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Départemen des relatio)1s internSltionale et de la coopération

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Départemen des relatio)1s internSltionaleet de la coopération

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INsrInJT NATIONAL DE LA STATISTIQUE El DES ETUDES ECONOMIQUESDEPARTEMENT DES RELATIONS INTERNATIONALES ET DE LA COOPERATION

Division Etudes et méthodes statistiques pour le développement

N° 68 - Décembre 1991

ISSN : 0224-098-X

NUMERO SPECIAL

ECONOMIE NON-ENREGISTREE PAR LA STATISTIQUE

ET SECIEUR INFORMEL

DANS lES PAYS EN DEVELOPPEMENT

par François ROUBAUD et Michel SERUZIER

mmœ : Bullet", de liAison non officiel des B'tGtisticiens et iconoMstes e:œrçant: 1eu7'activiti cfans les pays du riers-N~

IlidtJcteu7' en chl.f

Assistante cie .,.idtJction

Secrita:ire cie fobri.cation

Secrtt4ri.l;rt cie 1G revue

Didier BLAIZEAU (par~

Corinne BENVENISTE

V&onique TRIQUARD

I.N.S.E.E.Division des ttude.s et aithodes statistiquespovr le dc!ue loppellent18 bou1etlœ"c! Adolphe Pincrc!75675 PARIS CEDEX 1.4

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SOMMAIRE

- Editorial

- Résumé

- INTROŒJCTION

- œAPlTRE 1 : U5 DONNEm lU PROBI.EME

1.1 Le non-enregistrement statistique1.2 L'économie informelle: des théories contradictoires

- œAPlTRE n : QUATRE OPI'ION3 ME'IHODOLOGIQUESPOUR RENDRE LA MESJRE POSSIBLE

2.1 Première option : une démarche spécifiqueaux pays en développement

2.2 Deuxième option : la comptabilité nationalecoume cadre de référence

2.3 Troisième option : privilégier les unités productrices2.4 Quatrième option : définir un secteur informel

5

7

11

15

31

- œAP1TRE m : LA COMPTABIIn'E NA110NALE FAIT PEAU NElNE 41

3.1 Les innovations de la révision 43.2 Mais des insuffisances conceptuelles pour nos besoins

- CHAPITRE IV : COMlŒNl' MESURER LE NON-ENREGlSTREMENTSTATJSDQUE EN COMPTABIIn'E NA110NALE

4.1 Présentation de la démarche4.2 La méthode qui convient aux pays en développement

- œAPITRE V : IDENTIFIER LE "SECTEUR" INFORMEL

5.1 Créer un secteur informel au seinde la comptabilité nationale

5.2 Quelques modalités d'application5.3 Secteur informel et non-enregistrement statistique5.4 Méthodes d'évaluation et besoins statistiques

- CHAPITRE VI : UNE STRATEGIE DE COLLECTE DES DONNEES

6.1 Le point de vue du statisticien d'enquête6.2 Une stratégie d'enquête en deux phases6.3 Rester pragmatique

-~IETn

- Résumés en anglais et en espagnol

53

67

95

131

159

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EDITORIAL

par Didier BLAIZEAU

Ce nmnéro de STATECO est tout entier consacré à une réflexion de

François ROUBAUD et Michel SERUZIER1 sur la définition, l'observation et la

mesure du secteur infonnel et son intégration dans les cadres de la comptabilité

nationale. Cette réflexion est le fruit d'expériences complémentaires acquises tant

en Afrique qu'en Amérique latine et qui s'enracinent dans une pratique de la

coopération à laquelle l'INSEE a toujours été associé.

Les propositions de nos deux auteurs visent pour l'essentiel à considérer

que la production informelle relève d'un "secteur" à part entière de la

Comptabilité nationale. Les unités de production qui le composent représentent un

sous-ensemble des entreprises individuelles au sein du secteur institutionnel des

ménages. La mise en oeuvre de méthodes d'observation et de mesure appropriées

impose cmmne préalable que l'on distingue bien le p~énomène statistique lié au

non-enregistrement, du phénomène socio-économique que constitue l'informalité. La

définition simple et consensuelle qui est retenue, et qui situe l'informalité en

marge de la régulation publique, n'aboutit pas pour autant à un unique critère

d'éligibilité qui simplifierait la tâche du statisticien. En matière de collecte plus

précisément, la stratégie proposée est une variante du sondage en deux phases.

D'une première phase concernant les individus ou les ménages sont extraites les

activités ou unités de production infonnelles sur lesquelles porte l'observation

quantitative.

Quelle que soit leur pertinence, de telles propositions ne sauraient

constituer le corps d'une doctrine définitive sur un sujet aussi lancinant qui divise

nombre d'économistes et de statisticiens depuis plus de vingt ans. Ces propositions

1 f. ROU BAUD , êconomiste de l'ORSTOH, travai lle au sein du groupement d'intêr!t scientifiqueDIAL (Dêveloppement des investigations sur l'ajustement a long terme).

M. SERUZIER est professeur d'êconomie a l'ENSAE et au CESD ; venu de l'INSEE et de la Directionde la Prêvision, il a participê a de nombreux programmes de coopêration en comptabilitênationale en Afrique et en Amêrique latine.

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intègrent et complètent les innovations conceptuelles préparées par la 4ème

révision du SeN et constituent une précieuse contribution aux réflexions engagées

par le BIT sur le secteur informel et la population active, dans la perspective de

la XVème conférence internationale des statisticiens du travail en janvier 1993.

La démarche exposée par François ROUBAUD et Michel SERUZIER

méritera bien sûr d'être affinée en distinguant notamment les spécificités des

économies africaines, latino-américaines et asiatiques dont les dynamiques ne sont

pas comparables. De même, le rôle du secteur informel dans l'économie d'un pays

ne peut réellement se comprendre sans expliciter les différentes stratégies

individuelles qui coexistent au sein d'un ensemble aussi hétérogène où l'on trouve

aussi bien le laveur de voiture que l'atelier de construction métallique. Cet

éclairage, que fournissent en particulier la sociologie et la microéconomie, est

exposé dans une synthèse des approches sur le secteur informel qui sera publié

très prochainement dans la dernière brochure du groupe AMIRA.

Qu'il me soit pennis, au terme d'un interim de cinq mois de saluer

l'arrivée de Philippe BRION, nouveau chef de la Division des Etudes et Méthodes

Statistiques pour le Développement et rédacteur en chef de notre revue, et

d'informer par la même occasion tous les lecteurs de STATECO de la réalisation

prochaine d'une enquête de la rédaction visant à mieux les connattre pour mieux

les satisfaire.

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RESUME!

Les deux principaux objectifs visés par ce document sont les

suivants

- d'une part, proposer un contour possible à la notion d'informalité

dans le contexte des pays en développement (ce que nous appelons "secteur

infonnel", celui-ci prenant sa place dans le schéma plus général de la

comptabilité nationale) ;

- d'autre part, proposer, grâce à cette approche spécifique de

l'infonnalité, des méthodes de mesure (statistiques et de comptabilité nationale)

qui se soutiennent mutuellement pour faire avancer la connaissance à la fois du

secteur informel et du non-enregistré statistique.

• ••

Pour mener à bien une telle démarche, un axiome de départ est

proposé : reconnattre la spécificité de ces deux phénomènes (informalité et non­

enregistrement statistique) et les analyser chacun pour eux-mêmes dans leurs

registres spécifiques. Ceci nous pennet alors de déboucher sur une articulation

entre les deux phénomènes (chapitre 5, § 5.3), laquelle fonde les méthodes

d'élaboration proposées ensuite.

Cette démarche générale explique alors le plan suivi.

Un premier chapitre est consacré à un état de la question sur le

non-enregistrement statistique et sur l'infonnalité. Les thèses en présence pour

expliquer ce deuxième point révèlent de profondes divergences d'analyse. Et

aucun accord n'a encore pu se faire au niveau international pour définir un

comportement économique rendant compte de ce phénomène. Forts de l'expérience

acquise sur le terrain, et en confonnité avec certaines propositions faites par le

1 Vo;r en f;n de volume les rêsumês en angla;s et en espagnol.

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B.I.T., nous proposons au chapitre deux le choix d'un critère qui se fonde sur un

comportement de nature sociologique, reconnu par tous, pour définir .le contour de

l'infonnalité : le fait que celle-ci se situe en marge de la régulation publique.

Nous proposons alors trois autres options pour fonder notre démarche:

- distinguer économie souterraine, pour les pays développés, et

économie informelle, pour les pays en développement;

- inscrire le secteur infonnel et sa mesure dans le cadre de la

comptabilité nationale ;

- poser comme principe que l'infonnalité doit être analysée sur la

base des unités de production (on ne peut donc parler d'emploi informel que par

référence à l'emploi mis en oeuvre dans le secteur informel).

La mise en oeuvre de ces options ne peut être immédiate. Deux

détours méthodologiques sont en effet nécessaires pour justifier les propositions

avancées, qui font l'objet des chapitres suivants. Le troisième chapitre présente

les innovations conceptuelles que prépare la prochaine révision du SCN (la

quatrième), car c'est dans cette perspective que nous avons choisi de présenter

nos propositions. Et comme certains de ces choix méthodologiques ne nous

semblent pas suffisamment précis, nous introduisons les compléments que nous

jugeons nécessaires. De plus, l'annexe 1 propose un inventaire plus détaillé des

concepts de comptabilité nationale auxquels nous faisons appel dans la suite du

texte.

Le chapitre quatre est consacré aux méthodes qUi sont utilisées par

les comptables nationaux de certains pays pour contourner la difficulté que

représente le non-enregistré statistique. Le SeN insiste en effet sur la nécessité

de couvrir la totalité de l'activité économique, déclarée ou non, et même illégale.

Et seule une démarche intégrant toutes les informations disponibles peut obtenir

quelques résultats en la matière. Dans le cas des pays en développement, cette

démarche passe par l'utilisation du TES. On peut ainsi saisir indirectement tout

ce qui relève de l'informalité.

Le chapitre cinq permet alors la mise en place de tous les concepts

nécessaires à la définition et à la mesure d'un secteur infonnel pour les pays en

développement, sur la base des options proposées au terme du deuxième chapitre:

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• définir les conditions d'un secteur infonnel dans le cadre de la

comptabilité nationale

- définir les contours et le contenu de ce secteur infonnel ;

• positionner ce secteur infonnel au regard de la production non

enregistrée par la statistique des différents secteurs institutionnels ;

• déduire de cette mise en relation les possibilités de mesure dont

on dispose pour évaluer d'une part cette production non enregistrée

statistiquement, et d'autre part le secteur informel.

Mais une telle méthode d'évaluation nécessite des informations

statistiques complémentaires, en particulier en ce qui concerne le secteur

informel lui-même. Une stratégie en la matière est alors proposée dans le cadre

du chapitre su. Deux méthodes sont possibles, soit par sondage sur la population

des établissements, soit par enqu~te mixte sur la base des enqu~tes emploi. C'est

cette deuxième approche qui nous semble la plus perfonnante, et c'est pourquoi

nous en développons la description, à partir d'une expérience concluante réalisée

au Mexique. Mais d'autres outils pourraient également ~tre envisagés ; et il est

tout à fait nécessaire de prévoir la continuité de la mesure dans le temps.

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'.

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INTRODUCTION

La thématique de l'économie non-enregistrée par la statistique et de

sa mesure par la comptabilité nationale constitue sans nul doute un centre

d'intérêt majeur dans le contexte macroéconomique actuel. Tous les pays, riches

ou pauvres, semblent concernés par l'existence d'une économie plus ou moins

cachée à la collecte statistique. Ce phénomène prend pourtant des proportions

sensiblement plus importantes dans les pays en développement, en particulier au

cours de ces dernières années, et c'est à l'évaluation de cette situation que nous

consacrons ce dOC\Bllent.

La crise économique que traversent actuellement la plupart de ces

pays, et les difficultés politiques qui en résultent, provoquent une perte de

conf'l8Dce de la part des agents économiques dans la capacité de leurs

gouvernements à redresser la situation. Et cette déréliction des sociétés du Tiers­

monde se traduit par une capacité amoindrie, de la part des Etats, à la

régulation économico-politique des ensembles nationaux. Le manque de moyens

f'manciers et le développement de la corruption réduisent encore les marges de

manoeuvre dont ils disposent. Et bien évidermnent, cet état de fait se répercute

sur les systèmes nationaux d'information économique, à la charge des instituts de

la statistique. n en résulte une détérioration de la collecte statistique, et par le

fait même un accroissement de la part de la vie économique qui échappe à leurs

investigations.

Mais cette détérioration des moyens de l'administration ne peut à

elle seule expliquer un phénomène de non-enregistrement qui peut prendre des

proportions considérables. Simultanément, en effet, des changements profonds

apparaissent dans l'organisation de la production et dans les relations de travail.

Pour répondre aux bouleversements en cours dans ces pays, les agents

économiques réagissent en modifiant leurs comportements, et de nouvelles

stratégies. de reproduction se manifestent. On constate en particulier, à la ville

carmne à la campagne, la prolifération d'unités de production n'ayant aucune

existence légale, et dont le fonctionnement échappe à tout contrôle des pouvoirs

publics. Elles sont la trace d'une économie dite informelle, souvent liée à la lutte

des plus pauvres pour leur survie, dans un contexte de sous-emploi chronique.

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Mais il faut également mentionner, de la part des entreprises légalement

constituées, le détournement des législations du travail, les pratiques d'évasion et

de fraude fiscales ou le détournement de fonds publics. Enfin, les activités

illégales prennent de l'ampleur, notamment à travers la contrebande, ou encore la

production et la commercialisation de la drogue.

Au-delà de leur évidente hétérogénéité, ces diverses formes

d'activité ont toutes un point en commun : elles s'exercent en marge des

régulations publiques. Et elles échappent en fait le plus souvent à la collecte

statistique. Devant l'inadéquation des procédures de mesure traditionnelles, les

instituts chargés de cette collecte se trouvent confrontés à une crise de

légitimité. Et au Pérou par exemple, des organismes privés se proposent en

substitut par rapport au système statistique officiel.

Le phénomène n'est pas nouveau pour autant. Le concept d'économie

informelle est apparu il y a maintenant presque 20 ans ; et des méthodes de

mesure ont déjà été proposées et mises en oeuvre pour en apprécier l'importance.

Mais la réflexion théorique piétine, et aucun consensus ne s'est encore manifesté

pour se doter de concepts harmonisés permettant l'analyse du phénomène. En

effet, les hypothèses avancées pour l'expliquer étant contradictoires, les thèses

en présence demeurent incompatibles.

Une prise de conscience se fait jour, cependant, sur la nécessité de

trouver des solutions concrètes en vue de l'analyse et de la mesure de l'économie

informelle. Le bureau des statistiques des Nations Unies et l'Organisation

Internationale du Travail ont inscrit ce thème à leur ordre du jour. TI nous

semble que de telles solutions peuvent être trouvées, à condition de chercher des

critères plus pragmatiques pour définir les comportements en jeu.

Par ailleurs nous considérons comme absolmnent nécessaire de

reconnattre l'existence de deux phénomènes de nature différente, bien que

profondément liés :

- le non-enregistrement statistique,

- l'éconœnie infonnelle.

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- 13 -

Eviter la confusion entre les deux permet de mieux cerner leurs

caractéristiques propres, et leurs interactions ; et ceci débouche en fait sur une

meilleure qualité de la mesure de l'un et de l'autre.

Ces deux phénomènes ne sont pas propres aux pays en

développement. On les rencontre également dans les économies développées. Et on

constate des situations similaires dans les pays de l'Est (où fonctionnent la

corruption et le marché noir et où la statistique est liée à une planification en

déroute). Pour autant_ ce serait une erreur de vouloir traiter de la même manière

des phénomènes dont les causes diffèrent d'une zone à l'autre. Et c-est d'ailleurs

pourquoi il nous semble que le terme d'économie souterraine convient mieux à la

situation des pays développés.

L'objectif principal de ce docmnent est d'aboutir à des propositions

concrètes permettant de traiter et de mesurer à la fois le non-enregistrement

statistique et l'économie informelle. Le choix est fait de les analyser dans le

cadre des concepts proposés par le SCN (dans la perspective de sa prochaine

révision). Ces propositions s-enracinent par ailleurs dans l'expérience acquise par

l'INSEE sur le terrain_ à travers de nombreuses missions de coopération réalisées

plus spécialement en Afrique et en Amérique Latine.

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".

- 15 -

CHAPITRE 1 LES DONNEES DU PROBLEME

Les années 60 avaient été présentées comme la décennie du

développement. Dans un contexte de croissance hannonieuse, on projetait de voir

les pays du Sud (dits "en voie de développement~) rejoindre les autres, considérés

comme développés. C'est plutôt la tendance inverse qui se manifeste aujourd'hui,

du moins pour la plupart d'entre eux ; et dans le même temps, l'économie

mondiale est entrée dans une zone de turbulences qui semble ne pas devoir

s'achever. Face à la faillite des politiques économiques proposées alors, et en

raison de la difficulté d'interpréter les changements intervenus, certains

économistes ont accordé une importance nouvelle à un phénomène grandissant :

l'économie dite souterraine ou informelle. En éclairant ainsi un point obscur de

l'économie, peut-être· pourrait-on apporter un élément d'explication aux

dérèglements du système économique ? Et en particulier, on se mit à douter de

la capacité des statistiques officielles, et tout spécialement du système de

comptabilité nationale (SCN) à appréhen~er correctement l"ensemble des flux de

l'économie réelle.

Une pléthore de travaux ont été entrepris sur ce thème, dont la

complexité réelle n'a d'égale que la dispersion des interprétations proposées pour

lui donner du sens. Le flou sémantique qui règne dans ce domaine donne un

aperçu des désaccords qui peuvent opposer les spécialistes.

A titre d'exemple, nous présentons dans le tableau n° 1 une liste de

tennes utilisés pour désigner cette "autre" économie, et nous proposons un

premier tri (codifié de 1 à 3) pour suggérer les connotations que ces tennes

véhiculent. Ce tri ne voudrait en aucun cas signifier une quelconque prise de

position vis-à-vis des écoles en présence dans le débat. TI manifeste d'une part la

variété des référents retenus par les chercheurs, et d'autre part la trace

d'approches sensiblement différentes, même si, comme nous l'indiquons d'ailleurs,

un tenne peut relever conjointement de plusieurs groupes.

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TABLEAU N° 1

RELEVE lION EXHAUSTIF DES TERItES EltPLOYES POUR DESIGNER l'ACTIVITE

ECHAPPANT AUX NORitES LEGALES ET STATISTIQUES

1.2 Economie non officielle 1 Economie non-enregistrée

1 Economie non structurée 1 Economie non observée

1.2 Economie non déclarée 2 Economi e cachée

2 Economie dissimulée 2 Economie sous-marine

2 Economie submergée 2 Economie souterraine

2 Economie clandestine 3 Economie secondaire

2.3 Economie parallêle 3 Econollie duale

3 Economie alternative 2 Economie occulte

3 Economie autonome 2 Economie noire

2 Economie grise 2 Economie irréguliêre

3 Economie marginale 3 Economie périphérique

3 Contre-économie 2.3 Economie informelle

1.2 Economie invisible 2 Economie de l'ombre

2 Economie illégale

1. Dénomination "objective neutre"2. Pratiques délibérément occultées3. Jugement positif

Source: repris (et complété) de J.C. WILLARD, L'économie souterraine dans les comptes nationaux, Economie et

statistique n° 226. INSEE, Paris, Novembre 1989. Le terme "d'économie" peut Itre systématiquement remplacé par

celui de "secteul".

La première famille <code 1) adopte le point de we supposé neutre

de la statistique. On parle d'économie non-enregistrée. non mesurée, non

observée. On ne porte aucun jugement de valeur quant à l'activité elle-même, pas

plus qu'on ne spécifie la motivation des agents engagés dans ce type d'activité.

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La seconde famille (code 2) cherche à identifier un ensemble de

pratiques délibérement occultées par ceux qui s'y adonnent. On se situe

clairement aux frontières de la légalité, voire au-delà, du côté des activités

délictueuses. Les adjectifs employés sont fortement connotés négativement.

La troisième famille (code 3) met elle aussi en avant le

comportement des agents. Mais elle ne privilégie plus le côté "légal" des activités

en question. Elle retient la logique économique, en cherchant à définir un espace

alternatif. On pourrait parler ici de mode de production spécifique. En fait, le

point de we adopté dépasse le seul champ de l'activité économique pour englober

d'autres aspects (organisation sociale, réseaux de solidarité, originalités

culturelles). Ce qu'on vise à décrire et à interpréter ici, c'est la composante des

sociétés du tiers-monde qui est restée en marge du processus d'industrialisation,

bref du développement. Dans cette perspective, les activités informelles se

caractérisent par des formes traditionnelles d'organisation, mais portent aussi en

germe les bases d'un "autre développement". Cette fois, le jugement porté est

"signé" positivement.

Derrière cette typologie approximative des termes utilisés pour

déÏmir les activités informelles se profile la diversité des approches visant à en

interpréter la genèse et la dynamique.

Mais une première conclusion s'impose déjà clairement : les termes

utilisés relèvent de deux domaines du savoir, certes liés, mais dont les concepts

et les méthodes de travail sont différents :

- d'une part la statistique,

- de l'autre l'éconœnie.

C'est pourquoi il nous semble nécessaire d'aborder la question

séparément selon ces deux approches, car les contenus en sont différents. TI y a

d'une part tout l'espace du non-être statistique que représente le non­

enregistrement par la statistique d'une partie des phénomènes économiques et

sociaux, et ceci pour des raisons multiples qu'il est nécessaire de différencier ;

nous parlons à ce propos de non-enregistrement statistique. Et il Y a d'autre part

un pan important de l'activité économique qui se développe en marge des

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contrôles et régulations édictés par les pouvoirs publics, de manière plus ou moins

délictueuse et/ou selon des méthodes alternatives, et nous parlons alors

d'activités informelles. La première approche (le non-être statistique) relève du

point de vue du statisticien, la deuxième (un mode infonnel de production)

appartient à celui de l'économiste.

L'expérience montre que le non-enregistrement statistique concerne

l'ensemble des activités économiques et touche tous les secteurs institutionnels.

Mais il est vrai aussi que le domaine des activités informelles est plus

particulièrement concerné par cette carence statistique. Et c'est pourquoi les

infonnations manquent pour en mesurer l'ampleur et pourquoi les méthodes les

plus diverses ont été imaginées pour les évaluer. Mais il faut aussi reconnaître

que cette difficulté de nature statistique n'est pas la seule explication au défaut

de mesure de ce phénomène économique. Car il existe également des divergences

pour en interpréter les causes ; si bien que le contenu même du phénomène

"informel" est mal déterminé, et que les désaccords persistent pour en définir le

contour.

Le propos de ce docmnent est pourtant de montrer qu'une avancée

est possible pour la mesure tant de l'informalité que du non-enregistré statistique

en général. C'est pourquoi nous proposons d'abord un état de la question, qui

dresse un bref inventaire des thèses en présence et des débats en coursl. Ceci

nous permet alors de proposer quelques options de travail qui nous semblent

acceptables par les tenants des différentes thèses. Ce sont ces options qui nous

permettent de définir un contour de l'infonnalité et de proposer les moyens de la

mesurer. Mais il est important, au préalable, de préciser ce qu'on entend par

non-enregistrement statistique.

1On en trouvera une présentation détaillée dans la thèse de François ROUBAUD : voir ROUBAUD

François, Deux ou trois choses gue je sais de lui - le secteur informel au Mexigue, Thèse deDoctorat, Paris, 1991, 753 p., Chapitres 1 et II.

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..

- 19 -

1.1 LE NON-ENREGISTREMENT STATISTIQUE

Le non-enregistrement statistique est un phénomène vieux cmmne la

collecte statistique elle-même. Et cela fait partie du métier du statisticien que

de savoir repérer, puis estimer, ce qui fait défaut dans l'infonnation qu'il traite.

Ce phénomène prend des fonnes spécifiques à chaque domaine d'application, dont

celui de la statistique économique. En préciser les causes pennet alors d'en mieux

déterminer les caractéristiques.

1.1.1 Les causes du non-euregistrement

Pour mieux comprendre les causes du non-enregistrement, il est bon

de retracer la manière dont travaille le statisticien de l'économie. Définir les

phénomènes qui doivent faire l'objet d'une mesure ne relève pas en soi de sa

compétence. Cette tâche appartient aux économistes, qui doivent introduire les

concepts nécessaires à une telle définition. Or ceci nécessite une longue

démarche, qui va de la prise de conscience d'un nouveau phénomène à sa

description détaillée, en passant par l'inventaire des mécanismes sociaux qui

l'accompagnent. Et c'est au fur et à mesure du développement de ce processus

que la demande de mesure apparatt et se précise.

Dans le cadre des théories macroéconomiques actuelles, la demande

de mesure s'organise principalement autour de quelques grandes familles d'objets

économiques

les personnes et le travail qu'elles mettent en oeuvre,

les unités de production,

le patrimoine (physique ou financier) et sa valeur,

les flux de produits.

les flux de revenus.

Et on attend de la comptabilité nationale qu'elle propose une

présentation synthétique de tous ces objets.

n appartient alors aux statisticiens d'organiser la mesure de ces

différents objets, ce qui implique un certain nombre de tâches. n est d'abord

nécessaire de préciser, aux moyens de nomenclatures, le contenu et les contours

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- 20 -

de chaque phénomène à mesurer. Puis il faut choisir les événements qui

pennettront la production de nombres rendant compte du phénomène. Vient enfin

l'organisation proprement dite de ce comptage, au moyen de l'une des trois

procédures suivantes :

recensement,

enquête,

utilisation d'enregistrements administratifs.

C'est par rapport aux étapes successives de cette démarche qu'il est

possible de situer différents motifs de non-enregistrement:

al Un instrmnent statistique est spécialisé ; il vise une catégorie

d'objets. Mais par rapport au champ théorique qu'il se propose de mesurer,

certains des objets visés échappent à la saisie. Ceci représente un premier motif

de non-enregistrement statistique (motif 1 : couverture insuffisante).

bl n ne suffit pas qu'un objet soit saisi ; encore faut-il que la

mesure obtenue soit exacte, c'est-à-dire que l'infonnation recueillie soit

représentative du phénomène à mesurer. On constate en particulier de nombreux

cas de sous-évaluation de la mesure des phénomènes. Ceci représente un second

motif de non-enregistrE!!Jlent statistique (motif 2 : inexactitude de la mesure

élémentaire).

cl n existe enfin des objets pour lesquels le statisticien n'a pas

encore mis au point l'instrmnent pennettant de les mesurer, soit par manque de

méthode ou de moyens, soit en raison de la nature même des objets à mesurer (la

production de drogue, par exemple). Et ceci représente un troisième motif de non

enregistrement statistique (motif 3 : inaccessibilité du phénomène).

Pour autant, ces objets économiques qui échappent à la mesure ne

sont pas totalement invisibles. A défaut d'être mesurés, on en connatt pour le

moins l'existence, et on peut donc en faire une description qualitative. Et il est

fréquent que l'appareil statistique en fournisse par ailleurs des évaluations

indirectes. C'est en utilisant de telles infonnations indirectes que le comptable

national peut approcher une évaluation la plus complète possible des grandeurs

représentatives de l'économie d'un pays.

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En conclusion, on dira qu'il y a non enregistrement statistique dès

lors qu'un objet (ou un phénomène) économique échappe à la meslD"e directe du

statisticien, c'est-à-dire qu'il n'est pas enregistré par l'instrmnent construit pour

le mesurer.

Ceci peut être explicité au moyen d'un exemple par les

statistiques collectées auprès des employeurs, on peut obtenir une information

d'une part sur le temps de travail mis en oeuvre dans la production, et d'autre

part sur le nombre de postes de travail associés, ce qui correspond à des emplois

proposés. Simultanément, ce qu'on appelle "enquête emploi" donne le statut des

personnes par rapport au travail : être ou non une personne active occupée. Dans

certains cas, elle pennet de connaître aussi le nombre d'emplois que chaque

personne occupe, ainsi que le temps travaillé. Malgré leurs visées différentes, ces

deux enquêtes peuvent faire l'objet d'un recoupement, ce qui pennet la mise en

hunière de non-enregistrements statistiques de part et d'autre : emploi et temps

de travail d'un côté, population active occupée de l'autre.

1.1.2 Conséquences polD" notre propos

Les motifs du non-enregistrement sont donc variés, et ils peuvent se

rencontrer dans tous les domaines de la collecte statistique. En dresser

l'inventaire est une nécessité, mais" on ne peut utiliser directement la mesure qui

en est faite à des fins économiques : il y a différence de nature entre les deux

approches. Ceci nous conduit à faire les quelques commentaires suivants :

- Par rapport au champ des objets économiques, la frontière du non­

enregistré dépend partiellement du statisticien et de ses méthodes de travail, et

non de critères liés à l'analyse économique : nature des techniques utilisées, et

importance des moyens mis en oeuvre. De plus, ces éléments techniques peuvent

varier d'une enquête à l'autre. TI ne va donc pas de soi d'utiliser a priori la

frontière du non-enregistrement statistique cormne instrmnent de référence pour

l'analyse économique.

- Mais cette frontière résulte également, au moins pour

sous-ensembles, de phénomènes plus spécifiquement économiques,

comportement des agents qui fournissent l'infonnation. Les utiliser pour

certains

et du

l'analyse

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0.

- 22 -

et l'interprétation des phénomènes est alors possible. Mais d'autres éléments

peuvent intervenir simultanément. La prudence est donc de mise.

- Quoi qu'il en soit, cette frontière du non-enregistré échappe en

grande partie li la volonté du statisticien ; et elle est variable dans le temps.

Elle est donc d'une autre nature que celles résultant des nomenclatures utilisées

par le statisticien pour procéder li l'agrégation des données élémentaires qu'il

collecte. Ces dernières, plus volontaristes, peuvent être construites en fonction

des besoins de l'analyse économique.

- n est rare qu'un enregistrement statistique se fasse de manière

pennanente (c'est-à-dire en "temps réel"). La fréquence de celui-ci doit donc être

prise en considération. Pour le comptable national, une fréquence annuelle est

souhaitable, car elle pennet le suivi temporel (des comptes trimestriels sont plus

exigeants !). Certes, les recensements et les enquêtes ponctuelles apportent une

information précieuse (de nature structurelle) ; elles demeurent insuffisantes pour

les besoins du comptable national en matière d'évolution temporelle.

- En conclusion, on peut dire que le non-enregistrement statistique

est un phénomène obéissant à des règles bien spécifiques. Sa prise en compte en

comptabilité nationale nécessite en conséquence des traitements appropriés qui ne

peuvent que rarement s'appuyer sur des hypothèses de comportement socio­

économique. Par ailleurs, cette analyse confinne la différence de nature qui

existe entre ce phénomène et ce qu'on appelle l'économie informelle.

1.2 L'ECONOMIE INFORMET,T.E Dm 'IHEORIES CONTRAIICTOŒES

On peut distinguer deux grands courants qui s'intéressent au

phénomène de l'économie informelle, eux-mêmes ramifiés en plusieurs variantes.

Le premier d'entre eux est apparu en 1972, dans le cadre d'un rapport de l'OIT

sur le Kenya; il met l'accent sur l'existence d'un secteur infonnel dans les pays

en développement. Le deuxième trouve son champ d'application dans les pays

développés et parle plut6t d'économie souterraine. Bien que nous nous intéressions

ici aux seuls pays en développement, il est nécessaire de parler aussi de ce

deuxième courant, car certains proposent de s'en inspirer pour interpréter et/ou

mesurer la situation des pays en développement.

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1.2.1 La problématique de l'économie souterraine

C'est vers la fin des années 1970 que l'intérêt pour l'économie

souterraine se fait jour et qu'on s'interroge sur son importance effective dans

l'économie. On en arrive même à mettre en doute la qualité des résultats de la

mesure officielle. C'est ce dont D. BLADES rend compte, non sans humour, dans

un rapport publié par l'OCDE : "les taux d'épargne seraient biaisés, la taille et

la croissance de l'économie sous-estimée, le chômage exagéré, et avec l'hypothèse

plausible que le produit caché revient moins cher que son équivalent de

l'économie exposée, l'inflation serait surévaluée. Bref, la stagflation ne serait

rien d'autre qu'une illusion statistique".2

Quel est le champ proposé pour cette économie souterraine ? Deux

tendances se manifestent :

- une première approche inclut les activités qui échappent aux

autorités légales, en particulier dans le domaine fiscal, et plus largement tout ce

qui se fait en marge des régulations publiques; selon cette approche, il n'est pas

exclu qu'une partie de ce champ soit mesuré par la comptabilité nationale;

- la deuxième approche met l'accent sur la différence qui existe

entre l'économie "réelle" et ce dont les statistiques officielles rendent compte.

Dans ce dernier cas, encore faut-il définir le champ de ce "réel".

Certains veulent y inclure toute les activités domestiques, d'autres y mettent

également les activités criminelles. La tendance domine maintenant pour accepter

les bornes fixées par la comptabilité nationale en matière de production (Ces

bornes sont rappelées plus loin).

Par ailleurs, les méthodes les plus diverses sont proposées pour

mesurer cette économie souterraine. On peut les regrouper selon cinq grandes

familles

al Utiliser les écarts constatés entre'emplois et ressources, soit des

produits, soit des revenus. Les données utilisées peuvent soit provenir directement

des sources statistiques, soit résulter d'estimations complémentaires.

2 D. BLADES, The hidden economy and the national accounts in Occasional studies, OCDE, Paris,1982.

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'.

- 24 -

bl Utiliser des audits de type fiscal, ou des techniques de contrôle

de la bonne application des règles légales. Si l'échantillon d'individus choisis pour

ces vérifications est représentatif, une extrapolation est envisageable.

cl S'appuyer sur les données relatives au marché du travail, en

faisant des hypothèses sur la productivité des personnes dont l'emploi n'apparatt

pas dans les statistiques économiques.

dl Prendre appui sur des variables monétaires, en faisant l'hypothèse

que l'importance de l'économie souterraine se répercute sur la monnaie en

circulation.

el Se référer à un faisceau de variables susceptibles d'intervenir

dans la détermination du niveau de l'économie souterraine. A défaut de mesure

proprement dite, cette méthode pennet de construire un indicateur pour classer

les pays en fonction de l'importance qu'y occupe cette partie de l'économie.

1-2.2 Les problématiques du secteur informel

La notion de secteur infonnel provient d'une réflexion qui a été

menée principalement dans les pays en développement. Depuis sa date fondatrice

en 1972, cette veine analytique s'est montrée particulièrement prolifique. Au sein

de la diversité actuelle, on peut répartir les analyses proposées selon deux

grandes familles. La première privilégie la rationalité économique des producteurs

tandis que la seconde se fonde sur le couple légalité/illégalité.

a) Le secteur informel, une forme de production

Cette optique, défendue notamment par l'OlT, constate l'existence

d'un secteur dont la logique de production diffère de celle qui domine le reste de

l'économie. Le secteur informel se présente alors connne l'ensemble des activités

réalisées par des individus ayant pour objectif d'assurer la survie du groupe (le

ménage dans la majorité des cas) ; et il se développe en dehors de la mentalité

accumulatrice qui caractérise le capitalisme moderne. Cette analyse entraîne

directement un certain nombre de conséquences : utilisation de techniques

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intensives en travail, faibles revenus distribués et productivité limitée. n faut

voir dans l'émergence de ce secteur l'''hétérogénéité'' du marché du travail

provoquée par un excédent structurel de main-d'oeuvre et par une insuffisante

capacité du secteur moderne à l'absorber.

Ce courant d'interprétation prend plus particulièrement en compte

les particularités du marché du travail des PED latino-américains. Le progrès

technologique amène à privilégier le capital au détriment du travail, en adoptant

des techniques importées (malgré une dotation en facteurs qui donnerait un

avantage comparatif au travai1). L'existence simultanée d'un taux de croissance

élevé de la population active interdit toute réduction à long terme de ce secteur

informel, malgré l'extraordinaire dynamisme industriel qu'a connu le continent, au

moins jusqu'au début des années 80.3

Cette approche privilégie l'emploi (faut-il s'étonner que l'OlT en ait

fait son cheval de bataille ?). Si elle n'a pas beaucoup évolué depuis 15 ans d'un

point de we technique, elle a modifié son appréciation sur le rôle de ce secteur

informel dans le développement économique. On est passé, en effet, d'un secteur

informel, refuge pour une population condamnée au chômage, exclue de la

"modernité" et de ses bienfaits, à un secteur infonnel générateur de dynamiques

propres, susceptible de contribuer de façon notable à la croissance, voire à une

stratégie de sortie de crise.

Ce courant regroupe des chercheurs qui ont souvent été associés à

l'action des organisations bilatérales ou multilatérales, soit à titre de consultants,

soit à titre d'experts. Cette position particulière dans le champ de la recherche,

caractérisé par un lien assez étroit avec les pouvoirs publics et les bailleurs de

fonds, explique leur intérêt prédominant pour des stratégies concrètes de

développement incluant la promotion du secteur infonne!.

On enregistre cependant un bilan contrasté sur le rôle que joue ou

pourrait jouer le secteur infonnel dans le système productif. Ce sont surtout les

potentialités à long tenne de ce secteur qui cristallisent les divergences. La

3 PREALC, Mas alla de la crisis, OIT, PREALC, Santiago, 1985.

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publication de l'ouvrage de l'OCDE sur les nouvelles approches du secteur

informel montre que ce doute n'est pas une interrogation propre à l'Amérique

Latine, puisqu'en Afrique aussi les points de vue divergent. A la vision

résohunent optimiste adoptée par J. CHARMES, s'oppose le point de vue de

P. HUGON, pour qui "le secteur infonnel ne constitue pas la panacée, ni la base

d'un modèle alternatif de développement".4

h) Le secteur informel. secteur enraIégal

Le second courant de pensée, plus récent en Amérique LatineS,

retient pour le secteur infonnel l'ensemble des activités irrégulières, que leur

exercice sOit illégal, ou qu'elles ne satisfassent pas aux normes fiscales, à la

législation du travail ou au droit commercial. Une certaine proximité existe donc

avec l'analyse de l'économie souterraine.

Ce courant se développe selon deux orientations divergentes, selon

que les auteurs prennent leur inspiration dans l'idéologie marxiste, ou dans

l'idéologie libérale.

L'extralégalité générée par les stratégies de reconversion du capital

Cette première façon d'appréhender le lien à l'Etat est bien

représentée par des auteurs comme CASTELLS, PORTES et BENTON'. Pour eux,

la crise des années 80 a provoqué l'éclosion de fonnes atypiques d'emploi

permettant d'abaisser les coûts salariaux. La reproduction du secteur infonnel

reflète alors la nécessité fonctionnelle du système capitaliste de s'assujettir les

fonnes non capitalistes de production, pour maintenir un taux de rentabilité

acceptable. Et l'accent est mis sur les stratégies de flexibilisation de la main­

d'oeuvre et de délocalisation de la production. n y aurait donc un lien entre ce

qu'on observe dans les pays en développement et les nouvelles formes de gestion

du travail dans les pays développés.

4 OCDE, Nouvelles approches du secteur informel, Paris, 1990.

S Cette thèse se rêpand aussi en Afrique: cf. Janet HacGaffey, Zaire's hidden revolutionthe second economy.

6 CASTELLS, PORTES et BENTON, The informal economy in industrialized and less developedcountries, John HOPKINS, University Press, 1990.

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Selon cette approche, l'économie informelle n'est pas un objet. Elle

ne doit pas non plus être considérée de manière autonome, mais dans le cadre

d'un processus historique où activités formelles et informelles sont profondément

imbriquées. Pour des raisons de coûts, certaines entreprises renoncent au moins

partiellement à l'embauche de salariés déclarés, préférant faire appel à des sous­

traitants, ou à un réseau de travailleurs à domicile. Parallèlement, les grandes

firmes diversifient les statuts de la main d'oeuvre à l'intérieur même de

l'entreprise, avec multiplication des emplois précaires, ce qui permet un

ajustement plus rapide aux évolutions de la demande. Le secteur informel devient

ainsi un segment non régulé, mais directement subordonné au secteur capitaliste.

Finalement, la ligne de rupture formel/informel ne passe plus seulement par la

coexistence de deux types d'unités de production (hétérogénéité structurelle) mais

traverse aussi les entreprises du secteur moderne.

- L'extralégalité, stratégie de survie face aux entraves bureaucratiques

Le péruvien H. de SOT07 incarne cet autre courant d'interprétation

de l'informalité, vue cmmne activité extralégale. Pour lui, c'est l'existence d'un

Etat mercantiliste, distribuant des privilèges à une caste d'entrepreneurs bien en

cour, qui amène à la marginalisation. Par son excès de réglementations, il rend

les coûts de la légalisation exorbitants. Le non-respect des lois devient alors le

seul moyen de survivre et d'exercer son "esprit d'entreprise".

Qu'est-ce qui pousse une grande partie de la population active à

agir dans l'illégalité ? Pourquoi tant d'occupations illégales de terrains urbains,

pourquoi tant de vendeurs dans la rue ? C'est que le prix de la légalité, ou

mieux, de la légalisation, est tout bonnement inaccessible pour un entrepreneur

aux moyens modestes. Pour démontrer leur thèse, l'auteur et l'institut qu'il dirige

ont réalisé une expérience. Ds ont créé des unités économiques informelles

fictives, et ils ont tenté de les légaliser. na ont ainsi constaté qu'il faut en

moyenne 80 mois à une personne de faibles revenus pour obtenir un permis de

construire, plus de trois ans à un conducteur "informel" pour devenir "formel", et

7 De SOTO H., El otro Sendero, Ed. Oveja negra, Bogota, 1986.

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dix-sept ans à un groupe de vendeurs ambulants pour sortir de la rue. Ce petit

calcul fait abstraction du coût monétaire induit, ainsi que des nombreux pots-de­

vin incontournables.

C'est ce courant de pensée qui a tenté d'appliquer aux PED les

techniques macro-économétriques sur les statistiques monétaires afin de mesurer

l'économie informelle, et par là, essayé de rapprocher l'analyse de l'économie

souterraine dans les pays développés de celle du secteur informel dans les PED.

1.2.3 Essai de lecture cœnparative

Si on met en regard d'un côté la thèse de De SOTO et de l'autre

celle de PORTES et BENI'ON, on note bien une différence dans le rôle que joue

le rapport à la loi. Pour le premier, les activités sont extralégales parce qu'elles

sont entravées et en partie stérilisées par le carcan des régulations publiques.

Les seconds, en revanche, stigmatisent les pratiques extralégales des entreprises

capitalistes, lesquelles considèrent le facteur travail conune un coût qu'il faut

réduire au maximmn. La main-d'oeuvre y est sacrifiée sur l'autel de la

rentabilité.

Mais dans les deux cas la causalité retenue va à l'encontre de celle

développée par la thèse dans laquelle se retrouve l'OlT. Pour cette dernière, en

effet, l'illégalité n'est qu'une des conséquences possibles de l'infonnalité, la

marque éventuelle d'une inadéquation de la législation, incapable de réguler une

forme de production profondément différente de celle mise en oeuvre par les

grandes firmes capitalistes.

Ce bouleversement de perspectives amène à des conclusions

diamétralement opposées. Pour le courant développé au sein de l'OIT, les

économies des PED ne sont pas en mesure de distribuer les fruits de la

croissance (ou d'équilibrer le fardeau de la stagnation), compte tenu de leur place

dans le concert des nations ; d'où la nécessité des interventions publiques. La

perspective de BENTON et PORTES incite au contraire à remettre en question le

rôle joué par la puissance publique, subordonnée au capital privé. Dans le

troisième cas, enfin, l'intervention de l'Etat, avec son cortège de distorsions et

d'inefficacités, est justement la cause de la prolifération du secteur informel.

C'est bien sûr le retrait de l'Etat qui est prôné. Finalement, chacun soulève un

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TABLEAU N° 2

LES TROlS COURANI'S DE PENSEE SUR LE SECTEUR INFORMEL

POSITION RECOMMANDATIONIDEOLOGIQUE DEFINITION DE POLITIQUE MODE DE -

ECONOMIQUE

Thèse 1 Keynésiens et Logique de Politiques actives Méthodes directesnéo-keynésiens production d'emploi et de re- (enquêtes auprès

distribution des des ménages, desrevenus entreprises)

Thèse 2 Néo-marxistes Position vis-à- Remplacement de Couverture de lavis des régula- l'Etat capitaliste main-d'oeuvre partions publiques les organismes de

Sécurité Sociale

Thèse 3 Néo-classiques Position vis-à- Retrait de - Méthodes indi-et libéraux vis des régula- l'intervention rectes monétaires

tions publiques de l'Etat croisement desources)- Audit (typesfiscaux)

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pan du voile, pour découvrir ce qu'il a envie d'y voir, en fonction de sa

discipline, de ses centres d'intérêt ou de son idéologie.8

Un point d'accord, certes marginal par rapport à l'argumentaire de

chacun, peut cependant être dégagé : l'informalité se situe en marge de la

régulation publique. Et c'est pourtant ce point d'accord marginal qui va nous

pennettre d'introduire le fondement de notre démarche.

Pour terminer cette présentation sommaire, on peut résumer les

principales différences entre ces trois écoles de pensée sur le secteur infonnel au

moyen d'un tableau synoptique <tableau n° 2). On en profite pour indiquer

également les méthodes que chacun propose pour la mesure du phénomène de

l'informalité.

Cette grande confusion autour du concept de secteur informel a

engendré un quatrième courant de pensée, celui du "rejet". Face à l'incapacité

des chercheurs à préciser les contours du secteur infonnel, devant l'absence de

consensus à l'égard de sa définition depuis près de vingt ans, un nombre croissant

d'auteurs le remettent aujourd'hui en question. ns proposent d'abandonner la

notion de secteur infonnel parce qu'elle brouille plus qu'elle ne sert

l'appréhension de la réalité économique des PED.

8 C'est le constat que fait S.M. MILLER, en concluant qu'il devient impossible de reconstituerune image cohêrente des divers rêsultats accumulês The pursuit of informal economies, AnnalsAAPSS 493, Septembre 1987, pp. 26-36.

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CHAPITRE II : QUAmE OPTIONS METHODOLOGIQUESPOUR RENDRE LA MESURE POSSIBLE

La multiplicité des thèses avancées rend difficile, sinon impossible,

le choix pour la mesure de l'infonnalité de cadres conceptuels trop

rigoureusement liés à l'analyse économique. Quelles grandeurs retenir en effet,

qui puissent satisfaire les besoins d'analyse spécifiques à chacune des thèses

avancées ? Certes, chaque école propose ses concepts et ses méthodes pour

mesurer les agrégats représentatifs de sa théorie. Mais de telles mesures restent

très sommaires, et leur mise en oeuvre dans le cadre de travaux plus détaillés

pourrait se révéler complexe. De plus, il serait particulièrement difficile, au

niveau de recmmnandations internationales, de privilégier l'une d'entre elles au

détriment des autres.

Faut-il alors renoncer à toute mesure des phénomènes que nous

venons de décrire ? Telle n'est pas notre position. Car l'expérience du terrain

nous suggère une manière plus pragmatique d'aborder le problème, qui permette

en quelque sorte de se placer en amont des théories en présence. n existe en

effet la possibilité de discerner au sein des agents économiques proposés par la

comptabilité nationale un sous-ensemble pour lequel une approche statistique

spécifique est concevable, sous-ensemble dont le contour peut être défini sur la

base de l'accord marginal constaté au paragraphe précédent : l'informalité se

situe à la marge de la régulation publique9.

Une telle définition a d'abord l'avantage de laisser la porte ouverte

aux analyses les plus diverses, dans le cadre de l'une ou l'autre des thèses

avancées. Mais elle ouvre aussi un itinéraire possible à la mesure effective de ce

phénomène, car sur la base d'une telle définition, il devrait alors être possible de

procéder à des analyses multiples, dans le cadre de l'une ou l'autre des thèses

9 On rejoint en cela un des critères proposês par l'On en 1987, dans le cadre de sa 14"confêrence intemationa1e : "ces unitês (du secteur informel) se considèrent cOlllllle cachêesdans 1a mesure où elles manquent de l' approbat ion formelle des autori tês, et êchappent aumêcanisme administratif chargê de veiller a l'accomplissement des lois sur le salaire minimumet l'impOt, ou d'autres instruments similaires relatifs aux questions fiscales ou auxconditions de travail". On remarquera cependant que d'autres critères sont êga1ement avancês,d'où une approche mu1ti-critêre sur laquelle nous revenons au terme de ce chapitre.

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avancées. Car la réalité de l'infonnalité est diverse, protéifonne, ce qui pennet

d'ailleurs à chacun de privilégier tel ou tel aspect, selon les besoins de la thèse

qu'il défend. De plus, elle interfère avec le phénomène du non-enregistrement

statistique, avec lequel certains ont tendance à la confondre.

C'est pourquoi nous proposons en premier lieu un inventaire

rigoureux du non-enregistrement statistique, afin d'en partager le champ en

segments homogènes. Deux démarches complémentaires sont alors entreprises :

- spécifier d'abord les problèmes de mesure qui se posent pour

chacun de ces segments;

- positionner ensuite l'infonnalité au regard du non-enregistrement,

ce qui ouvre la voie à la méthode recherchée pour la mesurer.

La mise en place d'une telle méthode nécessite l'acceptation de

quatre options préalables. Leur présentation nous donne l'occasion d'argumenter

les choix proposés et de montrer leur compatibilité avec les diverses thèses en

présence.

En revanche, c'est seulement dans le cadre des 4 0 et 50 parties de

ce document qu'est proposée une description détaillée de la méthode. Quelques

détours méthodologiques sont en effet nécessaires pour en expliciter le contenu.

2.1 PREMIERE OPTION

IEVELOPPEMENT

UNE DEMARCHE SPECIFIQUE AUX PAYS EN

Les différences entre pays développés ou en développement se

manifestent également dans le domaine des activités infonnelles. Et c'est pourquoi

des analyses différentes ont été développées sur la question. Si le thème de

l'économie souterraine (cf. 1.2.1) s'adapte mieux aux pays développés, c'est parce

que dans de tels pays, l'Etat dispose de moyens importants pour faire appliquer

les règles du jeu; c'est la raison pour laquelle l'infonnalité est "souterraine", car

elle doit tout faire pour se cacher des pouvoirs publics.

Dans les PEn, en revanche, et sans prendre parti sur les thèses en

présence pour en interpréter le fait, on constate que le phénomène de

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l'infonnalité est associé à une faiblesse administrative et politique de l'Etat.

C'est ainsi qu'une frange importante de la population peut développer ses

activités économiques en dehors des régulations publiques, sans qu'on puisse pour

autant parler de travail au noir. Et on constate de plus que le champ des

activités informelles est très différent dans l'un ou l'autre cas.

Simultanément, cette faiblesse de l'Etat a pour corollaire une bien

moindre efficacité des services statistiques, en particulier par insuffisance des

moyens mis en oeuvre. Du coup, le non-enregistrement statistique y est plus

important, et prend des fonnes différentes. C'est en particulier le cas de la sous­

déclaration liée à la fraude fiscale, pour laquelle il n'existe par ailleurs aucun

indicateur fiable (un tel indicateur tiré des contrôles fiscaux est utilisé dans les

pays développés pour évaluer ce type de sous-déclaration).

Tout ceci explique pourquoi il nous semble absohment nécessaire de

traiter séparément chacun de ces groupes de pays. Et dans ce document, nous

faisons le choix de restreindre nos propositions aux seuls PED. D'autres solutions

sont nécessaires pour les pays développés, et certaines existent déjà. Enfin, nous

pensons préférable de limiter l'emploi du terme économie informelle à la situation

des PED, réservant le terme d'économie souterraine à celle des pays développés.

2.2 IEUXIEME 0P110N LA COMPTABILlTE NA'I10NALE COMME CADRE lE

REFERENCE

Plusieurs arguments militent pour retenir une telle option. Quatre

d'entre eux ont plus spécialement retenu notre attention :

- Mesurer l'économie infonnelle est en soi intéressant ; mais il

importe sans doute encore plus de la situer par rapport aux autres aspects de

l'économie nationale. Assurer la cohérence des deux mesures est donc essentiel,

et seule la comptabilité nationale le permet.

- Dans la mesure où une part très importante de l'économie

informelle échappe à l'enregistrement statistique, le seul moyen d'en faire une

mesure un peu rigoureuse passe par ,la mise en oeuvre des grands équilibres que

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- 34 -

proposent les comptes nationaux. C'est ce que nous explicitons dans le

4· chapitre de ce document.

- S'insérer dans le cadre de la comptabilité nationale fournit la

possibilité d'accéder à l'usage de concepts déjà bien rodés. n est vrai que

certains économistes n'hésitent pas à les brocarder, les considérant désuets, ou

trop marqués par une approche idéologique qu'ils ne partagent pas. On trouve

aussi que la définition retenue comme contour pour la production exclut des

éléments importants de la création infonnelle de valeur (dans l'espace non­

marchand des ménages, par exemple). Les débats en cours pour la 4· révision du

SCWO montrent cependant que ces concepts évoluent, dès lors qu'une

fonnalisation suffisamment rigoureuse a pu être mise en place.

- On ne peut ignorer enfin l'intérêt que l'usage de la comptabilité

nationale représente pour homogénéiser les discours et permettre les comparaisons

internationales.

Une telle option va dans le sens des recherches actuellement

entreprises pour fonnaliser les concepts relatifs à l'économie infonnelle. Dès

1982, les statisticiens du travail, sous l'impulsion de l'OIT, se sont montrés

intéressés par l'élaboration de méthodologies et de définitions permettant de

repérer la population active employée dans le secteur informel. Leurs 13ème et

14ème conférences internationales se sont penchées sur ces problèmes, et ce

thème est inscrit à l'ordre du jour de la 15ème conférence, qui devrait avoir lieu

en 1993. L'objectif explicite de ces tentatives menées conjointement entre l'OIT

et le département de comptabilité nationale des Nations Unies est d'aboutir à un

accord sur la fonnulation de recormnandations opérationnelles pour la définition et

la mesure du secteur informel, non seulement en termes d'emplois, mais aussi pour

sa prise en compte spécifique dans les comptes nationaux. Notre objectif est de

nous inscrire dans la lignée des travaux ébauchés par ces institutions, et de

contribuer ainsi à l'élaboration d'un corpus méthodologique généralisable à

l'ensemble des pays en développement.

10 SCN Système de Comptabilitê Nationale des Nations-Unies.

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- 35 -

On notera par ailleurs que ce besoin d'intégration de la mesure ne

concerne pas seulement le secteur informel. C'est l'ensemble du non-enregistré

qu'il est souhaitable de connattre et de situer par rapport aux éléments

directement connus. Or seule la comptabilité nationale peut également donner un

cadre pour y parvenir.

De nombreux efforts visant à intégrer l'économie non-enregistrée

statistiquement aux cadres de la comptabilité nationale ont déjà été entrepris

depuis un certain temps ; plusieurs expériences peuvent être citées pour des pays

africains ou latino-américains. Elles n'ont pas pour autant cherché à en isoler

l'importance, ni à faire apparattre cmmne telle une activité informelle. Une telle

préoccupation est apparue plus récemment : en 1982, J. CHARMES publie un

article dans la rewe Stateco, intitulé : "Le secteur non structuré dans les

comptes nationaux : l'expérience tunisienne"11. Le programme pionnier d'enquêtes

sur le secteur informel, entrepris dans ce pays, a servi ultérieurement à

l'amélioration de la couverture des comptes des entreprises non financières. Pour

autant, les comptes nationaux rénovés mis en place dans ce pays n'ont pas plus

donné lieu à la prise en compte spécifique d'un secteur informel (ou "non

structuré").

2.3 TROJSIEME 0P110N : PRIVILEGJER LES llNl'n5 PROŒJCTR1CES

L'infonnalité, telle qu'elle est décrite par les différents auteurs, est

habituellement associée à la notion d'activité économique, et non à celle des

produits qui en sont l'output. Car les produits réalisés dans la sphère de

l'infonnalité ne sont pas nécessairement différents des autres. Mais il existe dans

la comptabilité nationale plusieurs approches permettant d'interpréter l'activité

productrice

- l'emploi,

- l'unité productrice (établissement ou unité institutionnelle).

Il CHARMES J., Le secteur non structurê dans les comptes nationaux l'expêrience tunisienne,STATECO n° 31, INSEE, Paris, Septembre 1982.

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- 36 -

On pourrait être tenté de retenir simultanément ces différentes

approches pour analyser l'activité informelle. Le mépris du droit du travail n'est

pas réservé aux seules unités pouvant être considérées comme informelles: il est

fréquent que des entreprises formelles, même importantes, distribuent des salaires

inférieurs aux minima légaux, ou bien ne déclarent qu'une partie de leurs

employés aux organismes de sécurité sociale.

Pourtant, c'est seulement l'approche par les unités productrices qui

permet d'associer une production, et donc un revenu créé, à l'informalité. Car

l'emploi comme tel est un facteur, dont on ne mesure que la rémunération.

Mesurer le poids de l'économie informelle, faire l'inventaire des facteurs qu'elle

utilise, évaluer ses coûts, rechercher des moyens d'intervention pour une politique

spécifique, et plus largement situer l'informalité dans l'économie nationale

supposent donc que soit privilégiée l'approche par les unités productrices. Reste à

faire le choix entre établissement et unité institutionnelle, ce qui suppose un

détour par la comptabilité nationale.

Le champ de l'économie informelle étant délimité à partir des unités

productrices, il en résulte que les salariés non déclarés d'unités de production

extérieures à ce champ ne sont pas considérés comme travaillant dans le secteur

infonnel. Or il est certain que cette main-d'oeuvre salariée se trouve dans une

situation sociale assez voisine de celle des salariés employés chez les producteurs

informels ; il n'y a de cotisations sociales ni pour les uns ni pour les autres; et

il est probable que le passage d'une situation à l'autre soit fréquent. n est donc

nécessaire de prévoir également le moyen de distinguer cette forme d'emploi ;

nous faisons des propositions en ce sens au chapitre 5. Mais nous ne pensons pas

souhaitable de parler d'emploi informel : cet adjectif devrait être réservé aux

seules unités productrices. Et c'est pourquoi nous préférons parler par la suite

d'emploi non déclaré.

2.4 QUATRIEME OPI'ION : DEFINIR UN SECTEUR INFORMEL

Sans préciser davantage pour l'instant le sens à donner au terme de

secteur, son emploi veut signifier qu'il s'agit d'associer à la notion d'infonnalité

le concept d'une population économiquement homogène. n s'agira donc en

l'occurrence d'un regroupement d'unités productrices.

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..

- 37 -

L'enjeu est ici de définir un tel comportement jugé homogène, grâce

auquel on. puisse définir un "secteur informel", sans qu'il s'agisse pour autant de

prendre parti entre les différentes hypothèses avancées pour en expliquer

l'existence.

Dans quelle mesure une telle homogénéité est-elle repérable, en

dehors des approches présentées ci-dessus? Cette homogénéité peut se révéler à

travers les comportements que manifestent les agents économiques dès lors qu'on

les interroge avec un peu plus de précision.

Dans les pays développés, l'accent est mis sur la volonté délibérée

d'échapper au système d'enregistrement obligatoire ; on parle ainsi d'économie

cachée, en référence à des stratégies d'occultation volontaire des facteurs de

production (travail ou capital).

Dans les PED, en revanche, il est fréquent de passer à travers les

mailles du filet des réglementations publiques, sans nécessairement chercher à

tirer avantage de cette extériorité. Les défaillances déjà signalées du système

d'enregistrement peuvent expliquer qu'une partie des activités proprement

économiques lui échappe. C'est ce que montrent les enquêtes sur le secteur

informel réalisées au Mexique. Non seulement le refus de répondre à des

questions sensibles (cormne les revenus, l'affiliation à la sécurité sociale, ou le

respect de la législation fiscale) est négligeable, mais l'innnense majorité des

micro-entrepreneurs déclarent ne pas payer d'impôts, quand bien même les

bénéfices tirés de leur activité sont importants. Lorsqu'on interroge les dirigeants

de ces micro-activités sur les raisons du non-enregistrement, on constate qu'ils ne

se plaignent pas d'une régulation publique excessive (argument invoqué par

certains pour expliquer l'"innnersion" des activités souterraines), mais expriment

leur méconnaissance des législations. Pour le secteur informel, l'Etat n'existe pas.

Ces résultats sont confirmés par des enquêtes similaires réalisées dans d'autres

pays, au Pérou notamment.

Un tel constat ne veut pas dire pour autant que le comportement de

fraude n'existe pas dans ces pays, ni que l'absence d'enregistrement ne résulte

jamais d'une volonté délibérée d'y échapper. Mais il importe surtout de constater

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que les comportements sont divers, et que la situation de "marge" peut ne pas

~tre délictueuse.

Finalement, ce constat de terrain rejoint le point d'accord marginal

que nous constations entre les différentes théories en présence : les unités

productrices informelles se situent en marge de la régulation publique les

concernant. Retenir un tel critère pour définir le secteur informel devient alors

concevable. Et ce que révèle l'expérience de terrain nous informe que le

statisticien ne devrait se heurter que marginalement à un refus de réponse de la

part d'entrepreneurs interrogés sur la base d'un tel critère.

Pour compléter l"analyse, et mieux situer le choix proposé par

rapport aux différentes formes de non-enregistrement statistique rencontrées dans

le cadre des activités marchandes, nous en proposons une lecture synthétique dans

le cadre du tableau n° 3.

TABLEAU N° 3

LES TROlS DIMENSIONS MAJEURESDE L"ECONOMIE MARCHANDE NON-ENREGISTREE

SECTEUR INFORMEL FRAUDE, EVASION ACTIVITES ILLICITESFISCALE (trafic de drogue)

thûtés écononnques Unités enregistrées Unités illégalesUNIVERS non-enregistrées sous-déclarant

par l"administration

LOGIQUE Survie, auto-emploi, Baisse des coûts SurprofitsDE organisation de production délictueux

PRODUCTION traditionnelle

MODE Enqu~tes spécifiques Audits de type Méthodes indirectesDE à définir fiscal (flux physique)

SAISIE

INTEGRATION Création d'un Correction du biais Réestimation parALA secteur spécifique dû à la produit

COMPTABILITE sous-évaluationNATIONALE

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Ces trois dimensions ne sauraient être confondues. Elles relèvent de

logiques de production différentes, impliquent différents types d'acteurs et ne

peuvent être statistiquement appréhendées que par des méthodes propres à

chacune. A notre connaissance, la mise en oeuvre simultanée de ces trois

espaces, et des méthodes d'élaboration qui leur sont associées, n'a pas encore été

réalisée concrètement. De plus, une méthode cormne le redressement de la

production à partir des campagnes d'audits fiscaux n'est pas pertinente dans le

cas des PEn. Or, c'est bien à l'évaluation de l'ensemble qu'il faut parvenir. Les

propositions que nous faisons répondent à cet objectif.

NOTE: Pourquoi préférer une définition uni-aitère

On peut constater que notre quatrième option retient un aitère unique pour la définition du secteur

Informel. Nous nous plaçons ainsi en rupture avec les approches multi-altères qui ont prévalu dans ce domaine au cours

des années 70. Troisaitlques principales peuvent en effet Itre adressées à l'encontre de cette demière solution.

1/ En premier lieu, les définitions multi-altères sont particulièrement malaisées à mettre en oeuvre, eu égard à la masse12

d'Informations qu'elles requièrent.

2/ En second lieu, la multiplicité des aitères peut conduire à la juxtaposition de populations statistiquement hétérogènes.

A titre d'exemple noUl citerons le cas de l'enqulte sur l'emploi Informel réalisée au Mexique en 1976. 81e utilisait

commelndlcateursd'Informallté lesaitères présentés au tableau n04.

Selon cette enqulte, tout actif occupé percevant moins de 110% du salaire minimum en vigueur et

dont l'emploi "'rifle au moins deux des quatre autres aitères utilisés est considéré comme informel. Cans ce contexte, les

contours de l'emploi Informel sont particulièrement flous, puisqu'on ne peut pas savoir a priori quels aitères sont "'rifiés

par tel ou tel membre de la population active Informelle, ni si ces aitères sont effectivementcorr"és entre eux.

3/ Enfin, les définitions multi-altères affaiblissent le contenu analytique du secteur inf9rmel. Pour Illustrer ce propos nous

en prendrons un nouvel exemple. En 1972, le rapport du BIT aur le Kenya énumérait septaitères d'informalité :13

12CHARMES J.. !CAMOUN A.. Emploi et sous-emploi dans le secteur non-structuré des pays en

développement. Concepts et méthodes d'observation. Conununication a la session centenaire deIlS. Amsterdam. Août 1985.

13 .ILO. Employment. Incarnes and Equality. A strategy for Increasing Productive Employment in

Kenya. Genêve. 1972.

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- 40 -

•facilité d'accès pour les nouveaux entrants,

· utilisation par les entreprises de ressources locales,

· ces entreprises ont un caractère fami liai,

.Ies marchés où elles opèrent sont concurrentiels et non réglementés,

. l'échelle des opérations est restreinte,

· les techniques mises en oeuvre sont à forte densité de main d'oeuvre,

.Ies travailleurs ont acquis leur qualification en dehors du s~ème scolaire.

Dans une telle perspective, les caractéristiques économiques du secteur informel sont posées ex ante.

Toutes les conclusions que l'on peut tirer en termes de combinaisons productives ou de technologies, de qualification de

la main d'oeuvre, de formation des prix ou de rendements d'échelle ne sont que de pures tautologies, dans la mesure où

ces caractéristiques appartiennent à la définition elle-même du secteur informel.

Notre proposition, en ne retenant que le non-enregistrement administratif pour définir le secteur

informer, ne postule aucune "homogénéité forcée" dans les comportements économiques de ce secteur. La cohérence

éventuelle découlera de l'analyse empirique et pourra être considérée comme une propriété forte du secteur informel.

TABLEAU N° 4·

INDICATEURS D'INFORMALITE DES EMPLOISDANS L'ENQUETE DE 1976 ("EXIQUE)

EMPLOIS ET EMPLOYES PATRONS ET TRAVAILLEURSINDEPENDANTS

1. Niveau de revenu (110 %du salaire minimum 1. Niveau de revenu (110 %du salaire)

2. Nature du contrat de travail 2. Droit a des services mêdicaux

3. Droit a des services mêdicaux 3. Affiliation a des organismes syndicaux

4. Droit aux prestations sociales 4. Licence dêlivrêe par un organisme public

5. Affiliation a des organismes syndicaux 5. Accès aux organismes formels de crêdit

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- 41 -

CHAPITRE III : LA COMPTABIU1E NATIONALEFAIT PEAU NEUVE

Instnunent privilégié de la mesure macroéconomique, la comptabilité

nationale est devenue incontournable tant pour les économistes que pour les

statisticiens. Elle demeure pourtant ésotérique pour un certain nombre d'entre

eux, tant à cause de sa complexité conceptuelle qu'en raison du mystère qui

entoure le plus souvent son élaboration. Ceci explique sans doute en grande

partie pourquoi la plupart des tentatives faites pour évaluer l'économie informelle

se sont développées en dehors de cet instnnnent de mesure. D faut y voir aussi

l'insufÏ1S8Jlce des moyens dont disposaient ceux qui ont entrepris ces premières

évaluations.

Un saut qualitatif semble pourtant nécessaire en la matière. Et au­

delà des arguments avancés au chapitre précédent pour justifier notre deuxième

option, le choix du cadre de la comptabilité nationale correspond également à la

nécessité de mettre en oeuvre de plus amples moyens pour la réalisation de cette

mesure.

Mais une telle option suppose une bonne connaissance de

l'instrmnent, y compris dans ses développements les plus récents. Au lecteur qui

souhaiterait mettre à jour ses connaissances, nous proposons en annexe 1 un

inventaire assez détaillé de tous les concepts dont la connaissance est nécessaire

pour comprendre les choix que nous avons retenus. Et nous consacrons ce

troisième chapitre, d'une part à la présentation critique des nouveaux concepts

que la prochaine révision du SCN devrait introduire, et d'autre part à quelques

compléments méthodologiques dont l'introduction nous est apparue nécessaire. Mais

sans doute est-il bon de faire d'abord le point de cette révision en cours, dont

nous avons décidé d'anticiper les résultats dans le cadre de notre travail.

La mise au point de la comptabilité nationale comme instrmnent de

mesure dans le champ de la macroéconomie s'est faite de manière très

progressive. Et il fallu beaucoup de temps pour qu'un accord se fasse au niveau

international en faveur d'un instrmnent normalisé, le SCN (Système de

Comptabilité Nationale). Sa première version, très rudimentaire, date de 1953. Et

c'est la version mise au point en 1968 (encore appelée 3° révision) qui est

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- 42 •

actuellement recommandée par les Nations Unies. C'est elle qui est actuellement

retenue par la grande majorité des pays qui élaborent, ou souhaitent moderniser,

leur comptabilité nationale.

Cette normalisation internationale présente un défaut : la lourdeur

des procédures permettant de l'adapter aux nouveaux besoins qui se font jour.

Une révision, la quatrième, est pourtant en chantier depuis quelque temps, et

devrait être officialisée en 1993. Des documents provisoires en ont déjà été

diffusés, et les principales modifications envisagées sont maintenant arrêtées par

le groupe d'experts chargé de son élaboration. n est donc possible de se placer

dès à présent dans cette nouvelle perspective, et c'est le choix qui a été fait. . 14lCl.

Cette prochaine version du SCN évoque les questions que soulève la

prise en compte de l'économie informelle et en recommande la mesure. Mais elle

n'en propose pas une définition rigoureuse, ne voyant pas quels critères retenir,

qui pourr8ient être communs à tous les pays. Elle n'apporte par ailleurs aucune

solution spécifique pour en réaliser la mesure. Mais il est bon de préciser que le

nouveau manuel prévu ne contiendra pas de recommandations pour ce qui

concerne les méthodes d'élaboration.

En revanche, la nouvelle version insiste sur la grande souplesse que

le système doit laisser à chaque pays pour adapter et compléter l'instrument en

fonction des besoins qui lui sont propres. C'est sur cette souplesse que nous nous

appuyons pour proposer un complément au système, car nous pensons possible d'y

incorporer des propositions permettant la définition et la mesure d'un secteur

informel pour les pays en développement.

14 Par le fait même, nos propositions ont donc elles-m@mes un caractère provisoire. Il faudratenir compte de la révision définitive pour procéder aux ajustements nécessaires. D'autrepart, les textes provisoires n'existent que dans une version anglaise, et les termes françaiscorrespondants n'ont pas encore été arrêtés. Ceux qui sont proposés ici le sont donc sous laseule initiative des auteurs.

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3.1 LES INNOVATION3 lE LA REVlSlON ..

Fondamentalement, la révision en cours de préparation ne modifie

pas l'esprit de la démarche qui avait inspiré la précédente révision proposée en

1968. C'~t plutôt à un approfondissement qu'elle procède, cherchant d'une part à

tirer les meilleures conséquences des principes déjà énoncés, et proposant d'autre

part des solutions à de nombreux points qui étaient jusqu'à présent restés dans

l'ambre. Cela n'exclut pas pour autant quelques innovations plus marquées ; et

surtout la mise au point de réponses appropriées aux nouveaux phénomènes

économiques ayant fait leur apparition au cours des deux dernières décennies.

n n'est pas dans notre propos d'énoncer ici toutes les innovations

que devrait comporter la nouvelle révision. Nous nous limitons en effet aux seules

modifications ou nouveautés signüicatives qui interfèrent avec les propositions

que nous faisons pour définir un secteur informel et le mesurer.

3.1.1 Un léger élargissement du champ de la production

La nouvelle révision ne change pas le concept de production, mais

prend en compte de manière plus systématique la production de biens que les

ménages réalisent pour eux-mêmes (pour compte propre). Pour les services, en

revanche, le champ de cette production reste le même que dans la précédente

révision (il s'agit du service de logement pour compte propre et des services

domestiques réalisés par du personnel salarié).

La nouveauté porte surtout sur la manière de traiter la production

pour compte propre, qu'elle soit le fait des entreprises ou des ménages. Toute

cette production est maintenant considérée cormne non-marchande ; mais elle

reste évaluée, autant que faire se peut, aux prix que le marché donne à des

produits similaires.

Le contour de certaines activités est modifié ; c'est ainsi que les

auxiliaires financiers font partie de l'activité services f"manciers. Mais il s'agit en

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- 44 -

fait de l'adoption pour le SCN de la nouvelle version de la cmlS <ISlC)

révision 3.

sa

Par ailleurs. il est confinné très explicitement que la production

englobe tout ce qui donne lieu à transaction par accord mutuel entre les parties.

y compris quand il s'agit de produits interdits à la vente ou d'activités illégales.

La mesure de cette production ne peut pas non plus ignorer ce que la statistique

ne parvient pas à mesurer.

Enfin. dans la production non-marchande des Administrations

publiques ou des Institutions privées sans but lucratif. on distingue d'une part ce

qui correspond à des services individualisables (santé. éducation. culture... ).

d'autre part les services destinés à la consonunation collective (défense. justice.

police•... ).

3.1.2 A propos de la COJlSOll1D1AtiOD f"male

Deux notions différentes sont introduites pour traiter de cette

opération les dépenses de consommation finale et la consonunation finale

effective. Cette dernière couvre les biens et services qui sont effectivement

utilisés (consommés). quelle que soit la manière dont ils sont financés. Dans le

cas des ménages. cette consommation finale comprend bien sûr la production non­

marchande qu'ils ont réalisée pour compte propre (qu'il s'agisse de biens ou de

services). Elle inclut également la contrepartie de la production non-marchande

individualisable.

En revanche. les dépenses de consonnnation finale des ménages ne

comprennent pas cette production non-marchande individualisable. ni la partie de

la consommation finale marchande subventionnée par les pouvoirs publics. ou

remboursée par ceux-ci : ceci relève de la dépense de consommation finale des

Administrations publiques ou des Institutions privées sans but lucratif.

IS CITI : Classification Internationale Type par Industrie, de toutes les branches d'activitéséconomiques (International Standard Industrial Classification of all economic activities).

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..

- 45 -

3.1.3 Unités et secteurs institutionnels

On ne propose plus que 4 grands secteurs institutionnels :

les sociétés non financières (non financiaI corporate sector)

les sociétés financières (finandaI corporate sec/or) ;les administrations publiques (generaI goverrunent sec/or)

. les ménages (household sector) .

Les institutions prIvees sans but lucratif existent toujours cmmne

unités institutionnelles spécifiques, mais sont regroupées selon le cas dans l'un ou

l'autre des quatre secteurs proposés (selon leur activité et/ou leur mode de

financement). n reste alors possible de les isoler au niveau de sous-secteurs.

La production des ménages est nécessairement assurée dans le cadre

d'entreprises individuelles (unincorporated interprises). On peut trouver de telles

entreprises dans toutes les activités économiques produisant des biens ou des

services individualisables, et donc en particulier dans les services financiers.

Toute unité institutionnelle réalisant une production compte au moins

un établissement, encore appelé unité de production. Le nombre d'établissements à

considérer au sein d'une unité institutionnelle dépend à la fois des processus de

production mis en oeuvre et des lieux où ils se réalisent. Mais la manière de

procéder dans le détail est laissée à l'initiative des pays.

3.1.4 Un plus grand nombre de sous-comptes

La nouvelle version du SCN propose un plus grand nombre de sous­

comptes, en particulier pour tout ce qui concerne l'analyse de la production et

de la répartition des revenus. Ceci donne l'architecture suivante:

Compte de production (production account)

Ressources Production

Emplois Consmmnation intennédiaire

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Valeur ajoutée brute

Compte d-exploitation (Generation ofincorne accOWlt)

Ressources Valeur ajoutée brute

Emplois Rémunération des salariés

Taxes sur la production et les imports

- subventions (subsidies)

Solde Revenu mixte brut (pour le secteur des ménages)

(mixed incorne)ou : Excédent brut d'exploitation

(Operating swplus)(pour les secteurs autres que les ménages)

CaDpte du revenu d-entreprise (Entrepreneurial income account)

Ressources Revenu mixte brut / Excédent brut d'exploitation

Revenus de la propriété

Emplois Revenus de la propriété

Solde Revenu brut d'entreprise (Entrepreneurial incorne)

Pour tous ces comptes, il est préw d'inclure à chaque fois en

emploi la consommation de capital fixe, pour obtenir des soldes nets.

La suite des autres sous-comptes est également modifiée, mais elle

ne concerne pas directement les besoins de notre analyse.

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3.1.5 •.. et quelques autres nouveautés

Toujours pour ce qui nous concerne, mais qui ne porte que sur des

aspects de présentation, les tableaux de synthèse proposés sont transformés (c'est

le cas en particulier du tableau entrées-sorties); et on propose un tableau

économique d'ensemble (à l'architecture différente de celui retenu dans le

Système européen de comptes).

Le contour de la Formation brute de capital fixe est élargi, mais

ceci ne concerne que marginalement le secteur informel !

Mais il faudra attendre la version définitive, et la lecture attentive

des docmnents qui la présenteront, pour découvrir sans doute d'autres

modifications par rapport à la révision 3.

3.2 MAlS DES INSUFFJSANCES CONCEPTUELLES POUR Na; BESOIN;

Malgré les progrès incontestables que représente la révision du SeN

en cours de préparation, celle-ci ne propose pas encore les instruments

conceptuels qui nous paraissent les plus satisfaisants pour interpréter et mesurer

l'économie informelle. n nous semble en effet préjudiciable de ne pas différencier

les caractéristiques de la production des ménages selon que celle-ci est réalisée

principalement pour le marché ou pour compte propre. n est certes très positif

d'étendre le champ de la production à la transformation des biens réalisée dans

le cadre du foyer (production non-marchande pour compte propre), mais les

comportements économiques qui lui sont associés ne peuvent être confondus avec

ceux qui accompagnent une production marchande, principalement destinée à la

vente.

n nous semble donc intéressant de proposer quelques pistes

complémentaires de réflexion sur ce sujet. Elles nous permettent en premier lieu

de formuler un cadre méthodologique plus rigoureux pour la prise en compte de

l'infonnalité. Mais au delà, une telle réflexion apporte également des précisions

conceptuelles utiles à la définition de l'emploi (tâche qui relève de l'OIT), compte

tenu de l'élargissement que la nouvelle révision propose pour le champ de la

production.

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'.

- 48 -

3.2.1 Retour sur la déf"mition de la production

Le nouveau champ retenu pour la production met en valeur l'activité

réalisée au sein des ménages pour la transformation à usage interne des matières

premières : produits alimentaires, vêtements, construction et entretien du

logement,... Cette production, considérée comme non-marchande, s'ajoute à celle,

déjà considérée dans la révision 3, de service de logement ou de service

domestique.

Coume toutes les autres productions, celles-ci mettent du travail en

oeuvre (à l'exception du service de logement, de par sa nature), lequel est fourni

par :

des travailleurs salariés (déclarés ou non) pour le service

domestique ;

- des travailleurs non salariés, membres des ménages, pour les biens.

Deux séries de questions se présentent alors au regard de cette

nouvelle définition de la production :

- Dans quelles conditions peut-on parler d'emploi à propos des

travailleurs réalisant cette production non-marchande pour le

compte des ménages ?

Quelle unité de production peut-on associer à ces activités ? Les

notions d'établissement d'une part, d'entreprise individuelle d'autre

part, peuvent-elles leur être appliquées ?

La réponse que nous souhaitons donner à ces questions, dans le

cadre des propositions que nous faisons dans ce document, nécessite quelques

réflexions méthodologiques.

3.2.2 Les concepts de travail et d'emploi

En économie, le concept d'emploi est associé à ceux de population

active occupée et de chômage (personnes sans emploi) ; et jusqu'à présent, on

considérait coume ayant un emploi toute personne ayant travaillé au cours d'une

période prise pour référence (travaillé, c'est à dire ayant mis en oeuvre sa force

de travail dans un processus de production tel que défini par la Comptabilité

Nationale). Faut-il alors considérer comme employée la personne qui cultive son

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jardin, construit ou entretient sa maison ou va au puits chercher l'eau dont le

ménage a besoin? Certes, le retraité, l'enfant ou la femme au foyer pratiquent

dans ce cas un travail. Mais si on les considère comme ayant un emploi, on

risque de rendre ce concept inopérant. En fait, il est nécessaire de donner au

tenne "emploi" une frontière plus restreinte que celle de travail.

Le travail fait référence au facteur humain mis en oeuvre dans le

processus de production. L'emploi concerne la part de ce travail mise en oeuvre

dans un contexte impliquant un marché : location de sa force de travail ou vente

sur un marché du produit de son travail. Ainsi, l'emploi se réfère à un travail

engagé dans un contexte de dépendance sociale. On notera qu'une telle

dépendance existe y compris dans le cas où ce travail est mis en oeuvre en

dehors des lois régissant le marché du travail (ce qu'on appellera emploi non

déclaré). Selon ces définitions, le travail mis en oeuvre par les ménages qui

produisent pour eux-mêmes ne devrait pas être comptabilisé dans l'emploi, déclaré

ou non.

Dans les analyses que nous proposons, nous retenons donc les

principes suivants:

- toute activité de production met en oeuvre du travail ;

il n'y a emploi que lorsque ce travail est mis en oeuvre dans le

cadre d'une activité socialement organisée (ce qui suppose l'une

des unités économiques mentionnées ci-dessous) ;

- dans un tel cas, le statut des travailleurs relève de l'une des

catégories suivantes

· employeur,

· travailleur pour compte propre (own-accowtt worker) ,16

salarié (déclaré on non),

· aide familial.

Que penser cependant des ménages ruraux vivant en autarcie plus ou

moins complète? Pour eux, le concept d'emploi (et donc de non emploi) n'a pas

16 A ne pas confondre avec la production pour compte propre des mênages comme tels, telle quedêfinie au paragraphe suivant : la terminologie des comptes nationaux offre parfois quelquesambigultês !

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de sens, puisque leur environnement social ne conduit pas à la division du travail

qui rend l'emploi concevable ; seule une convention peut permettre de les

compter cmmne le reste de la population active ! Nous proposons de suivre

l'option actuellement faite par les statisticiens, lesquels considèrent leur

production comme marchande, ce qui revient à comptabiliser les membres adultes

de ces ménages comme des personnes actives occupées (employées) dans

l'agriculture.

3.2.3 Les unités économiques

Toute production est nécessairement le fait d'une unité économique,

considérée comme unité institutionnelle, dès lors qu'elle peut posséder des actifs

et réaliser des transactions avec d'autres unités. Le système considère quatre

catégories d'unités institutionnelles

· les entreprises constituées comme telles (corporations),

· les institutions sans but lucratif,

• les unités gouvernementales,

· les ménages.

La vocation première de ces derniers n'est pas la production. C'est

pourquoi le système considère une unité économique plus restreinte (non­

institutionnelle) pour analyser la production éventuelle (marchande ou non) des

ménages: l'entreprise individuelle (unincorporated enterprise).

Par ailleurs, l'établissement est l'unité de production élémentaire

pennettant l'inventaire détaillé des transactions que cette production met en

oeuvre. Toute unité institutionnelle (et donc toute entreprise individuelle) compte

au moins un établissement. Et il ne peut pas y avoir de production qui ne soit

réalisée au sein d'un établissement, lequel appartient nécessairement à une unité

institutionnelle.

Cette grille d'analyse a l'avantage de la rigueur et de la simplicité.

Elle présente cependant l'inconvénient d'être trop sommaire pour interpréter les

phénomènes auxquels nous nous intéressons. C'est pourquoi nous proposons là

encore une grille d'analyse plus précise, que nous utilisons dans la suite de ce

docmnent.

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'.

- 51 -

3.2.4 Entreprises individuelles et ménages cœme tels

L'activité informelle est, comme nous le verrons, toujours le fait

d'unités de production dépendant des ménages. Mais sa vocation est marchande. nest donc important de pouvoir différencier, au sein des ménages, la production

qu'ils réalisent selon qu'elle est ou non-marchande. C'est pourquoi nous proposons

d'associer, de manière bi-univoque, la notion d'entreprise à celle de marché :

l'entreprise a nécessairement pour vocation de tirer du profit de la vente de

biens (produits ou non par elle) ou de services. Elle ne peut donc avoir comme

f"malité première la réalisation d'une production non-marchande. Celle que les

ménages réalisent principalement pour eux-mêmes ne peut alors avoir lieu dans le

cadre d'une entreprise individuelle. On convient en conséquence de définir

différermnent l'unité économique responsable de cette production ; et nous

proposons, dans la suite de ce docmnent, de désigner cette production comme

étant le fait des ménages comme tels, hors toute entreprise.

3.2.5 Etablissements et pseudo-établissements

Pour les mêmes raisons, il est proposé de restreindre le concept

d'établissement aux seules unités de production appartenant à des unités

économiques dont la vocation première est la production marchande

- entreprises constituées (corporated enterprises),

- institutions privées sans but lucratif,

- unités gouvernementales,

- entreprises individuelles (unincorporated).

Quand la production est réalisée en dehors de ce contexte, c'est à

dire par les "ménages comme tels", le concept d'établissement s'estompe au point

de n'êtré plus suffismmnent significatif. Cependant, pour permettre la prise en

compte, au sein des branches, de la production non-marchande des ménages

comme tels, il est proposé d'introduire la notion de pseudo-établissement, unité de

production fictive qui sert de cadre à la réalisation de cette production des

ménages comme tels. Et pour éviter que ces pseudo-établissements n'aient une

production secondaire, on convient que leur production soit homogène (il y a donc

autant de pseudo-établissements au sein d'un ménage que celui-ci réalise de

produits appartenant à des groupes différents de la nomenclature des biens et

services).

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CHAPITRE IV : COMMENT MESURERLE NON-ENREGISTREMENT STATISTIQUE

EN COMPTABILITE NATIONALE

Comme nous l'indiquions dès l'introduction, la mesure par les

comptables nationaux de la partie de leur économie non-enregistrée par la

statistique constitue pour eux un véritable défi, quels que soient les pays

auxquels ils appartiennent. Vouloir dans ces conditions inscrire la mesure de

l'économie informelle dans la comptabilité nationale ne constituerait-il pas un

obstacle supplémentaire à une tâche qui semble déjà bien complexe ? Et ce qui

pourrait être gagné du point de we conceptuel ne risque-t-il pas d'être perdu, et

au-delà, lorsqu'il s'agit de passer à l'évaluation de ce phénomène ? Car il est

certain que les comptables nationaux de nombreux pays ne font pas grand chose

pour intégrer dans leurs comptes une évaluation du non-enregistré statistique !

On ne peut cependant ignorer la proximité des deux phénomènes

on constate en effet que la plus grande partie de l'activité informelle échappe le

plus souvent à la collecte statistique directe. L'infonnalité s'inscrit donc dans le

champ du non-enregistrement statistique. Et la mesurer relève en conséquence de

méthodes qui ne peuvent être que similaires.

C'est donc à l'inventaire de ces méthodes qu'il faut procéder, en

recherchant les pays dont les comptes nationaux intégrent une évaluation du non­

enregistrement statistique. Or c'est un fait, sans doute pas assez commenté, que

des pays en nombre croissant réalisent maintenant des mesures de plus en plus

complètes de ce non-enregistrement. Une telle pratique est déjà ancienne en

France, et l'Italie a récemment fait une démarche spectaculaire de redressement

de ses comptes. Des travaux similaires sont également réalisés, plus discrètement

certes, dans un certain nombre de pays moins développés en Afrique ou en

Amérique latine.

C'est l'analyse des méthodes utilisées dans ces pays qui nous permet

d'affirmer la possibilité de relever simultanément les défis de la mesure de

l'infonnalité et du non-enregistrement statistique, et ceci dans le cadre de la

démarche d'élaboration de la comptabilité nationale. Car celle-ci apporte, grâce à

son cadre global, les moyens de mettre en cohérence toutes les informations

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indirectes disponibles. En y intégrant les données spécifiques qui peuvent être

rassemblées sur le secteur infonnel, on renforce alors et la démarche d'ensemble,

et la mesure de l'infonnalité.

Un inventaire des méthodes utilisées en différents endroits révèle

des différences parfois sensibles d'un pays à l'autre. C'est ainsi que la méthode

utilisée en France (présentée dans un article de la revue Economie et

Statistiquel7) repose principalement sur l'utilisation de taux de fraude, tels qu'ils

ressortent des contrôles pratiqués par les agents du fisc. Or nous avons déjà

mentionné qu'une telle méthode est inopérante pour les pays en développement.

Mais pour ceux-ci, d'autres approches sont possibles, dont certaines ont été mises

en oeuvre par la coopération française en Afrique (en Tunisie ou au Niger par

exemple) ou en Amérique latine (Equateur, Pérou ou Brésil).

En fait, ce qu'il faut bien voir, c'est la similitude de la démarche

utilisée dans tous ces pays, au-delà des différences de méthodes, lesquelles sont

liées aux caractéristiques propres à chacun d'entre eux. Quel que soit le

développement économique et statistique du pays, cette démarche doit donc ~tre

identifiée. C'est ce qui fait l'objet de la première partie de ce chapitre.

En revanche, les méthodes mises en oeuvre dépendent du type

d'information dont on peut disposer dans chaque pays. Et ceci tient beaucoup au

niveau de développement constaté. Dans les pays développés, c'est plutôt

l'approche par les revenus qui est privilégiée (grâce à l'information dont on peut

disposer sur les taux de fraude par secteur institutionnel) ; il n'est pas nécessaire

d'en parler ici.

Pour les pays en développement, de telles infonnations ne sont pas

disponibles, et la nature du non-enregistrement statistique est différente. D'autres

méthodes sont donc employées, qui privilégient les informations relatives aux

unités de production ; elles utilisent pour cela le Tableau Entrées-Sorties comme

instrmnent de cohérence. C'est la description de ces méthodes qui fait l'objet de

la deuxième partie de ce chapitre.

17 L'êconomie souterraine dans les comptes nationaux - J.C. WILLARD, Economie et statistiquen' 226, Novembre 1989.

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4.1 PRESENI'ATION DE LA DEMARCHEI8

Dès la mise en place de la révision 3 du SCN en 1968, les

comptables nationaux ont disposé d'un instrmnent conceptuel capable d'accueillir

une évaluation de l'économie non-enregistrée. Encore faut-il la mener à bien, ce

qui implique une certaine manière de conduire les travaux. C'est cet état d'esprit

qui est rappelé ici.

4.1.1 Le champ de la mesure

L'objectif que se fixe le comptable national est de mesurer

l'ensemble du champ théorique proposé par le système. Ceci concerne tout

spécialement le champ de la production. Seules des contraintes politiques peuvent

le conduire à ne pas entreprendre la mesure de certaines activités, telle la

production de la drogue. n s'agit donc d'explorer tout ce qui relève du non­

enregistrement statistique, en s'efforçant de trouver des mesures indirectes dès

lors qu'une activité échappe à la mesure directe.

Pour atteindre ce but, le comptable national est amené à se forger

des instrmnents intermédiaires, adaptés aux méthodes d'élaboration qu'il définit en

fonction des sources dont il peut disposer. Ceux-ci ne correspondent pas

nécessairement à des grandeurs jugées intéressantes par les économistes ; et en

général, il s'abstient de publier le contenu de ces résultats intermédiaires. En

revanche, son objectif est bien de mesurer les agrégats économiques, dans le

détail, et selon les décompositions jugées utiles par les utilisateurs.

Or le non-enregistré statistique est un ensemble hétérogène du point

de we de l'analyse économique. n ne peut donc correspondre comme tel à une

grandeur intéressante. Mais que des sous-ensembles homogènes soient définis, et

le comptable national se donnera également comme objectif d'en proposer une

mesure.

18 Voir : Construire les comptes de la Nation - M. SERUZIER, Ministère de la Coopêration,1988, Chapitre 2.

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4.1.2 Construire des comptes développés

Une telle démarche ne peut être réalisée dans le cadre de comptes

nationaux consolidés. C'est seulement au moyen de comptes nationaux développés

qu'il est possible d'atteindre une mesure dans le champ du non-enregistré

statistique. En effet, les comptes développés proposent une décomposition fine des

grands agrégats de la nation. Et c'est par le biais de l'évaluation progressive de

ces grandeurs élémentaires qu'il· est possible d'interpréter l'information disponible

et de localiser les zones d'ombre.

Par ailleurs, dans le cas du pm, c'est mettre en valeur les trois

approches par lesquelles cet agrégat peut être obtenu

• par les comptes de revenu des secteurs,

· par les comptes de production des branches,

· par la demande finale.

La mise en oeuvre simultanée de ces trois approches peut alors

conforter la qualité du résultat obtenu.

4.1.3 Une démarche analytique

La démarche repose sur un travail le plus analytique possible. Pour

cela, il est nécessaire de proposer une décomposition fine et adaptée des

grandeurs économiques en jeu. La première décomposition à considérer est celle

que contient le système lui-même, par le biais des nomenclatures qu'il propose ;

il est d'ailleurs recommandé de les adapter aux caractéristiques de l'économie

locale. Mais une décomposition complémentaire est également nécessaire, pour

tenir compte de la manière dont se présente l'information. Quand celle-ci existe,

il s'agit de prendre en compte les frontières qu'elle contient, y compris pour

faciliter les recoupements. Et pour les zones d'ombre, il s'agit de définir des

sous-ensembles au sein desquels des comportements homogènes puissent être

proposés.

L'objectif de la méthode est de mettre en place un quadrillage fin

de l'espace économique à mesurer, afin d'utiliser au mieux toute l'information

disponible et de rendre possible le plus grand nombre de recoupements.

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'.

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4.1.4 Recueillir toutes les informations disponibles

Comme nous l'avons expliqué en présentant le concept de non­

enregistrement statistique, ce non-être statistique ne signifie pas que l'espace

concerné soit totalement inconnu du statisticien. D'une part, des informations

peuvent être obtenues à partir de sources statistiques ayant d'autres champs pour

objet. D'autre part, la statistique n'est pas la seule source d'information dont on

puisse disposer. n est donc nécessaire de procéder à l'inventaire le plus complet

de tout ce qui peut exister dans le pays comme information qualitative et

quantitative sur les activités économiques. Et il est d'ailleurs nécessaire de

recueillir également les informations qui sont en mesure de confirmer ou

d'infirmer les sources statistiques directes elles-mêmes.

En fait, le comptable national doit se fixer comme objectif de

restituer au pays, de manière synthétique, ce que celui-ci est en mesure de dire

de lui-même. Et c'est seulement à ce prix qu'il peut devenir l'intennédiaire obligé

de la mesure macroéconomique dans le pays.

4.1.5 Pratiquer le doute méthodique

L'expérience montre que toutes les sources statistiques, même celles

jugées les plus fiables, ont leurs imperfections, quand il ne s'agit pas de carences

plus ou moins importantes. Le doute méthodique est donc la règle préalable à

toute utilisation de ces sources dans les comptes nationaux. n peut conduire à

des travaux complémentaires plus ou moins importants pour rendre les sources

utilisables.

Parmi les travaux préalables à mettre en oeuvre, on peut citer:

- contrôler la cohérence interne des données issues des formulaires

et introduire les modifications appropriées;

- reconstituer les données absentes (formulaires incomplets)

- compléter la couverture de la population enquêtée;

- reconstituer la population complète quand il s'agit d'une enquête

réalisée par sondage ;

- s'assurer de la comparabilité temporelle quand il s'agit d'une

source portant sur des années successives.

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Par la suite, le doute méthodique passe par la confrontation entre

sources, afin de vérifier qu'elles fournissent bien les mêmes informations pour les

domaines qui leur sont communs.

4..1.6 Employer une démarche intégrée

Ce souci de confronter les informations dès que les circonstances le

permettent doit être à la base de toute la démarche d'élaboration des comptes

nationaux. C'est en ce sens qu'elle doit être intégrée : à chaque étape de sa

construction, chaque module doit être mis en relation avec ceux qui lui sont liés.

Or le système lui-même, du moins dans sa version développée, propose une vision

complètement intégrée de l'économie nationale. Ainsi pennet-il une articulation

permanente entre toutes les approches mises en oeuvre, sans qu'il soit nécessaire

d'attendre la phase de synthèse finale pour prendre conscience des contradictions

éventuelles entre les différentes parties.

Mais une telle démarche intégrée va encore plus loin. Elle suppose

également une méthode de travail comportant des principes tels que:

- si une même grandeur peut être évaluée de différentes manières,

on les utilise toutes ;

- quand une grandeur n'est accessible que par un solde, un contrôle

de cohérence est nécessairement mis en oeuvre;

- plus généralement, les comportements révélés par l'analyse

macroéconomique servent au contrôle des résultats obtenus

- la comparaison intertemporelle est mise en oeuvre

systématiquement pour les comptes en ann~es courantes.

4..1.7 Une démarche inscrite dans la durée

Ce n'est que progressivement que la maîtrise d'une telle démarche

peut être acquise. Et il n'est pas possible de vivre seulement en répétant chaque

année les "recettes" élaborées l'année de base avec l'aide d'un expert venu de

l'extérieur. Car la conquête de l'information est un processus qui s'inscrit dans le

long terme:

. découvrir toute l'information existante,

apprendre à l'utiliser au mieux,

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'.

- 59 -

. en améliorer la collecte,

. créer de nouveaux instruments statistiques.

A un moment donné de l'histoire statistique d'un pays, l'infonnation

collectée néglige nécessairement une partie de l'activité économique. Or une telle

frontière n'est pas immuable: de nouveaux instruments peuvent être créés; mais

simultanément, l'évolution de l'environnement économique et social peut conduire

à une détérioration de l'appareil existant. La construction de comptes nationaux

dans l'esprit de la démarche qui vient d'être présentée constitue non seulement

une veille active pour améliorer la qualité de l'appareil statistique existant, elle

permet également d'orienter les travaux pour explorer ce qui échappe encore à

l'enregistrement statistique, soit de manière directe, soit pour le moins de

manière indirecte.

C'est justement l'objet de ce doc\D11ent de proposer des pistes de

recherche pour développer la connaissance statistique sur une partie du domaine

du non-enregistré statistique, celui qui touche à l'activité informelle..Si des

progrès pouvaient être réalisés dans cette direction, c'est l'ensemble de la

démarche d'élaboration des comptes nationaux qui pourrait en bénéficier.

4.2 LA ME'IHOΠQUI CONVIENT AUX PAYS EN DEVEWPPEMENT

Quand les auteurs s'intéressent à l'économie non-enregistrée, ou

encore à l'économie informelle, ils mettent surtout l'accent sur la contribution de

ces phénomènes à la production nationale (on en parle alors en % du pm).

Certes, c'est bien le même aspect du non-enregistré qui nous intéresse plus

particulièrement dans le cadre de ce doc\D11ent, puisque nous voulons mesurer la

contribution du secteur informel à l'économie nationale. Mais il ne faudrait pas

oublier pour autant que le non-enregistré concerne aussi d'autres flux

économiques, tels que :

_ la contrebande ;19

19 La contrebande comme telle n'a pas d'effet sur le PIB, sinon par l'activité commerciale quien rêsulte sur le territoire, ou en raison de l' "oubli" qu'on ferait d'une production exportéei lléga1elDent.

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- les détournements de fonds (liés ou non à la corruption) ;

les transferts privés internationaux (liés à la drogue, mais aussi

aux populations immigrées) ;

- la détention d'actüs sur le Reste du monde (et en particulier les

avoirs en monnaie étrangère).

Compte tenu de la démarche intégrée présentée ci-dessus, il est

important de bien comprendre que le comptable national doit également prendre

en compte dans son travail de mesure tous ces autres aspects du non-enregistré.

C'est pourquoi nous proposons, dans l'encadré n° 1, un inventaire des autres

domaines où le non-enregistré statistique peut exister.

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Le non-enregistré qui nous préoccupe ici est donc limité à l'effet

qu'il peut avoir sur l'évaluation du PIB, en tant que mesure de la production

nationale d'une part, de source des revenus distribués d'autre part.

La description que nous avons faite au début de ce docmnent de

l'économie non-enregistrée statistiquement et de l'économie informelle explique

pourquoi on ne peut faire reposer sur la seule évaluation de la fraude fiscale ce

qui échappe à la mesure statistique directe des pays en développement. On

constate en effet qu'une part importante de leur économie existe en marge de la

réalité fiscale, soit que le contrôle soit inopérant pour seulement constater la

fraude, soit que de nombreuses unités productrices soient même ignorées des

services fiscaux.

Une autre méthode, plus complexe, est donc nécessaire. Elle est

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décrite en détail dans un précédent numéro de la rewe StatecoZO

. Les diverses

solutions retenues sur le terrain l'utilisent d'une manière plus ou moins complète.

Elle consiste à retenir une multiplicité d'approches partielles. dont la cohérence

est assurée de deux manières complémentaires :

- par la référence systématique aux populations connues d'agents

économiques.

- par l'intégration de l'ensemble dans le cadre d'un TES.

4.2.1 Une multiplicité d'approches partielles

Dès lors que l'outil statistique est partiel et non intégré, et qu'il

existe par ailleurs de nombreuses informations complémentaires. toutes les pistes

disponibles doivent être explorées. Leur mise en oeuvre repose chaque fois sur

une décomposition adéquate des grandeurs à mesurer (selon les activités. les

produits. les populations....). On peut cependant les regrouper selon trois grandes

familles, qui se rapportent chacune aux trois approches par lesquelles le pm peut

être décomposé.

- L'approche par la distribution des revenus : Cette approche est associée aux

unités institutionnelles. C'est elle qui permet l'utilisation des données comptables.

ou de celles en provenance de la fiscalité directe (quand on peut les obtenir).

Elle est en particulier le cadre de l'évaluation de la fraude fiscale, et autres

sous-déclarations en provenance des unités administrativement enregistrées.

- L'approche par la demande finale : C'est elle qui permet la mise en oeuvre des

données relatives au marché des produits, dans le cadre des équilibres ressources­

emplois de biens et services (à élaborer dans un grand détail). C'est en particulier

le lieu de l'intégration des enquêtes relatives à la consonnnation des ménages,

quand elles existent, des données comptables relatives à l'investissement et aux

variations de stocks et des données traitant du commerce extérieur. C'est enfin

par cette approche que peuvent être estimées de manière analytique les marges

de transport et de commerce.

20 Le TES au service de la mesure de l'êconomie non-enregistrêe. Propositions mêthodologiguespour les pays en dêveloppement - H. SERUZIER, STATECO n' 58-59, Juin 1989.

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- L'approche par les comptes de production des branchel1 : Cette approche ne

peut se limiter aux seules opérations qui apparaissent dans le système central,

mais doit s'élargir à la perspective de fonction de production dont elles rendent

compte. C'est pourquoi doivent y être associées toutes les données relatives aux

facteurs mis en oeuvre dans le processus de production :

- les inputs, avec prise en compte des coefficients techniques,

- la force de travail mise en oeuvre (selon ses différentes

caractéristiques), avec prise en compte de la productivité marginale du travail,

- le capital fixe utilisé.

4.2.2 Des populatioDS de référence

Un premier cadrage de ces approches partielles se réalise au moyen

des inventaires de population dont on dispose concernant les agents économiques.

Ces inventaires n'étant pas autonomes les uns par rapport aux autres, toute la

qualité de l'élaboration finale dépend de l'articulation statistique qui peut être

réalisée entre ces différentes populations.

- Les unités institutionnelles productives Cet inventaire nous donne la

population des unités donnant lieu à enregistrement administratif. n permet de

contrôler la qualité de leur enregistrement statistique. Les données comptables,

quand elles existent, s'y réfèrent. En revanche, il est rare que cette information

fournisse simultanément des données sur l'emploi ou les établissements. Selon la

définition que nous en donnons par ailleurs, le secteur infonnel en est exclu.

- Les établissements : Cet inventaire, quand il existe, est en général d'origine

statistique. Mais il est rare qu'il couvre l'ensemble des activités, même quand il

provient d'un recensement spécifique. n sert en général de support aux enquêtes

économiques, et on y trouve alors des données sur l'emploi. La référence aux

unités institutionnelles dont ils dépendent est rarement fournie dans des conditions

statistiquement exploitables.

21 Dans le SeN - rêv;s;on 4, le compte de production a pour solde la valeur ajoutêe.

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- L'emploi : Cet inventaire est relatif aux postes de travail, qu'ils soient à temps

partiel, saisonniers ou à temps plein, avec ou sans heures supplémentaires. On ne

doit donc pas le confondre avec celui de la population active occupée. n peut en

général être obtenu à partir des enquêtes économiques mentionnées ci-dessus ; une

enquête spécifique peut également s'y intéresser.

- La population active occupée : Celle-ci est obtenue à partir des recensements

et enquêtes auprès des individus (en général par le biais des ménages). Une même

personne peut occuper plusieurs emplois. Quand l'infonnation est de bonne qualité,

elle indique le statut et l'activité de l'unité institutionnelle et/ou de

rétablissement où la personne travaille. On cormnence également à s'intéresser

aux emplois multiples et à la durée effective du travail. Des données sur le

revenu tiré du travail sont éventuellement disponibles.22

- Les ménages: Cette population est généralement connue au moyen des mêmes

instrmnents statistiques qui permettent la mesure de la population active occupée.

La même référence statistique est généralement utilisée pour la réalisation des

enquêtes portant sur leur consommation. C'est enfin sur la base de cette

population qu'il est possible d'ouvrir des sous-ensembles dans le secteur

institutionnel correspondant.

Un travail détaillé sur chacune de ces populations est le moyen le

plus efficace pour obtenir une mesure sur le champ du non-enregistrement

statistique. C'est également le moyen de parvenir à des décompositions permettant

d'affiner l'analyse, y compris pour mieux cerner ce qu'on appelle l'économie

informelle. C'est enfin en les prenant connne support qu'il est possible d'envisager

une stratégie de conquête d'informations complémentaires (cf. le 6° chapitre de

ce document).

4.2.3 Le~. lieu de la cohérence

On connatt l'intérêt que présente la matrice des échanges

intermédiaires (dite matrice de Léontiev) pour analyser la structure de l'appareil

22 On propose en annexe 2 des instruments mêthodologiques adaptês a la mesure de cettepopulation et a son articulation avec l'emploi.

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- 65 -

de production d'un pays et en projeter l'évolution par inversion de la matrice des

coefficients techniques. Plus généralement, le TES est devenu un instrument

privilégié de la prévision économique.

Mais les relations mises en jeu par le ~ sont en fait beaucoup

plus nombreuses ; et elles sont utilisables non seulement pour la prévision, mais

aussi comme moyen de mise en cohérence de toute l'information relative à la

production du pays.

En effet, le TES propose une synthèse des trois approches du PIB

présentées ci-dessus. Remplir ce tableau avec les approches partielles de la

première phase du travail permet de les rendre compatibles, et d'explorer de

manière complémentaire les zones d'ombre résiduelles. n permet également des

contrôles de cohérence plus vastes, comme par exemple :

- l'enchatnement des filières industrielles;

- la bonne répartition des impôts indirects;

- l'arbitrage sur les marges de transport et de commerce;

- l'analyse des opérations par produit ou par branche (FBCF,

Consommation finale, Commerce extérieur...)

- et finalement la synthèse générale relative à l'évaluation du PIB.

Face à l'ampleur des travaux qu'une telle élaboration suppose,

certains pays pourraient renoncer à construire ce tableau. On devrait alors pour

le moins s'inspirer de la méthode pour introduire la cohérence nécessaire à une

évaluation satisfaisante de la production nationale.

4.2.4 Les limites de la mise en oeuvre

La prétention du comptable national de mesurer l'ensemble du champ

de la production se heurte à de nombreuses difficultés, dont les plus immédiates

sont relatives aux moyens dont il dispose et à la qualité de la statistique à

laquelle il accède. Comme on le note par ailleurs, l'ampleur du secteur informel

est souvent liée à une détérioration de la capacité d'intervention de l'Etat auprès'.

des agents économiques. Dans ce cas, l'appareil statistique n'est pas épargné,

puisqu'il dépend de la puissance publique. Et il faut s'attendre à un accroissement

simultané des autres formes de non-enregistrement (dues par exemple à la fraude,

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- 66 -

à la corruption, à la contrebande,... ). Sans doute existe-t-il un seuil au-delà

duquel toute mesure devient pratiquement impossible.

n faut signaler une autre difficulté majeure d'une telle mesure. Elle

concerne l'évaluation au cours du temps des agrégats macroéconomiques, non­

enregistré inclus. Réaliser une telle évaluation est déjà délicat pour une année de

base (on peut parler d'une évaluation en structure). Elle l'est encore plus en

année courante. Car la variation d'un agrégat résulte à la fois de l'évolution

économique, des effets de l'inflation et des erreurs de la mesure. Or l'effet de

ces dernières est plus sensible sur les variations que sur les structures elles­

mêmes. Malheureusement, l'infonnation statistique sur les évolutions est beaucoup

moins abondante : les grandes enquêtes, a fortiori les recensements, ne sont pas

réalisés chaque année. Et il ne peut être question par exemple de faire a priori

évoluer de la même manière secteur fonnel et secteur infonne!. Un effort

statistique spécifique doit donc être réalisé pour surmonter cette difficulté

supplémentaire.

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- 67 -

CHAPITRE V IDENTIFIER LE "SECfEURtt INFORMEL

Mesurer l'économie non-enregistrée par la statistique, dans le cadre

des comptes nationaux, est donc possible pour les pays en développement, du

moins tant que l'appareil d'Etat n'est pas détérioré à un point tel qu'aucune

mesure ne soit plus possible. Et par le fait même, tout ce qui relève de

l'infonnalité est inclus dans la mesure ainsi réalisée.

Pour autant, une telle mesure ne prévoit pas que soit différenciée la

part que représente l'infonnalité au sein de l'ensemble de l'activité économique. ns'agit en effet de répondre aux exigences conceptuelles de la comptabilité

nationale, laquelle ne spécifie pas les caractéristiques d'un secteur infonnel. On

peut donc seulement dire que la démarche retenue ouvre la voie à la mesure

éventuelle d'un tel secteur, au cas où on veuille bien le définir.

C'est donc la tâche à laquelle il faut désormais s'atteler, dans le

cadre des options que nous avons proposées au deuxième chapitre. Pour cela,

diverses étapes doivent être respectées :

- ouvrir dans les cadres de la comptabilité nationale un espace au

sein duquel il soit possible d'inscrire le concept de secteur

informel;

- proposer les caractéristiques et le contour d'un tel secteur,

confonnément aux attentes qui existent en la matière de la part

des écononristes ;

- positionner un tel secteur au regard des différentes fonnes de

non-enregistrement statistique qui peuvent exister dans la mesure

de la production nationale ;

- ouvrir alors la. voie à une mesure différenciée du seul secteur

informel que nous avons défini.

Ces quatre étapes constituent les parties successives de ce 5·

chapitre.

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- 68 -

6.1 CREER UN SECTEUR INFORMEL AU SEIN lE LA COMPTABIL1TE

NATIONALE

Comme nous l'avons déjà indiqué au début du 3° chapitre, nous

plaçons ces travaux dans le cadre de la révision 4 du SCN en cours de

préparation. Certaines modifications pourraient donc devoir être apportées, compte

tenu des décisions encore à prendre d'ici 1993, date préwe pour officialiser cette

nouvelle révision.

6.1.1 Production informelle

La démarche retenue dans le cadre des options proposées conduit à

établir un lien absolu (d'ailleurs imposé par la comptabilité nationale) entre:

activité informelle,

unités de production informelles,

production informelle.

La production informelle s'inscrit nécessairement dans le contour que

retient le SCN pour le concept de production (voir § 3.1.1). n n'est donc pas

possible d'étendre l'informalité à des activités économiques que le système exclut

de son champ. En revanche, dans la liste des activités que le système retient

comme pouvant être productives, il n'existe aucune exclusive concernant leur

exercice de manière informelle. n en est de même concernant les produits qu'elles

réalisent. C'est en effet à partir de critères associés aux seules unités de

production qu'est introduite la définition de l'infonnalité.

5.1.2 L'établissement camne unité de référence

Dans la mesure où nous envisageons comme critère principal de

l'informalité le fait pour une unité de production d'être à la marge des normes

définies par l'Etat, c~la revient à exclure a priori les producteurs constitués en

personne morale (bien que des entorses à ce principe puissent apparattre dans la

réalité locale). Et il n'est d'ailleurs pas surprenant d'estimer que l'informalité soit

principalement le fait de personnes physiques, autrement dit d'entreprises

individuelles.

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En conséquencet tout établissement exerçant informellement une

activité économique relève a priori du secteur institutionnel des ménages. Or c'est

la consommation qui est la caractéristique principale de ce secteurt et non la

production. TI en résulte que le regroupement des personnes au sein d'un ménage

se fait en tenant compte de leur appartenance à une même unité de

consarmnationt dans le cadre d'un logement partagé. En conséquence un même

ménage peut abriter des personnes qui participent à la production de manière

totalement différente: dans des entreprises individuelles comme patront salarié ou

aide fsmillal t ou comme salarié de sociétés ou d'administrations. Chaque ménage

impliqué dans un établissement infonnel peut donc recevoir simultanément des

revenus salariaux ; et il n'est pas exclu qu'il abrite des personnes participant à

plusieurs entreprises individuelles.

Pour analyser l'activité infonnelle, il ne serait donc pas judicieux de

privilégier l'approche par les unités institutionnelles. L'unité de production à

retenir comme référence doit donc être l'établissement. On parlera en

conséquence d'établissement infonnel pour caractériser les unités de production

relevant du "secteur" infonnel à définir. Et c'est seulement ensuite qu'il peut être

possible de traiter du passage au secteur institutionnel des Ménagest dont ces

établissements dépendent le plus souventt sinon uniquement.

Par rapport à la notion d'entrepriset on se trouve ici dans le cas

d'entreprises non constituées (unincorporated)t dites "individuelles". Mais toutes les

entreprises individuelles ne sont pas informelles. Une frontière doit donc être

également établie dans cette direction.

Se pose enfin la question de savoir connnent se situer par rapport à

la production des ménages cormne tels (cf. § 3.2.4). Connne nous en avons

convenut celle-ci se réalise en dehors de toute entreprise, même individuelle. Nous

avons également introduit pour c~ faire la notion de pseudo-établissement (en

attendant que le SCN précise ses concepts)t ce qui fournit le cadre

méthodologique nécessaire à la mise en place d'une frontière en la matière.

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5.1.3 Le "secteur" infonnel : un regroupement d"établissements

Dans le vocabulaire actuellement retenu par le SeN, il n'y a qu'une

seule manière d'utiliser le tenne secteur, et il est nécessairement associé à celui

d'institutionnel Un secteur institutionnel regroupe donc des unités institutionnelles

ayant la même fonction principale. Par ailleurs, le tenne branche est associé au

regroupement des établissements, mais seulement en fonction de l'activité

principale exercée.

Or toute la construction méthodologique qui précède nous conduit à

définir un regroupement d'établissements définis selon un critère de nature

institutionnelle (par défaut, d'ailleurs) : les établissements infonnels, c'est-à-dire

les établissements qui existent en marge des nonnes définies par l'Etat pour

exercer une activité économique.

Nous sœmnes donc dans l'obligation d'introduire une terminologie

nouvelle pour définir notre objet, et nous appelons secteur informel ce

regroupement d'établissements infonnels, à défaut de trouver un tenne plus

spécifique, et tout en étant conscients des risques de confusion qu'il présente.

Un tel secteur infonnel peut être décomposé en sous-secteurs, selon

l'activité principale exercée par les établissements concernés. On notera que de

tels sous-secteurs sont eux-mêmes des sous-ensembles 'de branches.

TI n'est pas possible de construire, pour des établissements, une

séquence complète de comptes. On doit donc se limiter aux comptes de

production, d'exploitation et de revenu d'entreprise ; les soldes associés à ces

comptes sont la valeur ajoutée, le revenu mixte et le revenu entrepreneurial. On

peut par ailleurs y joindre des opérations spécifiques qui ne figurent pas dans ces

comptes:

. la fonnation de capital fixe,

. la variation des stocks,

l'emploi (en distinguant entrepreneurs individuels, aides familiaux,

salariés non-déclarés).

TI semble en revanche difficile d'imaginer que des éléments financiers

propres à cette activité infonnelle puissent être distingués.

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On pourrait penser qu'une variante à la solution proposée ci-dessus

consisterait à regrouper non pas les établissements infonnels, mais les entreprises

individuelles dont ils dépendent. Mais il ne pourrait s'agir que du regroupement,

dans une unité fictive non-institutionnelle, de tous les établissements dépendant du

même entrepreneur individuel. Le regroupement de ces entreprises individuelles

n'apporterait alors rien de plus par rapport au regroupement défini ci-dessus, qui

s'applique exactement aux mêmes établissements; et on aurait par ailleurs à faire

face aux mêmes problèmes. En revanche, cette définition aurait pour conséquence

de mettre a priori à l'écart de l'activité informelle la production non-marchande

des ménages comme tels.

5.1.4 Secteur infonnel et secteur institutionnel des ménages

En raison des hypothèses que nous formulons sur le secteur informel,

les établissements informels appartiennent tous au secteur institutionnel des

ménages. On pourrait alors souhaiter construire un sous-secteur institutionnel

regroupant les ménages dont ces établissements dépendent. Deux solutions seraient

alors possibles :

- regrouper tous les ménages de qui dépendent des établissements

informels (par le biais des membres du ménage qui sont

entrepreneurs individuels) ;

- regrouper les seuls ménages dont la personne de référence est

patron d'un établissement informel.

La première solution englobe la totalité des établissements

informels ; elle a donc l'avantage de l'exhaustivité. En revanche, elle ne permet

pas une partition intéressante du secteur institutionnel, puisque le regroupement

des ménages complémentaires n'est pas significatif en soi. C'est ce que permet la

deuxième solution ; mais y manquent alors les établissements infonnels dont le

patron n'est pas personne de référence dans son ménage.

Dans l'un et l'autre cas, on doit par ailleurs noter que les ressources

en provenance de la production ne se limitent pas au revenu mixte des

établissements informels associés à ces ménages : peuvent y figurer aussi des

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salaires (déclarés ou non) ou le revenu mixte d'établissements d'entreprises

individuelles formelles. Un même ménage peut en effet abriter des personnes ayant

pour leur travail des statuts différents. On notera seulement que la part des

salaires devrait être plus importante dans le cadre de la preuuere solution,

puisque l'apport des établissements infonnels peut alors y être relativement faible

pour un ménage donné.

Quoi qu'il en soit, aucune des deux solutions proposées ci-dessus

n'apporte une vision spécifique du phénomène de l'infonnalité. TI est donc illusoire

de vouloir cerner ce phénomène en utilisant une partition du secteur institutionnel

des ménages.

5.1.5 Activité informelle et emploi non déclaré

Pour le moment, nous avons associé le terme informel à la seule

activité de production (laquelle est le fait d'un établissement), et non au travail

fourni pour la réaliser. Le travail, en effet, n'est pas directement producteur: il

est seulement un des facteurs pennettant cette production.

Mais le travail est simultanément source de revenu pour les

travailleurs et leurs familles. L'hypothèse est avancée par certains (cf. la

première partie) que le développement de l'économie informelle proviendrait le

plus souvent de la carence de l'économie plus structurée à offrir des emplois. Et

plus largement, la nécessité de survivre oblige les travailleurs à prendre des

emplois qui échappent au droit du travail. Une approche de l'infonnalité par le

travail et l'emploi peut donc être souhaitée par certains.

Du point de vue de l'analyse macroéconomique telle qu'elle est

retenue dans la comptabilité nationale, une telle approche de l'infonnalité ne nous

semble pas possible: l'économie infonnelle doit nécessairement être définie comme

nous l'avons fait, c'est-à-dire en privilégiant l'approche par la production (et donc

l'activité). Et le tenne "infonnel" doit lui être strictement réservé.

Pour autant, on ne doit pas ignorer la demande qui est ainsi

formulée de mesurer à la fois l'emploi s'exerçant à la marge des lois du travail,

et les revenus qu'il génère. C'est pourquoi nous faisons ici des propositions

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concrètes permettant l'analyse et la mesure de ce phénomène dans le cadre de la

comptabilité nationale.

a) Analyse conceptuelle

La mesure que nous proposons se réfère à remploi, et non au travail

(cf. la distinction proposée entre ces deux concepts dans le cadre du § 3.2.2).

L'emploi est lui-même mesurable par un nombre de postes de travail, auxquels

peuvent être associés des temps de travail. A défaut, on considère souvent un

nombre de personnes actives occupées; mais une même personne peut se trouver

simultanément dans les deux rubriques ! Des propositions plus précises en matière

de mesure doivent donc être introduites (voir en annexe m.

La proposition consiste à décomposer remploi selon deux sous-

ensembles

- remploi déclaré : celui pour lequel le droit du travail est

respecté. On suggère de prendre comme indicateur de cette déclaration son

enregistrement auprès des organismes de sécurité sociale et le paiement effectif

des charges sociales que cela suppose ;

- remploi non déclaré: le complément du précédent.

En référence au tableau n° Al de l'annexe 1, remploi non déclaré

recouvre les rubriques suivantes:

- la totalité des salariés non déclarés;

- la totalité des emplois exercés dans le cadre des entreprises

individuelles infonnelles (dont des salariés déjà considérés dans la rubrique

précédente)

- les aides familiaux des entreprises individuelles fonnelles, dès lors

qu'ils ne sont pas déclarés aux organismes de sécurité sociale.

b) La mesure des revenus associés à l'emploi non déclaré

Pour pennettre une telle mesure, il est nécessaire de décomposer le

poste Rémunérations des salariés en deux parties :

- Rémunérations des salariés déclarés : celles-ci comprennent d'une

part les salaires bruts et d'autre part les cotisations sociales à la charge des

employeurs.

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- Rémunérations des salariés non déclarés : celles-ci ne comprennent

que des salaires (les charges sociales étant justement liées à la déclaration) ; il Y

a donc identité entre salaire brut et salaire net.

Les revenus associés à l'emploi non-déclaré (salarié ou non)

comprennent alors

- la rémunération des salariés non déclarés ;

le revenu mixte des établissements informels

- le revenu associé aux aides familiaux des entreprises individuelles

formelles.

Ce dernier élément ne peut malheureusement pas être isolé, car il

fait partie du revenu mixte dégagé par ces entreprises individuelles fonnelles,

lequel rémunère également le travail normalement déclaré de leur patron.

5.2 QUELQUES MODAUrES D'APPUCA110N

Au regard des concepts retenus, il importe maintenant de proposer

un contenu (et un contour) au "secteur" informel, de telle sorte qu'il soit à la

fois le plus homogène possible du point de vue des comportements jugés

significatifs, et en même temps accessible à la mesure, à travers l'infonnation

disponible ou susceptible d'être mobilisée.

5.2.1 Un critère à privilégier : le non-enregistrement administratif

Atm de rendre compte du comportement socio-économique proposé

pour définir le secteur infonnel, il semble que le meilleur critère à retenir soit

fondé sur le non-enregistrement administratif des établissements. Ce non­

enregistrement signifie en effet soit que l'établissement n'intéresse pas les

services administratifs, soit qu'il fonctionne à la marge de ceux-ci. Certes, il se

pourrait que ce critère ne soit pas pertinent dans tous les pays. Nous pouvons

cependant affirmer qu'il convient pour tous ceux que nous connaissons.

Les enregistrements administratifs eXiges dans un pays donné pour

exercer une activité économique selon les normes définies par les pouvoirs publics

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sont souvent multiples (on en dénombre au moins six au Mexique). On peut

signaler par exemple : registre du commerce (ou de l'artisanat, ou des métiers),

système de sécurité sociale, déclaration fiscale, ministère de l'industrie, ... L'un de

ces enregistrements est-il plus significatif? En général, les registres

professionnels sont diversifiés ; de plus, ils ne présentent pas une couverture

systématique des activités; cette référence n'est donc pas très intéressante. Les

pays en développement ont rarement un système social perfonnant et

l'enregistrement n'est pas toujours requis pour les personnes travaillant à leur

compte.

C'est pourquoi nous considérons l'enregistrement fiscal cmmne le plus

pertinent. D'abord, c'est celui qui présente le caractère le plus universel pour

toutes les activités économiques. Par ailleurs, il présente une accessibilité

statistique relativement facile. Enfin, c'est le domaine dans lequel l'Etat a le plus

intérêt à faire reconnattre son autorité. Toute unité qui existe à la marge de

cette exigence peut donc être a priori considérée comme informelle, que l'Etat ne

veuille ou ne puisse la contrôler. TI anive même que celui-ci renonce

explicitement à contrôler fiscalement certaines unités. C'est souvent le cas pour

la production réalisée à la campagne, en particulier dans le domaine agricole.

Mais c'est aussi le cas en milieu urbain, par exemple quand on prélève

journellement une taxe sur les commerçants exerçant sur la voie publique (comme

cela se produit dans la DUijorité des métropoles du tiers monde).

Bien sûr, ce critère doit être adapté à la situation propre à chaque

pays. TI peut par exemple exister des cas où certaines unités, bien que formelles,

ne soient pas tenues de procéder à une déclaration fiscale (coopératives, GIS,

entreprises publiques, ...) ; mais il existe alors d'autres types d'enregistrement

administratif.

TI existe par ailleurs un autre avantage résultant de ce critère

fiscal : bien souvent, la source fiscale permet une mesure de l'activité des unités

fonnelles. Dans les pays où cette source est exploitée statistiquement, on dispose

alors d'une complémentarité dans l'ailalYSe. De plus, cela se traduit par un

répertoire des unités ayant fait une déclaration fiscale. Après redressement pour

les unités occasionnellement absentes, ou dispensées de déclaration, ce répertoire

donne en négatif ce qui relève de l'informel.

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On notera que ce critère ne pennet pas une stabilité dans le temps

des unités couvertes, compte tenu de changements dans la législation ou dans la

capacité d'intervention des pouvoirs publics. Les variations constatées dépendent

donc également de ces facteurs. Mais n'est-ce pas une des caractéristiques de ce

secteur informel que de "respirer" au cours du temps ? Plutôt que de vouloir

trouver à tout prix un critère invariant dans le temps, il nous semble préférable

de suivre cette respiration, quitte à décomposer ensuite les indicateurs d'évolution

selon les différentes causes pouvant les expliquer.

5.2.2 Un critère à éviter : la taille des établissements

La définition du secteur informel par la taille des établissements est

également utilisée. On retient alors le plus souvent comme indicateur le nombre

des travailleurs appartenant à l'établissement. Le choix d'un tel critère repose sur

l'hypothèse d'une forte corrélation entre informalité et taille des unités de

production. n présente par ailleurs l'avantage d'être facile à mettre en oeuvre, du

moins quand on dispose d'un recensement des établissements comme base

statistique. On constate cependant, selon ce critère de taille, que la frontière

entre formel et informel diffère d'une activité à l'autre ; c'est pourquoi il est

recommandé d'introduire des seuils différents selon l'activité considérée. Le choix

de ces seuils dépend alors d'une appréciation des caractéristiques locales de

l'informalité, activité par activité.

Malgré la facilité de sa mise en oeuvre, le critère de taille présente

cependant plusieurs inconvénients majeurs, surtout quand on veut intégrer à la

comptabilité nationale la mesure du secteur infonnel

- même à l'intérieur d'une même activité, il mélange des

établissements aux technologies les plus diverses, dont certains

sont parfaitement intégrés au secteur le plus performant de

l'économie ;

- le croisement avec les autres sources statistiques est délicat, en

particulier pour isoler les établissements de petite taille relevant

d'unités institutionnelles plus importantes et connues globalement ;

- il n'est pas compatible avec le partage en secteurs institutionnels

proposé par la comptabilité nationale, à la différence du critère

fiscal.

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Pour ces différentes raisons, il ne semble pas souhaitable d'associer

le concept d'infonnalité à la taille des établissements producteurs. n arrive

cependant que ce choix soit le seul possible au regard de l'information disponible.

5.2.3 Ule couverture nationale incluant toutes les activités

n convient ici d'apporter quelques précisions sur l'univers

géographique et sectoriel du secteur infonnel.

- Economie urbaine, économie rurale

Les études publiées s'intéressent plus volontiers au secteur infonnel

urbain. Bien que ce sous-ensemble constitue pour certains auteurs un champ

d'analyse spécifique, il ne semble pas qu'il y ait de justification suffisante pour

éliminer les zones rurales, même si ces dernières ont toujours été le parent

pauvre du système d'enregistrement statistique.

Dans ces zones, l'infonnalité se présente sous deux aspects

complémentaires:

- n y a d'abord tout l'espace de la production agricole elle-même,

dont les unités de production sont le plus souvent ignorées des services

administratifs ; le monde paysan est typiquement régi par des comportements

informels ; et la production de ces unités s'étend le plus souvent aussi à la

première transformation de leurs propres produits agricoles.

- Mais il y a aussi tout l'artisanat villageois, qui accompagne aussi

bien les besoins de la production agricole que la satisfaction de la demande finale

de la population rurale. Les résultats les plus récents des enquêtes menées au

Burkina Faso ou au Niger prouvent l'importance de ce secteur infonnel en milieu

rural.

Le secteur infonnel tel que nous le proposons s'étend donc aux

établissements ruraux, agricoles ou non, qui remplissent la condition de non­

enregistrement sur les registres fiscaux. Autant dire qu'on devrait y trouver la

plus grande partie de l'activité économique du monde rural des pays en

développement.

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- Sans exclusive en matière d'activité productive

De nombreuses enquêtes sur le secteur informel excluent

systématiquement certaines activités (comme celles de la finance, de la santé ou

de l'éducation). Pourtant, il existe bien des établissements informels dans ces

branches, même si leur proportion peut être faible (on pourrait citer: les écoles

privées non déclarées, les guérisseurs et praticiens de la médecine traditionnelle,

ou encore certains canaux de mobilisation de l'épargne informelle). Aucune

restriction ne devrait être faite a priori quant à l'univers théorique du secteur

informel dans le champ des activités économiques.

5.2.4 Que faire des activités illégales ?

La mise en oeuvre des choix proposés ci-dessus conduit à inclure

dans le champ de l'économie informelle les activités légales exercées hors nonnes,

ainsi que les activités illégales. Une telle orientation semble a priori souhaitable.

Mais il n'est pas inutile d'analyser plus en détail les situations que cela recouvre.

n y a d'abord l'exercice illégal d'activités qui ne sont pas en soi

interdites: médecine, finance, jeu de hasard, ... Ces activités sont le plus souvent

exercées par de petites unités de production.

n y a par ailleurs l'exercice d'activités illégales en soi (production

et commercialisation de drogues, contrebande, commercialisation des produits du

vol,...). Or il est possible de distinguer deux catégories de producteurs dans ces

domaines : d'une part les "gros bonnets", et d'autre part un grand nombre de

petits intermédiaires. A supposer que puissent être évaluées les productions

correspondantes, peut-être faudrait-il distinguer entre les deux catégories ; car si

la deuxième relève bien de l'approche proposée pour l'infonnel, cela n'est pas

aussi clair pour la première. On se trouve en effet dans ce cas face à des

méthodes de production qui ne s'apparentent pas à la survie des producteurs. Et il

ne serait pas très heureux de fausser la structure des données du secteur informel

en y introduisant les revenus très élevés que ces gros bonnets dégagent de leur

activité. A supposer que de tels revenus puissent être mesurés, il serait donc

préférable de traiter les unités économiques correspondantes comme des quasi­

sociétés.

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5.2.5 Secteur informel et fraude f"lSC81e

La fraude fiscale peut porter sur la fiscalité directe (impôt sur les

bénéfices) ou sur la fiscalité indirecte (taxes liées à la production, au commerce

intérieur ou extérieur ou à l'emploi des facteurs de production). Sans entrer dans

le détail des procédures de prélèvement fiscal, on peut dire que la partie la plus

importante des recettes fiscales en provenance des activités de production

transite par les unités de production elles-mêmes. Deux situations peuvent alors se

présenter:

- Les unités ne sont pas connues des services fiscaux, auquel cas la

fraude correspond à un défaut de déclaration. Compte tenu de la définition

retenue pour caractériser le secteur informel, une telle fraude figure

nécessairement dans la mesure à faire de la production de ce secteur.

- Les unités de production sont connues des services fiscaux, et on

se trouve alors dans le cas de sous-déclarations. Toujours en raison de la

définition retenue, la part évaluée de cette production non déclarée ne relève pas

du secteur infonnel, puisque les unités productrices font l'objet d'un

enregistrement par les autorités fiscales.

5.2.6 Entreprises et informalité

Les entreprises juridiquement constituées en société font l'objet d'un

enregistrement administratif. On constate cependant que certaines d'entre elles ne

sont pas enregistrées par les services fiscaux. Cette situation peut être provisoire

(entreprises en cours de constitution) ; il est alors nécessaire d'anticiper la

situation à venir. Mais il est possible que certaines petites sociétés échappent au

fisc de manière permanente ; elles devraient en conséquence faire partie du

secteur informel. On propose de ne retenir un tel classement que dans le cas où

elles sont par ailleurs assimilées à des entreprises individuelles, et donc classées

dans le secteur institutionnel des ménages.

Mais toutes les entreprises individuelles ne sont pas infonnelles. Un

certain nombre d'entre elles IJ.gurent en effet dans les registres fiscaux et sont

tenues à une déclaration fiscale. Plus précisément, on constate dans tous les pays

l'existence d'entreprises individuelles (aux tailles les plus diverses) qui

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- 80 -

fonctionnent de manière parfaitement intégrée dans le système économique et

social. Certaines de ces entreprises sont même éminemment "modernes". au sens

où elles emploient principalement du travail très qualifié. des technologies de

pointe (informatique. électronique. etc...>. dans des secteurs à haute valeur

ajoutée. n est donc nécessaire de pouvoir différencier les entreprises individuelles

"fonnelles"• qui existent à la fois dans les pays développés et les autres. et le

secteur informel qui représente une forme de production spécifique des pays du

tiers monde.

5.2.7 Infonœlité et production des ménages comme tels

Une partie de la production est réalisée par les ménages en dehors

de toute entreprise. C'est la production non-marchande et pour compte propre des

ménages comme tels (cf. § 3.2.4>. qui comprend:

- la production pour compte propre de biens.

- la production imputée de service de logement au titre de celui

qu'ils occupent et dont ils sont propriétaires,

- la production de services domestiques.

Faut-il inclure cette production dans le secteur infonnel tel que

nous l'avons défini ? La proposition que nous avons faite de définir des pseudo­

établissements comme cadre pour cette production laisse le champ libre pour un

tel choix. La décision relève donc finalement du contour qu'on souhaite donner au

secteur informel.

En faveur de l'inclusion, on peut remarquer qu'une telle production

met en oeuvre des processus souvent très simples, surtout basés sur la main­

d'oeuvre, et que son importance dans une économie nationale est d'autant plus

grande que la division du travail y est peu développée (du moins pour la première

de ces catégories de production>. n y a donc une proximité entre ce type de

production et la démarche de survie qui caractérise l'économie informelle des

PEn.

Mais on peut aussi vouloir mettre en avant dans l'activité infonnelle

sa vocation marchande comme solution alternative dans le cadre d'une économie

de marché. Et dans ce cas, il est préférable d'en exclure la production non­

marchande des ménages comme tels.

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- 81 -

Enfin, il faut remarquer les caractéristiques très différentes des

activités présentes dans cette production:

la production de services domestiques fait appel, au moins pour

partie, à du personnel déclaré ;

- la production imputée de service de logement concerne toutes les

catégories sociales de ménages, et se situe de toutes façons en

marge de toute obligation légale d'enregistrement ;

- c'est donc essentiellement la production de biens pour compte

propre qui relève, dans les PED, d'une stratégie de survie. Encore

faut-il analyser les choses plus en détail, afin de départager des

comportements homogènes.

Finalement, il faut bien voir que l'activité informelle prend des

formes très diverses, et qu'on se trouve en face d'une palette de situations aux

caractéristiques voisines et pourtant différentes. On pourrait alors introduire la

notion de domaines connexes au secteur informel proprement-dit à propos de ces

différents types de production non-marchande des ménages comme tels. Mais il ne

faut surtout pas hésiter à introduire dans la mesure de l'infonnalité les sous­

ensembles dont la définition semble utile à la compréhension des situations

spécifiques à chaque pays.

5.2.8 Vers un cexopte satellite de l'éconœnie "non-institutionnelle"

Tout au long des paragraphes 5.1 et 5.2, nous avons cherché à

définir un secteur informel et à le placer dans le contexte plus global de

l'économie nationale. Et c'est par rapport au cadre central de la comptabilité

nationale que nous avons conduit ce travail.

Or cette démarche appelle deux cormnentaires

- Le secteur informel que nous avons défini s'insère dans un espace

plus vaste que nous pourrions appeler l'économie "non.

institutionnelle", à laquelle se rattachent également:

l'emploi non déclaré,

la production des ménages comme tels,

la sous-déclaration fiscale.

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- Le cadre central de la comptabilité nationale se révèle très

contraignant pour rendre compte de cette diversité.

C'est pourquoi on pourrait imaginer la mise au point complémentaire

d'un compte satellite outillé pour représenter cette diversité, et adapté aux

spécificités que chaque pays présente. Un tel compte pourrait de plus intégrer les

aspects non institutionnels du non-enregistré statistique hors champ de la

production (cf. encadré n° 1).

Cette démarche n'est pas destinée à remplacer les propositions faites

ci-dessus ; il est en effet nécessaire, pour un compte satellite, de disposer dans

le cadre central de points d'ancrage adaptés. Elle permettrait en revanche

d'ouvrir des champs complémentaires de représentation pour rendre compte de la

diversité rencontrée. Mais la mise au point de l'architecture d'un tel compte

nécessiterait une nouvelle étape dans l'investigation.

5.3 SECTEUR INFORMEL ET NON ENREGJSTREMENT STATlS"ItQUE

Les instruments dont nous nous sommes dotés permettent maintenant

la mise en place d'une analyse croisée de la production nationale au regard de

l'infonnalité et du non-enregistrement statistique. Nous l'avons réalisée dans le

cadre de la figure 1.

Les différentes formes de non enregistrement statistique

Le graphique présente six fonnes différentes possibles de non

enregistrement statistique ; la sixième, qui correspond au secteur informel, prend

elle-même quatre aspects différents.

A Deux grandes catégories d'infonnation peuvent relever de cette

première forme du non-enregistrement, spécifique des Administrations publiques

(elles ne sont pas les seules) :

- l'existence de certains comptes spéciaux non repris dans la

comptabilité publique,

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- 83 -

- une partie plus ou moins importante de l'aide internationale reçue.

L'expérience montre que ce genre de non enregistrement statistique

peut parfois atteindre un montant important.

~ La production qui figure sous cette lettre est réalisée par des

unités formelles (SQS ou entreprises individuelles) qui appartiennent à la

population théorique du secteur correspondant, mais qui sont absentes des

statistiques, pour quelque raison que ce soit, l'année considérée.

C Cette catégorie de non enregistrement statistique correspond à

la part de production non déclarée par les unités qui répondent aux enquêtes

statistiques. Le motif de cette sous-déclaration statistique est le plus souvent

f'lSCal ; mais d'autres motifs peuvent également exister. Une telle sous déclaration

concerne principalement des unités formelles.

n est de notoriété publique que la fraude fiscale existe dans tous

les pays, et sans doute plus particulièrement dans les pays en développement.

Selon notre typologie, cela concerne les sociétés et les entreprises individuelles

formelles.

On sait peut être moins que la sous-déclaration statistique y atteint

des proportions similaires, et parfois même plus importantes. n faut donc

s'attendre également à une sous-déclaration statistique de la part des unités non­

enregistrées fiscalement (et donc informelles selon notre point de vue), et pour

lesquelles existe cependant une déclaration statistique (à l'occasion par exemple

d'un recensement économique).

~ Au sein de la production non-marchande de services domestiques,

il s'agit de l'emploi domestique non déclaré à la Sécurité sociale.

~ Les autres productions non-marchandes des "ménages comme tels"

ne sont généralement pas recensées· directement par les services statistiques ; la

production imputée de service de logement relève de cette catégorie.

Rappelons que la révision 4 du SCN élargit sensiblement le domaine

de la production pour les biens produits dans le cadre des ménages comme tels

(transformation des produits agricoles, vêtements, transport de l'eau, travaux dans

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- 84 -

FIGURE 1

LE NON-ENREGlSTREMENI' STATJS1'IQUESELON LES SECTEURS INS'lTlUI'IONNElS

Oes zones en grisé représentent le non-enregistrement)

SECTEURS INSTITUTIONNELS

Administrations Publiques

APU

Sociétés et Quasi Sociétés

SQS

Entreprises IndividuellesFormelles

EIF

Entreprises IndividuellesInformelles

EU

1 2 3

MénagescOllIIIetels

1 1non-marchandes

1 • Service domestique2 • Biens3 • Service de logement

1 1 1 1m arc han des

légalesA exercice

libre

légalesA exerciceréglementé

illégales

ACT v TES

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- 85 -

DESCRIPTION DE LA FIGURE

les surfaces proposêes reprêsentent des concepts, et n'ont aucun rapport avec

le poids que ces productions peuvent reprêsenter. Chacune d'entre elles reprêsente une

partie de la production nationale, quel que soit l'emploi qui en est fait (intermêdiaire ou

final) ; il ne s'agit donc pas du PIB. Cette production est analysêe selon deux dimensions:

- les secteurs institutionnels : on ne distingue pas ici les SQS financières

ou non financières, cette distinction n'êtant pas nêcessaire pour notre analyse. En

revanche, au sein des mênages. on distingue d'une part les êtablissements formels ou

informels appartenant aux entreprises individuelles. et d'autre part les pseudo­

êtablissements relatifs a la production non-marchande des "mênages comme tels".

- les activitês : un premier partage distingue les activitês selon qu'elles

sont marchandes ou non ; puis les activitês lêgales ou non ; et enfin. au sein des activitês

lêgales. celles qui doivent respecter des normes particulières pour !tre exercêes (mêdecine.

finance. comptabilitê. jeu de hasard •••• ). On remarquera que tous ces partages doivent !tre

spêcifiês dans le cadre de chaque pays. compte tenu de sa lêgislation (en France. par

exemple. le mêtier d'expert-comptable est contrOlê. non celui d'êconomiste ; c'est l'inverse

dans certains pays d'Amêrique latine).

On a dessinê un rectangle chaque fois qu'une production existe au croisement

de ces deux dimensions. Quand le rectangle est partiel. il s'agit d'une production marginale

dans le champ considêrê

- production marchande des administrations publiques;

- production non-marchande des mênages comme tels, une mention spêcifique

êtant faite pour la production de services domestiques.

les parties blanches des rectangles correspondent a la production connue grâce

aux infonnations recueill ies dans le cadre de l'enregistrement statistique direct. les

parties grisêes reprêsentent les domaines de la production pour lesquels un tel

enregistrement statistique n'existe pas.

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QUELQUES EXEMPLES CONCRETSPOUR EXPLICITER LE CONTENU DES RUBRIQUES

A - Les 10\ de la valeur des exportations chiliennes de cuivre légalement versésaux Forces Armées et dont l'emploi reste inconnu.

- Le stade offert par la Chine au Burkina Faso.

! - L'entreprise pétrolière publique du Cameroun.- Les entreprises pétrolières étrangères qui opèrent off shore au Pérou ne sont

pas tenues aux déclarations de droit commun.- Dans un certain nombre de pays, les entreprises nouvelles avant leur première

année d'exploitation courante.

~ - Au Brésil, la production estimée des sociétés non-financières a été majoréed'environ 25 % par rapport au montant constaté dans leur déclaration fiscale.

Q - Femme de ménage non déclarée par ses employeurs.

! - La production et l'amélioration des logements par les occupants, sans aucunedemande de permis de construire.

FI - vendeur ambulant,- couturière Adomicile,- portefaix,- peintre en bâtiment,- atelier en fond de cour•••••

F2 - Commercialisation au détail de produits de contrebande dont la circulationn'est pas interdite (cigarettes, cassettes, v@tements, ••• ).

- Etablissements de taille plus importante et qui cherchent Ademeurer le pluslongtemps possible dans l'informalité (c'est-A-dire hors tout enregistrementadministratif) •

F3 - guérisseur,- usurier,- loterie,- taxi "sauvage",- prostitution (selon les pays),En fait, cette population dépend beaucoup des législations spécifiques Achaquepays.

'.

F4 - Tout ce qui se rapporte a la drogue.- Le recel et la vente des objets volés.- La contrebande elle-m!me, •••

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- 87 -

le logement,...). Ce qui figure sous la lettre E se réfère à la production pour

compte propre que les ménages réalisent sans intention de la vendre.

Mais un ménage peut également produire pour compte propre des

biens qu'il réalise en même temps avec l'intention de les vendre. Une telle

production relève alors de la catégorie F.

~ Le non-enregistrement décrit sous cette lettre est intérieur au

champ proposé pour définir le secteur informel. n concerne donc des

établissements absents des registres fiscaux. On fait cependant l'hypothèse que

certains de ces établissements non-enregistrés fiscalement peuvent répondre aux

enquêtes statistiques (sinon tous les ans, du moins à l'occasion de recensements,

ou de certaines enquêtes). C'est pourquoi on a maintenu une partie blanche dans

le rectangle associé aux activités légales à exercice libre. Autrement dit, une

partie du secteur informel peut être enregistrée statistiquement.

On peut en revanche distinguer plusieurs motivations pour le non­

enregistrement statistique au sein de ces établissements considérés comme

infonnels, en utilisant cmmne référence les critères de partage proposés:

FI - L'établissement se situe en marge de la collecte statistique,

sans qu'il. existe de volonté particulière de sa part d'échapper à cette collecte :

le statisticien n'est pas venu jusqu'à lui.

F2 - Toujours au sein des activités légalement autorisées et à

exercice libre, il existe des établissements dont le patron cherche délibérément à

échapper à tout enregistrement administratif et/ou statistique. La qualité de toute

enquête spécifique sur le secteur infonnel est inversement proportionnelle à

l'importance de ce groupe.

F3 - Quand l'exercice d'une activité est réglementé, la mise en

oeuvre de cette réglementation passe normalement par un enregistrement

administratif. Son exercice infonnel suppose alors une volonté explicite d'échapper

à ce contr61e, .et donc le plus souvent aussi à un enregistrement statistique.

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- 88 -

F4 - L'exercice de ces activités nécessite en plus d'échapper aux

investigations de la police.

n est évident que les sous-groupes 2, 3 et 4 induisent des difficultés

spécifiques supplémentaires pour la collecte d'infonnations directes ou indirectes.

Remarque : L'emploi non déclaré échappe aussi le plus souvent à l'enregistrement

statistique. S'il est le fait d'entreprises fonnelles, le prendre en compte dans le

cadre de redressements statistiques n'induit pas nécessairement un redressement

dans la mesure de la production. On peut cependant soupçonner qu'il s'accompagne

le plus souvent d'une sous-déclaration simultanée de la production.

5.4 ME'lHOIlIœ lYEVALUA110N ET B~INS STATlSTIQ1J&C)

Grâce à la typologie du non-enregistré statistique présentée ci­

dessus, il est possible de proposer une approche plus fine de la mesure de ce

phénomène. Elle pennet surtout de déboucher sur une évaluation spécifique des

données relatives au secteur infonne!. Encore faut-il une certaine qualité de

l'information indirecte, en particulier pour obtenir une mesure au cours du temps.

Les besoins constatés servent de point de départ à des propositions en matière

statistique, présentées au chapitre 6.

5.4.1 Méthodes d'évaluation

n est possible de reprendre chacune des fonnes de non­

enregistrement statistique mentionnée ci-dessus, en précisant à chaque fois les

procédures possibles pour en obtenir une évaluation.

A n est impossible d'évaluer ce type de dépenses .des APU dans le

cadre des travaux présentés dans le 4 • chapitre. Seule une investigation

spécifique permet de parvenir à un résultat. n est donc nécessaire de trouver des

éléments pennettant de reconstituer les comptes spéciaux d'une part, le montant

de l'aide internationale d'autre part. L'expérience montre que des infonnations de

bonne qualité peuvent en général être obtenues.

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~ A défaut de répertoire (au sens statistique du terme), il est

nécessaire d'établir un fichier des unités institutionnelles concernées, afin

d'établir la liste de celles qui manquent chaque année, de retrouver une partie

des informations manquantes, et de proposer finalement une évaluation pour les23 "-

autres.

C Dans les pays développés, il est possible d'évaluer directement

ce montant par le biais des taux de fraude calculés par les services fiscaux. Dans

les pays en développement, même si une telle information existe, elle reste bien

en deçà de la réalité, car les contrôles fiscaux ne sont pas fiables. On doit donc

évaluer cette sous-déclaration dans le cadre de la méthode présentée ci-dessus (cf

le chapitre 4). Mais une telle méthode ne permet pas une évaluation spécifique de

la seule partie C, sinon une évaluation simultanée de C+F. C'est donc seulement

dans le cas où il est possible de procéder à une évaluation directe de F que la

mesure de C est envisageable, par solde. n n'est pas interdit, cependant, de

procéder à des estimations indirectes des taux de fraude probables, ce qui permet

une analyse critique de l'autre approche.

~ Les travailleurs qui réalisent un service domestique au domicile

de leur employeur ne peuvent être connus de manière directe que par

l'intermédiaire du recensement de la population et des enquêtes sur l'emploi. A

défaut de telles informations, on en est réduit à faire des hypothèses grossières.

~ Ces domaines de production doivent être évalués de manière

autonome, au moyen d'indicateurs spécifiques. Le plus important d'entre eux

concerne le service du logement. On trouve les informations nécessaires à la fois

dans le recensement des logements et dans les enquêtes de consommation des

ménages. Mais ces informations n'existent pas toujours, et il manque presque

toujours les données pennettant d'en calculer une évolution annuelle.

r C'est la mesure spécifique de notre secteur informel qui est en

jeu ici. Or une telle évaluation n'est pas possible directement. Elle doit d'abord

être menée simultanément avec l'espace C, dans le cadre de la démarche proposée

23 Pour la lIIéthode a suivre, voir : Construire les comptes de la Nation - H. SERUZIER,Ministère de la Coopération, 1988, chapitre 5.

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au chapitre 4. L'enjeu est alors de pouvoir séparer ces deux domaines, ce que

seule pennet une collecte statistique spécifique sur le secteur informel. La

manière de conduire une telle collecte fait justement l'objet du chapitre suivant.

Quelques précisions sur la" méthode à suivre

On fait l'hypothèse que la collecte statistique mentionnée ci-dessus

est disponible. Les travaux suivants sont alors réalisés:

- Elaboration de la matrice emploi présentée en annexe n ; à

défaut, utilisation de la seule matrice donnant la population active occupée par

activité selon le premier emploi.

- Mise en place, par activité, d'un tableau croisant :

. en ligne les opérations des comptes de production,

d'exploitation et du revenu d'entreprise; l'emploi selon la matrice précédente

. en colonne une décomposition de ces données par

établissement, à savoir

(1) Etablissements des SQS

(2) Etalbissements des El formelles

(3) Etablissements des El informelles

(4) Sous déclaration associée aux cas (1) à (3)

(5) Pseudo-établissements (Ménages comme tels)

(6) Etablissements des domaines F3 et F4

(7) Total

- Pour remplir ce tableau :

Les colonnes (1) et (2) sont alimentées par les sources statistiques

classiques (après redressement pour absences - cf. espace B).

La colonne (3) est alimentée par les données en provenance de

l'enqu~te spécifique. auprès des établissements informels (telle que définie au

chapitre 6).

Les colonnes (5) et (6) ne portent que sur un nombre limité

d'activités. n est en revanche particulièrement difficile d'en estimer le contenu.

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On trouve dans la colonne (7) des données liées à d'autres tableaux

de la comptabilité nationale :

. la production retenue dans l'équilibre ressources-emplois du

produit correspondant à la branche ;

l'offre de CI en pro_venance des autres produits (dont ce qui

résulte de l'analyse de la filière) ;

. l'emploi total fourni par la matrice indiquée ci-dessus.

- Par une démarche itérative, on met progressivement en place les

fonctions de production propres à chacune de ces colonnes, et de telle sorte que

le total proposé soit compatible avec le reste du système. La colonne (6)

représente un des lieux possibles d'arbitrage. Un partage de son contenu entre les

différentes familles d'établissements doit alors être proposé.

n est évident que cette méthode laisse encore quelques zones dans

l'ombre, que seules des hypothèses complémentaires peuvent éclairer. Mais il s'agit

de zones présentant un poids sensiblement plus faible dans l'économie. Et elle

permet surtout de proposer des hypothèses fortes à la fois sur l'économie

informelle et sur la fraude fiscale de l'économie fonnelle. Mais il faut des

informations spécifiques relatives au seul secteur informel, puisqu'il n'est pas

question de trouver des données directes sur le montant de la fraude. Et c'est là

que prend toute son importance la réalisation d'enquêtes du type de celles

proposées dans le 6° chapitre.

n n'est pas rare que les informations démographiques relatives aux

établissements ou à la population active occupée soient disponibles pour une année

particulière; en revanche, il est peu fréquent qu'elles soient suivies annuellement.

C'est donc sans doute dans ce domaine de l'évolution temporelle que l'effort

statistique doit être entrepris de manière prioritaire. L'autre exigence statistique

porte sur les données économiques par activité, là encore avec des informations

au cours du temps. Quand la différenciation par activité est possible, on peut

éventuellement isoler les quatre sous-situations mentionnées dans le domaine F.

L'expérience montre cependant que les activité~ liées aux domaines 8 et 4 sont

particulièrement difficiles à mesurer.

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5.4.2 Quelques précisions sur les besoiDs statistiques

L'exposé qui précède oriente la description des besoins qui se font

jour pour mesurer les espaces conceptuels ainsi définis. ns concernent toutes les

catégories du non-enregistré statistique répertoriées ci-dessus. Nous ne décrivons

pas ici les besoins relatifs aux domaines répertoriés A à E, dans la mesure où

l'objet de ce dossier se limite aux activités infonnelles. n est cependant évident

que des besoins spécifiques pourraient être fonnulés pour ces domaines.

En ce qui concerne plus spécifiquement le secteur informel, une

infonnation statistique directe est absohnnent nécessaire. C'est en effet grâce à

elle qu'un partage est possible entre l'informalité et la sous-déclaration des unités

formelles. On peut alors classer les besoins constatés selon trois grandes

catégories

- Une connaissance approfondie de l'une au moins des deux

populations mentionnées établissements ou population active

occupée, réparties par activité. Pour la première de ces

populations, notre connaissance doit s'étendre aux établissements

mobiles et au nombre des emplois engagés ; pour la seconde, il est

nécessaire de connattre les emplois multiples exercés par une

même personne, ainsi que la durée du travail.

- Des données économiques générales, éventuellement limitées dans

un cas aux ventes, dans l'autre aux revenus.

- Des informations plus détaillées, éventuellement

enquêtes complémentaires, pour reconstituer les

production correspondantes.

obtenues par

fonctions de

Par ailleurs, ces infonnations doivent permettre la mesure de

l'évolution temporelle des comptes de production correspondants. Certes, il n'est

pas possible d'espérer, pour chaque année, le même niveau de détail que celui

assuré par un recensement. Mais l'objectif minimmn est de disposer d'indicateurs

suffisamment précis pour faire évoluer les grandeurs décrites ci-dessus d'une

année sur l'autre. Et dans la mesure où ces données proviennent d'enquêtes par

sondage, il est nécessaire de se doter de moyens solides pour garantir une

fiabilité suffisante à de telles évolutions.

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Actuellement, l'information disponible dans tous les pays que nous

connaissons ne couvre que partiellement de tels besoins. n en résulte

nécessairement une mauvaise évaluation au cours du temps du non-enregistré

statistique en général, et du secteur infonnel en particulier.

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CHAPITRE VI . UNE STRAlEGIE DE COLLECIE DES DONNEES

Maintenant que nous avons précisé notre définition du secteur

informel, la place qu'il doit prendre dans le système de comptabilité nationale et

les chemins possibles de sa mesure, il reste à mettre en oeuvre une stratégie

statistique susceptible d'apporter les infonnations nécessaires à la démarche

d'élaboration proposée.

Notre objectif n'est pas ici de brosser un panorama exhaustif des

démarches mises en oeuvre par les comptables nationaux et les statisticiens

d'enquêtes pour appréhender le secteur informel. Mais en nous appuyant sur les

nombreuses expériences réalisées à ce jour dans les PED, en particulier dans le

cadre de la coopération française, nous décrivons les deuz principales solutions

statistiques apportées au problème de la mesure directe des activités informelles.

La définition théorique que nous avons proposée nous conduit à privilégier l'une

d'entre elles. Cependant les "contingences du terrain" (structure du système

statistique national, disponibilité en ressources financières, etc.) nous amènent à

considérer que ces deux stratégies d'échantillonnage sont plus complémentaires

que concurrentes.

Nous présentons dans une première partie le point de vue du

statisticien d'enquête qui doit à la fois satisfaire les besoins de la comptabilité

nationale et définir les instnunents de mesure adaptés à cet objectif. Cette

contrainte fait appara'ttre clairement les insuffisances de "l'approche classique"

pour la prise en compte du secteur informel, et met en évidence la nécessité

d'élaborer une proposition alternative. Nous en définissons les grandes lignes dans

la seconde partie. Nous explorons en détail la voie de ces enquêtes en deux

phases, en abordant successivement les principes de base et de mise en oeuvre,

puis les principaux problèmes à résoudre, auxquels nous apportons quelques

éléments de solution.

6.1 LE POINT DE VUE ru STATJSTICIEN D'ENQUETE

En premier lieu, il convient de rappeler brièvement les principauz

objectifs que doit respecter le statisticien d'enquête pour mener à bien la prise

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en compte du secteur informel dans la comptabilité nationale. On en dénombre

trois :

- d'abord, définir une stratégie de collecte des données qui permette au

comptable national d'établir la séquence des comptes relative au secteur informel.

Cette contrainte comporte une double dimension -= la représentativité nécessaire

(échantillonnage), et la compatibilité des concepts spécifiques de la comptabilité

nationale avec le type d'infonnations effectivement collectées dans l'enquête ;

- en second lieu, recueillir des données quantitatives sur la structure et le

niveau des emplois, de façon à construire la "matrice des emplois"

(cf. annexe m ;

- enfin, proposer une solution assurant le suivi dans le temps de la dynamique

propre au secteur informel.

A côté de ces trois attentes, un principe simple doit guider la

mesure du secteur informel privilégier la mesure directe plutôt que les

estimations indirectes, quand la première permet d'obtenir des résultats

suffisangnent f'18bles à un coût Don prohibitif. Si l'estimation indirecte du secteur

informel (ou de certaines de ses composantes) n'est pas une préoccupation

nouvelle pour les comptables nationaux24, les enquêtes statistiques réalisées sur le

secteur informel depuis une vingtaine d'années prouvent la viabilité d'une

approche directe. C'est donc cette voie pour la quantification directe du secteur

informel que nous voulons explorer spécifiquement25.

Notons que l'infonnation directe obtenue par les enquêtes sur le

secteur informel permet, à l'heure de la mise en cohérence des différents

24 CHARMES J., Trente cinq ans de comptabilité nationale du secteur informel au Burkina Faso:1954-1989. Leçons d'une expérience et perspectives d'amélioration., INSD-PNUD-DTCD, Projetd'appui a la planification. Rapport n· 13c, 1989, 108 p.

25 Nous sommes donc amenés a écarter les méthodes indirectes de quantification de l'économiesouterraine, notamment les méthodes "monétaro-économétriques" (fondées sur la demande demonnaie) parce qu'elles ne permettent pas d'isoler spécifiquement le secteur informel. Deplus, il est impossible de ventiler la production totale par branche. Pour une critique de cesméthodes, voir ROUBAUD F., op.cit., pp. 50-90.

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équilibres comptables, de mieux cerner le résidu d'activités non-enregistrées, que

les autres instrmnents statistiques employés par la comptabilité nationale n'ont

pas permis d'affecter à un secteur institutionnel particulier (cf. figure 1).

6.1.1 L7unité statistique d 7observation l'unité de' production

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Notre choix conceptuel nous a conduit à retenir l'unité de

production comme unité de référence pour définir le secteur informel. Par

conséquent, seule une enquête auprès des unités de production peut servir de

source d'information. Encore faut- il définir ce que nous entendons par "unité de

production", ainsi que les liens qu'elle entretient avec le concept d'établissement.

Nous avons déjà explicité le point de vue du comptable national. n faut

maintenant préciser notre définition de l'unité de production au sens du

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statisticien, c'est à dire celle susceptible d'être utilisée dans une procédure

effective d'enquête.

Nous appelons "unité de production" une unité économique où

s'exerce une activité productive, quelle que soit la forme que celle-ci puisse

prendre. En particulier, ni le rythme de ractivité (à "temps partiel" ou à "temps

plein"), ni le type de local utilisé ("en dur", sur la voie publique, ou à domicile)

ne sont des critères pertinents pour délimiter le champ de la production. Ce

choix diverge de celui traditionnellement adopté par les statisticiens réalisant des

enquêtes auprès des établissements. C'est ce qui nous conduit à privilégier le

terme d'unité de production plutôt que celui d'établissement.

Bie:l souvent, ne sont considérés comme établissements que les

unités de production qui réalisent leurs activités de façon permanente dans un

local bâti, à usage spécifique et aisément repérable. TI apparai't clairement que

cette acception restrictive du terme "établissement", associée à ridée d'un lieu

fixe, ne convient pas dans le cadre de la mesure du secteur informel.

Si certaines activités informelles disposent d'un local et peuvent

être considérées comme des établissements (ateliers de confection ou de

réparation, petites échoppes du commerce de détail, etc.), tel n'est pas toujours

le cas. A la rigueur, lorsque l'activité s'exerce à domicile, on pourrait encore

envisager d'identifier là un établissement, même s'il y a à la fois absence de

"visibilité" et spécificité d'usage du local. Dans le cas des activités exercées dans

la rue, le "lieu" devient mobile. Et il est finalement des cas où toute idée de

lieu disparai't : artisans du bâtiment, et plus largement tous les services rendus

dans les locaux du bénéficiaire, représentation et vente à domicile, interprétariat,

guide touristique, etc. En cas d'activité informelle, l'obligation du "siège" n'existe

pas; et même s'il existe une référence téléphonique, celle-ci est rarement

spécifiée dans rannuaire.

Finalement, le concept d'unité de production généralise celui

d'établissement. na sont équivalents dans le cas des activités sédentaires

disposant d'un local propre. Pour les autres formes d'activité où il n'existe pas

d'établissement à proprement parler et qui représentent une composante

essentielle du secteur informel, le concept d'unité de production semble le mieux

adapté.

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Cette définition de l'unité de production est donc la condition

nécessaire pour pouvoir saisir de manière exhaustive l'ensemble des activités

productives marchandes. On identifie ainsi la production par secteur institutionnel,

et l'on isole les activités du secteur informel. Ce critère statistique est

compatible avec le point de vue théorique développé dans le chapitre 5. n en

constitue l'expression statistique la plus fidèle.

6.1.2 1Dsuff"lS8JlCe de "l'approche classique" le couplage recensements

d'établissements/enquêtes sur le secteur informel

La définition de l'unité statistique d'observation (l'unité de

production) met en évidence les faiblesses de certaines stratégies de collecte des

données.

En premier lieu, nous devons écarter les enquêtes auprès des

ménages visant il appréhender les caractéristiques de l'emploi informel. Elles

consistent à ajouter un module spécifique sur les conditions d'emploi aux enquêtes

traditionnelles sur l'emploi. Ces enquêtes sont assez répandues en Amérique

Latine, où elles sont souvent prises en charge par les instituts nationaux de

statistique26. En Afrique, elles ont d'abord été promues par le BIT (au cours des

années 70) puis par le JASPA (au cours de la dernière décennie). Elles ne

satisfont pas aux critères que nous avons préalablement définis (estimation de la

production, des coefficients techniques, etc.). Dans ces enquêtes, les unités

statistiques de base sont des individus et non des unités de production.

Mais c'est surtout "l'approche classique" qui pose problème. Nous en

décrivons rapidement la méthode, avant de mentionner ses principales limites.

Elle correspond à l'approche la plus "directe". Elle suppose la

réalisation d'un recensement d'établissements, lequel sert de base de sondage pour

des enquêtes sur le secteur informel. Ce choix a été retenu en Tunisie, avec un

26 Voir par exemple, SPP, STPS, PNUD/OIT, La ocupaci6n informal en areas urbanas, 1976,Mexico, 1979, 340 p. Plus rêcemment (en mai 1990), l'institut de la statistique argentin(INDEe) a rêalisê une enquete sur la prêcaritê de l'emploi, sous la forme d'un moduleadditionnel a l'enquete permanente sur les mênages.

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certain succès27. Cette piste est celle la plus explorée depuis 10 ans en Afrique.

L'expérience pionnière de la Tunisie a été étendue plus récenunent à d'autres

pays cmmne la Guinée (1987), le Niger (1987-1988), le Zaïre (1989) ou le Burkina

Faso (1989)28.

Près de 15 ans d'expériences ont pennis d'affiner les procédures de

saisie. Elles ont constitué le champ d'innovations majeur des questionnaires

adaptés au mode de fonctionnement des activités informelles. Le hiatus qui

existait entre les concepts des spécialistes (économistes, comptables nationaux,

statisticiens) et la logique des producteurs a été réduit.

Dans cette optique, les recensements d'établissements constituent un

préalable nécesslÜre avant de pouvoir mener des investigations plus détaillées.

Leur objectif central consiste en un dénombrement de l'ensemble des

établissements afin de saisir les informations essentielles, qui dans un second

temps permet l'élaboration de procédures d'échantillonnage stratifiées. Les agents '

recenseurs quadrillent les rues de la (ou des) ville(s) considérée(s) et repèrent les

lieux physiques où s'exercent des activités de production. Dans certains cas, les

parcelles ou les concessions sont aussi visitées (Niger), pour déceler la présence

d'établissements dans ces cours intérieures. Quant aux activités non-sédentaires,

elles ne sont pas systématiquement prises en compte. Quand elles le sont, les

opérations statistiques consistent à les compter, rarement à leur appliquer un

questionnaire détaillé.

TI convient de distinguer trois types de recensements

d'établissements en fonction du champ couvert : les recensements de l'ensemble

des établissements, les recensements des seuls établissements informels, les

27 CHARMES J., le secteur non structurê dans les comptes nationaux: l'expêrience tunisienne,STATECO n" 31, INSEE, Paris, Septembre 1982. MULLER P., les comptes des entreprises nonfinancières en comptabilitê nationale. Elêments mêthodologiques a partir de l'expêriencetunisienne, STATECO N" 46, INSEE, Paris, 1985.

28 l'expêrience nigêrienne semble particulièrement rêussie. Elle a donnê lieu a deuxpublications dans la revue STATECO. OUDIN X., l'enquête nationale sur le secteur informel auNiger 0987-1988), STATECO n" 62, INSEE, Paris, Mars 1990, et AUGE RAUD P., Exploitation del'enquête secteur informel Niger 1987/1988 pour la comptabilitê nationale, STATECO n" 65,INSEE, Paris, Mars 1991.

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recensements qui ne procèdent qu'à de simples dénombrements, sans recueillir de

données. Dans l'immense majorité des cas, ils sont menés sur des sous-ensembles

du territoire national, en priorité dans la capitale, parfois sur l'ensemble des

zones urbaines, et très rarement dans la totalité du pays.

Nous ne présentons pas en détail l'ensemble des recensements et

enquêtes réalisés sur cette base ; ils ont déjà fait l'objet d'études spécifiques29.

Nous souhaitons en revanche insister sur les limites de la méthode, ce qui nous

permettra de définir une stratégie plus adaptée.

C'est la représentativité statistique de l'univers des établissements

informels appréhendé par voie directe qui est en cause.

a) Le problème de la -visibilité- des établissements

En premier lieu, un recensement des établissements ne peut pas

constituer une base de sondage exhaustive des unités de production du secteur

informel. Cela tient à l'extrême difficulté de localisation des unités infonnelles.

Echappent aux opérations du recensement la plupart des unités ambulantes (même

si on retient le principe de leur dénombrement) et surtout l'ensemble· des

activités s'exerçant à domicile.

Dans la plupart des cas, les agents recenseurs procèdent par

quadrillage de rues. C'est donc la "visibilité" des établissements qui constitue la

véritable frontière pour délimiter le champ couvert. Pour effectuer un

recensement véritablement exhaustif des établissements à domicile et de leurs

activités économiques, ce sont tous les logements d'habitation qu'il faudrait

visiter.

Une telle méthode est celle des recensements de population. A moins

de mener simultanément les deux recensements et d'introduire dans celui de la

population des questions sur les établissements à domicile, une telle stratégie est

en général exclue, en particulier en raison de son coût.

29 Cf. notes 43 et 44.

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En réalité, le problème de la visibilité des unités de production ne

se pose pas seulement dans le cas du secteur infonnel. Certaines entreprises

individuelles fonnelles, voire certaines sociétés, ne possèdent pas d'établissements

physiquement identifiables (notamment dans les branches des transport, du BTP ou

encore des services aux entreprises ou aux ménages). Dans tous les secteurs, le

champ couvert par les recensements d'établissements est incomplet. C'est bien sûr

dans le secteur infonnel que la couverture est la plus faible.

b) Le risque de double compte

Le statisticien se trouve confronté au problème de l'unité statistique

de base du recensement. Dans la perspective d'une localisation directe des

activités, il faut. être capable d'établir une liste exhaustive non seulement des

logements mais aussi des locaux à vocation strictement économique ; d'où le

risque de double compte. Un indépendant du secteur infonnel peut très bien

entreposer une partie de son matériel et effectuer certaines opérations à

domicile, tout en disposant d'un local propre dans lequel il effectue le gros de

son activité. Une telle unité économique serait alors comptabilisée deux fois.

EnÏm, la mesure des activités infonnelles par voie directe sur le lieu de travail

est inadaptée pour les unités ambulantes, ou celles qui s'exercent sur la voie

publique. La rue n'est certainement pas un lieu adéquat pour remplir un

questionnaire d'enquête. Ce type de problème n'apparatt pas dans le cas des

enquêtes mixtes présenté plus loin, puisque le lieu d'habitation constitue une

unité statistique de base homogène.

c) Les difficultés pour mettre en place des répertoires informatisés

d'établissements informels

Enfin, il n'est pas concevable d'établir un répertoire infonnatisé des

unités infonnelles, pennettant le suivi dans le temps de leur activité. Etant donné

les lois de création et de mortalité particulièrement erratiques de ce type

d'unités, l'actualisation des registres devient une opération irréalisable. Plus le

temps écoulé entre le recensement et les enquêtes approfondies sur les

établissements infonnels est important, et plus l'image obtenue par l'échantillon

est défonnée. Ainsi, on a pu montrer qu'au Mexique le taux de non localisation

pour cause de changement d'activité pouvait atteindre 20 % dans certaines

branches, à deux ans d'intervalle.

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En conclusion, ce sont justement de telles unités de production qui

ne sont pas des établissements, qui ne peuvent pas être prise en compte par

l'approche traditionnelle recensement d'établissements/enquête sur les

établissements du secteur infonnel.

Si on voulait poursuivre sur la voie des recensements

d'établissements pour mesurer l'activité du secteur infonnel, il faudrait amender la

procédure originelle afin de couvrir l'ensemble du champ, et pas seulement sa

partie "émergée" (ou "visible"). D'ailleurs les premiers recensements des

établissements ne prétendaient saisir que ce segment émergé et peut-être

"modernisable". Les principaux programmes du BIT qui oeuvraient dans ce domaine

visaient plus spécifiquement la partie "moderne" du secteur informel, c'est à dire

les micro-entreprises susceptibles de faire l'objet de politiques de promotion. Dans

bien des cas, seules les activités manufacturières étaient recensées30.

Mais la tendance actuelle semble plutôt, face à de telles difficultés

d'appréhension directe des établissements, de préférer une approche du secteur

infonnel à partir d'enquêtes auprès des ménages. Jacques CHARMES qui fut un

des promoteurs des recensements d'établissements pour la mesure du secteur

infonnel (Tunisie, Guinée, Zaïre, etc.> concluait dans une étude récente : ".•. de

plus, la construction et les transports sont souvent exclus du champ des

receusements parce qu'ils sont réalisés en dehors de locaux, ainsi que les activités

exercées il dœù.cile, parce qu'il n'existe pas d'établissements identifiés cœme

tels. Ces limites dans la couverture des recensements d'établissements sont la

raison principale pour laquelle les enquêtes auprès des ménages sont maintenant

considérées conme le meilleur moyen de mesurer les activités infonnelles"31.

30 C'est d'ailleurs en partie a cause de ce biais que nombre d'études sur le secteur informeldébouchent sur une vision optimiste de la capacitê de ce dernier a gênérer des emploisrémunérateurs. En ne prenant en compte que le secteur informel local isé, elles surestimentlargement le niveau moyen des revenus.

31 CHARMES J.,household andstatisticians.,

A review of recent experiences and methodological issues for surveyinginformal economic activities in Africa. A new challenge for survey

UNSO, NHSCP, TSSHEA, Juin 1990, p. 30. Traduction personnelle.

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FICHE TECHNIQUE N· 1

ENQUETE NATIONALE SUR LE SECTEUR INFORttELNIGER 1987-1988

TECHNIQUE D'ENQUETE :Il s'agit d'une enquête auprès des êtablissements du secteur informel.

CHMP DE L' ElQUETE :Les êtablissements ne remplissant pas les Dêclarations Statistiques et Fiscales (DSF),donc ne possêdant pas de comptabilitê lêgale.

COIISTRUCTION DE L' ECHANTI LLOI :En l'absence de base de sondage, l'enquête a êtê effectuêe par tirage arêolaire. Aprèsrecensement desêtablissements dans les aires tirêes, l'êchantillon est stratifiê (69strates) suivant trois critères de stratification: le type d'activitê (26), le milieu (3)et la taille (2).L'extrapolation a ensuite êtê faite A partir de sources administratives, complêtêes pardes dênombrements et par l'estimation de densitê d'êtablissements.

BRANCHES D'ACTIVITE SELECTIONNEES :Toutes sauf l'agriculture, l'orpaillage et les services domestiques.

REPRESENTATIVITE :Nationale.

TAILLE DE L'ECHAITILLON2823 êtablissements (environ 1000 A Niamey, 1000 dans les autres villes et 800 en milieurural) •

QUESTIOINAIRES :10 questionnaires diffêrents ont êtê utilisês suivant le type d'activitê (production,commerce, transport) le milieu (rural, urbain), et la localisation (sêdentaire ou non).

PERIODE D'ENQUETE :L'enquête a êtê rêalisêe en deux pêriodes (juillet-août 1987, novembre 1987-fêvrier 1988)pour prendre en compte les variations saisonnières.

LI"ITES DE L'ENQUETE :Celles que nous mentionnons A propos des enquêtes directes auprès des êtablissements.Il faut toutefois noter que l'enquête a aussi portê sur les êtablissements nonsêdentaires. Ce sont donc essentiellement les activitês A domicile qui êchappent Al'enquête.La dêfinition retenue du secteur correspond A celle que nous proposons.Elle a fait l'objet d'un traitement spêcifique dans les comptes nationaux.

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"

- 106 -

6.2 UNE m'RATEGIE D'ENQUETES EN DEUX PHASES

Puisqu'il n'est pas possible d'obtenir un échantillon représentatif des

unités de production informelles à partir des statistiques d'établissements, il

convient de proposer une stratégie alternative. La méthode des enquêtes en deu%

pba ses32 semble particulièrement appropriée, notamment pour résoudre les

problèmes d'échantillonnage posés par la mesure du secteur informel.

A la différence de l'approche classique, elle procède de manière

indirecte. Elle aboutit à l'échantillon des unités informelles en passant par un

inventaire des postes de travail occupés par les membres des ménages. A notre

connaissance, cette méthode a été mise en oeuvre pour la première fois au Pérou

FIGURE 2

DEUX STRATEGIES D'ECHANTn..WNNAGE ALTERNATIVESPOUR MESURER L'ACl'IVlTE œ SECTEUR INFORMEL

Enquete auprèsRecensement des ménages sur Enquetes sur

Première de ... l'activité des"-

les unitésstratêgie population (Dase de , individus (Enquete '" de production

sondage) (Unité physique filtre) informe11 esde repêrage :

logement)

Phase 1 Phase 2

Enqu@tesDeuxième Recensement

1 "sur les

stratégie d'établissements 1,. êtab1issements

(Base de sondage) informels

Note: Si les bases de sondage sont indisponibles (recensement de population, recensement des établissements), les deux

méthodes peuvent Itre appliquées à partir d'unités primaires choisies sur la base d'un sondage aréolaire,

32 Dans un prêcêdent article, nous avions qualifiê cette mêthode d'enquêtes mixtes, entraduisant littêra1ement l'expression espagnole "encuesta mixta". Il semble que ladênomination d"'enquêtes en deux phases" soit mieux adaptêe. ROUBAUD f., Proposition pourintêgrer le secteur informel dans la comptabi1itê nationale. Concept et mesure. STATECO n° 65,INSEE, Paris, Mars 1991.

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en 198233• Elle a .aussi été employée à plusieurs reprises au Mexique (1987 et

1988). L'enquête auprès des ménages sur les activités économiques (secteur

informel) réalisée au Mali en 1989 procède d'une même démarche.

Cette démarche, encore peu expérimentée, repose sur la réalisation

d'enquêtes nationales portant sur le secteur informel à partir d'un échantillon de

ménages. Elle permet d'obtenir des données statistiques de première main sur le

secteur informel, conformes aux besoins de la comptabilité nationale dans ce

domaine. En fait, la voie des enquêtes en deux phases nous semble être le seul

moyen d'obtenir un univers statistiquement représentatif de l'ensemble des unités

de production informelles (qu'elles soient fixes ou mobiles, sur la voie publique ou

à damicile)34.

Dans la mesure où cette voie est encore largement exploratoire nous

pensons nécessaire de bien en préciser les caractéristiques. Nous nous appuyons

sur les différentes expériences déjà réalisées dans plusieurs pays, principalement

au Mexique. Ces enquêtes en deux phases ont montré la viabilité de la stratégie

proposée. Elles n'ont cependant encore jamais servi à établir les comptes

spécifiques du secteur informel dans la comptabilité nationale. Nous nous

emploierons donc ici à systématiser la méthode afin d'assurer l'adéquation entre

objectifs comptables et stratégie d'enquête.

D faut préciser que la méthode des enquêtes en deux phases n'est

pas conditionnée par la définition spécifique que nous avons retenue pour le

secteur informel (enregistrement fiscal). Cette stratégie d'échantillonnage

s'applique tout aussi bien à d'autres critères retenus pour définir les unités de

production informelles (taille de l'établissement, tenue d'une comptabilité, etc.),

dès lors que ce critère est effectivement saisi par l'enquête filtre.

sector ;nformal, 2 vol., ed. CEDEP, Lima,

Il faut noter que cette méthode peut auss; etre employée pour repérer les un;tês deproduction ";nv;sibles" du secteur formel (soc; étés et quasi-sociétés, entreprises;ndiv;duelles formelles).

33 Vo;r CARBONETTO D., HOYLE J., TUEROS M., L;ma1988.

34

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0.

- 108 -

6.2.1 Principes de base

Cette technique consiste à sélectionner un échantillon d'unités de

production aœquelles on applique un questionnaire spécifique S1I1" l"activité

infmmelle (phase 2). à partir d'informations tirées d'une enquête auprès des

ménages et portant sur l'activité des individus (phase 1).

Selon cette technique, le repérage de l'unité de production ne se

fait plus de manière directe, mais à travers la force de travail qu'elle met en

oeuvre. Les seules unités de production exclues par cette approche sont celles

ayant pour unique activité le service de logement pour compte de tiers. On note

également que la production non-marchande réalisée par les ménages pour compte

propre n'est pas saisie par une telle méthode.

Pour chaque individu appartenant à la population active occupée (par

exemple, tout individu ayant travaillé au moins une heure durant la semaine de

référence, si l'on retient la définition du BIT), qui se déclare patron ou

travailleur indépendant dans une unité satisfaisant la condition d'appartenance au

secteur informel (ici le non-enregistrement fiscal), on applique le questionnaire sur

l'unité informelle qu'il a eu la charge.

La force majeure de cette méthode réside dans le fait qu'une base

de sondage issue d'un recensement des domiciles (dans le cadre d'un recensement

de population) p088ède des propriétés d'exhaustivité bien meilleures qu'une base de

sondage fondée sur un recensement des établissements ; surtout dans le cas

d'enquêtes sur des activités aussi ~insaisissables" que celles du secteur informel.

Les propriétés statistiques des estimateurs obtenus par l'enquête sur le secteur

informel dérivent des caractéristiques de l'enquête servant de filtre.

6.2.2 La stratégie d'échantillonnage : le choix de renquête f"l1tre

La nécessité de procéder en deux temps résulte de l'absence

d'informations a priori sur l'univers des unités informelles. La phase 1 de

l'enquête (réalisation de l'enquête filtre) a justement pour objectif d'obtenir cette

information a priori à moindre coût. Deux cas de figure peuvent être envisagés :

- utiliser des sources préexistantes ;

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- déimir une stratégie intégrée phase 1 - phase 2 dans le seul but d'enquêter sur

le secteur infonne!.

a) La mobilisation d'enquêtes préexistantes en phase 1

La phase 1 de l'enquête consiste à identifier l'échantillon des unités

de production infonnelles, et à opérer éventuellement une stratification de ces

unités, à partir de données sur l'activité des individus. Trois sources peuvent être

mobilisées à cet effet. Le choix de l'une de ces sources dépendra des

contingences du système d'enregistrement statistique en vigueur dans chaque pays.

TI s'agit:

- des recensements de population ;

- des enquêtes budget-consonunation

- et des enquêtes sur l'activité et l'emploi.

Les recensements de population

Le recensement de population peut servir de base de sondage. Son

utilisation pour réaliser une enquête sur le secteur infonnel requiert trois

conditions préalables :

- que les délais entre le recensement et l'enquête sur le secteur

infonnel soient réduits au minimmn ;

- que les infonnations sur l'activité des individus, nécessaires pour

filtrer les "entrepreneurs individuels" infonnels, soient incluses dans

le questionnaire du recensement ;

enfin que non seulement l'emploi principal des individus soit saisi,

mais aussi l'emploi (ou l'ensemble des emplois) secondaire(s).

En général, pour des raisons d'économie, ces conditions ne sont pas

remplies. Nous noterons toutefois avec intérêt le soin apporté à la mesure de la

pluri-activité dans le dernier recensement du Burkina Faso35.

35 CHARMES J., Pluri-activité des salariés et pluri-activité des agriculteurs. Deux exemplesde mesure et d'estimation: Italie et Burkina Faso., in HONTAGNE-VILETTE e. eds., Espace ettravail clandestin, Paris, Hasson 1991.

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Les enquêtes budget-consommation

L'utilisation des enquêtes budget-consommation peut aussi constituer

une solution en phase 1. Ces enquêtes ont plus souvent un caractère national, et

saisissent l'ensemble des infonnations relatives à l'activité des individus qui sont

nécessaires pour repérer les unités de production informelles. Des travaux sont

actuellement en cours au Mexique et au Pérou dans ce sens36.

Cependant, la mobilisation de ce type d'enquêtes en phase 1 pose

deux types de problèmes. En premier lieu, le nombre de ménages enquêtés est

souvent insuffisant pour satisfaire les exigences de représentativité par branche

en phase 2. Ensuite, la lourdeur habituelle des questionnaires des enquêtes budget­

consonunation pourrait entratner un phénomène de saturation et de rejet de la

part des ménages retenus en phase 2, à l'heure de répondre à un nouveau

questionnaire, lui-même relativement pesant.

Les enquêtes sur l'emploi

A notre avis, les enquêtes sur l'emploi constituent le meilleur

support pour servir de filtre à l'enquête spécifique sur le secteur informel, dans

la mesure où elles fournissent les informations nécessaires pour identifier toutes

les unités infonnelles.

La plupart des pays d'Amérique Latine ou d'Asie disposent déjà

d'enquêtes de ce type. En Afrique par contre, il existe une véritable carence

dans ce domaine. Mais la mise en place d'enquêtes sur l'emploi sur ce continent

devrait permettre de faire d'une pierre deux coups. En effet, il existe un

véritable besoin, qui dépasse le cadre du secteur informel, de mieux connai'tre la

situation et l'évolution du marché du travail, alors que les politiques d'ajustement

structurel mises en place ces dernières années sont susceptibles d'affecter en

profondeur la structure de l'emploi dans ces pays. Identification des groupes

vulnérables, cadrage des politiques de revenus, etc., voilà de nombreuses raisons

suffisantes pour entreprendre la réalisation d'enquêtes sur l'emploi. De plus ces

enquêtes ont déjà prouvé leur grande utilité pour la mesure du non-enregistré

36 Cette procédure a auss i été ut il isée au Rwanda en 1983-85. Voi r BLAIZEAU O., CHARMES J.,Méthode d'analyse du secteur non-structuré A travers une engu@te budget-consommation.L'expérience du Rwanda, STATECO n" 42, INSEE, Paris, Juin 1982.

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- III -

statistique dans les PED d'Amérique latine (emploi non déclaré, estimation des

revenus du travail, etc.). De nombreux partenaires peuvent être directement

intéressés par ce type d'enquête, au rang desquels on compte le BIT, et les

ministères du travail.

Aucun des défauts mentionnés précédemment dans le cas du

recensement de population ou des enquêtes budget-consmmnation ne pèse sur les

enquêtes-emploi. Par contre, bien souvent ces dernières n'ont pas le caractère

national requis pour la comptabilité nationale. Elles ne couvrent que la capitale

(Pérou), ou un échantillon de zones urbaines <Mexique, Argentine). n convient

alors de réaliser une enquête nationale sur remploi. C'est cette voie qu'a choisie

le Mexique, qui en est déjà à sa seconde expérience (1991 après l'enquête de

1988)37.

b) En l'absence de source préexistantes

En l'absence d'enquête nationale intégrale, il est toujours possible de

réduire la phase 1 (celle qui s'adresse aux ménages et qui sert de filtre) à son

strict minimum. Sur la base d'un échantillon de ménages ou d'individus,

représentatif au niveau national, on peut se contenter de ne recueillir dans cette

première phase que la situation sur le marché de remploi (actif ou inactiO, le

statut d'activité (patrons ou travailleurs indépendants versus salariés ou aides

familiaux), le secteur institutionnel de l'unité économique dans laquelle les

individus ou les ménages enquêtés travaillent (sociétés ou ménages) et le

caractère infonnel de l'unité de production. C'est un choix de ce type qui a été

fait au Mali en 1989.

L'enquête malienne auprès des ménages sur les activités économiques

(secteur informel) est constituée par un échantillon de 10 200 ménages (sondage à

deux degrés), desquels on espère tirer un échantillon· d'établissements de 3 000

unités. L'enquête comporte 7 modules, dont le premier est un module filtre. Celui­

ci pennet de répartir la population enquêtée en 6 catégories, en fonction de son

37 la stratégie consiste A compléter l'échantillon de l'enquête emploi courante, de façon!couvrir l'ensemble du territoire. Dans le cas mexicain trois échantillons ont été utilisés:celui de l'enquête courante (EHEU) qui couvre 16 villes du pays, un complément urbain, etenfin un échantillon des zones rurales.

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- 112 -

FICHE TECHNIQUE N· 2

ENQUETE NATIONALE SUR L' ECONOItIE INFORMELLE (ENEI)MEXIQUE 1988-1989

TECHNIQUE D'ENQUETE :Il s'agit d'une enquête en deux phases, l'Enquête Nationale d'Emploi Urbain (EMEU)servant d'enquête filtre (phase 1).

CONSTRUCTION DE LA POPULATION IMPLICITE DES UNITES DE PRODUCTION INFORMELlESOn sélectionne l'ensemble des unités de production A la charge d'individus ayant déclaréêtre des travailleurs indépendants (patrons ou travailleurs pour leur propre compte) etemployant au plus 5 salariés, dans leur emploi principal.

BRANCHES D'ACTIVITE SELECTIONNEES :manufacture, commerce de détail, service de réparation, construction privée, préparationd'aliments.

REPRESEllTATlVITE :nationale, pour les zones urbaines de plus de 100 000 habitants et/ou capitales d'Etats.L'enquête a été réalisée dans 7 villes : Mexico, Guadalajara, Monterrey, Puebla, LeOn,Ciudad Juarez et Tijuana.

TAILLE DE L'ECHANTILLON:3459 unités de production.

QUESTIONNAIRE :Unique.

PERIODE D'ENQUETE5 décembre 1988 - 28 février 1989.

PERSONNEL D'ENQUETE :70 enquêteurs, 14 superviseurs, 7 chefs de terrain, 14 critiques, 10 codificateurs.

COUTS :Coûts unitaires: 6,5 US $ (dollar de janvier 1989) par questionnaire complet, 1,7 US $par questionnaire incomplet, 2,2 US $ par questionnaire corrigé.Coûts globaux: salaires versés aux enquêteurs : 56 162 US $, papeterie : 864 US $,frais de déplacement des enquêteurs: 4 320 US $.Coût total : 61 346 US $.

LIMITES DE L'ENQUETE :Par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés (mesure de l'activité du secteurinformel pour la comptabilité nationale), l'EMEI comporte plusieurs limites:- il ne s'agit pas d'une enquête sur le secteur informel (au sens que nous lui donnonsdans ce texte), mais sur des unités de production "présumées" informelles. C'est!l'intérieur du champ couvert (l'ensemble des unités de production employant au plus 5salariés) que l'on espère définir le secteur informel;- l'enquête ne prend pas en compte la pluri-activité ;- la couverture géographique n'est pas nationale;- un certain nombre de branches ont été exclues a priori.

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statut d'activité (agriculteur, aides familiaux et apprentis, salariés, châmeurs,

inactifs, employeurs et indépendants non agricoles). C'est à cette dernière

catégorie que l'on appliquera le questionnaire sur le secteur infonne!. On y repère

les unités de production, et le questionnaire s'emploie à en mesurer l'activité.

Cette enquête dont l'objectif principal est de mesurer l'activité du secteur

infonnel intègre en un seul temps les deux étapes de la procédure de sélection de

l'échantillon d'unités de production. Le module filtre peut être assimilé à une

mini-enquête emploi tandis que le dernier module permet de reconstituer

l'échantillon d'établissements infonnels. Cette procédure est bien adaptée lorsqu'il

n'existe pas d'enquête support sur l'activité des individus.

Le choix de la première stratégie (mobilisation partielle ou totale

d'une enquête préexistante en phase 1) est le résultat d'un arbitrage :

- d'un côté elle pennet de réduire les coûts du programme

spécifique sur le secteur infonnel, puisqu'une partie est prise en

charge par la première enquête

- de l'autre, elle peut nuire à la qualité des estimateurs en phase 2,

dans la mesure où le nombre d'unités infonnelles par branche

imposé par l'enquête filtre ne correspond pas forcément aux

objectifs de représentativité désirée.

6.2.3 Mise en oeuvre de la phase 2 de l'enquête

Pour satisfaire les besoins de la comptabilité nationale, la phase 2

de l'enquête doit respecter un certain nombre de contraintes.

a) La couverture géographique de l'enquête

Elle doit embrasser r ensemble du territoire national pour satisfaire

les impératifs de la comptabilité nationale.

Puisque la couverture géographique englobe aussi bien les zones

urbaines que rurales, on peut envisager un traitement différencié suivant la

localisation. Dans certains cas, le recensement agricole (et toute la batterie de

techniques d'enquêtes spécifiques élaborées pour saisir les activités économiques

en zone rurale) peut servir de base de sondage aux enquêtes sur le secteur

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infonnel dans les zones rurales, tandis que l'enquête emploi pennet de couvrir les

zones urbaines.

Rappelons que le secteur infonnel rural comprend à la fois des

activités agricoles et des activités non agricoles. Ces dernières ne doivent pas

être négligées.

b) Identif"1C8tion des unités de production informelles

Le processus de sélection de l'échantillon représentatif d'unités de

production dépend de la définition adoptée pour le secteur infonnel (cf.

chapitre 5). Celle que nous proposons implique l'introduction d'une question

additionnelle dans le module adressé aux ménages, pennettant d'identifier le

régime ilSCa1 des établissements. Au Mexique cet item est déjà présent dans

l'enquête emploi, et donne la possibilité de classer la population active occupée

selon le secteur institutionnel des unités où chacun travaille. Le coût d'un tel

ajout est négligeable.

TABLEAU 5

LA PRISE EN COMPrE DES SECTEURS INSTmJTIONNELSDANS L'ENQUETE EMPWI MEXICAINE

DANS LE QUESTIONNAIRE ON CLASSE LA POPULATION ACTIVEOCCUPEE SUIVANT LE SECTEUR INSTITUTIONNEL O'APPARTEJIAIICE

1 Une institution publique, entreprise décentralisée ou para-publique2 Une chatne industrielle, commerciale ou de service de grand capital3 Une coopérative, syndicat, association, ou corps de métier4 Tout autre type d'établissement avec un NOM et/ou DECLARE5 Un établissement qui n'a pas de NOM et/ou est NON DECLARE qu'il

dirige comme patron, sous-traitant ou indépendant6 Un établissement qui n'a pas de NOM et/ou est NON DECLARE et dont il

est salarié, au temps, au pourcentage, à la tâche, ou non rémunéré7 Ne veut pas dire, ne sait pas

Dans l'enquête mexicaine tout membre de la population active est

censé répondre à cette question. Les résultats de l'enquête réalisée depuis 1985

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- 115 -

montrent que cette question ne pose aucun problème particulier38. Dans notre

perspective, il faudra en modifier le libellé de façon à satisfaire notre définition

spécifique du secteur infonne!.

Quand l'échantillon des unités infonnelles est constitué à partir des

seules réponses faites par les entrepreneurs eux- mêmes, on peut penser que la

qualité de l'infonnation fournie garantit la qualité de celui-ci. TI n'en va pas de

même quand l'échantillon de ménages est trop restreint. Pour des raisons de

représentativité statistique, il est alors nécessaire d'élargir l'identification des

unités de production infonnelles à partir des déclarations des travailleurs

dépendants. Ceux-ci ont une moins bonne connaissance de l'unité qui les emploie.

On doit alors s'assurer de la congruence des réponses en croisant divers

indicateurs sur l'établissement (taille, branche, déclaration du statut juridique par

l'employé). Les cas litigieux seraient en tout état de cause peu nombreux.

c) Réduction des décalages temporels

TI faut réduire au minimum les décalages temporels entre la première

et la seconde phase de l'enquête. Comme nous l'avons vu, le refus de répondre à

l'enquête n'est pas un problème considérable. En revanche, la localisation des

unités après un certain laps de temps n'est pas aisée, compte tenu de la forte

rotation des activités, et des lois démographiques affectant le secteur infonne!. TI

faut envisager une application du questionnaire auprès des unités de production le

jour même, voire le lendemain. Les délais doivent être réduits au minimum.

Ce problème de décalage temporel ne se pose pas dans le cas où

l'enquête filtre est réalisée en même temps que la mesure des activités du

secteur infonnel (cf. l'enquête malienne).

d) Des questionnaires adaptés

TI est aujourd'hui assez clair qu'on ne peut mesurer de la même

manière la production du secteur infonnel, et celle que réalisent les plus grandes

38 En fait, la question elle-m@me est mal fonnulée puisque les actifs travai llant dans desétablissements ayant un nom et non-enregistré ou dans ceux qui n'ont pas de nom et sontenregistrés peuvent etre classés dans les catégories 4, 5 ou 6. Il conviendrait donc dedéfinir une question dont les modalités constituent une véritable partition de l'ensemble desétablissements.

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entreprises nationales ou multi-nationales. Ni le rythme de l'activité, ni la

rémunération du travail, ni l'estimation des principaux agrégats de production ne

suivent les critères standards imposés par la tenue d'une comptabilité harmonisée.

Le chemin a été bien balisé par l'ensemble des enquêtes ponctuelles, et des

expériences déjà capitalisées à travers le monde. Toutefois, malgré leur

spécificité, ces questionnaires doivent pennettre d'aboutir à des procédures de

saisie et à des chatnes infonnatisées de traitement des résultats.

e) Le lieu de l'enquête

Pour optimiser la fiabilité des réponses, il convient de différencier

le lieu de l'enquête en phase 2 en fonction du type de local dans lequel s'exerce

l'activité. Pour les établissements infonnels disposant d'un local spécifique,

l'enquête doit être menée sur le lieu de travail afin de vérifier la cohérence des

réponses (du patron ou du travailleur pour son propre compte). Cela pennet aussi

au travailleur indépendant du secteur infonnel de pouvoir solliciter directement la

main d'oeuvre pour les questions traitant spécifiquement des qualifications, âge,

statut migratoire, temps de travail, etc.

Pour les activités ambulantes ou qui s'exercent à domicile, le lieu de

résidence s'avère être l'endroit idoine pour appliquer le questionnaire.

f) Le choix de la personne à interroger (en phase 2)

Dans tous les cas, la seule personne indiquée pour répondre aux

questions sur l'activité de l'unité productrice enquêtée est bien l'individu qui en a

la charge. En aucun cas, l'enquêteur ne peut se satisfaire de réponses faites par

les employés ou par un membre de la famille présent au domicile au moment de

l'enquête.

On doit noter ici une différence importante entre les deux enquêtes

(phase 1 et phase 2). Dans le cas de l'enquête filtre, la personne enquêtée n'est

pas nécessairement "auto-infonnante,,39. En effet, elle répond aux questions sur

39 Un individu est dit "auto-informant", s' il est lui-m@me l'objet du questionnaire qui luiest appliquê. Dans le cas où l'unitê d'analyse n'est pas un individu physique (un mênage parexemple). on cherche alors la personne la mieux qualifiée pour répondre (le chef de ménage).le problème vient de ce que cette dernière n'est pas nêcessairement présente au moment del'enquête.

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l'activité de chacun des membres du ménage (dont elle-même). Seule sa présence

au domicile au moment de l'enquête la qualifie pour répondre. n existe donc un

risque sur la qualité des infonnations recueillies en phase 1. Mais ce biais est

inhérent à la plupart des enquêtes auprès des ménages. n convient de le réduire à

l'aide de variables de contrôle40. Par contre en phase 2, il est impératif que

l'enquêté soit "auto-informant".

g) La participation des comptables nationaux

Nous insistons sur le fait que la direction des comptes nationaux doit

participer à l'élaboration du questionnaire. C'est à elle de définir le type

d'informations dont elle a besoin pour élaborer les comptes. Même si souvent les

comptables nationaux ne sont pas les mieux annés pour aborder les problèmes de

terrain que pos,e la mesure du secteur informel (les statisticiens d'enquêtes

disposent en général d'une meilleure connaissance du milieu), ils doivent intervenir

en amont, pour établir une liste exhaustive des concepts et grandeurs, qui en

dernière analyse leur serviront pour établir toute la séquence des comptes de

flux. n revient ensuite aux spécialistes du secteur informel d'assurer la

compatibilité entre la terminologie de la comptabilité nationale et la réalité

quotidienne des producteurs informels. Si la plupart des enquêtes sur le secteur

informel ne sont que d'un usage limité lorsqu'il s'agit d'en tirer la substance dans

les comptes nationaux, c'est bien à ce manque de collaboration qu'on le doit.

Cette coopération entre diverses branches statistiques a en outre le mérite de

concourir à une meilleure intégration des différentes directions des instituts de

statistique.

6.2.. Esquisses de solutions pour trois problèmes essentiels à résoudre

Au delà des principes de base et de mise en oeuvre des enquêtes en

deux phases pour la mesure du secteur informel, trois problèmes plus particuliers

demandent une solution appropriée: le traitement de la pluri-activité, la précision

des estimateurs en phase 2 et le suivi dans le temps du secteur informel.

40 Par exemple quant a l'âge ou a la posit;on au se;n du ménage de l' ;nformateur. Unestratég;e alternat;ve lIa;s part;cuHèrement coûteuse cons;ste a n'accepter que des enquêtés"auto-;nformants".

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'.

- 118 -

a) Prise en cœnpte de la pluri-activité

L'obtention d'un échantillon représentatif de l'ensemble des unités

informelles nécessite que toutes les activités productives soient enregistrées.

Prenons l'exemple d'un fonctionnaire, qui une fois sa journée tenninée, travaille

comme chauffeur de taxi non déclaré avec sa voiture personnelle. Pour repérer

l'unité économique informelle de la br~che des transports que dirige cet individu,

il faut connaître à la fois son emploi principal et son emploi secondaire. La non­

prise en compte du phénomène de la pluri-activité tendrait à sous-estimer le poids

réel du secteur informel dans l'économie (cf. annexe ID.

Aussi est-il nécessaire de soigner la procédure de saisie de l'activité

secondaire des actifs en phase 1 (enquête emploi, ou autre enquête filtre utilisée).

Cet effort ne peut que servir à ces mêmes enquêtes, dans leurs objectifs

spécifiques. Trop souvent, on n'accorde qu'une importance marginale à la mesure

de la pluri-activité. D'où une sous-estimation systématique de ce phénomène dans

les enquêtes sur l'emploi. Dans certains cas, la question n'apparaît même pas.

L'impérative prise en compte de la pluri-activité des individus influe

sur la stratégie de collecte des données, à deux niveaux au moins :

- sur le tirage de l'échantillon en phase 2 (stratification et nombre

de degrés du tirage) ;

- sur le type de questionnaire en phase 2.

D'abord, l'information saisie en phase 1 sur la pluri-activité peut

conduire à la définition d'une stratification pertinente de l'échantillon d'unités de

production informelles. Par exemple, il peut être intéressant de tirer deux

échantillons distincts, suivant que l'unité informelle est dirigée par un individu

dont c'est l'emploi principal, ou dont c'est l'emploi secondaire.

Ensuite, une autre décision d'échantillonnage à prendre est liée à la

pluri-activité. A chaque individu, on peut associer une ou plusieurs unités de

production infonnelles, suivant le nombre et le type d'emplois qu'il exerce. Le

statisticien devra alors s'interroger sur la pertinence d'intégrer dans l'échantillon

de phase 2, toutes les unités de production informelles liées à un même individu

(sondage en grappe) ou seulement une partie d'entre elles (sondage comportant un

degré supplémentaire par rapport à la phase 1).

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Par ailleurs, le phénomène de la pluri-activité conduit à modifier la

forme des questionnaires sur les unités de production. Lorsqu'un individu dirige

plusieurs unités informelles distinctes, on peut envisager trois solutions possibles :

- appliquer plusieurs fois le même questionnaire, un pour chaque

unité. C'est la solution qui a été retenue dans les enquêtes

budget-consommation du Mexique (1983 et 1989) ou du Rwanda

(1985) ;

appliquer un questionnaire détaillé pour l'unité associée à l'activité

principale de l'individu, et un questionnaire simplifié pour les

activités secondaires ;

- enfin appliquer un seul questionnaire pour chaque individu,

saisissant l'ensemble des informations sur les unités de production

informelles qu'il dirige.

Dans tous les cas, un code identifiant doit permettre de reconstituer

l'ensemble des données recueillies sur un individu, tant en phase 1 (données sur

les conditions d'activité et d'emploi), qu'en phase 2 (données relatives aux unités

informelles dont il a la charge).

b) La précision des estimateurs

unités de production informelles

Construction de la population implicite des

La procédure de sélection de l'échantillon d'unités de production à

partir de l'enquête filtre sur l'activité des individus est fondée sur la relation qui

existe entre les travailleurs indépendants41 (patrons et travailleurs à leur propre

compte) et les unités qu'ils dirigent. Par définition, tout travailleur indépendant

du secteur informel est à la tête d'une unité informelle et pour toute unité

informelle on peut identifier la personne qui en a la charge.

41 La notion statistique de "travailleur indêpendant" est êquivalente 1 celle d"'entrepreneurindividuel" dans la comptabilitê nationale.

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L'enquête filtre nous permet donc de repérer un ensemble d'unités

de production informelles présentant les caractères de représentativité statistique.

Mais le nombre d'unités informelles ainsi isolées peut ne pas satisfaire aux

objectifs spécifiques de l'enquête sur le secteur informel, eu égard à la précision

désirée des estimateurs.

Soit Nn : le nombre d'unités informelles désiré pour les besoins de l'enquête.

NF : le nombre d'unités informelles identifiées dans l'enquête filtre.

Deux cas de figure se présentent

Cette configuration est la plus facile à traiter. Elle peut se réaliser

par exemple, si l'enquête auprès des ménages comprend un échantillon

particulièrement large ou si le degré "d'informalité" de l'économie est élevé. Dans

ce cas, il faut tirer un échantillon d'unités de taille Nn parmi les NF repérées

dans l'enquête filtre. La stratégie d'échantillonnage est laissée au libre-arbitre

des promoteurs de l'enquête, en fonction de leurs objectifs propres (avec ou sans

remise, stratifié ou non, etc.). Les coefficients d'extrapolation (soit l'inverse des

probabilités d'inclusion) associés à chaque unité seront égaux au produit des

coefficients d'extrapolation affectés aux travailleurs indépendants du secteur

informel et de l'inverse de la probabilité d'inclusion des unités informelles parmi

celles identifiées dans l'enquête filtre.

Ce cas de figure peut se présenter si la précision souhaitée des

estimateurs <leur variance) n'est pas satisfaite parce que NF est trop faible. nfaut alors sélectionner Nn-NF unités informelles supplémentaires. Une solution

consiste à mobiliser plus avant les informations contenues dans l'enquête filtre.

Celle-ci repère un échantillon représentatif de la population active.

En particulier, elle identifie les travailleurs dépendants du secteur informel

(salariés, apprentis, aides familiaux). A partir de ces travailleurs dépendants du

secteur informel, il est possible de retrouver les unités de production dans

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".

- 121 -

lesquelles ils sont employés. Pour ce faire, il est nécessaire de demander à

l'enquêté l'adresse de son lieu de travail.42

Cette démarche ne devrait pas poser de problèmes majeurs étant

donnée la forte "proximité sociale" qui existe entre employeurs et employés du

secteur informel. Dans la grande majorité des cas, il existe des liens particuliers

entre la main d'oeuvre et les travailleurs indépendants du secteur informel, qui

dépassent la seule relation marchande (liens de parenté, amitié, connaissance sur

la base de réseaux de solidarité, etc.). Ceci est vrai non seulement pour les aides

familiaux (par définition) mais aussi pour le salariat employé dans le secteurinformel.43

Cette stratégie conduit à recalculer les coefficients d'extrapolation

associés à chaque unité dans la mesure où plusieurs individus présents dans

l'enquête filtre et travaillant dans le secteur informel peuvent nous conduire à la

même unité de production. Le sondage correspond alors à un tirage aléatoire à

probabilités inégales. La probabilité d'inclusion d'une unité de production donnée

devra être pondérée par l'inverse du nombre de personnes qui y travaillent.

Au cas où l'exploitation des données portant sur les travailleurs

dépendants du secteur informel ne permettrait pas de fournir un nombre

d'établissements supplémentaires suffisant, il faudrait compléter l'échantillon par

une procédure ad hoc (mobilisation d'autres enquêtes sur l'activité des ménages

que l'enquête filtre, tirage de nouveaux ménages dans l'échantillon-maître s'il en

existe un, sondage aréolaire).

Dans la réalité, on peut envisager que suivant les branches

d'activité, les zones géographiques, etc., les cas 1) et 2) puissent se réaliser

simultan~ent (pour certaines branches i, 'Noi < N/, pour d'autre branches i,'Noi > NFJ). Les deux méthodes devront alors être combinées.

42 Si l'activité ne s'exerce pas dans un local fixe, il faudrait alors obtenir l'adressepersonnelle de la personne qui l'emploie ce qui n'est pas sans poser problème.

43 Cette solution a été adoptée dans le cas de l'enquête sur le secteur informel menée auPérou en 1983, sans rencontrer de problèmes spécifiques. Voir CARBONETTO D., HOYLE J.,TUEROS H., op. cit.

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Légende de la figure 3: - Dans le premier cas, l'échantillon des unités de productioninfonnelles rêsulte d'un tirage alêatoire a probab;litês égales. Dans le second cas, ils'agit d'un tirage alêatoire a probab;litês inêgales, proportionnelles a la taille del'unité de production (nombre de travailleurs).

- Dans 1e second cas, nous n'avons pas présenté expli ci tementtoutes les combinaisons d'emplois pour des raisons de lisibilité (par exemple si l'individua trois emplois ou plus, ou encore s'il est pluriactif, travaillant a la fois cOllllleindépendant d'une unitê informelle dans son emploi principal, et salarié d'une autre unitéinformelle dans son emploi secondaire).

- Dans les deux cas présentês ici, les échantillons d'emplois etd'unités de production informelles correspondent aux populations implicites respectivestirées de l'échantillon d'individus. Il est aussi possible de tirer un échantillon dans lapopulation implicite des unités de production.

- NI, NE, NUP • nombre total d'individus, d'emplois et d'unitésde production informels.

La non adéquation entre Nn et NF ne peut se produire que dans le

cas où l'enquête filtre n'a pas été conçue dans l'objectif particulier d'appréhender

le secteur informel. Lorsqu'il n'existe pas d'enquête support et qu'il faut réaliser

les deux étapes pour les besoins de l'enquête sur les établissements informels, le

nombre de ménages est choisi de façon à obtenir ~ établissements informels.

C'est de cette façon qu'il a été procédé pour l'enquête du Mali.

Dans tous les cas de figures, le problème à résoudre est celui de la

construction de la population des unités de production informelles contenue

implicitement dans celle des ménages ou des individus. Ainsi, un même individu

peut nous conduire à plusieurs unités informelles (par exemple s'il a deux emplois,

tous deux dans le secteur informe!). Symétriquement, plusieurs individus peuvent

nous conduire à une même unité de production informelle (tous ceux qui

travaillent dans un même établissement nous conduisent à la même adresse).

L'échantillon d'individus appartenant à la population active nous conduit à un

échantillon implicite d'emplois (principaux ou secondaires) dans une unité

informelle, qui lui-même débouche sur un échantillon d'unités informelles. On peut

alors choisir entre deux options (voir figure 3) :

.. - ne retenir que l'échantillon

informelles identifiées à travers un travailleur

alors la même probabilité d'inclusion ;

implicite d'unités de production

indépendant. Toutes les unités ont

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FIGURE 3

COHrrRUCTION DE LA POPULATION IMPLIC1'IE D&S~ lE PROIUCTIONINFORMEI,I.F:3 ASSOCIEE A L'ECHANTILLON DES INDlV'IIJ(E TRAVAn.LANT

DAR) LE SECTEUR INFORMEL~ EN PHASE 1

A) EN NE PRENANT EN COMPTE QUE LES EMPLOIS INFORMElS lETRAVAILLEURS INDEPENDAN'IS

Echantillon des individusayant au moins un emploiinformel

Population implicite desemplois informels

Population implicitedes unitês de pro­duction informelles

Emploi correspondant a :

il ) eu : un monoactif ... Upl,

· · ·i. ) ejl : un pluriactif, emploi principal )- UphJ· · ·ik » ek2 : un pluriactif, emploi secondaire ) UPm· · ·

il~

e1l : un pluriactif, emploi principal ) ··· e12 : un pluriactif, emploi secondaire ) ·· ·11 ·

D) EN PRENANT EN ·COMPrE L'EN)EMBLE D&S EMPLOIS INFORMEIB(TRAVAILLEURS DEPENDAN'IS ET INDEPENDANTS)

i.J

\

Emploi correspondant a :

eu : un IDOnoactif : ... Upl:>

1-]· travailleur indêpendant ·> ejl : un monoactif : ·

· travailleur dêpendant ·~

eU : un pluriactif : emploi principal

/Uph

· travailleur indêpendant ·ek2 : un pluriactif, emploi secondaire ~ UPm/travailleur indépendant ·> e12 : un pluriactif, emploi secondaire ·· travailleur dêpendant ··N <. N

up E

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- retenir l'échantillon total des unités de production infonnelles

auquel nous conduit l'ensemble de l'échantillon des actifs de l'enquête filtre

(qu'ils soient travailleurs indépendants ou dépendants). Dans ce cas, il faut

corriger les coefficients d'extrapolation issus de la phase 1 de l'inverse de la

probabilité d'inclusion.

Dans tous les cas, les propriétés statistiques des estimateurs sont

explicitement calculables. D semble cependant préférable de retenir la première

option. Le coût additionnel qu'elle impose en phase 1 (il faut disposer d'un

échantillon plus important d'individus pour obtenir le même nombre Nn d'unités de

production infonnelles) doit être compensé par les inconvénients de divers ordres

causés par la stratégie d'identification des unités infonnelles à partir des

travailleurs dépendants (calcul des coefficients de pondération, risque de doubles

comptes et d'erreurs, risque pour les salariés, etc.).

c) Le suivi dans le temps

Le suivi temporel du secteur infonnel revêt une importance capitale

pour la compréhension de sa dynamique macroéconomique. n est aussi requis pour

les besoins de la comptabilité nationale. Pour avoir été des opérations ponctuelles,

les expériences de recensements/enquêtes sur le secteur infonnel n'ont pas été en

mesure de répondre à ce problème central. Ce défaut est d'ailleurs un des

argmnents évoqués par J. CHARMES pour promouvoir la voie des enquêtes

périodiques auprès des ménages44.

Faute d'infonnations périodiques disponibles, la plupart des

comptabilités nationales des PED font croître le secteur infonnel, branche par

branche, au même rythme que les entreprises les plus importantes, pour lesquelles

on dispose d'indices mensuels, trimestriels, ou annuels (enquêtes industrielles,

conunerciales, etc.). Ce choix revient à dénier toute autonomie au cycle productif

44 Il écrit notamment a propos des deux limites principales que rencontrent les recensementsauprès des êtablissements : "••• les enqu@tes auprès des êtablissements ne couvrent que lapartie "êmergée" du secteur informel et jusqu'a aujourd'hui, ces enqu@tes n'ont pas étécapables de fournir aux économistes et aux décideurs des séries chronologiques homogènes.Seules des enqu@tes périodiques auprès des ménages peuvent atteindre ces objectifs."CHARMES J., A review of recent experiences and methodoloqical issues for surveying householdand informal economic activities in Africa. A new challenge for survey statisticians., L1NSO,NHSCP, TSSHEA, Juin 1990, p. 30. Traduction personnelle.

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des petits et moyens établissements, par rapport aux grandes finnes.

Cette solution est d'autant plus absurde que certaines théories

économiques affinnent que le secteur infonnel évolue en opposition de phase par

rapport au secteur moderne. Ainsi des salariés licenciés de la grande industrie du

cuir ou du textile, pourront être tentés de s'établir à leur compte, en créant des

unités infonnelles, en s'adjoignant éventuellement l'aide de certains membres de

leur famille. Ce qui est enregistré connne une perte d'emplois d'un côté,

correspond à une création d'emplois par ailleurs, sur un autre segment productif,

dans le secteur infonne!.

C'est justement à cette question centrale de la dynamique

macroéconomique du secteur infonnel que doit nous pennettre de répondre la prise

en compte permanente de ce secteur dans la comptabilité nationale.

Si une enquête nationale sur le secteur infonnel permet une bonne

approche de ce secteur pour l'année de base, il faut proposer une solution

satisfaisante pour le suivi dans le temps de ce secteur. Répéter une telle

opération chaque année n'est pas concevable pour des raisons de coûts. n faut

donc recourir à d'autres méthodes. Deux pistes exploratoires peuvent être

expérimentées : l'utilisation des enquêtes auprès des ménages mesurant les revenus

du travail, et des méthodes à choix raisonné.

Les enquêtes auprès des ménages

Là encore, les enquêtes-emploi (et toutes les autres enquêtes auprès

des ménages) s'avèrent être un instnnnent idoine pour l'élaboration d'indices

d'évolution. Cette option permet de sortir les enquêtes emploi de l'état de "sous­

emploi" dans lequel elles se trouvent actuellement. L'expérience italienne de

l'ISTAT, avec la constitution d'unités standards de travail, qui a conduit à une

réévaluation de 15 à 18 % du PIB italien entre 1980 et 1985 en est le meilleur45exemple .

45 SIESTO V., Concepts and methods involved in the last revision of Italy's GDP, in EuropeanConference on Medium Term Economie Assessment, ISTAT, 1987.

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- 126 -

Dans le secteur informel, la valeur ajoutée n'est pas très différente

de la somme des rémunérations distribuées (sous forme de salaires ou des

bénéfices des entrepreneurs individuels). Par définition, le montant des impôts

versés et des subventions d'exploitation est faible46. On peut donc construire un

indicateur reflétant fidèlement l'évolution de la valeur ajoutée dans le secteur

informel, à partir des données de revenus saisies dans l'enquête emploi47.

Ainsi, on suit année après année, avec un degré de fiabilité

acceptable, l'évolution du compte de production dans le secteur informel, sur la

base des enquêtes emploi. Si celles-ci font défaut, on pourra avoir recours à la

batterie d'enquêtes sur les revenus que génère chaque année l'institut de

statistique d'un pays (les enquêtes budget-consommation, enquêtes sur l'emploi,

enquêtes légères, etc.). La couverture nationale peut ne pas être assurée

systématiquement, auquel cas il faudra faire des hypothèses sur la dynamique

différentielle des régions. Pour les variables qui ne sont pas observées (comme les

consormnations intermédiaires, la formation brute de capitale fixe, le montant des

impôts et des droits, ou encore les intérêts versés), il sera toujours possible de

reconduire la structure observée pour l'année de base, ou de les estimer à partir

de relations économétriques plus sophistiquées.

En tout état de cause, en disposant de la masse salariale et de la

rémunération des entrepreneurs individuels, qui sont connues par la seule question

sur les revenus dans l'enquête emploi ou l'enquête budget-consommation, on tient

l'immense majorité des flux économiques que réalise le secteur informel. Cette

procédure suppose un minimmn d'harmonisation entre les concepts employés dans

les statistiques du travail et celles recueillies auprès des établissements (notion de

population active, nomenclature de branches, période de référence), harmonisation

qui est par ailleurs une nécessité.

46 Si jamais les subventions versées au secteur informel venaient A cro1tre pour des raisonsde politique économique (appui au secteur informel), il serait toujours possible d'en mesurerle montant auprès des organismes émetteurs.

47 Il s'agit d'un indicateur agrégé au niveau du secteur, et non de données individuelles,unité de production par unité de production. Voir ROUBAUD F., La valeur ajoutée du secteurnon-enregistré urbain au Mexique : une approche par l'enquête emploi, STATECO n' 57, INSEEParis, Mars 1989.

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- 127 -

Des méthodes à choix raisonnés

Dans certains pays où le système d'enquêtes auprès des ménages est

particulièrement pauvre (c'est le cas de l'Afrique), la proposition précédente est

difficile à mettre en oeuvre. Dans ce cas, il peut être intéressant de recourir à

des méthodes à choix raisonnés. Une première solution consiste à établir une

tyPOlogie d'unités-type à partir des résultats des deux enquêtes de base (phase 1

et 2). n faut ensuite constituer un sous-échantillon de ces unités-type présentes

dans l'enquête (phase 2), et les suivre périodiquement. On obtient ainsi un panel

d'unités infonnelles, réduit en nombre, nous pennettant de suivre la dynamique du

secteur48.

Une seconde solution pour mesurer la dynamique du secteur infonnel

en année courante revient à la constitution de petits échantillons d'unités

informelles à partir de la méthode des quotas ces derniers étant détenninés à

partir de l'infonnation recueillie dans l'enquête en phase 2 de l'année de base. nfaut noter que ce choix pennet d'estimer la dynamique de la valeur ajoutée

moyenne par branche, mais pas les substitutions d'une branche à l'autre.

La méthode des quotas peut aussi être utilisée à d'autres fins. Ainsi,

le choix d'établissements judicieusement sélectionnés (par relation personnelle,

susceptibles d'être remplacés par d'autres en cas de refus de répondre) et

respectant les quotas préétablis, facilite l'analyse de thèmes sensibles (activités

aux marges de la légalité, calcul des marges commerciales) ou trop complexes

pour pouvoir être traités par des enquêtes aléatoires anonymes.

Quel que soit le choix retenu pour suivre le secteur infonnel au

cours du temps, il faut réaliser une enquête nationale sur le secteur infonnel

chaque fois que la comptabilité nationale change de base, afin de réajuster la

composition réelle des divers postes des comptes.

48 Voir BLAIZEAU D., Rapport de mission sur la mise en place d'une Enqu!te Budget-Consommationau Gabon. Libreville 31-31, Mai 1991., mimêo, INSEE, Paris, 1991.

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6.3 R&STER PRAGMATIQUE

Pour conclure cette partie, nous pensons avoir mis en évidence les

avantages que peut apporter à la mesure du secteur informel la méthode des

enquêtes en deux phases. De plus, les nouvelles propositions avancées dans la

révision 4 du SCN en matière d'élargissement du champ de la production des

ménages comme tels militent en faveur d'une telle approche, plutôt que d'une

démarche d'appréhension directe des établissements.49

La constitution d'un échantillon-ma'ttre à partir duquel on tire des

sous-échantillons de ménages pour les besoins d'enquêtes à usage unique (budget­

consonunation, emploi, budget-temps, enquête sur les activités informelles) semble

une orientation recommandable en matière de politique statistique.

La méthode des enquêtes en deux phases donne en plus la possibilité

d'établir un lien entre deux types d'unités qui dans le secteur informel sont

largement superposées: le ménage d'une part, et l'unité de production de l'autre.

Les enquêtes en deux phases dont nous nous sormnes faits les

avocats représentent le meilleur moyen, en théorie, d'obtenir un échantillon

représentatif de l'ensemble des unités informelles. Cependant, cette démarche

normative peut s'avérer fort éloignée de la réalité du système d'informations

économiques dont l'état de délabrement est patent, notamment en Afrique. Aussi

faudra-t-il composer, dans le court tenne, avec la structure actuelle du réseau

d'enquêtes statistiques, et des contraintes financières qui pèsent sur la plupart

des PED. Ainsi, s'il existe un recensement d'établissements pennettant de repérer

la frange "supérieure" des établissements infonnels, l'enquête sur le secteur

informel doit être conçue pour fournir un complément d'information sur la. partie

non saisie du secteur infonnel (soit le secteur informel non localisé). Plus

généralement, on peut imaginer une combinaison harmonisée des sources déjà

présentes avec la réalisation d'enquêtes en deux phases.

49 l'appréhension de la production des ménages come tels n'a pas été traitée ici. laproduction non-marchande de biens peut @tre mesurée par une enqu@te budget-consomation, ousous forme d'un module spécifique d'une enqu@te sur l'emploi.

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n faut donc prendre en compte le développement statistique inégal.

La réalisation d'enquêtes représentatives sur les unités infonnelles présuppose

l'existence d'une base de sondage. Or tous les PED, compte tenu des contraintes

financières fortes qu'ils subissent, n'ont pas mis l'accent sur les mêmes priorités

statistiques. Certains pays disposent de systèmes particulièrement développés sur

les enquêtes auprès des ménages (Asie, Amérique Latine), d'autres ont plus centré

leurs activités sur les statistiques d'établissements (Afrique).

Dans certains pays même, il n'existe pas de base de sondage

actualisée (recensements trop anciens ou inexistants, etc.), couvrant l'ensemble du

territoire national. n convient alors de procéder à un sondage aréolaire, les unités

primaires étant tirées d'une cartographie exhaustive du pays en question. Des

méthodes récentes d'échantillonnage par traitement d'images satellite ont été

développées pour pallier l'absence de base de sondage5O. Cependant, les méthodes

aréolaires peuvent être utilisées même s'il existe une base de sondage actualisée.

L'enquête pennanente sur l'emploi du Mexique en est un exemple. Une

cartographie des 16 villes couvertes par l'enquête est systématiquement tenue à

jour, et sert de base à une enquête de type aréolaire.

Nos propositions présentent un fort aspect nonnatif dans la mesure

où cette voie de recherche a été encore peu mise en oeuvre effectivement. Pour

en tester la validité, il semble opportun d'envisager une expérimentation sur le

terrain, sur la base d'une opération pilote. Un tel projet pourrait être enrichi par

un choix judicieux de pays en développement où tant les environnements

statistiques qu'économiques sont différents .(Afrique, Amérique Latine, Asie).

L'enjeu d'une bonne connaissance quantitative du secteur infonnel est de taille, à

l'heure où de nombreux espoirs sont fondés sur sa capacité à dynamiser des

économies meurtries par une décennie de récession.

50 BARBARY O., DUREAU F., L'enquête par sondage sur imaqe satellite: une solution pouraméliorer l'observation des populations citadines. STATECO n· 67. INSEE, Paris, Septembre1991.

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : CE QU'IL FAUT SAVOIRDE LA COMPTABILITE NATIONAlE

Les concepts de comptabilité nationale présentés dans cette annexe

sont ceux dont la connaissance est nécessaire pour bien comprendre les

propositions contenues dans le document A propos de l'économie non-enregistrée et

du secteur informel. DB sont confonnes A ce qui est connu de la révision 4 du

SCN A la date de publication du document, aux différences près présentées au

chapitre 3. DB ne préjugent pas de la version définitive que pourra prendre cette

révision quand elle sera publiée (publication prévue pour 1993).

1 - Une~e globale et différenciée

La comptabilité nationale appréhende l'économie d'un pays comme un

tout cohérent. Cette cohérence repose sur une analyse matricielle croisant flux et

stocks de valeurs avec les agents économiques qui les réalisent ou les détiennent.

La différenciation des uns et des autres est spécifiée au moyen de nomenclatures

d'opérations et d'agents, lesquelles sont définies sur la base d'hypothèses

concernant leurs caractéristiques ou leurs comportements économiques.

Toute analyse particulière peut prendre place dans le système, dès

lors qu'elle respecte la cohérence de l'ensemble, à la fois conceptuelle et

comptable. Mais il est alors nécessaire de se positionner clairement par rapport

aux nomenclatures que le système met en oeuvre.

2 - Le champ de la production

La seule valeur nouvelle dont dispose la Nation au cours d'une

période donnée est celle qui résulte de la production. Elle est mesurée par le

Produit Intérieur Brut. Celui-ci est évalué en prenant cœmne référence les prix

de marché quand ils existent, sinon le coût des facteurs ayant permis cette

production. C'est donc la valeur d'échange qui est privilégiée.

La valeur du pm dépend du contour retenu pour la production. Or

ce contour n'englobe pas toutes les activités qu'on pourrait être en droit de

considérer comme économiquement productives (c'est-A-dire créatrices de valeur

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d'usage). Sont en particulier exclus tous les services domestiques ou personnels

que les ménages produisent gratuitement pour eux-mêmes.

L'objectif du SCN est en effet de proposer une mesure qui mette

l'accent sur les besoins de l'analyse relative au marché,· à la fonnation des prix,

à l'emploi,... Le SCN limite donc la frontière de la production recensée aux

activités dont l'output s'échange sur un marché, ou encore pour lesquelles un lien

avec des marchés peut être constaté

- existence d'un marché pour des produits similaires,

- livraison à des tiers, même à titre gracieux.

Finalement, le système retient pour la production les éléments

suivants

- la production de tous les biens, qu'ils soient ou non utilisés par le

producteur pour ses propres besoins, car ils peuvent toujours être offerts sur un

marché;

- la production de tous les services qui sont effectivement livrés à

des tiers (qu'il s'agisse d'une autre unité institutionnelle ou de la cormnunauté

comme un tout), ou qui sont produits par des employés payés ;

- la production de service de logement par les ménages propriétaires

de leur logement.

A ce titre les activités illégales, ou l'exercice illégal d'activités

légales, relèvent du champ de la production, dès lors que les conditions indiquées

ci-dessus sont remplies. En revanche, le travail domestique non rémunéré réalisé

pour compte propre demeure en dehors du champ de la production. En sont

exclues également les activités illégales non basées sur le consentement mutuel

des parties (vol, détournement de fond, ... ) ; mais les transferts qui en résultent

ne devraient pas pour autant être ignorés.

La définition retenue pour la production pennet d'y inclure le fruit

de l'activité domestique relative à trois domaines:

- la production pour compte propre de tous les biens,

- la production imputée de service de logement au titre de celui

dont le ménage occupant est propriétaire,

- la production de service domestique par du personnel salarié.

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n s'agit dans tous les cas d'une production non-marchande, mais

valorisée si possible selon les prix du marché de produits équivalents (ou sinon au

coût des facteurs : c'est le cas pour les services domestiques produits par du

personnel de maison salarié).

De manière plus pratique, ce qui relève de la production est défini

par le contenu des nomenclatures d'activités et de biens et services.

3 - Les conditions de la production

Dès lors qu'une activité est considérée comme productrice, sa mise

en oeuvre est analysée au moyen de concepts bien précis, les mêmes quelles que

soient cette activité ou les conditions techniques ou institutionnelles de son

exercice.

La production est un processus qui peut mettre en oeuvre de la

terre, des biens de capital fixe et/ou du travail, et qui réalise des biens et des

services (les produits) en utilisant (par transformation ou consommation) d'autres

biens et services (les consonunations intennédiaires). La mise en oeuvre de ce

processus se réalise au sein d'unités élémentaires de production, appelées

établissements (voir en 5) ci-dessous, une définition plus complète de

l'établissement).

Ces unités élémentaires sont distinctes par nature de la ou des

personnes qui y apportent leur force de travail. A chaque unité élémentaire

peuvent être associés un compte de production et un compte du revenu primaire,

qui rendent compte:

- de la valeur des consounnations intennédiaires,

- du coût de la force de travail,

- de l'amortissement du capital fixe.

Ces comptes ont pour solde la valeur ajoutée et l'excédent

d'exploitation (ceci pour les sociétés ; on parle en revanche de "revenu mixte"

quand l'établissement relève d'une entreprise individuelle, car un tel solde inclut

alors la rémunération du travail de l'entrepreneur individuel et de ses aides

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familiaux). n est également recormnandé d'y associer une mesure de la force de

travail engagée et une évaluation du capital fixe utilisé.

La règle de l'établissement a cependant besoin d'être précisée, en

particulier dans le cadre de notre réflexion sur l'économie informelle. Peut-on en

effet parler d'établissement pour la production non-marchande réalisée uniquement

pour compte propre par les ménages eux-mêmes, y compris par l'intermédiaire de

salariés (services domestiques) ? Car il s'agit d'un mode spécifique de réalisation

d'une production, auquel on ne peut associer aucune "entreprise" distincte du

ménage. C'est pourquoi il nous a semblé nécessaire de proposer une analyse

différenciée de cette production non-marchande des ménages, ce que ne prévoit

pas la prochaine révision 4 du SCN. C'est ce que nous avons introduit dans le

cadre du chapitre 3. Dans la suite du texte, nous parlons de production réalisée

par les "ménages cœJme tels", et nous convenons que l'unité élémentaire de

production est un pseudo-étabHssement.

Une telle production non-marchande est donc distinguée de celle

réalisée dans le cadre d'un établissement d'entrepreneur individuel, y compris

quand une partie de celle-ci est autoconsonnnée par le ménage auquel

l'entrepreneur appartient. Pour autant on retrouve. pour cette façon particulière

de produire, les mêmes opérations que celles décrites ci-dessus.

Si la production implique le plus souvent l'emploi d'une force de

travail. ce n'est jamais le travailleur comme tel qui sert de référence pour la

mesurer, mais l'établissement dans lequel il met en oeuvre cette force de travail,

même s'il est seul à réaliser cette production et qu'il n'utilise ni terre ni capital

fixe.

" - L'équilibre des biens et services

La production est source de revenu pour le producteur. Elle prend

simultanément la forme de biens ou de services mis à la disposition des agents

économiques. Les biens et services marchands sont offerts sur le marché, en

concurrence avec les produits importés. Certains sont consonunés (consommation

intermédiaire ou colJRCUlD18tion finale) ; les autres sont réservés pour l'avenir

(formation brute de capital fixe ou accroissement des stocks). Ils peuvent enfin

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'.

- 137 -

être exportés. Quant aux produits non-marchands, ils ne sont plus seulement

l'objet de consœ:mation finale; ils peuvent également figurer en formation brute

de capital fixe. Mais dans les deux cas, c'est le producteur lui-même qui en

assure le financement.

Grâce à cette approche complémentaire de la production, de

nouvelles cohérences économiques sont mises en valeur :

- le lien avec le cmmnerce extérieur,

- le comportement de consommation des ménages,

- l'accumulation du capital fixe (comme facteur de production),

- l'emploi des matières premières, et leur transformation dans le

cadre des filières industrielles.

5 .. Une 8D8lyse différenciée des agents producteurs

La comptabilité nationale utilise deux approches complémentaires

pour étudier les unités productrices:

les établissements, regroupés en branches,

les unités institutionnelles, regroupées en secteurs institutionnels.

L'établissement privilégie l'homogénéité du processus de production

réalisé en son sein. n se réfère également à l'unicité d'un lieu. n tient compte

enf"m des conditions d'accès à l'information (en référence à la définition

statistique de l'établissement). Par ailleurs, un même établissement se rattache

nécessairement à une seule unité institutionnelle. n appartient ensuite à chaque

pays de préciser le contour qu'il entend donner chez lui à ce concept. La

Communauté Européenne privilégie l'homogénéité (dans la version actuelle du

SEC), et parle d'unité homogène de production plutôt que d'établissement ;

certains pays s'en tiennent à l'unicité territoriale ; d'autres, comme le Brésil,

décomposent l'établissement territorial en établissements statistiques, dès lors

qu'un éclatement de l'infonnation est possible.

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, nous proposons d'introduire la

notion de pseudo-établissement pour rendre compte de la production réalisée par

les ménages comme tels. On convient alors que leur production soit homogène,

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c'est-à-dire que chacun d'entre eux ne produise qu'un seul des produits de la

nomenclature.

Le regroupement en branches des établissements (ou des pseudo­

établissements) se fait en référence à l'activité principale qu'Us exercent.

L'unité institutionnelle se réfère à la situation juridique des

producteurs, personne morale ou personne physique.

n existe une grande variété de personnes morales possibles, en

fonction du droit de chaque pays. On peut cependant distinguer quelques grandes

catégories :

administrations,

sociétés commerciales (anonyme, à responsabilité limitée, en nom

collectif, ....),

coopératives,

syndicats,

associations privées sans but lucratif.

En principe, toute personne morale a une visibilité administrative ;

en revanche, elle n'a pas nécessairement une visibilité statistique. En règle

générale, les personnes morales sont considérées comme unités institutionnelles.

Dire d'une unité de production qu'elle est détenue par une personne

physique, c'est constater que la responsabilité juridique de son activité de

production relève d'une personne, appelée entrepreneur individuel (et l'unité

économique en question s'appelle alors entreprise individuelle : zurincorporated

enterprise en anglais). Certains de ces producteurs sont enregistrés comme tels par

les structures administratives. Mais on trouve également dans cette catégorie tous

les producteurs dont l'activité ne donne lieu à aucun enregistrement administratif.

Et on notera que cette visibilité administrative est très variable d'un pays à

l'autre, en droit comme en fait. Sauf exception, une unité de production personne

physique n'est pas considérée comme unité institutionnelle, car elle ne dispose pas

de l'indépendance (en particulier patrimoniale) que ce statut implique.

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Selon la 4· révision du SCN, la production non-marchande que les

ménages destinent exclusivement à eux-mêmes se réalise également dans le cadre

d'entreprises individuelles. Comme nous l'avons déjà indiqué, ce choix nous semble

discutable, du moins pour traiter de l'informalité. C'est la raison pour laquelle,nous proposons de ne pas suivre le SCN dans ce cas précis, et de parler plutôt de

production des "ménages comme tels~, dans le cadre de "pseudo-établissements"

(c'est-à-dire sans que la notion d'entreprise soit retenue conune cadre de sa

réalisation). Compte tenu d'un tel choix, la production non-marchande réalisée par

des entreprises individuelles ne peut être que marginale.

Une même entreprise, juridiquement constituée ou personne physique,

peut contrôler plusieurs établissements. C'est dans le cadre d'un établissement que

le facteur travail est engagé. Mais c'est en référence à l'entreprise dont cet

établissement dépend que son statut est défini : salarié, entrepreneur individuel

(qu'il emploie ou non des salariés), aide familial. La prise en compte des

travailleurs et leur mesure sont donc associées à des établissements ; et leur

statut nous éclaire sur la nature des entreprises dont ces établissements

dépendent.

Les unités institutionnelles sont regroupées en secteurs

institutionnels. A l'exception de certaines institutions privées sans but lucratif,

toutes les unités personnes morales sont réparties entre les administrations

publiques ou les sociétés et quasi-sociétés (financières ou non). Le secteur

institutionnel des ménages accueille toutes les autres unités productrices, et en

particulier toutes celles qui sont contrôlées par des personnes physiques. On peut

toutefois donner le statut de quasi-société à certaines entreprises individuelles de

très grande taille.

Les secteurs institutionnels peuvent être décomposés en sous­

secteurs. Certaines décompositions sont explicitement recormnandées ; c'est le cas

par exemple pour les administrations publiques et pour les sociétés. Mais liberté

est également laissée aux comptables nationaux de créer des décompositions jugées

pertinentes pour chaque économie particulière. Et il est explicitement indiqué que

ceci concerne plus particulièrement le secteur institutionnel des ménages.

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6 - Les Ménages

En principe, les secteurs institutionnels de la comptabilité nationale

sont définis sur la base de leur activité principale, production ou consormnation.

De ce point de vue, c'est la consommation qui fonde le secteur des ménages. Mais

comme nous venons de le voir, ce secteur accueille aussi des producteurs, les

entrepreneurs individuels, ainsi que les établissements dont ils contraIent la

production. En fait, la nature de ce secteur est encore plus complexe, puisque les

personnes qui composent les ménages peuvent être également engagées comme

travailleurs dans le processus de production.

Finalement, c'est le statut même des personnes comme agents

économiques qu'il est important de bien situer au sein des ménages. Car chacune

peut être simultanément:

Agent consommateur : C'est le lot de tout le monde. Mais le

comportement de chacun en la matière n'est pas analysé individuellement, sinon

dans le cadre du ménage auquel il appartient. Le ménage est constitué de

l'ensemble des personnes qui occupent un même logement en tant que résidence

principale. C'est le ménage qui est l'unité élémentaire de l'acte de consommation.

Et c'est le regroupement de tous les ménages qui constitue le secteur

institutionnel du même nom.

Agent travailleur : La force de travail est fournie par des individus,

personnes physiques, qui appartiennent nécessairement à un ménage. Cette force

de travail est mise en oeuvre dans un ou plusieurs établissements (dans le cas

d'emplois multiples). Quand le travailleur loue sa force de travail, il reçoit un

salaire comme rémunération. Dans le cas d'une entreprise individuelle,

l'entrepreneur et les membres de son ménage (aides familiaux) qui travaillent dans

l'entreprise ne reçoivent pas de salaire ; leur rémunération est incluse dans le

revenu mixte constaté comme solde du compte de répartition primaire.

Agent producteur : Comme responsables d'entreprises individuelles,

certains individus sont entrepreneurs. Or il se révèle alors impossible de séparer

dans le patrimoine et son évolution ce qui se rattache en propre à cette activité

de production et ce qui relève des autres revenus du ménage. C'est pourquoi la

comptabilité nationale se refuse à dissocier les diverses fonctions économiques

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constatées au sein de ces ménages d'entrepreneurs individuels. n reste cependant

possible d'isoler les. flux plus spécifiquement liés à l'activité de production de ces

établissements d'entreprises individuelles, y compris dans les domaines de la

répartition et de l'accumulation. Mais l'enchaînement complet des comptes

s'arrête au revenu mixte.

Le secteur institutionnel des ménages abrite enfin une activité de

production un peu particulière : la production non-marchande des "ménages comme

tels". Dans ce cas, le travail fourni par les membres du ménage n'est pas valorisé.

Mais on trouve toutes les autres opérations associées par ailleurs à la production.

7 - La force de travail

La force de travail est fournie par

appartiennent à des ménages. Elle est nécessairement

établissement (ou un pseudo-établissement).

des individus, lesquels

mise en oeuvre dans un

L'individu peut louer sa force de travail ; il reçoit en échange un

salaire brut. Sa rémunération par l'employeur peut également comporter des

charges sociales, si son travail fait l'objet d'une déclaration. L'employeur lui­

même peut être une personne morale, une personne physique (entrepreneur

individuel), ou un ménage employant du personnel domestique.

Sinon, l'individu fournit son travail dans le cadre d'une entreprise

individuelle, soit parce qu'il est lui-même le patron de cette entreprise

(l'entrepreneur individueI>, soit parce qu'il est membre non salarié du même

ménage que le patron. Dans l'un et l'autre cas, la rémunération du travail n'est

pas isolée de l'excédent d'exploitation dégagé par l'établissement producteur.

C'est pourquoi on parle de revenu mixte. Et si l'entrepreneur individuel est

enregistré cormne tel, il est en général tenu à verser des charges pour sa propre

protection sociale ; mais c'est alors en tant que ménage qu'il les verse, les

prélevant sur son revenu mixte.

En pratique, le partage entre salariat et travail indépendant peut se

révéler délicat, surtout dans les domaines où aucun enregistrement administratif

d'aucune sorte n'est constaté. Dès lors qu'un individu n'est pas lui-même

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employeur (par la location de la force de travail d'autres individus), comment

définir s'il est lui-même salarié ou travailleur indépendant (et donc entrepreneur

individuel) ? En principe, est indépendant celui qui vend le fruit de son travail,

alors que le salarié propose sur le marché sa seule force de travail. Prenons le

cas d'un travailleur se rendant au domicile d'un autre ménage : on peut convenir

que le travailleur se rendant de manière régulière dans les mêmes domiciles est

un salarié (travailleur domestique) ; en revanche, est indépendant celui qui est

appelé ponctuellement, pour la réalisation d'une tâche précise (plomberie,

nettoyage spécifique,... ). Mais une analyse sociologique locale reste de toute façon

nécessaire pour préciser les frontières entre ces deux statuts.

Dans le cas d'un lien salarial, celui-ci peut s'exercer en conformité

au droit du travail en vigueur dans le pays (sachant d'ailleurs qu'il existe de

multiples fonnes de contrats possibles). Dans ce cas, le salarié est inscrit aux

régimes sociaux prévus par la loi ; et on peut parler d'emploi déclaré, du moins

pour la part du travail qui donne lieu à versements sociaux. On a sinon affaire à

un emploi non déclaré, c'est à dire à la marge des règlementations sociales et du

droit du travail. La rémunération de la force de travail correspondante donne

également lieu à versement d'un salaire, mais il n'y a plus de cotisations sociales

associées (et le salaire brut est alors identique au salaire net).

'La non déclaration de l'emploi peut être le fait d'employeurs par

ailleurs enregistrés administrativement. Et un salarié peut être déclaré pour une

partie seulement de son emploi dans une entreprise.

Finalement, un même individu peut simultanément être salarié d'un

ou de plusieurs établissements pour une partie de son travail (et déclaré ou non à

ce titre pour tout ou partie du travail fourni), fonctionner cormne entrepreneur

individuel durant une autre partie de son temps, y compris en employant des

salariés, ou encore travailler comme aide familial chez un autre entrepreneur

appartenant au même ménage.

Comme telle, la comptabilité nationale ne propose pas une mesure en

quantité physique de la force de travail mise en oeuvre dans la production. Ceci

est cependant nécessaire pour mener à bien un certain nombre d'analyses

économiques. Des méthodes de mesure appropriées doivent être mises au point.

L'annexe 2 propose quelques lignes directrices en la matière.

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Pour conclure cette analyse, nous proposons un croisement des

différentes manières selon lesquelles les personnes peuvent engager leur force de

travail par rapport aux différentes unités de production possibles (sachant qu'un

même individu peut se trouver simultanément dans plusieurs situations). Cela donne

le tableau suivant:

TABLEAU N° Al

STA'IUl' 1&') TRAVAILLEURS SELON LES UNlTES INS'lTlUrIONNEI·T.ES

Statut des Emploi salariéeS) Emploi non salarié Travai 1 horstravailleurs emploi

Unités Déclaré Non(l) Patron Travailleur Aideinstitutionnelles déclaré indépendant (2) familial

A.P.U. x ?

S.Q.S. x x

E.I. formelles x x x x x

E.I. informelles x x x x

Ménages "coœne ~els" x(3) x(3) x(4)

(1) Le "non déclaré" se réfère au travail et non au travai lleur.(2) Catégorie statistique utilisée dans certains pays : patron sans salarié déclaré.(3) Personnel domestique.(4) Travail mis en oeuvre au sein du ménage, pour la production non-marchande des ménages comme tels.(S) y compris les apprentis.

Selon une lecture horizontale, pour un type d'unité institutionnelle

donnée, les croix indiquent les différentes fonnes de statut que peuvent avoir les

personnes y travaillant.

8 - Le capital fixe

La comptabilité nationale retrace des flux et des patrimoines. Dans

le cadre des compte de flux, on ne trouve que deux opérations liées au capital

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fixe

la consommation de capital fixe,

la fonnation brute de capital fixe.

Pour bien connattre les conditions de production d'une activité, il

est également utile de connaître le stock de capital fixe mis en oeuvre, ce qui

est mesuré dans le cadre des comptes de patrimoine. A défaut, il est toujours

important de s'infonner sur la nature et l'importance de ce capital fixe. Dans le

cas des services de transport par exemple, cette infonnation est tout à fait

nécessaire.

9 - Ménages et opérations liées à la production

En raison de son caractère hybride, on trouve dans le compte des

ménages des opérations liées aussi bien à leur situation de producteur, de salarié

ou de consommateur. Et il ne peut être possible de séparer complètement de

telles opérations, même si on procède à une décomposition en sous-secteurs. En

effet, ces opérations dépendent de la situation des individus en tant qu'agents

économiques, et non des ménages auxquels ils appartiennent.

Pour procéder au classement des ménages en sous-secteurs, il est

nécessaire de se référer à un critère principal attaché au ménage. Celui-ci peut

lui être intrinsèque, comme le lieu de la résidence ou la tranche de revenu

disponible (en procédant au cl.U11ul de tous les revenus provenant des diverses

personnes appartenant au ménage). Mais on peut également utiliser un critère lié

à une personne particulière, considérée comme référence pour le ménage. Dans ce

cas, le sous-secteur ainsi constitué contient nécessairement des personnes ne

relevant pas de ce critère. On choisit en général comme personne de référence,

en priorité celle qui a le plus de pouvoir dans les décisions de dépense, sinon

celle dont le revenu est le plus important.

A titre d'exemple, considérons un sous-secteur regroupant les

ménages dont la personne de référence est entrepreneur individuel. Une partie des

revenus reçus est néanmoins constituée de salaires. Et on trouve dans ce même

sous-secteur toutes les opérations de consommation ou patrimoniale que réalisent

les ménages lui appartenant, bien que ces dernières soient sans lien avec

l'activité de production (achat et financement d'un logement, par exemple).

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C'est pourquoi il est recormnandé d'isoler, au sein de chaque sous­

secteur, les opérations qui se rattachent spécifiquement à l'activité de production

des seuls entrepreneurs individuels. TI s'agit en l'occurence des opérations

suivantes:

toutes les opérations des comptes de production et d'exploitation des

établissements correspondants,

les intérêts versés,

la rémunération versée pour l'utilisation de la terre,

la formation brute de capital fixe,

la variation des stocks,

certains transferts en capital,

les éléments financiers liés à l'activité.

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ANNEXE II LE TRAVAIL ET SA MESURE

La mesure de la force de travail est encore peu développée dans les

comptes nationaux. Cela tient pour une grande part à l'insuffisance statistique en

la matière. Mais il faut incriminer également une certaine insuffisance des

concepts proposés. Car ce n'est pas la même chose de mesurer le nombre des

travailleurs apportant leur force de travail ou la quantité de travail qu'ils ont mis

en oeuvre. Quelques commentaires sur la question sont d'ailleurs proposés dans la

deuxième partie du chapitre 3.2.2.

1 - Quelques repères conceptuels

n semble d'abord nécessaire d'isoler plusieurs concepts, dont chacun

correspond à des besoins spécifiques pour l'analyse économique et sociale. Ces

concepts donnent lieu, par ailleurs, à des approches statistiques différentes.

La population active : Ce concept appartient à la démographie. n pennet de

classer les personnes selon leur contribution au processus de production par le

travail qu'elles y apportent (on dit alors qu'elles sont actives occupées), ou

qu'elles sont désireuses de faire (elles sont alors actives, mais au ch8mage) ; dans

le cas contraire, les personnes sont classées comme inactives. Une personne active

occupée a un emploi ; mais elle peut aussi en avoir plusieurs.

L'emploi: n s'agit d'un concept qui relève également de la démographie ; mais il

correspond davantage au point de vue des personnes engagées dans un travail,

dans leur relation avec l'unité de production qui les emploie : avoir un emploi,

c'est le fait. pour une personne active, d'occuper un poste de travail dans une

unité de production.

A l'emploi. on peut associer un statut. compte tenu de la relation

institutionnelle du travailleur avec l'unité qui utilise sa force de travail. Le

tableau Al de l'annexe l fournit un premier niveau d'analyse de ce statut ; on

pourrait développer l'analyse. dans le domaine des salariés en particulier

(intérimaire, saisonnier, journalier, durée détenninée•... ).

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Une même personne peut exercer plusieurs emplois (on parle alors

d'emploi principal et d'emplois secondaires ou complémentaires). Et on peut

associer à chaque emploi plusieurs caractéristiques (dont les deux premières

intéressent plus particulièrement le comptable national)

- la durée du travail fourni dans le cadre de chaque emploi,

- l'activité principale de l'entreprise ou de l'établissement où cet

emploi s'exerce,

- la qualification,

- la profession, ...

Le poste de travail : Ce concept est lié à l'unité de production. TI exprime le

point de vue de l'employeur sur la manière dont les personnes sont engagées dans

le processus de production. En référence au processus en question, les postes de

travail définissent le nombre de personnes à engager ainsi que les tâches qui leur

reviennent. Le poste de travail peut spécifier la profession et la qualification

requises ; en revanche, peu importe le statut du travailleur, ni la durée de son

contrat de travail. Et dans le cas d'un travail "posté", un même poste de travail

requiert l'emploi de plusieurs personnes.

Le temps de travail : C'est cette notion qui est la plus confonne aux besoins de

la fonction de production. En micro-économie (le point de vue de l'entreprise), le

temps de travail sert d'"unité d'oeuvre" pour la comptabilité analytique. En

macroéconomie, c'est également la quantité de travail mise en oeuvre qui

intéresse l'économiste. Cette durée du travail dépend de nombreux facteurs :

la durée hebdomadaire (ou quotidienne) du travail,

le nombre de semaines (ou de jours) travaillées dans l'année,

l'absentéisme (maladie ou autre motif),

les heures payées non travaillées,

le chômage technique,

les grèves et autres arrêts exceptionnels,

les rythmes saisonniers, ...

On peut aussi être intéressé par une différenciation des temps de

travail mis en oeuvre, selon la qualification des personnes engagées, ou l'intensité

du travail fourni.

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2 - Quelques propositions pour la mesure

Les recensements de population aussi bien que les enquêtes "emploi"

se situent dans une perspective démographique et mesurent principalement la

population active occupée ou au chômage. Ds s'adressent aux personnes par

l'intennédiaire du logement qu'elles occupent et du ménage auquel elles

appartiennent. Une infonnation est alors recueillie concernant l'emploi principal

des personnes qui se déclarent occupées. Ce n'est que depuis peu que certains de

ces outils statistiques s'intéressent également au temps consacré au travail et au

cas des personnes occupant plusieurs emplois. Mais il s'agit toujours d'infonnations

"instantanées", qui se réfèrent le plus souvent à la semaine ayant précédé le jour

de l'enquête.

Les recensements et enquêtes économiques sont pour leur part

réalisés auprès des unités productrices (établissements ou entreprises). Là encore,

l'infonnation recueillie se réfère le plus souvent à l'emploi (et se limite alors aux

travailleurs ayant un contrat de travail effectif>, avec parfois des données en

moyenne annuelle, ou des infonnations relatives à la durée du travail.

n est en revanche très rare que puissent être obtenues des données

de quantité de travail en provenance de la comptabilité analytique (en France,

par exemple, aucune exploitation statistique n'est réalisée à partir des bilans

sociaux auxquelles sont tenues les entreprises d'une certaine taille).

Compte tenu de cette statistique, il est rare qu'un pays puisse

mettre en place la solution idéale indiquée ci-dessous. Au mieux, on trouve la

solution minimale. C'est pourquoi nous proposons une solution évolutive, qui prend

pour base cette solution minimale, et qui permettrait d'améliorer progressivement

la mesure du travail mis en oeuvre dans le processus de production, à travers son

évolution temporelle.

Une telle mesure ne répond pas seulement à l'intérêt que représente,

pour l'analyse économique, la connaissance de ce facteur de production. D s'agit

également d'un élément essentiel pour la mesure de l'économie informelle, comme

nous le montrons dans le cadre de ce document.

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Une solution idéale

La solution idéale proposée ici se limite aux besoins que nous avons

recensés pour mesurer la production du secteur infonne!. Des infonnations

complémentaires pourraient bien sûr être introduites pour satisfaire les besoins

correspondant à d'autres analyses.

Ce qu'on se propose de saisir, c'est une quantité de travail mise en

oeuvre au cours de l'année, quantité qui est mesurée par sa durée simple ;

autrement dit, aucun effet qualité n'est introduit pour le spécifier. On doit en

conséquence déterminer une unité standard de travail, qui peut être l'heure, la

journée ou l'année ; mais dans ces deux derniers cas il est nécessaire de préciser

une durée de référence. On peut aussi prendre comme unité des personnes fictives

ayant accomplies une année pleine de travail ; mais il faut alors définir la durée

de référence de cette année de travail par personne, de telle sorte que le travail

d'une personne effective soit une fraction de l'unité de référence (solution

retenue pour les comptes nationaux italiens).

Cette quantité annuelle de travail est alors évaluée dans le cadre

d'une matrice qui retient les deux dimensions suivantes:

- l'activité de l'établissement où ce travail est effectué, ainsi que

le secteur institutionnel d'appartenance de cet établissement,

- le statut de l'emploi dans le cadre duquel il s'exerce.

Une telle matrice est élaborée chacune des années pour laquelle les

comptes nationaux sont établis.

Une solution minimale

A défaut d'établir une mesure de la durée annuelle de travail, la

solution minimale consiste à faire la mesure de la population active occupée, dans

le cadre d'une matrice comportant les mêmes entrées que celle proposée ci-dessus.

Mais il s'agit alors d'une évaluation démographique, qui peut être soit ponctuelle

(à une date donnée), soit déjà en moyenne annuelle. Dans ce dernier cas, il faut

prendre en compte des éléments tels que:

le moment de la collecte statistique utilisée,

la saisonnalité de l'emploi,

les variations conjoncturelles.

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Une telle matrice est établie pour l'année de base. et si possible

prolongée en année courante. Elle ne donne cependant aucune indication précise

sur le temps de travail effectivement mis en oeuvre. et surtout sur son évolution

dans le temps. En effet. de nombreux éléments interviennent. qui font évoluer

différemment le nombre des personnes au travail et le temps qu'elles y

consacrent.

Le tableau n· A2 donne une idée de la matrice proposée.

Une solution évolutive

Cette solution évolutive utilise comme point de départ la solution

mjnimale décrite ci-dessus. y compris dans sa fonne la moins élaborée (population

active occupée constatée à une date particulière). Mais elle se propose

d·introduire. au fur et à mesure de leur évaluation possible. les différents

paramètres intervenant dans l'évolution différenciée entre personnes au travail à

un moment donné et temps travaillé durant l'année.

Sans prétendre à l'exhaustivité (il faut analyser les conditions locales

de la pratique du travail). on peut mentionner les paramètres suivants :

- ceux déjà énmnérés ci-dessus pour passer d'une mesure ponctuelle

à une mesure annuelle;

- la durée journalière (ou hebdomadaire) de travail.

- le nombre de jours (ou de semaines) travaillés dans l'année.

- l'importance du travail à temps partiel.

- l'effet des heures supplémentaires.

- le travail saisonnier.

les emplois multiples (et le temps qui y est consacré).

- l'effet d'évènements exceptionnels (grèves. intempéries•...).

Dans la mesure du possible. l'étude de ces paramètres ne doit pas se

limiter à la population dans son ensemble. mais se rapprocher du détail dans

lequel a été élaborée la matrice de référence. du moins lorsque cette

différenciation revit de l'importance.

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TABLEAU N" A!2

EMPLOI ET TRAVAIL PAR ACTIVITE

Population active occupêeclassêe selon son emploi principal

1 234 5 abc d

Emplois

Activit!s~conomiques

Nomenclatureutilisee pourl'elaborationdu TES

TOT A L

Total

A

Rêpartitionpar statut

Rêpartition parpar temps detravail dans

l' emp loiprincipal

Population active occupêeexerçant d'autres emplois(selon l'activit! de ces

autres emplois)

Ce sous-tableau est unematrice carrêe qui croise,pour chaque personneayant plusieurs emplois,l'activit! du premier emploi(en ligne) avec celles duou des emplois secondaires(en colonne).

B

Report emploiprincipal

1 Ail-- --i

Total des emplois C • A + Bpar activit!

1 Lecture 1 La première colonne (Al donne la population active occupée classée selon l'activité del'établissement où elle exerce son premier emploi (ou emploi principal, déclaré tel dans l'enqulteemploi). Ce total est décomposé, d'abord selon le statut relatif à cet emploi principal, puis selon

'e temps consaaé.à cet emploi pei, selon 4 tranches de temps hebdomadaire).

Les 5 statuts sont :

1 Salarié déclaré à la Sécurité sociale

2 Salarié non déclaré

3 Patron4 Travailleur à son compte (sans salarié)5 Aide familial

La 3ème série de colonnes comptabilise les emplois secondaires (occupés par les membres de la

population active occupée ayant deux emplois ou plus: une personne ayant son premier emploidans l'activité x exerce par ailleurs un deuxième emploi dans l'activité y (et peut-être, si on peut lesavoir. un 3ème emploi dans l'activité zl.

Les totalisations proposées en bas à droite fournissent alors les emplois par activité.

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Pour mettre en oeuvre cette solution évolutive

Le travail est mené en différentiel par rapport à la matrice emploi

de l'année de base. Le principe est de retenir pour chaque paramètre un indice

d'évolution élaboré de telle sorte que l'ensemble de ces indices puissent être

multipliés entre eux. On obtient alors un indice composé qui donne une mesure

approchée de l'écart d'évolution entre la population active occupée et le temps

de travail effectivement mis en oeuvre.

La difficulté réside dans la manière d'établir ces indices de telle

sorte que leur compatibilité soit assurée. n faut pour cela que la base 100

utilisée cœmne référence pour un paramètre donné corresponde au temps de

travail effectué dans ces conditions durant l'année de base.

Pour expliquer la démarche à suivre, nous proposons deux exemples

Le travail à temps partiel

Soit xO% la part de population active travaillant à temps partiel l'année 0,

xt% cette part pour l'année t,

~ le temps de travail moyen hebdomadaire des personnes travaillant à

temps partiel l'année 0,

Clt, ce temps pour l'année t.

On fait par ailleurs l'hypothèse que le temps de travail hebdomadaire de

référence est de 40 heures pour chacune des deux années.

Pour l'année 0, le temps de travail de référence est donné par

QO = 40(1-xO) + ~xO

et pour l'année t, par

Qt = 40(1-xt ) + Clt,xtL'indice recherché est alors

Qt/QO·

Les personnes à emplois multiples

Un premier travail consiste à établir, pour chaque activité, combien

d'emplois peuvent y être exercés à titre secondaire par des personnes ayant leur

emploi principal, soit dans la même activité, soit dans d'autres activités. Là

encore, à défaut de données en nombre d'emplois, on se donne des pourcentages

d'estimation.

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On doit ensuite proposer un temps de travail relatif des emplois

secondaires par rapport à celui des emplois principaux dans la même activité (on

peut d'ailleurs introduire une différence entre le premier travail secondaire et les

autres). Dans tous les cas, l'absence d'information en la matière peut être résolu

en n'introduisant pas de paramètre spécifique, ce qui revient à donner la valeur

100 à l'indice correspondant.

Ces valeurs étant définies, on procède à un calcul comparatif entre

les années 0 et t selon la méthode proposée pour le temps partiel. La méthode

suivie pennet alors d'obtenir l'effet combiné des deux phénomènes en multipliant

les indices obtenus.

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SUMMARY

The two main objectives of this docmnent are the following

On the one hand, to propose a possible outIine for the notion of

Informality in the context of developing countries (what we refer to as "Informal

sector" taking its place in the broader context of National Accounts).

On the other hand, thanks to this specific approach to Infonnality,

to propose methods of assessment (for Statistics and National Accounts) which

support each other mutually to further appreciation of not only the InformaI

sector but also the Economy unknown to Statistics.

In order to conclude this approach successfully, a basic axiom is

proposed : to recognize the specificity of these two phenomena (lnformality and

Economy unknown to Statistics), and to analyse each for their own values in

their specific entries. This allows us therefore to end up with a link between the

two phenomena (Chapter 5, § 5.3), which is the basis for the methods of

elaboration proposed thereafter.

This overall approach explains therefore the plan we have followed.

The f"JI'Bt Cbapter is devoted to a state of Econamy unknown to

Statistics and the Infonnality. In order io explain this Infonnality, the various

thesis reveal profound analytical differences. What is more, no agreement has yet

been established on an international plane to define an Economic behaviourial

reasoning substantiating this phenamenon ; anned with experience gained in-the­

field, and in conformity with certain proposaIs made by the B.I.T., we propose in

Chapter 2 the choice of criteria based on behaviour of a sociological nature,

acknowledged by all, in order to define the outline of the Informality : the fact

that the latter is situated on the fringe of Public Regulations. We therefore

propose three other options as a basis of our approach :

- distinguish "underground" Econamy in Industrialized countries, and

InformaI Econamy in developing countries,

- introduce the Infonnal· sector and its assessment within the

framework of the National Accounts,

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- use the principle that the Infonnality must be analysed on the

basis of Output Units (one can only therefore speak of the InformaI Employment

through reference to the employment thus implemented within the Infonnal

sector).

The implementations of these options cannot he irnmediate. In fact,

two methodological detours are necessary, in order to justify the proposals put

forward : these are explained in the following Chapters. The third Chapter shows

the conceptual innovations that the next SNA review (the 4th.) is preparing, for

it is within this perspective that we have chosen to present our proposals.

Furthermore, as certain of these methodological choices do not appear to us as

sufficiently accurate, we have added the items that we believe necessary. What

is more, Appendix 1 offers a more detailed inventory of the concepts of National

Accounts which we call up later on in the text.

Chapter Four is devoted to the methods which are used by the

National Accountants of certain countries to get round the difficulty that the

Economy unknown to Statistics represents. The SNA in fact insists on the

necessity of covering the entire economic activity, whether declared or not, and

even illegal. Only an approach which makes use of all the information available

can obtain any results in this field. In the case of the developing countries, this

approach needs the use of the Input-Output Table. In this way, one can therefore

indirectly arrive at all the figures relating to Informality.

Chapter Five thus allows the deployment of all concepts necessary

to define and appraise an Infonnal sector for the developing countries on a basis

of options proposed in the second Chapter :

- define the conditions of an Infonnal sector in the context of

National Accounts,

- define the outlines and the contents of this Infonnal sector,

- situate this Informal sector as regards the Production unknown to

Statistics by those of the various Institutional sectors,

- deduce from this comparison, the possibilities of appraisal that

one has, to assess on the one hand this Production unknown to Statistics and on

the other, the Informal sector.

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But such a method of assessment needs further Statistical

information, particularly in relation to the InformaI sector itself. A strategy for

this question is therefore proposed in the framework of Chspter Six. Two

methods are possible, either by sample on the population of these Establishments,

or by mixed survey on the basis of employment surveys. It is this second

approach which seems to us as the most effective. and this is why we have

developed the description on the basis of a successful achievement experienced in

Mexico : but other devices could equally well b~ envisaged. But, in other

respects, it is absolutely necessary to forecast continuity of assessment over a

period of time.

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RESUMEN

Los dos temas principales tratados en este documenta son los

siguientes

- por un lado, proponer un contenido posible al concepto de

infonnalidad en el contexto de los paises en vias de desarrollo (10 que llamamos

"sector informal" , colocado en el esquema mas emplie deI sistema de cuentas

nacionales)

- y por otro lado, utilizando el contenido propuesto para la

informalidad, definir metodologias de evaluaci6n (estadisticas y dentro de las

cuentas nacionales) que se apoyen mutuemente para alcanzar un mejor

conocimiento tante deI sector informaI como deI espacio econ6mico no registrado

par la estadistica.

A fin de alcanzar ese resultado, se necesita definir un axioma

previo la diferencia conceptual que existe entre esos dos fen6menos, la

informalidad por un lado, y la economia no registrada por la estadistica deI otro.

Cada uno tiene que ser analizado por si mismo, en relaci6n con sus

especificidades propias. Existe entonces la posibilidad de construir una

articulaci6n 16gica entre los dos fen6menos (ver en el capitulo 5, 5.3), 10 que

condiciona las metodologias propuestas para evaluarlos.

Esta perspectiva general aclara el plan propuesto.

Un primer capitulo esta dedicado a un inventario de 10 que se dice

sobre la economia no registrada por la estadistica y sobre la informalidad. En

relaci6n a este segundo punto, aparecen profundas divergencias entre las tesis

avanzadas. De tal forma que no existe todavia un acuerdo intemacional para

definir un comportamiento econ6mico que daria cuenta de este fen6meno.

A partir de nuestra experiencia en el terreno, y en referencia con

algunas proposiciones de la O.I.T., proponemos en el capitula 2 un criteria para

definir un contenido a la informalidad, criterio que se refiere a un

comportamiento de tipo socio16gico, que todos reconocen : las unidades infonnales

se organizan al margen de la regulaciôn pûblica. Le agregemos entonces tres

otras opciones a fin de construir nuestras proposiciones

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- introducir dos conceptos distintos : la economia subterrânea en los

paises desarrollados, y la economia infonnal en los paises en vias de

desarrollo ;

- colocar el sector infonnal y su medici6n dentro deI sistema de

cuentas nacionales ;

- analizar la infonnalidad a partir de las unidades de producci6n (10

que impide hablar de empleo infonnal, sine por referencia al empleo usado por las

unidades informales).

No se pueden aplicar esas opciones de inmediato. Se necesita

previamente hacer dos desvios metodo16gicos, a fin de organizar el contexto en

el cual implementar nuestra proposici6n ; yeso explica el contenido de los dos

capitulos siguientes. El capitulo 3 presenta las principales innovaciones

conceptuales anunciadas por la revisi6n en curso de preparaci6n deI SNA (la

cuarta) ; pues, es en este contexto que colocamos nuestras proposiciones.

Desafortunadamente, los conceptos anunciados no tienen la precisi6n que nos

parece suficiente para implementarlos ; es la raz6n por la cual introducimos unos

conceptos complementarios. Ademâs, el anexo 1 propone un inventario mSs

detallado de los conceptos de cuentas nacionales usados en este docmnento.

El capitulo " estâ dedicado a las metodologias usadas en las

cuentas nacionales de varios paises para superar la dificultad que representa la

parte de la economia no registrada por la estadistica. En el SNA, se recomienda

medir todo el campo de la econom i a, declarada 0 no, y sin olvidar la parte

ilegal. Sin embargo, es solamente por el uso coordinado de todas las

infonnaciones disponibles que se puede conseguir algûn resultado. Y en los paises

en vias de desarrollo, este camino necesita el uso de una matriz de insmno­

producto. Asi se mide implicitamente todo 10 que pertenece a la infonnalidad.

El capitulo 5 presenta entonces todas las caracteristicas deI sector

infonnal que nos proponemos definir en el contexto de los paises en vias de

desarrollo sobre la base de las opciones introducidas en el capitulo 2

- definir las condiciones de implementaci6n de un sector infonnal

dentro deI sistema de cuentas nacionales ;

- proponer una frontera y un contenido para este sector

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- colocar el sector informaI as i definido en relaci6n con los varios

aspectos de 10 no registrado por la estad istica en el campo de la producci6n y

por sector institucional

- utilizar eso para proponer un camino concreto de evaluaci6n

diferenciada tanto deI sector infonnal como de los varios otros tipos no

registrados por la estadistica.

Poner en marcha esa metodologia de evaluaci6n necesita, sin

embargo, unas informaciones estadisticas complementarias, especialmente en

relaci6n con el mismo sector informaI. El capitula 6 propone entonces una

estrategia para conseguirlas, sea por muestra dentro de la poblaci6n de los

establecimientos, sea par encuesta mixta a partir de las encuestas sobre el

empleo. Es este segundo camino que nos parece el mSs conveniente, raz6n por la

cual proponemos una descripci6n mSs amplia de las encuestas mixtas a partir de

una experiencia positiva realizada en México. Pero, otros caminos se podrian

también estudiar. Y por fin, no se puede olvidar la necesidad de una colecta a 10

largo deI tiempo de la informaci6n en la materia.

INSEE D340.0034.92.0

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