedeDavidetdeBethléem,lacitédeDavid,queleChristdoitvenir?”Ainsilafouleétait-ellediviséeàsonsujet7.»Jésusnedissipepasl’équivoque.AucoursdudernierentretienintimeaprèslaCène,lesapôtresconstatentenfinavecjoie:Voici que maintenant vous parlez clairement et sans parabole aucune.Maintenantnoussavonsquevoussaveztout,sansavoirbesoinqu’onvousinterroge.C’estpourquoinouscroyonsquevousêtessortideDieu8.

Tandis que Jésus laisse dans l’obscurité ou dumoins dans lapénombre,mêmepourlessiens,lesvéritéslesplusimportantessur sa personne, voici que dès la première année de saprédicationildévoilesessecretsàcertainesâmesquisemblentles lui arracher. Il s’agit de Nicodème et de la Samaritaine.Analysons ces deux épisodes narrés par saint Jean dans lespremierschapitresdesonÉvangile9.


cette expérience en sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nousapparaîtjoyeuse:Ô Jésus ! que ton petit oiseau est heureux d’être faible et petit, quedeviendrait-ils’ilétaitgrand?…Jamaisiln’auraitl’audacedeparaîtreentaprésence,desommeillerdevanttoi…Oui,c’estlàencoreunefaiblessedupetit oiseau, lorsqu’il veut fixer le Divin Soleil et que les nuagesl’empêchentdevoirunseulrayon,malgréluisespetitsyeuxseferment,sapetitetêtesecachesouslapetiteaileetlepauvrepetitêtres’endort,croyanttoujours fixer sonAstreChéri.À son réveil il ne se désole pas, son petitcœurresteenpaix38……Maintenant,jemerésigneàmevoirtoujoursimparfaiteetj’ytrouvemajoie39.Ilm’arrivebienaussidesfaiblesses,maisjenem’enétonnejamais…C’estsidouxdesesentirfaibleetpetit40.

Onneselassepasd’écouterdetelsaccents.Est-ilunsaintenquinouspuissionsadmireruntriomphesipaisibleetsijoyeuxde l’humi¬lité fervente ? D’ailleurs, au témoignage même desainteThérèse¬del’Enfant-Jésus,cettehumilitéferventefutlagrandegrâcedesavie:… j’aimemieux convenir tout simplement que le Tout-Puissant a fait degrandes choses en l’âmede l’enfant de sa divineMère, et la plus grande,c’estdeluiavoirmontrésapetitesse,sonimpuissance41.

Et cette humilité fervente fut au principe de toutes sesgrandeurs:Jepensaiquej’étaisnéepourlagloire,etcherchantlemoyend’yparvenir,le Bon Dieu m’inspira les sentiments que je viens d’écrire. Il me fitcomprendreaussiquemagloireàmoineparaîtraitpasauxyeuxmortels,qu’elle consisterait à devenir une grande Sainte !!! Ce désir pourraitsembler téméraire si l’on considère combien j’étais faible et imparfaite etcombienjelesuisencoreaprèsseptannéespasséesenreligion,cependantje sens toujours la même confiance audacieuse de devenir une grandeSainte, car je ne compte pas sur mes mérites, n’en ayant aucun, maisj’espère enCelui qui est laVertu, laSaintetéMême.C’estLui seul qui secontentantdemesfaibleseffortsm’élèverajusqu’àLui,et,mecouvrantdesesméritesinfinis,meferaSainte42.

Cettehumilitéferventeestaussiàlabasedetoutesadoctrined’enfancespirituelle,carplusonest faible,sansdésirsnivertus,plusonestpropreauxopérationsdecetAmourconsumantettransformant43.

Cettehumilité fervente, fruit de l’actionde l’EspritSaint, estcellequiattiresesnouvelleseffusions.C’estcellequifaitentrerl’âme dans les quatrièmesDemeures et l’y fait progresser verslessommetsdelaviespirituelle.

II.Formesd’humilitéLa distinction étant faite de l’humilité raisonnable et del’humilité fervente d’après la nature de la lumière qui lesproduit, il nous semble difficile de pousser la distinction plusloin pour chacune d’entre elles en essayant d’apprécierl’intensité de la lumière qui la produit et la perfection del’attitudeintérieurequ’ellecrée,carl’uneetl’autreéchappentàuneanalyseprécise.Unediscriminationplusclaireetpluspratiquenousparaîtêtrecelle qui distingue les divers biens qui servent d’aliment àl’orgueil, par conséquent les diverses formes d’orgueil quel’humilité doit combattre successivement. Nous pouvons, souscet aspect, considérer l’humilité aux prises avec l’orgueil quis’appuie sur les biens extérieurs, avec l’orgueil de la volonté,l’orgueil de l’intelligence, et avec l’orgueil spirituel. Pourcombattrecesformesdel’orgueildeplusenplussubtiles,etdeplusenplusdangereusesparcequ’ellessenourrissentdebiensde|plusenplusprécieux,l’humilitédoitelle-mêmes’affinerets’approfondir.C’estdoncuneprogressionlogiquedel’humilitéquis’établitainsi,aussibiend’ailleursdel’humilitéraisonnablequedel’humilitéfervente.a)Orgueildesbiensextérieurs

Ces biens extérieurs sont tous ceux qui assurent honneur etconsidération, par conséquent les avantages et qualitésextérieures:labeauté,lafortune,lenom,lerang,leshonneurs.Cesbiensconstituentunesimplefaçade,brillantepeut-être,quidissimule très mal, nous en avons conscience, notre pauvretéintérieure.Cependantnousaimonsappuyersureuxlesentimentde notre propre excellence et des exigences d’honneurs et delouanges.Lemondene s’y trompepas, et, aprèsavoir satisfaitaux exigences des conventions, il se réserve de porterintérieurementlejugementsévèredelajustice.Cet orgueil, le plus sot,mais aussi lemoins dangereux parceque le plus extérieur, est ordinairement le premier qui cèdedevantlalumièredel’humilité:Elle(l’âme)déplore,écritsainteThérèse,l’époqueoùelleaétésensibleaupointd’honneur,etl’illusionquiluifaisaitregardercommehonneurcequelemondeappelledecenom.Ellevoitquec’estunmensongeinsignedanslequelsontplongéstousleshommes.Pourelle,l’honneurseuldignedecenomestexemptdemensongeetinséparabledelavérité.Elleestimecequiméritede l’être,maiselle regardecommenéantcequi l’est en réalité.Or,toutcequipasseetnetournepasàlagloiredeDieuestnéantetau-dessousmêmedunéant.L’âmeritd’elle-mêmeenserappelantquejadiselleafaitquelquecasdel’argentetl’amêmequelquepeudésiré44…

SainteThérèsesignalespécialementlepointd’honneur,carelleest castillane et fille de chevaliers du XVIe siècle au pays duCid45.Lepointd’honneurl’apréservéedecertainsdangerslorsqu’elleétait jeune fille, car elle n’aurait rien voulu faire contrel’honneur. Mais ce sentiment de l’honneur, si profondémentenraciné en elle, ne sera purifié qu’à la longue. À cesconversations de parloir qu’elle refusait au P. Balthazar desacrifier, et auxquelles seule la parole divine entendue en sonpremierravissementputlafairerenoncer,elleétaitattachéepar


nature humaineduChrist Jésus, unies par les liens de l’unionhypostatique,subsisteladistancedel’Infini…CetInfiniécrasel’humanitéetlaplongeendesabîmesd’adorationetd’humilitéoùnul|autrenesauraitlesuivre,carnulautren’acontemplédesiprèsetsiprofondémentl’Infini.Maiscetinfiniestamourquisedonne,onctionquiserépand.Aussi l’écrasement qu’il produit est-il suave, paisible etbéatifiant.LeChristJésusestaussidouxqu’ilesthumble.Humilité et douceur, force et suavité, parfum du Christ66 etaussi parfum de l’humilité fervente, c’est déjà le signeauthentiquedecontactsdivinsetunappeldiscretmaispressantàdenouvellesvisitesdelaMiséricordedeDieu.

1.Vie,c.15,p.151[15,8].2.Cf.Perspectives,c.3«Connaissancedesoi»,t39.3.Chemin,c.13,p.642[12,7].4.3eDem.,c.2,p.858[2,8].5.4eDem.,c.2,p.877[2,9].6.Mt16,13-20;Mc8,27-30.7.Jn7,40-43.8.Jn16,29-30.9.Jn3,1-21;4,1-30.10.Jn3?5-8.11.Jn3,13-16.12.[Cf.Jn19,39].13.Jn4,1-39.14.Ac9,1-19.15.Lc10,17.21.16.«Malheuràvous,scribesetpharisienshypocrites,parcequevousfermezauxautres le royaumedescieux :vousn’yentrezpasvous-mêmesetvousempêchez les autres d’y entrer… Malheur à vous, scribes et pharisienshypocrites,quiressemblezàdessépulcresblanchis:au-dehorsilsontbelleapparence, mais au-dedans ils sont remplis d’ossements de morts et

d’impuretés de toute sorte !Vous autres, pareillement, vous avez auxyeuxdes hommes un extérieur de justes, mais à l’intérieur vous êtes remplisd’hypocrisieetd’iniquité.»(Mt23,13.27-28).17.Vie,c.22,p.227[22,11].18. Sainte Angèle de Foligno, trad. Hello, c. 19 [Le Livre des visions…,p.75].19.Ruysbrœck,trad.Hello,l.3,L’Humilité[Œuvreschoisies,p.97-100].20. Ruysbrœck, trad. Hello, l. 5, Innocence et repentir [Œuvres choisies,p.170].21.LettreàMarie,17sept.1896.LettresdesainteThérèsedel’E.-J.(Lisieux,1948),p.341[cf.LT197].22. Lettre à Céline, 12 mars 1889, Lettres de sainte Thérèse de l’E.-J.(Lisieux,1948),p.134[enfait,LettreàsœurGeneviève,24décembre1896‒LT211].23.À lamême,26avril1894,LettresdesainteThérèsede l’E.-J. (Lisieux,1948),p.264[cf.LT161].24.LettreàM.AgnèsdeJésus,28mai1897.Lettres,p.398-399[LT230].25. Vie de sœur Marie de J.-C., par le R.P. Buzy. [La première phrase setrouveenPierreEstrate,ViedesœurMariedeJésusCrucifié,c.4,p.54.Lereste de la citation provient de Denis Buzy, Vie de sœur Marie de JésusCrucifié…,p.168].26.Lc2,12.27.[Cf.Pensées,L.G.664,Br.245,Laf.808,Sell.655,inŒuvrescomplètes,Paris,2000,t.2].28.[Ps18,8(vulg.)].29.[LeLivredesvisions…,c.57,p.281].30.Vie,c.15,p.151[15,8].31.[Cf.Règle,c.7].32.6eDem.,c.10,p.1016[10,7].33.JeandeSaint-Samson(1571-1636),frèreconversauCarmeldeDoletdeRennes, musicien et aveugle, « le plus clair flambeau de la Réforme deTouraine»et«mystiqueduplushautvol»,ditBrémond[Histoirelittérairedusentimentreligieux…,t.2,p.376(flambeau)et379(mystique)].34.Vie,c.15,p.154-155[15,14].35.Ibid.,c.19,p.182[19,2].36.Ex3,14.

37.[Cf.RaymonddeCapoue,ViedeSainteCatherinedeSienne,I,X,p.87].38.Man.Autob.Bfol.5r°.39.Ibid.Afol.74r°.40.Noviss.Verba,5juillet,p.45-46[cf.CJ5.7.1].41.Man.Autob.Cfol.4r°.42.Ibid.Afol.32r°.43.LettreàMarie,17sept.1896.LettresdesainteThérèsedel’E.-J.,p.341[LT197].44.Vie,c.20,p.208-209[20,26-27].45.Surlepointd’honneursainteThérèseécrit:« Jevoisdespersonnesqui,par la saintetéet lagrandeurde leursœuvres,font l’admiration dumonde. D’où vient donc, ômonDieu, que ces âmesrampentencoresur la terre?Commentnesont-ellespasdéjàparvenuesausommet de la perfection ? Quel est ce phénomène ? Qui donc retient cesâmesqui fontpourtantde sigrandeschosespourDieu?Hélas ! elles sontretenuesparunpointd’honneuret, cequiestpireencore, ellesneveulentpasenconvenir,carledémonleurpersuadeparfoisqu’ellessontobligéesdele garder.Mais, qu’elles se fient à mes paroles, qu’elles ajoutent foi pourl’amourdeDieuàcettepetitefourmiàquileSeigneurcommandedeparler.Si elles ne font pas disparaître cette chenille, l’arbre pourra n’être pasendommagé tout entier ; quelques vertus lui resteront, mais toutes serontatteintes. Cet arbre sera sans beauté, il ne grandira pas et il empêchera degrandirceuxquil’entourent,carlesfruitsdesbonsexemplesqu’ildonnenesontpassainsetdurentpeu.Jel’aiditbiendesfois,sipetitquesoitlepointd’honneur,ilestcommeuneerreur de tonoudemesuredans le chant ; il n’y a plus d’harmonie. Il estnuisible en tout temps ; mais pour l’âme qui marche dans la voie del’oraison,c’estunepeste.»(Vie,c.31,p.341[31,20-21]).46.Chemin,c.13,p.642[12,8].47.Vie,c.21,p.217[21,9].48.Jn15,5.49.Ph2,13.50.Vie,c.21,p.211[21,1].51.Lc18,10-14.52.[Lc1,53].53.DansunelettreadresséeàsainteThérèsequiluiavaitdemandésionavait


laviespirituellequis’intériorisesanscessepourserapprocherdeDieu.Emportéversl’extérieurparsonbesoindetoutdire,lebavardnepeutqu’êtreloindeDieuetdetouteactivitéprofonde.Toute sa vie de fond passe sur ses lèvres et s’écoule dans lesflotsdeparolesquiemportentlesfruitsdeplusenpluspauvresdesapenséeetdesonâme.Carlebavardn’aplusletemps,etbientôt plus le goût, de se recueillir, de penser, ni de vivreprofondément. Par l’agitation qu’il crée autour de lui, ilempêche chez d’autres le travail | et le recueillement féconds.Superficieletvain,lebavardestunêtredangereux.On ne saurait d’ailleurs appeler bavardage les conversations,seraient-elles prolongées, qu’imposent le devoir d’état et lacharité bien réglée. Maints contemplatifs authentiques furentdesgensmêlésaumondeoudesécrivainsabondants,telssaintVincent Ferrier, saint Bernardin de Sienne, saint François deSales,sainteThérèseelle-mêmeetsaintJeandelaCroix.Encesextériorisationsnécessairesetcharitables,lespiritueltrouveunmoyendecommunieràlavolontédeDieuetilaural’heureusesurprise, en revenant vers les profondeurs de son âme, d’yretrouver l’EspritdeDieuéveilléqui l’attendaitpour fêter sonretour.Par contre lesdangersdubavardagene sontpoint bannisdesentretiensspirituels,desrelationsdenotrevieintimeavecDieu.Certes, communiquer ses dispositions et les grâces reçues estparfois un devoir ; c’est habituellement le seul moyen de lessoumettreaucontrôledeladirectionetd’enrecevoirlumièreetsecours.Lesconfieràuncahieraideàlespréciser,endécouvreparfoislarichesseetpermetdelesretrouverendesheuresmoinslumineuses.Etcependant l’austèreRègleduCarmel,à lasuited’Isaïe, sans méconnaître ces bienfaits et ces nécessités,proclame : votre force sera dans le silence et dans

l’espérance15 ; dans le silence qui garde intactes et pures lesénergies de l’âme et les préserve de la dispersion ; dansl’espérancequitendversDieupourychercherlumièreetappui.Les longs épanchements spirituels dispersent en effet leslumièresetlesforcesreçues,et,parconséquent,affaiblissent.Àdire longuement on gaspille, et l’âme se vide. À exprimerjusqu’àsatiétéàDieulessentimentsardentsd’unecommunionfervente, l’âme se démunit de forces pour l’action : toute lavigueur puisée en Dieu est partie en ce flot savoureux deparoles.La discrétion devra présider aussi aux relations écrites (soitpoursoi-même,soitpourledirecteur)pourqu’ellesnesoientnitropfréquentes,nitropabondantes.Cetteanalyseetlaprisedeconscience plus nette qui en sont le fruit ne sont-elles passouventplusnuisiblesqu’utiles?Elles imposentun retoursursoi, un arrêt par conséquent dans la marche vers Dieu. Ellesrisquent de fournir un aliment à l’orgueil et à la gourmandisespirituelle auxquels n’échappent guère les commençants. Àchacundevoirsi |cesrelationsnesontpassurtoutdesmiroirsflatteurs dans lesquels l’âme s’étale et se retrouve aveccomplaisance,etsionn’utiliseraitpasmieuxlesdonsdeDieuen les laissant derrière soi dans la pénombre ou dans l’oubli,pourmarcherdirectementversDieului-même.Cultusjustitiaesilentiumest16:lesilenceestàlafoisunfruitet une exigence de la sainteté. Aussi sainte Thérèse avertitmaintes fois les débutants du danger que leur fait courir leurdésir d’apostolat17. Pour donner sans s’épuiser ils devrontattendre de pouvoir renouveler sans cesse leurs forces à lasourcedivineparuneunionhabituelle.« Je ne veux pas être une bavarde spirituelle, écrit ÉlisabethLeseur.Jeveuxconservercegrandcalmedel’âme…Nedonner

desoiquecequipeutêtrereçuavecprofitparlesautres,garderlerestedans lescoinsprofondscommel’âmegardeson trésor,mais avec l’intention de le donner lorsque l’heure seravenue18.»SainteThérèsed’AvilaetsainteThérèsedel’Enfant-Jésus donneront tous les trésors de leur âme en des écritsimmortels,maissurl’ordredessupérieursetàunmomentoùlaplénitudedébordantedeleuramournepouvaitques’enrichiràsedonnercomplètement.Cette ascèse du silence est si importante que les Règlesmonastiques en ont fixé les modes précis adaptés à chaqueOrdrereligieux.DesesoriginesdésertiquesleCarmelagardécegrandsilencequis’étenddeCompliesàPrimedulendemainetquifaitducouventundésertpendantcesheuresdelanuitplusfavorables à la prière profonde. Pendant le jour il garde unsilencerelatifquiinterdittouteparoleoiseuse.Mais le silence, pour ne point devenir contention, appelle ladétente.Ladétenteourécréationfaitpartieelleaussidel’ascèsedusilenceet,autémoignagedesainteThérèse,commeundeseséléments les plus importants et les plus délicats. La Sainte nedisait-elle pas, avant la fondation du premier couvent desCarmesdéchaussésàDurvelo,qu’elleemmenaitlejeuneP.Jeande la Croix à la fondation de Valladolid non point pour luidonnerlasciencespirituelleouéprouversavertuqu’ellesavaithéroïque,maispourluimontrerleurgenredevieetspécialementcomment se prenaient les récréations19 ? Les récréationsthérésiennes ! N’y voyait-on pas parfois la Sainte mener lechœur joyeux de ses filles à l’aide de castagnettes ou d’untambourin,oublâmervigoureusementladévotionimportunedecellequiunjourdefêteeûtpréféréfaireoraisonqueserécréer!Ilestvraiqu’on|l’yavaitvueaussienextase,semourantdenepaspouvoirmourir,unjourde1571oùlajeunenoviceIsabelle


important.Lesilenceextérieurn’adevaleurquedanslamesureoùillefavorise.Mais la réalisation du silence intérieur est hérissée dedifficultésquimettentà la torture lesâmescontemplatives.Uncertain progrès réalisé est suivi d’une régression angoissante,d’une impossibilité quasi absolue de discipliner des facultésautrefois dociles à l’oraison. L’âme s’inquiète, s’agite. Leserreurs de tactique sont fréquentes, favorisées d’ailleurs parmaints préjugés courants sur la pacification intérieure quiaccompagneleprogrèsspirituel.SainteThérèsenousdétaillemaintesfoissessouffrancessurcepoint et nous assure qu’elles furent augmentées par sonignorance de certaines lois de la psychologie et de l’action deDieu.C’estàceproposqu’elleécrit lesparolesdéjàplusieursfoiscitées:Ô Seigneur, daignez nous tenir compte de tout ce que le manque deconnaissance nous fait souffrir dans ce chemin spirituel… De là,proviennentlesafflictionsdanslesquellestombentbeaucoupdepersonnesquis’occupentd’oraison…elles tombentdans lamélancolie,ellesperdentlasanté,ellesarriventmêmejusqu’àtoutabandonner38.

Pourpareràdescrisessidouloureusesetsifunestes,essayonsd’éclairerceproblèmedusilenceintérieur.Dans le développement de la vie spirituelle nous avonsdistinguédeuxphases :unepremièrephase, qui comprend lestrois premières Demeures, pendant laquelle Dieu intervientseulement par le secours général et où l’âme garde l’initiativedansl’oraisonetdirigel’activitédesesfacultés;unedeuxièmephase, qui commence aux quatrièmes Demeures, pendantlaquelle Dieu intervient par ce secours particulier qui,progressivement,établitlaprédominancedel’activitédivinesurl’activitédespuissancesdel’âme.Chacunedecesdeuxphasesexigeuneascèsedifférentepourlapratiquedusilenceintérieur.

a) Pendant la première période l’âme peut s’appliquerefficacementaurecueillementetausilenceintérieurenutilisantles lois psychologiques qui règlent l’activité des facultéshumaines.La volonté exerce un contrôle effectif sur l’activité del’imaginationetdel’entendement;ellepeutl’arrêter,l’arracheràteloutelobjet,lafixersurunautredesonchoix.Cecontrôledirectnesauraitêtreconstant. Il s’exercepardesactessuccessifsquelavolonténesauraitmultiplier jusqu’àlesrendrecontinus.Entrechacund’euxlesfacultésretrouventunecertaine indépendanceà l’égardde lavolonté.Ellesn’enusentquepoursesoumettreauxloiscomplexesdelasuccessiondesimagesetsubirleschocsdesperceptionsextérieures.D’ailleurssurcetteactivitéqu’ellenerèglepasdirectement,lavolontépeutagir indirectement en plaçant les facultés dans un cadre oùseront supprimés les objets qui pourraient les distraire et leurserontprésentésceuxquilesramènerontàDieu.DansleChemindelaPerfectionspécialement,sainteThérèsedétaille cette ascèse délicate du recueillement actif. Nousl’avonsentendueprécédemment39nousdireendétailcombienilimportededébarrasser«lepalaisdenotreâmedespetitesgensetdesbagatelles40»,derecourirauChristJésus,«d’avoiruneimage ou une peinture de Notre-Seigneur qui soit à notregoût41 », de « prendre un bon livre en langue vulgaire42 »,« d’user de beaucoup de précautions43 », et de déployer depersévérants efforts qui nous feront acquérir une facilitéhabituellepourentrerdanslerecueillementactif.Dèsquel’âmesemettraàprier,elleverrasessensserecueillircommelesabeillesquiretournentàleurrucheetyrentrentpouryfairelemiel44.

b)Ladeuxièmephaseimposeàlapratiquedusilenceintérieuruneméthodenotablementdifférente.Description. Le secours particulier ou action surnaturelle deDieus’exercesurl’âmeetsurlesfacultés,maisavecdesdegrésetdesmodesdifférents.L’emprisequienchaîneparlasaveurouparalyse dans la sécheresse n’est pas uniforme. Partant desprofondeurs de l’âme elle atteint d’abord ordinairement lavolonté, rayonne assez souvent sur l’intelligence, enchaînerarement la mémoire et l’imagination. L’emprise complète oususpension simultanéede toutes les facultés ne seproduit quedans les grâces d’unionmystique des cinquièmesDemeures etdansleravissementdessixièmes,etnedurequepeudetemps.Par contre l’emprise sur la volonté peut se prolonger assezlongtempsenuneoraisonsuavedequiétudeouderecueillementpassifquiaffecteaussilessens.Lors donc que la volonté est prise et se trouve enchaînéesuavementà laRéalitédivine, lesautres facultésn’ontplusdemaîtresseàquiobéir.Ellesvontdecôtéetd’autresansguideniloi, vers Dieu comme vers les choses les plus futiles. À lespoursuivrepourlesrameneretlescontrôler,lavolontéperdraitlecontactexpérimentéavecleBiensuprême.Elleneledoitpas.Siparfois,paruneempriserapideouparrayonnement,quelqueeffet savoureux de la contemplation parvient à ces facultésvolages,ellesprofitentdelaforcequ’ellesenreçoiventpourseporter elles aussi vers la Réalité divine | avec une ardeur quirisque fort de nuire à la contemplation et au silence qu’elleexige.SiDieurépondàleursdésirsetlessaisitdenouveau,ilseproduitalorscemouvementdeva-et-vientmaintesfoisdécritparsainte Thérèse et qui peut faire croire à une suspensionprolongée des facultés. L’emprise divine sur ces facultés peutaussiêtredouloureuseetparconséquentfatigante.Douloureuse


Maintenantiln’estplustemps.D’ailleursilsontfixéleurchoixenobéissantàlalumièredeleurvocation.LesvoiciprispardesobligationsauxquellesenfaitilsnepeuventsesoustraireetqueDieuleurimposederempliravecfidélité.Cetteactivitéapostoliquenécessaireàl’extensionduroyaumede Dieu, l’accomplissement des devoirs de famille les plussacrés, seraient-ils incompatibles avec les exigences de lacontemplationetd’uneviespirituelletrèsélevée?Cesâmesquisont restées avides deDieu et qui sentent leurs désirs devenirplusardentsdansl’activitédébordanteàlaquellelesvouentlesplus authentiques de leurs devoirs d’état, seraient-ellescondamnéesànejamaisparveniràlaplénitudedivineàlaquelleellesaspirent,parcequeDieu lesaéloignéesde lasolitudedudésert?Nousnepouvonslecroire;carc’estlamêmeSagessequi appelle tout le monde aux sources d’eau vive et qui leurimpose ces devoirs extérieurs. La Sagesse est une etharmonieuseensesappelsetensesexigences.«Soufflede lapuissance deDieu », forte et suave, elle se joue des obstaclespour se répandreà travers les âgesdans les âmes saintes et enfairedesamisdeDieuetdesprophètes7.Laviedanslasolitudeexiged’ailleursuneforce,desqualitésquelanatureréserveàuneélite.Enfuyant lemondeetsessemblablesonnesequittepassoi-même.Devantdeshorizonsnaturelsetdansunchampd’activitédésormais limité, le moi s’étale, souvent s’agite et toujourss’impose à la conscience psychologique.L’inactivité énerve, lasolitudeetlesilenceamplifientàlafoislesbruitsetaffinentlespuissancesquilesperçoivent.|Lesmouvementsdel’âmeetdesfacultés, les pensées, les images, ses impressions et sessensations se précipitent et se suc¬cèdent sans qu’un chocextérieur vienne les interrompre et enmodifier le cours ; elles

s’inscriventdansl’âme,s’imposentavecuneacuitéobsédanteetsouvent douloureuse, au point de voiler complètement lesréalités surnaturellesque l’âmeespérait pouvoir contempler enelle-mêmeetenDieu.L’âmevenueaudésertpourtrouverDieunes’ytrouvesouventqu’elle-même.Sinousajoutonsquelesespritsmauvaishabitenteuxaussiaudésert, s’y réfugient après leurs défaites pour y chercher unrepos8,qu’ilsytententavecuneparticulièreviolenceceuxquiyvivent, ainsi que le prouvent le récit de la tentation de Jésuspendant la sainte quarantaine, et ce que l’hagiographie nousraconte des pieux anachorètes ; si nous nous rappelons enfinque lesespritsmauvaisexcellentàaccroître laconfusioncrééepar l’inactivité fiévreuse pour en profiter, y faire briller leursappâts et dresser leurs embûches, nous comprendrons que ledésert exige des âmes vaillantes, des tempéraments bienéquilibrés,qu’ilestvraimentlapatriedesforts.Aussi que d’illusions dans les désirs les plus sincères et lesplusardentsdevieérémitique!Lesmaîtresqueleurexpérienceet leursfonctionsplacentà l’entréedesdésertspouryrecevoirles bonnes volontés le savent bien et, à la bienveillancesurnaturelle qu’ils témoignent, ils ajoutent toujours uneprudente réserve que l’avenir ne justifie que trop souvent. Nedit-onpasquelaChartreuseélimineneufsurdixdespostulantsqu’ellereçoitetexamine!Parmicesâmesd’unebonnevolontésincère mais insuffisamment éclairée, il y a certes desmisanthropesàchargeàeux-mêmesetauxautres,desdilettantesàlarecherched’impressionstrèsvives,desagitésousimplementdes paresseux amoureux du repos, mais aussi des pauvresmélancoliquesenquêted’obscuritéetdesouffrance,desfaiblesbien sympathiques qu’un échec, ou même seulement laperspectived’uneffortà fournir,adécouragés ; ilyaaussiun

assezgrandnombredespirituelsayantunecertaineexpériencemystique, avides de quiétude et d’impressions surnaturelles,mais trop faibles ou trop peu purifiés pour en porter de plusfortesetsesupportereux-mêmessansdiversionextérieure.Chaque cas semble un cas nouveau sur lequel seulel’expériencepeutprojeterquelquelumière.Siunesagedirectionn’ypourvoit,c’estavecuneforcequasibrutale |quelasolitudebrisecesâmesetlesrejetteimpitoyablementcommedesépavesphysiques etmorales.Pour être vrai ajoutonsqu’elle les gardeparfois,etquecesâmes,n’ytrouvantpasDieucommeonl’avaitespéré pour elles, laissent l’impression qu’elles eussent bienmieuxremplileurvieailleurs.Si la solitude du désert était absolument nécessaire audéveloppementde la contemplation il faudrait en conclurequetous ceuxqui nepeuventy accéder, tous ceuxquin’ont pu lasupporteroulasupportentsimal,sontincapablesdeparveniràlacontemplation,quiseraitréservéeàderaresprivilégiés.Opinion décourageante et cependant assez répandue.N’est-cepasellequiacréécefosséprofondentrecontemplatifsetactifs,au point de nous faire croire que ces deux formes de vie sontdeux voies bien distinctes obéissant à des lois tout à faitdifférentes;quinousprésenteparconséquentlecontemplatifetl’actif comme deux frères, sinon ennemis, du moinscomplètement dissemblables, confinant le premier dans unregard sur l’éternel, le deuxième en des préoccupationstemporelles,libérantlepremierdetouteinterventiondanslaviede son époque et le deuxième de toute aspiration à une vieintérieureprofonde.Contrececompartimentagefacileàl’usagedeslogiciens,plussoucieuxdeclartéconceptuellequedevérité,protestentàlafoisla saine conception de la vie spirituelle et les réalisations desaintetéquenousdécouvronschezlessaints.


Nous entrons en effet dans le domaine de la théologiemystique, qui, par définition, est une science mystérieuse etsecrète.Modestement la Sainte a vu qu’elle n’a pas la sciencenécessaire pour jeter sur ce sujet toute la lumière désirable ets’enplaint:Pourbeaucoupdechoses la scienceme seraitnécessaire. Il seraitutile eneffet d’expliquer ce qu’il faut entendre par secours général et secoursparticulier.Lasciencemeserviraitenoutrepourbeaucoupd’autrespointsquiserontmaldits4.

Ainsi,renonçantàexpliquer,elleseborneraàexposer«cequel’âmeressentquandelleestdanscettedivineunion5».La sciencemystique de saint Jean de la Croix viendra à sonaide et éclairera heureusement les descriptions étonnammentnuancées et précises de sainte Thérèse. L’enseignementharmonisé des deux Réformateurs du Carmel sera le guide leplus sûr en ces régionsmystérieuses et fournira à la théologiemystique ses principes les plus solides et ses bases les plusfermes.On observe de nos jours un retour très marqué vers cesquestions. Snobisme ? Il ne semble pas, du moinshabituellement. C’est plutôt le désarroi de l’intelligence etl’inquiétude du lendemain qui créent et alimentent un besoinintense d’absolu et de transcendant. Les maîtres du Carmelvoientdoncvenirverseuxmaintsespritscurieuxet inquietsetune foule d’âmes avides de lumière et de vie. Avec quelletendressecesdonneursdedivinetd’infinidoivent,duhautduciel, se pencher sur l’angoisse et la faim de ces âmes, pourmettreàleurdispositiontoutesleursrichessesintellectuellesetspirituelles ! Qu’ils daignent nous aider pour que nousn’affaiblissionspasleurmessage!

A.LACONTEMPLATIONENGÉNÉRALL’intervention de Dieu dans la vie spirituelle se produiranormalementen toutpremier lieudans lesrelationsdirectesdel’âme avec Dieu, par conséquent dans l’oraison. Elletransformeral’oraisonencontemplation.C’estlacontemplationquis’offredonctoutd’abordànotreétude.

I.DéfinitionsMaintesdéfinitionsontétédonnéesdelacontemplation.VoicicelledeRicharddeSaint-Victor:«Contemplatio est perspicuus et liber contuitusanimi in resperspiciendas.Lacontemplationestunevueglobale,pénétranteetamoureusequiattachel’espritauxréalitésqu’ilconsidère6.»SaintThomasladéfinit:«Simplexintuitusveritatis.Regardsimplesurlavérité7.»Les Salmanticenses, théologiens carmes, commentateurs desaintThomas,ontajoutéunmotàcettedéfinition.Ilsdisent:«Simplexintuitusveritatissubinfluxuamoris.Regardsimplesurlavérité,sousl’influencedel’amour.»Cestroisdéfinitionss’éclairentetsecomplètent.Celle de saint Thomas, squelettique d’apparence, n’a retenuque l’essentiel, et, en sa concision, le met en relief. Lacontemplation est un acte de connaissance, acte simple quipénètrelavérité,sansdiscourir,d’unefaçonquasiintuitive.Les Salmanticenses ont tenu à souligner le rôle de l’amourdans cette connaissance. Ce rôle de l’amour, pour n’être pasessentielàl’actelui-mêmedelacontemplation,constituéparunregardsimplesurlavérité,estcependantessentielàsonprincipeetàsafin.C’estl’amourquiportel’espritauregard;c’estluiqui simplifie ce regard et le fixe sur l’objet. Dans lacontemplationsurnaturelle,c’estparl’amourquel’âmeconnaît

et non dans la clarté de la lumière. Enfin, le fruit de cettecontemplation est un développement de l’amour. L’amour estdoncleprincipeetlafindelacontemplation,ilfixeetsimplifieleregard;c’estdel’amourqueprocèdelaconnaissancedanslacontemplation surnaturelle. Il était normal que les carmescontemplatifs ajoutent à la définition de saint Thomas le motsubinfluxuamoris.LadéfinitiondeRicharddeSaint-Victornousapporteaussisalumière. En soulignant que la contemplation est un contuitus(vueglobale)ellemontrequelacontemplationestunesynthèsevivante de notions fragmentaires que l’âme a acquiseshabituellement par des regards successifs. Cette vue globalen’est qu’apparemment confuse ; elle ne semble oublier desdétails extérieurs que pour pénétrer dans la chose elle-mêmeavec lapuissance | de l’amourqui fixe le regard sur la réalité.RicharddeSaint-Victorsignaleeneffetquecettevueglobaleestpénétrante,amoureuseetqu’elleattachel’espritàlaréalité.Cette définition presque descriptive nous fournit uneexplication intéressante sur la genèse et la nature de lacontemplation. Nous aurons toutefois quelque difficulté àretrouvercesdiversélémentsdanslacontemplationsurnaturelle.Aussi retiendrons-nous la définition des Salmanticensescommelameilleureparcequelapluscomplèteets’appliquantàtouteslesformesdelacontemplation.

II.SespremièresformesCar la contemplation a des formes et des degrés divers. Il nesaurait être question de réserver cette appellation decontemplation à la contemplation surnaturelle ou infuse dontparlesainteThérèseàpartirdesquatrièmesDemeures.Estunevéritable contemplation, tout acte de connaissance et regardsimplesur lavérité sous l’influencede l’amour. Ilnoussuffira


l’expériencemêmedel’amourdanslesrégionsdel’âmequisontdéjàcapablesdelarecevoir.Les deux premiers signes permettent déjà de déceler lacontemplation, soit lorsque dans le désarroi de la nouveauté,l’âmen’apasprisconsciencedesonexpériencedel’amour,soitencore lorsquecette expérienceest sipureet si simplequ’elleendevientimperceptible.L’analyse du troisième signe par sainte Thérèse fournit uncritériumpourapprécier laqualitéde l’unionréalisée.À l’âmeexpérimentée en effet, la qualité des contacts divins seraindiquéeparcessignesmystérieuxdonnésparlaSainte,àsavoirlaprofondeuroùilsseréalisentetlaqualitédelasaveurqu’ilsapportent.Ces précisions vont-elles rendre aisé en toute occasion lediscernement de la contemplation surnaturelle ? Ne nousberçons point d’illusions.Malgré la clarté des signes, il resteassezdifficiledediscernerlacontemplationinfusedanslescasindividuels.c)ComplexitédescasindividuelsAprès avoir exposé le troisième signe, le plus important et leplus certain, saint Jean de laCroix nous avertit plusieurs foisquecesigneestparfoisassezdifficileàdécouvrir:Ilestbienvraiqu’aucommencementdecetétat,écrit-il,onnevoitpresquepas cette notice amoureuse pour deux raisons : l’une, parce qu’aucommencement cette notice amoureuse est très subtile et délicate et quasiinsensible;l’autre,parcequel’âmeayantétéhabituéeàl’autreexercicedelaméditation,quiesttotalementsensible,ellen’aperçoitetnesentquasipascetteautrenouveautéinsensiblequiestdésormaispurementdel’esprit29.

Il souligne de même, au chapitre suivant, que cette mêmeconnaissance sera insensible aussi longtemps qu’elle sera trèspure:

…Cetteconnaissancegénéraledontnousparlons, estparfois si subtile etdélicate,principalementquandelleestpluspure,plussimple,plusparfaiteet plus spirituelle et plus intérieure, que l’âme, encore qu’elle y soitemployée,nelavoitninelasent30.

Àcettedifficulté s’ajoutecellequiprocèdede l’intermittencedelacontemplation,spécialementdanslesdébuts.Activitédesfacultés et contemplation alterneront de telle sorte qu’il seradifficileàl’âmededistinguercettedernièredeladistractionoud’unassoupissementmomentanédesfacultés.De plus, les descriptions si différentes d’états surnaturelsappartenantàunemêmeétape,faitesparsainteThérèseetsaintJean de la Croix, deux saints d’une même époque qui ontconfrontéleursexpériences,nouslaissententrevoircombienlesâmesetleursgrâcessontdiverses,combienrestentpersonnelleset particulières leur réaction sous l’action de Dieu etl’expressiondeleursétatsintérieurs.Riend’aussivariéquelesgrâces des saints, les voies que Dieu leur impose et leursexpériences du surnaturel. Les signes de l’intervention divine,donnés par nos maîtres ès science mystique, sont certains etconstants,maisc’estsousdesformesetendesclimatsspirituelsbiendifférentsqu’ilfaudrasavoirlesdécouvrir.Les difficultés de la prospection sont singulièrement accruespar les tendances pathologiques qu’en cette période lapurification du sens portera souvent à l’état aigu, au pointqu’elles paraissent dominer dans le champ psychologique et yrecouvrir tout le reste.C’estbien« le |maladeen traitement»suivant l’expressiondesaintJeande laCroix,que ladirectiondevra examiner et guider. Comment oser affirmer, sous desmanifestations qui semblent tout à fait morbides et le sontpartiellement, l’existenced’uneactiondeDieucontemplative?Et cependant le progrès de cette âme est en jeu ; et si Dieuintervient vraiment, c’est la soumission prudente à son action

quipeut seuleassureret leprogrès spiritueldecetteâmeet lapurificationdelatendance.Ces observations ne concernent point, ainsi qu’on pourrait lecroire,descasexceptionnelsouanormaux.Elless’appliquentàcescasfrontièresdanslesquelss’affrontentlesélémentslesplusdivers, cas qui se révèlent si nombreux qu’on pourrait lesappelerlescasnormauxdanslemondedesâmes.Oncomprendqu’une direction spirituelle expérimentée leur soit nécessairepour leur faire prendre conscience de l’action de Dieu, et lesaiguillersûrementencecarrefourimportantdelaviespirituelle.Que sont ces souffrances, ces angoisses devant les horizonssplendides qui s’ouvrent !Ne faut-il pas que l’âme, comme leChrist,souffreavantd’entrerdanslagloire?Or,déclaresainteThérèse,enparlantdelacontemplation,«quanduneâmereçoitde tellesmarquesd’amour,c’estunsignequeDieu l’appelleàdegrandeschoses31».

1.4eDem.,c.1,p.863[1,1].2.Ils’agitdulivredesaVie.3.4eDem.,c.1,p.864[1,1-2].4.Vie,c.14,p.140[14,6].5.Ibid.,c.18,p.172[18,3].6.[Degratiacontemplationis,l.1,c.4,PL196,col.67D].7.[Sum.th.IIaIIæ,q.180,a.3,ad1].8.Cf.Premièresétapes,c.9,t267.9.Encertainscas ilyauradanscettecontemplation théologiqueuneactiondeDieuparlesdonsduSaint-Esprit,qui,s’adaptantaumodehumaind’agir,perfectionneral’activitédel’intelligenceetl’éclairera.10.[Cf.CantiqueA,str.11,3,p.737-738.Cf.t436-437].11. Cf. P.Gardeil,La structure de l’âme et l’expériencemystique, où l’ontrouvera une explication détaillée de la définition. [vol. 2, p. 166-181. LadéfinitionduPère JosephduSaint-Esprit se trouvep. 168 et provient de :Cursustheologiaemystico-scolasticae,Disp.13,q.1,§III2a].


Abordonsmaintenant lecasdesâmesquisetrouventdanslestroispremièresDemeuresoupremièrephasedelaviespirituelle.Affirmer qu’il existe chez elles une vie mystique seraitcontredire formellement sainte Thérèse qui caractérise cettephase par la prédominance de l’activité des facultés humainesaidéesdusecoursgénéraldeDieu.La vie mystique n’existe donc pas habituellement chez cesâmes. Mais dans quelle mesure les interventions directes deDieu,quenousavonsreconnuespossibleschezlesinfidèles,seproduiront-elles en ces âmes chrétiennes, qui sont en état degrâce ? Nous voici obligés de nuancer et de préciser nosaffirmations.1. D’abord les interventions charismatiques de Dieu qui seproduisent chez les infidèles, se retrouveront normalement etplusfréquenteschezcesâmesfidèles.Seraient-elleshabituelles,cesâmespourraientnepasêtreélevéesau-dessusdestroisièmesDemeures et même tomber dans le péché grave. Dans sadescription du jugement dernier, Notre-Seigneur nous faitentendre les réclamations de certains thaumaturges qui aurontprophétisé en son nom et que le Maître déclarera ne pasconnaître16.2. À propos de l’intervention de l’Esprit Saint dans lasanctificationdel’âme,saintThomasdéclarequ’iln’estpasaupouvoir de la raison, même éclairée par la foi et la prudenceinfuse,«deconnaîtretoutcequ’ilimporteraitdesavoiretdesepréserverdetoutégarement.Celui-làseulquiestomniscientettout-puissant peut nous donner un remède contre l’ignorance,l’hébétude ou sottise spirituelle, la dureté de cœur et d’autresmisèresdecegenre.C’estpournousdélivrerdecesdéfautsquenous sont donnés les dons, qui nous rendent dociles auxinspirationsdivines17.»

Par les vertus théologales et morales, l’homme n’est pastellement perfectionné en vue de la fin dernière surnaturellequ’il n’ait toujours besoin d’être mû par une inspirationsupérieureduSaint-Esprit18.De ces affirmations on pourrait conclure que l’interventiondirecte de l’Esprit Saint par les dons est nécessaire pour toutacte surnaturel19. Du moins faut-il admettre que cetteinterventiondel’EspritSaintestnécessairepourposercertainsactes plus difficiles, pour éviter certaines tentations, parconséquentpourconserverl’étatdegrâceentouteslespériodesdelaviespirituelle.ChezlesâmesdestroispremièresDemeures,seproduirontparconséquentdesinterventionsdel’EspritSaint.Ces dernières d’ailleurs ne créent pas la vie mystiqueproprement dite qui comporte non seulement l’intervention deDieuparlesdons,maislaprédominancedecesinterventionssurl’activitédesvertus.Ellessontcependantunacheminementversdesinterventionsplusqualifiées.3.Lanature ne fait pas de sauts et laSagessedivine conduittout avec force et douceur du commencement | à la fin. Ellepréparel’aveniretl’annonce.Iln’estpasd’étatcaractérisédanslequel elle établisse les âmes, qui ne soit déjà reçu en unecertainemanièreàl’avance.AvantdejouirhabituellementdelavisiondelaTrinitésainte,sainteThérèseavaitétémaintesfoisfavorisée de cette vision et longtemps à l’avance. L’oraison dequiétude des quatrièmes Demeures doit être précédéenormalementd’étatspassagersdequiétude.SainteThérèserépèteavecinsistancequelesprogrèsspirituelsdel’âmeneressemblentpasàlacroissanceducorpshumainquirestefixésansdécroîtreàlataillequ’ilaacquise.L’âmemonteet descend. Rien de plus normal que ce mouvement de va-et-

vient d’une âme fixée habituellement en une Demeure quirevient parfois en arrière ou monte dans les Demeuressupérieures20.L’expériencedesâmesvientconfirmercetteélévationpassagèredes âmes pieuses aux Demeures supérieures. Indépendammenteneffetdecesgrâcesmystiquesordinairementélevées,grâcesdeconversion,quimarquentassezfréquemmentlesdébutsdelaviespirituelleetdécouvrentparfoisà l’âmelesétatsqu’elleauraàréaliser plus tard, il en est d’autres beaucoup plus fréquentes,maisaussibeaucoupmoinsmarquantes.C’estunequiétudequisaisit parfois après la communion, un recueillement surnaturelqui vient par un simple regard vers le tabernacle etqu’expérimententungrandnombred’âmespieusessinontoutes,en des occasions diverses. Ces faits surnaturels s’ins¬criventdanslaviespirituellecommedesphénomènesdontl’âmeprendà peine conscience au milieu des luttes ou sécheressesquotidiennes, dont elle méconnaît la qualité et sur lesquelleselle n’ose pas appuyer des espérances de vie plus haute. Lesconseils prudents d’un directeur avisé pourraient seuls luirévélerlavaleurdudonreçuetlapréparerdiscrètementàceux,plusélevésetplusfréquents,queDieuluidestinepourl’avenir.Si on ne l’éveille pas sur ce point, toute sa vie peut-êtres’écouleradanslaconvictionquelesgrâcesmystiquessontdesphénomènesétranges réservésàdesprivilégiésetdontellen’apasàsepréoccuper.

III.DeuxièmephaseÀ propos de la deuxième phase (quatrièmes-septièmesDemeures), dans laquelle s’épanouit la vie mystique, nousdevonsnousdemanderd’abord:1.Sibeaucoupd’âmesyparviennent?EssayonsderecueillirletémoignagedesainteThérèse.


et vivifiée par une intime et permanente vie de prière ? Des œuvresthéologiques, des œuvres philosophiques même, ont été écrites en étatd’oraison. Lorsque Jean de la Croix commente ses poèmes et instaure sascience de la vie spirituelle, l’écart humain entre le silencemystique et leverbe discursif n’empêche nullement que ce soit toujours la grâce divinequipasse.C’estpourquoi lorsqueJeande laCroixse traduit lui-mêmeenpuisant à l’Écriture sainte et à l’enseignement de l’Église, l’accent est tel,|qu’il nous semble impossible de voir dans ce retour aux représentationsdistinctes un symbolisme de convention, mais qu’il y a de puissantesraisonsdevoir aucontraire, ence retouràuneParolequi sedonnepoursurnaturelle, le verbe selon lequel s’exprime en vérité l’âme envahie parDieu.Ilyaplus.VivrelaviedeJésus-ChristestautrechosesansdoutequeparlerhistoriquementduChrist.Vivrelavietrinitaireestautrechosequ’enparlerenarithméticienoumêmeenthéologien.Maisc’estbiendeJésus-Christetc’est bien de la Trinité Sainte qu’il s’agit, c’est-à-dire d’une plénitudesurhumaineaffirméesous la lettrehumaineetprécisede lavérité révélée.La seconde strophe de la Vive Flamme est éclairante à cet égard par lecommentairequil’accompagne:Ôdélicieusebrûlure,ôplaieenivrante!Quiavezlegoûtdelavieéternelle!

EtJeande laCroixécrit :«Bienque l’âmedésigne ici les troispersonnesdivinespardesnomsdifférentsàcausedespropriétésparticulièresetdeseffets qu’elle leur attribue, il n’en est pas moins vrai qu’elle parle d’uneseule essence.On le voit par les paroles suivantes :Vous avez changé lamortenvie. Iln’yaeneffetqu’uneseuleopérationauseinde l’adorableTrinité ; aussi l’âme attribue-t-elle le tout à une seule essence et aux troisPersonnesensemble9.»

2. Tributaire de la théologie, la contemplation surnaturelledépasse les formulesquecelle-là luipropose.Saint Jeande laCroixl’appelle«échellesecrète».Ellepénètrejusqu’àlavéritéelle-même et parce qu’elle va au-delà de toute traductionanalogique on peut dire d’elle que son domaine propre estl’obscuritédumystèredecettevéritédivine.Aussiquandellesemanifesteavectoutesaforce,cettesagessemystique

alapropriétédecacherl’âmeensoi,ditsaintJeandelaCroix.Parceque,outre l’ordinaire, quelquefois elle absorbe tellement l’âme et l’enfonce detellesortedanssonabîmesecret,qu’elleconnaîtclairementqu’elledemeuretrès à l’écart et très éloignée de toute créature ; de façon qu’il lui semblequ’on la met dans une profonde et très spacieuse solitude, où ne peutarriver aucune créature humaine, comme en un désert immense qui n’estbornéd’aucunendroit,d’autantplusdélectable,savoureuxetaimablequ’ilest plus profond, plus vaste et plus solitaire, où l’âme se voit (…) élevéeau-dessusdetoutecréaturetemporelle10.

Cette expérience, transitoire d’ailleurs, indique les régionsdanslesquellesl’âmesetrouveélevéeparlacontemplation.Cette élévation au-dessus de toute créature temporelles’accompagnedeconnaissance:Et alors, continue saint Jean de la Croix, cet abîme de sagesse élève etagrandittellementl’âme,lamettantenlesveinesdelascienced’amour11.

Cette échelle secrète ou contemplation est en effetessentiellementsagessesecrète,laquelle,selonsaintThomas12,secommuniqueetestinfuseenl’âmeparamour13.

OuencorediraleSaint,lacontemplations’appelle ici échelle, parce qu’elle est science d’amour, laquelle, commenous avons dit, est une notice infuse de Dieu amoureuse, et quiconjointement illustre et enflamme d’amour l’âme, jusqu’à la monter dedegréendegréàDieusonCréateur14.

Cettescienced’amour,quiélève,éclaireetenflamme,nepassepointparl’entendement;lumièresimple,généraleetspirituelle,elle procède de Dieu dans les profondeurs de l’âme. Dieuinstruitdansl’onctiondel’amourqu’ilrépand.Danscetteeaulimpidequijaillitdenuit,l’âmedécouvreunesagesseadmirableetsiricheenmystèresquenonseulementnouspouvonsl’appeleruneprofondeur,maisencoreunensemblecompactdemerveilles,seloncetteparoledeDavid:MonsDei,monspinguis,monscoagulatus, mons pinguis. « La montagne de Dieu est une montagne

grasse,unemontagnefertile,unemontagneféconde(Ps67,16)15.»

LesmystèresduChrist,spécialement,luiapparaissentcomme une mine abondante remplie d’une infinité de filons avec desrichessessansnombre ;onabeauypuiser,onn’envoit jamais le terme ;bien plus, chaque repli renferme ici et là de nouveaux filons avec denouvellesrichesses;cequifaisaitdireàsaintPaulduChrist:Inquosuntomnes thesauri sapientiae et scientiae Dei absconditi : « Dans le Christsont cachés tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu (Col2,3)16.»

Tellessontlesrichessesdelumièrequelacontemplationlivreàl’âmeetparelleàl’Église.Dieueneffet,quiamisdanslarévélationfaiteauChristetauxapôtrestoutelavéritéqu’ilnousdestinait,alaissécependantàsonÉgliseaidéedesonEsprit,le |soind’explorercedépôt,del’expliciter,detraduireenformulesclairesetpréciseslesvéritésquiysontcontenuesetdelesrépandredanslepeuplechrétien.Àcetravaild’explicitationlathéologieapportelapuissanceetla logique de la raison éclairée par la foi. La contemplation ycontribueavec lagrandepénétrationde l’amour.Le théologienraisonne, déduit, conceptualise en formules précises ; lecontemplatif scrute les profondeurs vivantes de la vérité. Tousdeuxsontauservicedelamêmecause.Ilnousparaîtcependantque la raison du théologien excelle à organiser les positionsconquises, tandis que l’amour du contemplatif, plus pénétrant,en fait souventunaudacieuxéclaireurd’avant-garde.L’histoirede l’explicitation du dogme à travers les siècles vérifie cetteassertion.C’est au regard contemplatif de saintPaul quenousdevons ladécouvertedugrandmystèreduChristdont il seditl’apôtreetleministre.C’estàdescontemplatifsaussiquenousdevons l’explicitation de la plupart des dogmes, spécialement


que l’oraisonconsistemoinsàpenserqu’àaimer,moinsàagirqu’àselivrer.Ilnousresteencoreàsignalerqueparfois,hélas,decesétudesmalconduitesoupousséesendesrégionstrophautespourleurvigueur, certains esprits rapportent surtout des doutes d’autantplus douloureux et tenaces que leur foi était jusqu’alors plussimpleetmieuxassisedansleurvie.Aussi,enbénissantlesmouvementsmodernesquitravaillentàla vulgarisation de la doctrine théologique et spirituelle, nouspensonsqu’unesagediscrétiondoityprésideretqu’un travailde piété et d’ascèse doit êtremené parallèlement pour que lesâmes trouvent vraiment la lumière de Dieu et s’ouvrent à sonrègneparfait.Mieux que ces considérations, les exemples des saints nousmontreront la lignedeconduiteà suivreencesmatières.SaintJean de la Croix, le maître en sagesse surnaturelle, se révèleélève brillant en ses études,mais «modeste » nous disent sescondisciples,caràtraverstoutilcherchelalumièredel’Infini.Ilreviendra aux études théologiques pendant sa vie au fur et àmesure des besoins de son âme. À Baeza il attirera en soncouvent les maîtres de l’université qui viendront assister auxsoutenancesthéologiques,maisenmêmetempsilblâmeracettecuriositéquiseportesurdesquestionssubtilesetquin’estpasexempte de dangers. Il laisse aux étudiants du Carmel cetteformulequirésumeleurdevoir:Ubihumilitas,ibiSapientia,làsetrouvelaSagesseoùrésidel’humilité.Sainte Thérèse, qui aimait la science chez les savants et ladoctrine pour elle et ses filles, flagellait aimablement lesprétentions intellectuelles qu’elle trouvait chez elles. Voici unpassaged’unedeseslettresàsafilletrèsaiméeMariedeSaint-Joseph,prieuredeSéville:Je puis vous assurer, ma fille, que vos lettres, loin de me fatiguer, me

procurent au contraire mon délassement le plus agréable. Seulement j’aitrouvéplaisantquevousayezmisladateentouteslettres.Dieuveuillequece ne soit pas pour vous épargner la petite humiliation de faire voir vosmauvais chiffres. Avant que cela ne m’échappe, il faut dire que j’auraistrouvéfortbienvotrelettreauP.Marianosivousn’yaviezpasmistoutcelatin.Dieu préservemes filles de vouloir être des latinistes !Que cela nevousarriveplus, jevousprie, etne lepermettez jamais. J’aimebeaucoupmieux que mes filles se piquent de simplicité, comme il convient à dessaintes,quedevouloirpasserpourdesrhétoriciennes28.

Elle se montra, dit-on, plus sévère un jour. Elle recevait auparloirunepostulantequisemblait remplir lesconditionspourêtrereçue.Lajeunefilleposeunequestion:«MaMère,puis-jeapportermaBible?»DanscettequestionbanalelasainteMèrea trouvé un indice d’orgueil de l’esprit, de prétentionsintellectuellesquisedévelopperont:«Mafille,restezchezvousavec votre Bible ! » répond-elle. Et ainsi fut fait. Lespressentiments de sainte Thérèse se réalisèrent d’ailleurs et lajeune fille ne resta pas dans un autre monastère où elle étaitentrée.Terminonspar le récitquenousa laissé frèreRéginalddecetépisode de la vie de saint Thomas d’Aquin29 : Un jour ‒ le6décembre1273, troismoisavant samort‒ | tandisquesaintThomascélébraitlamesseàlachapelleSaint-NicolasàNaples,un grand changement se fit en lui. De ce moment il cessad’écrire et de dicter.LaSomme restera-t-elle donc inachevée ?CommeRéginalds’enplaignait,«Jenepuisplus»luiditsonmaître ; et l’autre, insistant…«Réginald, jenepuisplus ; detelles choses m’ont été révélées que tout ce que j’ai écrit mesembledelapaille.Maintenantj’attendslafindemavieaprèscelledemestravaux.»«Delapaille!» l’enseignementdesaintThomasd’Aquin, leprince de la théologie, quand on le met en présence desineffables clartés que le Verbe, soleil divin, fait descendre

silencieusement sur l’âme qui s’offre pure et paisible àl’envahissementdesalumière!Celadevraitnoussuffire.Ilnousparaîtcependantqu’unrapprochemententre lesspiritualitésdesainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de sœur Élisabeth delaTrinité peut encore jeter quelques lumières sur ce problèmedesrapportsdelathéologieaveclacontemplationetpréciserlesconclusionspratiques.Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et sa doctrine d’enfancespirituelle sont universellement connues. Sœur Élisabeth dela Trinité, carmélite de Dijon, moins connue de la masse deschrétiens,exercedanslemondedesspirituelscontemplatifsuneinfluencequipeutêtrecomparéeàcelledelasaintecarmélitedeLisieux.Encore dans sa famille, sœur Élisabeth expérimentasensiblement la présence de la Trinité sainte en son âme. Undominicain, lePèreVallée, âme lumineusede théologien et decontemplatif, lui donna l’explication de son expérience en luiexposant ledogmede l’habitationdeDieuennous.AucarmeldeDijonoùelleentra,sœurÉlisabethvécutdecedogmeetdecelui qui le complète que lui révéla l’apôtre saint Paul en sesépîtrescontemplatives,lemystèredel’adoptiondivineque,parle Christ, Dieu étend à toute l’humanité. Devenue victime delouangesdelaTrinitésainteetdumystèredeladiffusiondelavie divine dans les âmes, elle mourut après six ans de viereligieuse.TandisquesainteThérèsedel’Enfant-Jésusparledeconfianceetd’abandon,prêchelafidélitéauxpetiteschoses,nousorientevers les formes vivantes du Christ Jésus en sa crèche et sapassion, et cela avec un langage et des allures d’enfant, sœurÉlisabethentraîneaurecueillementdanslessplendeursdesplushautsmystèresduchristianismeetfaitfiguredethéologienneencompagniedesaintPauletdesdisciplesdesaintThomas.|D’où


ex¬priment ;mais le lienquiest affirméentreces termes, lienquiconstituelavéritéénoncée,restemystérieux.Nullepartdansledomaineduconnu,l’intelligencen’adécouvertunêtreenqui«uneseulenature»réunit«troispersonnes»etellenevoitpascommenttroispersonnespeuvents’associersi intimementdansla vie et les opérations d’une seule nature. Toutefois, jereconnaisquel’énoncédecettevéritémystérieusenecomporteen lui-même aucune contradiction. Les affirmations « un » et« trois », qui semblent s’opposer, ne portent pas sur lemêmeobjet : une seule nature et trois personnes. La vérité est donccroyableetjepourraisyadhérersiuntémoignageextérieurmel’imposait avec une autorité suffisante. J’admets en effet biendes faits ou des vérités que je n’ai pas contrôlés, sur letémoignagedequelqu’undignedefoi.Danslecasprésent,quimeproposecettevérité?etquelleestlavaleurdesontémoignage?C’estleprêtrequiparleaunomdel’Église. Je puis et je dois une fois aumoins poursuivremonenquête et examiner la valeur du témoignage de l’Église. Lerésultat de mon enquête est celui-ci : l’Église, instituée parJésus-Christ, est divine ; elle a reçu lamission de répandre lavérité révélée et le privilège de l’infaillibilité assure l’intégritédu dépôt qui lui a été confié. L’Église parle donc au nom deDieu et commeDieu lui-même enmatière de foi et demœurs.C’estDieuquiparleparelle.Dieualedroitdem’imposerdesvéritésàcroire,ilnepeutnimetrompernisetromper.D’autrepart,ilesttoutàfaitnormalquemonintelligencenepuissepascomprendretouteslesvéritésdivines,surtoutcellesquionttraità sa vie intime. Il est donc raisonnable que j’accepte cetémoignage.Jeledois,enraisondurespectetdelasoumissionqu’exigentl’autoritédeDieuettoutcequivientdeLui.Encetteenquêtel’intelligenceaétépuissammentsoutenueparles bonnes dispositions de la volonté. L’enquête est ardue ;

surtoutsesrésultatscomportent|desrisquessérieuxpourl’âme.Si le témoignageestvrai, il faudraaccepter lavéritéproposée,observer lespréceptesqui lui sontconnexes,peut-êtrechangercomplètementdeconduite.Surletravaild’enquêtelui-mêmeetsurlesbonnesdispositionsqui l’ont réalisée, la vertu de foi a exercé déjà une influencecertaine. Elle a éclairé l’intelligence et fortifié la volonté encettepremièreétape:« La vertu de foi, dit saint Thomas, donne à l’âme uneinclination pour tout ce qui accompagne l’acte, le suit ou leprécède15.»L’enquête terminée, lavéritéenelle-mêmen’apparaîtpasplusévidente que précédemment, donc ne saurait forcer elle-mêmel’adhésion.Maisletémoignageseprésenteavecdesgarantiesdecertitudemorale.Deplusl’âmepossèdel’humilitéd’espritpouraccepter le témoignage, la confiance affective à l’égard dutémoinpourl’adhésionàsontémoignage.Lapremièrephaseestterminée:toutestprêtpourl’actedefoi.Cet acte de foi, d’après saint Thomas, est « un acte del’intelligence adhérant à la vérité divine sous l’ordre de lavolontémueelle-mêmeparDieuaumoyendelagrâce16.»Cette définition nous montre que l’acte de foi est produitconjointementparl’intelligencequiadhèreensesoumettant,parlavolontéquicommandel’adhésionetparlavertuthéologaledefoi. La vertu infuse de foi entre en cet acte comme causeprincipale.C’estellequiluidonnesaperfectionspécifiqueenlefaisant surnaturel. Nous sommes au point crucial. Essayonsd’analysersansentrerendessubtilitésdontnousn’aurionsquefairepournotresujet.Lavertudefoifaitpartiedel’organismesurnatureldonnéparle baptême. Tandis que la grâce est une participation formelle

crééemaisréelledelanaturedivine,lafoiestuneparticipationàlaviedivinecommeconnaissance.Elleest,ditsaintThomas,« une lumière divinement infuse dans l’esprit de l’homme »,«unecertaineempreintedelavéritépremière17».Elleestuneaptitude constante à connaître Dieu comme il se connaît, àrecevoir, selon lamesure limitée de la grâce créée, il est vrai,maisàrecevoirvéritablementlalumièredufoyer|lumineuxquiestDieului-même.Elleestleregarddenotreviesurnaturelle.La vertu de foi s’insère dans l’intelligence de lamême façonquelagrâcedansl’essencedel’âme.Lafoiestqualitéopérativesur notre faculté de connaître, au même titre que la grâce estqualitéentitativesurl’essence.Lacomparaisondugreffonentésurletroncpeutéclairerlesrapportsdelaviesurnaturellefixéesur la vie naturelle de l’âme. Le greffon vit du tronc dont ilutilise les racines et la sève, mais en prolongeant la tige ilproduitdesfruitsquisontspécifiquementlessiensetnonceuxdutroncprimitif.Demêmelavertudefoifixéesurl’intelligenceutilise les données que celle-ci a extraites des perceptionssensibles, mais surélève et prolonge son activité dans undomainesurnatureloùellenesauraitpénétreretluifaitproduiredesfruitsouactessurnaturels,quisontspécifiquementceuxdela vertu de foi. De même que la tige primitive est taillée etarrêtéeensacroissancepourrecevoirlegreffonetpourqueluiseul se développe et produise du fruit, demême l’intelligencedevant lemystèredivinsesoumet,s’arrêteenquelquesorteensamarchepourquelafoiqu’elleportepuisseposersonacteetdonnersonfruitsurnaturel.Comparaison grossière peut-être, mais qui nous montrecomment l’activité de la vertu de foi est liée à celle del’intelligenceetsegreffesurellepourproduirel’actesurnatureldefoi18.


Les incroyantsaperçoiventunesortedecoupde forceaccompli surnotreâme,maisilsnedistinguentpasquec’estpouryfixerquelquechosequil’atraverséeetqui risquedes’évanouir. Ilsnevoientpascetoiseauquis’estposéuninstant,etainsilegestequenousfaisons,danslevidesemble-t-il,pour le saisir aux ailes, leur paraît absurde…Mais celui qui a réellementsenti l’oiseau l’effleurer, tous ces scrupules logiques n’ont plus de senspourlui51.

Sinousn’yprenionsgardecesaffirmationssinettespourraientbiennous induireenerreurennous laissantcroireque lapaixdansl’adhésionestlesignequidonnelamesuredelaperfectionde la foi. La foi paisible et aveugle du charbonnier seraittoujoursdequalité supérieureàcellede l’intellectuelchezquil’adhésion sincère à la vérité révélée laisse une certaineinquiétudeintellectuelleetbiendesproblèmesàrésoudre.Jugerainsi,ceseraitoublierlesexigencesdel’intelligencefaitepourlalumièreetqui,devantl’obscuritédumystèrequeluiprésentelafoi,doitnormalementéprouveruncertainmalaise,sinonuneinquiétude.Cetteinsatisfactionsera|d’autantplusmarquéequel’intelligence est plusdéveloppée, plus curieuseoumêmeplusinquiète par tendance de tempérament, et elle produira uncertain mouvement des facultés, une recherche, parfois uneagitationunpeufiévreused’oùjaillirontobjectionsformuléesetangoisses irraisonnées. Tel est le mécanisme psychologiquerégulier de la tentation contre la foi, dont l’action du démonpourraencertainscasaugmenterlaviolence.Cette agitationn’est en effet que tentation.Elle sedéveloppeendehorsde lacertitudequiest fermetéd’adhésionà lavéritérévélée.Cettefermetéd’adhésion,quidécouledelavertudefoietestimpriméeparlavolonté,peutresterentièreencebruitoumême se faire plus forte et plus tenace à cause de lui. Il y acombat,troubleintérieur,tempêted’autantplusdouloureuseque

lafoiestplusviveetplusferme;maiscelle-cisefortifiedanscecombatetensortaffermieetpurifiée.L’expérience mystique qui paralyse et apaise peut ne passupprimer les tentations contre la foi : soit que, partielle ouintermittente,ellelaisseàquelquesfacultésouàtoutel’activitépsychologique, des périodes de liberté ; soit qu’elle produisedes nuits complètes, favorables au développement de latentation.Latentationcontrelafoin’estdoncpasincompatibleavecunefoiaffermie,pasmêmeavecuneexpériencemystiqueélevée. Ilnous semble important de souligner qu’elle est une épreuvedestinée à fortifier une foi qui débute, à buriner une foi déjàaffermie oumême à faire produire à une foi vive très haute lasouffrance rédemptrice quiméritera à d’autres la lumière pourmarcher dans la voie du salut.Nous songeons à l’épreuve quesubitsainteThérèsedel’Enfant-Jésusetdontelleécrivait:Aux jours si joyeux du temps pascal, Jésus m’a fait sentir qu’il y avéritablement des âmes qui n’ont pas la foi, qui, par l’abus des grâces,perdent ce précieux trésor, source des seules joies pures et véritables. Ilpermitquemonâmefûtenvahiedesplusépaissesténèbresetquelapenséedu Ciel, si douce pour moi, ne soit plus qu’un sujet de combat et detourment… Cette épreuve ne devait pas durer quelques jours, quelquessemaines ; elledevait ne s’éteindrequ’à l’heuremarquéepar leBonDieuet…cetteheuren’estpasencorevenue52…Lorsquejeveuxreposermoncœurfatiguédesténèbresquil’entourentparle souvenir du pays lumineux vers lequel j’aspire, mon tourment¬redouble;ilmesemblequelesténèbres,empruntantlavoixdespécheurs,me disent en se moquant de moi : « Tu rêves la lumière, une patrieembaumée des plus suaves parfums, tu rêves la possession éternelle duCréateurdetoutescesmerveilles,tu|croissortirunjourdesbrouillardsquit’environnent,avance,avance,réjouis-toidelamortquitedonnera,noncequetuespères,maisunenuitplusprofondeencore,lanuitdunéant.»…Ah!queJésusmepardonnesi jeLuiai faitde lapeine,mais Il saitbienquetoutenn’ayantpaslajouissancedelaFoi,jetâcheaumoinsd’enfairelesœuvres.Jecroisavoirfaitplusd’actesdefoidepuisunanquependant

toutemavie.Àchaquenouvelleoccasiondecombat,lorsquemonennemivientmeprovoquer,jemeconduisenbrave,sachantquec’estunelâchetéde se battre en duel, je tourne le dos à mon adversaire, sans daigner leregarderenface;maisjecoursversmonJésus,jeLuidisêtreprêteàverserjusqu’àladernièregouttedemonsangpourconfesserqu’ilyaunCiel.JeLuidisquejesuisheureusedenepasjouirdecebeauCielsurlaterre,afinqu’Ill’ouvrepourl’éternitéauxpauvresincrédules53.

Cette description de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus montreune tentation faited’obscurité et d’obsession, dont laviolenceprovoque une adhésion de plus en plus ferme et tenace à lavérité, et découvre le caractère rédempteur d’une telle épreuve.Laperfectiondelafoin’estdoncpasàlamesuredelapaixquil’accompagne.Une foi très forte et trèspurepeut connaîtredegrandes tempêtes. Ceci est vrai en toutes les étapes dudéveloppement de la vie spirituelle. La certitude est faiteuniquementdelafermetédel’adhésionàlavérité,certainemaisobscure.Ilnousaparunécessairedelesouligner.

E.CONCLUSIONSPRATIQUESC’est tout l’enseignementpratiquedesmaîtresduCarmelquijaillitdesvéritésexposées.Bornons-nousàensignalerquelquespointsparmilesplusimportants.1.PuisquelafoiatteintDieuetqueDieu,semblableàunfeuconsumant (ignis consumens) est toujours en activité pour sedonner, chaque acte de foi vive, c’est-à-dire accompagné decharité, met en contact avec ce foyer, place sous l’influencedirectedesalumièreetdesaflamme,end’autrestermesassureàl’âme une augmentation de la grâce, participation à la naturedivine. Quelles que soient donc les circonstances quiaccompagnentcetactedefoi‒sécheresseouenthousiasme,joieou souffrance ‒ il atteint la Réalité divine ; et même si jen’expérimenteriendececontactenmesfacultés,jesaisqu’ila


Avant-proposdelapremièreédition

Je suis fille de l’Église est la suite deJe veux voirDieu. Cedeuxième volume continue donc la description de l’itinérairespirituelthérésien.Onpourras’étonnerdecechangementdetitreàmi-chemindubut. Serait-ce que sainteThérèse, partie pour voirDieu, auraitétéassagieparlesdifficultésdelarouteetquerenonçantaubutimpossibledesonhéroïqueaventure,elleseseraitrésignéeenfinàs’installerprèsdenous,ennoshorizonsfamiliers,pourvivresimplement en bonne chrétienne et réaliser ainsi ses destinéestemporellesdefilledel’Église?Il n’en est rien. N’attendons pas de cette fière castillaned’Avila,grandieencoreparl’appeldivin,qu’elleabdiquel’idéalentrevuaudépart.Elleneconsentirajamaisà lediminuerpourl’ajusterauxtimiditésdenotrefaiblesse.Elleledécrittoujoursplusgrandetplushauttandisqu’elles’enrapproche.Sesdésirssefontplusvastesetplusardentsàmesurequ’elleleconquiertenleréalisant.Defait,elleverraDieuaussiparfaitementqu’onlepeut ici-bas, encequ’elle appelle lavision intellectuelledelaTrinitésainte.Mais,c’est le faitquenousdevonssouligner,elle ne parviendra à ces sommets qu’après avoir découvertl’Égliseetluiavoirtoutsacrifié.Chez cette contemplative qui donne son âme en écrivant, ladoctrine et la vie sont si étroitement unies qu’on ne peut lescomprendre l’une et l’autre qu’en les rapprochant. Or voiciqu’en ce monastère réformé de Saint-Joseph d’Avila dontThérèseaorganisétouslesdétailspourvoirDieuetvivreensonintimité, c’est de son appartenance à l’Église qu’elle prendconscience, c’est l’Église elle-même qu’elle découvre dans les

ardeursnouvellesquimontentdesonâme.EllecherchaitJésusetc’estleChristtotalquiserévèleàelle.Lebutn’estpointchangé,maiscombienétonnammentélargisseshorizons!EllenevoyaitqueDieuetelle;elleneveutplussavoirmaintenantqueleChristJésusetsesmembres.Lesbiensjalousement accumulés pour la découverte de Dieu, elle lesimmole autant que l’exige le bien de l’Église. Plus avide quejamais de lumière et d’intimité divines, elle sacrifie satranquillité personnelle et sa solitude pour fonder desmonastères voués à la prière douloureuse pour l’Église et elleétendsaréformeauxreligieuxafinderéaliserpareuxcequesaqualitédefemmelui interditdefaireelle-mêmepour lesâmes.Cettecontemplativesechargedesoucissansnombreetdevientunefondatricequel’ontrouvesurtouslescheminspérilleuxdel’Espagne.Un jourmême, elle laissera sonœuvrepour revenircommeprieureencemonastèredel’Incarnationqu’elleaquittédix ans auparavant parce qu’il ne nourrissait plus son âme.Accueillieparlesprotestationsdesreligieusesquinelaveulentpas, elle s’y fixe pour trois ans et, par un de ces jeuxparadoxaux dans lesquels la Sagesse d’amour affirme sapuissance et sa liberté souveraines, c’est en ce monastèreabandonnéparThérèsepourmieuxtrouverDieu,queJésusvientàellepourl’éleveràl’unionparfaitedumariagespirituel.Lemariagespirituelestuncontratenbonneetdueforme.Dieuse donne définitivement et se découvre constamment dans unevision intellectuelle. Point d’anneau cependant pour scellerl’union,maisunclouquifixeàlacroix.Pointd’appelnonplusaux intimités nuptiales,mais une invitation à travailler commeune véritable épouse pour l’honneur de l’Époux.La tranquillepossession deDieu en cette union n’est point un terme ni unrepos ; elle est unmoyenpour travailler plus efficacement.LeChrist Jésus n’épouse les âmes ici-bas qu’afin de les associer

plus étroitement à ses immolations et à ses travaux pour sonÉglise. C’est la doctrine que Thérèse développe dans lesdernierschapitresduChâteauIntérieur.Elletravailleraeneffetetsouffrirajusqu’àcequelamortvienneàsarencontreàAlbedeTormès,tandisqu’elleretournedeBurgosoùellearéalisélapluspénibledesesfondations.L’approche de la mort libère enfin ses désirs ardents de voirDieu. Elle fait briller aussi un rayon de l’au-delà qui luidécouvre ce nom nouveau, inscrit sur la mystérieuse pierreblancheremise,ditl’Apocalypse,àceuxquiontvaincudanslecombat1.Cenomnouveau,lesien,est:filledel’Église.Ellelerépèteavecunejoiequiéclateetelletombeenextase.Cenomd’éternitédeThérèsed’Avila, l’Église l’a traduit ànotreusageen inscrivant | sur le socle de sa statue en la basilique Saint-PierredeRome:Materspiritualium2.C’eût été trahir lemessage thérésien que de ne pasmettre cefait en la place qui lui revient. Je veux voir Dieu indiquaitl’aspiration essentielle de l’âme thérésienne. Je suis fille del’Églisemarqueralaqualitédesonamour,lebutdesavieetdesonœuvre,lanotecaractéristiquedelavocationqu’ellealaisséeà ses disciples. Il fallait dévoiler la dualité de cette vocationthérésienne en son mouvement simple et unique. Ces deuxparolesdesainteThérèse,celledudépartetcelledessommets,fontéchod’ailleursaudoublecrideguerred’Élie, leprophèteet le patriarche duCarmel, dontThérèse se proclame la fille :Vivit Dominus in cujus conspectu sto… Zelo zelatus sum proDominoDeoexercituum ; Ilestvivant leSeigneurenprésencedequijemetiens…JebrûledezèlepourleSeigneurDieudesarmées3.Ce titreJe suis fille de l’Église fera espérer à certains qu’ilstrouveront en ces pages une doctrine d’apostolat. N’oublions


propre26.Agitationvaineet troublante:ellesjettentdesfagotssuruneétincelleaurisquedel’éteindre:Lesdeuxautrespuissances(entendementetmémoire)viennentausecoursdelavolontépourladisposeràjouird’unsigrandbien.Parfoiscependant,alorsmêmequelavolontéestunieàDieu,elleesttrèsgênéeparcesdeuxpuissances…Cesdeuxpuissancessontalorscommedescolombesqui,noncontentes de la nourriture que le Maître du colombier leur donne sansaucuntravaildeleurpart,vontenchercherailleursets’entrouventsimalqu’ellesreviennent.Ellesvontetviennent,dansl’espoirquelavolontéleurferapartdesesdélices27.

Ces puissances, par leur agitation, se sont rendues inaptes àsavourerlesgoûtsdivins.Parfoisl’entendementneparticipeenaucunefaçonaufestindel’âme.Aussiilenéprouvedutrouble:L’âme se trouvant dans une quiétude profonde, il arrive parfois quel’entendement est complètement troublé : il lui semble que ce n’est pointdanssamaisonquecelasepasse;ils’imagineêtrepourainsidirecommeunhôtedansunedemeureétrangèreoùiln’estpascontentdesetrouver,etilenchercheuneautreparcequ’ilnesaitpassefixer28.

Ces quatrièmes Demeures, caractérisées par la quiétude, sontdoncaussidesDemeuresbienagitées.Ilarriveraencorequetouteslespuissancessoientplacéessouslesflotsdel’eauviveetcommeenivrées:L’âmeesttellementabreuvéedel’eaudelagrâce,écritlaSainte,qu’ellenepeut avancer, ellene sait d’ailleurs comment, ni retourner en arrière ; elleveut seulement jouir de cette gloire immense. Elle est semblable à unepersonnequivamourirdelamortqu’elledésireettientdéjàleciergebénienmain;ellegoûtedanscetteagoniedesdélicesplusprofondesqu’onnesauraitexprimer…Les puissances de l’âmen’ont alors d’autre liberté que celle de s’occuperentièrementdeDieu.Aucuned’elles, ce semble,n’ose remuer. Ilnousestmême impossible de les mouvoir ; et voudrions-nous mettre toute notreétudeànousdistraire,quenousnepourrionsalors,cemesemble,yréussirtout à fait.Onprononce alorsbeaucoupdeparoles à la louangedeDieu,

maissansordre,àmoinsqueDieun’enmette;dumoinsl’entendementestimpuissant à le faire. L’âme souhaiterait proclamer bien haut la gloire desonDieu.Elleesthorsd’elle-mêmeenproieaudélire leplussuave.Déjàlesfleurscommencentàs’épanouiretàrépandreleurparfums29.

Cetteoraisonainsidécriteest le troisièmedegréd’oraisonouarrosageparirrigation,quesainteThérèsedanslelivredesaViedistinguenettementdel’oraisondequiétudeparceque,dit-elle,l’eau coule avec plus d’abondance et les vertus sont plusfortes30.Elleachangéd’avisdanslarelationauP.Alvarez31etdansleChâteauIntérieuroùelle rattachecetteoraisond’enivrementàlasimplequiétude,parcequelespuissancesbienqu’enivréesnesont pas unies àDieu.Les effets sensibles sont plus intenses,l’efficacité estpeut-êtreplusgrande,mais lemoded’actiondeDieurestelemêmequedanslaquiétude:iln’yaquelavolontéquisoitenchaînéevéritablement.Sainte Thérèse constate d’ailleurs dans leChâteau Intérieurquesonexposédiffèredecequ’elleaditautrefois:Icilespuissances,cemesemble,écrit-elle,nesontpasuniesàDieu;ellessontenivréesetcommeétonnées,ellessedemandentcequec’est.Ilpeutsefairequemonlangagediffèrelégèrementdecequej’aiditailleurssurceschoses intérieures ; rien d’étonnant à cela, car depuis environ quinze ansque je lesaiécrites, leSeigneurm’apeut-êtredonnéune intelligenceplusclairedecesfaveursquejenel’avaisalors32.

Telle est l’oraison de quiétude qui enchaîne suavement lavolonté,«petiteétincelledesonvéritableamourqueleSeigneurcommence à allumer dans l’âme33 », « gage qu’il la choisitdésormais pour de grandes œuvres, si elle se prépare à lesrecevoir34».

C.LASÉCHERESSECONTEMPLATIVEOUORAISONDEFOI

Cette appellation semble évoquer un état bien différent de laquiétude. Cependant les premières formes d’oraisoncontemplativedécritespar saint Jeande laCroix sous ce titre,correspondent à l’oraison de recueillement et à la quiétudethérésienne.Saint Jean de la Croix donne ces descriptions dans leschapitresdelaMontéeduCarmel35etdelaNuitdessens36quiexposent les signes indiquant qu’une âme doit passer de laméditationàlacontemplation.Cessignesontdéjàétéétudiés37.Ilnoussuffiradoncdereprendrelesplusimportantspourmettreenrelieflestraitscaractéristiquesdelasécheressecontemplatived’aprèssaintJeandelaCroix.Pour saint Jean de la Croix, la contemplation est uneconnaissance amoureuse. Elle consiste essentiellement àrecevoir la lumière du Soleil qu’est Dieu et qui planeconstammentsurlesâmes.Cette lumièredivine, en raisonde sa transcendance, a commeeffet normal sur des puissances inadaptées à la recevoir,l’obscurité.Lanuitcaractériselacontemplation.Cette nuit est expérimentée dans l’impuissance, l’aridité, ledégoût des facultés qui ne peuvent s’appliquer aux opérationsqui leur étaient habituelles précédemment et dans lesquellesellestrouvaientcontentementetprofit.Au sein de cette désolation cependant une certaine paix semanifeste ; l’âme prend plaisir à être seule sans considérationparticulière, en quiétude et repos, sans acte ni exercice despuissances,dansuneconnaissanceamoureuse.Cetteconnaissanceamoureuseestsisubtileetsidélicatequ’audébut l’âme n’arrive pas à en prendre conscience, toute prisequ’elleestparleregretdessatisfactionssensiblesdontlaprivel’impuissance des facultés. Les premières oraisons


L’Église nous enseigne d’ailleurs que la charité nous estdonnée ici-bas tellequ’elle seradans le ciel.Les autresvertusthéologales de foi et d’espérance disparaîtront commeinstrumentsimparfaits;lacharitérestera.Ellechangerademodeet pourra jouir de son objet divin qu’elle saisira non plusseulement par la foi mais par la vision face à face ; elle nechangerapasdenaturepuisquedéjàdèsici-basellenousunitàDieu réellement, intimement, sans autre intermédiaire quel’obscuritédanslaquellelafoilalaisse.La charité trouve dès ici-bas en elle-même un correctif àl’obscuritéà laquelle la foi lacondamne.Lecontactet l’unionpar ressemblance de nature qu’elle crée avec les réalitéssurnaturelles,luiassurentnonpointlavisionmaisunecertaineperception et connaissance expérimentale de ces réalités parconnaturalité. Le privilège que possède l’amour de créer lasympathie,dedilaterdanslecontactetderéaliserunecertaineconnaissancemutuelle chez les êtresqu’elleunit, devientdansl’organismesurnatureldelagrâceledondesagesse.Danslespremièresoraisonscontemplatives,dontnoustraitons,ce don de sagesse fait expérimenter, non pas Dieu lui-même,mais le don que Dieu fait de sa charité à l’âme. C’est lemouvementde l’amourdans l’âme, sonemprise sur lavolonté,sondébordementdanslesautresfacultésetjusquedanslesens,que l’âme découvre dans la dilatation et la joie que l’amour yapporte. « La grâce est diffusée dans vos cœurs par l’EspritSaint13.»LespremièresoraisonscontemplativeséclairentcetteaffirmationdesaintPaulenattendantqueplustarddescontactsdivins plus profonds fassent expérimenter à l’âme la suite dutextedel’Apôtre«parl’EspritSaintquivousestdonné»,enluidécouvrantl’EspritSaintaucentred’elle-même.

Lesoraisonsdequiétudeetdusommeildespuissancessontlesmanifestations types de Dieu amour dans les puissances del’âme.Ilsuffitderelirelesdescriptionsthérésiennescitéesdanslechapitreprécédentpours’enconvaincre14.III.UnitédelacontemplationetlesdeuxdonscontemplatifsOn a remarqué que si on ne saurait mieux illustrer lesmanifestations deDieu amour qu’en citant les descriptions desainte Thérèse en ses quatrièmes Demeures, par contre lesmanifestations de Dieu lumière nous placent en climat san-johannique.DécrirecesdernièresnousaramenésauxsignesdelacontemplationdonnésparlesaintDocteur.Sainte Thérèse parle en effet d’amour savoureux dans lavolonté;saintJeandelaCroixparledeconnaissancereçuedansl’entendementquienestaveuglé.Y a-t-il donc deux formes bien distinctes de contemplation :l’une,lumineuse,quedécriraitsaintJeandela |Croix;l’autre,amoureuse,quiseraitcelledesainteThérèse?Distinguer deux formes de contemplation exclusives l’une del’autreseraitcontraireàlanaturemêmedelacontemplation,quiprocède en même temps de la foi et de la charité et produitconnaissanceetamour.CeseraitcontredireaussilesexposésdesaintJeandelaCroixetdesainteThérèsequel’onprétendraitinvoquerpoursejustifier.Aux deux signes privatifs produits par l’éblouissement de lalumière sur les facultés, saint Jean de la Croix ajoute untroisième signe, le plus certain, dit-il, positif celui-là, et seréférantaudondesagesse:Ce troisième signe, écrit-il, est le plus certain.L’âme se plaît à se trouverseule avec Dieu, à le regarder avec amour sans s’occuper d’aucuneconsidération particulière ; elle jouit de la paix intérieure, du calme et durepos15.

Voilà qui s’apparente étroitement à la quiétude thérésienne.D’autre part, sainte Thérèse signale elle-même dans lesdescriptions de la quiétude des effets privatifs surl’entendement:L’âme se trouvant dans une quiétude profonde, il arrive parfois quel’entendement est complètement troublé : il lui semble que ce n’est pointdanssamaisonquecelasepasse;ils’imagineêtrepourainsidirecommeunhôtedansunedemeureétrangèreoùiln’estpascontentdesetrouver,etilenchercheuneautre,parcequ’ilnesaitpassefixer16.

SaintJeandelaCroixnenousapasdonnédedescriptionpluspréciseetaussipittoresquedudésarroidel’entendementlorsquela lumière divine envahit l’intelligence. Sainte Thérèse revientfréquemment sur cette agitation de l’entendement pendantl’oraison de quiétude, entendement qu’il faut traiter pour lorscommeunfou17.Les communications de Dieu lumière et de Dieu amour sontdoncconcomitantesdanslacontemplation,mêmeaudébut,saufraresexceptions.C’estparlacommunicationd’amourquel’âmeau début prend conscience de l’envahissement de la lumière,affirme saint Jean de la Croix. Le troisième signe positif estnécessairepourcontrôlerlavaleurdesdeuxautres:Quand,eneffet,écritleSaint,elle(laconnaissancegénéraleetamoureuse)se communique en même temps à la volonté, ce qui arrive presquetoujours,l’âmenemanquepasdecomprendreplusoumoins,sielleveutyfaire attention, qu’elle est occupée de cette connaissance et qu’elle s’enentretient.Elle le reconnaît à cette suavitépleined’amourqui endécoule,sansqu’ellesachenicomprenned’unemanièreparticulièrecequ’elleaime.C’est pour ce motif qu’elle appelle générale cette connaissance pleined’amour. Car, de même qu’elle l’est dans l’entendement en secommuniquantàluid’unemanièreobscure,demêmeaussiellel’estdanslavolonté en lui communiquant l’amour et la suavité d’une façon confuse,sansqu’ellesachedistinctementcequ’elleaime18.


Du dommage privatif le Saint a déjà parlé. Il y revient pourrésumerentermesénergiques:Dansl’ordrenatureldeschoses,uneformenepeutpass’introduiredansunsujetsiellen’enapastoutd’abordchassélaformecontraire;carcelle-ci,tantqu’elledure, luiestunobstacle ; ilya incompatibilitéentre lesdeux.Demême,tantquel’âmeestassujettieàl’espritsensibleetanimal,elleestincapable de recevoir l’esprit purement spirituel.AussiNotre-Seigneur¬ aditdanssaintMatthieu:«Iln’estpasjustedeprendrelepaindesenfantspourledonnerauxchiens24»,etdansunautreendroit:«Veillezànepasdonnerauxchienscequiestsaint25»26.

Lesdommagespositifssontlonguementexposés.SaintJeandelaCroixfaitpasserdanscespages,qu’onvoudraitpouvoirciterinextenso, toute son horreur du péché enmême temps que sasouffrance de voir tant d’âmes rester dans la médiocritéspirituelleparcequ’elles|nemortifientqu’imparfaitementleurstendances.Quelquescitationsnousdonnerontledésirdelireetd’analyserletextelui-même.1.Voicid’abordlafatigueproduiteparlestendances:Ilestclair,écritleSaint,quecestendanceslassentetfatiguentl’âme.Ellesressemblent à de petits enfants inquiets et mécontents, qui ne cessent dedemander tantôtunechose, tantôtuneautreà leurmère,etnesont jamaissatisfaits…Cetteâmeselasseetsefatigueàcausedesestendances;elleestcommelemaladequialafièvre:àchaqueinstantsasoifaugmente,ilnesetrouvebienquelorsquelafièvre l’aquitté…L’âmeestfatiguéeetaffligéeparsestendances,quilablessent,lasecouentetlatroublentcommelesontles flots sous l’action des vents. Comme eux, elle est bouleversée sanspouvoirtrouvernullepartunmomentderepos.Isaïeditenparlantdecesâmes:«Lesimpiessontcommeunemeragitéequinepeutsecalmer27.»… Elle se lasse et fatigue, l’âme qui veut satisfaire ses penchants ; elleressembleàceluiqui,pousséparlafaim,ouvrelabouchepourserassasierdevent ;et, au lieudese rassasier, il sedessèchedavantage,parceque leventn’estpassonaliment28.

2.Cettefatiguepourêtreaccablanten’estpaspaisible,c’estlafatigued’unfiévreuxetd’unagité.

Il y a un secondgenredemal positif que les tendances causent à l’âme :elles la tourmententet l’affligent…C’est làcequeditDavid :« Ilsm’ontcirconvenu comme des abeilles qui m’ont piqué de leurs dards et m’ontembrasécommelefeuembraselesépines29.»Carnostendances,quisontdevéritablesépines,activent le feudenosangoissesetdenos tourments.Demêmequele laboureurquiaenvuelamoisson,piqueet tourmentelebœuf attaché à la charrue, ainsi la concupiscence afflige l’âme par sestendancesdanslebutd’obtenircequ’elleveut…NousenavonsuneimageaulivredesJuges.NousylisonsquelevaillantSamsonétaitfort,jouissaitdelalibertéetétaitjugeenIsraël.Maisiltombeaupouvoirde ses ennemisqui lui enlèvent sa force, lui crèvent lesyeux,l’obligentàtournerunemeuledemoulinetainsil’affligentetletorturentàl’envi30. Tel est le sort de l’âme chez qui les tendances sont vivantes etvictorieuses ; elles commencent par l’affaiblir et l’aveugler, comme nousallonsledirebientôt,puisellesl’affligentetlatourmententenl’attachantàlameuledelaconcupiscence;lesliensquil’attachentdelasortesontceuxmêmesdesestendances.OrDieuapitiédecesâmes…Notre-SeigneurnousditdanssaintMatthieu:« Venez àmoi, vous tous qui êtes tourmentés et qui êtes accablés par lepoidsdevossoucisetdevostendances;|sortez-en,venezàmoi,etjevoussoulagerai;voustrouverezpourvosâmeslerepos31»32.

3. Le troisième mal causé par les tendances est encore plusgrave et plus nuisible, surtout pour le contemplatif. Lestendancescommelespassionsaveuglent.Tels lesnuageset lesbrouillards qui voilent les rayons du soleil, elles arrêtent lalumièredeDieuetcelledelaraison.L’hommeestaveugléparsatendancequirègneenmaîtressedansl’obscuritéqu’ellecrée.Ellesaveuglent l’âmeetobscurcissent laraison.Demêmequelesvapeursobscurcissentl’airetinterceptentlesrayonsdusoleil,ouqu’unmiroirternine peut reproduire nettement l’objet qui lui est présenté, ou qu’une eaubourbeusenepeut reproduire les traitsde celuiqui s’y regarde,demêmel’âmequicèdeà ses tendancesa son intelligenceobscurcie ; ellene laissepas le soleil de la raison naturelle ni le soleil surnaturel de la sagesse deDieul’investiretl’éclairer.Aussileprophèteroyaladitàcepropos:«Mesiniquitésm’ontenvironné,etjen’aipuvoirlalumière33.»Parcelamêmeque l’intelligence est obscurcie, la volonté est affaiblie et la mémoire est

engourdie, en un mot, le désordre s’est introduit dans les opérations del’âme ; car ces puissances dépendent dans leurs opérations del’entendement……Lestendancesaveuglentetobscurcissentl’âme,parcequelestendances,commetelles,sontaveugles;parelles-mêmesellesnecomprennentrien,etla raison est toujours leur guide assuré. Aussi, chaque fois que l’âme selaisseentraînerparsestendances,elles’aveugle;elleressembleàceluiquivoit et se laisse guider par celui qui ne voit pas… Il sert de peu au petitpapillon d’avoir des yeux, puisqu’il se laisse charmer par la beauté quil’attire pour le consumer. Nous pouvons dire encore que celui qui secomplaîtdanssestendancesressembleaupoissonqui,éblouiparlalumièrequ’on luiprésente,nevoitpas lespiègesque luiont tendus lespêcheurs.C’estcequeDavidfaittrèsbiencomprendrequandilditdepareillesâmes:«Lalumièreafrappéleursyeuxetellesn’ontplusvulesoleil34»…Oh!si leshommessavaientdequelprixestcette lumièredivinedont lesprivel’aveuglementcauséparleurstendancesetleursattraits!s’ilssavaientdans combien demaux et de dangers ils tombent chaque jour, en ne lesmortifiant pas chaque jour ! Il ne faut pas se prévaloir de la belleintelligenceetdesautresdonsquel’onareçusdeDieupours’imaginerqueleurs attraits et leurs tendances ne produiront pas l’aveuglement oul’obscurcissement,etnelesferontpastomberpeuàpeudansunétatpire.Et,eneffet,quiauraitpucroirequ’unhommeaussiaccompli,aussisageetaussi richedes donsdeDieuque l’était Salomondevait envenir à un teldegréd’aveuglementetdefaiblessedevolonté |qu’ilélèveraitdesautelsàunefouled’idolesetlesadorerait,bienqu’ilfûtdéjàvieux35?Etpourfaireune telle chute qu’a-t-il fallu ? Il a suffi de l’affection qu’il portait à desfemmes étrangères et de sa négligence à mortifier ses tendances et lessatisfactionsdesoncœur36.

4.Livréeaveugleparlestendancesàl’instinct,l’âmecontracteune souillure. Cette souillure est celle que lui impriment lescréatures auxquelles les tendances l’attachent d’une façondésordonnée. C’est le quatrième dommage que les tendancescausentàl’âme.C’est cequedit l’Ecclésiastique37 par cetteparole : «Celui qui touche lapoix en est souillé. » Or, celui-là touche la poix qui se complaît dansquelquecréature…Mettezdel’orouundiamantdanslapoixbouillante,ils


2.MontéeL.1,c.2,p.30[1,2,1].3.MontéeL.1,c.1,p.27[1,1,1].4.Ibid.,c.3,p.34[3,3].5.Ibid.,p.35[3,4].6.MontéeL.1,c.3,p.33[3,1].7.Ibid.,c.2,p.30.32[1,2,1.5].8.MontéeL.1,c.4-12,p.36-81[1,c.4à12].9.NuitL.1,c.2-7,p.486-508[1,c.2à7].10.Montée,Prologue,p.19[Prol.,1].11.2Co6,14.12.MontéeL.1,c.4,p.36-37[1,4,2].13.MontéeL.1,c.4,p.37-38[1,4,3].14.Ibid.,p.38[1,4,4].15.Pr31,30.16.MontéeL.1,c.4,p.38[1,4,4].17.Lc14,33.18.MontéeL.1,c.5,p.43-44[1,5,2].19.Ex16,3ets.20.Nb11,4.21.Ps77,31.22.MontéeL.1,c.5,p.44-45[1,5,3].23.MontéeL.1,c.5,p.45[1,5,4].24.Mt15,26.25.Mt7,6.26.MontéeL.1,c.6,p.50[1,6,2].27.Is57,20.28.MontéeL.1,c.6,p.51-52[1,6,6].29.Ps117,12.30.Jg16,21.31.Mt11,28.32.MontéeL.1,c.7,p.54-56[1,7,1-4].33.Ps39,13.34.Ps57,9.35.1R11,4.

36.MontéeL.1,c.8,p.57-61[1,8,1-3.6].37.Si13,1.38.MontéeL.1,c.9,p.63[1,9,1].39.MontéeL.1,c.9,p.64-65[1,9,3].40.Ibid.,c.10,p.68-70[1,10,1-3].41.MontéeL.1,c.12,p.78-79[1,12,1-4].42.Ibid.,c.12,p.81[1,12,6].43.Ibid.,c.11,p.71[1,11,2].44.Pr24,16.45.MontéeL.1,c.11,p.73[1,11,3].46.Ibid.,p.71[1,11,2].47.Ibid.,p.73[1,11,4].48.MontéeL.1,c.11,p.74-75[1,11,4-5].49.NuitL.1,c.1,p.486[1,1,3].50.Ibid.,c.2,p.486-487[1,2,1-3].51.NuitL.1,c.2,p.488-489[1,2,3-5].52.Ibid.,c.2,p.491[1,2,8].53.Ibid.,c.3,p.492[1,3,1].54.NuitL.1,c.4,p.494-496[1,4,1-2].55.Ibid.,p.496-497[1,4,3-4].56.NuitL.1,c.4,p.498[1,4,7].57.Ibid.,c.5,p.499[1,5,1].58.Ibid.,p.500[1,5,2].59.Ibid.,p.500[1,5,3].60.NuitL.1,c.6,p.501-505[1,6,1-2.5.6-7].61.NuitL.1,c.7,p.506-507[1,7,1-4].62.MontéeL.1,c.1,p.27[1,1,2].63.NuitL.1,c.8,p.509[1,8,1].64.MontéeL.1,c.13,p.82[1,13,1].65.NuitL.1,c.3,p.493-494[1,3,3].66.Ibid.,c.7,p.508[1,7,5].67.IntroductionàlaMontéeduCarmel,par leP.Lucien,p.7[LesŒuvresspirituelles…,t.1].68.Montée,Prologue,p.24[Prol.,9].


a) La Sagesse d’amour n’afflige que pour guérir. L’âme s’enrend compte et saint Jean de la Croix met sur ses lèvres cesvers:

Oh!l’heureuxsort!Jesortissansêtrevue,

quiindiquentlemouvementréaliséenlanuitpassivedusens:Cette sortie s’entend de la sujétion où l’âme était tenue dans sa partiesensitivequil’obligeaitàchercherDieupardesmoyenssifaibles,silimitéset dangereux comme ceux de cette partie inférieure… Ce qui semblait àl’âme si dur, si amer et si contraire à ses goûts spirituels est devenu lasource de tant de biens. Or, ces biens…, l’âme les acquiert quand, à lafaveurdelanuitobscure,elles’éloigneparsesaffectionsetsesœuvresdetoutesleschosescrééesets’élèveverslesbienséternels;c’estlàungrandbonheuretuneheureusefortune30.

Cette « infusion secrète, paisible et amoureuse de Dieu31 »qu’est lacontemplation, libère l’espritdesa | sujétionausens,apaisepeuàpeu,danslanuit,lesenslui-mêmeetpermetainsile libre et paisible commerce de l’âme avec Dieu qui secommuniqueparlesdons.La demeure de la sensualité, écrit le Saint, est déjà dans la paix ; lespassions sont mortifiées, les convoitises sont apaisées, les tendancescalmées et endormies par le moyen de cette bienheureuse nuit de lapurification des sens.Aussi l’âme est-elle sortie ; elle commence à entrerdans cettevoiede l’esprit qui est cellede ceuxqui avancentou sontdéjàavancés et qu’on appelle encore voie illuminative, ou voie decontemplation infuse ; c’est là queDieu nourrit l’âme de Lui-même et lasustente sans qu’elle y contribue par des raisonnements, une coopérationactiveouuneindustriequelconque32…

L’adaptation du sens à l’action deDieu dans l’esprit, la paixsilencieuseetledébordementdesaveurdansl’âmetoutentièrequiensontlefruit,telestl’effetessentieldelanuitpassivedusens.

b)Àceteffetprincipals’ajoutent,notesaintJeandelaCroix,desbiensparticuliersquisontprécieux, infusionde lumièreetd’amour.1.LalumièredelaSagessed’amourdanslasouffranceéclairel’âmesurelle-même:…Lepremieravantagequiendécoule(delanuitdecontemplation)…estlaconnaissancedenous-mêmeetdenotrepropremisère…Lasécheresseetlevideoùsetrouventlespuissances…luifontdécouvrirenelle-mêmeunebassesse et une misère qu’elle ne voyait pas au temps de sa prospérité.Nousenavonsune figure frappantedans l’Exode.Dieu, voulant humilierlesenfantsd’Israëletleurapprendreàseconnaître,leurordonnadequitterleurcostumeetleurshabitsdefêtedontilsétaientvêtusd’ordinairedansledésert,et il leurdit :«Désormaisvousneporterezpluscesornementsdefête ; vous porterez les vêtements ordinaires du travail, afin que voussachiezletraitementquevousméritez33»…Àl’époqueoùl’âmeétaitpourainsidireenfête,elletrouvaitenDieubeaucoupdejoie,deconsolationetde soutien ; elle était un peu plus satisfaite et contente ; il lui semblaitqu’elletravaillaitquelquepeuàlagloiredeDieu…Maismaintenantqu’elleaprisunvêtementdetravail,qu’elleestdanslessécheressesetl’abandon,que ses premières lumières se sont éteintes, elle a et elle possède plusvéritablementcettevertusiexcellenteetsinécessairedelaconnaissancedesoi, elle n’a plus aucune estime ou satisfaction d’elle-même, car elle voitqued’elle-mêmeellenefaitrienetnepeutrien.OrDieuestimedavantagecepeude|satisfactionqu’ellead’elle-mêmeetladésolationoùelleestdene pas le servir, que toutes ses œuvres et ses joies antérieures quelqueélevéesqu’ellesfussent34…

2.Lalumière,quimontreàl’âmesamisère,l’éclaireaussisurlagrandeuretl’excellencedeDieu.Saint Jeande laCroixseplaîtàciter les textesbibliquesquiconfirment¬cetteaffirmationdesonexpérience:«Votrelumièrebrilleraauseindesténèbres…latribulationnousamèneàla connaissance de Dieu…À qui Dieu enseignera-t-il sa science ? À quifera-t-ilcomprendresaparole?Àceuxquisontsevrésdulaitdesenfants,àceux que l’on a éloignés du sein maternel35 »… « C’est dans une terre

déserte,sanscheminetsanseau,quejemesuisprésentédevantvous,pourcontemplervotrepuissanceetvotregloire36»37.

Lesapplicationssont facileset leSaintnemanquepasde lesfairepourprouverquelanuitdusensestdéjàlumineuseetquelaconnaissancedesoi-mêmeproduiteparlanuitest le fondement de la connaissance de Dieu. C’est pour cela quesaint Augustin disait à Dieu : Que je me connaisse, Seigneur, et jevous connaîtrai. Car disent les philosophes, un extrême fait connaîtrel’autre38.

3. De cette double lumière jaillit le respect dû à la majestédivine:Cette faveur des goûts (que l’âme sentait précédemment) lui inspirait àl’égard de Dieu plus de hardiesse qu’il ne fallait ; elle avait moins deretenueetmoinsd’égards39.

Dans lanuitdu sens, la transcendancedivineestperçuedansl’obscurité. L’âme semet donc en la place et en l’attitude quiconviennent et à l’exemple de Moïse qui, devant le buissonardent, ayant ôté sa chaussure « devint simodeste et si retenuquenonseulement,nousditlasainteÉcriture40,ilcraignaitdes’approcher, mais qu’il n’osait même plus regarder », l’âme«aprèsavoirôtéseschaussures,cequisignifielamortificationdes tendances et des goûts… reconnaît la profondeur de samisère41»commeilconvientpourentendrelaparoledeDieu.4. Cette attitude respectueuse devant Dieu est un signe del’humilitéquel’âmeaacquiseencettenuit.Lesvicesspirituelsdécritsprécédemmentsepurifienteneffetencettenuit,l’orgueilavec toute sa suite d’imperfections, l’avarice, la gourmandisespirituelle,l’envieetlesautresvices:Commeelle(l’âme)sevoitdansunetelleariditéetunesiprofondemisère,ellen’apas,mêmeparunpremiermouvement, lapenséequ’ellesoitplus


LesbiensqueDieucommuniquedanscettecontemplationsontineffables. C’est toute une transformation qui s’opère,transformation dont saint Jean de la Croix nous dit lesmerveillesdans leCantiqueSpirituelet laViveFlamme ;maisDieun’agitquesinoussommessilencieuxetpaisibles.Les biens que cette communication silencieuse et cette contemplationimpriment dans l’âme, sans qu’elle le sente alors, sont, je le répète,inestimables.Cesont,eneffet,desonctionstrèsmystérieuses,et,parsuite,très délicates de l’Esprit Saint ; elles remplissent secrètement l’âme derichesses,defaveursetdegrâcesspirituelles;dèslorsquec’estunDieuquiles produit, il agit nécessairement comme un Dieu… Mais avec quellefacilitél’âmepeutles(onctions)perdre!Ilsuffitpourtouttroublerdupluspetitactequ’elleveuilleaccomplirparelle-même,à l’aidedesamémoire,desonentendementetdesavolonté,oubiendumoindreusagedesessens,desestendancesetdesesconnaissancespersonnellesqu’ellevoudrafaire,ouencoredelapluspetitesaveuretconsolationqu’elleacceptera;etalorstout est troublé et perdu. Il y a là une imprudence grave qui est bien denature à exciter la douleur et la compassion.Oh ! quelmalheur affreux !On ne le soupçonne pas au début ; ce n’est qu’un petit rien qui s’estinterposédanscesonctionssaintes;etcependantledommagequienrésulteestplusgrand,plusdouloureuxetplusdéplorablequesil’onjetaitdansletroubleetsil’onperdaitunefouled’âmesvulgairesquinesontpasenétatderecevoirdesémauxsirichesetsivariés.Figurez-vousqu’untableauquiestunchef-d’œuvred’art etdedélicatesse soit retouché sansgoût et sansartparunemainmaladroite.Est-cequ’iln’yauraitpaslàundommageplusgrand, plus important et plus fâcheux que si l’on abîmait et perdait unefouledepeinturesvulgaires ?Or il s’agit icid’uneœuvre trèsdélicateduSaint-Esprit,etelleestgâtéeparunemainmaladroite11.

Dans ce passage, saint Jean de la Croix parle des degréssupérieurs de la contemplation. En ses degrés inférieurs,l’emprise divine a droit au même respect et exige la mêmeattitude silencieuse. Plus compa¬tis¬sant à l’égard descommençantsqui ignorent, lesaintDocteurn’enestpasmoinspressantàleurrecommanderlapaixetlesilence:

C’est donc une chose digne de pitié, écrit-il, d’en voir un grand nombrequi,voulant lereposet lecalmedelaquiétudeintérieurepourygoûter lapaixets’ynourrirdeDieu,troublentleurâme,laramènentdehorsàcequiest plus extérieur, l’obligent à recommencer sans motif le chemin déjàparcouru,quittentcebut,cetermeoùellesereposaitdéjà,etreprennentlechemindesconsidérationsqui l’yavaientamenée…Malheureusementcespersonnes ne comprennent pas le mystère de cette nouveauté ; elless’imaginentqu’ellessontdansl’oisivetéetqu’ellesnefontrien12.

Ces pauvres âmes perdent le profit des bienfaits de lacontemplationqui commence.Saint Jeande laCroixmultiplieles comparaisons pourmettre en relief les dommages produitsparcetteagitation.L’âmeressemble|àl’enfantquel’onforceàabandonnerleseinoùilprendlelaitquiyestdéjàamené,pour l’obligerà l’yattirerpar lapressionet lemouvementdesesmains13,

ouencore:aupetitenfantquelamèreveutportersursesbrasetquipleureets’agitepour marcher à pied ; aussi n’avance-t-il pas et empêche-t-il sa mèred’avancer. Elle ressemble encore à la toile sur laquelle un artiste veutpeindreunportrait,maisquiestremuéeparunautre;ilenrésultequeriennesefaitouquel’ongâtetout14.

Ceretouràlaméditationproduitunerecrudescencedepeineetd’inquiétude, ainsi que nous l’avons dit en parlant dessouffrancesdelapurificationdusens:Cetteméthode,ditleSaint,leurdonne(auxâmes)beaucoupdepeine,maisleurprocuretrèspeudesuavitéetmêmeneleurenprocureaucune;parlà,au contraire, elles augmentent d’autant plus la sécheresse, la fatigue etl’inquiétude,qu’ellesrecherchentdavantagelasuavitépremièrequ’iln’yaplusespoirderecouvrer15.Plus elles persévèrent dans cette conduite, et plus leur état empire, parcequ’ellessortentleurâmedelapaixdel’esprit16.Ainsidoncd’uncôté l’âmese fatigue,etde l’autreelleneprofitepas.Envoulant se servir de son propre esprit, elle perd cet esprit de paix et detranquillitéoùellesetrouvait17.

Respectdel’actiondeDieuetprofitspirituels’unissentdoncpour imposerà l’âme ledevoirde restersilencieuseetpaisibledanslacontemplation.Les témoignages de sainte Thérèse sur ce point nemanquentpas.Nousréservonssesenseignementsprécisetnuancéspourlemomentoùnousferonsl’applicationpratiquedeceprincipeauxdiversesoraisonsdecettepériode.2. Par contre, la Sainte souligne par des affirmationsvigoureusesledeuxièmedevoir,àsavoirlanécessitédesuppléerpar l’activitédes facultés,aumanqueouà l’imperfectionde lacontemplation.LaSainte, en effet, estime nécessaire d’insister sur ce devoir,surtoutauprèsdel’âmequiaexpérimentél’emprisedeDieuetquinepeutpasnepasdésirerlaretrouver:Vous voudriez, mes filles, écrit sainte Thérèse, chercher à vous procurerimmédiatement cette oraison (de quiétude), et c’est juste ; car l’âme, je lerépète, ne saurait approfondir les faveurs que leSeigneur lui fait alors nil’amouraveclequelill’approchetoujoursdavantagedelui18.

Désir légitime, certes. Mais pour le réaliser, ne faut-il pasessayerdeseplacerdansl’attitudepassivequ’exigentcesétatssurnaturelsetainsiessayerdeprovoquer l’emprisedivine?Nepourrait-onpastrouverdansl’enseignementdesaintJeandelaCroixune invitationà adopterd’une façonhabituelle,pendantcettepériodedetransition,unetelleattitudepassive?Folie!répondsainteThérèse19:SiSaMajestén’apasencorecommencéànousenivrerdesesdélices,jenesaurais comprendre comment on pourrait empêcher l’entendement dediscourir;ilenrésulteraitplusdedommagequedeprofit.C’estlàunpointquiaété trèsdiscutéentreplusieurspersonnagesadonnésà la spiritualité.Pourmoi, je confessemon peu d’humilité ; mais je ne trouve pas qu’ilsm’aient donnéune raison convaincantepourque jeme range à leur avis.L’un d’eux m’allégua un certain livre du saint religieux appelé Pierre


Sainte Thérèse nous laisse donc penser que cette activité desfacultés sera bien simplifiée et se bornera à soutenir uneattentiongénéraleàDieuetàsaprésence:Voicicequejecomprends,écrit-elle.Cequiconvientlemieuxàl’âmequeleSeigneur a daigné élever à cette demeure, c’est de faire ce que j’ai dit.Elledoits’appliquersansviolenceetsansbruitàempêcherlesdiscoursdel’entendement, mais non pas à le suspendre ; j’en dis autant del’imagination. Il est bon, au contraire, qu’elle se rappelle qu’elle est en laprésencedeDieu,etconsidèrequiIlest.Sicequel’entendementéprouveen lui-même le ravit, à la bonne heure ; mais qu’il ne cherche pas àcomprendre¬cequec’est, carune telle faveur est accordéeà lavolonté ;qu’il la laisse donc en jouir, sans rien faire de plus que de lui suggérerquelques paroles d’amour ; car bien que nous ne cherchions pas à resteralorssanspenseràrien,celaarrivesouvent,maisduretrèspeudetemps43.

Cesderniers conseils ont déjà trait à l’oraisondequiétude etrésument un enseignement que sainte Thérèse s’est plu àdévelopper, parce qu’elle l’estimait pratique pour un grandnombred’âmes:Daigne Sa Majesté m’aider à bien faire comprendre ce point. Car il y abeaucoup,oui,beaucoupd’âmesquiarriventàcedegré,maisilyenabienpeuquiledépassent,etjenesaisàquienattribuerlafaute.Àcoupsûr,cen’estpasàDieu44.

2.L’oraisondequiétudeDécriteassezlonguementdanslechapitredéjàcité,l’oraisondequiétudeestunepetiteétincelledesonvéritableamourqueleSeigneurcommenceàallumerdansl’âme45.

L’âmepossède en même temps un très grand contentement, le repos de sespuissances et unplaisir très suave…Ellen’oseni changerdeplace, ni seremuer, car il lui semblequece trésor lui échapperait ; parfoismêmeellevoudraitnepasrespirer46.

Pour décrire cette suavité, les comparaisons viennentnombreusesàl’espritdesainteThérèse:

Quand cette eau céleste coule de la source dont j’ai parlé qui est au plusintime de nous-mêmes, tout notre intérieur s’élargit et se dilate… L’âmeelle-même est impuissante à comprendre les dons qui lui sont accordésalors. Elle respire une suave odeur…, comme si dans ce fond intime il yavaitunbrasieroùl’onjetâtdesparfumslesplusembaumés.Onnevoitnila flamme du brasier, ni l’endroit où il est, mais la chaleur et la fuméeodoriférantepénètrentl’âmeentière,etmêmebiensouvent, jelerépète, lecorpslui-mêmeyparticipe47.

Maisdanscetteoraison,note sainteThérèse, seule lavolontéestprise:L’âme s’imagine qu’elle n’a plus rien à désirer ; ses puissances sont dansunetellequiétudequ’ellesnevoudraientpasseremuer;defait,toutsemblel’empêcher d’aimer. Toutefois les puissances ne sont pas tellementenchaînéesqu’ellesnepensentàceluiauprèsdequiellessetrouvent.Deuxd’entreellesrestentlibres.Lavolontéseuleestcaptive48.

MêmeremarquedansleChâteauIntérieur49etdanslelivredesaVie:Les puissances ne sont ni perdues, ni endormies. La volonté seule estoccupée,sanssavoircomment,àserendrecaptive.Ellenepeutquedonnerson consentement, pour que Dieu | l’emprisonne, assurée qu’elle est dedevenir la captivede celui qu’elle aime.Ô Jésus !ÔmonDieu ! commevotreamournousaide ici ! Il tient lenôtre tellementenchaînéqu’ilne luilaissepaslalibertéd’aimeralorsautrechosequevous50!

Ledevoirdel’âmeestévidemmentdeprotégercettepaixdelavolonté captive de celui qui l’a prise. Cette paix est moinsmenacée par les tentations extérieures, que par l’agitation desfacultésintérieures,parl’entendementetlamémoire.SainteThérèsequisembleavoirbeaucoupsouffertdubruitdecesfacultés, reviententousses traitéssurcette lutte intérieureet sur lesmoyens d’y triompher.L’entendement, l’imagination,la mémoire participent parfois à la jouissance de la volonté ;fréquemment elles semblent l’ignorer. Dans les deux cas, leuractivitépeutêtredangereuse.

Quandellesontparteneffetàlajouissance,elles viennent au secours de la volonté pour la disposer à jouir d’un sigrandbien51.

Maisleursecoursestplutôtnuisible,carilportel’agitation:Cesdeuxpuissancessontalorscommedescolombesqui,noncontentesdelanourriturequelemaîtreducolombierleurdonne,sansaucuntravaildeleur part, vont en chercher ailleurs et s’en trouvent si mal qu’ellesreviennent… Elles pensent évidemment être utiles à la volonté, maissouvent au contraire la mémoire ou l’imagination lui fait tort, en luireprésentantlebonheurdontellejouit52.

Quantàl’entendement,ilcherchebeaucoupdeparolesetdeconsidérationspourrendregrâcedecebienfait,entassesespéchésetsesfautespoursepénétrerdesonindignité.Toutes ces choses se remuent alors, l’entendement les représente, lamémoires’agite;etj’avouequeparfoiscesdeuxpuissancesmefatiguent53.

En d’autres occasions, l’entendement et les autres puissancessontquasiaffolés:L’entendement s’arrête, ou mieux, est arrêté, parce qu’il voit qu’il necomprendpascequ’ilveut;voilàpourquoiilseporteicietlàcommeuninsensé,sanstrouverdereposnullepart54.L’âme se trouvant dans une quiétude profonde, dit encore sainte Thérèsedans leChemin de la Perfection, il arrive parfois que l’entendement (oul’imagination) est complètement troublé : il lui semble que ce n’est pointdanssamaisonquecelasepasse;ils’imagineêtrepourainsidirecommeunhôtedansunedemeureétrangèreoùiln’estpascontentdesetrouver,etilenchercheuneautre,parcequ’ilnesaitpassefixer55.

Impressionétrange,certes!Etcependantn’est-ilpasnormal,cedésarroi fiévreux des facultés devant l’immobilité et le silencedelavolonté,leurmaîtresse,demêmequel’impressionden’êtrepluschezsoiencettedemeuredésormaissous l’emprised’unepuissancemystérieusequinerévèlequesaforce.On le voit, l’oraison de quiétude vit sous des climats biendifférents. Comment faire pour la protéger contre la bonne


cesétatsaussinombreuxetaussivariésquelesâmesetquelesmomentsdecontemplationenchacune.C’est l’exercice de la vertu de foi qui leur convient. Maiscomment pratiquement en faire les actes ? Ce ne sera pashabituellementenutilisantuneformule,maisenmaintenantunregard fixé, en gardant une attitude intérieure qui exprimentl’orientationdel’âmeversDieu,attentionpaisibleetactualisée,ouvertureàsonaction.C’estbieneneffetparlafoiquelecontactavecDieuestétablietmaintenu.LesdonsduSaint-Espritd’ordinaireperfectionnentla foi qui agit. Nous n’avons pas le droit de compter sur uneemprisedeDieuqui suspende les facultés et agisse sansnotreconcours.Lasécheresseetl’impuissancenouslaissentledevoird’exerceractivementnotre foid’une façonpaisibleet subtile,de la teniréveillée en un regard pénétrant sur la Réalité perçue ousoupçonnée, en une oraison jaculatoire brève et ramassée quel’on redit sans cesse parce qu’à chaque fois elle rend Dieuprésentetvivant,ouencoreenunesimpleattitudedepaixsousl’action de Dieu, en une attente patiente d’un Dieu qui s’estcaché et nous a réduits à l’impuissance pour que nous letrouvionsplusprofondément.SainteThérèsedel’Enfant-Jésus,touràtourrestepaisibledansle souterrain où ne brillent que les clartés qui tombent « desyeuxbaissésdelaFacedeJésus»,ougardeleregardfixésurlenuagequidissimuleleSoleildivindontelleconsentàattendreles clartés lumineuses jusqu’au « jour sans couchant oùs’éteindrasafoi9».SainteJeannedeChantalconseilleàl’âmede se tenir immobile en présence duMaître, comme une toiledevantl’artistequidoitl’animerd’undessinvivant.

Maisau-delàdecesmodesparticuliers,voicil’enseignementdesaintJeandelaCroixsurl’exercicedelafoiencesrégions:L’âmearrivéeàcetétatdoitsuivreuneméthodetoutopposéeàlapremière.Précédemment on lui donnait un sujet de méditation, et elle méditait,maintenant on doit lui enlever tout sujet deméditation et, je le répète, nepas la laisserméditer ;d’ailleurs levoudrait-ellequ’ellene lepourrait ;aulieu de trouver du recueillement elle ne réussirait qu’à tomber dans desdistractions…Envoulantseservirdessens,ellesedétourneraitdecebienpacifiqueet tranquillequeDieu répandpeuàpeudanssonesprit…Voilàpourquoi lorsque l’âme est dans cet état, il ne faut jamais lui imposerl’obligationdeméditer,des’exerceràproduiredesactes|deraisonnements,de chercher de la suavité et de la ferveur. Ce serait mettre un obstacle àl’agentprincipalqui,jelerépète,n’estautrequeDieu.C’estLuiqui,d’unemanièresecrèteetpaisible,répandpeuàpeudansl’âmeunesagesseetuneconnaissance pleines d’amour, sans recourir à des actes particuliers, bienqu’Il le fasse parfois durant quelque temps.L’âmedoit se contenter alorsd’élever avec amour son attention vers Dieu sans former d’autres actesparticuliers.Elledoit,jelerépète,seconduired’unemanièrepassive,sansfaire par elle-même le moindre effort, et garder pour Dieu une attentionpleined’amour,simple,candide,commefaitquelqu’unquiouvrelesyeuxpour regarder avec amour. Dès lors en effet que Dieu, dans sa manièred’agir, traite l’âmeavecuneconnaissance simpleetpleined’amour, l’âmedans sa manière de le recevoir doit traiter avec Lui également avec uneconnaissancesimpleetpleined’amour10.… Pour la recevoir (la connaissance surnaturelle), l’âme doit êtreabsolument indépendante de sa manière naturelle d’agir, libre, tranquille,pacifiqueetpleinedesérénitéà l’exempledeDieu,commel’airquireçoitd’autant plus la lumière et la chaleur du soleil qu’il est plus pur, plusexemptdevapeurs,pluspurifiéetpluscalme.Ainsidoncl’âmenedoitêtreattachéeàrien,niàunexercicedeméditationdiscursive,niàunesaveurquelconque,sensibleouspirituelleouàunautremoded’agirquelqu’ilsoit11.…Elledoit être sans appui créé, à sonposte, l’esprit dégagéde tout, elledoitsurtoutaccomplircequefaisaitleProphèteHabacucpourseprépareràécouter le Seigneur : « Je me tiendrai debout, dit-il, et je serai sur mesgardes, jedemeureraifermesurmesremparts,et jecontempleraicequ’onme dira12. » C’est comme s’il disait : j’élèverai ma pensée au-dessus de

toutes les opérations et de toutes les connaissances qui peuvent atteindremessens,commeaussiau-dessusdetoutcequ’ilsontpugarderouretenireneux-mêmes.Celafait,jelaisseraitoutenbas,jeconsolideraimespassurles remparts de mes puissances et ne les laisserai accomplir aucun acte,pourquejepuisserecevoirparlavoiedelacontemplationcequimeseracommuniqué de la part de Dieu ; car, nous l’avons déjà dit, lacontemplationpureconsisteàrecevoir13.

Ce texte décrit d’une façon particulièrement heureusel’isolementpaisibledel’âmedanslarégiondel’esprit.LeSaintneselassepasd’insistersurledégagementetlapaixnécessaires à la pureté de la foi. En cette sécheresse quiressemble parfois à la mort, l’âme doit être affermie contrel’activisme intellectuel qui cherche un aliment en la penséedistincte et contre le découragement qui s’affaisse dans lapassivitécomplète.Elledoitgardersafoiéveillée,droite,pure,dégagéedetout,telleuneantenne|dresséeau-dessusdetouslesbruitsdumondepourrecueillirlesondesdel’Infini.Quand l’âme est ainsi détachée de tout, qu’elle est dans un dénuementcomplet,etqu’ellea, je le répète,accompli toutcequidépendaitd’elle, ilest impossible que Dieu ne fasse pas de son côté ce qu’il faut pour secommuniquer à elle aumoins dans le secret du silence ; c’estmêmeplusimpossiblequ’il ne l’est au rayondu soleil denepas illuminerunespacesereinoùilnerencontreaucunobstacle.Ainsilesoleilesttoutprêtàentrerdès le matin dans votre appartement aussitôt que vous en ouvrez lesfenêtres.TelleestlaconduitedeDieu«quiveillesurIsraël14».Ilnedortpas mais il entre dans l’âme qui est absolument détachée de toutes lescréatures,etlaremplitdesestrésors.Dieuestdonctoutprêtàpénétrerdanslesâmescommelesoleildansunappartement15.

ParcontreavecqueltontristelesaintDocteurnousparledesdommages causés par l’agitation volontaire au sein de lacontemplation:…Ces onctions variées de l’Esprit Saint sont donc délicates et élevées…mais avec quelle facilité elle (l’âme) peut les perdre ! Il suffit pour touttroublerdupluspetitactequ’elleveuilleaccomplirparelle-mêmeà l’aide


contemplation faite d’un regard obstinément fixé sur Dieu àtravers toutes les impuissances et les brouillards, malgré sesfaiblesses et même le sommeil qui viennent la gêner oul’interrompre.Moijemeconsidèrecommeunfaiblepetitoiseau,couvertseulementd’unlégerduvet;jenesuispasunaigle,j’enaisimplementlesyeuxetlecœur,car malgré ma petitesse extrême, j’ose fixer le Soleil Divin… Avec unaudacieuxabandon, ilveut resterà fixer sonDivinSoleil ; rienne sauraitl’effrayer,ni leventni lapluie,etsidesombresnuagesviennentàcacherl’Astre d’Amour, le petit oiseau ne change pas de place…Lorsqu’il veutfixer leDivinSoleil etque lesnuages l’empêchentdevoirun seul rayon,malgré lui sespetits yeux se ferment, sapetite tête se cache sous la petiteaile,etlepauvrepetitêtres’endort,croyanttoujoursfixersonAstreChéri.Àsonréveililnesedésolepas,sonpetitcœurresteenpaix,ilrecommencesonofficed’amour;ilinvoquelesAngesetlesSaintsquis’élèventcommedesaiglesversleFoyerdévorant,objetdesonenvie29.

Quellesvéritéslumineusesetquellesagesseprofondedanscesformulesetdanscesmoyensapparemmentenfantins!Ces expériences exposées avec un charme si prenant nouspré¬sententnondesméthodesàadopter,maisuneleçondecettesouplesse dont l’âme doit user, un exemple de la variété desmoyensadaptésàsesgoûtsetauxcirconstances,moyensqu’elledoitsavoirdécouvrirpourtenirvaillante,paisibleetéveilléeensafoiets’ouvriràtoutelapuissancedelalumièredivinequiluiarrive.Carc’estbiendecelaqu’ils’agit,uniquementdecela:veillerpaisiblement dans la foi, face à la Sagesse d’amour dont laprésence est signalée par cette obscurité, en ce mélange desilence et de bruit, et qui de la nuit fait jaillir des sourcesvivifiantesettransformantes30.

1.ViveFl.,str.3,p.1006[B3,46].2.[Cf.Procèsapostolique,p.471].

3.Man.Autob.Afol.83r°.4.Cf.Jusqu’àl’uniondevolonté,c.3«Lesnuits»,t536.5.MontéeL.2,c.8,p.132[2,9,1].6. [Cf. Jean de Saint-Samson, L’aiguillon…, art. 7 : « de l’aspiration ; cequ’elle est ». Cf. Jean de Saint-Samson,Maximes spirituelles, c. 25, «Del’Aspiration»,p.155].7. Vie de Jean de Saint-Samson, par le P. Sernin, p. 141-143 ;Maximesspirituelles, par lemême, p. 155-158. Cf.Vie Spirituelle, année 1925, quidonne un résumé fort instructif de la doctrine de Jean de Saint-Samson[JérômedelaMèredeDieu,«LeVénérableFrèreJeandeSaint-Samson,savie,sadoctrine»,LaVieSpirituelle,janvier1925,p.372-396;février1925,p.440-461;mars1925,p.575-588;avril1925,p.49-66;mai1925,p.179-196;octobre1925,p.66-98;janvier1926,p.423-444;février1926,p.566-583;mai1926,p.141-181].Voirplusspécialementsurl’aspiration[Maximesspirituelles]c.6,p.134s.[CettecitationprovientdesMaximesspirituelles,p.157].8. Vie de Jean de Saint-Samson. [Cette citation provient des Maximesspirituelles,p.156].9. Sainte Thérèse de l’E.-J., Lettres, p. 165 [Cf. LT 110 à sœur Agnès deJésus,30-31août1890]etPoésies«Pourquoi je t’aime,ôMarie» [PN54,str.16].10.ViveFl.,str.3,p.996-997[B3,33-34].11.ViveFl.,str.3,p.997-998[B3,34].12.Ha2,1.13.ViveFl.,str.3,p.999[B3,36].14.Ps120,4.15.ViveFl.,str.3,p.1005-1006[B3,46-47].16.Ibid.,p.1002[B3,41-42].17.Danslesmystiquespurementnaturelles,commelesmystiqueshindoues,ontrouveunetechniquetrèspousséepourl’apaisementdespuissancesetlasimplification de leurs opérations. Ainsi la Baghavad Gîtâ nous présenteplusieurs yogas ou voies d’ascèse pour parvenir à se perdre dans l’Un, àsavoir : laconnaissance, ladévotion, lesœuvreset lacontemplationdirecte(cf. La Baghavad Gîtâ, traduction d’après Shrî Aurobindo, etDisciplinemonastique, par Swâmi Brahmânanda). Remarquons que ces techniquesn’aboutissent qu’à une sublimation de l’activité des facultés et à une pertedans l’Un ou l’Universel que l’on proclame Dieu. La mystique catholique

cherche l’union avec un Dieu personnel, vivant et distinct de nous. Elleaspireàl’unionparfaiteavecLuietnonàunefusionpanthéistique.Danssamarche vers l’Un, elle compte sur l’effort de l’homme, mais surtout surl’action deDieu. Sa technique assez poussée, ainsi qu’elle apparaît dans lecadreaustèredesOrdresmonastiquescontemplatifs,n’estpasunetechniquedeforcequiveutatteindreunbut,maisunetechniquedesouplessequiveutse plier aumouvement de la grâce, et respecter la liberté deDieu qui doitréaliserennouslevouloiretlefaire.La mystique naturelle peut produire un surhomme parvenu à des étatssupérieurs. La mystique catholique produit un enfant de Dieu, mû parl’EspritdeDieu.18.[Cf.SermonsdeTauler,t.1,p.258-259].19.[Cf.NuitL.2,23,4].20.6eDem.,c.1,p.936[1,13].21. L’étude des grâces d’union complète des cinquièmesDemeures ou desravissementsdessixièmes,nousplaceraenfacedumêmephénomène.Nousverrons que c’est le réveil des facultés après ces grâces qui ont suspendutoute leur activité consciente, qui permet à l’âme d’explorer les richessessubstantiellesqu’elleyareçuesetd’enjouirpleinement.22.Premièresétapes,c.6,t223-226.23.Man.Autob.Cfol.25v°.24.Man.Autob.Cfol.30r°etv°.25.Vie,c.14,p.142-143[14,9].26.Man.Autob.Afol.75v°.27.Ps102,14.Man.Autob.Afol.75v°-76r°.28.Man.Autob.Afol.79v°-80r°.29.Ibid.Bfol.4v°-5r°.30.L’enseignementdonnéiciest lemêmequeceluiquiaétédonnédanslechapitresurlesilence(3epartie,c.5)etsurtoutceluisurlafoi(3epartie,c.10).Ilestd’unetelleimportancepratiquequel’onnesauraittropinsisteretsurtoutleprésentersousdesaspectsdifférentsquipermettentdelepréciser.Saint Jean de la Croix ne s’est pas lassé de le répéter sous des formesdifférentesensesdiverstraités.


côtédessituationsprovidentiellesqueducôtédesévénements.Unévénementpasseetsoninfluenceestordinairement limitée.Une situation, par hypothèse, reste et s’impose. Elle nous estune source plus abondante de lumière et de grâce pour laréalisationdesdesseinsdeDieu.Lemilieufamilialdanslequelnousavonsétéélevés,l’éducationreçue,tellequaliténaturelle,telledéficiencephysiqueoumorale,uneimpuissancehabituellepeuvent | fixer lavocationd’uneâmeet luiapporterdesgrâcesefficacesdesainteté.La Providence crée, adapte, modifie ces situations selon lesbesoinsdeceuxqu’elleaime,pourdonnerlagrâcenécessaireouimposersesexigencesd’unefaçonclaireetparfois impérieuse.Enlisantlaviedessaints,onpourraitcroirequ’ilssontlefruitde leur milieu ou des situations qu’ils ont vécues. En réalité,c’est Dieu qui fait ses saints et qui, amoureusement etprogressivement, pour récompenser leur fidélité, les accule àl’héroïsme pour faire monter de leur âme les cris et lesmouvementsquilibèrentpourlessommets.Tobieaétééprouvéparce qu’il a été fidèle. De l’âme de Job, éprouvé lui aussi àcause de sa fidélité,monte l’acceptation paisible et résignée :«Dieunous l’avaitdonné,Dieunous l’aenlevé,quesonsaintnom soit béni »14. Dieu torture admirablement ses saints,constatent les théologiens carmes de Salamanque.Ce sont cestourmentsadmirablesproduitsparlalumièredivinesurleurâmeet par les situations qu’ils durent subir, qui leur assurèrent lasainteté.Quenotreadmirationpoureuxsoitmoinsraisonneuseet que, dépassant les causes secondes comme ils le firent eux-mêmes,elleailleàlacausepremièrequilesvoulutefficacementsaintsetenprocuralesmoyensàleurfidélité.D’excellents ouvrages disent les avantages et les richessesspirituellesdecetabandonàlaProvidencequidirigetoutpour

le bien de ceuxqui l’aiment. Il est un problèmepratique dontcependant ils ne donnent pas la solution et qui se pose d’unefaçon plus aiguë en ces quatrièmes Demeures, période detransition pendant laquelle le surnaturel et le naturel sontétroitement mêlés, l’action divine intermittente et incomplètelaisse place à l’activité des facultés et même à l’initiativepersonnelle. Ce problème pratique est celui-ci : dans quellemesurefaut-ils’abandonneretdansquellemesurefaut-ilagir?Doit-onaccepterpaisiblementlesévénementsoua-t-onledevoirderéagircontreeuxetmêmed’essayerdelesmodifier?C’est un problème que celui qui a expérimenté à la fois laportéedes événementsprovidentiels sur son âmeet l’efficacitéde son action personnelle ne peut pas ne point se poser etparfoisavecunecertaineinquiétude.Nevoyons-nouspassainteThérèsedel’Enfant-Jésusendesrégionsplusélevéescependant,et si ferme dans son enseignement de la voie d’enfancespirituelleetdel’abandon,enproieelleaussiàdesinquiétudeset, en ce rêve si consolant de la fin de sa vie, demander à lacélestevisiteuse:MaMère…dites-moi encore si leBonDieu nemedemande pas quelquechosedeplusquemespauvrespetitesactionsetmesdésirs15.

Onretrouvedans leplande l’actionlesobscuritésquifont lasouffrance de l’oraison. Ne faut-il pas, en effet, que la nuitenveloppe la volonté comme elle enveloppe l’intelligence ?L’une et l’autre doivent quitter lemonde du sens ; l’obscuritéqu’elles y trouvent et qui est un signe de purification, estdestinéeprovidentiellementàlesorienterversunelumièreplushauteetplussimple.Il nous paraît qu’on chercherait en vain, en cette période, àrésoudre spéculativement ce problème de l’abandon et del’activité. L’âme doit se résigner à l’obscurité et ne point

chercher des provisions de lumière pour sa marche dans larégionqu’elleabordeetquiestsanssentiers.Maisparcontre, la lumièrepourchacunedesesdémarchesetdesesattitudesbrilleragénéralementaumomentvouluetvenantparlesmoyensquenousavonsindiquésprécédemment.Quand je vous ai envoyés enmission, demandait leMaître à ses apôtres,sans bourse, sans besace et sans souliers, avez-vous manqué de quelquechose?‒Derien!répondirent-ils16.

Telleestlasituationdel’âmeettellepourraitêtresaréponseaupoint de vue spirituel. Pourquoi donc se préoccuperait-elle deprovisionsderouteoudeprincipesquiconcilieraientsadoubleobligationd’abandonetd’activité?Un problème plus particulier vient la tourmenter parfois et lagêner dans son obéissance. Il arrive que les événementsextérieurs ou les ordres des supérieurs viennent contrariernettement ses attraits ou empêcher la réalisation de lumièresintérieurescertaines.C’estainsiqu’uneâmequisentunbesoinprofonddu silence etdu recueillement, nécessaires en effet audéveloppement de sa vie d’oraison, se voit obligée par lesévénements ou par ordre des supérieurs à une activitédébordanteetpleinedesoucis.Quedoit-ellefaireetàquelledecesdeuxmanifestationsdelavolontédivinedoit-elleobéir?Sans hésiter, nous répondons : ces deuxmanifestations de lavolonté divine sont l’une et l’autre authentiques ; l’âme doitobéirauxdeux.C’estqu’habituellement,en|effet,ellesnesontpascontradictoires,etl’EspritdeDieunemanifestesesvouloirsen des sens différents que pour obliger l’âme à une heureuseconciliation, à un sage dosage qui est vraiment sa volonté.Nevoit-on pas, dans tout véhicule automoteur, des freins dont lapuissanceestrégléeprudemmentsurcelledumoteurlui-même?Ainsi Dieu, donnant un attrait intérieur, en règle sagement la


L’obéissance est une vertu qui unit l’homme à Dieu en lesoumettantà lavolontédivine,manifestéeparDieu | lui-mêmeou ses représentants. On a pu dire de cette vertu qu’elle estpresquethéologale2.Enfait,elleserattacheàlavertudejusticequinousfaitrendreàDieucequiluiestdû.Dieuadesdroitssouverainssurnousquisommessescréatures.Lasoumissionàsonbonvouloiretl’exécutionentoussesdétailsdelamissionqu’ilnousaconfiéesontpournousundevoirquenousimposesasouverainetéabsolue.D’ailleurs le plan à la réalisation duquel il nous demande detravaillerest infinimentsage.Ildoitprocurerà lafois lagloirede Dieu et notre bonheur. Il n’y a rien que de hautementraisonnable,sageetsainentoutcequeDieuexigedenous:ceMaître absolu n’exerce son pouvoir que pour notre bien et enrespectantnotre liberté.LasagessedesdesseinsdeDieu,aussibienquesonsouverainpouvoir,fondentdoncnotreobéissance.La volonté divine nous parvient par divers canaux : toutd’abordceluidelaloiinscriteparDieudanslesêtresetquilesdirigeversleurfinprovidentielle.Conformeàleurnature,cetteloi est physique et nécessaire pour les créatures privées deraison ;morale pour l’homme, puisque respectant sa liberté ets’adressant à sa raison qui en explore les premiers principespour en faire jaillir l’ensemble de nos devoirs naturels, enversDieu,enversnous-mêmesetenversleprochain.Au code de la loi naturelle s’ajoutent les préceptes de la loiévangélique, formuléspar leChrist et qui conduisent l’hommeverssafinsurnaturelle.Dieu a commis aussi le droit et la charge de manifester savolonté à ses représentants : tous ceux qui, directement ouindirectement,détiennentunepartd’autorité.Iln’yapasdepouvoirquineviennedeDieu,proclamel’Apôtre,etceuxquiexistentsontordonnésdeDieu.Ensortequeceluiquiserévoltecontre

l’autorité,serévoltecontrel’ordreétabliparDieu3.

Parmi ces représentants de Dieu, l’Église occupe un rangspécial.Samissionspirituelle,autantquelespouvoirsqu’elleareçus directement du Christ, assurent à son autorité uneprimautéquetoutlemondedoitreconnaître.Cette délégation divine confère tant à la puissance séculièrequ’àl’Église,ledroitdefairedesloisgénérales,dedonnerdescommandementsparticuliers,desubdéléguerunepartiede leurautorité.Chacun rencontre ainsi | constamment dans n’importequeldomainedesaviepersonnelleousociale,toutunréseaudecanauxluiapportantlesmanifestationsconcrètesetdiversesdel’impératifdivin.Dieu se réserve en certains cas de manifester Lui-même savolontéauxâmes,pardesilluminationsintérieuresetmêmedela faire exécuter par les motions de son Esprit. C’est cetteinterventiondirectedeDieudanslaviedel’âmequiconstitueàlafois, lagrâceet ladifficultédesquatrièmesDemeures.C’estellequiposesousunjournouveauleproblèmedel’obéissance.

B.EXCELLENCEDEL’OBÉISSANCE« Ce que je veux surtout t’apprendre, écrit saint Jérôme aumoine Rusticus, c’est de ne pas t’abandonner à ton arbitrepersonnel4.»N’a-t-on pas dit en effet que l’obéissance est la première desvertusmorales?SaintGrégoireexpliquecetteprimauté:L’obéissanceestlaseulevertuquifassegermerlesvertusdansnosâmesetquilesmaintienneaprèslesavoirimplantées5.

Elleassurel’ordreextérieurdanslacitéaussibienquel’ordreintérieur dans l’âme. Sans elle, point de cohésion dans lesefforts,nidesubordinationdansungroupement;aussiest-elleconsidéréecommelaforceprincipaledesarmées.

C’est elle qui fait la beauté et l’harmonie des puissancescélestes.AussisaintGrégoiredit-ilencore:Silaseulebeautédel’ordrefaitqu’ilsetrouvetantd’obéissancelàoùiln’ya pas de péché, combien plus doit-il y avoir de subordination et dedépendance parmi nous où le péché mettrait tant de confusion sans cesecours6.

Cassien assure que dans les Thébaïdes, les moines les plusdétestablesétaient les sarabaïtesquiprenaienteux-mêmessoindeseprocurerlenécessaire,vivaientindépendantsdesanciens,faisaientcequileurplaisaitetseconsumaientnuitetjourdanslestravaux7.LejugementdeCassienestunéchodelaparoledeDieudansIsaïe : « Pourquoi avons-nous jeûné sans que vous | daignieznousregarder?s’écrielepeuple.Pourquoiavons-noushumiliénos âmes et avez-vous feint de l’ignorer ? » «C’est qu’en cesjours de jeûne, répond le Seigneur, j’ai retrouvé votre proprevolonté8.»Aucunsacrificenesauraitêtre,eneffet,agrééparDieu, sinel’accompagne l’offrande de nos facultés humaines parexcellence, l’intelligence et la volonté libre. Ce sont ellesqu’immole à Dieu l’obéissance. Aussi est-il écrit que«l’obéissanceestmeilleurequelesacrifice9».Et parce que l’obéissance est le plus parfait des sacrifices10,elle est la preuve et le signe de l’amour qui aspire à donner :« Celui qui aime observe les commandements11 », soulignel’apôtredel’amour.Celaluiapparaîtsiévidentqu’ilaffirme:Celuiqui sevantedeconnaîtreDieuetnegardepas sescommandementsestunmenteur;maisceluiquiobservesaparolepossèdevéritablementlacharitéparfaitedeDieu12.

L’obéissanceestplusqu’unepreuvedel’amour,elleenestunacte unissant. Sa prééminence parmi les autres vertus, les


faitrenonceràl’effortdedépassementetdansl’inactionlafinepointedelafois’estémoussée.À celui, au contraire, qui ne trouve pas chez le supérieur lesqualités qui plaisent, cet effort de dépassement vers Dieuapparaîtranécessairecomme le seulmoyenpour rester fidèleàson devoir. Ces difficultés sont peut-être dispositionprovidentielleà sonégard.S’ilestvraique lui-mêmesoitbiendoué et destiné plus tard à conduire les autres, il importesouverainementqu’ilapprennetoutd’abordàcommunieràDieupar l’obéissance. Il ne saurait être un interprète fidèle de lavolonté de Dieu pour ses inférieurs si, lui-même, parl’obéissance surnaturelle, n’a pas appris à ouvrir son âme à lalumière de Dieu et ne l’a pas faite docile et souple sous samotion.

III.ObéissancecomplèteCette qualité nouvelle vise à assurer la perfection de l’actemêmed’obéissance.Une soumission purement extérieure ne saurait évidemmentsuffire.L’obéissanceengagetoutd’abordlavolonté.Elleunitlavolontéhumaineàlavolontédivineensoumettantlapremièreàlaseconde.Àn’enpasdouterl’obéissanceexigeenpremierlieularemisecomplète¬delavolonté.Maispeut-ondissocierlavolontédel’intelligencequil’éclaireetfixeseschoix?Dieuestnotremaîtreabsolu.Unhommageneseraitpasdignedeluiquineseraitquepartiel.D’ailleurs,pourqu’elle soitunecommunionà laSagesse, l’obéissancedoit luiapporter notre être tout entier. Pour être parfaite, l’obéissancedoitêtrecomplète,humaineausenspleindumot,ensoumettantàDieutoutesnosfacultés,lesplushautessurtout,l’intelligenceetlavolonté.

La soumissionde l’intelligenceposeunproblèmedont onnepeutdissimuler lesdifficultés.Faitepour lavérité, | comme lavolontépourlebien,l’intelligencenepeutêtresoumisequ’àlavérité.Personnenepeutl’obligeràunesoumissionconstanteetinconditionnelles’ilnepeutgarantirpossédertoujourslavérité.Dieului-même,l’Égliseinfaillible,ontdroitàcettesoumissioncomplète. Le supérieur, légitimement mandaté par Dieu pourtransmettresesvouloirs,n’estpaspourcelainfaillible.Iladroitàlasoumissiondelavolonté.Lesrisquesd’erreurqueluilaisseson mandat lui permettent-ils de prétendre à une soumissioncomplètedel’intelligence?Voici un cas pratique pour concrétiser le problème. Unreligieuxemployéàunebesogneenlaquelleilestpassémaître,reçoitdesonsupérieur l’ordrede laréaliserd’uneautrefaçon.Respectueusement, comme il se doit, il met en avant sonexpérience et les inconvénients de l’ordre donné.Le supérieurmaintient l’ordre. Le religieux l’exécute avec toute sa bonnevolonté.Malgré cela, le résultat est celui qu’il avait prévu : ilapparaît clairementque le supérieur s’est trompé.Le religieux,dans l’obéissancecomplètequ’ilvoulaitdonnerà l’ordre reçu,devait-ilfaireentrerlasoumissiondesonjugementalorsquelesupérieursetrompait32?La solution du problème se trouve dans une distinction entrejugementspéculatifetjugementpratique.Lepremierportesurlachose en soi, indépendamment des circonstances prescrites, etpeut être réservé lorsqu’on a l’évidence pour soi. Ainsi,l’inférieur pouvait sans manquer à son devoir formuler cejugement:«enm’appuyantsurmonexpérience,jepuisaffirmerque la meilleure façon de faire ce travail est celle dont j’usehabituellement».

Le jugement pratique a pour objet le cas concret, tel qu’il seprésente dans la circonstance particulière avec l’ordre dusupérieur.Ce jugement doit être soumis pour que l’obéissancesoitparfaite.Ilpourraseformulerainsidanslecasprésent:«lameilleurefaçondefairecetravaildanslacirconstanceprésente,étantdonnél’ordredusupérieur,estcellequ’ilm’indique».La soumission du jugement pratique suffit à la perfection del’obéissance.L’ordre du supérieur ne comporte point en soi ladéfinitiond’unevéritégénérale; toutaupluspeut-ils’appuyersur l’énoncéd’unevéritéparticulièredont laportéenedépassepasl’ordrequiestdonné.Mais, dira-t-on, donner même la soumission du | jugementpratique comporte le risque d’adhésion à l’erreur, puisque lesdonnéespeuventêtrecontreditesparlesrésultatsdel’exécutionde l’ordre reçu ! C’est juger superficiellement de la valeur del’obéissance. Il est possible, en effet, comme dans l’exempledonnéplushaut,que leseffetsmatérielsetextérieursde l’acted’obéissancenecorrespondentpasàl’intentiondusupérieuretdel’exécutant,queparconséquentilyaituneerreur.Maiscetteerreur n’est que partielle. Elle laisse à l’acte d’obéissance savaleur laplushaute,quiestd’êtreunesoumissionà lavolontéde Dieu manifestée authentiquement par le supérieur mêmelorsqu’il se trompe33. Cette soumission du jugement et de lavolonté,c’estcequeDieuconsidèreenpremierlieudansl’acted’obéissance. C’est le parfum qui lui est agréable, l’hommagequ’ilattenddenousetqu’ilagrée.Ilrestedoncvraique,mêmelorsque l’acte d’obéissance aboutit à un échec apparent, lemieux est de poser cet acte parce que Dieu le veut ainsi. Lejugement pratique, qui se soumettait en reconnaissantl’excellencedecetacte,n’étaitdoncpointerroné.


unefouled’autres,commel’expérienceleluiaprouvé28.

Il faut attendre en effet les fiançailles spirituelles pour quel’âme soit prise par Dieu de telle sorte qu’aucun ennemi nepourral’enséparer29.Bien que les liens créés par la grâce d’union puissent êtrerompusparl’habiletédudémon,dececontactavecDieul’âmeestsortievéritablementtransformée,aupointqu’ellenese reconnaîtplus. Ilya lamêmedifférenceentresonétatpasséet sonétatactuelqu’entreceveràsoiedifformeetlepetitpapillonblanc30.

Ces paroles de la Sainte, déjà citées, et qui évoquent lamétamorphoseduverà soieenpapillon,nousdisent leseffetsextraordinairementprofondsetfécondsdelagrâced’union.Ilya eu infusion abondante d’amour en ce contact deDieu. Il estnormal que ce soit la volonté qui en accuse les effets les pluspuissants, puisqu’elle est la faculté réceptivede l’amour.PriseparDieu,elleesttoutabandonnéeàsonbonvouloir:Elle a fait l’abandon complet d’elle-même entre les mains de Dieu, etl’amourqu’elleluiportelarendtellementsoumisequ’ellenesaitetneveutrien,sicen’estqu’ildisposed’elleàsongré31.

Cet abandon et cette souplesse de la volonté qui comportentd’ailleurs des degrés et se perfectionneront dans la suite,assurentlapaixencettevieetenl’autre!Car,àmoinsqu’elle(l’âme)nesetrouvedansquelquedangerdeperdreDieu,ouqu’ellenevoiequ’il estoffensé,aucundesévénementsdecemondenesauraitlatroubler,nilamaladie,nila pauvreté, ni la mort même, excepté celle des personnes qui sontnécessaires à la défense de l’Église. Cette âme, en effet, comprendclairementqueDieusaitmieuxcequ’ilfait,qu’elle-mêmenesaitcequ’elledésire32.

L’emprise divine a produit un détachement qui est undéracinement.C’estlàundeseffetslesplussensibles.L’âmeest

commeperdueaumilieudecequil’occupaitauparavant:Maisquenepouvez-vousvoirl’inquiétudedenotremystiquepapillon,bienqu’iln’ait jamaisencoregoûtéautantdepaixetdecalme!écrit laSainte.C’estlàvraimentunspectaclebiencapabledenousporteràlouerDieu;carilnesaitoùseposernioùsefixer.AprèsavoirgoûtéunsiprofondreposenDieu,ilnetrouveriensurlaterrequipuisselecontenter,surtoutquandleSeigneurluiadonnésouventàboireduvindesesdélices,oùil trouvepresque chaque fois de nouveaux profits. Désormais, il ne compte pourrien les œuvres qu’il a accomplies, quand il n’était qu’un simple ver etformaitpeuàpeuletissudesacoque…Sonattachementauxparents,auxamis,auxbiensdecemonde,nepouvaitêtrevaincuniparsesefforts,niparsesrésolutions,niparsavolonté ;elle (l’âme)sesentait toujoursplusenchaînée ; maintenant elle est tellement libre que c’est même une peinepourelled’êtreobligéed’accomplircequ’elledoitpournepointoffenserDieu.Toutlafatigue,parcequ’ellesaitquelevéritablereposnesauraitluivenirdescréatures33.

Ce détachement, qui fait que le papillon « se trouve toutdépayséaumilieudeschosesdecemonde34»et«nes’arrêtepoint aux goûts spirituels, ni aux joies de la terre35 »,s’accompagne d’ardeurs d’amour qui produisent de grandsdésirsdeglorifierDieu:Ilregardecommepeudechosetoutcequ’ilpeutfairepourDieu,tantsesdésirsdeleglorifiersontintenses36.

Désirs efficaces qui lui assurent la force pour pratiquer lesaustéritésdel’immolationapostolique:De faible qu’elle était pour se livrer aux austérités, elle est devenue fortepourlesaccomplir37.

Cetamourcréepourlesâmesunesollicitudeétrange,tellementelleestnouvelle,forteetdouloureuse:ÔpuissancedeDieu ! il n’y aquepeud’années, et peut-êtrequepeudejours, cette âme ne songeait qu’à elle-même. Qui donc lui a donné unesollicitudesipleined’angoisses38?

Sainte Thérèse insiste sur la souffrance que vaut à l’âmel’amourquiluiaétéinfusé:Jesaisletourmentqu’aenduréetendureuneâmequejeconnaisàlavuedes offenses faites à Notre-Seigneur ; il est tellement cruel qu’ellepréféreraitdebeaucouplamortàcetourment39.Maiscequil’affligeleplus,c’estlapertedeschrétiens40.Son désir de glorifier le Seigneur est de telle sorte qu’elle voudrait seconsumer et endurermille fois lamort par amour pour Lui. Et alors elleappelle de tous ses vœux les plus rudes travaux, sans qu’elle puisse faireautre chose. Son souhait le plus ardent est de se livrer à la pénitence, derechercher la solitude. Elle voudrait que Dieu fût connu de tous leshommes41.

En fait, cette grâce d’union est toujours féconde pour lesautres,l’âmeserait-elleinfidèle:Jesuispersuadée,eneffet,queDieuneveutpasqu’unefaveuraussihautequecelledel’unionsoitdonnéeenvain,etque,siellenesertàl’âmequien est l’objet, d’autres aumoins ne puissent en profiter.Durant le tempsqu’elle persévère dans le bien et possède les désirs et les vertus dont j’aiparlé,elleesttoujoursutileauxautresetleurcommuniquelefeudivinquilaconsume;maisalorsmêmequ’elleaitdéjàperducesbiens,illuiarrivede conserver encore le désir d’être utile au prochain ; elle est égalementheureuse de faire connaître les grâces que Dieu prodigue à ceux quil’aimentetqui leservent.J’aiconnuunepersonnedecettesorte…qui fitbeaucoupdebien,oui,beaucoup42.

Tellessontlesrichessesmerveilleusesdéposéesdansl’âmeparlagrâced’unionmystique.LecontactavecDieuaétédecourtedurée, les fruits de ce contact sont permanents. Trèsheureusement,sainteThérèsedistinguelagrâcemystiquedeseseffets.Lagrâceestextraordinaireetréservéeàcertainesâmes;ses effets, parce qu’ils constituent l’union de volonté quicaractérise les cinquièmes Demeures, sont souverainementdésirables.Mais ces désirs, pour légitimes qu’ils soient, peuvent-ils êtreefficaces ? Comment faire siens de tels fruits sans la grâce


En développant la comparaison du ver à soie, elle fait cetteremarque,aupremierabordsingulière:Orquandcever,dontj’aiparléaucommencement,agrandi,ilcommence¬àfilerlasoieetàconstruirelademeureoùildoitmourir.Jevoudraisvousmontrermaintenantquecettedemeurepourl’âmec’estleChrist.J’ailu,cemesemble,ouentendudirequelquepartquenotrevieestcachéedans leChristouenDieu,cequiesttoutun,ouqueleChristestnotrevie15.Maisque la citation soit exacte ou non, peu importe pour le but que je mepropose16.

Cette affirmation surprenante, que rien ne relie à ce que laSainte a exposé précédemment, et qui l’oblige à expliquercomment nous pouvons travailler à ce que « Sa Majestédevienne notre demeure, comme elle l’est dans cette oraisond’union17»,sembleapporterunélémentnouveauquiaugmentela complexité de la description. Un instant de réflexion nousmontrequ’iln’enestrien.Cetteaffirmationnousrévèleeneffetune expérience spirituelle des plus importantes et des plusintéressantes. Que dans l’union de volonté, sainte Thérèse aitréaliséqu’elleétaitintroduitedansleChrist,etquedésormaisleChristserait lademeureoùsavieseraitcachée,qu’est-cedoncsinon la découverte de son incorporation au Christ dansl’Église, de son insertion dans le Christ total ? Que cetteincorporationauChristsoitexpérimentéeparelleencemomentcomme un fait vivant et vécu obscurément, c’est un grandévénement.Nous comprenons le changement d’attitude de sonâme,précédemmentobservé.Uneorientationnouvelledesaviene nous étonnera pas. Mystère d’unité, mystère d’obscurité,source d’une telle lumière ! Arrêtons-nous un instant pourl’explorer.

B.LEMYSTÈREDEL’ÉGLISE

L’uniondevolontéestuneemprisedelaSagessed’amoursurlavolonté.L’âmeestdésormaismarquéed’unsceaudivin18qui,pour n’être pas indélébile, est cependant permanent et produitabandon et souplesse.Expliquons le symbole endisant que laSagesse est installée habituellement dans la volonté pour yrégnerenmaîtresse.LaSagessenepeutrégnerquepourréaliserlapenséedeDieu.Elleestelle-mêmePenséedeDieu.Elleneconquiert,n’agitetne fait agir que pour étaler, vivante et concrète, dans lesévénements et dans les âmes, la penséedeDieu sur lemonde.Cette pensée de Dieu sur le monde, nous la connaissons parl’apôtresaintPaul,c’estle mystère qui, de toute éternité, était tenu caché en Dieu, le Créateuruniversel…qui,end’autresgénérations,n’apaséténotifiéauxenfantsdeshommes,commeilaétémaintenantrévéléàsessaintsapôtresetprophètesdansl’Esprit;àsavoir|quelesgentilssontcohéritiersetmembresdumêmecorps,etcopartageantsdelapromessedansleChristJésus19.

Cedessein,c’estdesauvertousleshommessansdistinctionenles identifiant tous avec le Christ Jésus, dans l’unité de soncorpsmystique.Dansl’éternité,DieucontemplaitdéjàleChristtotal,l’Église,etytrouvaitsescomplaisancescommedanslechef-d’œuvredesamiséricorde.Sortipourcréer,Dieuallait,àtraverstouteslesvicissitudesdesœuvresdesonamour,verslaréalisationdesonChrist. Finis omnium Ecclesia, l’Église est la fin de touteschoses, au témoignage de saint Épiphane20. Les vicissitudesmêmes,chutedesAnges,péchédel’homme,n’étaientpermisesparDieuquecommeoccasionetmoyenpourdéployer toute laforce de son bras, toute la mesure de l’amour qu’il voulaitdonner aumonde. SaintAugustin n’a-t-il pas dit queDieu nepermitlachutedesangesqu’afindepouvoircréerl’homme21?

Lepéchéde l’hommeest une«heureuse faute22 » qui nous avaluleChristrédempteur.C’est par leChrist JésusqueDieuva réaliser sonmystèredemiséricorde;leChristquiaunegénérationéternellecarilestleVerbedeDieu:Ilestl’imageduDieuinvisible,lepremier-nédetoutecréature;enluitoutaétécrééaucielcommesurterre,tantleschosesvisiblesquelesinvisibles,lestrônes,lesdominations,lesprincipautés,lesvertus:toutaétécrééparluietpourlui.Ilétaitavanttoutechoseettoutechosesubsisteparlui23.

Après la chute de l’homme, il s’est incarné, et dans le plannouveau de la Rédemption, auVerbe incarné, le Christ Jésus,Dieuadonnélaprimautéetlaplénitudeentouteschoses:Il est la têtede soncorpsquiest l’Église. Il est lechef, lepremier-nédesmorts,etparsuiteilalaprééminenceentout.Ilaplu(auPère)defairedelui la demeure de tout le plérôme (divin) et, par son entremise, de seréconcilier soi-même avec toutes les créatures, établissant la paix parl’effusiondusangdesacroix(c’est-à-dire)parlui-même,aussibiensurlaterrequedansleciel24.

L’épîtreauxÉphésiensaffirmeaussicedesseinéterneldeDieud’unifiertoutdansleChrist:Ilnousafaitconnaîtrelemystèredesavolonté,arrêtéenlui-mêmedetouteéternité selon son bon plaisir, et qu’il devait | réaliser en la plénitude destemps(àsavoir)detoutréunirenleChrist,etleschosesducieletcellesdelaterre25.

Danssapenséeéternelle,DieunevoitquesonChrist,etc’estenLui qu’il découvre chacun d’entre nous, parce que c’est enLuiqu’ilnousaplacés:C’estenluiqu’ilnousachoisisdèsavantlacréationdumonde,pourquelachariténous rendît saints et sans tacheà sesyeux. Ilnousaprédestinésàêtre ses enfants adoptifs par Jésus-Christ, suivant le bon plaisir de savolonté,pourfaireéclaterlagloiredelagrâcequ’ilnousadépartieparson(Fils)bien-aimé…


55.Ép5,25.

SAINTETÉPOURL’ÉGLISE

« C’est là qu’habite l’âme déjà blessée d’amour de Dieu1 »,écritsainteThérèseauseuildessixièmesDemeures.Dieuapriscette âme et s’estmanifesté à elle.En ce contact profond, desardeursd’amoursesontallumées.C’estunprintempspleindepromesses, mais ce n’est qu’un printemps. Les bourgeonsgonflésdesèveréclamentpouréclaterets’épanouir,àlafoislesondées bienfaisantes et les ardeurs brûlantes du soleil. L’âmen’estpasasseztransparentepourqu’apparaisseenellelafacedesonDieu;sonregardn’estpasassezpurpourladécouvrir.Nefaut-il pas aussi qu’elle devienne en même temps un parfaitinstrumentdel’amour?LaSagesseelle-mêmesemetàl’œuvre.Nullepartellen’étalerades jeux divins plus brillants et plus miséricordieux. Elleenrichitetappauvrit ;ellesedécouvrepourembraseretellesecachepourattiserlaflammedesdésirs;ellebrisepourassoupliret elle blesse pour guérir. Ainsi elle purifie, transforme etpacifie.Pauvre et confiante, souple et forte, l’âme parvient auxfiançailles spirituelles ; c’est une première étape. Elle seraélevéeplus tardaumariagespirituelouunion transformanteetdécouvrira alors en elle les plus hautes merveilles que Dieupuisseréaliserici-basenunepurecréature.En ces régions où l’action divine se fait transformante etunissante, sainte Thérèse se trouve chez elle. Elle s’y attardevolontiers.Centpages,plusdutiersduChâteauIntérieur,sontconsacréesàladescriptiondessixièmes|Demeures;trente-cinqpages aux septièmes Demeures. En tout, plus de la moitié dutraité.Remercions-en la Sainte.C’est ici, en effet, le véritable


Or le centrede l’âmec’estDieu ; quandelley arrive selon la capacitédesonêtre, la forcedesonactivitéetdeses inclinations,elleestparvenueàsoncentreleplusprofondetledernierqu’ellepuisseatteindreenDieu55.

Cette force de pénétration, ce poids qui entraîne vers lesprofondeurs n’est pas autre chose que l’amour.Amor, pondusmeum.L’amourestunpoidsselonlaparoledesaintAugustin56.Ilfautremarquer,expliqueeneffetsaintJeandelaCroix,quel’amourestune inclination de l’âme, une force ou une faculté qu’elle possède pouralleràDieu;c’estparl’amourqu’elles’unit|àLui;voilàpourquoiplusellepossèdededegrésd’amour,plusellepénètredanslesprofondeursdeDieuet se concentre en Lui. Aussi pouvons-nous dire que, par les degrésd’amourquel’âmegravit,nouspouvonscompter lesdegrés toujoursplusintimes du centre divin où elle pénètre… C’est de la sorte que nouspouvons comprendre cette parole du Fils de Dieu qui nous déclare quedanslamaisondesonPèreilyabeaucoupdedemeures57.Ainsi,pourquel’âme soit dans son centre qui est Dieu, il suffit qu’elle ait un degréd’amour… ; si elle en possède deux, elle s’unira à Lui et s’enfonceradavantage en Lui en pénétrant dans un centre plus intérieur ; si elle enpossède trois, elle avancera encore d’un degré de plus dans l’intimitédeDieu58.

Sensetespritneconstituentdoncqu’unepremièremesureouétapedelaprofondeur.Lorsquel’espritestatteint,l’amourenseperfectionnant creuse dans la substance de l’âme desprofondeurssuccessivesquisontlesignedesaqualité.Ce langage rejoint le symbolisme thérésien du ChâteauIntérieurdanslequelledéveloppementdel’amouretdel’unionàDieuestmarquéparlaprogressionàtraversdesDemeuresdeplusenplusintérieuresjusqu’àlaseptièmeoùseréalisel’uniontransformante.Intériorisationetprofondeursontdoncenfonctiondelaqualitéetdelaforcedel’amour.AussileSaintajoute:Quanddoncl’âmenousdéclareiciquelaflammed’amourl’ablesséedanssoncentre leplusprofond,ellesignifieque l’EspritSaint l’ablesséeet l’a

investiedanstoutcequiestsasubstance,savertu,etsaforce59.

III.AmourpurifiantetunissantNousindiquonsiciseulementpourmémoirecettepropriétédel’amour. Déjà signalée, elle doit faire l’objet de plus longsdéveloppements car ellemarque l’œuvre essentielle de l’amourencesrégionsaupointquesixièmesDemeuressontsynonymesde purification profonde et de marche vers la perfection del’union.

IV.AmoursourcedelumièreAprèsavoirsignaléquelesgrâcesdestroisdernièresDemeuressesituentdanslesmêmesprofondeursducentredel’âme,sainteThérèsenote commedifférence la plus | notable entre la grâced’union mystique des cinquièmes Demeures et l’uniontransformante des septièmes, le fait que la première est reçuedansl’obscuritécomplète.Dieu rendait alors l’âme aveugle et muette comme saint Paul lors de saconversion. Il lui enlevait la faculté de connaître comment et de quellemanière était la faveur dont elle jouissait, car la joie profonde que l’âmeéprouvaitalorsétaitdesevoirprèsdeDieu.MaisquandDieu l’unissaitàLui, elle ne comprenait plus rien, vu que toutes ses puissances étaientsuspendues.Ici(dansl’uniontransformante)ilenestautrement.NotreDieudebontéveutquelesécaillesdesyeuxdel’âmetombentenfinpourqu’ellevoieetcomprenneparunmodeextraordinairequelquechosedelafaveurqu’illuiaccorde60.

C’est déjà la lumière qui distinguait des précédentes, lesfaveursdessixièmesDemeures.Décrivantcesfaveurs,laSainteconstate:L’âmen’a jamaisétéaussiéveilléeducôtédeschosesdeDieu,etellen’ajamais eu autant de lumière ni autant de connaissance par rapport à SaMajesté61.

Ces lumières sont « certains secrets, certaines chosesdu ciel,ou visions imaginaires », paroles intérieures, dont l’âme peutensuiterendrecompte62.Elles font partie intégrante des ravissements, au point quesainteThérèsedéclare:Pourmoi je suis persuadéeque, si une âmene comprendpas certains deces secrets deDieu dans les ravissements dont elle est l’objet, il ne s’agitpasderavissementsvéritables,maisdequelquefaiblessenaturelle63.

Cesfaveursextraordinairesthérésiennessignalentetmettentenrelief la qualité particulière de la grâce de la Demeure danslaquelle elles se situent. Elles fournissent donc, pour ladétermination des étapes, des indications précieuses qu’il estd’ailleursaisédevérifier.Au début de la vie spirituelle, l’amour se nourrissait de laconnaissancedistinctedesvéritésdelafoiréaliséeselonlesloispsychologiques normales. Lorsque l’amour a jailli directementdufonddel’âme,soitenflotssavoureuxoudansunesécheressepaisible,ilamisl’entendementdansl’impuissance.L’obscuritéquienrésultaitestdevenueplusprofondeaudébutdessixièmes|Demeures : c’est la pleine nuit de la purification de l’esprit.Mais outre que ces nuits sont parfois striées d’éclairs quidéchirent leur voile de ténèbres, et que l’âmeest constammentéclairée par la contemplation infuse, sur elle-même et sur latranscendancedeDieu,aupointqu’ellevoit combien sont vils, insuffisants et impropres tous les termes ouexpressionsdontonsesertpourparlerici-basdeschosesdivines64,

voici qu’en ces sixièmes Demeures apparaissent les premièresclartésdel’aurore:Demêmequelesapprochesdumatin,écritsaintJeandelaCroix,chassentl’obscuritédelanuitetannoncentlalumièredujour,demêmel’espritquijouitducalmeetdureposenDieuestélevédesténèbresdelaconnaissancenaturelle à la lumière matinale de la connaissance surnaturelle de Dieu.


personnes spirituelles. Mais comme mon but n’est que d’exposerbrièvement ces strophes, ainsi que je l’ai promis dans le prologue, j’enlaisse le soin à celui qui en parlera mieux que moi. D’un autre côté, labienheureuseThérèse de Jésus, notreMère, a déjà traité de ces questionsspirituellesendespagesadmirables,etj’espèredelabontédeDieuqu’ellesnetarderontpasàêtreimprimées97.

ÀlabienheureuseThérèsedonc,lesoind’expliquercesvisitesdivines qui ont des effets extérieurs ; le Saint a un autremessage, dont le commentaire des treizième et quatorzièmestrophesdumêmeCantiquenousdécouvrel’objet:Il ne faut pas croire toutefois que ces visites engendrent toujours descraintesetdesdéfaillancesnaturelles.Commeonl’adéjàdit,celaarriveàceuxquicommencentàentrerdansl’étatd’illuminationetdeperfection,etdanscegenredecommunication,cardansd’autrescelasepasseplutôtaveclaplusgrandesuavité98.

LeSaintdécritalorsunecommunicationdivinequiprenduneautreformeetressembleàlanuitpaisible:Durantcesommeilspiritueldontl’âmejouitsurleseindesonBien-Aimé,elle possède et elle goûte complètement le repos, le calme et la quiétuded’une nuit paisible. Elle reçoit en même temps une connaissanceextrêmementprofondemaisobscuredeladivinité99.

Il s’agit évidemment de la contemplation infuse dont il parleabondammentdanslelivredelaNuitdel’espritetdanslaViveFlamme:C’estlàlathéologiemystiquequelesthéologiensappellentsagessesecrète,et qui d’après saint Thomas100 se communique et s’infuse par la voie del’amour. Cette opération s’accomplit secrètement à l’insu de l’activiténaturelle de l’entendement et des autres puissances ; toutes les puissanceseneffet sont incapablesd’un tel résultat ; l’EspritSaint seul l’infuseet enornel’âme,qui,nousditl’ÉpousedesCantiques,nes’enestpasaperçueetnecomprendpascommentcelas’estpassé101.

Cettecontemplation«selonl’expressiondesaintDenys,estunrayonde ténèbres pour l’entendement102 » ; oumieux encore,

ditnotresaintDocteur,«lelangagedeDieuàl’âme,oudepurespritàespritpur103».Nous sommes dans les mêmes régions profondes que nousavaient découvertes les grâces mystiques. Mais ici tout est«silenceprofond104»etobscuritépour lessensquinesaventriendesopérationsdivines,aussibienquepourledirecteurquivoudraitlespénétrer:CecheminquimèneàDieuestaussisecretetcachéausensdel’âmequel’estpour le corps le sentier suivi sur lamer,quin’engardenivestigeniempreinte105.

L’âmeestainsiemportéeenunabîmesecretdontparfoisellealesentimentnet:Outre les effets qu’elle produit d’ordinaire, cette contemplation absorbeparfoisl’âmed’unemanièreintimeetlacachedansunabîmesecretoùellesevoitclairementtrèséloignéeetséparéedetoutecréature.Ilsemblealorsàl’âmequ’onlaplacedansuneprofondeetvastesolitudeoùnepeutavoiraccès aucune créature humaine ; c’est comme un immense désert qui detoutespartsestsanslimite;etcedésertestd’autantplusremplidecharmes,d’attraitsetdedélices,qu’ilestplusprofond,plusvasteetplussolitaire106.

Uneœuvredegrâce,quine le cèdeen rienà celledes autresvisitesdivines,s’opèredanscesilence:Les biens que cette communication silencieuse et cette contemplationimpriment dans l’âme, sans qu’elle le sente alors, sont, je le répète,inestimables.Cesont,eneffet,desonctionstrèsmystérieuseset,parsuite,trèsdélicatesdel’EspritSaint107.Dans cet abîme de sagesse l’âme s’élève et grandit en s’abreuvant auxsourcesmêmesdelasciencedel’amour108.

Cette contemplation en effet n’est point le privilège exclusifdesâmesdéjàpurifiées,commesemblaitl’insinuerlepassageduCantique cité tout à l’heure109. Elle est « la voie qui conduitl’âmeauxperfectionsdel’unionavecDieu110».C’estellequiagit«lorsquel’âmesetrouvedans|lesangoissesetlesténèbres

de la purification111 ». Cette contemplation « si simple, sigénéraleetsispirituelle112»est«unescaliersecret»parlequell’âme«déguisée»s’achemineversDieu113,carde même que l’échelle sert à monter et à escalader une forteresse pours’emparerdesbiens,desrichessesetdetouslestrésorsquis’ytrouvent,demême cette secrète contemplation sert à l’âme sans qu’elle sachecomment¬, à monter jusqu’à la connaissance et à la possession desrichessesetdestrésorsduciel114.

Le Saint insiste, explique, semble se répéter. C’est qu’il estdans sondomaine.C’est là sonmessage. Il l’affirmeendisantqu’ils’estproposéd’expliquer cette nuit de la contemplation à beaucoup d’âmes qui s’ytrouvaientetquin’enavaientpasconnaissance115.

Carilimportebeaucoupàl’âmedesavoirque si, dans cette solitude, elle ne sent pas qu’elle avance ou agisse, elleavancenéanmoinsbeaucoupplusquesielleagissaitparelle-même,parcequec’estDieuquialorslaportedanssesbras116.

Ces derniers mots nous font penser à sainte Thérèse del’Enfant-Jésus¬. L’ensemble évoque une gracieuse descriptiond’un état semblable que sainte Thérèse d’Avila n’expérimentepasseulementpendantl’oraisonmaisaussipendantlajournée:D’autresfois,écrit-elle,monâmeestdansunesortedestupidité.J’exprimecequiest.Jenefais,cesemble,nibien,nimal; jemecontentedesuivrelesautres,commeondit,sanséprouvernipeine,niconsolation;lavieetlamort, la joieet ladouleur, toutm’est indifférent ;ondiraitque jenesensrien.L’âmeestalors,selonmoi,commelepetitânonquis’envapaissant,se soutient avec l’aliment qu’on lui donne et mange sans presque s’enapercevoir.Unefoisdanscetétat,eneffet,ellenedoitpasêtresanspuiserun aliment dans quelques faveurs insignes de Dieu ; car elle n’a aucunerépugnance à supporter cette vie si misérable et l’accepte avec uneindifférence parfaite. Mais comme elle ne sent ni les mouvements ni leseffetsintérieurs,ellen’apasl’intelligencedesonétat117.

Un tel état déconcerte un peu sainte Thérèse habituée aux


95.7eDem.,c.1,p.1026[1,1].96.6eDem.,c.10,p.1013[10,1].97.Cantique,str.12,p.745[A12,6].98.Cantique,str.13-14,p.765[A13-14,21].99.Ibid.,p.765[A13-14,22].100.Sum.th.,IIa-IIae,q.180,a.1[cf.aussiIIaIIae,q.45,a.2].101.NuitL.2,c.17,p.625-626[2,17,2].102.ViveFl., str. 3, p. 1008 [B 3, 49 ‒Cf. Pseudo-Denys l’Areopagite,LaThéologieMystique,c.1,§1].103.NuitL.2,c.17,p.628[2,17,4].104.ViveFl.,str.3,p.998[B3,34].105.NuitL.2,c.17,p.630[2,17,8].106.Ibid.,p.628-629[2,17,6].107.ViveFl.,str.3,p.1001[B3,40].108.NuitL.2,c.17,p.629[2,17,6].109.Cantique,str.13-14,p.765[A13-14,21-22].110.Ibid.,p.629[2,17,7].111.Ibid.,p.626[2,17,3].112.Ibid.,p.626[2,17,3].113.Ibid.,p.625[2,17,1].114.NuitL.2,c.18,p.631[2,18,1].115.Ibid.,c.22,p.653[2,22,2].116.ViveFl.,str.3,p.1023[B3,67].117.Vie,c.30,p.323-324[30,18].118.Vie,c.30,p.324[30,19].119. Lettres de Sainte Thérèse de l’E.-J., p. 100. À sœur Agnès de Jésus[6janvier1889‒LT74].120.Ibid., p. 101.À sœurMarieduSacré-Cœur [6ou7 janvier1889‒LT75].121.Ibid.,p.104.ÀsœurAgnèsdeJésus[8janvier1889‒LT78].122. Lettres de Sainte Thérèse de l’E.-J., p. 163. À sœur Agnès de Jésus[1erseptembre1890‒LT112].123.Cf.Ibid.,p.164ets.[débutseptembre1890]‒Man.Autob.Afol.75v°.124.Man.Autob.Afol.83r°etv°.

125.Ibid.fol.79v°.126.LettresdeSainteThérèsedel’E.-J.,p.204.ÀCéline[15août1892‒LT135].127.Man.Autob.Bfol.1r°.128.LettresdeSainteThérèsedel’E.-J.,p.164-165.ÀsœurAgnèsdeJésus[30-31août1890‒LT110].129.Man.Autob.Afol.83r°.130.5eDem.,c.3,p.917-918[3,11].131.ViveFl.,str.2,p.963-964[B2,28].132.[Cf.Tb12,13;Jb1-2;42,10.12].133.Noviss.Verba,p.51[CJ7.7.2].134.Man.Autob.Afol.44v°.135.Man.Autob.Afol.45v°.136.Ibid.fol.83v°.137.Ibid.fol.75v°-76r°.138.Man.Autob.Cfol.36r°etv°.139.Même chez sainteThérèse de l’Enfant-Jésus les grâces extraordinaires,quoiquepeunombreuses,onteuune influencedécisive.Cf.grâcedeNoël1886, blessure de l’Amour miséricordieux, sans parler de sa guérisonmiraculeuse.140.Jn14,23.

Chapitredeuxième

FaveursextraordinairesParolesetVisions

SiNotre-Seigneurnem’avaitaccordétantdegrâces,jen’auraisjamaiseu,jecrois,assezdecouragepourentreprendrelesœuvresqui

sesontaccomplies1.

Les enrichissements divins de cette période sont desenrichissementsd’amour.C’estparuneinfusionabondanted’unamour de plus en plus qualifié que Dieu purifie, éclaire,transforme,s’unitl’âmedéfinitivement.Véritéfondamentalequiexpliquecesascensionsetque,pourcemotif,onnesauraittropmettreenrelief.Dans la description de ce travailmagnifique de la charité, laplus belle des œuvres de Dieu qu’il nous soit permis decontempler ici-bas, les grands spirituels, sainte Thérèse enparticulier, font une place notable aux grâces extraordinaires.Certes, cesmaîtres n’ignorent pas que ces faveurs ne sont pasnécessaires à la sainteté ; ils nous signalent cependant le rôleimportantqu’ellespeuventytenir.Cesphénomènesbrillantsquijalonnenteneffet trèsheureusement lesétapeset leséclairent,ontaussiunepuissancedesanctificationtoutàfaitsingulière.SainteThérèse justifieses longuesdescriptionsenécrivantaudébutdessixièmesDemeures:Dieu a un autre moyen de réveiller l’âme. Bien que cette faveur soit enquelquesorteplushautequelesprécédentes,ellepeutêtreplusdangereuse.Aussijeveuxm’yarrêterquelquepeu2.


La vision imaginaire recouvre la vision intellectuelle enl’habillantdeformesvivantesetresplendissantes44.Toutes les puissances intérieures de l’âme, intellectuelles etsensibles, se trouvent saisies par la même présence qui semanifeste à chacune suivant son mode propre. Ainsi nouscomprenonsquesainteThérèsepuisseaffirmerquecesvisionsimaginaires,doubléesdevisionsintellectuelles,semblent en quelque sorte plus avantageuses que les autres (visionsintellectuelles seules) parce qu’elles sont plus en rapport avec notrenature45.La vision précédente (intellectuelle), explique-t-elle en effet, où Dieu semontre à l’âme sans image, est plus élevée, à coup sûr ; mais celle-ci al’avantage d’être plus appropriée à notre faiblesse, car elle porte le plusgrandsecoursàlamémoirepourqu’ellen’oubliepasunesihautefaveuretque l’entendementypuiseuneoccupationconstante ;aussiest il trèsutilequ’une si divine présence soit représentée et demeure gravée dansl’imagination46.

3.VisionsdesubstancesspirituellesLes visions précédentes, qu’elles fussent imaginaires ouintellectuelles,portaientsurdessubstancesayantuncorps.Lesvisionsdesubstancesspirituellessontcellesquifontpercevoiràl’âme des substances qui ne possèdent pas de formescorporelles,tellesdesvérités,desangesouDieului-même.Cesvisions de substances spirituelles peuvent être imaginaires ouintellectuellessuivantqu’ellessontperçuesparlessensàl’aided’uneimageouparl’intelligenceàl’aided’unelumièrequiluiestinfusée.Cesvisions,par leurnaturemême,posentdesproblèmesplusdélicats. Avant de les aborder recueillons les témoignages desainteThérèsequiaexpérimentélespluscaractéristiquesparmilesvisionsdecegenre.Noustrouvonschezelletroiscatégoriesdevisionsdesubstancesspirituelles : lesvisionsd’événements

cachésouàvenir,lesvisionsd’attributsdivinsetdel’âmeelle-même,lesvisionsenfindelasainteTrinité.α)Visionsde choses cachées.Cesvisionsde choses cachées,visions à distance ou de l’avenir sont assez nombreuses chezsainteThérèse;elleenfutfavoriséejusqu’àlafindesavie.Cesvisions sont habituellement imaginaires et intellectuelles à lafois ; la lumièreexplique l’imageet l’image fixe la lumièreendesformessensiblesetprécises.Unautre jour, jepriais aupieddu trèsSaint-Sacrement,quandm’apparutunsaintdontl’Ordreaétéunpeudéchu.Ilouvritungrandlivrequ’iltenaitenmains, etme dit de lire quelques paroles qui s’y trouvaient écrites encaractères trèsgroset trèsnets.J’y lusceci :«Dansles tempsàvenir,cetOrdreseraprospèreetaurabeaucoupdemartyrs.»Uneautrefois, tandisque j’étaisauchœur,àMatines, j’eusunevision.Jevis se placer devant moi six ou sept religieux qui semblaient du mêmeOrdre et tenaient des épées à la main. Je crus comprendre par là qu’ilsdoiventdéfendrelafoi.Unautrejour,|eneffet,étantenoraison,j’eusuneextase. Il me semblait que j’étais au milieu d’une vaste plaine où setrouvaient une foule de combattants. Les religieux de cet Ordre luttaientavec le plus grand courage. Leur visage était beau et tout en feu. Ilsrenversaientungrandnombred’ennemisvaincusetentuaientd’autres.Cecombatmesemblaitlivrécontreleshérétiques47.

Purementcharismatiques,c’est-à-diredonnéespourlebiendesautres,cesvisionsn’entrentpasàproprementparlerdanslaviespirituelle de la Sainte et ne présentent pas un développementprogressifenharmonieavecsesascensionsspirituelles.β)VisionsayantpourobjetDieuoul’âme.DanslelivredesaVie, sainte Thérèse note, parmi les faveurs reçues, certaineslumièreséblouissantes,celleparexemplepar laquelle il luiestdonnédecomprendred’unemanièresiclaire,commentilyaunseulDieuettroisPersonnesenDieuque,dit-elle,j’enfustoutesurpriseetpro¬fon¬démentconsolée48.

Simplelumièreouvision,nousnesaurionslepréciser.Mais voici une lumière sur Dieu vérité qui a fortementimpressionnélaSainteetqu’elleconsidèrecomme«unehautefaveur».C’estunevisiondontellefaitmentionàlafoisdanslelivredesaVieetdansleChâteauIntérieur49.Mon âme semblait tout imprégnée et remplie de cetteMajesté que j’avaisvued’autresfois,écritlaSainte.MetrouvantdoncdanscetteMajesté,ilmefut donné de comprendre une vérité qui est la plénitude de toutes lesvérités… Je compris ce que c’est pour une âme que demarcher dans lavérité,enprésencedelaVéritémême…CetteVéritédontjeparle,etquiadaigné se révéler à moi, est en soi la Vérité même ; elle est sanscommen¬cementetsansfin…N’ayantrienvu,jenesauraisdirecommentcelasepassa50.

Cette vision intellectuelle est accompagnée d’une paroleintérieure et d’une image qui se grave profondément dans sonâme.Une image très vive de cette divine Vérité qui me fut représentée s’estgravéeenmoi;jenesauraisendirenilemode,niledegré51.

Nouscroyonspouvoirrattachercettemanifestationd’unehautevérité à « cette sorte de vision et de langage » | que sainteThérèse décrit à propos des visions intellectuelles52 et danslaquelleDieugraveauplusintimedel’âmecequ’ilveutluifaireconnaître,etlàillelui représente sans image ni forme de paroles,mais de lamêmemanièrequedanslavision(intellectuelle)dontjeviensdeparler.Etqu’onremarqueavecleplusgrandsoincettemanièredontleSeigneurfaitentendreàl’âmecequ’il veut, en luidécouvrantdegrandesvéritésoudehautsmystères ;car bien souvent, quand il m’explique une vision dont il m’a favorisée,c’est ainsiqu’ilm’endonne l’intelligence…Cette sortedevisionnenousestpastoujoursdonnéedanslacontemplation;c’estmêmefortrare;maisquandelle arrive, jedisqu’il n’ya alors aucuneopération, aucunactedenotre part ; c’est Dieu, ce semble, qui fait tout. Il en est comme d’unenourriture qui se trouverait dans notre estomac sans que nous l’ayonsmangée;nousignoronscommentelleyestentrée,maisnouscomprenons


Cette lumière à la fois claire et transcendante, adaptée etdébordante, pénètre dans les facultés et les plus humblespuissancesduconnaîtrechez l’homme, leur révèled’une façonimmédiate et vivante les réalités surnaturelles dont elle gravedans les profondeurs l’image ou le souvenir et, en avivant ledésir,leurfacilitedésormaislecontact.Sainte Thérèse souligne combien spécialement les visionsintellectuelles qui se prolongeaient, entretenaient la présencecontinuelledeNotre-Seigneur:Sans doute, nous savons queDieu est présent à toutes nosœuvres.Maisnotre nature est telle que nous l’oublions souvent, tandis que l’âmefavorisée de cette grâce (vision intellectuelle) n’a pas de distraction ; leSeigneur, qui est près d’elle, la maintient toujours attentive. Bien plus,commeelle apresquecontinuellementun amour actuelpour celuiqu’ellevoitouqu’ellesentprèsd’elle,ellereçoitbeaucoupplussouventlesautresgrâcesdontnousavonsparlé…AussiquandleSeigneurl’enprive,ellesetrouvedansunesolitudeprofonde84.

Lavisionimaginaireestencoreplusutile,autémoignagedelaSainte85, parce que plus adaptée à nos moyens ordinaires deconnaître par les sens, et parce qu’elle grave dans lamémoiredesimagesvivantesquines’eneffacerontplus.L’expérience mystique trouve dans la lumière des faveursextraordinaires un secours précieux. Cette expérience estessentiellement obscure et le reste même lorsque sa lumièremérite d’être appelée une clarté d’aurore. Dans la périodeténébreuse de la nuit de l’esprit elle paraît ensevelie dans lanuit ; c’est alors que surviennent normalement le plus grandnombre de faveurs extraordinaires et que l’âme en reçoit lesecoursleplusopportun.L’expériencemystiquegarde toujours la certitudedeposséderun trésor divin.Mais ce trésor est dans un coffret et elle n’enpeutjouirparfoisqu’enfermantlesyeux.Lafoi,ilestvrai,lui

explicite lemystère caché en une formule parfaite ;mais cetteformuleelle-même,gardejalousementsouslevoiledesasurfaceargentée et lumineuse, le mystère de l’or de sa substance. Lafaveur extraordinaire ouvre un instant le coffret qui laisse voirainsisontrésor86.Ellesembledéchirerlasurfacedelaformuledogmatique qui, bien que lumineuse, est une écorce ; elle faitéclater laviedivinequecetteformulecontientetprotège,et lafait déborder en une explicitation lumineuse et vivante sur lesfacultésquilareçoiventdanslasurpriseetdanslajoie.PierredormaitsurleThabor,malgrésafoiardente,tandisqueJésuspriait.Voiciqu’avecJacquesetJean,ilestintroduitdansla vision resplendissante qui lui rend | sensibles les richessesintérieures de la prière du Maître. On conçoit qu’il veuilledresser la tente sur le Thabor. Il affirmera plus tard que lesformulesde la foi sontplus sûresque lesvisions :« habemusfirmiorem propheticum sermonem87 », écrira-t-il, mais c’estaprèsavoirfaitappelautémoignagedesavisiondelagloireduChristquiluienavaitdonnéuneconsciencepersonnellevivanteetprofonde.Les faveurs extraordinaires enrichissent l’âme et marquentprofondément la vie spirituelle des saints en tout sondéveloppement. Fréquemment au seuil de la voie étroite danslaquelle il engage ses privilégiés, Dieu place une faveurextraordinairequi,telunphare,ensignalel’entrée,enéclairelesentieretlesrudesmontéesetdéjà,desespuissantesclartés,endécouvre le sommet. Les visions du Christ Jésus dont futfavoriséesainteThérèse,donnèrentàsavie,àsadoctrineetàsamission, ce caractère christocentrique qui est une de leursrichesses. On a pu souligner à juste raison que lemystère duChristtotalquiestlapenséemaîtressedelaprédicationetdelaspiritualitépaulinienne,setrouvedéjàtoutentierdanslavision

initialeduChristJésusquileterrassesurlechemindeDamasetqui se dit le Jésus que Saul persécute en poursuivant leschrétiens88.Quipourraprécisercequelesvisionsrépétéesetlesparoles de la Vierge Immaculée laissèrent dans l’âme deBernadette ? Certainement un appel à la sainteté et à laréalisation de la beauté découverte, appel dont la puissanceefficace s’étala sur une rude pauvreté humaine recouverte descharmes délicats de la simplicité divine. N’est-ce pas aussi labeautéetlesourireguérisseurdelaViergequis’estimprimésurla physionomie conquérante de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus?

III.EffetscharismatiquesLeprofit immensequepeuten retirer l’âme,nedoitpasnousdissimuler que ces faveurs extraordinaires sont en soicharismatiques. C’est donc dans le bien qu’elles procurent auprochain et à l’Église plutôt quedans leurs effets sanctifiants,quenousdevonschercherleureffetspécifiqueet lebutauquelellessontprovidentiellementordonnées.CesfaveursextraordinairessontdonnéesparDieupourassurerlumière, force et crédit dans la réalisation des missionssurnaturelles.Cebutn’exclutpasleprécédent,pasplusquelebiendel’Église,findetouteschoses,n’exclutlasanctificationdesmembresquitravaillentàl’édifier,maisaucontrairel’exigeet le procure.Bien de l’Église et bien spirituel particulier desâmess’harmonisentdansleplandivin.Il importecependantdesouligner ce caractère charismatique comme le caractèreessentieldecesfaveursextraordinaires.C’estceluiquiapparaîtle plus clairement dans l’histoire du peuple hébreu et dansl’histoiredel’Église.C’estleseulquiexpliquelafréquencedecessignessensiblesdel’actiondeDieuouleurabsencedanslesvoiesparticulièresdelasainteté.


intervienticiencoreavecsesexigencesrigoureusesdontlesfaitsvontnouspermettredevérifierl’application.Créer une vision en imprimant une image dans les sensintérieurs,donnerunelumièredistincteenfaisantentendreuneparole, ne dépasse pas la puissance ordinaire de l’ange qui,commepuresprit,apouvoirsurtouteslesnaturesinférieures.Ilest donc normal que Dieu utilise la puissance de l’ange pourproduire ces grâces extraordinaires. L’ange devient causeinstrumentaleentrelesmainsdeDieuquirestel’agentprincipal.L’Ancien Testament nous montre fréquemment des angesutilisésparDieunonseulementcommemessagersmaiscommeinstruments au point de lui paraître identifiés.Abraham reçoittroisanges,quiluifontpartdelamissiondontilssontinvestispour la destruction de Sodome. Tandis que le patriarche lesaccompagne sur | la route, voici, nous dit l’auteur sacré106,qu’entreleSeigneurlui-mêmeetAbrahams’engageundialoguedramatiquequiprolonge la conversationdupatriarcheavec lesmessagers célestes. Il a paru normal à l’auteur inspiré desubstituer ainsi brusquement Dieu lui-même à ses anges, etl’unitédurécitn’ensouffrepas,tellementl’angen’estvraimentqu’instrumentdivin.Dans les descriptions des manifestations de Dieu auxprophètes, l’auteur inspiré signale presque indifféremment leSeigneur ou l’ange du Seigneur, et, dans la même vision,attribueparfoissuccessivementlesparolesàl’unetàl’autre.Onnesauraitmieuxaffirmerlacausalitéinstrumentaledel’angeet,parsuite,l’identificationdumessageretdesonmaître.Une illustration typique et vivante de cette causalitéinstrumentaledel’angeestprésentéedanscetassautduséraphinqu’est la transverbération107.Dans laViveFlamme, saint JeandelaCroixplaceauprèsdestouchessubstantiellescettefaveur

charismatiquequiestunedesplushautesaccordéesparDieu.Ill’endistinguecependantavecsoin,carlespremièressontune touche que la Divinité seule fait à l’âme sans l’intermédiaire d’uneformeoud’unefigurequelconque108

tandisquel’angeintervientdanslafaveurcharismatique.SainteThérèse nous indique comment, et sa description est pleined’intérêt:Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long dard en or, dontl’extrémité en fer portait, je crois, un peu de feu. Il me semblait qu’il leplongeaitparfoisautraversdemoncœuretl’enfonçaitjusqu’auxentrailles.En le retirant, onaurait dit quece fer les emportait avec lui etme laissaittoutentièreembraséed’unimmenseamourdeDieu109.

Sousdesformessensibles,lavisionnousmontrecommentestaccordée cette grâce de fécondité spirituelle. Cet amour,« prémices de l’esprit » par lequel Dieu confère à cette âme,qu’il consacre comme chef, « des trésors et des grandeurs enrapport avec la successionplusoumoinsgranded’enfants quidoiventembrassersarègleetsonesprit110»,nepeutêtredonnéque par Dieu.Mais c’est | l’ange, de très haute hiérarchie111,parce que la faveur est tout à fait singulière, qui est chargéd’infuser ce « peu de feu » dans les profondeurs de l’âme.L’angeestun instrument libreetvivantdontDieu, semble-t-il,utilisel’actionpourtouteslesgrâcescharismatiques.Ce problème de la causalité instrumentale angélique dans laproduction des faveurs extraordinaires en appelle un autre :celui du discernement de l’origine divine de ces faveursextraordinaires.

E.DISCERNEMENTDEL’ORIGINEDIVINEDECESFAVEURSCequiestaupouvoirdel’ange,deparsanaturedepuresprit,est aussi au pouvoir du démon qui, dans sa chute, a gardé les

donsdesanatureangélique.Utiliserlesarchivesdelamémoiresensible et intellectuelle pour représenter dans la mémoire etl’imaginationunefouledeconnaissancesoud’idéesfausses,lesimprimerdans l’esprit etdans les sensavec tantd’efficacitéetde certitude que l’âme se persuade qu’il ne peut en êtreautrement que ce qui lui est alors représenté112, former desvisions, faire entendre des paroles est un jeu auquel le démonexcelle. Il peut aussi faire naître des sentiments spirituels parson influence sur les sens corporels113, utiliser sa pénétrationpour simuler les révélations de l’avenir. Il y a beaucoup devisionsetdeparolesquiviennentdudémon,affirmesaintJeandelaCroix:D’unefaçongénéraleeneffetledémonimitelesprocédésetlesrapportsdeDieuavecl’âme;ilsingesibiencescommunications,pours’insinuerprèsd’elle,commeleloupravisseurrevêtudelapeaudebrebisquientredansletroupeau,qu’onapeineàlereconnaître114.

Illuiestd’autantplusfaciledesingerl’actiondeDieuetdesetransformerenangedelumièrequeDieu permet d’ordinaire que le démon ait connaissance des faveursconférées par lemoyen du bon ange pour qu’il s’y oppose de toutes sesforcesd’aprèslesproportionsdelajusticeetnepuissealléguerdesondroitenprétextantqu’onneluipermetpasdevaincrel’âme,commeill’aditdeJob115.

SaintJeandelaCroixrappelleàceproposcommenttouslesvéritablesprodiges,accomplisparMoïse,étaientcontrefaitsparlesmagiciensdePharaon116,

etilajoute:Cen’estpasseulementcegenredevisionscorporellesqueledémonimite;ils’ingèreégalementdans lescommunicationsspirituellesquiviennentdubonange,ilparvientàlesvoir,commenousl’avonsdit117.


15.Ibid.,p.283-284[2,29,8].16.MontéeL.2,c.27,p.281[2,29,4].17.Ibid.,c.28,p.287[2,30,1].18.Dn9,22.19.MontéeL.2,c.28,p.287-288[2,30,2].20.Ibid.,p.288[2,30,3].21.Qo8,4.22.MontéeL.2,c.29,p.292-293[2,31,1].23.Ibid.,p.294[2,31,2].24.Vie,c.25,p.264[25,18].25.Vie,c.26,p.269-270[26,2].26.6eDem.,c.3,p.947-948[3,7].27.MontéeL.2,c.21,p.247[2,23,2].28.Vie,c.26,p.272[26,5].29.Vie,c.27,p.274[27,2].30.Ibid.,p.276[27,4].31.6eDem.,c.8,p.995[8,3].32.Vie,c.27,p.276[27,5].33.6eDem.,c.8,p.995[8,3].34.Vie,c.30,p.313[30,2-5](en1554probablement).35.Ibid.,c.28,p.297[28,16-18].36.6eDem.,c.9,p.1002-1003[9,2-3].37.Ibid.,p.1004[9,4].38.Vie,c.28,p.290[28,5].39.6eDem.,c.9,p.1006[9,10].40.Ibid.,p.1004[9,4].41.Vie,c.28,p.288[28,3].42.Ibid.,p.289[28,4];6eDem.,c.9,p.1003[9,4].43.Vie,c.28,p.294[28,9].44.Auchapitre33,desaVie (p.367)[33,14-15],sainteThérèsedécritunevisiondanslaquelleelledécouvreNotre-Damedansunevisionintellectuelleetimaginaire,etsaintJosephdansunevisionquin’estqu’intellectuelle.45.6eDem.,c.9,p.1002[9,1].46.Vie,c.28,p.293-294[28,9].

47.Vie,c.40,p.469[40,13-14].48.Ibid.,c.39,p.459-460[39,25].49.Vie,c.40,p.461-463[40,1-4];6eDem.,c.10,p.1015[10,5].50.Vie,c.40,p.461-463[40,1-4].51.Ibid.,c.40,p.462[40,3].52.Ibid.,c.27,p.277-280[27,6-10].53.Vie,c.27,p.277-279[27,6-9].54.Ibid.,c.40,p.464-465[40,5-6].55.Vie,c.40,p.466-467[40,9-10].SainteThérèsedécritenquelquesmotscettemêmevisiondans leChâteauIntérieur,6eDem.,c.10,p.1014[10,2].56.Le29mai1571aumonastèredeSaint-Josephd’Avila.57.Rel.9,p.538-539[16,1-2;29mai1571].58.Rel.11,p.540-541[18,30juin1571].59.7eDem.,c.1,p.1030-1031[1,6.9].60.Rel.18,p.543-544[24,1571?].61.Rel.26,p.549-550[33,1.3;dateincertaine].62.7eDem.,c.2,p.1034-1035[2,1-2].63.7eDem.,c.2,p.1035[2,3].64.Ibid.,p.1034[2,1].65.Ibid.,p.1036[2,4].66.MontéeL.2,c.22,p.251-252[2,24,3].67.Ibid.,c.25,p.273[2,27,1].68.MontéeL.2,c.24,p.260[2,26,2].69.Ibid.,p.262[2,26,5].70.Ibid.,p.265-271[2,26,14.18].71. Il est possible que la Sainte ait joui de telles visions et ne les ait pasdécrites.72.MontéeL.2,c.25,p.273[2,27,2].73.Rel.26,p.549[33,1;dateincertaine].74.Ontrouveraplusloindanslechapitre«Fiançaillesetmariagespirituels»,t972 et s., de plus longs développements sur la vision intellectuelle de lasainteTrinité.75.Vie,c.24,p.250[24,5.7].

76.Vie,c.24,p.250[24,6-7].77.6eDem.,c.9,p.1011[9,17].78.Ibid.,p.1006[9,10].79.Vie,c.29,p.301[29,3].80.Ibid.,c.29,p.307[29,11].81.Ibid.,c.28,p.293[28,9].82.Ibid.,c.28,p.296[28,13].83. Une parole simplement formelle reste une faveur extraordinaire, bienqu’ayantpeud’effetsanctifiant.Une révélation peut de même n’apporter que la lumière sur un pointparticuliersanscesserd’êtrefaveurextraordinaire.84.6eDem.,c.8,p.997-998[8,4-5].85.Vie,c.28,p.293[28,9].86.6eDem.,c.9,p.1003[9,2-3].87.2P1,19[«noustenonsplusfermelaparoleprophétique»].88.Cf.P.Mersch,LeCorpsMystiqueduChrist,1epartie,c.4[Paris,DDB,19362.Voiraussic.3,p.85].89.Rel.27,p.551[34,dateincertaine].90.MontéeL.2,c.20,p.230-231[2,22,3et2].91.He1,1-2.92.MontéeL.2,c.20,p.232[2,22,3-4].93.MontéeL.2,c.15,p.185-186[2,17,4].94.Vie,c.7,p.67[7,6].95.Vie,c.28,p.290-291[28,6].96.Vie,c.28,p.292[28,8].97.Ibid.,p.290[28,6].98.MontéeL.2,c.14,p.173[2,16,2].99.Ibid.,c.21,p.247[2,23,1].100.6eDem.,c.3,p.944[3,1].101.Vie,c.25,p.252[25,1].102. De cette étude comparative des faveurs extraordinaires une remarquegénéraleexplicativesedégage:saintJeandelaCroixalesoucidesignalerl’actiondeDieupartoutoùilladécouvre;sainteThérèse,parcontre,réservele nom de surnaturel à ce qui apparaît dégagé de toute causalité humaineefficiente.


d’un poids qui oppresse, d’une obscurité qui paralyse, d’uneangoisse qui étreint. Pour en marquer l’intensité et laprofondeur,lesaintDocteurprocèdepartouchessuccessives.Ilen découvre les divers aspects, les place sous des éclairagesdifférents,signalequelquestraitsparticuliersetlesreprendpourlesaccentuer.Voiciquesaplumesembles’arrêterimpuissante.Ilfait alors appel à la poésie rude et sublime des textesscripturaires, à la puissancede leur souffle inspiré et se laisseporter par eux. Il nous introduit ainsi dans le gouffre d’unesouffrance sans nom. Lorsque nous avons l’impression desombrer avec lui dans la désespérance, il se redresse soudainavecuneforcesereinequinoussoulèveavecluidanslalumièreetlacertitudedutriompheprochaindeDieuetdesagrâce.Voicid’aborduntableaud’ensemble:C’est dans la pauvreté, l’abandon, le dénuement de toutes les pensées demon âme, c’est-à-dire dans les ténèbres de mon intelligence, dans lesangoissesdemavolonté,danslesafflictionsetleschagrinsdemamémoirequejesuissortie28,

déclare l’âmedès ledébut.Toutes les facultés,on levoit, sontatteintes.Danscetourmentgénéralisé,unesouffrancedomineetsembleêtrelacausedetouteslesautres:c’estl’éblouissementprovoquéparl’irruptiondelalumièredivine.Quandcettedivinelumièredelacontemplationinvestitl’âmequin’estpasencorecomplètementéclairée,elleproduitenelledesténèbresspirituelles,parcequenonseulementelleladépasse,maisparcequ’ellelaprivedesonintelligence naturelle et en obscurcit l’acte.Voilà pourquoi saintDenys etd’autres théologiens mystiques appellent cette contemplation infuse unrayon de ténèbres…David dit à son tour : «Nubes et caligo in circuituejus;Lanuéeet l’obscuritéenvironnentDieu29». Iln’enestpasainsienréalité;maiscelaparaîttelpournotrefaibleentendement;ilestaveugléparcettelumièreimmense;ilestébloui;ilest|incapabledes’éleveràunetellehauteur.Davidl’expliquequandilajoute:«Praefulgoreinconspectuejusnubes transierunt ; À l’éclat de sa présence les nuées se sont

interposées30 » ; cela veut dire qu’elles se sont interposées entre notreentendementetDieu31.

Cette lumière si éblouissante qu’elle paralyse les facultés etcache le foyer divin d’où elle procède, éclaire par contreétonnamment les impuretés de l’âme et souligne puissammentl’oppositionentre lapuretédeDieuet l’impuretéde l’âme.Cesont deux contraires qui s’affirment et qui ne peuvent passubsister dans le même sujet. Il doit donc y avoir lutte etsouffrance.Quand,eneffet,cettepurelumièreinvestitl’âme,c’estpourenchasserlesimpuretés32.

L’âmedécouvreainsidouloureusementcombienelleestloindeDieuetmêmeopposéeàDieu.Alorsl’âmesereconnaîtsiimpureetsimisérablequ’illuisemblequeDieus’élève contre elle, et qu’elle-même s’élève contre lui. Comme elles’imaginealorsqu’elleestrejetéedeDieu,elleéprouvetantdepeineettantde chagrin qu’elle passe par l’une des épreuves les plus sensiblesauxquelles Job ait été soumis. Il disait en effet : « Quare posuisti mecontrarium tibi et factus summihimetipsigravis ; Pourquoim’avez-vousmis en opposition avec vous et suis-je devenu un fardeau pour moi-même33?»

Cetteoppositionfaitsentiràl’âmelepoidsdelaforcedivine.Elle en est écrasée et accablée. C’est pour elle une nouvellesouffrance.Comme cette divine contemplation, explique le Saint, investit l’âme avecquelquevigueur…lesenset l’espritsontpourainsidireoppressésparunpoidsimmenseetinvisible;ilssouffrentetendurentunetelleagoniequ’ilsregarderaient la mort comme un soulagement et un bonheur. Le sainthomme Job qui connaissait cet état par expérience a dit : «Nolo multafortitudine contendatmecum,nemagnitudinis suaemolemepremat ; JenevoudraispasqueDieuluttecontremoiavecbeaucoupdeforce,danslacraintequ’ilnem’accabledupoidsdesagrandeur34.»

Le divin et l’humain ne s’affrontent pas seulement del’extérieurmaisilssecompénètrentpours’anéantirl’unl’autre.C’estcequiproduitlatroisièmesouffrance.Ledivinavilitetdétruitsibienlasubstancespirituelleenl’absorbantdansdesiprofondesténèbresquel’âmesesentanéantieetdéfaillanteàlavuedesesmisèresetquel’espritendure|unemortcruelle.Illuisemblequ’elleestcomme engloutie dans le ventre ténébreux d’une bête, où elle se sentdigérée, et éprouve ces angoisses que Jonas endurait dans le ventre dumonstremarin…Cegenredetortureetdetourmentdépasseenréalitétoutcequ’onpeut imaginer.David ledécrit ences termes :«Circumdederuntme doloresmortis… dolores inferni circumdederuntme… in tribulationemea invocaviDominum, et adDeummeumclamavi ; Les douleurs de lamortm’ontenvironné…Lesdouleursde l’enferm’ontassailli…dansmatribulationj’aiinvoquéleSeigneur,etj’aicriéversmonDieu35.»Maiscequecetteâmeangoisséeressentleplus,c’estqu’elleregardecommeévidentque Dieu l’a rejetée, qu’il l’a en horreur, qu’il l’a reléguée dans lesténèbres… Il y a plus, il lui semble avoir la redoutable appréhensionquecet état seraéternel.Elle secroit enoutre l’objetdumêmeabandonetdumêmeméprisdelapartdescréaturesetsurtoutdelapartdesesamis.C’estpourcelaqueDavid,continuantsesplaintes,aditaussitôt:«Longe fecistinotosmeosame,posueruntmeabominationemsibi;Vousavezéloignédemoimesamisetilsm’ontprisenabomination36.»

Cette actiondeDieudans l’âme en creuse les profondeurs, yfaitdouloureusementlevide.C’estlaquatrièmesouffrancequeproduitlaflammepurificatrice.L’âme, écrit saint Jean de la Croix, sent en effet en elle-même un videprofond,unedisetteextrêmedetroissortesdebiensappropriésàsesgoûts,etquisontlesbienstemporels,naturelsetspirituels;deplus,elleconstatequ’elle est au sein de troismaux opposés, et qui sont lesmisères de sesimperfections,lessécheressesoulevidedesesfacultés,etledélaissementdesonespritenvahideténèbres37.

En ce délaissement et privation de tout appui, l’âme éprouvel’angoisseduvideainsiqu’uneimpressiond’étouffement.L’âme alors souffre, continue le Saint, non seulement du vide et de lasuspensiondecesappuisnaturelsetdecesappréhensions,cequiestpour


carellesparticipentàlafaiblesseetàlacorruptiondelasensualité.Voilàcequi explique les ravissements, les extases, les dislocations des os qui seproduisent toujours quand les communications ne sont pas purementspirituelles,c’est-à-direpour l’esprit seul ;etc’est lecaspour lesparfaits.Ilssontdéjàpurifiésdanslasecondenuit,celledel’esprit;onnevoitpluschezeuxcesravissements,cesagitationsducorps;ilsjouissentdelalibertéd’espritsansqueleurssensensoientoffusquésoutourmentés75.

Encesquelqueslignessetrouventrésuméesdebienprécieusesaffirmations. D’abord que les communications spirituellesreçuesdansl’espritrejaillissentsurlapartiesensitive76;ensuitel’assurance que les défaillances des sens sont produites par laviolence du choc des communications spirituelles contre lalourdeur,l’impureté,le |manqued’adaptationdessensquifontobstacleà leurexpansion,etenarrêtent laforce.Ravissementsetextasessontdoncdesfaiblesses, laconséquencenormaledelarésistanceofferteparlemanquedesouplesseetdepureté.Defait,àmesurequelesensserapurifié,illaisseraprogressivementtoute liberté à l’esprit et ces phénomènes extérieursdisparaîtront.Ons’expliqueainsique lespremierschocsspirituelspuissentcauserdestroublesphysiquesplusprofonds.Defait,lesgrâcesd’unionquereçoitsainteThérèsependantlespremièresannéesdesavie religieuse,ne furentpasétrangèresàcetébranlementphysiquequilaconduisitauxportesdutombeau77.N’est-ilpaspermisdecroirequelamaladieétrangequesubitsainteThérèsedel’Enfant-Jésusfutcauséeàlafoisparl’actiondeDieuetparl’ébranlementmoralproduitpar l’entréeauCarmelde sa sœurPauline78?3. Localisations physiques. — La neurologie qui étudie latransmissionphysiologiquedesperceptionsintellectuelles,nousavertit que les réactions que ces perceptions produisent sontdiffuses et étendues. Cette loi est à retenir ; elle nous laisse

prévoir que des malaises généraux seront l’effet normal de lapurificationounuitdel’esprit79.Toutefois, en certains cas, et suivant le tempérament del’organisme qu’il affecte, ce malaise prendra des formesparticulièresoulocaliseraseseffets.Demêmequ’unchocreçupar une poutrelle d’acier répand ses vibrations sur toute lasurfacemaisrévèle lapailletted’airquis’ycacheen labrisanten ce point faible, de même le choc divin dont l’irradiations’étend sur tout le corps, affecte plus douloureusement lespoints faibles de cet organisme et dévoile les tendancespathologiquesquil’affectent.De telles conditions rendent fort difficile le diagnostic destroubles physiques produits par l’action de Dieu. Le malaisegénéral ne décèle point sa cause et la localisation qui attirel’attention risque d’égarer l’observation et le diagnostic. Lacollaborationdumédecinetdudirecteurestnécessaireàdetelscas. Le médecin, serait-il psychiatre, ne saurait ordinairementsaisirtouteslesdonnéesduproblèmeetsuffireàunetellecure.Si,trompéparlalocalisationdumal,illuiattribuaitunecausepurement physiologique et prétendait la maîtriser uniquementpar une thérapeutique appropriée, ses interventions pourraientdevenir funestes80. Le rôle dumédecin en pareil cas consiste,moinsquejamais,àsupprimerunedouleur81dont ilnesauraitatteindrelacause;ildoitsouteniretfortifierl’organismepourqu’il puisse porter le poids physique de la grâce et lesébranlementsproduitsparsapressionconstantesurl’âmeouparle choc de ses effusions extraordinaires. Le directeur veillerapendant ce temps, à ce que ces malaises et la médicationnécessairenereplientpasl’âmesurelle-mêmeetnel’occupenttrop de son mal et des soulagements possibles. Plusvigoureusementque jamais, il l’aideraà sedépasser elle-même

et à ne regarder queDieu qui ne blesse que pour guérir. Unelongue patience animée par l’espérance surnaturelle, sera doncsinonl’unique,dumoinsleplusefficacedesremèdes.Puisque,eneffet,cesébranlementsphysiquessontlerésultatdel’actionintense de Dieu et du manque de souplesse et de pureté dupatient, ledevoirdecelui-ci est clair :ne rien fairequipuissediminuerlaforceetl’efficacitésurnaturelledel’actiondivineetattendre|patiemmentquecetteactiondivineproduiseelle-mêmela pureté et la souplesse qui en neutraliseront les effetssensibles.b)ÉpreuvesvenantdesagentsextérieursComme pour le Christ Jésus durant sa passion, tout doitdevenir cause de souffrance pour l’âme en cette période. Ladouleurdoit l’envelopperde toutesparts.Toussemblent liguéscontre elle. À la souffrance intérieure de Gethsémani et à lasueurdesangquienmanifesteextérieurement laviolenceet laprofondeur,s’ajoutelapersécutiondespuissancesdecemonde.Ô mon Dieu, écrit sainte Thérèse, par quelles épreuves intérieures etextérieures ne doit-elle pas passer jusqu’au jour où elle entrera dans laseptièmeDemeure!…Ilestbon,jecrois,quejevousracontequelques-unesdecesépreuvesdontj’ailacertitude…Voici une personne qui est critiquée par celles avec lesquelles elle a desrapportsetmêmeparcellesaveclesquellesellen’enapasetqui,cesemble,nedevaient jamaisde lavies’occuperd’elle.Onditqu’elle fait lasainte ;qu’ellese livreàdesexagérationspour tromper lemonde,etmontrerquelesautressontimparfaitesquandleurvieestpluschrétiennesanstoutescescérémonies;maisilfautnoterquecettepersonnenefaitriend’étrange,sice n’est qu’elle s’applique à bien accomplir les devoirs de son état.Ceuxqu’elleregardaitcommesesamiss’éloignentd’elle;etcesontceuxquiluiportent lesplusfortscoupsdedents ;et ilenrésulteunepeinequi luiesttrès sensible. On lui dit qu’elle est égarée et tombée dans une profondeillusion ; que ce qui se passe en elle vient du démon ; qu’elle doit êtrecommetellesettellesquisesontperdues;qu’elleestuneoccasionderuine


l’enthousiasme, la jubilation font resplendir ses traits lorsqu’elle reconnaîtles sentiments correspondants dans le Christ ou d’autres personnes de lascène.Puis, denouveau, semanifestent les sentimentsde compassion,decrainte, d’anxiété, de dégoût ou de colère quand elle les voit chez lespersonnages de la vision. Ces sentiments dépassent en force et enexpression les limites naturelles, en ce sens que des états d’âme et desémotions opposées se suivent sans transition avec une grande rapidité.Àpeinea-t-ellequelquechosedejoyeux,l’instantquisuit,seslarmescoulent.Aussi vite changent les scènes dans la vision, aussi vite les expressionsmimiquessesuccèdent101.

Les visions partielles de la Passion se succèdent au nombre« d’une quarantaine, plus ou moins selon les cas » et sontaccompagnées de l’activité plus ou moins intense des plaiesstigmatiques102.Ces visions sont suivies d’un état de recueillement oud’absorptiondanslequelThérèseNeumannretombe comme abandonnée par la force qui la soutenait. Ses yeux seferment… Elle entend et peut parler103. Elle est habituellement calme ettranquille, souvent immobile.Mais on s’aperçoit en lui parlant qu’elle estintérieurementpriseetdominéeparcequ’ellevientdevoir,quandils’agitd’unévénementsaisissant.Sonémotionsetraduitparlafaçondontelleenparle,cequ’ellefaitd’ailleursvolontiersetsansréticence104.

Elle jouit alors de lumières supérieures pour discerner lesobjets ou personnes consacrés, et les dispositions des cœurs.Thérèse Neumann connaît un autre état mystique que l’on aappeléétatdereposextatique.C’estle repos d’un sommeil où son âme est unie avec Dieu par la plus hautecontemplation et l’extase, et repose en lui.Ce sommeil fortifie et restaurephysiquementThérèsed’unemanièremystérieuse.Ilintervientchaquefoisquesessouffrancesphysiques,soitdanslaPassionduvendredi,soitdansles substitutionsmystiques, ont presque atteint la limitede cequ’il lui estpossibledesupporter…Ilsemanifestepresquechaquefoisqu’ellereçoitlasainte Eucharistie… Cet état dure de douze à vingt minutes, parfois uneheure… Pendant ces moments de repos s’opère en elle une prompte etmerveilleuse rénovation de ses forces épuisées… Le rapide et profond

changement qui s’est accompli en elle est manifeste à tous les yeux…L’accomplissement sansdéfaillancedenombreusesprédictionsaconfirmédepuis plusieurs années la certitude des amis deThérèse qu’elle jouit, aumoins par intervalle, dans l’état de repos extatique, du don de prophétie,pénètrelessecretsdescœurs105.

Si nous ajoutons que « depuis Noël 1926 Thérèse ne prendplus aucune nourriture, ni solide ni liquide106 », nous auronsfaitunexposésuccinctdesfaitsdeKonnersreuthquimontrentenquelleabondancedephénomènesextraordinairessesitue lastigmatisation deThérèseNeumann et qui laissent entrevoir lacomplexitédesproblèmesqu’ellepose.β)Commentseproduitlastigmatisation?1°Exposé des solutions possibles.— Comment expliquer lastigmatisation?Àquellescausesl’attribuer?Àl’actiondeDieuoududémonouàunjeudesloisdelanature?Àcesdiversescauses en même temps ? et dans quelle mesure ? Tel est leproblème.Lasolutionlaplussimpleseraitderéserveràl’actiondeDieula production d’un phénomène si merveilleux, lorsqueévidemment est éliminée la supercherie. Mais encore faut-ilpréciserlanaturedecetteactiondeDieu.Est-ce Dieu lui-même qui intervient avec sa toute-puissancepour produire ce phénomène en dehors des lois de la naturecréée107,de tellesorteque lastigmatisationsoitunmiracleausens actuel du mot, comme par exemple la résurrection d’unmort, lamultiplication des pains, la reconstitution instantanéed’unosoud’untissu?Certainementnon.Lesstigmatespeuventêtre en effet produits par un hommemuni d’un instrument ouparunange.Mais en utilisant un ange comme instrument qui imprimeraitles stigmates, Dieu resterait l’auteur principal et son action

pourraitêtreappeléedirecte,ainsiqu’ilaétéditprécédemmentàproposdesvisions108.Peut-onadmettrequ’uneactiondivine indirectequiutiliseraitun processus psycho-physiologique, suffirait pour produire cephénomène merveilleux ? Dieu créerait dans l’âme dessentiments d’amour et de compassion très intenses par uneblessure d’amour en y joignant habituellement une visionimaginairedesscènesde laPassion,etcessentiments trèsvifss’extérioriseraient par les plaies de Jésus crucifié. Bref, lesstigmates seraient un rejaillissement sensible localisé, d’uneactiondeDieusurl’âme.Le démon aurait le même pouvoir de produire les stigmates.Sonactions’yexercerait soitparuneactiondirectesoit, sionadmet la deuxièmeopinion, par l’extériorisation de sentimentsintensesetdefaussesvisionsqu’ilauraitcrééeslui-même.Enfin, si les stigmatespeuvent êtreproduitsparunprocessuspsycho-physiologique,iln’yauraitpasdedifficultés,semble-t-il, à admettre que desmalades doués d’une hypersensibilité etvictimes de visions | hallucinatoires puissent eux-mêmes parcette voie, recevoir des stigmates sans interventionpréternaturelle.Onlevoit,àproposdesstigmates,deuxproblèmesdistinctsseposent;lepremierproblèmegénéral,quipeutêtreainsiénoncé:Lesstigmatespeuvent-ilsêtreproduitsparunprocessuspsycho-physiologiquemisenœuvreparuneactionindirectedeDieuoudu démon, ou par une cause psycho-pathologique ? Ou bienexigent-ilsuneactiondirectedeDieuoududémon?Deuxièmeproblème,particulieràchaquecas:Quelestl’espritqui a produit les stigmates ?Oumêmene sont-ils pas le fruitd’uneaffectionpathologique,s’ilestvraiqu’ellepuissesuffireàlesproduire?


Enlisantlesdescriptionsdelanuitdusensetdelanuitdel’esprit,écritleprofesseur De Greeff, le psychiatre éprouve tout d’abord la tentationd’admettrel’hypothèsequ’ilsetrouvedevantunétatmentalplusoumoinsapparentéaurythmedescyclothymies.Et,eneffet,examinésrapidementetd’assez loin, les phénomènesdécrits par saint Jeande laCroix se laissentréduire à de simples équivalents psycho-pathologiques130. On est surtoutfrappé par la tristesse et le découragement des sujets, voire par leurdésespoir, leurs idées plus ou moins nettement exprimées d’indignité oumêmelacertitudequ’ilssont«commes’ilsétaientabandonnésdeDieu»…Et jusque l’interprétation que le sujet donne de son état sent lamélancolie131.

La remarque ne nous scandalise pas. Un sujet n’a pas deuxfaçons de réagir sensiblement sous un choc, et sa réactionsensiblequienaccuselaviolence,n’enregistrepaslaqualitédela cause qui l’a produit. Il n’est donc pas étonnant que lestroubles produits par la puissance de l’action deDieu dans lanuit, s’apparentent à | certains troubles psycho-pathologiquesquiontunecausedifférente.D’ailleurs, même si on ne va pas jusqu’à affirmer avec lepsychanalyste que nous portons tous quelque tendancepathologique, il faut bien admettre que ces tendances sontlargement répandues dans notre pauvre nature humaine, etqu’elles font partie maintenant des conséquences du péchéoriginel qui l’alourdissent singulièrement. Ces tendancesexistentàdesdegrésdivers,à l’étatbénin laplupartdutemps,plusoumoinsdissimuléesànous-mêmessinonauxautres,sousnos habitudes de vie ordinaire, dans les refoulements oudurcissements intérieurs que nous nous imposons, ou mieuxdans les compensations que nous cherchons ou que nousdemandons à notre entourage. C’est ainsi que l’inquiet,l’obsédé, lemélancolique, le cyclothymique adapte sa vie auxexigences de ses tendances et leur conquiert plus ou moinspacifiquement droit de cité dans sonmilieu. La vie sociale et

surtout la vie commune sont faites de ces accommodementsréciproquesquirestentinconscientstellementilssontimpérieuxàlafoisetentrésdansleshabitudes,jusqu’àcequelalumièredivinedelanuitendécouvrelafallacieuseharmonie.Lapurificationdel’espritfaitmonterà lasurfacejusqu’àuneprise de conscience douloureuse, ces tendances profondémentenracinéesdanslesfacultés.Le feumatériel, écrit saint Jean de laCroix, appliqué au bois, commencetout d’abord par le dessécher ; il en expulse l’humidité et lui fait pleurertoute sa sève.Aussitôt il commencepar le rendrepeuàpeunoir, obscur,vilain ; il lui fait répandre même une mauvaise odeur ; il le dessècheinsensiblement;ilentireetmanifestetouslesélémentsgrossiersetcachésquisontopposésàl’actiondufeu…Ornousdevonsraisonnerdelamêmemanièreaveccefeudivindel’amourdecontemplationqui,avantdes’unir l’âmeetde la transformerensoi, lapurifie toutd’abordde toussesélémentscontraires. Ilen fait sortir toutessessouillures ; il la rendnoire,obscure ;aussiapparaît-ellepirequ’avant,beaucouppluslaideetabominablequeprécédemment.Commecettedivinepurification chasse toutes les humeurs mauvaises et vicieuses qui étaienttrèsenracinéesetétabliesdansl’âme,celle-cinelesvoyaitpas132.

Les humeurs dans le langage de saint Jean de la Croix,désignent tout le complexe psycho-physiologique de l’âme etparconséquent les tendancespathologiquesdontnousparlons.L’alliagedeces tendancesavec lapersonnalitéet leshabitudesde vie est dissocié dans la nuit de l’esprit. | Telles les scoriesextraites du minerai par le feu, qui montent à la surface etrecouvrent le métal précieux dont elles ont été séparées, cestendancess’étalentensurfacedansleurnoirenudité.SaintJeande laCroix avait déjà noté dans la nuit des sens une certaineinfluencede lamélancoliedans la sécheressecontemplative133

etsonactionplusnettedanslestentationsdeluxure134.Danslanuitdel’espritcestendancessontportéesàleurmaximumaigu.Ellescolorentfortementlesréactionsdel’âmesousl’actionde

Dieu qui offrent ainsi au psychiatre des indices justifiant sondiagnostic pessimiste. C’est bien un obsédé, unmélancolique,un cyclothymique qui se présente à nous avec sescaractéristiquesbienconnues.β)CommentdistinguercesdiversphénomènesMalgréleursressemblancesetleurcompénétration,lestroublesde la nuit peuvent généralement être distingués des désordresdes psychoses. Le professeur De Greeff à qui nous avonsempruntélesréflexionsprécédentes,ajoute:Cependant, toutenconsidérantcommeprobablequ’uncertainnombrede«nuits» (dusensetde l’esprit135) ressortissentplusparticulièrement à lacyclothymie, ilapparaîtquecelle-cinepeuttoutexpliqueretque,dansunpourcentage de cas plus élevé qu’on ne le croirait, il est impossibled’identifierunétatde«nuit»àunétatmélancoliquefruste136.

Les signes de la nuit donnés par saint Jean de la Croixpermettent habituellement de faire les discriminations|nécessaires.LeSaintaprissoinlui-mêmed’indiquerquelques-unsdeseffetspropresdelamélancolie.Toutefois,danslescasmixtesoù,selonlemotdeDomMager,la cause efficiente principale est mystique, et la causeinstrumentale est plus ou moins pathologique137, c’est-à-direlorsque le sujet est affecté de tendances pathologiques, lediscernementseraplusdifficile.Sehâterdejugerpourraitavoirdesconséquencesnéfastes.Lecomportementde l’âmeet sesprogrèsquiserontappréciésnon d’après la violence des crises ou leur retour périodique,mais d’après des critères d’ensemble saisis sur une largepériode,permettrontdedéterminerquelleestdelanuitmystiqueou de la psychose, l’influence prédominante qui finira parl’emporter.


Ne croyons pas d’ailleurs à un cycle régulier avec desinterruptions périodiques, telles que nous les trouvons dans lanature. La Sagesse semble parfois avoir hâte de terminer sonœuvre en très peu de temps. Parfois, au contraire, lesinterruptionssontfort longues.Dieupeut laisserdansl’ombre,comme au repos, telle tendance, | remettre à plus tardl’affinementde l’âmesurunpointparticulieret lapurificationparfaite de telle vertu. Il attendra peut-être de longues annéesavant que sa Sagesse d’amour ne fasse sentir de nouveau saflammedouloureuse.Luiseulsaitpourquoi162.

II.FormesindividuellesdelapurificationCefeupurificateurestunfeuintelligent.Ilrèglelaviolencedesa flamme à l’effet qu’il veut produire. À la nuit de l’esprits’applique aussi la remarque que saint Jean de laCroix fait àproposdelanuitdessens:Tous ne sont pas soumis aux mêmes tentations ni aux mêmes épreuves.Dieu lesmesured’après savolonté, enconformitéaux imperfectionsplusoumoinsgrandesqu’ilyaàdéraciner;c’estaussid’aprèsledegréd’amouroù il veut les élever qu’il leur envoie des humiliations plus ou moinsprofondes et les éprouve plus ou moins longtemps. Néanmoins, lapurification de ceux qui sont forts et plus capables de souffrir est plusintenseetplusrapide163.

D’ailleurs,comme«lesfautessontl’alimentdufeu164»etquepar conséquent la souffrance est différente suivant les péchésatteintsparlaflamme,ilenrésultequelapurificationdel’espritprend en chaque âme une forme individuelle spéciale par lanaturedesépreuvesetlegenredesouffrancesqu’elleimpose.Laremarque est importante. Il faut donc se garder de touteconception stéréotypée de la nuit. La nuit est toujours uneinterventiondelaSagesseparlefeu;lechalumeaudivinatteintlesprofondeursdel’âmeavecuneviolenceetsuivantunrythme

aussivariésquelesdesseinsdeDieusurelle,etquelesformesdupéchédontildoitlapurifier.

III.PurificationimmergéedanslavieordinaireCetteremarquesurlecaractèreindividueldelapurificationdel’esprit doit être complétée par un autre trait plus importantencorepourl’observateurextérieur.La purification de l’esprit n’est pas une interventionchirurgicalefaiteenclinique,ouuneexpériencedelaboratoire;en d’autres termes, elle n’est pas une intervention surnaturellesur un sujet qui a été séparé dumonde extérieur, isolé en unmilieuoùaétésupprimétoutcequipourraitnuireausuccèsdel’opérationetréuniavecsointoutcequipourraitlefavoriser.LaSagesse ne place pas en serre chaude toutes les âmes qu’elleveut purifier. On pourrait cependant le croire en lisant lesdescriptions san-johanniques, tellement l’action divine yapparaît pure, haute, dégagée de tout alliage humain, ettellement l’âme y semble elle-même absorbée uniquement parcette rencontre profonde en elle et ce duel douloureux de lalumièrequil’investitetdupéchéqu’elleporte.Cesdescriptionsnous convient à un spectacle combien vivant et passionnantd’intérêt ; mais nous avons quelque peine à le situer dans laréalité quotidienne, tellement les forces en action y sontsoulevéesetabsorbéesparlaviolenceetparl’enjeudelalutte.Etcependant,c’estbiendanslaviequotidiennequeselivrececombat. Saint Jean de la Croix doit à la pureté et à lapénétration de son regard d’avoir pu discerner et abstraire leséléments spirituels de ce drame pour nous les présenter dansleurréalitéessentielle165.Mieuxquepersonnecependant,ilconnaîtcetartsuprêmedelaSagesse,faitdesimplicitéetdesouplesse,quiexcelleàutiliserlescausessecondes,personnesetévénements,pourenfairedes

instruments de sa toute-puissance dans la réalisation de sondessein unique, l’Église et la sanctification des âmes.L’actionde la Sagesse est immergée habituellement dans la viequotidienne et se cache sous le voile des événements les plusordinaires.Certes, la solitude et le désert lui offrent un champ d’actionparticulièrement favorable pour ses opérations | intérieures lesplushautes.Elleattireaumoinspouruntemps,encesateliersspécialisés de sa grâce, les âmes qu’elle prépare à de hautesdestinées. Mais les événements extérieurs, les passions deshommes,luisontdesinstrumentsd’unetellequalité,d’unetellepromptitude à agir, d’unmaniement si facile, d’une docilité siparfaiteàsesmotions,qu’ellelesutilisetrèslargementpourlapurification de ses saints. Saint Jean de la Croix est isolé detout, en sa maison en planches près du monastère del’Incarnation,etc’estlàqu’ilestsaisiparlescommissairesdesChaussés pour subir dans la prison de Tolède le choc le pluspuissant de l’assautmené contre la réforme thérésienne.De laprisondeTolède,ilsortiraaveclagrâcedumariagespirituel.LaviedesainteThérèseest rempliedecesassautsdespuissancesextérieuresquipurifient sonâmeet affermissent sonœuvrederéformatrice.

IV.MystérieuseetsouventcachéeauxregardsL’agitationdespassionshumaines,levoileplusépaisencoredela simplicité des événements ordinaires, sous lesquels elle sedissimule, enveloppent de mystère l’action de la Sagesse, etd’unmystèrequeladiversitédesformesextérieuresfaitencoreplus profond.Aussi cette action peut échapper au regard, nonseulementdequilasubit,maisdel’observateurextérieurleplusaverti. Peut-être la prise de conscience de cette action divinesera-t-elle plus facile pour le contemplatif, habitué aux


154.C’estlaconclusiondesobservationsfaitesparledocteurAchille-Delmassur le cas d’une jeune fille qui a continué pendant des années à suivre lesoffices, à se confesser et à communier aux grandes fêtes, à faireponctuellementjeûnesetabstinencesetcelasanssedépartirdesonmutisme,desoninactivitéetdesonattitudefigée.ÉtudesCarm.,oct.1938,p.236.155.P.Piat,Histoired’unefamille,c.14,[1945],p.305.156. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus écrivait finement à propos de lapratique de la charité : « Je me suis dit que je devrais être aussicompatissantepourlesinfirmitésspirituellesdemessœurs,quevousl’êtes,maMèreChérie,enmesoignantavectantd’amour.J’ai remarqué (et c’est tout naturel) que les sœurs les plus saintes sont lesplus aimées… Les âmes imparfaites au contraire, ne sont pointrecherchées…onéviteleurcompagnie.‒Endisantlesâmesimparfaites,jeneveuxpasseulementparlerdesimperfectionsspirituelles…jeveuxparlerdu manque de jugement, d’éducation, de la susceptibilité de certainscaractères,touteschosesquinerendentpaslavietrèsagréable.Jesaisbienque ces infirmités morales sont chroniques, il n’y a pas d’espoir deguérison»Man.Autob.Cfol.27v°-28r°.157.Nousparlonsévidemmentdelasaintetéréellequisemesureàlacharitéet qui peut se trouver avec des déficiences pathologiques, et non de lasaintetécanoniséequi,pourêtreproposéeàlavénérationetàl’imitationdesfidèles,doitnormalementêtredébarrasséedetoutcequipourraitlaternirouladiminueraujugementdeshommes.158.P.deGuibert,art.cité,ÉtudesCarm.,oct.1938,p.189.159.[Cetteexpressionprovientdel’introductionauchapitreXIIdel’Histoired’uneÂme(éditionde1907,p.223-224;1914,p.226)].160.NuitL.2,c.18,p.633[2,18,3-4].161.Ibid.,c.10,p.591[2,10,6].162. Cette purification de l’esprit semble pouvoir durer non seulement delongues annéesmais toute une vie pour aboutir aumoment de lamort oupeudetempsavant,àunépanouissementfinalquiestl’uniontransformante.Ilnousparaîtqu’ondoithabituellementexpliquerainsilessouffrancesquiseprolongentpendanttouteunevieetqu’onsehâtetropdequalifiercertainessouffrancesdesouffrancesuniquementrédemptrices,sousprétextequ’ellessont postérieures à une grâce extérieure indiquant un haut degré d’union.Certes, il doit exister ici-bas ailleurs qu’enNotre-Seigneur et chez la sainteVierge, des souffrances uniquement rédemptrices, mais ne les proclamons

telles que si l’état de mariage spirituel ou union transformante a étéclairement constaté. Il est plus normal et plus conforme à la dualité de lachair et de l’esprit qui est en nous, que la souffrance soit à la foispurificatriceet rédemptrice.Cf.P.Garrigou-Lagrange,«Nuit réparatricedesaintPauldelaCroix»,ÉtudesCarm.,oct.1938,p.287-291.163.NuitL.1,c.14,p.543[1,14,5].‒VoiraussiViveFl.,str1,p.931[B1,24].164.NuitL.2,c.10,p.590[2,10,5].165.Nousavonsdéjàsoulignécedonqu’asaintJeandelaCroixdediscernerlesurnaturelessentielpartoutoùilsetrouve.Autantilseméfiedusurnaturelmodal,c’est-à-diredesmanifestationsextérieuresquifrappentlessens,parcequel’illusions’yintroduitaisément,autantiladerespectpourlesurnaturellui-même.Aussiillemetenreliefpourqu’aucunemietten’ensoitnégligéeetfouléeauxpieds.166.La vie des saints pourrait illustrermerveilleusement ces considérationsqui restent mortes parce que générales. On y verrait comment la Sagesseutilise admirablement les difficultés extérieures (difficultés d’argent,oppositiondesamis,etc.),pourobligerlessaintsàfairedesactespurementsurnaturelsetàgravirainsilesderniersdegrésdelaperfection.Dieutortureadmirablementsessaintspourlesconduireaubutsurnaturelqu’illeurafixé.167.NuitL.2,c.11,p.593[2,11,1].168.NuitL. 2, c. 10, p. 590 [2, 10, 5] : «Nouspouvons, enpassant, nousfaireuneidéedelamanièredontsouffrentlesâmesdupurgatoire…»VoiraussiViveFl,str.1,p.927-931[B1,18-25].

Chapitrequatrième

Laconduitedel’âme:Pauvreté,Espérance,EnfancespirituelleCeluiquinaîtdelachairestchair,celuiquinaîtdel’espritestesprit.Net’étonnepasquejet’aiedit:Ilfautquevousnaissiezd’enhaut.Leventsouffleoùilveutettuentendssavoix,maistunesaispas

d’oùilvientetoùilva:ainsienest-ildequiconqueestnédel’esprit1.

CetteactiondeDieudanslanuitexigelacoopérationdel’âme.Quelle est la coopération qui assurera à l’action de la flammeardentesapleineefficacité?N’est-cepasleproblèmequiseposapourNicodèmelorsqu’ils’enfutpendantlanuittrouverJésusqui,pourlapremièrefois,semanifestaitàJérusalem?Siparadoxalquepuisseparaîtrecerapprochement, il doit être fait. Il apportera une lumière. LejeuneThaumaturgedeNazarethavaitconquiscechefparmilesJuifs.Celui-ciavaitreconnuenJésusl’espritdeDieu.«Rabbi,luidit-il,noussavonsquevousêtesunmaîtrevenudelapartdeDieu2 ».Ce préambule indique une attitude d’âme et annonceunequestion.DecemaîtrevenudeDieu,Nicodèmeattendaitunenseignement pour se mettre à son école. Jésus prévient lademande :«Envérité,envérité, je te ledis,nul,s’ilnerenaîtd’en haut, ne peut voir le royaume de Dieu3 ». Le gravenéophyteestdéconcerté.Chezcedocteurdelaloiquisemeutàl’aise dans les minuties des prescriptions rituelles et dans lessubtilités des interprétations rabbiniques, cette affirmation faitchocensonsavoiretenseshabitudesdepenser.C’estbiencela


les laisserdansl’isolementcomplet,Dieulesremplit immédiatementdecequi est invisible et céleste. C’est Dieu qui est son guide dans cettesolitude37.Cettesolitude,où l’âmevivaitprécédemmentetoùelle travaillaitdans lesépreuvesetlesangoissesparcequ’elledemeuraitimparfaite,estdésormaisson repos et son rafraîchissement parce qu’elle en a fait pleinement laconquêteenDieu38.

Cardemêmequ’onrevêtlepauvrequandonlevoitdansledénuement,demêmeDieurevêtdesapureté,desajoieetdesonamourl’âmequiestdépouilléedesesdésirsetquin’aplusnivouloirninon-vouloir39.

Telssontlesbiensquelapauvretéassureàl’espéranceici-bas,enattendantquel’uneetl’autres’ensevelissentetdisparaissenthumblementet silencieusementdans leur triomphe,auseuildelavisionéternelle.

B.L’ENFANCESPIRITUELLENous aurions pu donner plus de développement àl’enseignementdesaintJeandelaCroix,etpréciserparledétaillesconseilsqu’ildonneàl’âmeencettepériode.Ilnousaparupréférable de nous en tenir à un exposé assez sobre desprincipes.LesprincipesdonnésparsaintJeandelaCroixsonttoujours des phares puissants, qui projettent un faisceaulumineuxéblouissantsurlesrégionssanssentierquis’étendentjusqu’àl’infini.Espéranceetpauvretéspirituellesontdesmotsqui, chez des âmes plongées dans la nuit de l’esprit ont desrésonancesprofondes.Enleursolitudeténébreuseetardente,leslongs développements n’ont point accès. Seuls y pénètrentcertains mots, lourds de la lumière du Verbe divin et richesd’une certaine expérience. Ils y laissent une traînée lumineusequi trace la route, et ils y créent une paix silencieuse déjàmessagère de clartés d’aurore. Les mots d’espérance et de

pauvretéprononcésparsaintJeandelaCroixsontcertainementdeceux-là.Lanappedelumièrequis’endégageabesoincependantd’uneexplicitation pratique que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus valeurdonner.LaSaintedeLisieuxestunefilleauthentiquedesaintJeandela Croix. On ne peut en douter. Sa doctrine sur l’enfancespirituelle repose sur la doctrine duDocteurmystique ; on nesaurait en éclairer les profondeurs que par l’enseignement duSaintsurl’espéranceetlapauvretéspirituelle.Lavoied’enfanceest-elle autre chose qu’une ascèse mystique, coopération del’âmeà l’action toute-puissantedeDieu?Nousne lepensonspasetnousespéronslemontrer.Mais pourquoi le dissimuler, ces fondements étant communs,les superstructures semblent bien différentes dans les deuxexposés. Jean de laCroix appartient auXVIe siècle espagnol ;c’estun théologien, au langageaustère,undocteurqui énoncedes principes et classe sous leurs lumières ses expériences, ens’efforçant d’être aussi impersonnel que possible. Thérèse del’Enfant-Jésus est plus près de nous ; il nous paraît que nousl’avons connue tellement nous réagissons et parlons commeelle ; c’estune jeunemaîtressequi s’assiedprèsdenouspournouscontersesexpériences;ellen’estqu’unpetitdocteur,auxconceptualisations si simples qu’elles semblent pauvres ;maisellenousconquiertparlalumièresihauteetsisimpledontsesmots sont remplis, par sa vie et son amour qui débordent, parsonenseignementquinetouchepasseulementlescontemplatifsdont elle est, mais atteint toutes les petites âmes, par sanarration simple, vivante, imagée, par le sourire enfin aveclequel elle nous accueille et qui nous dit la délicatesse del’amour surnaturel qu’elle nous portait avant même que nousl’ayonsabordée.Avoiràsadispositionpouréclairercesrégions

obscures de la nuit, la lumière convergente de deuxenseignementsàlafoissiressemblantsetsidifférents,c’estuneheureusefortuneetunegrâcedontnousdevonsprofiter.

I.Fondementsdeladoctrinedel’enfancespirituelleRévélerDieuamourauxâmesestlepointcentraletessentieldela mission de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Ce message acommefondementlagrâcelaplusimportanteetlaplusprofondedesavie,àsavoiruneconnaissanceexpérimentaletrèsprofondedeDieu-amour.Àmoi,écrit-elle,Iladonnésamiséricordeinfinieetc’estàtraversellequeje contemple et adore les autres perfections divines !… Alors toutesm’apparaissent rayonnantesd’amour, la Justicemême (et peut-être encoreplus que toute autre)me semble revêtue d’amour…Quelle douce joie depenser que le BonDieu est Juste, |c’est-à-dire qu’Il tient compte de nosfaiblesses, qu’Il connaît parfaitement la fragilité de notre nature.De quoidonc aurais-je peur ?Ah ! leDieu infiniment juste qui daigna pardonneravectantdebontétouteslesfautesdel’enfantprodigue,nedoit-Ilpasêtrejusteaussienversmoiqui«suistoujoursavecLui»40?…

Sonautobiographielemontre,ellenepeutvoireneffetdanslatrame de son existence, que l’action et l’histoire desmiséricordes divines sur elle. Comment et quand a-t-elle reçucette lumière si haute et si simple ? On ne saurait le dire,tellementelleseconfondavecsaviespirituelleetsedéveloppeavecelle.Sesapprofondissementssuccessifscorrespondentauxétapesdesesascensionsspirituelles.Lapremièrecommunion,siardemment désirée depuis plusieurs années comme prise decontact intime avec Jésus et précédée d’une si ferventepréparationluifaitexpérimenterlesdébordementsunissantsdel’amourdivin.Cejour-làcen’étaitplusunregard,maisunefusion,ilsn’étaientplusdeux,Thérèse avait disparu, comme la goutte d’eau qui se perd au sein del’océan.Jésusrestaitseul,Ilétaitlemaître,leRoi41.


Moijemeconsidèrecommeunfaiblepetitoiseau,couvertseulementd’unlégerduvet;jenesuispasunaigle,j’enaisimplementlesyeuxetlecœurcar malgré ma petitesse extrême, j’ose fixer le Soleil Divin, le Soleil del’Amouretmoncœursentenluitouteslesaspirationsdel’Aigle…queva-t-ildevenir?Mourirdechagrinsevoyantaussiimpuissant?…Ohnon!lepetitoiseaunevapasmêmes’affliger.Avecunaudacieuxabandon,ilveutrester à fixer sonDivin Soleil ; rien ne saurait l’effrayer, ni le vent, ni lapluie et si de sombres nuages viennent à cacher l’Astre d’Amour, le petitoiseau ne change pas de place, il sait que par-delà les nuages, son Soleilbrilletoujours,quesonéclatnesauraits’éclipserunseulinstant86.

Ce regard contemplatif qui réalise la définition de lacontemplation, simplex intuitus veritatis sub influxu amoris,regard simple sur la vérité sous l’influence de l’amour87, àtravers le brouillard qu’il traverse courageusement, atteint leSoleil d’amour et s’y enrichit de richesses surnaturelles, n’endoutonspas.SainteThérèsedel’Enfant-Jésusnoteelle-même:Jésusn’apointbesoindelivresnidedocteurspourinstruirelesâmes;Lui,leDocteurdesdocteurs,ilenseignesansbruitdeparoles…Jamaisjenel’aientenduparler;maisjesensqu’Ilestenmoi;àchaqueinstant,Ilmeguideetm’inspireceque jedoisdireou faire. Jedécouvre justeaumomentoùj’enaibesoindes lumièresque jen’avaispasencorevues,cen’estpas leplus souventpendantmesoraisonsqu’elles sont leplus abondantes, c’estplutôtaumilieudesoccupationsdemajournée88…

Les réponses divines sont parfois plus sensibles, tels les volsd’esprit, qu’elle a connus89, les lumières dont elle dit êtreinondée en 189590, la blessure d’amour qui suit son acted’offrandeàl’Amourmiséricordieux:…traitdefeusiardent,dit-elle,quejepensaimourir.Jenesaiscomment¬expliquer cela, c’est comme si une main invisible m’avait plongée toutentière dans le feu. Ah ! quel feu et quelle douceur en même temps. Jebrûlaisd’amouretjesentaisqu’uneminute,unesecondedeplusjen’auraispusupportercetteardeursansmourir91.

Ces interventions divines sont des occasions heureuses quinousmontrent jusqu’àqueldegrédedétachementestparvenuesapauvretéspirituelle.D’autreseussent|misenrelief,aumoinsdans une autobiographie, ces grâces singulières. Elle lesmentionne à peine. Il faudra une question précise de MèreAgnès de Jésus pour qu’elle dise les effets sensibles de lablessured’amour92.Cesontleshasardsd’uneconversationàlafindesavie,quiluiferontdévoilersesvolsd’espritetlagrâcereçueen1889à lagrottedeSainte-Madeleine93.On levoit, ilest parfait ce dégagement de la mémoire que saint Jean de laCroix réclame pour la purification et la perfection del’espérance.Elle ne désire pas lesmanifestations surnaturelles, pasmêmevoirlebonDieuoulasainteVierge:Je ne désire pas voir le bon Dieu sur la terre, oh ! non. Et pourtant jel’aime. J’aimeaussi beaucoup la sainteVierge et lesSaints et jenedésirepaslesvoirnonplus.Jepréfèrevivredefoi94.

Ellesaitlavéritablevaleurdeschosesetlesmetenleurplace:Croyez-moi,écriredeslivresdepiété,composerlesplussublimespoésies,nevautpaslepluspetitactederenoncement95.La sainteté ne consiste pas à dire de belles choses, elle ne consiste pasmêmeàlespenser,àlessentir96…

Lorsqu’elleparledesaretraitedeprofession,elleécrit:Elle fut loin de m’apporter des consolations, l’aridité la plus absolue etpresque l’abandon, furent mon partage. Jésus dormait comme toujoursdansmapetitenacelle;ah!jevoisbienquerarementlesâmesLelaissentdormirtranquillementenelles.Jésusestsifatiguédetoujoursfairedesfraisetdesavances,qu’Ils’empressedeprofiterdureposquejeLuioffre,Ilneseréveillerapassansdouteavantmagranderetraitedel’éternité;maisaulieudemefairedelapeine,celamefaitunextrêmeplaisir97…

Peut-onconcevoirundégagementpluspurdesbiensspirituelslesplushauts,uneréalisationplusprofondedel’enseignement

desaintJeandelaCroix?LapauvretéspirituelledesainteThérèsedel’Enfant-Jésusn’estpas seulement paisible, elle se dit heureuse et gardeprécieusementcebonheurden’avoirriennon | seulementdanslanuditétoutefroide,maisdanslatempêteetl’épreuve:Parfois,ilestvrai,lecœurdupetitoiseausetrouveassailliparlatempête,illui semble ne pas croire qu’il existe autre chose que les nuages quil’enveloppent;c’estalorslemomentdelajoieparfaitepourlepauvrepetitêtre faible. Quel bonheur pour lui de rester là quand même, de fixerl’invisiblelumièrequisedérobeàsafoi98!

Ces affirmations, qui justifient si magnifiquement sonenseignement, eussent ravi le docteur mystique, Jean de laCroix99.La pauvreté ne peut être si humblement paisible et sisimplement heureuse que parce que le regard de foi qu’ellespiritualise, le mouvement de l’espérance qu’elle libère, ontatteint leur objet divin dans la nuit en des profondeurs déjàrassasiantes.À n’en pas douter, la voie d’enfance conduit auxplus hauts sommets de la contemplation et de l’uniontransformante, décrits par saint Jean de la Croix. Elle les faitgravirdanslapaixetlajoie.Lasimplicitédel’enseignementdesainteThérèsedel’Enfant-Jésusestsublimitédedoctrine,etlesouriredontelleparetouteschosesestperfectiondel’amour.2.Ascèsedelavoied’enfanceα)Lesprincipes—C’estdéjàunerudeascèsequedegarderleregardobstinémentfixésurDieudanslanuit,aussipeut-êtreletitredeceparagrapheest-ilimpropre!Toutefois,danslelangagecommun,cemotd’ascèseindiquel’activitédesvertusendehorsdel’oraison.Cetteactivitéestnécessaire.L’amourseprouveparlesactes.Lecontemplatifestsoumisluiaussiàcetteloi.Commentl’enfantva-t-ilpratiquerlavertu?La


de neige qui ne s’épanouissent que sur les sommets ou quiexigentdumoinsdehautesaltitudes?EnfeuilletantlesLettresdesainteThérèsedel’Enfant-Jésus,nousconstatonsqu’àtoutesles étapes de sa vie spirituelle, elle mit en pratique ce quel’ascèse d’enfance spirituelle comporte d’essentiel et decaractéristique.QuelquessemainesaprèssonentréeauCarmel,elleécritàsœurMarieduSacré-Cœur:Demandezquevotrepetite fille reste toujoursunpetitgrainde sablebienobscur, bien caché à tous les yeux, que Jésus seul puisse le voir. Qu’ildeviennedeplusenpluspetit,qu’ilsoitréduitàrien145.

Aumomentoùs’estaggravél’étatdesonpèreenfévrier1889,elleécritàCéline:Ah!petitesœurchérie, loindemeplaindreàJésusdelacroixqu’ilnousdonne, je ne puis comprendre l’amour infini qui l’a porté à nous traiterainsi.IlfautquenotrePèrechérisoitbienaimédeJésuspouravoirainsiàsouffrir !… Je pense encore beaucoup d’autres choses sur l’amour deJésus, qui sont peut-être beaucoup plus fortes… Quel bonheur d’êtrehumiliées !C’est la seulevoiequi fait les saints !…Oh !neperdonspasl’épreuveque Jésusnous envoie ; c’est unemined’or à exploiter, allons-nousmanquer l’occasion ?…Le grain de sable veut semettre à l’œuvresans joie, sans courage, sans force, et tous ces titres lui faciliterontl’entreprise,ilveuttravaillerparamour146.

Non, la voie d’enfance spirituelle n’est pas une voie réservéeaux parfaits. Elle est une voie d’ascension. La perfection desréalisations thérésiennes : la fidélité absolue de la sainte,l’héroïcité de ses vertus, la délicatesse de ses sentiments et lecharme de son sourire, sont des fruits qui nous en montrentl’excellence,maisnesontpasdesconditionspouryentrer.Lavoie d’enfance s’ouvre devant toutes les âmes, devant cellesspécialement que Dieu a saisies et qu’il tient en une étreintedouloureusesousl’éblouissementdesalumière.Pourcesdernièrescommepournoustous,sainteThérèseasudiscerneretmettreenreliefcettevérité,àsavoirqueparmitout

ce qui apparaît dans la vie spirituelle des âmes, activité desfacultés,souffrances,impressionsmêmesurnaturelles,l’élémentessentiel est l’amour de Dieu qui s’y donne et son actionsouverainement efficace. Simple vérité évangélique, il est vrai.Le mérite de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est d’avoir su,avecunesimplicitégénialed’enfant, ladégagerdetoutleresteet de l’avoir vécue avec une confiance héroïque d’enfant.Simplicité et héroïsme furent chez elle dons de lamiséricordedivine, mais fruits aussi d’une ascèse et d’une techniquesolidement appuyées sur l’enseignement de son docteurmystique,saintJeandelaCroix.C’estlavéritéquedoitvivrel’âmedanslaNuitdel’espritpouren tirer toute lagrâcequeDieuyamisepourelle.Qu’enunehumbleetpaisibleespérance,elleselivreauxardeursdusouffledivinquipassesurelle,qu’enunegénéreuseascèsedepetitesse,ellemettetoutessesénergiesauservicedelagrâcequilaporteet la meurtrit. C’est la coopération que l’Esprit attend d’ellepour l’œuvre de renaissance spirituelle qu’il est en traind’opérer.

1.Jn3,6-8;JésusàNicodème.2.Jn3,2.3.Jn3,3.4.Jn3,5-8.5.Jn3,9-10.6.Jn3,11.7.Jn3,13-15.8.Jn19,39.9.ViveFl.,str.1,p.929[B1,22].10.MontéeL.3,c.6,p.328[3,7,2].‒He11,1.11.Rm8,24-25.12.Sum.th.,IaIIae,q.40,a.2.

13.Ibid.,IIaIIae,q.17,a.6,ad3.14. La comparaison paulinienne du coureur dans le stade qui déploie sesforcespourparveniraubutfixé(1Co9,24-27)nousprésenteenuntableauexpressifledynamismedel’espérancequiutilisetouteslesénergiesdel’âmepouratteindreDieu.L’Apôtrenotemêmeque«quiconqueveutlutterdanslestade s’abstient de tout ». L’espérance surnaturelle se nourrit elle aussid’ascèseetd’effortsvigoureux.15.Rm8,26-27.16.Ps24,15[J’ailesyeuxconstammenttournésversleSeigneur].17.Ps122,2.18.NuitL.2,c.21,p.649[2,21,7].19.Rm4,18.20.Ct4,9.21.NuitL.2,c.21,p.649[2,21,8].22.MontéeL.3,c.14,p.351[3,15,1].23.Mt5,3.24.MontéeL.1,c.13,p.84[1,13,6-11].25.He11,1.26.Lc14,33.27.MontéeL.3,c.6,p.328[3,7,2].28.Ibid.,c.10,p.337[3,11,1-2].29.MontéeL.3,c.1,p.311[3,2,13].30.Ibid.,p.307[3,2,4-5].31.Ibid.,p.308[3,2,7-8].32.Ibid.,p.308[3,2,8].33.NuitL.2,c.6,p.565[2,6,4];c.3,p.555[2,3,3].34.MontéeL.3,c.1,p.307[3,2,6].35.Ibid.,c.2,p.318[3,3,4].36.Rm5,3-5.37.Cantique,str.34,p.870[A34,4].38.Ibid.,p.869[A34,3].39.AvisetMax.,360,p.1233[96].40.Man.Autob.Afol.83v°-84r°.41.Ibid.fol.35r°.


premières manifestations de la vie mystique propres auxquatrièmes et cinquièmes Demeures. C’est un véritable échecspirituel.LaSaintel’expliqueparunmanqued’humilité:L’âmeveuts’élever,avantqueDieunel’élève…Cepetitdéfautd’humiliténeparaîtrien,etcependantilcauseleplusgrandpréjudiceàl’âmequiveutavancerdanslacontemplation…DieusecomplaîtbeaucoupàvoiruneâmeprendrehumblementsondivinFilspourmédiateuretluiportertantd’amourque,mêmes’ilveutl’éleveràunetrèshautecontemplation,elles’enreconnaisseindigne25…

Cemanqued’humilitélaprived’unappuinécessaire:Uneâmequisuitcettevoie,marcheenl’air,commeondit.Elleestprivéed’appui,quelquerempliedeDieuqu’ellesecroie26.

Maispeut-êtrefaut-ilcherchersurtout lacausedecetteerreuretdesesfunestesconséquencesdanslagourmandisespirituellequiaccompagnehabituellement lespremièresexpériencesdelavie mystique. Écoutons encore sainte Thérèse nous faire sesconfidences:Dèsque jecommençaiàavoirunpeud’oraisonsurnaturelle, jeveuxdired’oraisondequiétude,jem’appliquaiàéloignerdemapenséetoutechosecorporelle;maisjen’osaisaspirerplushaut,carj’yauraisvudelatémérité,àcausedemavietoujourssiimparfaite.Jesentaispourtant,cemesemble,laprésencedeDieu,etilenétaitvraimentdelasorte.Aussijem’appliquaisàme tenir recueillieprèsdeLui.C’est là uneoraisonpleinede suavité…L’âmeysavouredeprofondesdélices.Comme jesentaisceprofitetcettejouissance,personnen’auraitpualorsmerameneràlaconsidérationdelasainteHumanitéquimesemblaitvéritablementêtreunobstacle27.

ElleavouedansleChâteauIntérieur:JeneprenaisplusdeplaisiràpensersilongtempsàNotre-SeigneurJésus-Christ;jem’entretenaisdanscetteivresseenattendantleretourdesdélicesdont j’avais joui.Mais jevis |clairementque cettevoien’était pasbonne.Commejenepouvaistoujoursgoûtercesdélices,mapensées’enallait iciet là, etmonâme, semblableà l’oiseauquivoltigeetne trouvepasoù se

poser,perdaitbeaucoupdetemps28.

Peud’âmescertesontlesensspirituelaffinédesainteThérèseet son humilité. Aussi il nous paraît que même de nos jours,beaucoupselaissenttromperparlessaveursdelaquiétude,oupourparlerunlangageplusmoderne,parl’obscuritésavoureusede la nuit. Elles y voient un sommet alors qu’elle n’est qu’unviatique pour une route encore longue. L’estime et le désirqu’elles en ont les empêchent de s’en détacher pour revenir àunehumblerechercheduChristJésus.Cetteerreurlesmaintientà grand-peine, comme l’indiquait déjà sainteThérèse, dans lesrégionsde la simplequiétudeet leur ferme l’accèsdes régionsplus élevées qui exigent un détachement plus complet et lerecoursexpliciteauChristJésus.Quantauxargumentsmisenavantpour justifiercetabandon,sainteThérèsedéclarenepaspouvoirlessouffrir:Onallègue,ilestvrai,cetteparolequeleSeigneuradressaàsesdisciples:« Il vous est expédient que jem’en aille ». Pourmoi, je ne puis souffrirqu’onfassecetteobjection.Ah!certes,leSauveurn’apasditcetteparoleàsa très sainteMère, parce qu’elle était ferme dans la foi. Elle savait qu’ilétaitDieuethommetoutensemble;et,bienqu’elleluiportâtplusd’amourqu’eux,elleymettaittantdeperfectionquelavuedelasainteHumanitéluiservait encore de stimulant. Les apôtres ne devaient pas être alors aussifermesdanslafoiqu’ilslefurentplustard,etquenousdevonsl’êtrenous-mêmesmaintenant29.

LedépartduChristensupprimant laprésencesensibledevaitouvrir leurregardsur ladivinitéqui leurétaitvoilée. Il fit leurfoiplusparfaiteetpluslumineuseenleurdécouvranttoutcequiestenlui,àsavoirsadivinitéetsonhumanité,ainsiquesonrôledemédiateur.LeChristJésusnedisparaissaitsensiblementquepourresplendirentoutesapersonne.Ce départ d’ailleurs était exigé par sa mission et celle quedevaitremplirl’EspritSaint.C’estl’Espritquidevaitvenirpour

soutenir les apôtres et faire l’Église. Mais on ne saurait voirdanscedépartdeJésusetdansladescentedel’EspritSaintuneexclusionde l’unparsubstitutionde l’autre.L’EspritSaintestl’EspritduFilscommeilestl’EspritduPère.Jésuspourranous|direqueparlui,ilestavecnousjusqu’àlaconsommationdessiècles30.CetEspritnevientpaspourremplacerleChristJésus,maispourconstruire leChrist totalendiffusant savieen tousses membres par les mérites de son sang. L’œuvre de l’Espritsera accomplie lorsque le Christ Jésus aura atteint sa tailled’homme parfait et l’expansion glorieuse que Dieu a vouluepourluidetouteéternité.Danslacroissancespirituelledel’âme,ainsiqu’iladvintdansle développement de l’Église, se produit un avènement del’Esprit dont l’ombre lumineuse et ardente voile la présencesensible du Christ Jésus. La nuit de l’esprit est lemoment leplus douloureux et le plus obscur de cette éclipse. La flammeardentedel’Espritnelaproduitquepourperfectionnerlafoi,lafaire entrer plus profondément dans le mystère du Christ etréaliser l’unionparfaite avecLui.Prendreprétextede l’éclipsepour s’éloigner de Jésus, opposer pratiquement l’action del’Esprit à celle duChrist lui-même, se soustraire à l’une pourrendre l’autre plus efficace, c’est méconnaître les véritésfondamentalesduchristianisme,prendreuneattitudenettementanti-chrétienne, rendre inefficace l’action de l’Esprit en laséparantduChristquienestleprincipeetlafin.Tout au plus peut-on admettre que le recours implicite à lamédiationduChristsuffiseaupaïenquiignoresonexistenceousa nécessité. Le contemplatif chrétien ne saurait être excusénormalementparl’ignorance.C’estexplicitementqu’ildoitallerversleChristJésusàtouteslesétapesdesaviespirituelle.Ilale devoir de faire effort pour surmonter les difficultés


Nous ne pensons pas toutefois que cette contemplationthéologiquesoitcellequimaintienthabituellementl’âmedevantleChristJésusencettepériodedelapurificationdel’esprit.Encette nuit de l’esprit, l’impuissance des facultés est plusprofonde que dans la nuit des sens. Les descriptions de saintJeandelaCroixentémoignent.Sil’âmepeutencoreregarderoupenser, ce n’est que par moments. Il est peu probable qu’ellepuisseprolongerceregardetfixersapenséeunpeulonguement,car elle est ressaisie promptement par l’impuissance etl’obscurité. D’ailleurs les descriptions thérésiennes que nousvenons de lire, de même que la dévotion si constante et siprofonde de sainteThérèse de l’Enfant-Jésus à la sainte Face,sont nourries d’autre chose, semble-t-il, que de contemplationthéologique.Cetteautrechoseestunevéritablelumièremystiqueprocédantd’une expérience intérieure et qui éclaire merveilleusement letableauoulemystèreduChristquel’intelligenceconsidère.Cepointmériteuneexplicationenraisondesonimportance.2.ExpérienceintérieureetregardsurleChristEncettepériode,malgrélanuitdouloureuse,l’amourcontinueà enrichir la foi vive des richesses de son expérience. Foi etexpérience,toutesdeuxessentiellementobscures,trouventdansleregardsurlemystèreduChristd’heureusesexplicitations.L’expérienceintérieuredécouvred’abordquel’amourquenousavons reçu est un amour filial, que cet esprit n’est pas « unespritdeservitude…maisunespritdefilsadoptifs,danslequelnousnousécrions :Abba,Père.L’Esprit lui-mêmeattesteavecnotre esprit que nous sommes enfants de Dieu », affirmel’Apôtre74.Ce témoignage en nous de l’Esprit et de la grâce sur lecaractère filial de la charité qui nous est donnée, est complété

par l’expérience de la connaturalité qui existe entre le ChristJésusetnous-mêmes.IlestleFilsparnature,noussommeslesfils d’adoption par la grâce ; | nous sommes « héritiers,cohéritiersduChrist75».Toutcequil’unitauChristsepréciseet s’éclaire au regard intérieur de l’âme à mesure que sedéveloppelacharitéquilatransformeetl’identifieàLui76.Cetteexpériencequidans lanuitde l’esprit, estdouloureuse,liéeà l’impuissanceetà l’humiliation intérieureadesaffinitésévidentesaveccelledeJésuscrucifié.AussidansleregardsurlaPassionelletrouvesonatmosphère,unépanouissement,laplusheureusedesexplicitations.Expérience intérieureet regardsurJésus s’enrichissent mutuellement en se complétant.L’expériencefaitpénétrerdanslesprofondeursdelaPassionduChrist;leregardsurleChristsouffrantrévèleàl’expériencesavaleur et l’union déjà réalisée. Dans cette découverte et cetteprise de conscience, quelle force pour l’âme, quellecompénétrationnouvelleavecleChristJésusqu’elledécouvresiprèsenelle!L’accrochagequis’estfaitparunregardsurJésussouffrantoule seul souvenir de la Passion a provoqué des échanges enprofondeur. Les traits extérieurs du tableau, les formesconceptuelles de la pensée disparaissent, les profondeursobscures de l’âme vont se reposer dans les profondeurs dumystère du Christ souffrant, dans un débordement d’amourdouloureuxquitrouveforceetlumièreencetterencontre.L’âmequisouffresousl’actiondel’amourrejointleChristquiagoniseensonamourpourleshommesjusqu’àlafindumonde.C’estcetterencontreetseseffetsquiexpliquentcequesainteThérèsenousditdel’oraisondecescontemplatifs:…considérant cesmystèresd’une façonplusparfaite… la simplevueduSauveur prosterné au jardin des Oliviers… suffit pour les entretenir nonseulementuneheure,maisplusieursjours.Ilsvoientquiilestetcombien¬

nous avons été ingrats… ; leur volonté alors bien que n’ayant pas detendresse sensible, s’applique aussitôt à désirer glorifier quelque peu unetellemiséricorde77.

Onlevoit,lesfacultésnesontimpuissantesqueparcequ’ellessontdébordéesparuneactivitéplusprofondeetplusunissante.Le regard sur leChrist qui nenourrit plus laméditationou lacontemplation théologique, devient en fait beaucoup plusenrichissant en faisant jaillir force et clarté de l’expérienceintérieure qu’il explicite et épanouit. Ce regard sur le Christn’estpasseulementutiledanslanuitdel’esprit,ilestnécessaire|pourprendreconsciencedesrichessesquel’amourdouloureuxa déposées dans l’âme et pour en prendre véritablementpossession.3.DévotionàlasainteFacechezsainteThérèsedel’Enfant-JésusLadévotionàlasainteFacedesainteThérèsedel’Enfant-Jésusnous offre un exemple du merveilleux enrichissement quel’expérienceintérieurepeuttrouverdansleregardsurleChristJésus.Cettedévotion en effet, avec l’épreuvede lamaladiedesonpèrequilanourritetl’expérienceintérieurequ’elleéclaire,orienta la sainte vers l’offrande à l’Amour miséricordieuxméconnuetlessommetssublimesdesaviespirituelle.Elle lui était venue du Carmel de Tours où avait vécu sœurMarie de Saint-Pierre, l’inspiratrice et la conseillère de M.Dupont,lesainthommedeTours,zélépropagateurduculteàlaFaceduChrist.MèreAgnèsdeJésusavaitrévéléàThérèselessecrets de cette sainte Face78. Première explicitation del’expérience intérieure de la Sainte qui se trouvait alors dansl’obscuritéetl’impuissance.C’estlaparalysiecérébraledesonpèrequiluilivredéfinitivementceroyaume.


nous.Lesrayons lespluspursde laViergebrillentauxheureslesplussombrespouraffermirl’espéranceetdirelasollicitudeconstantedelamiséricordedivinequirestefidèleàsonpeupleauseindeseségarements.Enlisantl’Évangile,ilestaisédeserendrecomptequeMarieest auprès de Jésus lorsqu’il est dans l’obscurité et qu’elledisparaîtauxheuresdesamanifestationàIsraël.Àl’heureoùlahaineapparaît,laViergesemanifesteelleaussi.SurleCalvaire,alors que la haine triomphe et semble avoir tout détruit de lapersonne,del’œuvreetdelaréputationduChristJésus,Marieestdeboutaupieddelacroix,affirmantparsaprésenceetparsonattitudesaforce,samission,etletriomphedesamaternité.Rien n’est perdu puisque la fécondité de laMère n’est pointatteinte, mais qu’elle est, au contraire, proclamée et exaltée.C’est par elle que la miséricorde va se répandre et la vie sepropager.Il nous paraît qu’en ce tableau suggestif, il n’y a pointseulement un aliment pour le sentiment et la piété, mais uneaffirmation du dessein providentiel qui fait briller lamaternitédeMariecommeunastredanslanuit.L’histoiredel’Églisenousmontrequelesensaffinédesfidèlesadiscernécedesseinprovidentiel.Auxheuresdedétresse,ilvaversMariecommevers la toute-puissancemiséricordieuseet lasuprêmeespérancequinedéçoitjamais.Lesgrandesvictoiresdelafoicontreleshérésies,oudelachrétientécontrelesinvasionsmenaçantes,sontpourlaplupartattribuéesàMarie,secoursdeschrétiens.Si nous entrons dans le domaine intérieur des âmes, nousretrouvons le même appel confiant à son intercession, et lemême secours efficacedeMarie auxheures lesplus tragiques.Le port du scapulaire duMont-Carmel et la promessemarialequi y est attachée, mettent en lumière cette vérité si souvent

expérimentéequ’elleestdevenueunevéritécommune,àsavoirquelaconfiancesincèreenMariequis’affirmeparunepratiqueou une prière, assure au pécheur la grâce de la persévérancefinale. La raison semble s’insurger contre une telle assurance,alorsquel’expériencedesâmesendonnefréquemmentlapreuveémouvante.Cette expérience et la moisson des faits qu’elle recueillepermettent de constater que toute pratique sacramentelle étantsupprimée dans une âme, l’édifice surnaturel des vertusthéologales n’y laissant presque plus de traces visibles, laconfiance enMarie peut subsister encore et, qu’en s’affirmanten certaines circonstances, elle laisse un espoir fondé que leslienssurnaturelsavecDieuserontrétablisparelle.Commentexpliquercefait?Peut-êtreenfaisantremarquerqueMarie est une pure créature avec qui nous pouvons avoir desrelationssurunplannaturel,unecréatureidéalequinousattireparsabeauté,quinousconquiertparsaqualitédemèreetparsabonté, qui répond à toutes prières et qu’ainsi elle étend sonrayonnementetl’influencedesamaternitéau-delàducercledeschrétiensquiluisontunisparleslienssurnaturelsdelacharité.Mais au-dessus de tous ces motifs et utilisant toutes cesvirtualitésconcédéesàlaVierge,ilyaledesseindeDieuquiafait Marie toute Mère et lui a confié l’exercice de samiséricorde.2.InterventiondeMariedanslanuitdel’esprita)Formes de ses interventions.—Ce simple exposé suffit ànousmontrercombienMariedoitêtresollicitéeparsoncœuretpar sa mission pour secourir les âmes qui sont dans lapurification de la nuit de l’esprit. Ces âmes sont dans dessouffranceslesplusduresquel’onpuisse|concevoir;soncœurmaternelnepeutpasyresterinsensible.D’autantquecesâmes

portentenellesdéjàungrandamourpourDieu.Lesouvenirdeson anxieuse recherche de Jésus au retour du voyage deJérusalem, doit l’obliger à se pencher vers ceux qui,actuellement, portent cette lourde épreuve de l’amour anxieuxdansl’abattementdetoutesleurspuissances.Ces âmes sont dans l’obscurité de lanuit, et la lumièrede laVierge ne brille jamais plus douce que dans les ténèbres. Samission providentielle lui impose d’être l’astre qui éclaire lanuitdel’esprit.Marieremplitsonrôleetintervientefficacementencespériodesdelaviespirituelle.EllevisiteJeandelaCroixdans sa prison de Tolède, la veille de l’Assomption, et luiprometsadélivranceprochaine106.Cesinterventionsextérieuresetvisiblesquiaffirmentlefait,nenousdisentpaslemodehabitueldesinterventionsdeMarieencettepériode.C’estcemodequ’ilseraitutiledepréciser.L’obscurité de la nuit dans laquelle se trouvent ces âmes estbienfaisante ; les souffrances et les angoisses dont ellessouffrentsontinévitablesetnécessairespourlapurificationetledéveloppementde l’amour.Marienedoitdoncpasdissiper lesténèbres ni supprimer la souffrance caractéristique de cettepériode.Deplus,cesâmessemblenthabituellementcoupéesdumondesurnaturel qui n’évoque pour elles que vide actuel dans lesouvenir douloureux du passé et parfois inquiétude pourl’avenir.EllesressemblentaupécheurséparédeDieuetmangentle pain noir de la privation sentie de Dieu. Une différencesubsiste essentiellemêmedans le champpsychologique : c’estquelepécheuroccupéqu’ilestdesesaffairesetdesesplaisirs,s’inquiète peu de cette peine du dam qui, par contre, torturel’âmeenlanuitparcequ’elleaimeardemmentetquesonamournetrouvequeténèbresetvide.Lepécheurvitensonpéchéeten


degrééminent.

Chapitresixième

Leseffetsdelanuitdel’espritSelonlavéritéquiestenlui(leChrist)vousdépouillerdansvotre

anciennefaçondevivre,duvieilhommecorrompuparlesconvoitisestrompeuses,vousrenouvelerauplusintimedevotreespritetvous

revêtirdel’hommenouveau,crééàl’imagedeDieudanslajusticeetlasaintetévéritables1.

Tellessontlesexigencesdelaconversionparfaitequel’ApôtrepréciseauxÉphésiensencesparoles.Ilfautsedépouillerdesoiet se rénover jusque dans les profondeurs de l’esprit pour serevêtirdel’hommenouveaucréésurlemodèleduChrist.C’estl’œuvreréaliséeparlanuitdel’esprit.Cettenuit,celaaétéditabondamment,estlarencontrededeuxcontraires qui ne peuvent subsister dans le même sujet et quiluttentsurlechampdebatailledel’âme2.L’amour,investissantprogressivementl’âme,mènelecombatetleconduirajusqu’àlavictoiregrâceàlacoopérationdel’âme.Cetteœuvredel’amourestsemblable,expliquesaintJeandelaCroix,àcelledufeuquiattaquelebois.La connaissance purificatrice et amoureuse, ou lumière divine dont nousparlons,purifie l’âmeet ladisposeà se l’unirparfaitement,comme le feuagitsurleboispourletransformerensoi.Lefeumatériel,appliquéaubois,commencetoutd’abordparledessécher;ilenexpulsel’humiditéetluifaitpleurer toute sa sève.Aussitôt il commencepar le rendrepeu à peunoir,obscur,vilain;illuifaitrépandremêmeunemauvaiseodeur;illedessècheinsensiblement;ilentireetmanifestetouslesélémentsgrossierset|cachésqui sont opposés à l’action du feu. Finalement, quand il commence àl’enflammeràl’extérieuretàl’échauffer,illetransformeenlui-mêmeetlerend aussi brillant que le feu. En cet état, le bois n’a plus l’action ni lespropriétésdubois; iln’enconservequelaquantitéetlapesanteurquiest

plusgrandequecelledufeu;cariladéjàenluilespropriétésetlesforcesactivesdufeu.Ilestsecet ildessèche; ilestchaud,et il réchauffe ; ilestlumineux,etilrépandsaclarté;ilestbeaucouppluslégerqu’avant;etc’estlefeuquiluiacommuniquésespropriétésetseseffets3.

Ceseffetsmontrent lapuissancede«ce feud’amourquiagitsurl’âmeàlafaçondufeumatérielsurlebois4».D’aprèscetexposé,écritleSaintlui-même,onpeutsefaireunelégèreidéede l’intensité et de la forcede cet incendied’amourdans l’esprit oùDieuconcentretouteslesforces,touteslespuissances,touteslestendances,tantspirituellesquesensitivesdel’âme5.Cet amour est infus, il est plus passif qu’actif ; aussi engendre-t-il dansl’âmelafortepassiondel’amour6.

«Incendied’amour»alluméparDieu,«passiondel’amour»produitedansl’âme,nousconnaissonslescausesagissantesencettenuit,etcertesonnesauraitjamaistroplesmettreenreliefpour expliquer tout ce qui peut être compris en cet événementspirituelgrandiosequ’est lanuitde l’esprit.Ce sont les effetsque nous voulons connaître.La comparaison du bois desséchéd’abordetembraséensuiteleslaissedeviner.Nousdésironsdesprécisions. À quoi correspond dans le domaine spirituel cettetransformation du bois humide en tison incandescent ? SaintJeandelaCroixva-t-ilnousledire?Oui certes, et probablement de la meilleure façon possible,mais qui nous déconcerte un peu. Ailleurs, ce logicienrigoureux, ce psychologue pénétrant dissèque, analyse, divisepourexposeretmettredelaclartéentout.Ici,ilseborneàuserde symboles pour marquer le point d’arrivée, pour indiquercertaines propriétés de cette transformation, en fixer quelquesaspectsoudesmoments.Ilsemblerenonceràl’analysepournepasbriserl’unitévivantedel’œuvreréaliséeparl’amour.Cetteœuvreeneffetesttellementunequ’onpourraitenfausserla vision d’ensemble en présentant comme distincts ses divers


Texteslumineuxquinousmontrentjusqu’àquelpointconduitlapurificationdel’espritetquelsensontlesfruitslesmeilleurs.Dieutransforme,détruitcertainestendances,toujoursfortifieetsoutient, mais il nous laisse notre nature d’homme et notrequalité de pécheur. L’expérience plus douloureuse, sous lalumièredivinequidominedésormais,dessourcesdupéchéquirestentdansl’âme,estnécessairepoursauvegarderl’humilitéetpour maintenir toujours jaillissantes les sources de lamiséricorde.Nerêvonsdoncpaspourcessommetsd’unehumanité libéréeet devenue angélique, pasmême de cette intégrité de l’hommesorti des mains du Créateur et en qui les dons préternaturelsassuraientunéquilibreparfait45.|Certes,cetteâmeatrouvéunetransparenceetunecapacitéspirituellequipeuventluipermettrederecevoirunecharitésupérieureàcelledecertainsanges,unefermeté d’adhésion à Dieu qui ne tolère pas une infidélitévolontairemêmedans les premiersmouvements ;mais jusqu’àce que la mort l’en sépare, elle reste attachée à un corps quiportelesrestesdupéchéetluienfaitsentirlepoids.Pourquois’endésolerait-ellealorsquel’Apôtres’englorifiait?Demême,en effet, que les cicatricesduChrist ressuscité sont glorieusespar les flots de vie qui en jaillissent, les blessures du péchépeuvent le devenir par les flots de la miséricorde qu’ellesattirent.

B.RETOURNEMENTPSYCHOLOGIQUEI.Cequ’ilest

Il appartient au retournement psychologique d’assurer laparfaite libération de la volonté à l’égard des tendances. Ceretournement psychologique, un fait surprenant, presquemerveilleux,danslaviepsychologiquedel’âme,adeseffetsqui

s’étendent au-delà de la purification morale. Aussi mérite-t-ild’êtreétudiéavecattention.Normalement, les facultés de l’âme reçoivent leur aliment del’extérieurparlessensquisont,suivantlemotdesaintJeandelaCroix,«lesfenêtres»del’âmesurlemondeextérieur46.Desperceptions des sens l’intelligence extrait, par abstraction, desidées sur lesquelles elle travaille ensuite pour s’en nourrir etéclairer lavolonté.Enétudiant lagenèsede l’actede foinousavonsvucommentlafoisenourritdevéritésdogmatiquesdontlesformulesontétérecueilliesparl’ouïe;«fidesexauditu,lafoivientdel’ouïe»ditl’Apôtre,«commentpourraient-ilscroireàceluiqu’ilsn’ontpasentendu?»ajoute-t-il47.Lemouvementvitald’absorptionvadoncdel’extérieurversl’intérieur.MaislorsqueDieuintervientlui-mêmedirectementdanslaviespirituelle de l’âme par ses lumières et ses motions, unmouvements’établitensenscontraire.Lasourcesetrouvedanslecentrede l’âme ; l’eau jaillitdesprofondeursdubassin lui-même«delasourcemêmequiestDieu48»etserépandjusqu’àl’extérieur.Cephénomènesurprendlesfacultés, lesapaiseà lafoisetlesagite.Unaccommodementsefaitdanslanuitdessensquihabitue les facultésà recevoirdans lapaixcet alimentquileurarrivedel’intérieur.Accommodementprovisoire.Ilnesuffitpluslorsqueseproduisentlesinfusionsprofondesdegrâcequicréent la nuit de l’esprit. La Sagesse secrète et ardente quiinvestit l’âme ferme les facultés à tout ce qui leur vient del’extérieurparlessens.Plus cette lumièredivinequi investit l’âmeest simple etpure,plus elle laplonge dans les ténèbres, la dépouille de ses affections particulières et laprivedesesconnaissancesnaturellesetsurnaturelles49.

D’autre part, les facultés ne trouvent plus elles-mêmesd’aliment adapté à leur activité dans ce que leur apporte cette

Sagesse.Comme cette Sagesse intérieure est si simple, si générale et si spirituelle,ellen’estpasentréedansl’entendementenveloppéeourevêtued’uneformeouimagequelconqueaccessibleausens;aussilessensetl’imaginationquine lui ont point servi d’intermédiaire pour entrer… sont incapables d’enrendrecompteetdesel’imaginerpourenparlerquelquepeu50.

Il en résulte ces souffrances de la nuit de l’esprit etspécialement cette angoisse du vide et cette oppressioncaractéristiquedela«personnequiestsuspendueetretenueenl’air et ne peut respirer51 ». La corde qui retient et oppresse,c’est laSagesse secrète aux facultés ; levide est constituéparl’impuissancedesfacultésàsaisirouàagirdansn’importequeldomaine.Cedramedouloureuxaétédécrit.Ilestdoncinutiled’insistersinon pour souligner ce qui a trait au retournementpsychologique et que saint Jean de la Croix résume en cestermes:L’obscurité dont l’âme parle ici concerne… les convoitises et lespuissances sensitives intérieures et spirituelles ; toutes, en effet, une foisdans cette nuit, perdent leur lumière naturelle ; car elles | doivent enêtre dégagées afin d’être aptes à recevoir la lumière surnaturelle. Lesconvoitisessensitivesetspirituellessontalorsendormiesetamorties,aussileurest-ilimpossibledegoûterquoiquecesoitdedivinoud’humain.Lesaffectionsdel’âmeoppriméesetétoufféesnepeuventsemouvoirverselleou trouver un appui en rien, l’imagination est liée et incapable d’unraisonnement convenable ; lamémoire est fermée, l’entendement est danslesténèbresetnecomprendrien;aussilavolontéest-elledanslesariditéset dans la contrainte ; toutes ses puissances sont dans le dénuement etinutiles;maissurtoutunenuéeépaisseetpesanteenveloppel’âme,latientdanslesangoissesetcommeéloignéedeDieu.C’est,dit-elle,enmarchantdecettesorteencachettequ’elleavanceavecsûreté52.

Où va-t-elle ainsi dans cette marche à tâtons dansl’obscurité53?


premières hiérarchies angéliques pour arriver jusqu’auxdernières, et de celles-ci enfin aux hommes97 » deviennent deplus en plus ardentes jusqu’à ce qu’elles soient produites parunetouchemêmedeDieu.Cettetouche,unecertaine touchede ladivinitéetdéjàuncommencementde laparfaiteunion où elle tend… produit l’incendie d’amour dans l’union des deuxpuissances,entendementetvolonté98.

La transformationd’amour étant réalisée, nous trouverons cestouchesdélicatesduVerbequipénètrent«d’unemanièresubtilelasubstancedel’âmeenlatouchanttoutentière99».Il nous suffit pour l’instant d’avoir soulevé le voile qui nouscache ces régions mystérieuses et les opérations que Dieu yréalise,pourapprécierlaqualitédel’amourquiyestinfuséetlapuretédanslaquelleilyestreçu.2.‒L’effetpropreet essentielde la charité c’estd’unir etdetransformer. Elle est plus qu’un lien. Elle assure unecompénétration mutuelle aux deux êtres qu’elle unit et lesconduitainsiàuneressemblanceetàunecertaineidentification.LacharitésurnaturellequiestdiffuséeparDieudansnosâmesest participation de la vie divine et nous fait enfants deDieu.ElleestledondeDieuréalisantennoussonadoption.Désormais la charité ayant purifié, séparé, conquis, elle netrouve plus d’obstacles en l’âme. La puissance unissante ettransformante peut se déployer avec toute l’efficacité que luidonnelevouloirdivin.Elleunitdonc«lesdeuxvolontés,celledel’âmeetcelledeDieu»detellesortequ’ellessoientd’accordentreellesetquel’unen’aitrienquirépugneàl’autre100.Mais puisque son action s’est localisée dans la substance del’âme elle y réalise ce que saint Jean de la Croix appelle une«union substantielle101 ». Cette union est une transformation

del’âmeparlacharitéquilafait«participeràlanaturedeDieupar son union avec Dieu, bien que cette union ne soit pasessentielle102 ». C’est une union de ressemblance réalisée parl’amour,d’oùsonnom,unionderessemblanced’amour.Ces termes nous disent que l’amour en ces régions nous faitréaliser parfaitement notre vocation surnaturelle. Sa puissanceunissante et transformante nous fait renaître parfaitement etnousdonnelapleinefiliationdivine,noustransformantdeclartéenclartéjusqu’àlaressemblanceduVerbe,nousplaceenLuiausein de la Trinité sainte et nous fait participer à toutes sesopérations.C’est cette puissance transformante qui assure à lacharité la primauté sur tout le reste et la rend souverainementdésirable. Les autres dons de Dieu ne sont, par rapport à lacharitéetàsapuissancetransformante,quedesmoyensoudesfruits.Cesmoyens,seraient-ilsefficaces,cesfruits,seraient-ilsdélicieuxoubrillantscommelessplendeursdel’union,doiventresterdansuneattitudededépendanceàl’égarddelacharité.Aspirez aux dons supérieurs, dit l’Apôtre,mais je vais vousmontrer unevoieexcellenteentretoutes…Recherchezlacharité103.

Il importesouverainementdes’exercerà l’amour, insistesaintJeandelaCroix,celaparceque«c’estparl’amourques’opèrelatransformationdel’âmeenDieu104».3.‒Cettetransformationétantréalisée,c’est-à-direlesfacultésétantpurifiéesetsoumisesparfaitementàl’emprisedel’amour,pleine liberté est assurée désormais au dynamisme de l’amour.Car l’amour est essentiellement dynamique.Bonum diffusivumsui.Ilestlebiendiffusif |desoi.Ilesttoujoursenmouvementpour se donner. Il est participation à la vie deDieu. S’arrêterserait se détruire lui-même et mourir. Sa vie est dans lemouvementqu’impliqueledonconstantdelui-même.

Quel est ce mouvement ? C’est celui du Fils de Dieu, duChrist-Jésus.Avec Lui au sein de la Trinité sainte, il se porteverslePèrepourserenouvelercontinuellementsousl’actiondesapaternité.De là, il redescendvers toutcequ’ilaconquisetdominé, substance de l’âme, facultés et puissances sensibles,pour déverser sur elles les nouveaux trésors puisés en Dieu.L’âme et ses facultés ne possèdent désormais que ce qui leurarriveparlesflotsdecetamourquiredescendchargédesdonsparfaitsdeDieu.CetamourfilialavecceluideJésusredescendverslemondeetlesâmes.L’AmourduVerbe,quiest l’Espritd’amourconstruitl’Église, corpsmystique duChrist. La transformation d’amourlivrel’âmeavectoutessesénergiesàlamotiondecetEspritetparconséquentàlaréalisationdel’œuvrequ’ilaentreprise.Defait, l’Esprit d’amour prend comme collaboratrices les âmesqu’Ilaconquises.Que fera cette âme ? Ce que l’Esprit d’amour lui impose :prière,immolation,activité.Toutàlafois,cecioucela,suivantla volonté de Celui qui est devenu son Maître, et suivant lemouvementquel’Espritluiimprime.Ellenepréfèrerien,elleneveutrien,sinonêtredocileàl’Aiméetremplirtoutelatâchequel’Espritd’amourveutfaireparelle.Cette tâche sera-t-elle spirituelle ou matérielle, active oucontemplative,laportera-t-elleverslesprofondeursd’elle-mêmepour y goûter Dieu ou aux extrémités de la terre pour s’ydépenser?Cesmouvementsdifférentsnesontpluspourellequedesformesextérieuresauxquelleselleestdevenueindifférente,carellen’estoccupéequ’àaimer.Cetamourn’estpoint repos,mais don de soi à l’Aimé pour prendre ses sentiments, sespensées, sesdésirs,pourcopier toutes sesattitudeset toussesgestes,pourselaisseremporterparluientoussesmouvements,ettoussesvouloirs.Oùpourrait-elleletrouverailleursquelàoù


42.NuitL.2,c.16,p.623[2,16,14].43.Rm7,19-20.44.2Co12,7-10.45. Saint Jean de la Croix écrit à ce sujet : « Les deux parties de l’âme,spirituelle et sensitive, afin deparvenir à la divineuniond’amour, doiventêtre tout d’abord réformées, ordonnées, pacifiées à la façon de l’étatd’innocencequiétaitenAdam.»(NuitL.2,c.24,p.664[2,24,2]).LeSaintparled’ordonner,depacifier les tendances,nonde les supprimer.Encore faut-il comprendre cette pacification dans un sens relatif tant quel’âmevitici-bas,c’est-à-direencesensquecettepacificationlaisseplaceàlavuedouloureusede la tendance,parfois àdes remousde ces tendances, etmêmeàdesépreuvesconstantesquiontunfruitrédempteur.LeSaintnousadit lui-même que le juste pèche sept fois par jour et cela à cause del’ignorance et des tendances naturelles qui lui restent (Montée L. 1, c. 11,p.73[1,11,3]).La pacification réside donc essentiellement en une rectification et unefermetéparfaitedelavolonté,tantàl’égarddesmouvementsquiprocèdentdelapartiesensitive,qu’àl’égarddeceuxdelapartiespirituelle.46.[Montée1,3,3,p.34].47. Rm 10,17.14. Cf. Troisième Partie, c. 10, « La foi et la contemplationsurnaturelle»,t460.48.4eDem.,c.2,p.874[2,4].49.NuitL.2,c.8,p.577[2,8,2].50.Ibid.,c.17,p.626[2,17,3].51.Ibid.,c.6,p.566[2,6,5].52.Ibid.,c.16,p.615[2,16,1].53.NuitL.2,c.16,p.619[2,16,8].54.Ibid.,p.619[2,16,8].55.Ibid.,p.620[2,16,10].56.1Co6,17.57.MontéeL.3,c.1,p.309[3,2,8].58.NuitL.2,c.16,p.620[2,16,10].59.Ibid.,c.3,p.554[2,3,3].60.Mt10,36[«Onaurapourennemis lesgensdesafamille»] ;NuitL.2,c.14,p.611[2,14,1].61.Jn1,13[«Quinondusang,nidelavolontédelachair,nidelavolonté

del’homme,maisdeDieusontnés.»].62.Jn3,5.63MontéeL.2,c.4,p.110-111[2,5,5].64.NuitL.2,c.21,p.646[2,21,3].65.Ibid.,p.651[2,21,11].66.1P5,9.67.He11,6.68.Os2,20;NuitL.2,c.21,p.647[2,21,3-4].69.Ps16,4;NuitL.2,c.21,p.648[2,21,5].70.1Th5,8.71.NuitL.2,c.21,p.648-649[2,21,6-7].72.Ps24,15[J’ailesyeuxconstammenttournésversleSeigneur];NuitL.2,c.21,p.649[2,21,7].73.NuitL.2,c.21,p.651[2,21,11].74.Ibid.,p.650[2,21,10].75.Ct3,10.76.NuitL.2,c.21,p.650-651[2,21,10].77.NuitL.2,c.21,p.650[2,21,10].78.Ibid.,p.652[2,21,12].79.NuitL.2,c.12,p.601[2,12,7].80.Cf.QuatrièmePartie,c.2«DieulumièreetDieuAmour»,t506.81.NuitL.2,p.601[2,12,7].82.Ibid.83.Cf.Cantique,str.17,p.788[A17,6];ViveFl.,str.3,p.1009[B3,50].EncesrégionslaSagessed’amour,maîtresseabsolue,commandetotalementet tout doit lui être attribué directement.Cependant, nous savons que cetteSagessegouvernelesêtresavecunesouverainedélicatesseetenrespectantlanature et le tempérament qu’elle-même leur a donné et préparé pour laréalisationdesesdesseins.Elledispose toutavec forceet suavitédepuis lecommencement jusqu’à la fin. Elle édifie avec persévérance suivant sondesseinquiestlemêmedepuisledébutjusqu’àlafin.L’actionquiprocèded’elles’harmoniseradoncavecle tempéramentqu’elleapréparéelle-mêmepourlebutqu’elles’estfixé.Cespenséessedégagerontpluslumineusesdecequenousverronsdansl’âmetransforméeetappliquéeaudesseindeDieu.84.NuitL.2,c.12,p.599[2,12,4].

85.Ibid.,c.12,p.600[2,12,5].86.Ibid.,c.13,p.604[2,13,5].87.NuitL.2,c.12,p.600[2,12,5].88.Ibid.,p.601[2,12,6].89.Vie,c.30,p.323-324[30,18].90.Vie,c.30,p.324-325[30,19-20].91.Rm5,5.92.1Co13,8.93.MontéeL.2,c.27,p.282[2,29,6].94.NuitL.2,c.23,p.663[2,23,14].95.NuitL.2,c.17,p.629[2,17,6].96.Ibid.,c.13,p.603[2,13,3].97.Ibid.,c.12,p.599[2,12,3].98.Ibid.,c.12,p.601[2,12,6].99.ViveFl.,str.2,p.955[B2,17].100.MontéeL.2,c.4,p.109[2,5,3].101.Ibid.102.Ibid.103.1Co12,31et14,1.104.MontéeL.1,c.2,p.32[1,2,4].105.Cantique,str.16,p.781-784[A16,6-10].106.NuitL.2,c.13,p.608-609[2,13,11].107.Ps17,10-12.108.MontéeL.2,c.8,p.133[2,9,2].109.1R8,12.110.Jb38,1;40,1.111.MontéeL.2,c.8,p.133[2,9,3].112.Cantique,str.13-14,p.760-762[A13-14,14.16].113.Ex33,20.114.Jn1,18;MontéeL.2,c.7,p.128[2,8,4].115.MontéeL.2,c.8,p.134[2,9,3].116.NuitL.2,c.17,p.625[2,17,2].117.Ibid.,p.627[2,17,3].118.Ibid.,p.626[2,17,3];ViveFl.,str.3,p.1003[B3,43].


état, les unes plus, les autres moins, celles-ci d’une manière,celles-làd’uneautre35,leSaintsignale

lemurmuredeszéphyrspleinsd’amour.Par zéphyrspleinsd’amour,onentend, explique leSaint, lesvertus et lesgrâces duBien-Aimé ; elles revêtent l’âme, par suite |de sa bienheureuseunionavecl’Époux,luicommuniquentleplusprofondamouretatteignentsasubstance.Lemurmuredeszéphyrssignifieunetrèshauteettrèssuaveconnaissance de Dieu et de ses vertus, qui rejaillit sur l’entendement parsuitedelatouchequecesvertusdeDieufontàlasubstancedel’âme36.

LeSaintcontinueàexpliquerafinquecetenseignementnoussoittrèsclair.On sent deux choses dans le zéphyr, la touche et le bruit ou le son ; demêmedanscettecommunicationdel’Épouxonsentaussideuxchoses,uneimpressiondeplaisiretl’intelligencedecesdélices…Latouchedesvertusdu Bien-Aimé se sent et se goûte par le toucher de l’âme, c’est-à-dire lasubstancemêmede l’âme.Quantà laconnaissancedecesvertusdeDieu,elleestperçueparl’ouïedel’âme,c’est-à-direparsonentendement37.

SaintJeandelaCroixnousadonnéainsilaclefduproblèmedes fiançailles. Ces fiançailles sont une touche de Dieu à lasubstance de l’âme. Cette touche est aussi unissante que lemariage spirituel,mais n’est qu’une touche.En enrichissant lasubstancedel’âme,detoutessortesdebiensetspécialementdel’amour,elleyproduitunesatisfactionprofondeetlaremplitdedélices38.Decesbiensouzéphyrsproduitsparlatouchedanslasubstancesedégageunmurmurequiestuneconnaissance trèshautequi«s’écouledansl’entendement».Cette connaissance très subtile et très délicate entre en effet dans le plusintimedelasubstancedel’âmeavecunesaveuradmirableetlacomblededélicessupérieuresàtouslesautrescontentements39.

Cettejoiequivientdelaconnaissanceestplusélevéequecellequivientdutoucher,carexpliqueleSaint

le sens de l’ouïe est plus spirituel, ou pour mieux dire se rapprochedavantagedecequiestspirituel40.

Aussi saint Jeande laCroixs’attache-t-ilàcemurmurede laconnaissancepourl’analyser.Ce murmure est une substance déjà toute comprise, dégagée de toutaccidentetdetouteimage;ellepénètredansl’intellectquelesphilosophesappellentpassifoupossible,car il reçoitpassivementsansrienfairedesapart.… Il est aussi une vue de vérités nouvelles qui lui est donnée sur laDivinité,ouunerévélationdesessecrets lesplus intimes. |D’ordinaireeneffet, toutes les fois que la sainte Écriture raconte que quelquecommunicationdeDieuaété faiteà l’âmepar l’intermédiairede l’ouïe, ils’agitd’unemanifestationdecesvéritéstoutespuresàl’entendementoudelarévélationdessecretsdeDieu41.

Notre docteur mystique prend soin de distinguer cetteconnaissance substantielle de la connaissance claire et parfaiteduciel.Laconnaissanceeneffetqu’apportelemurmure,…bienquedégagéedetoussesaccidents,ellen’enestpasplusclaire,maisplutôtobscure,carc’estunecontemplationet lacontemplation ici-bas,ditsaintDenys,estun«rayondeténèbres»42.

Cette connaissance si haute qui jaillit de la touchesubstantielle, complétée par celles qu’apportent les faveursextraordinaires en cette période, constitue la magnifique etéblouissanteparuredelumièrequel’âmereçoitdesonÉpouxenses fiançailles et qui la prépare à l’union parfaite du mariagespirituel.Saint Jean de la Croix semble ne pas pouvoir se résigner àabandonnercesujetsicheràsonâmedecontemplatif.N’est-cepascemurmurequiluiaapportéenlanuitdesacontemplationlesplusgrandesjoiesetlesplusprécieusesrichesses?Aussiilinsisteetpour résumer tout sonenseignement, il commenteuntextedulivredeJobqui,dit-il,

…confirmeengrandepartiecequenousavonsditdeceravissementetdecesfiançaillesspirituelles.Jeveuxleciter,bienquecelanousarrêteunpeuplus43…

Arrêtons-nous avec le Saint, bien que comme lui nouscraignions de trop nous attarder. C’est une des plus bellesapplicationsscripturairesfaitesparsaintJeandelaCroixàsonenseignement.C’estÉliphaz deThémanqui s’adresse à Job en ces termes : «En vérité,uneparolecachéem’aétédite,etc’estcommeàladérobéequemonoreilleasaisilasubstancedesonmurmure.Dansl’horreurd’unevisionnocturne,etlorsqueleshommessontdanslesommeil,lafrayeurmesaisit,jetremblaiettousmesosfurentsecoués.Commel’espritpassaitdevantmoi,touslespoils dema chair se hérissèrent ; quelqu’undont je ne connaissais pas levisageseprésenta,c’étaitcommeuneimagedevantmesyeux,etj’entendisunevoixsemblableàunlégerzéphyr44.»Ce texte renferme presque tout ce que nous avons dit du ravissementdepuis ceversde ladouzième strophequidit :Détournez-les, |vos yeux,monBien-Aimé.Quand, en effet, Éliphaz de Théman raconte qu’on lui aadresséuneparolecachée,celaévoquecetteautreparolecachéedontl’âmen’a pu supporter la puissance et qui l’obligea à s’écrier : Détournez vosyeux,monBien-Aimé.Quandilajoutequesonoreilleaperçucommeàladérobée la veine de son murmure, il signifie la connaissance pure etsubstantielledontnousavonsparlé,quiest reçuedans l’entendement.Lesveinessignifientunesubstanceintérieure,tandisquelemurmureindiquelacommunication et la touche des vertus divines d’où procède pourl’entendement cette connaissance toute acquise dont nous avons parlé.Lemurmure indique que cette connaissance est donnée avec la plus grandesuavité…Il ajoute encore que tous ses os se sont épouvantés et agités, ce qui veutdirequ’ils furent secouésetdéboîtés ;par là il fait comprendre lapénibledislocationdesosdontonsouffrealorscommenousl’avonsdit…Ilditencore:«Quelqu’unseprésentadontlevisagem’étaitinconnu;sonimageétaitdevantmesyeux.»Orcelui-làquiseprésenta,c’étaitDieului-mêmequisecommuniquaitdelamanièredontnousavonsparlé.Ilditqu’ilneconnaissaitpas sonvisage,pournous fairecomprendrequedanscettecommunication ou vision, bien que très élevée, on ne connaît pas, on nevoitpaslevisagenil’essencedeDieu45.


PuisqueDieuestleseulquej’aimeJememeursdenepointmourir95.

L’année suivante, au jour octave de la fête de saint Martin,sainteThérèserecevaitlagrâcedumariagespirituel96.Avantd’étudiercettegrâce,essayonsde fixer lemomentet laduréedesfiançaillesspirituelles.

III.Momentetduréedesfiançaillesspirituelles1.Moment. — Les fiançailles spirituelles constituent le faitcentral des sixièmes Demeures, le jalon qui les éclaire et lescaractérise dans la progression vers l’union parfaite. SainteThérèselesdécritauxchapitres4,5et6decesDemeures,aprèsavoir parlé précédemment des souffrances purificatrices et desréveils et paroles de Dieu dans l’âme. Dans les chapitressuivants, après avoir insisté au chapitre 7 sur le recours àl’humanité du Christ, elle décrit les faveurs extraordinaires,visions et révélations dans les chapitres 8, 9 et 10. Enfin, auchapitre11,ellenousmontrelesangoissesardentesdel’amourimpatientavantlemariagespirituel.Cette ordonnance fournit sur le moment où se font lesfiançailles, des indications précieuses qui éclaireront lesaffirmationsdesaintJeandelaCroix.Ledocteurmystiquedonnedespointsderepèrequi,pourêtreprécis,laissentcependantdesdifficultésd’interprétation.Au début du commentaire de la strophe 27 du CantiqueSpirituel, strophequimarque l’entréedumariage | spirituel, leSaint jette un regard en arrière pour signaler les étapesparcouruesetlesmarquer.Pourexpliquer,écrit-il,l’enchaînementdecesstrophesd’unemanièreplusclaire et faire comprendre l’ordre que l’âme suit ordinairement pourparvenir à cet état de mariage spirituel… il faut remarquer tout d’abordqu’elles’estexercéedanslesépreuvesetlesamertumesdelamortification,

comme aussi dans la méditation, ainsi qu’elle l’a fait depuis la premièrestrophejusqu’àcelleoùilestdit:c’estenrépandantmillegrâces97.Aprèscela elle est passée par les épreuves et les angoisses de l’amour, qu’ellenousaracontéespeuàpeudanslesstrophessuivantesjusqu’àcelleoùelledit :Détournez-les,monBien-Aimé98. Ensuite elle a raconté que leBien-Aiméluiacommuniquédeprofondesvéritésetfaitdefréquentesvisites,àl’aidedesquelleselleseperfectionnaittoujoursplusetl’aimaitd’unamourtoujours plus ardent. Aussi elle s’est élevée au-dessus de tout le créé etd’elle-même : c’est alors qu’elle s’est donnée à lui par une union pleined’amourdanslesfiançaillesspirituellesoù,entantquefiancée,elleareçudesondivinÉpouxdesrichessesetdesjoyauxincomparables,commeellel’a chanté depuis la stropheoù se sont célébrées ces divines fiançailles etquicommenceparcesmots:Détournez-les,monBien-Aimé99.

Recueillons les indications données par ce schéma. Dans lestroispériodesquiprécèdentlemariagespirituel,lapremièreestcelle des premières mortifications préparatoires, dans ladeuxième nous reconnaissons les purifications passives del’esprit.Celles-cidébouchentsurunepériodedevisitesdivinespurifiantes et enrichissantes parmi lesquelles s’inscrivent lesfiançaillesspirituelles.LaViveFlammenousfournitd’autresindications:Telest lehautétatdesfiançaillesspirituellesdel’âmeavecleVerbedivin,écrit le Saint. Le Fiancé lui accorde de précieuses faveurs, il la visitefréquemmentavecleplusgrandamour;etillacomblealorsdegrâcesetdedélices.Maistoutcelan’arienàvoiraveclesbiensqu’apportelemariagespirituel ; car toutes ces faveurs ne sont qu’une préparation à l’union dumariagemystique.Sansdoute, toutescesmerveillessepassentdans l’âmequandelle est déjà trèspurifiéede toute affection auxcréatures, car, sanscela,nouslerépétons,lesfiançaillesnesecélèbrentpas;néanmoins,ilfautàl’âmed’autresdispositionspositives;Dieuvientlavisiteretlacombledesesdonspour lapurifierdeplusenplus, l’embelliret laspiritualiser,afinqu’elle soit convenablementpréparéeàune sihauteunion. Il ymettrauntempsplusoumoins long ; car il tient comptedesdispositionsoùelle setrouve100.

CestextesnousmontrentquesaintJeandelaCroixdistinguedeuxphasesdanslapréparationdumariagespirituel,unephasedepréparationnégativereprésentéeparlapurificationpassiveetunephasedepréparationpositiveréaliséeparlesvisitesdivines.Lesfiançaillesspirituellesquiinaugurentladeuxièmephaseensapériodelaplusintensesesituentdoncàlalimitedesdeux.Ce serait une erreur toutefois d’établir des cloisons étanchesentre les deux phases. Nous savons déjà en effet que lespurificationsdel’espritdontils’agiticisontproduitesparuneflammedivine,c’est-à-direparuneactiondivinetrèsintensequis’exerce dans les profondeurs. Les visites divines ne sauraientdoncêtreréservéesàladeuxièmepériode.Deplus,etcecinousparaît important à souligner, les visites des fiançaillesproduisent au début du moins, des terreurs, un brisementphysiqueetdesravissements.SaintJeandelaCroixdonnecesréactions sensibles sous l’action de Dieu comme le signe defaiblesseetdepurificationimparfaite.Cesont lessentiments(défaillances)qu’éprouventdanscesvisitesdivinesceuxquinesontpasencorearrivésàl’étatdeperfection,etquisetrouventdans l’état des progressants. Ceux qui sont parvenus en effet à l’état deperfection reçoivent les communications divines dans la paix et dans lasuavitédel’amour:ilsn’ontplusdecesravissementsdontlebutd’ailleursétaitdepréparerl’âmeàl’unionparfaiteavecDieu101.

DanslaNuitdel’esprit,leSaintaffirmeencoretrèsnettement:…Cescommunicationsdontnousparlonsnepeuventêtrenitrèsfortes,nitrès intenses, ni très spirituelles, ni telles qu’il le faudrait pour l’uniondivine,carellesparticipentàlafaiblesseetàlacorruptiondelasensualité.Voilà ce qui explique les ravissements, les extases, les dislocations des osquiseproduisenttoujoursquandlescommunicationsnesontpaspurementspirituelles,c’est-à-direpour l’esprit seul ;etc’est lecaspour lesparfaits.Ilssontdéjàpurifiésdanslasecondenuit,celledel’esprit;onnevoitpluschezeuxcesravissements,cesagitationsducorps;ilsjouissentdelalibertéd’esprit,sansqueleurssensensoientoffusquésoutourmentés102.


soudaineetpassagèredans lesprofondeursde l’unionparfaite.Aussielleaétéviolenteetsuave,aveuglanteetlumineuse.Dans le mariage spirituel, l’union parfaite n’est plus unheureuxincidentderoute,elleestdésormaischoseréalisée,unfait qui s’impose avec toutes ses conséquences. La touchesubstantielle passagère est remplacée par la pénétrationsubstantielle de l’union habituelle. L’âme est plongée enDieucomme l’éponge dans l’océan et elle reste dans l’amourtransformantquil’asaisieetquicontinuesonœuvre.Cette perfection et cette stabilité de l’union donnent à laconnaissance de connaturalité qui lui est propre, perfection etcontinuité. La lumière d’expérience qui en jaillit, parfaitesuivant son mode, n’est que lumière | d’aurore, mais d’uneaurorequin’aplusd’éclipseetnecéderaquedevantlalumièredupleinmididelavisionfaceàface.L’âme connaît déjà cette lumière. Elle l’a trouvée dans lemurmure des zéphyrs123 ou même en certaines visions de lasainte Trinité dont elle a été favorisée124. Mais elle y étaitmélangée à des faveurs extraordinaires qui en la complétantmontraientqu’ellen’avaitpasatteintsaperfection.Surtoutelleétait passagère et s’éteignait avec la touche substantielle dontelleprocédait.Lacompénétrationde l’union réaliséeproduitmaintenantunelumière plus pure, plus haute et qui ne s’éteindra jamaiscomplètement. Nous comprenons que sainte Thérèse déclarenouveau ce mode de connaître en raison de sa perfectionactuelle.Cetteclartéd’auroresuffitàéclairerlaDemeuredeDieudansl’âme. C’est de cette lumière qui s’épand des septièmesDemeuresdontparlesainteThérèselorsqu’elleécrit:

Ilnousimporte,eneffet,beaucoup,mesSœurs,decomprendrequel’âmen’est pas quelque chose d’obscur : comme nous ne la voyons pas, nousdevonsnousimaginerordinairementqu’iln’yapasunelumièreintérieuredistincte de celle qui frappe nos regards, et qu’au-dedans de notre âme ilrègnequelqueobscurité125.

Certes,cettelumièren’estpasceflambeaudel’Agneauquiesttoutelalumièredesparviscélestes126,bienqu’elleprocèdeelleaussi deDieu.Toutefois jaillissant de la connaturalité parfaitede l’âme avec Dieu, elle suffit pour découvrir à l’âme laDemeure où elle se trouve, les réalités surnaturelles aveclesquelleselleestencontactd’amour,lesPersonnesdivinesqui,par une opération commune, la divinisent. L’âme découvre cesPersonnes divines, écrit sainte Thérèse, « à la lumière d’uneflamme qui éclaire d’abord son esprit, comme une nuée d’uneincomparablesplendeur127 ». Comment pourrait-on dire d’une| façonplusprécise la transcendance, laclartéet lemystèredecettelumièrequijaillitdel’amouretdanslaquellel’âmetrouvelavisionintellectuelledelaTrinitésainte?La clarté de cette vision peut varier et varie en effet. Maisl’expériencede laprésencedes troisPersonnesdivinesresteetl’âme n’a qu’à jeter un regard au-dedans d’elle pour retrouvercetteprésencevivanteetlumineuse.Cetteprésencehabituelledes troisdivinesPersonnes, écrit sainteThérèse,n’estpas toujoursaussiparfaite,ni,disons-le,aussiclaireque lapremièrefois, et lesquelquesautrescirconstancesoùDieudaigneaccorderà l’âmecette faveur…Mais bien qu’elle n’ait pas habituellement cette vue aussiclaire des trois Personnes divines, elle n’a qu’à y réfléchir, pour seretrouveravecelles.Jevousdiraiqu’ilenestd’ellecommed’unepersonnequi, étant en compagnie de plusieurs autres dans un appartement trèséclairé,cessedelesvoirparcequel’onafermélesfenêtresetquel’onsetrouvedansl’obscurité128.

Laclartés’actualiseavecdes intensitésdifférentes.Elleadesmomentsfortsetdesmomentsfaiblesquinedépendentpasdela

volonté de l’âme, assure sainte Thérèse129. Mais sous desintensités variables, l’expérience lumineuse de fond reste, quilui montre qu’elle est parvenue dans la Demeure de Dieu, ouplutôt que les trois Personnes divines sont présentes dans lecentre d’elle-même, qu’elles en ont pris possession et qu’ellesenontfaitleurDemeure.Cettelumièred’amourd’oùprocèdelavisionintellectuelledelaTrinitésaintedécouvre,commelenotesainte Thérèse, la réalisation de la promesse de Jésus dansl’Évangile:Si quelqu’un m’aime, il observera mes commandements, mon Pèrel’aimera,nousviendronsàluietnousferonsenluinotreDemeure130.

Que cette connaissance ou vision puisse découvrir ladistinction et l’unité des Personnes, les opérations communesaux trois et ce qui les constitue chacune d’elles, cela nousmontre la haute qualité de la lumière qui jaillit de l’uniontransformante.Toutefois,unproblèmeseposeàcesujet,quenousnedevonspas éviter, et il peut se formuler ainsi : une connaissanced’amour, quelle que soit l’union dont elle procède et lapénétration qu’elle en reçoit pour déceler avec certitude lanature et les secrets les plus intimes de l’âme, | reste uneconnaissance instinctive par sympathie et contact, uneconnaissance profonde mais rebelle de soi aux formules.L’amourexprimesasciencepardesgestesetdesattitudes;sesmots sont lourds de sens mais simples, lorsqu’on l’oblige àsortirdu silenceoù il trouve saplusparfaite expression.D’oùlui viennent les formules précises qu’il trouve chez sainteThérèselorsquecelle-cidécritlavisionintellectuelle?Pour expliquer cette profondeur de connaissance et cetteprécision de la formule, toute la clarté de la vision qui endécoule,ilfautrappelercequ’estlafoi.


l’actiondeDieudansl’âmeestuniqueensasubstance,elleestdiverseenses tonalitéset seseffetscomme lesattributsdivinsdansl’uniqueessencedeDieu.Lesaintprofitedeceregardsurl’actiontransformantedeDieudans l’âme pour signaler les ennemis qui lui dressent desembûchesoudesobstacles.Cesennemissont,quil’auraitcru!en premier lieu les directeurs ; viennent ensuite le démon etl’âmeelle-même.Au centre de toutes cesmerveilles, il est une expérience à lafoisplushauteetplusintime,plusconstanteetplusprèsdecequenousconnaissons,c’estl’expérienceetlamanifestationduVerbe Époux. Voici comment se réalise profondément etmagnifiquementdanslecentredel’âmelapromessedeJésus:Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai et je memanifesteraiàlui158.

Cette manifestation du Verbe Époux remplit la quatrièmestrophe.Dans le centre et le fond de l’âme, dans sa pure et intimesubstance,leVerbeÉpouxhabitedanslesecretetlesilence;ilyestcommeensademeureetsursonlitderepos159.Ilyrègneenmaîtreet il tient l’âmeétroitementembrasséeetunie. Il faitsiennel’âmeetl’âmepeutdiresiensonÉpoux.N’est-cepasauVerbe Fils deDieu que l’identifie directement l’amour qui luiestdonnéparl’opérationuniquedelaTrinité?ElleestfilleparlagrâcecommeleVerbeestfilsparnature.C’estparsonunionau Verbe qu’elle entre dans le cycle de la vie trinitaire etparticipeàsesopérations.Elleaspirel’EspritSaintparlagrâcecommeleVerbelefaitparnature160.CeVerbeÉpoux,sourcedetoussesbiens,l’âmel’expérimenteen elle. Il repose dans la pénombre, endormi, semble-t-il. Sonsoufflevivantsignalecependantsaprésenceetsonaction.Quels

grandsdésirs l’âmeadelaconnaître!Lorsqu’elledemandaitàentrerdanslesprofondeurs161,c’étaitbienunepénétrationplusprofonde et une connaissance plus intime du Christ et de sesmystèresqu’ellevoulait.LeVerbeÉpoux est à elle, elle est à lui.Cette possession etcettecompénétrationmutuelle la fontentrereffectivementdansceshautescavernesquesont lesmystèresduChrist,danscettemine inépuisable aux innombrables filons qui recèlent desrichesses toujoursnouvelles162.Cesmystèresqu’elleaconnusparlafoi,qu’elleaétudiésdanslathéologie,qu’elleapénétréspar le regard simple de son oraison, s’éclairent par lesprofondeurs.Lalumièrequileséclaireetleregardquilessaisitne sont plus à l’extérieur. L’expérience de l’amour a pénétrédans leur profondeur et ils sont éclairés par un embrasementintérieur.Laperceptionsefaitordinairementenunsentimentsubtildelaprésence du Verbe dans la pénombre. L’Époux semble dormirdans le sein de l’âme163. Mais voici que le Verbe Épouxs’éveille.Ilaparusemouvoirsurlacoucheoùilreposait.Ce réveil que le Verbe produit dans la substance de l’âme est unmouvementd’unetellegrandeur,d’unetellemajestéetd’unetellegloire,etd’unesuavitésiintime,qu’ilsembleàl’âmequetouslesbaumes,touteslesessences aromatiques et toutes les fleurs dumonde semêlent et s’agitentpourrépandre leursparfums…,quetous lesroyaumeset tous lesempiresdu monde, que toutes les puissances et toutes les vertus du ciel semeuvent164.

LeVerbe, l’Époux de l’âme, par ce simple geste a révélé sessecrets, a fait briller ses trésors, a répandu ses richesses. Il adécouvert sapuissance.C’est enLui que toutes chosesvivent,subsistent et se meuvent. Ce grand Seigneur, en se mouvant,sembleentraînerensonmouvementtoutelacréationdontilest

lecentre.Telestl’Épouxquel’âmeporteenelleetquilatientdansl’emprisesuaveetdéfinitivedesonamour.LeDocteurmystiqueprécisequ’encesréveils,c’estl’âmequis’éveilleuninstantàlaréalitéqu’elleperçoit,quec’estellequisemeut et non le Verbe qui est immuable. | L’âme cependantparticipeunpeuà l’immutabilitédivinecar«ellen’éprouvenidéfaillance ni crainte dans ce réveil si puissant et siglorieux165».LeSaintcontinue.Ilveutessayerd’expliciterquelquechosedel’aspiration qui accompagne le réveil, de cette aspiration del’Esprit Saint en Dieu que fait l’âme et de l’aspiration quel’EspritSaintfaitdel’âme.Cetteaspirationestunetoucheextrêmementdélicate,unsentimentd’amourcausé dans l’âme par l’Esprit Saint. Cet Esprit, par son aspiration divineélève l’âmetrèshaut ; il l’informepourqu’elleproduiseenDieulamêmeaspiration d’amour que le Père produit dans le Fils, et le Fils dans lePère166.

Dans le Cantique Spirituel, le Saint a pu donner cetteexplication. Dans la Vive Flamme, le réveil est devenu sipuissant,l’aspirationquil’accompagnesidélicateetsisublimeque le Saint pose la plume et s’enfonce dans le silence de lalouange:…encesprofondeursdeDieuàquisoientrendushonneuretgloiredanslessièclesdessiècles!Ainsisoit-il167!

LafacedeDieun’estpasdécouverte,maislevoileestdevenutransparent,déclaresaintJeandelaCroix168.Noussommesauxconfinsdelavisionéternelle.Ilfallaitallerjusque-là pour suivre les découvertes lumineuses du mariagespirituel.

1.Jn14,21.23.


Lesaintcuréd’Arsensevelit sonexpériencemystiquedans lapénombredesonconfessionnal.Ellenes’ymontreraquedansses larmes devant le péché et en sa miséricorde toute divinedevant lespécheurs,etencoredans la lumièredesonregardetdanslaplénitudesavoureusedesonlangage.Onpourradevinerainsi combien est ardent l’amour qui brûle dans le brasierprofonddesonâme.Cesexemplesmontrentcombiensontvariéslesflamboiementsdelaflammed’amourquimonte,chantanteettriomphante,desbrasiers consumants de l’union transformante. Ces refletsadmirablesdecetteflammenesont-ilspastropchangeantspourfixer nos désirs ? Certainement seul est désirable le brasierd’amourquilesproduit.Quandilauraembrasénotreâme,Dieuenferamonterlaflammequiconvientàsesdesseins.

II.LalumièrecontemplativeLes lumières contemplatives sont souverainement utiles.Ellessontunmoyenordonnéaudéveloppementdel’amour.Mépriser les richesses de lumière qui montent du foyer del’union transformante serait une faute. Elles sont richessesdivines,etdespluspures,etdesplusutilesqueDieudispense.Ellesdécouvrentauregard,autantqu’ilspeuventêtreperçusici-bas, les secrets de l’être même de Dieu. Leur excellence leurvient de ce qu’elles jaillissent d’un contact avec les réalitéssurnaturelles. Elles ne sont pas le fruit d’un jeu passager del’espritoud’unéclairdel’intelligence.L’amourquilesproduitcontinueàétreindrelesréalitésqu’elleséclairent.Lalumièreetlavie,lapenséeetl’êtreserejoignentencecontactunissantquel’amour établit entre deux esprits et deux substances, celle deDieuetcelledel’âme.Peut-il y avoir ici-bas de réalisme plus objectif et plusimmédiat que cette perception par contact et union, de l’être

danssaplénitude?Aussinouscomprenonsquelamétaphysiquemodernequi a délaissé la dialectique constructive de la raisonpourrechercherunevisionsimpledesréalitésetuneperceptiondirecte des valeurs, professe une haute estime pour cetteconnaissance mystique qui est le fruit de l’union et qu’elle ychercheunappuipourelle-mêmeparcequ’elleluiprésentecetteprofondeurduréalismequiesttoutelaviedel’esprit14.Cet apport précieuxpour la philosophiemodernen’est qu’undes bienfaits de ces hautes connaissances d’amour. La hauteestimequesaintJeandelaCroixprofessepourcesdernièresestfondéesurleprofitquel’âmeelle-mêmeenretire:Pour une seule d’entre elles, l’âme se trouverait bien payée de tous lestravauxdelavie,sinombreuxqu’ilsfussent15.

Les lumières qu’elles donnent sur Dieu, la vision du mondequ’elles assurent, l’élèvent au-dessus des contingences de cemondeetdesmodesnaturelsdeconnaître.CettesciencedumatinouconnaissancedeDieudanssonVerbe…et la sciencedu soir ou sagesse de Dieu dans ses créatures, dans ses œuvres et sonadmirableprovidence16…

font les âmes royales dont le regard d’aigle pénètre lesprofondeursdeDieuetdeshommes.Ceslumièressontundesplusprécieuxtrésorsdel’Égliseetunde ses moyens les plus efficaces d’évangélisation etd’enseignement. Des ouvrages écrits sous leur influence,déborde une plénitude savoureuse et lumineuse d’amour quiéclaire et entraîne.Elles sont le flotd’eauxvivesqui, selon lapromessedeJésus,jaillissentduseindeceluiquicroit17.Ellesrévèlent le Dieu vivant et sa présence agissante ici-bas enéclairant et réjouissant tous ceux qui sont dans la maison. IlsuffitdeparcourirlestraitésdesainteThérèsed’Avila,desaintJean de la Croix et de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, pour

prendreconsciencedelapuissancesurnaturelleetdelarichessede lumière et de recueillement qui émanent des écrits« composés sous l’influence de l’amour et d’une lumièremystiqueabondante18».Toutes ces lumières qui jaillissent de l’amour sont scienced’amouretdoiventtourneràl’amour.La transformationque l’âme a subie l’a commeenflammée et changée enamour;elleyadétruittoutcequin’étaitpasamouretl’alaisséesansautresciencequecelled’aimer19.

C’est l’effet de la grâce des fiançailles.En révélant ce qu’estl’Époux, la lumièrequiprocèdede la toucheapaise et créedenouveauxdésirsquivontjusqu’àl’angoisse.Celaaétédit.Dansla possessionmutuelle dumariage spirituel, les connaissancesdeviennent plus claires et entretiennent le désir d’entrer plusavantdans lesprofondeursde laSagesse,auprixdenouvellessouffrances.SaintJeandelaCroixnousenditlemotif:Le but pour lequel l’âme désirait entrer dans ces cavernes, c’était, autantquelecomportenotreétatdeviesurlaterre,l’espoird’arriverauconstantobjetdesesvœux:àlaconsommationdecetamourabsoluetparfaitquisedonnelorsd’unesihautefaveur(carlafindetoutestl’amour)20.

Lafindetoutici-basestl’amour;ilfautlerépéteravecsaintJeandelaCroix.Seulelavisionfaceàfaceestplusdésirable,maisellen’estpasdelaterre.Toutelumièreici-basdoitdoncsetourneràaimeretembraserlefoyerdel’amour.Il serait vain de s’attacher à ces hautes connaissances et devouloir les utiliser pour elles-mêmes.Ce serait tenter de saisiravec lamain la flammequimontedu | foyerou la lumièrequis’endégagepourl’emporterchezsoietenfairesapropriété.Lessaintsontsentiletressaillement,lerafraîchissementqu’apportela lumièrequi jaillitde l’amour, lesdésirsqu’elleentretientetqu’elle crée ; ils n’ont jamais pensé qu’on pût l’utiliser


en plus subtils et embrasés jusqu’à ce qu’il lui soit permisd’emporterl’âmesonépouseetsaconquêtedanslavieéternelle.

II.Présencedel’EspritSaintAu jour de l’Annonciation, l’archange Gabriel salue en laViergeMarielaplénitudedegrâceetlaprésenceduSeigneurenelle : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avecvous55».ParticipationàlaviedivineetprésencedeDieusontlesdeuxéléments constitutifsde lagrâce sanctifiante reçueaubaptême, développés en leur plénitude dans l’uniontransformante.La charité qui transforme et déifie assure aussi l’union avecDieu, le principe dont elle procède. Le bois est embrasé etmaintenu dans le brasier.L’âme transforméepossède donc uneprésencedivinedistinctede laparticipationà laviedivinequiestdevenuesienne.Lacharitéestdiffuséedansnoscœursparl’EspritSaintquinousestdonné,ditl’Apôtre56.

Tout cela a été déjà dit. Mais parce que dans l’uniontransformante, cette présence divine, par son activité et ladomination qu’elle exerce sur l’âme, devient comme le faitcentralautourduquelgravitetoutelaviedel’âme,nousavonsledevoirdelaconsidérerspécialement.1.Présenceactivedel’EspritSaintEst-il nécessaire de rappeler qu’une présence divine estconstituéeparunerelationdeDieuavecsacréature?Dieu,eneffet,estpartoutparsoninfinitéquineconnaîtpasdelimitesnidedegrés.Son infiniténeconnaîtdoncpointde limitation,deplusoudemoins,icioulà.NousdisonstoutefoisqueDieuestici ou là, de telle façon ou de telle autre, parce qu’il y agitsuivantdesmodesdifférents.CetteprésencedeDieuouactivité

ne modifie pas Dieu qui est immuable : elle n’affecte que lacréature.ElleestdoncunerelationdeDieuavecsacréature.Toute l’activitédeDieuappartient à lanaturedivine.Elle estdonccommuneaux troisPersonnes.Toutefois,dans le langagescripturaireetthéologique,telleoutelleformed’activitédivineest attribuée par appropriation à une Personne divine enparticulier,enraisondurapportquiexisteentrecetteactivitéetla relation divine qui est personnifiée en elle. C’est ainsi quel’œuvre divine de sanctification de l’Église et des âmes estattribuée à l’Esprit Saint parce que c’est par excellence uneœuvred’amouretquel’EspritSaintestlaspirationd’amourduPèreetduFils.C’est ainsi que Notre-Seigneur promet à ses apôtres de leurenvoyer l’EspritSaintpourétablir son royaume.Au jourde laPentecôte,ildescendeneffet,prendpossessionvisiblementdesapôtres, et par eux, commence son action dans le monde desâmes pour construire l’Église. Ses manifestations sontfréquentesetvisiblesdanslaprimitiveÉglise.L’EspritSaintestunepersonnevivantaumilieudessiens.Lesapôtresledonnentpar l’imposition des mains, et Simon veut acheter ce pouvoirmerveilleux57.Lesdiacresensontremplis,etl’EspritemportelediacrePhilippeaprèssaconversationavecl’eunuquedelareineCandace58. Saint Pierre reproche à Ananie et Saphire d’avoirmenti à l’Esprit Saint et ils meurent sur-le-champ59. Pourappuyer les décisions | du concile de Jérusalem, les apôtresdéclarent:«Ilaparubonàl’EspritSaintetànous60…»L’enseignement de saint Paul est rempli d’allusions etd’affirmations concernant cette présence agissante de l’EspritSaint.Sadéclarationsurledondelacharitéfaitparl’Espritetsur le don de l’Esprit Saint lui-même qui nous appartient estfondamentale. Il appuiera sur cette vérité sa théologie et son

enseignementmoral.AuxCorinthiensquiviventaumilieudelacorruption païenne, il se plaît à rappeler quel respect ils sedoiventàeux-mêmesetàleurcorps:Nesavez-vouspasquevousêtesletempledeDieuetquel’EspritdeDieuhabiteenvous61?Nesavez-vouspasquevotrecorpsestletempleduSaint-Espritquiestenvous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous n’êtes plus à vous-mêmes62?Nevousattachezpasàunmêmejougaveclesinfidèles…Quelrapportya-t-il entre le temple de Dieu et des idoles ? Car nous sommes, nous, letempleduDieuvivant63…

Ces exhortations nous montrent combien cette doctrine étaitfamilière et vivante parmi les premières chrétientés puisqu’ellepouvaitservird’argumentetdefondementpourlespréceptesdela viemorale ordinaire.Au regard de l’Apôtre et des premiersconvertis,laprésenceetl’actiondel’EspritSaintdansl’âmeestla distinction spécifique du chrétien ; elle est la véritablebarrièrequeDieuaplacéeentrelechristianismeetlepaganisme.Notre foi s’est attiédieetne saitplus retrouverdans lamêmeclartécettedivineprésencequirestecependantactiveetvivante.L’EspritSaintcontinueàrépandrelacharitédanslesâmesetsedonnelui-mêmeàtoutchrétienaubaptême.Dans la clarté d’aurore de l’expérience de l’uniontransformante, leSaintretrouvecesréalitésprofondesdelaviesurnaturelle et spécialement la présence vivante de l’EspritSaint. Saint Jean de la Croix et sainte Thérèse ont pénétréjusqu’encessourcestoujoursjaillissantesdeladoctrineetdelavie chrétienne et nous en ont rapporté des descriptionssavoureuses.LespremièrespagesdelaViveFlammesonttoutàfait remarquables à cepoint devue et nousoffrent un secoursprécieuxpour nous aider à réaliser nous-mêmes cette présencedivine.


Dans les épîtres de saint Paul abondent les témoignages decettedécouverteetdecetteréalisationduChristenlui:Je suis fermement assuré et confiant de n’être jamais confondu etabsolument certain qu’aujourd’hui comme toujours, leChrist sera glorifiéenmoncorps,àlavie,àlamort.CarleChristestmavieetlamortm’estungain91.

IlneveutpassavoirautrechosequeleChrist:JenemesuispascruobligédesavoirautrechoseparmivousqueJésus-ChristetJésuscrucifié92.

Il s’agit non d’une science spéculative,mais de cette sciencepratiquequiestvieetréalisation.Aussi,ill’apréféréeàtoutlereste:Cequi,àmesyeux,étaitungain,leChristmel’afaitregardercommeuneperte.Oui, je regarde tout cela comme une perte au prix de la science sihautedeJésus-ChristmonSeigneur.ÀcausedeLuij’aitoutperdu,maisjeregardeletoutcommedesimmondicespourgagnerleChristetmetrouverenLui93.

Aussi, que peut-il désirer pour ses fidèles, spécialement pourseschersÉphésiens,sinoncetteréalisationduChristeneux,etlascienceduChristparlacharité.Que le Christ habite dans vos cœurs par la foi ; et que, plongeantvos racines et vos fondements dans la charité, vous puissiezcomprendre avec tous les saints la largeur et la longueur, la hauteur et laprofondeur ; que vous puissiez, dis-je, connaître la charité du Christ quipassetouteconception,etqu’ainsivoussoyezremplisdetoutelaplénitudedeDieu94.

Cette pénétration profonde dans la charité du Christ et cettetransformation en Lui avec les lumières de la foi vive quil’accompagnent, quelle heureuse définition de l’uniontransformante,plénitudedeDieudansl’âme!C’est ce que nous découvrons, de fait, chez sainte Thérèse.Après avoir décrit la merveilleuse union avec Dieu que le

mariage spirituel réalise, la Sainte ajoute sans transition,rappelantlaparoledesaintPaul:LeChrist estma vie et lamortm’est un gain.Voilà, àmon avis, ce quel’âme peut dire dans le mariage spirituel. C’est ici, en effet, que le petitpapillondontnousavonsparlémeurtavecuneindiciblejoie,parcequeleChristestdevenudésormaissavie95.

Ainsiqu’illuiarriveassezfréquemment,laSainten’apassuivila logique de la pensée,mais a été entraînée par la perceptiond’une réalité qu’elle signale, interrompant ainsi ledéveloppementdelapensée.Unpeuplusloin,elleinsisteavecenthousiasmesurladécouvertequ’ellevientdefaire:SaMajestéaditencore:Jesuiseneux.ÔgrandDieu!commecesparolessontvraies!etcommeellelescomprendbienl’âmequi,élevéeàl’oraisondontnousparlons,lesvoits’accomplirenelle96!

D’ailleurs, c’est bien avec le Christ Jésus que le mariagespirituel a été conclu. Une faveur extraordinaire, visionimaginaire de la SainteHumanité, est venue, ainsi qu’il arrivehabituellementauxdiversétapesthérésiennes,expliciterlesensde la grâce intérieure qui lui est accordée97. L’uniontransformante est donc une union et communication depersonnes,réaliséeavecleChristJésus.Saint Jean de la Croix, cet explorateur du divin, ne pouvaitmanquerdedécouvrirleChristdanslesrichessesdesagrâce.Ilsignalemaintes fois la filiation divine dans la grâce qui nousarrive par l’Esprit de Dieu. Spécialement sur les sommets del’union transformante, il insiste sur la découverte du ChristJésusetdesesmystères.Ilfaudraitreliretoutlecommentairedelastrophetrente-sixième.

EtensuitenousironsJusqu’auxhautescavernesdelapierre.

Un des principaux motifs qui portent l’âme à désirer d’entrer dans cetteprofondeur de la sagesse de Dieu et de connaître pourquoi dans ses

insondables jugements ilpermet la souffrance, c’est, commenous l’avonsdit,qu’ellepeutarriverpar lààunirsonentendementàceluideDieuetàpénétrer dans la connaissance des profonds mystères de l’incarnation duVerbe,sagesselaplushauteetlaplusrempliedesuavitépourelle98.

Cette connaissance est une connaissance expérimentale quiprocèdede laconnaturalitéde lagrâceavec leChristenmêmetemps que de la souffrance. Dans cette connaissance, fruit leplussuavedel’uniontransformanteréalisée,l’âmeseplonge:…elleiraavecl’Épouxconnaîtreleshautsmystèresdel’Homme-Dieuquisont les plus remplis de sagesse et cachés en |Dieu, et ils entreront tousdeux,l’âmes’yplongeantets’yengloutissant99…

Carilssontinépuisableslestrésorsdecesmystères:…malgré toutes lesmerveillesque lessaintsdocteursontdécouvertesouque les saintes âmes ont pu contempler ici-bas, la plus grande partie enresteencoreàdireetmêmeàconcevoir100.C’est « unemine abondante, remplie d’une infinité de filons » que cette«connaissancedesmystèresduChrist, laplushautesagesseà laquelleonpuisseparvenirici-bas101».

Cetteconnaissancedesmystères,réaliséedanslesrichessesdela grâce donnée par le Christ, est enrichie encore par laperceptiondelaprésenceduVerbedansleseindel’âme.Cetteperception du Verbe Époux, ses réveils magnifiques sousl’aspiration de l’Esprit d’amour, ce sont les dernièresconfidences que nous avons recueillies de saint Jean de laCroix, confidences qui se sont éteintes dans le silence del’impuissance.Nous sommes vraiment sur le sommet. Nous avons cueilli lefruitsuprêmedel’uniontransformante, leplusbeauetaussi leplussimple:laressemblanced’amouretl’unionavecleChristJésus pour la réalisation du Christ total. La perfectionchrétienneet laperfectioncontemplativesontencetteunionetcetteréalisationduChristJésusNotre-Seigneur.


extérieuresdesfacultésauxquellesilfaitposerdesactesdivins,l’Esprit Saint nous lie à tous les mouvements, à toutes lesaspirations de l’Amour substantiel qu’il est Lui-même dans leseindeDieuetnousassocieàsesréalisations.Nous savons que cet Esprit d’amour est l’intendant chargéd’exécuterledesseinéterneldeDieu.Ilenaposélesassisesenréalisant le mystère de l’Incarnation dans le sein de Marie.Depuislors,ilcontinuesonœuvreenrépandantdansnosâmesunecharitéquiestfilialeetquinousidentifieauVerbeincarné,leChristJésus.CettegrâcenousplacedansleChristpourquenousfassionsavecLuileChristtotal.Tellessontlesdestinéesdenotregrâce:ellenousfaitChristetnous soumet parfaitement aux lumières et auxmotions de cetEsprit d’amour qui guida le Christ lui-même. Nous sommesdoncrivésauChristetnousdevonssuivretouslesmouvementsde l’Esprit d’amour en Lui et en son corps mystique qui estl’Église.Nousconnaissons lesmouvementsque l’Amoura imposésauVerbeincarné.Dieuatellementaimélemondequ’iladonnésonFilsunique17.

LeVerbe,eneffet,estdescenduparminous.Ils’estincarné.Ils’estanéantidans lesprofondeursde l’humanitépécheresseenprenant la forme d’un esclave18 et en se faisant « péché pournous19».LeChristJésusestdoncvenuici-basnonpourjuger,maispoursauver,enapportantsalumièreetlefeudesonamour.Ilavécuparmi |nous.«Commeilavaitaimélessiensquisontdans le monde, constate l’évangéliste saint Jean, il les aimajusqu’à la fin20. » Cette fin c’est la passion, le calvaire etl’Eucharistie.Mystèresorientésversl’édificationdel’Église,leChrist total dans lequel le Verbe incarné veut nous emporterdansl’unitédelaTrinitésaintepourypartagersesopérations.

TelssontlemouvementetlesgestesduVerbesousl’actiondel’amour.C’est laparabolede l’aigledescendantvers sespetitsretenusausolparleursailesmenuesetlourdes.

Pareilàl’aiglequiexcitesacouvéeEtvoltigeau-dessusdesespetits

Yahwehadéployésesailes,ilaprisIsraëlIlleportesursesplumes21.

Saint Jean de la Croix a repris et développé cette imagegracieuseetpuissantedeMoïse,encantiqued’actiondegrâces.Cet oiseau divin prend ses ébats dans les hauteurs. Mais comme il s’estabaissépournous regarder, provoquernotre vol, et le faire plus élevé enrendant notre amour plus fort, il s’est pris lui-même au vol de notreamour…etilestdemeuréprisonnier…Ainsipouvons-nouscroireque l’oiseauauvolbaspuisse faireprisonnierl’Aigleroyalauvolsublimequidescendversluipoursefaireprendre22.

C’est dire que l’Aigle royal continue à descendre et que sonamour sepenche toujours surnous, se laisseprendreparnouspournousemporterplusaisémentprisonniersdanslesliensdesonamour jusquedans leshauteurs23.Aussi sainteThérèsedel’Enfant-Jésus lui demande-t-elle de renouveler ce geste pourelle.Toute son espérance repose en cemouvementhabituel duVerbeincarné.MafolieconsisteàsupplierlesAiglesmesfrèresdem’obtenirlafaveurdevolerversleSoleildel’Amouraveclespropresailesdel’AigleDivin…… Un jour, j’en ai l’espoir, Aigle Adoré, tu viendras chercher ton petitoiseau, et remontant avec lui au Foyer de l’Amour, tu le plongeras pourl’éternité dans le brûlant Abîme de cet Amour auquel il s’est offert envictime24.

Cetteparaboledel’Aigledivinquidescendpoursaisirsaproieet l’emporter en remontant vers les cieux, c’est le geste quel’amour renouvelle sans cesse par ceux qu’il a conquis etidentifiés au Christ Jésus. En même temps qu’il les introduit

dans les profondeurs de la vie qui est en Dieu, il les faitdescendrevers lesprofondeursdupéchéde l’humanité ici-bas.Aveceuxetpareuxilcontinueàincarnerlaviedivinedanslesâmes,àgémiretàlutterjusqu’àcetriomphecompletdésiréparlePère.L’uniontransformanten’isolepasdumondeenintroduisantenDieu.Elle associe à lavie intensede l’Église ici-bas.Plus lessaintssontprisparl’amour,plusilssontprèsdenous,carenlesdivinisant, la charité les fait entrer dans les profondeurs dupéché, la grande souffrance de l’humanité. S’il en étaitautrement,ilneseraitpasvraiqu’ilssontidentifiésauChristetleur charité ne serait pas chrétienne, car Jésus l’a ditformellement:C’estàceciquetoutlemondevousreconnaîtrapourmesdisciples,sivousavezdel’amourlesunspourlesautres25.

Lamesuredecetamourpourleprochain,c’estlasienne,cellequ’iladonnéeLui-même:Moncommandementàmoi,c’estquevousvousaimiez lesuns lesautrescommejevousaiaimés26.

Nousconnaissonscettemesure.Unesimpleallusionsuffitàlapréciser:Il n’y a pas de plus grand amour que celui de donner sa vie pour sesamis27.

Ausoirdecettevie,nousseronsjugéssurl’amour28,pourquele degré d’amour devienne le degré de notre gloire et de notrepuissance de vision béatifique. Mais Jésus décrivant lescirconstancesdecejugement,préciselapreuved’amourquiserademandée:Venez,lesbénisdemonPère,entrezenpossessionduroyaumequivousestpréparédepuislacréationdumonde.Carj’aieufaimetvousm’avezdonnéàmanger,j’aieusoifetvousm’avezdonnéàboire29.


temps;ilestentraînéaudésertoùpendantquaranteansilvivrala vie solitaire de berger, avant queDieu ne se découvre à luidanslebuissonardentetneluiconfèresamissiondelibérateuret de conducteur du peuple hébreu.Combien admirables aussiles voies que l’Esprit Saint fait suivre à saint Jean-Baptiste, àsaintPaulpourlesprépareràleurmissionexceptionnelle.Guidéepar l’EspritSaint, l’Église imposeà sesministresunepériode de préparation obligatoire avant de leur conférer lespouvoirs du sacerdoce. Précédée d’un choix divin cettepréparation extérieure s’inscrit dans le déroulementd’événements providentiels et sur une action intérieure del’EspritSaintqu’elledoitfavoriseretépanouir.2.Dieuconfèredespouvoirs.—Enconférant lecharismeoumission d’apostolat, Dieu donne des pouvoirs qui ont uneefficacitécertaine.Les jugeschoisisparDieudélivrentchaquefois Israëlde sesennemis.Le roi sacré sur l’ordredeDieuestrevêtud’unepuissancequiluipermetdedominersursonpeupleet de vaincre ses ennemis. Dieu veut que ses envoyés soientconvaincus de l’efficacité de la mission qui leur est conférée.Gédéonpeutdemanderdessignescontradictoires49.Dieuneselassepasdelesluiaccorder.DieurépondauxobjectionsqueluifaitMoïse et lui dévoile la puissance de thaumaturge qu’il luiconfère50. La victoire que Gédéon remporte | avec quelquessoldatssansarmesetlesrécitsmerveilleuxdel’ExodemontrentquelessignesdonnésparDieuavaientauthentiquéunemissiondivineetunepuissancesurnaturelle.C’est en cette mission et en ce pouvoir que résideessentiellement le charisme conféré par l’Esprit Saint pour lebien de l’ensemble et dont on ne saurait nier l’efficacité et lafécondité propres. Le juge de l’Ancien Testament, Gédéon ou

Jephté, agissait aunomdeDieuet libérait sonpeuple,quellesquefussentsesdispositions.Danslaloinouvelle,leprêtrereçoitaujourdesonordinationtouspouvoirssurlecorpsduChristpourrépandrelaviedivine.Ilconsacre,absoutvalidement,répandeneffetlagrâcedanslesâmes,mêmes’ill’avaitperduelui-même.Aveclecharismedesavocation le religieux enseignant peut faire pénétrer la lumièredanslesintelligencesavecunecertaineefficacitésansquesaviespirituelle entre directement en jeu. Une activité apostoliquepeut porter des fruits quel que soit le degré de charité quil’anime.La fécondité n’est pas liée nécessairement à la charitésurnaturelledel’instrument.C’estDieuquiladonne51. Ilpeutl’attacherd’unefaçonpermanenteàdesdonscommelesgrâcescharismatiques, comme aussi à toute activité humaine de sonchoix.3.Grâcepourl’accomplissementdelamission.—Dieudoitàl’instrument de soutenir sa faiblesse et de l’aider à remplirdignement la mission ou les fonctions qu’il lui a confiées.Aussi,aveccespouvoirsetcettemission,Dieudonne toujoursune grâce appropriée pour les exercer dignement selon lesvouloirsdivins.Ilest touchantdeconstaterdanslasainteÉcritureavecquellesollicitudeaffectueuseDieusepenchesurlesinstrumentsqu’ils’estchoisis.«Jeseraiavectoi»,dit-ilàMoïsequis’inquiètedesdifficultésdesamission52.IlétaitaussiavecAbraham,avecJacob, avec Joseph, avec Samuel le juge. Il s’empare de Saülaussitôt après son sacre53. Lorsque Samuel eut sacré David,«l’EspritdeYahwehfonditsurDavidàpartirdecejouretdansla suite54 ». Cette assistance s’étale extérieurement par desœuvres au point qu’elle devient un fait que chacun peut

| constater et qui est maintes fois souligné dans les saintesLettres.Cette assistance ou présence de Dieu avec son serviteur semanifeste dans les bénédictions dont il le comble, dans lesgrâces de fidélité et la protection qu’il lui assure. Elle estdistincte,semble-t-il,despouvoirsconférés.Iln’estpasécritdetous les envoyés que Dieu est avec eux. Lorsque Saül a étéinfidèle, Dieu n’est plus avec lui et son esprit se repose surDavid, tandis que Saül continue cependant à exercer laroyauté55.CetteemprisedeDieupresquevisiblesur lepatriarche, le roiou le prophète de l’AncienTestament, fait songer au caractèreimprimé par le sacrement de l’Ordre dans l’âme du prêtre.Caractèredontl’effetpremierestlacollationdespouvoirs,maisqui comporte aussi la grâce pour les exercer dignement.L’onctionsacerdotalemetleprêtreauservicedeDieuetdesonpeuple;ellepénètreprofondémentenlui,l’entoured’unnimbelumineuxqui le fait resplendir auxyeuxde tous, et lui assuretousmoyensefficacespourdevenirunautreChristvivant.Dans lesentimentde l’onctionquis’est répandueen toutsonêtre, le nouveau prêtre pourrait croire qu’il est déjà parvenu àl’identification avec le Christ qu’il souhaite si ardemment.L’illusionestfacile,aussifacilequ’aureligieuxquipeutpenserdans la ferveur de sa profession, avoir trouvé la réalisation dudonparfaitdesoiqu’ilrêve.Poursensibleetpuissantequesoitcette grâce, elle n’est ordinairement qu’un bourgeon en fleurs,qu’une grâce de prémices destinée à assurer la fidélité dansl’exercicedesfonctionsetdanslaréalisationdudondesoi.Cen’estqueplustard,peut-êtreaprèsdelonguesannéesdefidélité,que le prêtre pourra mettre à la disposition du sacerdoce une


doitl’utiliseretl’exercerpourlebiendel’Église.Leprêtredoitadministrer les sacrements et y préparer les chrétiens ; lereligieuxou lareligieusedoitsedonnerauxœuvresconfiéesàsonInstitut ; lechrétienaundevoird’apostolatàexercerdanssonmilieufamilialetsocial.Cesdevoirssont indépendantsdudegrédecharitédeceluiàquiilsincombent.Mieuxencore,cetapostolatconstitueunexerciceobligatoiredelacharitéenversleprochainetassureàl’amourunheureuxaccroissement.L’apôtreaime en travaillant pour ses frères et il manquerait à l’amourqu’il leur doit s’il se dérobait à cette tâche essentielle de savocation.Et cependant l’apôtre a-t-il le droit de négliger les remarquesfaitesparsainteThérèseetlesconclusionspratiquesqu’elleendégagepour les contemplatives ?Ces remarques soulignentunétat spirituel qui est identique chez l’apôtre et chez lecontemplatif.Enl’uncommedansl’autrelachairestfaible,lespassionspointencoredominées,etlacharitésurnaturellelivréeàsesmodesimparfaitsd’agirquilasoumettentplusétroitementauxinfluencesextérieures.Le charisme d’apostolat et le sacerdoce ont leur efficacitépropreetassurentunegrâcedefidélité.Maisiln’estpasexactqu’ilspréserventdesdangersdumonde.Chezl’apôtreetparfoisavec plus d’acharnement que chez le contemplatif, la chair etl’esprits’affrontent.Lepéchédumondeaveclequell’apôtrealedevoirdeprendrecontactetsurlequelilremportedesvictoires,luiprésentesesséductionsenmêmetempsqueses laideurs,etenoffrantunalimentàsonzèle,fournitinsidieusementunappuietunalimentàsestendances.Celles-cinonencorepurifiées,nesavent pas le refuser complètement et s’ennourrissent.Àn’enpas douter, les sollicitations du monde sont beaucoup plusdangereusespourl’apôtrequepourlecontemplatifabritéparsasolitude.

La charité de l’apôtre en ces débuts reste faible. Les ardeurssensibles qui l’animent ne doivent pas créer d’illusion. Ledécalageentresamissionet lacharitéquiestàsonserviceestcertain. Il doit être comblé. Le charisme appelle une union auChristcorrespondantàsapuissance.Lesacerdocerequiertpoursonexerciceparfait l’identificationauChristprêtre etvictime.Certes, l’exercice même du charisme assure à la charité unaliment précieux dont on ne peut méconnaître la valeur. Cetalimentn’estcertainementpassuffisant.LacharitéjaillitduseindeDieu.L’apôtredoitallervers lessourcesdecetteviedivinequesontlessacrements.Moinsquetoutautre,ilnesauraits’encontenter.AmideDieu,ilaledevoirdesetenirhabituellementauprèsdel’Hôteintérieurquidiffusecettecharitéennosâmes.Instrument choisi par l’Esprit Saint, intendant des œuvresdivinesetconstructeurdel’Église,ilnepeutremplirdignementsa mission qu’en cultivant une intimité qui lui permettra derecevoirconstammentseslumièresetsesmotions.Plusquetoutautre,l’apôtreabesoinducommercehabituelavecDieuqu’estl’oraison et doit se plier aux conditions essentielles qu’elleexige.Qu’enserait-ildoncdel’apôtrequi,s’appuyantsurlesjeunesardeursdesagrâceetledynamismeconquérantdesonzèle,selanceraitaucombatsansautremesurequelavictoireàremportersurlemalqu’ildécouvre,sansautreprotectionquesaconfianceensonamourpourDieuetlesâmes?Encecombatengagéavecprésomption et conduit sansprudence, les énergies nepeuventque s’user et s’affaiblir progressivement. Les ardeurs tropnaturelles tomberont normalement ; les tendances sedévelopperont et la charité surnaturelle peu ou irrégulièrementalimentées’anémiera.PlaiseàDieuquel’apôtrenesombrepaslui-même,victimedupéchécontrelequel |ilalutté,etensevelisous des triomphes extérieurs qui semblaient complets¬ parce

quebrillants.Pour éviter ces dangers et assurer la croissance de sa charitésurnaturelle, l’apôtre en cettepériodea ledevoir impérieuxdepréserver son âmedu péché qu’il aborde et de se suralimenterspirituellement.Laprudencel’obligeàremplacerlasolitudequigarde le contemplatif par une organisation d’autant plus fortequ’ilestplusfaibleetquelesdangerssontplusgrands.Enpaysennemi, une armée segarde avecplusde soinque le bataillonenfermé en une forteresse. La vigilance et l’ascèse sontnécessaires pour veiller sur les sens qui sont les fenêtres del’âme, et empêcher la dissipation des facultés. Sans unrèglement,ilneluiestpaspossiblederamenerfréquemmentsonâmeverslessourcesdelagrâceetdel’ymaintenir.Ces précautions et ce règlement sont-ils suffisants ? Ceux-làpourraientnousledirequiontchargedefournird’ouvriers leschampsd’apostolatetpeuventsuivreensuitelesvicissitudesdescombatsintérieurs.Maisuneleçond’unevaleuretd’uneportéeincomparablement supérieure nous est donnée par Jésus lui-mêmequisechargeadeformersesapôtres.Pendanttroisans,Jésusgardeauprèsdeluiceuxqu’ilachoisiscommeapôtres,lesfaisanttémoinsdetoussesenseignementsetde ses gestes, les instruisant souvent à part. Il les envoie enmission parfois comme timidement, leur fixant le rendez-vousdu retour.Avant sapassion, il leur donne son sacerdoce et lesétablit ses continuateurs. Les débordements de la grâce, lesconfidences intimes de la dernière heure, les ardeursprésomptueusesdePierre,nelesempêchentpasdefaiblirdevantle mystère de la croix. L’expérience semble concluante. Jésusavaitprévuetannoncél’abandon.Ilyfaitàpeineallusionaprèsla résurrection en apportant la paix du pardon. Il confirme lamissiondéjàconfiée,maisavantquelesapôtresnel’exercentilsdoiventattendreàJérusalemdanslaprière,lavenuedel’Esprit


DeladescriptionquesaintJeandelaCroixfaitdecettefaveurdans la Vive Flamme, on peut, nous semble-t-il, tirer desindications précieuses sur la nature de la grâce qui spécialiseuneâmepourunemissionparticulière:Quandl’âme,écrit-il,estembraséedel’amourdeDieu…ilarrivequ’ellesesentattaquéeintérieurementparunséraphin.Cetespritcéleste,arméd’uneflècheoud’undard toutembrasédufeude l’amour, transperce l’âmequiest déjà toute en feu comme un charbon rougi, ou plutôt qui n’est plusqu’uneflamme;illabrûled’unemanièresublime…L’âmesentlàcommeungraintoutpetit,semblableàungraindesénevé,maisextrêmementactifet embrasé qui projette autour de lui les flammes les plus vives d’un feutoutembraséd’amour.Cefeuprovientdelasubstanceetdelavertu|decepoint brûlant où se trouvent la substance et la vertu de cette herbe dontnous avons parlé. L’âme sent qu’il se répand d’unemanière subtile danstoutessesveinesspirituellesetsubstantielles,maisselonsapuissanceetsonénergie…Les délices dont l’âme est comblée en cet état sont quelque chosed’inexprimable. Tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’elle comprendcombien l’Évangile a raisonquand il compare le royaumedes cieux à ungrain de sénevé qui, tout petit qu’il est, renferme tant de vigueur qu’ildevientungrandarbre.Il y apeud’âmesqui arrivent à undegré si éminent. Il y en a cependantquelques-unes qui y sont parvenues ; ce sont surtout celles de cespersonnages dont la vertu et l’esprit devaient se transmettre dans lasuccessionde leursdisciples.Dieu,endonnantàceschefsde familles lesprémices de son esprit, leur a conféré des trésors et des grandeurs enrapport avec la succession plus ou moins grande d’enfants qui devaientembrasserleurrègleetleuresprit102.

C’estévidemmentunefaveurextraordinairequesaintJeandelaCroix décrit en ces pages. Plusieurs fois nous avons soulignéque le symbolisme de ces faveurs extraordinaires et la formed’expérience qui les accompagne, découvrent ordinairement etillustrentadmirablementlagrâcesurnaturellequ’ellesapportentetquicaractériselapériodeoùcesfaveurssesituent.Aussiilnesemble pas téméraire de chercher en cette description les

caractères de la grâce de fécondité qui, en cette période,spécialiseuneâmepourunemissionparticulièreetdeconclurequecettegrâcedonnéeàuneâmedéjàembraséed’amour,parlacausalité instrumentale de l’ange, consiste en une infusionparticulièred’amourquiporteenelledesrichessessurnaturellesetlapuissancepourlescommuniqueràd’autres.La concession d’une grâce particulière de fécondité n’est pasliéeàcemodeextraordinairedécritparsaintJeandelaCroixouàunautre.Ellepeutnepasêtreaccompagnéed’unenetteprisede conscience. C’est ainsi qu’en suivant les ascensionsspirituelles de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, on se rendcomptequelaSaintedécouvreprogressivementetenunmomentqu’il est difficile de déterminer avant son offrande à l’Amourmiséricordieux, la voie d’enfance spirituelle et sa mission del’enseignerauxâmes.Cesgrâcesdeféconditéetd’apostolatdonnéesencesrégionsdoivent, nous semble-t-il, être distinguées des missionscharismatiquesconfiéesprécédemment.Cesdernièresconfèrentdespouvoirsetunegrâcedefidélité; | l’emprisedivineyresteen soi extérieure à lagrâce sanctifiante sibienque l’âmepeutexercersespouvoirssanslaposséder.LesmissionsconféréesauxsixièmesDemeuresjaillissentdelagrâce sanctifiante elle-même. Elles sont une découverte desvirtualitésspécialesdelacharitéquiestdonnée.SouslalumièredessixièmesDemeures,l’âmevoitdanslarichesseetlaqualitéde sa grâce, sa place dans le plan divin et la coopérationparticulièrequel’EspritSaintattendd’elle.Cettemissiondonnéeàl’âmenedatepasdecetteheure.Elleapuêtremontréeàl’avancecommeàsaintJeandelaCroixàquiavait été annoncé qu’il réformerait l’Ordre dans lequel ilentrerait, ou même conférée réellement par un charismeextraordinaire ou une vocation particulière d’apostolat. En ces

sixièmes Demeures, l’âme reçoit la grâce adéquate pour laréaliserparfaitementetdanscettegrâcetrouvelalumièrequilaconfirmeetlaprécise.NousavonsdistinguédansleChristJésuslamédiationd’ordrephysique que réalise l’union hypostatique et la médiationd’ordre moral qui est la mission sacerdotale qu’il a reçue duPère, celle-ci trouvant dans la première son efficacité. Nousobservons dans l’âme l’ordre inverse.Lamission est donnée àl’avanceaveclespouvoirs;laplénitudedegrâcepourl’exercerparfaitement n’est reçue que sur les sommets de la viespirituelle.Désormais l’apôtre sera apôtre parfait avec l’efficacité de sespouvoirs et les dons spéciaux de la charité qui leurcorrespondent.Leprêtren’exerceplus seulement les fonctionsdesonsacerdoceaveclecaractèresacerdotaldesonordinationetlagrâceafférente,maisavecuneidentificationauChristdéjàréaliséequiluipermetvraimentdelereproduiredevantDieuetauxyeuxdesfidèles.La lumièredecettedécouvertevaseprécisantet les richessesdecettegrâced’apostolatsedéveloppentàmesurequel’amouropèresonœuvredetransformation.L’apôtresaintPaulexplicitedans son enseignement et réalise progressivement la missiondécouvertesurlechemindeDamas.SainteThérèse,aprèsavoirfondésonpremiermonastèreréformé,découvrel’Égliseetétendsa réforme pour la mettre à la mesure de sa mission et desbesoinsdel’Église.Ces approfondissements et ces explications de la missionjaillissentdeschocsintérieursdelagrâceetdesévénementsquiviennent en préciser et en confirmer les intuitions. L’âme sedécouvre au point de convergence d’admirables préparationsprovidentielles. Leur rencontre en des faits qui paraissent,éclairel’harmonieduplandivin.Il|estbienvraiquelaSagesse


83.5eDem.,c.2,p.908[2,12].84.Ibid.,p.922-923[4,6].85.Ibid.,p.923-926[4,7-11].86.5eDem.,c.3,p.912[3,3].87.Ibid.,c.4,p.924[4,8].88.Ibid.,p.922[4,6].89.Ibid.,p.922[4,5].90.1Co6,17.91.MontéeL.3,c.1,p.309[3,2,8].92.Fond.,c.5,p.1103[5,10].93.7eDem.,c.4,p.1054[4,8].94.7eDem.,c.4,p.1053[4,6].95.Ibid.,p.1051-1052[4,4].96.He10,5-9.97.Penséessurl’AmourdeDieu,c.5,p.1435[5,3].98.Penséessurl’AmourdeDieu,c.5,p.1435[5,3].99. Il est nécessaire de noter à ce propos que les faveurs peuvent être dumême genre, par conséquent être placées dans la même catégorie, etcependant comporter une infusion de charité de qualité et d’intensitédifférentes.C’estainsiqu’ilseraitpuérild’assimileràlavisionduchemindeDamastoutravissementquicomporteladécouverted’unemission.100. Vie, c. 24, p. 250 [24, 5-6]. Voir supra, c. 7 « Fiançailles et mariagespirituels»,t966.Nousavonssituécettegrâcevers1558-1560.101. Sainte Thérèse décrit la transverbération en parlant des ravissementsdans le livre de saVie (c. 29, p. 308-309 [29, 13-14]) qu’elle écrivait vers1565,doncavantd’êtreparvenueaumariagespirituel.102.ViveFl.,str.2,p.950-951[B2,9-12].103.Rm8,28.104.Man.Autob.Cfol.35r°.105.Man.Autob.Bfol.3v°.106.Ps43,22.107.Rm8,35-37.108.Penséessurl’AmourdeDieu,c.5,p.1435-1436[5,4].109.Penséessurl’AmourdeDieu,c.7,p.1452[7,8].110.7eDem.,c.4,p.1056-1057[4,12].

111.Fond.,c.5,p.1106[5,15].112.Ibid.,p.1107[5,16].113.Penséessurl’AmourdeDieu,c.7,p.1452-1453[7,9].114.[SaintAugustin,CommentairedelapremièreépîtredeJean,TraitéVII,8(PL35,col.2033;Sourceschrétiennes75,Paris,Cerf,1961,p.328-329)].115.LettresdeSainteThérèsedel’E.-J.,p.339[cf.LettredesœurMarieduSacré-CœuràThérèse,17septembre1896‒LC170,dansCorrespondancegénérale,t.2,p.893].116.Mt28,20.117.Mt7,16.118.Jn15,16.119.Jn15,15.120.Chemin,c.34,p.752[32,12].121.Mt20,28.122.Ct8,5.123. «LaSagesse a bâti sa demeure, a taillé sept colonnes et a immolé sesvictimes»,Pr9,1-2.124.Rm8,23.125.Rm8,29.126.Noviss.Verba,17juillet,p.82[cf.CJ17.7].127.Man.Autob.Bfol.4r°.

TABLES


Participation à la vie deDieu (cf.Grâce) 33, 685, 926, 1003, 1051 ; a sasourceenDieu1056;communiquéeparlaSagesse300,924,925;diffuséeparl’EspritSaintdansnoscœurs30,33,924,1009,1030;faitepourl’union33,304,1003;remonteversDieu33,1028-1029;diffusive375,661,1029-1030 ; seuldonparfait925 ;capacité réceptivede lacharité fondementdesdons 304, 310 note (cf. Don) ; perfectionne la foi par les dons 505(cf. Théologal) ; terme de tout 997-998 ; telle ici-bas que dans la visionintuitive38,997.Charitévertuthéologale285-286;(cf.Amourspirituel241ets.) ;grefféesur la volonté 918, 920 ; symbole, tunique rouge 920 ; seule compte 512,998 ; supérieure aux dons et aux charismes 1050, 1051, 1053 ; produitconnaissancedeconnaturalité(cf.Connaturalité,Contemplation).Effets : charité est purifiante 325, 910, 920 ; unissante 38, 926 ;transformante34,926,927;assureidentificationauChrist1020,1022,1065;présence dominatrice et règne parfait de l’Esprit Saint 1013 ; réaliseperfection927,929;faitdegrédevisionintuitive38,997(cf.Amour).Degrédecharitédétermineperfection925,1002,1006,1007.Progressiondans les Demeures 131, 132, 1010 (cf. Croissance spirituelle) ; charitéparalysée aux premières Demeures 144, 1054 ; triomphe par la raison auxtroisièmesDemeures273,280 ; réaliseunion imparfaiteet intermittenteauxquatrièmesDemeures557,uniondevolontéauxcinquièmesDemeures649,650 ; charitépurifiante réalise fiançaillesauxsixièmesDemeures940et s. ;union transformante aux septièmes Demeures 989, 998 ; se développetoujoursici-bas982,1006-1007,1016.Charitéetapostolat(cf.Apostolatdel’amour1040,1053).

CHRISTJÉSUSHomme-Dieu77;Dieu:VerbeauseindelaTrinitéSainte77,928;ParoledeDieu202,205;Homme:faitchair657,1034;ChristJésuschef-d’œuvredelaSagessed’amour302,del’EspritSaint1017;profondeursetrichesses133,326,661,1021,1022.Médiateuruniverseletunique72,75,78,193,203,860,861,863,868,886;Prêtre 327, 860, 884, 886, 1040, 1066 ; Victime 85, 326-328, 863, 870 ;Rédempteur77,301,883 ;vieetmortd’amour880,1052 ;PaindeVie76,85,658,1018.SaVieoffrandedelui-mêmeàsonPère326-328,330.Vie cachée 389, Jésus et Marie 886, 887, 1066 ; réserves de silence 367 ;obéissance627;humilité45,337,360,361.

Viepublique337,Nicodème338,339;Samaritaine339-341;loisquiguidentsonaction341,342.Prièresacerdotale76-77,659;prièreàGethsémani123-124,149-150,762,870.Jésusimmolé,crucifié,typedel’humanitérégénérée85,86.Christ Jésus Livre vivant 201, connaissance du Christ but de lecturespirituelle 205 ; personne duChrist dansSaintesÉcritures 205-207 ;ChristVérité dans livres dogmatiques 207-209 ; Christ Voie dans livres despiritualité209-211;ChristViedansl’Égliseetlessaints211-212.ChristJésusetoraison :nécessaireà toutes lesétapes66,67,78,79,861,864ets.,868;pourlescommençants66,67;dansoraisonderecueillement184,185,861 ;Christ Jésusmodèleparfaitdans lanuitde l’esprit869-870,879-880 ; la Sainte Face 206, 870, 873-876, 881 et s. ; vision intellectuelle713,714etvisionimaginaireduChristJésus715-716,968;visionplushautedans le mariage spirituel 968-970, 985-988 ; identification au Christ Jésusdansuniontransformante1016-1023.

CHRISTTOTALChristdiffuséensesmembres77;desseinéterneldeDieu130,298,302,657 ; grand mystère proclamé par saint Paul 77, 298, 862 ; but del’Incarnation302,1065-1066.ChristJésustêteetunitéducorpsmystique657,661.Christ total construitparEspritSaint 867, 868, 928, 1017-1019 ; but del’apostolat689,928,1030,1065.Christtotaldanslaspiritualitéthérésienne662-664:découverte.AuxcinquièmesDemeures662;découvertedel’incorporationauChristtotal656 ;mystèrede l’Église, réalisationdudécretdivin658-660 ;participationducorpsetdusangduChrist660,1018,liendevieprofondeentreleChristet les âmes664 ; diversitédesmembres660,661 ;missionde chacun662,1049.AuxsixièmesDemeures,âmedécouvresamissiondansChristtotal1066.AuxseptièmesDemeures,unionauChristtotal1022;saintetédansleChristtotal1024-1077;apostolat:vigneetbranches1024;doublemouvementdel’amour1028-1029;apostolatparfait1063-1076.ManifestationglorieuseduChristtotalaujugementdernier661-662.ChristtotaletViergeMarie887,888(cf.ViergeMarie);toutemèredansleplandivin883,885,1065.Christ totaletsaints :Curéd’Ars1036 ;Thérèsed’Avila118,1034,1037,1077;Thérèsedel’Enfant-Jésus1038-1039,1074,1076.

CONNAISSANCEVisiondelavérité713;alimentdelafoietstimulantdel’amour197,198.Connaissancedesoi39-52;aveclaconnaissancedeDieu,fondementdelaviespirituelle53;faittriompherlavérité(humilité)dansattitudesetactes40,41,46;assureéquilibredelaviespirituelle41.Connaissancepsychologique41-43,connaissancespirituelle44-49 (cf. c.Humilité336-361), s’acquièrentpar raison 40, 346, par lumière de Dieu 49-52, 346-349, 550. Action dudémon(faussehumilité)51-52,114,748.Connaissance de Dieu « connaître Dieu, c’est la vie éternelle » 1029 ;ignorancereligieusedenotretemps199-200.Connaissanceparlafoi468ets.,683-684;parlesvéritésdogmatiques198;par lectures (cf. c. Lectures spirituelles 196-212) ; par négation 930-931.Connaissancemystiqueou lumièrecontemplative433 ; fruitde l’amouroucontemplation par connaturalité 410, 685, 687-688, 725-726, 973-976(cf.Connaturalité,Contemplation) ;connaissanceamoureuse405,503 ;parfaveurs extraordinaires 706, 729 ; fruit de l’union 995-996 ; engendrée parl’amour 410 ; connaissance expérimentale de l’absolu 601 ; perception del’espritpurifié932.Connaissance par fiançailles 938 et s., par touches substantielles 725, 949,964,992.Connaissance par union transformante, clarté d’aurore, vision intellectuelle973-975,1021-1022.Connaissanceparvisionfaceàface929,997.

CONNATURALITÉConnaturalité avecDieu assurée par la grâce 410, 513 ; connaturalité entreChristJésusetnous879.Connaturalité engendre connaissance 685, 687 ; connaissance deconnaturalité produite par contemplation 909, 929, 931-932 ; actualisée partouchessubstantielles725-726.Connaturalitéparfaitedansmariagespirituel902, 993 ; vision intellectuelle de la Trinité sainte fruit de la connaturalitéétablie par l’union 972-977 ; lumière jaillie de connaturalité parfaite 974.Connaissance de connaturalité a besoin de formule dogmatique pours’expliciter,maisl’éclaire976;connaissancedeconnaturalitésubsisteaucieldansunplaninférieuràlavision997,998.

CONTEMPLATIONVue globale, pénétrante, amoureuse (Richard de St-Victor) ; regard simple


Présence eucharistique et présence de la Trinité sainte dans l’âme 30note.Influence apaisante de l’Eucharistie (Jésus sacramenté), dans sécheressecontemplative594;Eucharistieetgourmandisespirituelle534.Efficacitéunissante,faitlessaintsetconstruitl’Église76-77,624-625,660,1018;parlafoinousunitauChrist477,632,863;communiquelaviedivine658;faitentrerdansleChrist660;nousassurelebénéficedesasouffrancerédemptrice659,886.

EXERCICEOraison exercicede lavie spirituelle : pas exercice d’école 56, 192,maiss’apprend par exercices persévérants 168 ; oraison thérésienne est exerciceréel de la vie surnaturelle et déjà de la vie céleste 192-193 ; oraison derecueillementn’estpasexercicetransitoiremaisviseàl’unionconstante55,186.Exercice de l’aspiration 583. Exercice de présence de Dieu (cf. Présence).Prièrevocale,exerciced’humilitépourlecontemplatif171.Exercicehumbleetquotidiendel’obéissancepurifieetassouplitlesfacultés636.ExercicedesdonsduSaint-EspritdépenddelalibreinterventiondeDieu421.Exercicedesvertus:nécessaireaudébut306.Exercicedelafoi:deuxmodes,rationneletimparfait;purementsurnaturelet parfait 286-287, 466 et s. Exercice de la foi par regard pénétrant sur laRéalité perçue ou soupçonnée 585-586. Exercice de la foi convient auxtempéramentsintellectuelsdanslessécheressescontemplatives585.Exercice de l’espérance, actif et passif 825 (cf. Espérance), action del’Espritappellecoopérationactivedansexercicedelavertud’espéranceauxsixièmes Demeures 826-827 (cf. Nuit de l’esprit, Pauvreté, Enfancespirituelle).Exercicedel’amour:ilestimportantdes’exerceràl’amour(saintJeandela Croix) 649-651, 927. Exercice de l’amour par des actes 650 ; ascèse depetitessedesainteThérèsedel’Enfant-Jésus847-851.Les interventions miséricordieuses de Dieu perfectionnent l’exercice desvertus 468 ; mode parfait d’exercice des vertus ou retournementpsychologique917.Exercicedelaverturestepossibledanscertainstroublespsychiques810,811.

EXPÉRIENCEExpérience mystique : perception par la conscience psychologique de

l’actiondeDieuparlesdonsduSaint-Esprit314;expériencemystiqueetviemystique 314, 315 ; expérience mystique et vision face à face 997-998 ;expérience mystique différente chez les saints et les âmes, due auxtempéraments 506, 516-519 ; sainte Thérèse 502, Dieu-Amour 512 ; saintJeandelaCroix503,Dieu-Lumière509-512.ExpériencedesdonsduSaint-Esprit313ets.Expérience négative : la plus constante, la plus authentique 316 et note ;expérience de Dieu-Lumière par don de science 346-349 (cf. Humilitéfervente), par le don d’intelligence 922-924, 929-932 (cf. Nuit de l’esprit,Effets);expériencedudonlui-mêmeparlevide315,316,959,960.Expérience positive par le don de sagesse (cf. Dons du Saint-Esprit,Expérience) ;expériencedeDieu-Amour512-513, jailliede laconnaturalité977,992-993.AuxquatrièmesDemeures : recueillement passif 498, quiétude500 ; actionde Dieu dans les facultés 508 ; expérience de la source profonde restéelointaine508 ;sécheressecontemplative, troisièmesignedesaintJeande laCroix542,543(cf.Nuitpassivedusens).Aux cinquièmes Demeures : expérience du contact avec Dieu 672, 679 ;certitudeetobscurité642-643.AuxsixièmesDemeures:expériencedouloureusedespurifications756-820;grâces extraordinaires : ravissements 943-944 ; visions 712-724 ; touchessubstantielles964;fiançaillesspirituelles940ets.,paisibledansobscuritédelafoi929-932.Aux septièmes Demeures, expérience trinitaire : vision intellectuelle 972-978;paix978-981;lamainduPère985;Verbeendormi987;EspritSaint,flamme,brasier984-985,aspirationdel’EspritSaint988.Expériencedudoublemouvementdel’amour1033-1039.ExpériencedelaMiséricorde833ets.Expériencedelapauvretéspirituelle843;sainteThérèsedel’Enfant-JésusetsaintJeandelaCroix811,833-834,843.

F

FACULTÉSLeurplacedansl’âme42;distinctiondesfacultésetpuissances42,216,536;péché originel a détruit harmonie 48, 219 ; facultés subissent influence dudémon 96, 106, 162 ; vertus infuses greffées sur facultés 286, 306 ;interventiondeDieuparlesdonsduSaint-Esprit306-307.Facultésetoraison

TroispremièresDemeures:facultésenactivitédansoraison168;faiblesseetdifficultésdesfacultés50,144,145;facultésnourriesparlecturesspirituellesetétudedelavérité198-199,478;soutenuesparprièrevocale172etlectureméditée 177 ; passent à la méditation 178 ; danger d’excès d’activitéintellectuelle 181 et note ; exercice du recueillement 183, 187-195 ;distractions et sécheresses 214-218. Ascèse de détachement 160-164, 383.Apaisementdansoraisonssimplifiées269-272.QuatrièmesDemeures:apaisementetagitationdansquiétude499,500,574-578.Ascèsedesolitudeetdesilence384-388.Impuissancedanssécheressescontemplatives 503-504, 510-511, 546-548 ; souffrances dans nuit du sens536,544-547,571,592;apaisementetadaptationàl’esprit549-550,552-553;devoirsdel’âmedanslanuit566,573,579-598;facultésetfoivive582-583;actesanagogiques584-585.CinquièmesDemeures (cf.Grâcemystique642) ; dépaysementdupapillon646,653,654.Sixièmeset septièmesDemeures : facultésetnuitde l’esprit (cf. c.Nuitdel’esprit756-820);retournementpsychologique913-917;paixetagitationdesfacultés978-982.Suspensiondesfacultésdansunionmystique941-943,963et faveurs extraordinaires (cf. Fiançailles) ; renardeaux 958-959 ; jamaisapaiséescomplètement36,386,980-981.

FAIBLESSEConséquencedupéché307,attachéeàlaconditionhumaine87,92,227.Faiblesse sous l’action de Dieu 693, 763, 788, 960, 963 ; due autempérament599,615-617 ;peut êtrepathologique101,219-220,801,803-804 (cf. Pathologique) ; faiblesse physique 775-778 ; le dirigé doit faireconnaître ses faiblesses 263 ; faiblesses sous l’action deDieu disparaissantauxsommets979-980.Faiblesse de l’âme, cause d’épreuves 163, 221, 225 ; expérimentéedouloureusement 473, 785, 826 ; n’étonne pas Dieu 546, 554 ; attire lamiséricorde343-344;n’empêchepaslasainteté781-785,782note,801,808etnote,811-815.Faiblessedel’enfant :confiante597;acceptée343,842;audacieuse841;éveille l’esprit filial 843-847 ; s’appuie surDieu seul 848-852 (cf. Enfancespirituelle);dondedélicatesseetdusourire857.Dieu s’est adapté à notre faiblesse : en s’incarnant 192, 238 ; en nousménageant les secours des communications et faveurs 763, 1025, 1065(cf.Faveurs) ; l’EspritSaintvientenaideànotrefaiblesse423,826,1028 ;


pourtouslestemps88.Théologiemystique(cf.Théologie).La Mystique : mystique sans dogme 434, 437 ; mystique catholique etmystiquesnaturelles435-438,438note,588note,1029.CorpsMystique(cf.Christtotal).

N

NATURENature divine : une seule nature enDieu et trois Personnes : Trinité 461.Activitéappartientànaturedivine1008.MouvementessentieldelanaturedeDieu:sedonner422.Nature humaine blessée par le péché, privée de dons préternaturels etsurnaturels 48, 219 ; tendances de nature ou premiers mouvements nonvolontaires 529. Prise par le Verbe 238 (cf. Incarnation). Grâce de mêmenaturequeDieu28,29,31,grefféesurnotrenature33,137,adaptéeànotrenature234,nedétruitpaslanature981,1023.

NUITPrivation, nudité 520, 521 ; seul chemin pour l’union 520-522 ; exigée partendances523ets.,inaptitudedel’âme758-760,vicescapitaux530-535.Nuitactive:activitédel’âme,mortification521,522;coopérationàl’actiondeDieu553.Nuit passive, influence de Dieu sur l’âme 537, 542, 544, 902, qui trouvetendances548,760,vices552;jeudecontrasteetd’opposition758.Diversessuivantlocalisationeteffets:dusensetdel’esprit535,536.Nuitdusens554-557;n’estqu’unprélude759;atteintfacultéssensiblesetfacultésintellectuellesenborduredessens535,536;débuteparnuitactive,sepoursuitparnuitpassive,etparpassiveetactiveconjointes539.Active ; conduite de l’âme : ascèse absolue, adaptée, progressive 80-93(cf.Ascèse thérésienne)à labasededépartascèsededégagement156-159,énergie 160-163, discrétion 164, grands désirs 165-167 ; aux troisièmesDemeures,dangerdemanquer l’ascèse275-277 ;ascèseetconnaissancedesoi49-51.Passive540;signes:lesmêmesqueceuxdecontemplation413-418;effetsdouloureux 546, 547, impuissance, angoisse, mélancolie ; tendancespathologiques 548, nuit violente pour les vaillants 548-549 ; effetsbienfaisants, apaisement 549-550 ; saveur subtile 550, 582 ; adaptation dusens à l’esprit 550, 581, 582 ; lumière sur l’âme et sur Dieu crée attitude

respectueusedel’âme551;amourprendenpartiepossessiondel’âme553;ceseffetssontlimités758-759;tendancesémondées760,905.PassiveetactiveconjointesPendant l’oraison 554 et s. : région sans sentiers 557 ; difficultés :intermittence et forme imparfaitede la contemplation556-560 ; abandonetactivité : respect de l’action de Dieu dans la paix et l’abandon, oraisond’activité paisible, préparer l’oraison 566 et s. ; persévérer dans l’oraisonactive 568, soutenir attention générale à Dieu (cf. Recueillement passif etquiétude 572-578) ; exercice de l’aspiration 583 ; actes de foi anagogiques584;influencesapaisantes592;humblepatience592ets.Endehorsdel’oraison:ascèseabsolue599-603(cf.Ascèse);prudence611ets. ;obéissancecollaborationàlaSagesse628(cf.Obéissance);pratiquerhumilité,dondesoi,silence(cf.Humilité,Don,Silence).Nuitde l’esprit756-820.Passive : irruptiondeDieudans lesprofondeursdel’âme756-760;rencontrededeuxcontraires765,900;drame673ets.;souffrances intérieures 764-771 ; souffrances extérieures 771 et s. ;ébranlements ordinaires 772-780 ; agents extérieurs : entourage et démon780-785, phénomènes physiques et psychiques extraordinaires 787-815(cf.Pathologique).Active, conduite de l’âme 821-859 (cf. Espérance, Pauvreté, Enfancespirituelle).Secours etmodèles : recours au Christ Jésus ; dévotion à laViergeMarie(cf.ViergeMarie).EffetsdelaNuitdel’espritPurificationmorale 902-913, purification de l’esprit seule efficace 904 ; seporte aux sources du péché 905, 906 ; expérimentation de la pauvreté del’âme909;tendancesetleursracinesmisesànu910;dominationparfaitedelavolonté911;aptitudeàrecevoircharitéparfaite913.Retournementpsycholo¬gique:parfaitelibérationdelavolontéàl’égarddestendances913;assureauxvertusthéologalesleurexerciceparfait916-920.Triomphe de la Sagesse d’amour 921 et s. ; amour 924, lumière 929 ;symbolismede l’escalier secret 935 ; préparation aux fiançailles spirituelles935-936etàl’uniontransformante999,1000.Rythme et durée des nuits : nuit active du sens prépare et mérite nuitpassive538,545,546 ;duréevariable :âmesfaibles, intermittente, longue ;âmes vaillantes, dure et courte 545, 546. Nuit passive du sens commenceavec lacontemplation544etcommandenuitactivedanscettepériode539-540.Tempslongentrenuitdusensetnuitdel’esprit638,639etnote;petit

nombredesâmesquientrentdansnuitdel’esprit431,432,554,555;débutdenuitdel’esprit671,duréejusqu’auxfiançaillesspirituelles961,962.

O

OBÉISSANCESoumissiondelavolontédel’hommeàlavolontédeDieumanifestéeparloiou supérieur 624 ; première vertumorale, presque théologale 622 ; établitordreextérieuretintérieur622;unitàDieu,preuved’amour623;communieàlaSagessequicommuniquelumière,force,puissanceefficace625-627;lemeilleurdessacrifices623;coopérationhumaineauxœuvresdeDieu628.Qualités:Ordonnée:retrouvel’ordredivinenobéissantàl’autoritélégitime628-629;surnaturelle:découvreDieudanslesloisetsupérieurs,faitmonterjusqu’à lui sa soumission 631-632 ; complète : obéissance complète de lavolonté,del’intelligence(jugementspéculatifetjugementpratique)633-634.Problème particulier de l’obéissance : opposition entre attraits, lumièresintérieures et ordres des supérieurs 381, 611. Obéissance complèted’Abraham635;desainteThérèse635;conduitàl’uniondevolonté636.ObéissanceduChristJésus627.ObéissancedelaSainteVierge334-335,635-636.

OPÉRATIONOpérationsuitl’être1064;Dieuréalisesesopérationsdivinesdanslesilence363ets. ;opérationdesanctificationcommuneauxtroisPersonnesdivines193,985-986.Incarnationparl’opérationduSaint-Esprit1017,1030,1065.DonsduSaint-Esprit,pointsd’appuipermanentspourlesopérationsdeDieudansl’âme304,306;Saint-Espritassureperfectiondesopérationsdesvertus307.LeVerbeincarnéveutnousemporterdansl’unitédelaTrinitésaintepourypartagersesopérations77,1031.Opérationsdel’âmeàl’uniontransformante,toutesdivines1064.EnfantdeDieuaperdusesopérationsnaturelles843.Touchesdivinessuspendent lesopérations naturelles 830 :mémoire et puissances perdent leurs opérationsnaturelles914,1014.Plusonestfaible,plusonestpropreauxopérationsdel’amour838(sainteThérèsedel’Enfant-Jésus);âmeslivréesentièrementauxopérationsdel’amoursontrares670.

ORAISONCommerce intimed’amitié avecDieudont on se sait aimé57, 60-62, 102 ;


762,815ets.,répandl’amour677,924-925;creuselescapacitésprofondessemblables à des cavernes 959, triomphe dans l’âme après retournementpsychologique921.LesaintestmûparSagessedivinequiassureperfectionde ses actes 290. Sagesse fait expérimenter Dieu Amour 35-36 ; livre àl’Église130,301,1076.Réponsedel’âme:doitsedisposeràsesemprises337,345,555,559,598;se soumettre 603-610, 620 ; obéissance, communion à la Sagesse 624-625,627(cf.Obéissance).Dondesagesse309-310,512-513,doncontemplatif(cf.Don).Sagessesecrèteoucontemplation410.

SAINTETÉPerfection de la charité 925, 1028 et s. ; réalisation de la capacité d’uniondonnéeparDieuàl’âme24,38,424,1000;uniontransformante34,998ets.(cf. Union transformante) ; mariage spirituel : union par ressemblanced’amour, identification auChrist Jésus 411, 879-880, 1016-1024 ; présencedominatrice de l’Esprit Saint 1013-1016 ; parfaits enfants deDieumus parl’EspritdeDieu34,290,843,879,1014-l016,1028;rendesclavedeDieu35,83,1030,1064ets.Actionetcontemplations’unissentdanslesaint1071;apostolatparfait1063ets.(cf.Sanctification,Perfection).Appeluniverselàlasainteté209ets.,419ets.SchémadelaMontéeduCarmel83,84,601.Une seule sainteté, voies différentes 424-425. Exemple des trois saints duCarmel690-704.Itinéraireetétapes(cf.Croissancespirituelle).Sagesse ouvrière de sainteté 301, 672 et s. ; réalisation de sainteté exigeréponseadaptéedel’âme(cf.Sagesse:réponsedel’âme);fidélitéd’amourréalisesainteté1047ets.Foliedelacroixetsainteté82-86,280-283,288-289.Pauvretéet espérance fondementde la sainteté (sainteThérèsede l’Enfant-Jésus)838-839;saintetéetenfancespirituelle843ets.Effets et signes : sur la volonté et l’intelligence 35-36, sur les facultéssensibles36(cf.Uniontransformante,effets).Sainteté indépendante de faveurs extraordinaires 727, 735, 991 ; dephénomènesextérieurs802-803;decharismes1042.Saintetéetmanifestationsdudémon100.

SaintetéduChristJésus75,202(cf.ChristJésus).Saintetédel’Église(cf.Église).Saintetédansl’Église(cf.Christtotal).SaintetéetintimitéavecMarie897-899.Saintetédudirecteur255.

SANCTIFICATION(cf.Sainteté)VolontédeDieu32-33,137-138,422,424,676 ;œuvredes troisPersonnes297-298, 985-986, attribuée à l’Esprit Saint 30 note, 376, 1008, 1018(cf.EspritSaint);sanctificationparmédiationduVerbeincarné75ets.,861ets.,886(cf.ChristJésus);estordonnéeàl’Église1024ets.Dieu artisan utilise tous moyens 222, 422, 604, 606, 607 ; demandecollaborationdel’âme,130ets.(cf.Activité,Ascèse);troismoyens624ets.(cf.Eucharistie,Contemplation,Obéissance) ;voiesparticulières209et s. ;sanctificationpeutdépendredudirecteur252.Charisme et sanctification (cf. Charisme) ; faveurs extraordinaires etsanctification693,705,728(cf.Faveursextraordinaires).Profession(cf.Croissancespirituelle).Étapes(cf.Demeures,Perfection).

SENSRégion la plus extérieure de l’âme, faubourgs 42, 385, 581-582, 680 ;distinctionentresensetesprit214ets.,543,581-582,680;démonpeutagirsur le sens96,110,221,387,388,744 (cf.Démon) ; les sens« fenêtresdel’âme » 521, 544 ; fournissent aliment à la foi 197, 367, 460-461, 463, àl’oraison59,457-458.Lesensetlesvertussurnaturellesinfuses286,306,457,916-918(cf.Foi).Amoursensible237-241,244,262-263(cf.Amitiésspirituelles).Sensetoraison:Troublesdanslesens,venusdudémon221,222;danslesfaveurs extraordinaires 744 ; agitation et frénésie causées par l’emprise deDieu385,589,772ets.Recueillement actif, difficultés 63, 188, 218, 223 (cf. Distractions etsécheressescontemplatives214ets.).Recueillementpassif,sensetquiétude496-502;sécheressescontemplatives503-505,582,587ets.Sensetcontemplation:actiondeDieudébordedanslessens444-445,501,danger de suivre saveurs 586, 686 ; exaltation, illuminisme, angoisses 89,442,445 ; faux ravissements (cf.Ravissements) ;passagedusensà l’esprit

546,550,581,612.Sensetcommunicationsdivines:perceptionssensibles713ets.,734,738-744;paroles708ets.,737,749;visions712ets.,730.Suspensiondessens:grâce mystique d’union 642, 772, 943 ; ravissements (cf. Ravissements),extase960.Purificationdusens:Active:pratiquedusilence382-383,560-562;actesanagogiquesdégagentdessens584-588;Passive539ets. ;signes414-416,541,542;effets549ets.(cf.Nuitdusens)s’achèvedansnuitdel’esprit903,904.Souffrancedessensdansnuitdel’esprit771-778,786-799.Retournementpsychologiquedégagedel’influencedusens913-917.Cavernedessens;angoisseetfaimavantmariagespirituel959.Agitationetpaixauseindel’union979-981,1015-1016.

SILENCEAccompagne opérations divines 363, 696, 1035 ; fruit et exigence de lasainteté 372 ; disposition fondamentale exigée par l’action de Dieu dansl’âme257,321,362,364,559,560,580,582,586;silenceetDieusemblents’identifierpourlespirituel365.Nécessité362-368;pourentendrelaparoledeDieu363-364,390;exempleduChristJésus363;indispensableàcontemplation379-382,391,580,1055;réalisationsdesdébutants:oraisonssimplifiées270-271,408,561;danslesnuitspurificatrices560,561,582ets.,604,823,824,832,870;sacrificedusilenceparfoisexigé378,381.Silenceextérieur : de la langue 369-373 ; de l’activité 373-382, danger del’activisme374 ;valeuretnécessitéde l’action374-378, solutionspratiques379-382.Silencedelapartiesensitivedûàcommunicationsspirituelles498,502note.Silencedudésert390,594.Silence intérieur : le plus important 382, silence des puissances de l’âme183, 382 et s., 570-576 ; silence des profondeurs de l’esprit 582, 588, 589,593,595,696;pratiquedanslapremièrephasedelaviespirituelle383,dansladeuxièmephase384-389,831.Silenceetsolitude389ets.;silenceamplifiebruitetaffinepuissancesquilereçoivent392;obligeàentrerdanslemondeintérieur390;gardeintactesetpureslesénergiesdel’âme371-372.Ascèse du silence dans les règlesmonastiques 372, 399 ; règle de saintAlbert368,371;règledesainteThérèse54,91-92note,367-368.


c.6 104316,21 526

PREMIERLIVREDESAMUEL8,7-9 39510,9 104415,20-30 104615,22 325;62316,1 104616,13 104418,12 1045

SECONDLIVREDESAMUEL7,14 88412,14 1046

PREMIERLIVREDESROIS8,12 93011,4 528c.17 39517,1 54;116;396;48719,4 44519,10 116;117;48719,11-13 36619,14 124;396

TOBIE12,13 701

ESTHER2,12-14 964

JOBc.1et2 7011,21 6092,4-6 99;745;7624,12-16 9497,20 76513,15 84916,13-17 76823,6 76538,1 93040,1 93042,10 70142,12 701

PSAUMES2,7 88416,4 919

17,5-7 76617,10-12 93017,13 470;76518,8 34521,2 105322,1 67122,2 67122,3 671;67224,15 826;92030,21 93230,25 62639,13 52741,3 55343,22 107049,9 105149,14 105150 35957,9 52762,3 55172,21 55372,22 55376,19 75777,31 52587,9 76696,2 469;76496,7 884101,28 364102,14 597109,4 75111,1 273117,12 526118,86 626118,105 626118,130 626120,4 587;674122,2 826138,11 472

PROVERBES8,2-4 4248,22-26 2948,27-31 2948,31 6089,1-2 10769,1-5 3029,4 83921,28 62624,16 529;90631,30 524

QOHÉLET(ECCLÉSIASTE)8,4 711

CANTIQUEDESCANTIQUES3,10 9204,9 8278,5 1076

SAGESSE6,7 8416,13-15 2967,21 294;3757,22-26 2957,24 3087,25 392;6287,27 293 ; 294 ; 298 ; 309 ;

3927,28-30 2958,1 294;375;6278,2 2959,10 2959,15 7779,17 2959,18 29510,17 296c.10à19 296

SIRACIDE(ECCLÉSIASTIQUE)1,5 62313,1 52848,1 395;397

ISAÏE7,14 89111,2-3 304;30928,9 55128,19 55129,13 17630,15 37131,9 100732,17 37253,1-5 87453,2-3 87555,11 62755,8 55657,20 52658,3 62358,10 55159,19 287;319


39,2 52

39,5 40

RÉFÉRENCESAUXAUTRESCITATIONSDUCHEMIND’APRÈSLEMANUSCRITDEL’ESCURIAL:

traductionP.Grégoire,éd.VieSpirituelle,1928

traductionCarmélitesdeParis,Beauchesne,1924

traductionJ.Poitrey,Lechemindeperfection,Paris,Cerf,1981

éd.duCerf,1995

t

c.5 7,2 4,13,noted 239;263

c.5 7,4 4,16,notee 239

c.7 11,4 7,4,notea 244

c.15 c.17 24,3-4 ajout 3-4 à la fin du c.15

158

c.25 25,2 495

c.31 50,1 184

LIVREDELAVIE1,4 25

1,5 25

2,1 196;228

2,2 229

2,3 229

2,4 229

2,6 229

2,8 230

2,9 229

3,1 230

3,2 230

3,7 196

4,1 230

4,7 196;663;776

4,8 177

4,9 178;196

5 776

5,3 231;259

5,4 231

5,6 231

5,7 778

5,8 196;778

6,6 175

6,7 175

7 514

7,1 224

7,6 231;708;735

7,20 227;235

7,21 235

7,22 235

8 514;613

8,3 224

8,5 53;57

8,6 225

8,7 217

8,8 56

9 514

9,5 213

9,6 68

9,8 212

11,1 323;329;431;603

11,2 323

11,3 82;323;329

11,4 82

11,5 161

11,7 63;673

11,8 63

11,9 63

11,10 217;225

11,11 81;162;217;222;226

11,13 59

11,15 82;163;220;223;430

11,16 103;224

12 66;861

12,1 142

12,2 142;159

12,3 67;861

12,5 563;565

12,7 563

13,1 165

13,2 165;166

13,3 167;256

13,8 372;613;1060

13,9 372;613;1060

13,10 372

13,11 179;180

13,12 66;67;861

13,14 51;247;259;261

13,15 39;41;51;135;934

13,16 252;261;262

13,17 247;259

13,18 260

13,19 247;252;260

13,21 185;189;247

14 496

14,1 64

14,2 64;500;575

14,3 215;501;575

14,5 494

14,6 404;493

14,7 246;248;261

14,9 596

15 496

15,1 500;572;574

15,2 47;430;431;554;574

15,4 493;502;574

15,5 502

15,6 501;575;576

15,7 576;577

15,8 336;345

15,9 501;577

15,12 127;134;136;569;934;935

15,14 51;347

16,1 64;502

16,3 502

17,2 614;655

17,3 502

c.18à32 691

18,2 44

18,3 404


IndexdescitationsdesaintJeandelaCroixSaufindication,lesœuvresdesaintJeandelaCroixsontcitées

selonlatraductionduP.Grégoire,Seuil,1947.MONTÉEDUCARMEL

Les pages marquées d’un * indiquent une citation provenant desŒuvresspirituellesdubienheureuxPèreJeandelaCroix,trad.duP.CypriendelaNativité,édit.duP.Lucien,Bruges,DDB,1942.PrologueRéférencesdel’éditionduSeuil,1947

RéférencesdesŒuvresComplètes,Paris,Cerf,1990

t

Prol. Prol.,1 523

Prol.,3 248;432*;555

Prol.,9 538

str.1 str.1 539

str.2 str.2 474

str.3-4 str.3-4 559

str.5 str.5 520

Livre1Références del’éditionduSeuil,1947

Référencesdel’éditionduCerf,1990

t

1,1 1,1,1 521

1,1,2 536

1,1,3 539

1,2 1,2,1 520;522

1,2,5 522

1,2,4 927

1,3 1,3,1 521

1,3,3 521;913

1,3,4 521

1,4-12 1,4à12 522

1,4 1,4,2 523

1,4,3 523

1,4,4 523;524

1,5 1,5,2 524;903

1,5,3 525;903

1,5,4 525

1,5,6 903

1,5,8 903

1,6 1,6,1 906

1,6,2 525;602

1,6,5 49

1,6,6 526

1,7 1,7,1-4 527

1,8 1,8,1-3 528

1,8,6 528

1,9 1,9,1 528

1,9,3 528

1,10 1,10,1-3 529

1,11 1,11,2 529;530;808;906;907

1,11,3 529;906;907;912

1,11,4 49;530;605;906;907

1,11,5 530;906;907

1,11,6 901;908

1,12 1,12,1-4 529

1,12,6 529

1,13 1,13,1 537

1,13,6 83

1,13,6-11 828

1,13,11 83;601

Livre2Référencesdel’éditionduSeuil,1947

Référencesdel’éditionduCerf,1990

t

2,1 2,2,1 472

2,2,2 472

2,2 2,3,1 468;469

2,3,3 469

2,3,4 472

2,3,6 472

2,3 2,4,8 999

2,4 2,5,2 1005

2,5,3 927;999

2,5,4 999

2,5,5 917

2,5,6 1002

2,5,8 999;1000

2,5,9 1000

2,5,10 1000

2,5,11 1000

2,6 2,7,3 432*

2,7,9 872

2,7,11 755;872

2,7 2,8,4 931;510

2,8,5 510

2,8,6 510

2,8 2,9,1 455;456;465*;582

2,9,2 930

2,9,3 930;931

2,9,4 466*

2,10 2,11,1 707

2,11,7 751

2,11,8 746;752

2,11,13 752

2,11 2,12,6 562

2,12,7 561;562

2,13,1 568

2,13,1-8 413

2,13,2 414*;510

2,13,3 414*;510

2,13,4 415*;514

2,13,6 415*

2,13,7 417*

2,12 2,14,1 507*

2,14,2 504*;507*

2,14,3 507*;562

2,14,6 569

2,14,8 417*;512;570

2,14,9 512

2,14,10 504*;511

2,14,11 504*


ManuscritB1r° 699

1v° 1051

2r°etv° 610

2v°-3r° 375

3r° 853;1039

3v° 841;1070

4r° 1077

4r°etv° 854

4v° 857

4v°-5r° 167;597;845

5r° 348;842;847

5v° 36;873;1031

ManuscritC2v°-3r° 840

3r° 74;873

4r° 348;842

5v° 475

5v°ets. 844

6r°-7r° 476;857

12v° 857

14r°etv° 113

17r° 855

18r° 855

19v° 851

21v°-22r° 855

22r°etv° 844

25r°etv° 62

25v° 172;592

27v°-28r° 814

29r°etv° 855

30r°etv° 595

35r° 676;1070

36r°etv° 702

LETTRESLettresàPauline,MèreAgnèsdeJésus6janvier1889-LT74 6988janvier1889-LT78 698

30-31août1890-LT110 585;699;875;8821erseptembre1890-LT112 69928mai1897-LT230 3441erjuin1897-LT233 846

LettresàMarie,sœurMarieduSacré-Cœurmai1888-LT49 8586ou7janvier1889-LT75 69817septembre1896-LT197 343;349;838;994

LettresàCéline,sœurGenevièvedelaSainte-Face28février1889-LT82 8584avril1889-LT87 87426avril1889-LT89 84618juillet1890-LT108 206;874;87615août1892-LT135 6996juillet1893-LT142 35;84926avril1894-LT161 34324décembre1896-LT211 3437juin1897-LT243 360

LettreàsœurMarthedeJésus10janvier1889-LT80 874

LettreàsœurMarie-Aloysia3avril1894-LT160 688

LettreauPèreRoulland30juillet1896-LT193 206

Lettreàl’abbéBellière25avril1897-LT224 852

Lettresdiverseslettresdedébutseptembre1890 699

POÉSIESPN20,«MonCielici-bas»(CantiqueàlaSainteFace) 874PN20,str.3 881PN20,str.5 876PN54,«Pourquoijet’aime,ôMarie»,str.16 585PN54,str.25 890

PRIÈRESPRI12,«ConsécrationàlaSainteFace» 875

PRI20,«Prièrepourobtenirl’humilité» 359

DERNIERSENTRETIENS‒CARNETJAUNE

CJ9.5.3 858

CJ15.5.2 858

CJ15.5.7 688;844

CJ27.5.4 35

CJ4.6.1 894;990

CJ11.6.1 858

CJ23.6 850

CJ4.7.2 990

CJ5.7.1 348;842

CJ7.7.2 701;845;846

CJ7.7.3 849

CJ8.7.11 895

CJ10.7.1 841

CJ11.7.2 845;846;994

CJ14.7.4 990

CJ17.7 1076

CJ24.7.2 856

CJ29.7.3 842

CJ3.8.2,notea 843

CJ3.8.6 855

CJ5.8.1 855

CJ5.8.9 875

CJ6.8.8 841;842

CJ7.8.4 357

CJ8.8.3 851

CJ9.8.1 850

CJ9.8.4 850

CJ10.8.4 1039

CJ13.8 842

CJ15.8.4 894

CJ18.8.4 308;848;849

CJ21.8.3* 894

CJ 23.8.4 et notep.537

856

CJ28.8.3 85

CJ31.8.9 847

CJ2.9.3 851

CJ4.9.1 841

CJ11.9.7 846


CAJETAN,Thomas,cardinal,théologien,op,884-885.CANDACE,reined’Éthiopie,207,1008.CARMÉLITESDEPARIS(traductiondes),18,20,118,158,175,240.CASSIEN,Jean,moine,250,622.CATEZ,Marie,Mèred’ElisabethdelaTrinité,205.CATHERINEDESIENNE,op,sainte,45,347-348,801.CELANO,Thomasde,ofm,793.CÉLINE,cf.GENEVIÈVEDELASAINTE-FACE.CEPEDA,Antoinede,frèredesainteThérèsed’Avila,230.-Mariede,sœur,229,231.-Pierrede,oncle,196.-Rodriguede,frère,25.-Thérèsede,nièce,373.CERDA,AnadeMendozaydela,duchesse,233.CID,le,350.CLAIRE,sainte,250.COMBES,André,abbé,839.CRAMPON,Augustin,chanoine,traducteur,671.CURIAL,Jean-Alphonse,Père-maître(Salamanque),446.CYPRIENDELANATIVITÉDELAVIERGE, Père, ocd (traducteur), 86,94,410,412,414,415,417,431,432,439,440,444,465,466,504,507,953.DALBIEZ,Roland,professeur,745,784,787.DANIEL,711.DANIELDELAVIERGE,carme,897.DAVID,174,334,338,440,469,470,525-527,553,733,764-766,826,919,920,1026,1044-1046,1048.DAZA,Gaspar,maître,prêtred’Avila,92,232,256,781.DEBONGNIE,Pierre,Père,cssr,docteurèsscienceshistoriques,789.DEGREEFF,Étienne,professeur,787,803,805,806,808,812.DENYS L’ARÉOPAGITE (Pseudo-Denys), théologien, 510, 696, 764, 930,949.DEUTSCH,Joseph,docteur,795.DÍAZSANCHEZDEAVILA,ThomasdeJésus,Père,ocd,399-402.DOMINIQUE,saint,1062,1075.DORIA,NicolasdeJésus-Marie,Père,ocd,400.

DOUNIOLetCie,éditeur,240.DUPONT,Léon(Tours),881.ÉLIE,54,71,86,116-118,121,124,126,210,337,366,367,391,395-398,400,445,487,725,809.ÉLIPHAZDETHEMAN,949,950.ÉLISABETHDELATRINITÉ,sœur,ocd,206,271,452-454.ÉLISÉE,396.ÉLISÉEDELANATIVITÉ,Père,ocd,74,427,436.ÉLISÉEDESMARTYRS,Père,ocd,113.ÉMERY,Jacques-André,pss,41.ÉPHREM,saint,885.ÉPIPHANE,saint,298,657,885.ÉSAÜ,709.ESPINEL,Gabriel(enfaitFrançois),Père,ocd,89,355.ESTRATE,Pierre,Père,scj,344.ÈVE,48,75,102,106,227,884,890.EZÉCHIEL,741,767.FAHSEL,Helmut,écrivain,790,797.FOREST,Aimé,philosophe,995.FOUCAULD,Charlesde,282,361.FRANÇOISD’ASSISE, saint, 250, 282, 786, 789, 793, 794, 796, 799, 802,947,1062,1075.FRANÇOISDEBORGIA,sj,saint,232,247,258,261.FRANÇOISDESALES,saint,87-90,248,250,252,263,299,371,794,796,798,799.GABRIEL,l’archange,324,334,335,636,1007,1017.GABRIELDESAINTE-MARIE-MADELEINE,Père,ocd,24,897,950.GALGANI,Gemma,sainte,789,801.GARCIADETOLEDO,Père,op,125,233,446.GARDEIL,Ambroise,Père,op,29,304,409,410,428,787,811.GARRIGOU-LAGRANGE,Réginald,Père,op,181,287,463,817.GAY,Charles,Mgr,théologien,305,465.GÉDÉON,250,255,466,931,1043,1044.GENEVIÈVEDELASAINTE-FACE,sœur,ocd(CélineMartin),35,87,93,206,208,311,343,360,436,699,846,848,849,858,874,876,894,997.

GENEVIÈVEDESAINTE-THÉRÈSE,Mère,ocd,308.GERTRUDE,sainte,443.GISCARD,Pierre,docteur,787.GÖRRES,Josephvon,écrivain,797,798.GRATIEN,JérômedelaMèredeDieu,Père,ocd,15-17,65,123,233,243,261,446.GRÉGOIRE,saint,196,622.GRÉGOIREDESAINT-JOSEPH,Père,ocd(traducteur),15,16,18,22,65,111,184,234,239,243,244,263,446,451,495,953.GRIGNIONDEMONTFORT,Louis¬Marie,saint,896-898.GUIBERT,Josephde,Père,sj,745,787,808,813-815.HABACUC,560,586.HARENT,Stéphane,sj,466.HELLO,Ernest,écrivain(traducteur),46,342,343,358,470,474.HERNANDEZ,Pierre,Père,op,visiteur,15,635.HONORIUSIII,372.HOORNAERT,Hector,chanoine,traducteur,113,391,449.HUGO,Victor,écrivain,857.HUGON,Édouard,Père,op,888.HUGUENY,Père,op,traducteur,115.HUVELIN,Henri,abbé,361.IBAÑEZ,Pierre,Père,op,247,261,446.IBN’ARABI,mystiquemusulman,427,436.IGNACEDELOYOLA,saint,60,390,1062.IMBERT-GOURBEYRE,Antoine,professeur,789.INÈSDEJÉSUS,Mère,ocd,16.ISAAC,635.ISABELLEDEJÉSUS,sœur,ocd,373,960.ISABELLEDESAINT-DOMINIQUE,sœur,ocd,16.ISAÏE,206,207,287,304,309,371,395,526,622,874,875,881,891,1007,1052.JACOB,297,334,339,340,709,1044.JACQUES,saint,évêquedeJérusalem,369,375.JACQUES,saint,frèredeJean,235,730.JANET,Pierre,professeur,787.


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3)LadévotionàlasainteFacechezsainteThérèsedel’Enfant-Jésus

B.LaViergeMarie,toutemèreI.JésusetMariedansleplandivin1.Primautédedignité2.Primautéd’efficience3.Primautédefinalité

II.RôleprovidentieldeMariedanslanuit1)Mèredemiséricordeauxheuressombres2)Sesinterventionsdanslanuita)formesdesesinterventionsb)commentl’âmerecourtàMariec)formesdiversesdel’intimitémarialedanslanuit

ChapitreVI.-Leseffetsdelanuitdel’espritA.PurificationmoraleI.NécessitéII.Seulelanuitdel’espritréaliselapurificationIII.ObjetdelapurificationIV.Commentelles’opère1°actiondelalumière2°actiondel’amour

B.RetournementpsychologiqueI.Cequ’ilestII.Seseffetssurl’activitédesvertusthéologales

C.TriomphedelaSagessed’amourI.LumièreetamourII.Triomphedel’amouramourdehautequalité‒effetsunissants‒dynamismedecetamour‒paixetsuavité

III.Épanouissementdelalumièrelumièresecrète‒jaillitdel’expérience‒découvrelaprésencedivine

p.1391

IV.ÉtapesdecetriompheChapitreVII.-FiançaillesetmariagespirituelsA.FiançaillesspirituellesI.EnquoiellesconsistentII.Lesjoyauxdesfiançailles1)DécouvertedeDieu2)Échangedepromessesetfidélitémutuelle3.Désirsardentsetangoisses

III.MomentetduréedesfiançaillesB.MariagespirituelI.Lagrâcedumariagespirituel1)Lavisionimaginaire2)Uniondesfiançaillesetuniondumariage3)VisionintellectuelledelasainteTrinité4)Lapaixdumariagespirituel

II.LesdéveloppementsdelagrâcedumariagespirituelChapitreVIII.-L’uniontransformanteA.MariagespiritueletuniontransformanteI.Lesmanifestations,fruitsdel’amour,prennentdesformesetdesexpressionsdiversesII.Lalumièrecontemplativeestunmoyenordonnéaudéveloppementdel’amourIII.Lavisionfaceàfacejaillitdel’amourtransformantetprendsamesure

B.UniontransformanteI.PlénitudetransformantedelagrâceII.Présencedel’EspritSaintactive‒objective‒dominatrice

III.L’identificationauChristJésusChapitreIX.-LesaintdansleChristtotalA.Ledoublemouvementdel’amourI.MouvementfilialversDieu

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II.MouvementverslesâmesIII.Cesdeuxmouvementss’unissentdansl’amourduChrist

I.Ilexistedesmissionsd’apostolatdistinctesdel’apostolatdel’amourI.Ilexistedesmissionsdivinesd’apostolatII.Unegrâceaccompagnecesmissions1)Grâcedepréparation2)Pouvoirs3)Grâcepourl’accomplissementdelamission

III.AccomplissementdelamissionetperfectiondelacharitéIV.Corollaires1.Dieudemandelafidélitéd’amour2.Lesœuvresontunevaleuretsontnécessaires

C.Apostolatetdéveloppementdel’amourI.AuxtroispremièresDemeures:l’amouresttropfaiblepourl’apostolatII.SouslespremièresemprisesdivinesdesquatrièmesDemeures:apostolatfructueuxcomportedesdangersIII.Àl’uniondevolonté:apostolatexigeencoredelaprudenceIV.AuxsixièmesetseptièmesDemeures:apostolatparfait1.Fruitdelaperfectiondel’amour2.S’exerceendesmissionsparticulièresdansl’Église3.Contemplationetactions’yunissent4.Collaborationfécondeetdélicate

TABLESListedesmotsdelatableanalytique

TableanalytiqueIndexscripturaireIndexdescitationsdesainteThérèsed’AvilaIndexdescitationsdesaintJeandelaCroixIndexdescitationsdesainteThérèsedel’Enfant-JésusBibliographiedesouvragescitésIndexdesnomspropresdepersonnesBibliographieTabledesmatières