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DE L’HYPERACTIVITÉ À LA FIBROMYALGIE : UNE DETTEINSOLVABLE (ÉTUDE DE CAS)Aurélie Furlanetto, Philippe Spoljar

ERES | « Cliniques méditerranéennes »

2017/2 n° 96 | pages 19 à 35 ISSN 0762-7491ISBN 9782749256474

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2017-2-page-19.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Aurélie Furlanetto, Philippe Spoljar« De l’hyperactivité à la fibromyalgie : une detteinsolvable (étude de cas) », Cliniques méditerranéennes 2017/2 (n° 96), p. 19-35.DOI 10.3917/cm.096.0019--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Aurélie Furlanetto, Philippe Spoljar

De l’hyperactivité à la fibromyalgie : une dette insolvable (étude de cas)

La fibromyalgie est une affection chronique caractérisée par des douleurs diffuses et persistantes, souvent accompagnées d’une fatigue très invali-dante. Certains patients font état d’une hyperactivité professionnelle avant l’apparition de leurs algies, lesquelles auront donc paradoxalement rendu impossible toute activité. Cet activisme se trouve parfois associé à un intense besoin de reconnaissance qui se manifeste aussi bien dans la sphère familiale que professionnelle. Certaines situations cliniques suggèrent que l’hyper-activité et la fibromyalgie sont susceptibles d’exercer une semblable fonction défensive au regard notamment d’une importante fragilité narcissique. C’est l’hypothèse que nous développons ici dans l’analyse du cas de Christina, une patiente suivie dans une consultation en algologie après une déclaration médicale d’incapacité de travail. Cet accompagnement thérapeutique s’est déroulé dans le cadre d’un stage de master en psychopathologie clinique, et s’est de ce fait limité à une durée de six mois, à raison d’une séance par semaine.

Christina est une patiente qui affichait un caractère enjoué malgré les nombreux événements de vie douloureux qu’elle confiera tout au long de son suivi. Les éléments dépressifs s’étant rapidement estompés après quelques séances, elle se présentera toujours bien apprêtée, accom-pagnée dans un premier temps par son mari qui l’attendra dans le couloir.

Aurélie Furlanetto, psychologue clinicienne, DISSPO, Centre hospitalier universitaire, rue Laennec (Amiens) – 3 rue du Cul de sac, F-80680 Sains-en-Amiénois ; [email protected] Spoljar, maître de conférences en psychopathologie clinique, chercheur au Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits, université de Picardie Jules Verne (Amiens), département de psycho-logie – 6 rue Allende, F-92000 Nanterre ; [email protected]

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Elle viendra ensuite seule, s’étant approprié cet espace de parole qui ne sera plus ce simple lieu où elle dépose ses plaintes concernant le monde extérieur.

Christina aura déjà vécue trois vies. Une première avec son mari qu’elle a rencontré alors qu’elle avait 14 ans, et avec lequel elle aura deux enfants. Cette première relation, qui s’est avérée très conflictuelle, semble avoir répété celle qu’elle avait déjà connue enfant entre sa mère et son père, et elle finira par s’en déprendre au bout de plusieurs années de maltraitance. Puis elle rencontrera celui qui sera le père de son dernier enfant, qui sera absent de son discours comme il aura manifestement été absent de sa vie intime. Le couple, à cette époque, aura plutôt été celui composé par la mère et sa fille. Elle fera ensuite la connaissance de son actuel mari. Tout au long de sa vie, Chris-tina aura tenté de se reconstruire par le biais du travail car, explique-t-elle, « il faut savoir continuer la vie. Tout ça je l’ai fait (le travail) car longtemps je voulais effacer mon histoire ». Et tout s’effondrera quand les douleurs l’empêcheront de travailler.

Le parcours de cette patiente fibromyalgique âgée de 60 ans atteste en effet une complémentarité assez frappante entre une activité profession-nelle excessive et l’apparition ultérieure d’une fibromyalgie paralysante qui semblent, de manière opposée, l’avoir préservée d’une décompensation psychique. L’idée avancée ici est que la fibromyalgie a constitué le substrat supplétif d’une demande chronique de contenance et de « reconnaissance » personnelle auparavant portée par une activité professionnelle excessive et compulsive. Nous poserons également l’hypothèse que cette dynamique s’est initialement constituée au sein d’une problématique de la transmission entre la patiente et sa mère.

Le suivi psychologique a été initié par une demande personnelle soutenue par son médecin algologue. La patiente s’y est largement investie, malgré l’annulation de certaines séances à la dernière minute. Les premières consul-tations se sont déroulées sur le mode d’échanges verbaux assez informels où la thérapeute s’est sentie portée et affectée par le discours de Christina, celle-ci s’offrant largement dans une mise à nu de son histoire. Ces prémisses thérapeutiques sans contours très précis ont toutefois permis l’installation d’une relation de confiance, préludant à une prise de conscience de l’inves-tissement de cette relation plus propice à des propositions interprétatives. La patiente s’est tout d’abord centrée sur sa douleur, et a pu manifester cette incompréhension qu’elle entretenait vis-à-vis de son mal, évoquant égale-ment avec insistance une souffrance issue de la maltraitance de la part de son premier mari. De façon assez remarquable, la patiente a induit une tonalité relationnelle proche de la connivence, et une sorte d’alliance thérapeutique pour le moins singulière dans laquelle elle manifestait un souhait d’« aider »

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la thérapeute à « avancer dans sa réflexion thérapeutique », inversant à sa manière sa demande initiale.

Nous proposons ici trois niveaux de lecture de cette situation clinique : un premier registre d’analyse prend en considération les conduites mani-festes et l’économie défensive qui se mesure symptomatiquement en termes d’excès et de défaut. La proximité avec l’économie toxicomaniaque et la réfé-rence à la pensée opératoire sont ici prévalentes ; dans un deuxième temps se profile une problématique narcissique sous-jacente qui s’associe à la mise en œuvre de « processus limites » (Le Poulichet, 2003) ; un troisième niveau d’analyse se situe dans un registre plus symbolique reposant sur l’hypo-thèque d’une « dette insolvable » chez la patiente. C’est fondamentalement cette demande de reconnaissance insistante et insatiable de sa personne, de sa « valeur » propre, qui conteste le plus significativement une analyse étio-logique qui se limiterait à des considérations défectologiques. La situation nous semble bien plutôt relever de la transmission problématique d’une « dette symbolique », qui s’est manifestement avérée « intransférable » entre générations, en entravant la constitution d’un lien élaboré à partir des atta-chements primaires.

le surinvestissement de l’ACtivité Comme déCHArGe d’AnGoisse

En toute généralité, « dans l’expérience du travail, le rapport individuel à la tâche peut être source de gratifications narcissiques » (Dejours et Gernet, 2012, p. 18) et a fortiori, l’hyperactivité au travail est un vecteur de « la volonté de puissance et [de] la quête narcissique » (Rhéaume, 2006, p. 99), ce qui transparaît dans les propos de Christina commentant ainsi sa profession de femme de ménage : « C’est un métier très dur, mais c’est un métier que j’adorais. J’ai toujours eu la reconnaissance de mes patrons à part un. C’est vrai que ça fait du bien. », ce qu’elle confirme également a contrario : « Je [n’] ai plus de reconnaissance car je [ne] suis plus chez eux. » La nécessité impérieuse d’une telle valorisation confine à une dépendance à l’apprécia-tion d’un autrui qui semble être ici garant externe d’une autonomie subjec-tive problématique, susceptible de concéder à Christina cette estime qu’elle ne semble pas avoir pu s’accorder à elle-même.

Avant l’apparition de la fibromyalgie, Christina ne pouvait s’empêcher de bouger, et le travail ménager lui permettait de rester dans un mouvement permanent. « À l’époque chez mes patrons, explique-t-elle, je ne rentrais pas chez moi. Je me déplaçais et j’avais mes patrons autour. Je rentrais là et je sortais, voilà. Je fatiguais beaucoup de monde. J’étais constamment en ébul-lition. Le matin je me levais, c’était tout de suite. Je mettais un pied par terre, j’étais déjà en train de dire : il faut faire ci, il faut faire ça. C’était constamment.

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C’est peut-être pour ça qu’un jour je paie tout ça et que je n’arrive pas à me détendre. » Un but assez consciemment recherché au travers de cette activité effrénée était une décharge d’énergie qui pouvait s’effectuer très mécanique-ment par le biais de la motricité. Un tel recours cathartique à l’agir ressortit à une pensée opératoire caractéristique des névroses de comportement décrites dans la tradition de l’École psychosomatique de Paris (Marty et coll., 1963). Le sujet évacuant par l’agir cette tension anxieuse exerce de facto un apaise-ment envers lui-même. Le surinvestissement de l’activité professionnelle mobilisant les investissements intellectuels et sensori-moteurs serait ainsi l’équivalent de procédés « autocalmants » (Szwec, 1998), visant à combattre l’émergence de l’angoisse. Par de tels procédés en effet, « le moi met en place des mesures particulières pour abaisser le niveau de tension psychique alors ressenti comme extrêmement pénible » (Smadja, 2001, p. 225). L’hyperactivité représenterait dès lors une modalité de défense contre le vide interne et les mentalisations de l’angoisse, de la dépression et des conflits psychiques » (Dejours et Gernet, 2012, p. 97). La fibromyalgie répond également et diffé-remment à cette contrainte par corps parce que celui-ci, auparavant asservi à une tâche sans fin et soumis à qui reconnaîtra son efficacité laborieuse, se trouve par la suite en quelque sorte « offert » à l’autorité d’un savoir médical interpellé pour en reconnaître la valeur. La valorisation sociale obtenue professionnellement devient alors susceptible de se déplacer vers une reconnaissance médicale, également sociale et renarcissisante, confirmant que « la prise en compte du diagnostic est déjà un élément important du traitement. » (Perrot, 1998, p. 3). Et « être fibromyalgique » plutôt qu’« avoir une fibromyalgie » fondait pour notre patiente l’opportunité de faire valoir une telle revendication, légitimée par la réalité biologique du mal. Mais cette activité effrénée a été ruineuse pour la santé de Christina, qui s’est finalement trouvée physiquement épuisée, amaigrie et en hypotension chronique.

Le peu d’égards que Christina accordait à son corps semble corrélé pour une part à la maltraitance, tant physique que morale, exercée tout d’abord par son père, et ensuite pendant des années par son premier mari qui la brutalisait continuellement. Cette dureté a contribué à l’objectalisation d’un corps ensuite assujetti au travail : « J’aime être utile » explique-t-elle, ce qui lui donne bien une place au regard d’autrui, mais également un statut d’objet servile et corvéable, soumis par ailleurs à ce besoin de mouvement. Cette instrumentalisation assez masochiste du corps a eu pour effet, peut-on penser, d’entraver les processus de symbolisation en orientant fortement les investissements vers les perceptions internes. L’intense relation physique avec l’environnement s’est chargée de sensations auto-engendrées au détri-ment d’une interaction psychiquement plus nourrissante qui a fait ainsi passer d’une économie de la demande et du désir à une logique du besoin,

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laquelle s’émince dans une temporalité circonscrite à l’immédiateté d’une satisfaction de type addictif. L’hyperactivité donne en effet corps à cette tension vécue de manière contraignante, en se caractérisant comme « work-aholism » (McDougall, 1978 ; Castro, 1997).

Le surinvestissement professionnel a fait perdre au travail sa qualité de médiation psychique et sociale, fonctionnant en dernier ressort comme un rituel d’effacement de soi jusqu’à ce point où « le sujet lui-même du travailler disparaît : il se dissout dans la frénésie d’une action répétitive qui ne laisse plus de place au désir, il s’efface lui-même, à la recherche sans fin d’une complétude capable de résorber toute faille : il s’épuise dans la tentative de combler un manque qui cependant devient vite un trou noir et sans issue » (Marzano, 2004, p. 18). L’agitation perpétuelle a permis à Christina tout à la fois d’occulter ce vide bordé d’angoisse et d’obtenir, auprès des employeurs, ces gratifications dont elle a pu se nourrir sans jamais arriver à satiété. Ainsi exprime-t-elle métaphoriquement cette exigence par le besoin incessant de ranger son « intérieur » : « La seule envie que j’ai c’est ma maison. Le jour où je vais perdre ça, ça va être dramatique parce que c’est quelque chose qui me passionne, la maison, le ménage à faire. Mais sinon, il faut toujours que j’ai quelque chose en tête à faire. » Ce manque renvoie à une carence narcissique ancienne qui s’est trouvée majorée par une séparation brutale d’avec sa mère. Son premier mari a violemment imposé ce détachement, en contribuant par là même à frayer les voies douloureuses opposées à une meilleure issue pour cette rupture tardive, situation qui soutient l’hypothèse d’une transmission problématique entre mère et fille.

l’exerCiCe de lA ContrAinte

Christina a recherché par son activisme professionnel la reconnaissance de qui peut la valoriser, mais le sens personnel de cette reconnaissance s’est construit dans sa propre histoire, en particulier dans le rapport qu’elle entre-tenait avec sa mère. Christina a commencé à accompagner celle-ci dans son travail dès l’âge de 5 ans, en l’aidant à distribuer le pain le matin très tôt, pour partir ensuite à l’école. Puis, à 13 ans, elle est entrée à l’usine, contrainte par des problèmes d’argent majorés par la mort de son père. Christina a ainsi travaillé avec et pour sa mère dès son plus jeune âge, le travail étant devenu comme un opérateur essentiel et un révélateur de ce lien porteur des demandes affectives réitérées qu’elle lui adressait. Une sorte d’équation psychique a pu alors s’établir entre interruption du travail et rupture du lien filial. La clinique de l’hyperactivité infantile fait ainsi parfois état d’une angoisse de perte d’amour sous-jacente à ces conduites à valeur conjuratoire, lorsque l’enfant « noie le monde qui l’entoure de mots et de gestes parce

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qu’il espère l’attention des adultes ; pour que le monde pense à lui, pour qu’on ne le néglige pas, surtout, surtout pour qu’on ne l’abandonne pas en chemin » (Parot, 2004, p. 130). Cette activité précoce s’est conformée à la conduite d’une mère elle-même en mouvement permanent, ne pouvant même « jamais être assise à faire de la couture », a précisé la patiente. Chris-tina admirait sa mère et ingérait sa parole reconnaissante en édifiant un idéal ainsi étroitement modelé à cette image.

Le « vide interne » caractéristique de cette clinique d’un mouvement perpétuel, souvent souligné dans la littérature, pose question quant à son origine. Nous pouvons penser qu’il apparaît comme ce qui « reste » du retrait d’un « trop-plein » maternel. Dans son enfance, Christina dit avoir vécu avec sa mère un lien « fusionnel ». À la mort de son père Christina vivait seule avec sa mère (ses frères et sœurs étant bien plus âgés, ils avaient déjà construit leur propre foyer), ce qui a pu faire dire à Christina que « sa mère vivait pour elle ». C’est pour venir travailler en France qu’elle a dû s’éloigner de celle-ci, restée au Portugal pour garder ses enfants dont son premier mari refusait le départ. Christina a alors habité chez ses patrons, figures pour elle éminemment parentales, et qui ont valorisé son activisme au travail en la préservant de fait d’une décompensation psychique, ce que semble indiquer a contrario l’apparition ultérieure de la fibromyalgie.

Sa mère a ensuite pu venir s’installer en France, et Christina explique que « c’est elle qui s’occupait de ma maison. J’ai toujours vécu avec elle. Elle faisait tout chez moi. Je me reposais beaucoup sur elle, ce qui fait que ma maison, je ne m’en occupais pas beaucoup jusqu’à ce qu’elle parte. C’est là que j’ai commencé à ranger des trucs. » Sa mère, alors contrainte de repartir au Portugal suite à un problème de renouvellement de sa carte de séjour, y est décédée sans que Christina ne puisse être présente, majorant sa très grande peine par une vive culpabilité. Ensuite, « c’est quand j’ai rencontré mon [second] mari que j’ai commencé à avoir pas mal de petites bêtises : tendinites, etc., j’ai trouvé quelqu’un qui m’a épaulée et mon corps a lâché, j’étais tout le temps sur les nerfs ». Il semble donc paradoxalement qu’en épousant cet homme bon, susceptible de pallier et donc remplacer l’étayage maternel, elle compromettait alors ce lien primordial. « Tout s’est déclenché à partir de là, mes problèmes de santé, parce que j’étais épuisée, je ne dormais pas, ça n’allait pas avec mon mari. On s’aimait fort, on était tellement complices... C’est vrai qu’il y a un lien fort. Pour la maison, on se compre-nait bien et tout ça, ça détruit. » L’activité ménagère domestique, encore physiquement possible, a pu alors renforcer cette tendance à répéter, sur le mode de la commémoration, cette séparation d’avec sa mère, ce qui suggère un rituel visant la symbolisation de son absence, trouvant un exutoire dans cette nouvelle compulsion à ranger les choses à leur place, qui n’est jamais la

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bonne, et donc à les déplacer régulièrement pour en trouver une meilleure. Le décès de sa mère a en quelque sorte reproblématisé la question de sa place, et le défaut d’une contenance étayante. F. Parot interroge également le sens de cette inconstance chez les enfants hyperactifs : « ces enfants qui ne tiennent pas en place, en ont-ils seulement reçu une, et nettement définie ? » (ibid., p. 128). Christina pourra expliquer à ce propos : « Toute ma vie, j’ai été déplacée. Avec mon mari, le premier, j’ai passé ma vie avec les sacs à la main. J’ai passé ma vie avec des sacs, toujours des sacs qu’on me donnait pour le repassage. Toute ma vie avant, j’habitais au quatrième et je montais les sacs de courses […] tout le temps des sacs. Avec maman, quand papa est mort, on a vécu chez ma sœur. Puis on est allées dans une petite maison. Après je suis venue en France. Il [son premier mari] me mettait à la porte. Combien de fois je suis allée chez le voisin ! Il me mettait les sacs à la porte. » Lors de cette remémoration, Christina évoque cette scène où elle se trouve entourée de ses deux très jeunes enfants dans la rue avec les quelques bagages qu’elle a pu prendre, et où elle essaie de se débrouiller pour porter le plus de choses possible. Cette image que Christina nous adresse nous signifie tout particu-lièrement sa vulnérabilité, tentant de porter des choses trop lourdes pour elle, dans laquelle s’affirme clairement un besoin de soutien et de protection. La répétition du mot « sac » suggère fortement une attente de contenance étayante confinant à une dépendance, et Christina explicite ainsi ce besoin : « J’ai vraiment besoin de quelqu’un près de moi parce que je suis fatiguée. Avant, je me sentais solide, aujourd’hui je ne me sens pas solide. [En parlant de son second mari :] J’ai cru qu’il allait me porter… » La « défaillance » de son mari, relativement à une mère irremplaçable, a manifestement conduit Christina dans une impasse symptomatique. L’augmentation des tensions internes a fragilisé les enveloppes et déterminé une modification des moda-lités défensives. Un holding paradoxal a pu alors prendre consistance sous la forme d’une enveloppe de douleur.

Fait marquant dans l’histoire de Christina, la fibromyalgie s’est déclarée peu après l’arrivée de ses beaux-parents chez elle. À ce moment, son mari a pris ses distances alors qu’il se montrait auparavant très prévenant. Sa belle-mère, surtout, n’a pas apporté à Christina la gratitude escomptée. Il apparaît que la peine infligée par le décès de sa mère se soit justement réactivée à ce moment, signant l’échec d’une tentative de réparation assez clairement exprimée : « J’ai voulu faire pour eux [ses beaux parents] ce que je n’ai pas pu faire pour ma mère. » Cette « faute » irréparable de l’abandon de sa mère, se trouve en quelque sorte confirmée par l’absence de reconnaissance de la part de sa belle-mère, et cette coïncidence temporelle suggère que l’impos-sible suppléance se cristallise alors sous forme de douleur. La fibromyalgie manifeste de façon paradoxale une tentative de séparation qui enserre la

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patiente dans la douleur et en même temps la soulage du fardeau de la faute en l’évacuant de façon opératoire, cela afin d’éviter d’avoir à revivre le deuil suspendu de sa mère et donc à éprouver cette culpabilité qui lui est associée.

formAtions nArCissiques et proCessus limites

La proximité pathogénique de l’hyperactivité et de la fibromyalgie est susceptible d’être éclairée par l’économie pulsionnelle particulière à l’œuvre dans les « formations narcissiques » analysées par S. Le Poulichet (2003). Cette notion décrit les conditions de « création d’une douleur » reposant sur les modalités économiques d’un retrait narcissique assez proches de l’hypocondrie. Les investissements pulsionnels sont réorganisés autour de la formation d’une « masse narcissique », recomposant une unité « sous la forme d’un organe douloureux ou de l’investissement d’un objet unique » (Le Poulichet, 1987). Certains mouvements pulsionnels se trouvent neutra-lisés, notamment ceux liés à des affects traumatiques, et exercent une fonc-tion défensive temporairement protectrice. Une telle disposition pulsionnelle correspond toutefois à une mise à mal de l’équilibre narcissique, puisqu’elle constitue une sorte de « court-circuit » qui compromet les relations à l’autre, lequel devient l’enjeu d’un besoin plutôt qu’objet du désir, du fait notam-ment de l’exclusion des médiations symboliques. T. Fouque met en lien une telle formation de masse narcissique avec un surinvestissement spécifique à l’hyperactivité car « il y a bien là chez l’enfant hyperactif un investissement libidinal privilégié sur un «organe», l’organe des perceptions corporelles engendrées par le mouvement, qui conduit ainsi à créer une stase libidi-nale en un lieu du corps » (Fouque, 2004, p. 205), ce que nous pensons pouvoir rapprocher ici du surinvestissement douloureux du corps dans la fibromyalgie. Ces formations narcissiques correspondent à des « processus limites » qui aménagent une solution face à un risque d’effondrement psychique et de perte d’intégrité, résultant d’une fragilité subjective mani-festée par des vacillements identificatoires. Le surinvestissement d’un organe permet alors de former ce que l’on peut qualifier de « bords » qui redessinent les contours d’une instance moïque. Cette refiguration des formes de l’enve-loppe du moi s’est élaborée positivement dans la relation thérapeutique par la possibilité nouvelle de se distancier de son époux. Au début du suivi, Christina était focalisée sur la douleur ressentie, insupportable, et une souf-france éprouvée face au comportement de son mari et ses réactions parfois agressives qui, dit-elle, la « détruisent ». Elle était repliée sur sa souffrance et ne pouvait se mettre à la place de son époux vis-à-vis de sa mère. La proximité autant physique que psychique dans cette relation fusionnelle

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l’amenait à considérer qu’il ne pouvait y avoir de différence entre ses propres éprouvés et ceux de son mari. Dès lors qu’elle parviendra à se distancier de ses réactions, elle pourra aussi comprendre ce que lui pouvait ressentir. Cette distance prise avec elle-même s’est matérialisée, par exemple, par le fait qu’elle a fini par venir seule aux entretiens, attestant qu’elle se montrait apte à utiliser cet espace de symbolisation. Elle manifestera également cette prise de distance en acceptant la différence de ressenti entre elle et son époux par rapport à une même situation, ce qui permettra de recomposer un lien fusionnel et ainsi d’améliorer leur relation de couple.

une enveloppe de douleur

Le mouvement intensifie l’investissement de la sensorialité interne (cénesthésie, proprioception) et de la tactilité, soutenant ainsi la formation de cette « masse narcissique ». Chez les enfants comme chez les adultes hyper-actifs, le mouvement ne semble en effet plus tourné vers une réalisation ou une relation mais finit par fonctionner à vide, comme s’il permettait au sujet de se détourner de l’interaction avec le milieu pour se replier sur des perceptions auto-engendrées. En substance, deux dimensions caractérisent un tel fonc-tionnement : « le mouvement comme perception des limites corporelles et la vacuité de l’activité motrice dans l’hyperactivité. » (ibid., p. 204). La motricité se trouve ainsi détournée par le surinvestissement sensoriel au détriment de l’orientation de l’action ou de l’appréhension informative du monde.

L’agitation motrice chez les hyperactifs vise à suturer les failles de leurs limites corporelles, car il n’y a que dans le mouvement qu’elles sont ressen-ties, et « cesser de s’agiter correspondrait à cesser d’exister » (A. Bullinger cité par Calza et Jaillardon, 2012, p. 30). La fragilité du narcissisme, la défaillance dans la constitution d’une peau psychique mettant à l’abri de l’effraction et de la désagrégation rend alors insupportable le trop faible niveau des sensations internes. Le sujet tente de faire exister une enveloppe du corps là où celui-ci prend insuffisamment forme et consistance pour s’inscrire dans une continuité d’existence. La motricité joue ainsi un « rôle de protection vis-à-vis du risque d’effondrement narcissique » (Flavigny, 1998) et « des angoisses archaïques qui s’y rapportent » (Fouque, 2004, p. 205). Les sensa-tions intenses innervent l’enveloppe corporelle, fonctionnant comme une double réassurance vis-à-vis de son intégrité corporelle et de sa relation à l’objet. Nous pouvons alors conjecturer que, lorsque l’hyperactivité ne peut plus exercer cette fonction, l’expression douloureuse peut, en quelque sorte, prendre le relais. En envahissant le corps, la douleur en marque les limites et affirme de facto sa qualité d’enveloppe. L’énergie se décharge alors non plus dans l’activité mais directement sur le corps douloureux comme s’il pouvait

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constituer une « prothèse protectrice » (Anzieu, 1985, p. 222), une « seconde peau » renforçant ses limites.

Parmi les auteurs qui ont insisté sur la dimension narcissique de l’hyper-activité certains (Berger, 1999 ; Malarive et Bourgeois, 1976) ont évoqué, outre une dysharmonie d’évolution, une configuration d’état-limite, hypo-thèse qui présente l’intérêt de souligner une démarcation problématique entre l’interne et l’externe. Les avatars de la constitution de la fonction de contenance ont conduit à la formation d’une « enveloppe de douleur » qui joue un rôle de substitut à la fonction contenante de la peau, évoquant une « carapace musculaire partielle ou totale » telle que décrite par E. Bick (1998). Cette « seconde peau » se serait ainsi construite non pas à partir d’un objet externe contenant ou d’une projection mais à partir de la musculature. D. Anzieu souligne que cette seconde peau musculaire résulte d’un inves-tissement fondé sur l’agressivité, plutôt que sur la pulsion d’attachement qui normalement permet de construire un Moi-peau primaire. Deux types d’environnement favorisent cette protection externe, l’hypostimulation ou l’hyperstimulation, cette seconde voie correspondant de plus près à l’histoire de notre patiente. « L’instabilité de l’enfant hyperactif serait dans cette pers-pective une forme clinique témoignant de la mise en place de cette seconde peau musculaire » (Fouque, 2004, p. 206), associée au renforcement de la sensorialité interne. Et nous pouvons penser que cette seconde peau s’est muée en enveloppe douloureuse fibromyalgique par l’intensification des processus limites de formation de « masse narcissique ».

le lien défAillAnt, une dette insolvAble ?

Les hypothèses étiologiques actuellement avancées sur la fibromyalgie sont incertaines : « Les causes et la pathogénie sont très obscures, on suppose une “combinaison” de fragilités corporelles (difficiles à détecter) et psychiques. » (Houvenagel, 2003, p. 1). Des rapprochements ont été tentés avec la dépression, la dysthymie, voire la neurasthénie décrite par Béard, du fait d’une proximité syndromique et de l’efficacité pharmacologique des antidépresseurs (des traits dépressifs s’accusaient également au début de la prise en charge psychothérapeutique de Christina, mais ceux-ci ont rapidement cédé, comme si le fait de voir reconnaître ses difficultés avait eu une certaine efficacité sédative). Les anamnèses de nombreux patients font état d’« événements de vie douloureux ou traumatiques vécus antérieure-ment, des carences et négligences parentales, des trajets de vie chaotiques, des abus sexuels, etc. » (ibid.). Cet autre trait évoque assez directement les relations de Christina à son père, remises en scène ensuite avec son premier mari, qualifié de « brutal ». Ces vicissitudes de l’existence auraient, pour

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le moins, provoqué un abaissement du seuil de la douleur. Plus encore, « les personnes ont très souvent vécu des situations traumatisantes dans la détresse, en situation de «déliaison» par rapport au débordement d’excita-tions psychiques (selon la dimension économique du traumatisme) » (ibid.). Le motif de la « déliaison » apparaît ici déterminant, moins en termes écono-miques toutefois que d’un point de vue dynamique. L’intense attachement à sa mère, physiquement surinvestie, n’a pas constitué un socle suffisamment étayant pour la construction d’un lien à teneur symbolique, c’est-à-dire n’a pas disposé de cette souplesse articulatoire et évolutive que doivent posséder les déclinaisons multiples de ce « symbole d’union » et ses vertus transition-nelles décrits par Winnicott (1971).

C’est tout à la fois la problématique narcissique et la culpabilité maintes fois manifestées qui suggèrent d’interpréter cet achoppement dans la construction du lien comme conséquence d’une dette dont le poids aurait trop pesé et l’aurait en quelque sorte « écrasé », en le confinant dans le littéral de la (sur-)activité puis dans son revers, l’immobilité douloureuse. La fonc-tion d’articulation du lien entre l’interne et l’externe en serait comme restée fixée au stade d’une dépendance propre aux attachements du nourrisson. Il est désormais banal de rappeler que les termes « addiction » et « travail » partagent historiquement la même idée de servitude (Dejours, 2004) : l’usage médiéval du terme addiction renvoie à une « contrainte par corps prononcée à l’encontre d’un débiteur ne pouvant pas honorer ses dettes » (Noaille, 2001, p. 88). L’obligé du créancier lui appartenait et se mettait à sa disposition jusqu’à ce que celui-ci considère la dette payée. Le porteur de la dette offrait ainsi sa force de travail pour se racheter. Cette « contrainte par corps » a également fait l’objet des premières mesures d’incarcération dans le domaine du droit civil, soit une privation radicale d’autonomie comme conséquence d’une dette en attente de liquidation 1. Cet ancrage juridique et langagier nourrit l’idée que cette hyperactivité, largement surdéterminée, se serait initialement constituée comme contrepartie d’une dette que Christina a tenté de liquider par l’épuisement. Sa mère ne pouvait en effet jamais se détendre car son mari le lui interdisait, et Christina paraît avoir intériorisé cette contrainte subie par sa mère à un point tel qu’elle ne pouvait elle-même s’interrompre sans risquer d’en éprouver une vive culpabilité. Christina ne semble alors pouvoir régler sa dette que par l’intermédiaire de cette « contrainte par corps » évoquée plus haut. Sa mère lui répétait d’ailleurs souvent : « Tu sais, tu auras la même vie que moi ! », et ce propos à l’allure

1. À son origine, « la sémantique contractuelle insiste donc sur l’aspect concret, presque physique,du lien créé par la dette, ̋ obligation˝ désignant une maîtrise virtuelle sur une personne » (Claustre, 2007, p. 801).

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d’une prophétie autoréalisatrice contribuait fortement à l’enfermer dans une dépendance et un fonctionnement d’allure initialement mimétique.

Quelle peut-être la teneur initiale de cette dette, ensuite modulée au gré des contextes fortuits ? Elle semble lisible dans cette faille que mettent parfois en scène les personnes hyperactives : « Le travailleur compulsif s’organise autour de la culpabilité : une culpabilité qui n’est pas simplement reliée à ce que l’on fait et à ses conséquences, mais aussi et surtout à ce que l’on est ou, pour le dire ainsi, à ce que l’on n’est pas. » (Marzano, 2004, p. 20), faille d’ordre existentiel donc. Toute dette est initialement cette « dette de vie » (Bydlowski, 2008), que « l’ombre maternelle » figure et offre comme objet d’un investissement narcissique, celui-ci pouvant alors devenir opérant comme espace de transmission, celui-là même de la constitution du lien primordial mère-enfant. La mère de Christina, qui affirmait ne vivre que pour sa fille, ne lui a finalement pas donné la possibilité de suivre sa propre voie. En rencontrant ce conjoint bienveillant qui deviendra son second mari, et qui la comblait, elle aurait pu se détacher de cette figure maternelle dans la satisfaction vis-à-vis de ce nouveau départ. Mais cette rupture avec sa mère a été vécue comme une trahison à la parole et au désir de celle-ci. L’activité débordante lui permettait finalement de retrouver cette mère qu’elle perce-vait « toujours en mouvement » et avec laquelle elle ne pouvait rompre sans, en même temps, mettre en question les fondements mêmes de son identité.

Le passage d’une culpabilité fondamentale à ce « manque à être » se corrèle à la déclinaison personnelle de Christina d’une « faute originelle », qui relève d’une insuffisance narcissique associée manifestement à une image maternelle défaillante, autant que punitive. La question de l’investissement (douloureux) des enveloppes et des « formations narcissiques » se présente d’ailleurs comme contrepoint logique d’une « économie des objets internes [qui] se constitue bien comme lieu d’émergence d’une dette d’existence » (Couchoud, 2002, p. 14). Le tourment moral et le déplacement physique recèlent ainsi une dimension autopunitive associée à l’arrêt du mouvement, qui signifiait alors l’impossibilité de suivre ce chemin maternel, et sans doute également de devoir répudier, à son corps défendant, ce mouvement identificatoire. Notons d’ailleurs que cette notion de dette de vie trouve une pertinence aussi bien au niveau psychique qu’au niveau anthropologique, l’articulation entre les deux se manifestant dans les processus simultané-ment psychiques et sociaux de subjectivation, qui qualifient le lien comme opérateur de cette conjonction/disjonction entre soi et l’autre. En effet, « la dette est le lien social qui définit ce que sont les sujets dans telle ou telle société […] La dette originaire, ou primordiale, est à la fois constitu-tive de l’être des individus vivants et de la pérennité de la société dans son ensemble. C’est une dette de vie » (Aglietta et Orléan, 1995, p. 21).

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Cette contrainte associée à l’image maternelle de Christina s’est consti-tuée en modalité de l’idéal incorporée à ces forces de fascination et d’atta-chement de la relation narcissique telle que décrite par D. Widlöcher (1994, p. 429). Nous avons manifestement affaire à une situation d’impasse iden-tificatoire, sinon une identification pathologique qui a problématisé cette question de la dette comme marqueur de la transmission impossible, au lieu d’être le nœud inaugural et le soubassement du lien. La dette s’est entière-ment substituée au lien, devenant alors pure contrainte 2, mettant en échec le principe même de la transmission, selon lequel « une dette circulera de la fille à la mère et sera au principe des identifications féminines. C’est là le sens de la transmission qui soutient une généalogie du maternel » (Couchoud, 2002, p. 14).

Cette problématique de la dette s’est également invitée d’une façon assez singulière dans la relation soignante, notamment en réponse à la sollicitation d’une autorisation à utiliser les entretiens pour effectuer le présent travail de recherche clinique. Christina a accepté avec beaucoup de contentement, mais a sensiblement enrichi son accompagnement thérapeutique d’éléments très directement associés à cette demande. Elle s’en est en effet saisie pour répondre à ce qu’elle pense être le désir de l’autre, afin de le satisfaire… par son propre « travail thérapeutique ». À la fin de ce suivi, dont la durée limitée était posée dès le début, Christina explique qu’elle a été heureuse d’avoir pu « aider », et elle est revenue à la consultation pour offrir un cadeau à la théra-peute afin de la féliciter de la réussite de son parcours. Cette reconnaissance de succès professionnel, côté soignant, a fonctionné pour Christina comme une reconnaissance du succès de son propre travail de patiente, par le biais de cette large mise à disposition de son psychisme. La demande initiale s’est ainsi transformée en leurre pour la thérapeute, sous la forme d’une impli-cation particulièrement ambivalente. La problématique douloureuse a ainsi évolué en un agir transférentiel. En se révélant dans l’après-coup du suivi, elle a pris largement à contre-pied l’analyse contre-transférentielle : c’est finalement surtout à elle-même que ce « cadeau » a été offert, ressortissant à la fois à un « contre-don » et à un remerciement pour l’avoir narcissiquement comblée par l’aide qu’elle a pu elle-même apporter.

ConClusion

Dans la mouvance des propositions théoriques de J.-P. Valabrega (1966, 1980), cette situation clinique soutient une hypothèse étiologique relative à la fibromyalgie en termes de processus de type hystérique, en particulier au

2. Cf. « L’obligatio peccati […] désigne le lien du péché par lequel le pécheur est enchaîné à la faute et à la peine » (Claustre, 2007, p. 801).

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regard de cette dynamique narcissique qui s’étaye sur le lien mère-fille et ce que l’on peut comprendre dans sa dimension pathologique comme une impasse de la transmission du féminin (Sibony, 1991). L’étayage narcissique défaillant, qui se reconnaît en positif dans la symptomatologie et en négatif dans les différentes positions défensives, relèverait ainsi d’une figure mater-nelle équivalente à un Tout, et de ce fait désorganisatrice de l’ordre généa-logique de la filiation (Spoljar, 2013).

La surdétermination de processus défensifs convergents a frayé les voies menant à une singulière et paradoxale succession symptomatologique évoluant de l’hyperactivité à la fibromyalgie. Trois niveaux d’analyse ont pu être distingués dans l’épaisseur de la pathogénie : celui, présentant la plus grande visibilité d’une économie toxicomaniaque caractérisée par les moda-lités opératoires d’une motricité d’allure addictive ; un deuxième registre de défense marqué par le développement de « formations narcissiques » ; une problématique du lien enfin, ancrée sur une dette intransférable trouvant son origine dans une position fusionnelle mère-fille qu’aucune intercession symbolique n’a pu suffisamment médiatiser.

Les prémisses lointaines du lien inscrites dans les attachements primaires n’ont pu s’étayer de façon consistante sur des « symboles d’union » différenciateurs et organisateurs de la transmission, et donc de l’articulation entre générations. Une impasse narcissique, dans un contexte familial et social de sur-sollicitation n’ont pas permis à Christina d’accéder à la constitution d’une enveloppe et donc un lien régulateur de son autonomisation. Un vide intérieur générateur d’angoisse a suscité une hyperactivité dans le travail qui permettrait tout à la fois d’obtenir une reconnaissance à valeur d’étayage narcissique, de décharger les tensions anxieuses par un procédé autocalmant et de reconstituer une enveloppe secondaire. L’échec de cette solution instable a alors pu évoluer vers une nouvelle forme douloureuse, soutenue par une histoire de violence morale et physique, ainsi que par une contrainte surmoïque assouvissant une culpabilité inhérente à la relation maternelle.

L’activisme exubérant de l’hyperactivité tout comme son double inversé, immobilisant, semblent se déployer sur le fond d’une impasse à la fois plus archaïque et plus symbolique d’un enjeu de transmission, d’une dette difficile à solder, d’un lien endommagé que le recours à l’agir excessif ou défaillant tente de pallier. La question de la « place » de la petite fille, c’est-à-dire en fin de compte l’organisation symbolique de la famille soutenant le « montage généalogique », en constitue le point d’entrée et, dans le cas présent, le point de rupture. Dans la multiplicité des causalités putatives de cette affection douloureuse « informe », cette problématique de la trans-mission « empêchée », qui se joue ici entre mère et fille, nous paraît pouvoir

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contribuer à une compréhension de la fibromyalgie à partir de mécanismes hystériques. Une coalescence de contextes à valeur causale suggère ainsi un modelage autant culturel que psychique qui porte la symptomatologie vers l’agir et vers l’enfouissement corporel.

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RésuméÀ partir d’une situation clinique caractérisée successivement par une hyperactivité professionnelle et une fibromyalgie invalidante, l’analyse proposée relève les posi-tions défensives communes référées à une précarité narcissique initiale et un intense besoin de reconnaissance. La motricité et la sensorialité ont été surinvesties par la patiente jusqu’à la formation paradoxale d’une « enveloppe de douleur ». Cette évolution a été orientée par le développement de « processus limites » soutenant une « formation narcissique » centrée sur le corps, mobilisée pour suppléer, en vain, une forte dépendance à l’environnement. Cette « contrainte par corps » relève d’une problématique du lien ancrée sur une dette intransférable trouvant son origine dans une position fusionnelle mère-fille qu’aucune intercession symbolique n’a pu suffi-samment médiatiser.

Mots-clésFibromyalgie, hyperactivité, lien, narcissisme, dette symbolique.

from HyperACtivity to fibromyAGiA: An insolvent debt (CAse study)

AbstractFrom a clinical situation characterized successively by a professional hyperactivity and invalidating fibromyalgia, the proposed analysis raises the common defensive positions referred to an initial narcissistic precariousness and an intense need for recognition. The motility and the sensorial were surinvested by the patient until the paradoxes formation of an “envelope of pain”. This evolution was directed by the development of “borderline processes” supporting a “narcissistic formation” based

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on the body, mobilized for supplying, in vain, a strong dependence for the environ-ment. This imprisonment is part of a problematic link embedded on a non transfer-able debt that originates from a position symbiotic mother-daughter no symbolic intercession could not sufficiently publicize.

KeywordsFibromyalgia, hyperactivity, link, narcissism, symbolic debt.

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