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Provence historique – Tome LXI – Fascicule 243-244 – Janvier-juin 2011 DES BAINS ROMAINS CHEZ GUILHEN CASTANIER corroyeur à Orange au début du XVII e siècle Cet article, qui retrace le détail d’une des recherches que nous menons dans le cadre de l’élaboration de l’Atlas de Topographie Urbaine d’Orange antique, est tout d’abord l’occasion d’évoquer l’entreprise que constitue l’ Atlas de Topographie Urbaine des Villes de Gaule Méridionale, et au travers de cette aventure, l’équipe soudée et enthousiaste qui, autour de Jean Guyon puis de Marc Heijmans, poursuit le projet initié par Paul-Albert Février. Si le détail et les péripéties de cette enquête n’auront certes pas leur place dans l’Atlas lui-même, ils nous ont paru en revanche parfaitement opportuns dans le cadre de ces Mélanges offerts à Jean Guyon. Cette contribution nous offre ainsi la possibilité de transmettre et de faire partager, outre les données archéologiques que cette enquête nous a apportées, tout le plaisir que nous avons eu à la conduire ; elle constitue à ce titre une forme de remerciement à l’intention de Jean Guyon pour ces années où il a su, avec toute la gentillesse, la disponibilité et la pertinence que nous lui reconnaissons, animer et motiver le groupe de travail de l’Atlas de Topographie Urbaine. DE LA MéTHODEL’élaboration d’un Atlas de Topographie Urbaine impose pour chaque ville de se replonger dans de très nombreux dossiers de sites constituant le plus souvent une documentation disparate et inégale. Si certains dossiers, récents et parfois constitués par nos soins, ne présentent aucune difficulté de lecture

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Provence historique – tome lXi – Fascicule 243-244 – Janvier-juin 2011

des Bains romains cHez guilHen castanier

corroyeur à orange au début du xviie siècle

cet article, qui retrace le détail d’une des recherches que nous menons dans le cadre de l’élaboration de l’atlas de topographie urbaine d’orange antique, est tout d’abord l’occasion d’évoquer l’entreprise que constitue l’Atlas de Topographie Urbaine des Villes de Gaule Méridionale, et au travers de cette aventure, l’équipe soudée et enthousiaste qui, autour de Jean guyon puis de marc Heijmans, poursuit le projet initié par Paul-albert Février.

si le détail et les péripéties de cette enquête n’auront certes pas leur place dans l’atlas lui-même, ils nous ont paru en revanche parfaitement opportuns dans le cadre de ces Mélanges offerts à Jean Guyon. cette contribution nous offre ainsi la possibilité de transmettre et de faire partager, outre les données archéologiques que cette enquête nous a apportées, tout le plaisir que nous avons eu à la conduire ; elle constitue à ce titre une forme de remerciement à l’intention de Jean guyon pour ces années où il a su, avec toute la gentillesse, la disponibilité et la pertinence que nous lui reconnaissons, animer et motiver le groupe de travail de l’Atlas de Topographie Urbaine.

de La MétHode…

l’élaboration d’un atlas de topographie urbaine impose pour chaque ville de se replonger dans de très nombreux dossiers de sites constituant le plus souvent une documentation disparate et inégale. si certains dossiers, récents et parfois constitués par nos soins, ne présentent aucune difficulté de lecture

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particulière, d’autres, plus anciens, s’avèrent plus délicats à traiter : parce que les données nous sont moins familières, parce que les conditions d’intervention de nos prédécesseurs n’ont pas toujours été favorables ou que les modes d’enre-gistrement adoptés alors ne permettent pas de conférer à ces données un même niveau de précision qu’aujourd’hui. ce travail de reconnaissance se complique davantage encore lorsque les mentions de découvertes sont très anciennes et mal localisées, et notamment lorsque les auteurs situent les vestiges par rapport à des repères qui ont disparu ou ont perdu toute signification de nos jours. c’est particulièrement vrai dans le cas des découvertes localisées par la mention du nom du propriétaire ou du locataire d’une maison – voire de l’exploitant d’un terrain – dont on a bien évidemment depuis perdu la trace.

les atlas de topographie urbaine ont néanmoins besoin de tous ces signalements car seule la localisation des vestiges, d’un pavement mosaïqué par exemple, permet de confirmer ou d’infirmer une hypothèse ayant trait au schéma urbain d’une ville. ainsi dans toutes les villes étudiées au gré de la production des feuilles des atlas, ces mentions anciennes sont apparues nom-breuses et ont nécessité de la part des équipes des recherches en archives parfois longues et ingrates ; ce travail, qui n’aboutit pas toujours, est néanmoins parfois récompensé : la petite pièce du puzzle trouve alors sa place, permettant d’avan-cer dans la connaissance topographique des villes antiques.

une éniGMe résoLue : Le « Bain antique aveC une Mosaïque » de M. de saint-MarCeL

dans un article paru en 2006 dans le Bulletin archéologique de Provence qui présentait le résultat de recherches conduites sur les pavements mosaïqués anciennement découverts à orange1, nous avions déjà eu l’occasion de mettre en lumière le travail d’enquête mené dans le fond des archives municipales d’orange, et notamment celui qui avait permis la redécouverte du « bain antique avec une mosaïque » de m. de saint-marcel. ces vestiges antiques, signalés en 1807 par aubin-louis millin dans le récit de son Voyage dans les

1. isabelle doraY, Jean-marc miGnon, « les mosaïques antiques découvertes à orange du xviie s. au xixe s. : des découvertes connues et inédites et de leur localisation », dans Bulletin Archéologique de Provence 31-32, 2002-2003, 2006, p. 111-124.

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départemens du Midi de la France2, mais dont la localisation avait été depuis oubliée, étaient jusque là considérés comme perdus d’autant que, d’après aubin-louis millin, leur propriétaire « ennuyé d’être souvent dérangé par les curieux, [...] prit le parti de les détruire ».

de longues recherches en archives nous avaient permis, dans un premier temps, d’identifier Frédéric François delonges de saint-marcel (1705-1791), ancien militaire et chevalier de l’ordre de saint-louis, puis dans un second temps de localiser la maison qu’il habitait à orange : cette maison qu’il tenait de son père François delonges, avocat et juge de la ville, était passée à sa mort à son petit cousin et héritier alexandre Barnabé delonge ; la consultation du tableau des propriétaires établi par section vers 1807 nous avait permis de situer cette maison très précisément, d’abord sur le plan cadastral napoléonien, puis sur le cadastre actuel. Par la suite, la visite de la cave d’une partie de ladite maison confirma l’existence de ces bains et en révéla la conservation, avec la découverte des vestiges d’une partie d’un grand bassin dont le fond était encore revêtu d’une mosaïque blanche et la margelle recouverte d’un enduit de couleur rouge caractéristique.

le nettoyage fin et le relevé des vestiges permirent d’établir que ce bassin constituait vraisemblablement le réceptacle d’une fontaine, installée en bordure d’un decumanus secondaire3.

une nouveLLe enquête : un Bain roMain CHez un CorroYeur oranGeois au xviie sièCLe

c’est la vérification d’une mention plus ancienne encore que nous souhai-tons évoquer maintenant : celle de l’existence de bains antiques, signalée au début du xviie siècle dans la maison d’un corroyeur.

dès 1639 en effet, Joseph de la Pise, greffier du parlement et premier histo-rien d’orange, évoquait dans son Tableau de l’histoire des princes et principauté

2. aubin-louis miLLin, Voyage dans les départemens du Midi de la France, tome 2, Paris, 1807, p. 54.

3. nous tenons à remercier ici véronique Blanc-Bijon qui lors d’une visite sur le site nous a fait part de cette hypothèse, qui confirme notre première analyse des vestiges et apporte une solution très satisfaisante au vu des traces observées à proximité du bassin : rien n’indique en effet que ces vestiges ont pu appartenir à des bains, en revanche des éléments d’un dallage de calcaire caractéristique des revêtements de chaussée ont pu être observés.

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d’Orange4, l’existence de ces bains romains : « En divers endroits de la ville, & dans les basses caves se treuvent encor des bains entiers. Il y en a un derriere la maison de ville dans la maison d’un conroyeur qui à esté veu par l’auteur avec admiration, sa crote si entiere, avec son pavé de marbre de diverses coleurs ajancé à la Mosaique, & si bien uni par liaisons toutes dissemblables ; que le pro-prietaire qui lors y tenoit son vin, l’asseura que comme un jour par mesgarde, la bonde de sa cuve ou il le faisoit cuver se fut ouverte, & que le vin se fut espanché dedans, il le recueillit sans autre perte, que de celuy qui demeura en la teinture des murailles & du pavé. Il y a aussi pres de ce lieu la des traces des vieux basti-mens de mesme etofe que les petits Aqueducs, & on voit que le grand Aqueduc n’en estoit pas distant de vingt pas, toutes preuves certaines & indubitables que ce lieu la estoit anciennement des Bains. »

un siècle plus tard, en 1768, l’abbé Jean Joseph expilly, auteur de nombreux ouvrages généraux sur la géographie et l’histoire, publiait dans son dictionnaire encyclopédique5 un article sur l’histoire d’orange dans lequel il reprenait les informations données par Joseph de la Pise. concernant lesdits « bains », il écri-vait : « On voit encore des bains entiers dans plusieurs endroits de la ville & dans des caves. Dans la maison d’un habitant, située derrière l’ancienne maison de ville, est un des anciens bains, dont la grotte est conservée dans son entier. Elle est ornée d’un pavé de marbre de diverses couleurs, fait à la mosaïque, & si bien uni par des liaisons différentes, que le propriétaire qui y encavait son vin, assura qu’un jour la cuve s’étant entr’ouverte sans que l’on y prit garde, le vin y coula, & et on le recueillit sans autre perte que celui qui resta empreint sur la muraille & sur le pavé ».

essai de LoCaLisation des Bains…

si les vestiges signalés par Joseph de la Pise ont par la suite été régulièrement mentionnés par les différents auteurs qui lui ont succédé, ils n’ont toutefois jamais fait l’objet des recherches qui auraient pu permettre de préciser leur localisation. la consultation des livres du cadastre du xviie siècle conservés aux

4. Joseph de la Pise, Tableau de l’histoire des princes et principauté d’Orange, la Haye, 1639, p. 35.

5. abbé Jean Joseph exPiLLY, chanoine trésorier au chapitre royal de tarascon - Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, tome 5, amsterdam et Paris, 1768, p. 308.

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archives municipales d’orange6, nous a pourtant permis de situer assez préci-sément les vestiges dont il est fait mention.

d’après Joseph de la Pise en effet, soit dans les années 1630, les bains se voyaient dans la cave d’une maison située derrière « la maison de ville » ; Jean Joseph expilly évoquait quant à lui en 1768 « l’ancienne maison de ville ». or on sait que la maison de ville, avant d’être transférée en 1713 vers la grande Place Publique sur laquelle s’élevait la halle au blé (actuelle place georges-clemenceau), se trouvait au quartier de langes, place du Puits Balanson ; elle confrontait à l’ouest la ruelle dite de l’Horloge et à l’est un androne7. ce bâti-ment était encore conservé au tout début du xixe siècle rue de la vieille Horloge (parcelles t848-t849-t850-t851-t852 du plan napoléonien), et ce qu’il reste de cette maison médiévale est actuellement localisé rue de l’ancien-Hôtel-de-ville (parcelles Bo64-Bo65-Bo63-Bo66-Bo67-Bo68) (fig. 1).

6. cadastres établis en 1615 puis en 1666.

7. Bien que les réunions du conseil se soient tenues provisoirement (entre 1624 et 1638) dans une maison située rue du Pont neuf appartenant à Paul de Julien conseiller à la cour, il paraît évident que Joseph de la Pise fait quant à lui référence à la maison de ville qui avait jusque là accueilli les réunions du conseil et qui les accueillit du reste encore à partir de 1638.

Fig. 1 – orange, l’ancienne maison de ville : localisation sur le plan cadastral napoléonien et sur le plan cadastral actuel des bâtiments conservés de l’ancienne

maison consulaire (images archives départementales de vaucluse et ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’état ; infographie i. doray).

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Joseph de la Pise indiquait par ailleurs que cette maison dont la cave recélait des bains antiques, et qui était située derrière la maison de ville, était celle d’un corroyeur8.

les mêmes livres du cadastre signalent effectivement une maison au quartier de langes, propriété successive de plusieurs corroyeurs9 : cette maison sise « à la ruelle de l’horloge quartier de Langes » confrontait de bise « les tranchées » de la ville10. en 1615 ladite maison apparaît ainsi au « manifest » des hoirs d’un « conrieur » nommé guilhen castanier ; acquise dès avant 1638 par daniel maurenc également « conrieur », la maison figure à partir de 1666 au « mani-fest » de son fils michel mauren lui aussi « conroyeur » ; entre 1682 et 1684

8. un corroyeur est un ouvrier qui corroie les cuirs : corroyer consiste à soumettre le cuir à toutes les opérations qui lui donneront la fermeté, le poli et la souplesse requis pour ses divers usages.

9. archives municipales d’orange (abrégé désormais am orange), livre des clausades… (1615) et cadastre de la ville d’orange (1666). cc12 fol. 268 : hoirs de guilhen castanier ; cc12 fol. 538 : daniel maurenc ; cc19 fol. 203 : michel mauren ; cc24 fol. 2532 : marguerite castanier ; cc24 fol. 2512 : moise maurenc.

10. il faut entendre par « tranchées » les fossés de la fortification moderne d’orange établie dans les années 1622-1623.

Fig. 2 – orange, le quartier de langes au xviie siècle : ce quartier était circonscrit entre les rues saint martin et Ferraterie et la grande Place au

sud, le grand cimetière à l’est, les remparts au nord et les rues de confort et de Plaisance à l’ouest (images Carte du Comtat Venaissin J. de chieze 1627

et Pianta delle Città […] d’Oranges Principato anonyme xviie siècle bibliothèque du vatican chigi p. vii 12, fol. 99 ; infographie i. doray).

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la maison est séparée en deux parties, l’une revenant à marguerite castanier, l’autre à moise maurenc fils de michel mauren.

ainsi donc les bains antiques de Joseph de la Pise doivent-ils être localisés dans l’ancien quartier de langes (fig. 2), dans une maison qui se serait située au nord de l’ancienne maison de ville et donc à proximité de l’actuelle rue de l’ancien-Hôtel-de-ville, au sud de l’actuel boulevard édouard-daladier établi à l’emplacement des anciennes « tranchées ».

À La redéCouverte des Bains…

si les vestiges signalés par Joseph de la Pise n’avaient jamais fait l’objet des recherches qui auraient pu permettre de vérifier leur localisation, ils n’ont pas davantage fait l’objet de vérifications concernant leur véritable nature et leur éventuelle conservation dans le bâti ancien. et si quelques auteurs signa-lèrent par la suite des vestiges antiques dans le quartier, personne jusqu’à Jules Formigé en 1917, n’évoqua à nouveau la possible existence d’un édifice bal-néaire dans le secteur.

Des recherches…

dans son ouvrage paru en 1815, adrien de gasparin11 signalait lui aussi des vestiges antiques au quartier de langes, mais qu’il identifiait quant à lui aux fondations d’un cirque dont il s’efforçait de démontrer l’existence : « On a suivi cette enceinte [du cirque], du côté du couchant (…) puis dans les caves tout le long de la rue de Lange jusqu’à la maison Auban où se trouve le retour qui se prolonge vers la maison d’Ayzac ». la consultation de l’état des sections de 1807 correspondant au plan cadastral napoléonien nous a permis de localiser aisément les maisons auban et d’aysac mentionnées par adrien de gasparin et donc de situer assez précisément les vestiges du supposé cirque qui y auraient été conser-vés12. la maison auban semble pouvoir être localisée en face du pont de langes,

11. adrien de gasParin, Histoire de la ville d’Orange et de ses antiquités, orange, 1815, p. 99-100.

12. am orange, état des sections (1807). g4 : t843 - nº 500, Braye Jeanne femme libre de François auban, maison ; g4 : t865 - nº 846, daysac louis antoine, maison et cour.

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à l’angle de la rue de langes et de la route de marseille à lyon : Jeanne Braye, femme libre de François auban, apparaît en effet propriétaire de la maison occu-pant la parcelle cadastrée t843 ; quant à la maison d’aysac, propriété de louis antoine daysac, elle occupait à l’époque la parcelle cadastrée t865 (fig. 3).

le souvenir de ces vestiges – qui du reste, étant donnée leur localisation, ne paraissent pas pouvoir être confondus avec les vestiges signalés par Joseph de la Pise – semble s’être perdu rapidement puisqu’à peine un siècle plus tard, louis chatelain, envoyé en 1906 à orange par le comité des travaux Historiques et tirant de sa mission un premier rapport13, écrivait : « […] il n’en reste rien ; il en est de même [des vestiges] de la maison Bauza, en face du pont de Langes. ». en effet, dans la thèse qu’il publia en 1908, à propos de ces mêmes constructions antiques, il rappelait14 : « Face au pont de Langes, à la maison qui fait le coin entre la rue Victor-Hugo et la route nationale – chez M.-J. Bauza, marchand d’oranges et de produits du Midi […] –, le souvenir des constructions romaines est encore vivant ; toutefois je n’ai rien pu reconnaître […]».

13. louis cHateLain, « rapport sur une mission relative à l’étude des antiquités de la ville d’orange », dans Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, 1907, p. 395.

14. louis cHateLain, Les Monuments romains d’Orange, Paris, 1908, p. 114-115.

Fig. 3 – les maisons auban et d’aysac : localisation sur le plan cadastral napoléonien des maisons contenant des vestiges signalés par adrien de gasparin en 1815 (image archives départementales de vaucluse ; infographie i. doray).

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Précisons ici que « la maison qui fait le coin entre la rue Victor-Hugo et la route nationale (chez M.-J. Bauza, marchand d’oranges et de produits du Midi) » évoquée par louis chatelain en 1906/1908 correspond précisément à la maison auban mentionnée par adrien de gasparin en 1815. le livre de dénombrement de la population de 190615 indique en effet que Jean et Joseph Bauza, tous deux épiciers, occupaient à cette époque la première maison du boulevard de la meyne, sans doute située à l’angle du boulevard de la meyne et de la rue victor-Hugo, soit précisément sur la parcelle t843 du plan napo-léonien. Par ailleurs, la consultation de la matrice cadastrale signale qu’en 1913, Joseph Bauza, fruitier oranger, était propriétaire d’une maison au quartier de langes, rue de l’ancien-Hôtel-de-ville (parcelle t847 actuellement Bo32) et de nos jours encore dite « maison Bauza »16 (fig. 4).

15. am orange, dénombrement des habitants des cantons ouest et est (1906). F460-461 : quartier de langes, boulevard de la meyne, maison nº 1, ménage nº 1: Bauza Jean, né en 1861 à orange, français, chef de ménage, épicier ; Bauza Joseph, né en 1856 à solles, étranger, frère, épicier ; Berguirol mathilde, née en 1868 à st Paul 3 chx, française, belle-sœur, épicière ; Bauza louis, né en 1894 à orange, français, neveu, écolier.

16. am orange, matrice des propriétés bâties et non bâties (1855-1914). g22 fol. 4969 : Bauza Joseph époux Berguirol, fruitier/oranger, t847, ville, rue de l’ancien-Hôtel-de-ville, sol 48 ca, acquis 1913, tiré de fol. 4311.

Fig. 4 – la « maison Bauza » : localisation sur le plan cadastral napoléonien de la maison occupée par la famille Bauza à l’époque de louis chatelain ; localisation sur le plan cadastral actuel de la maison acquise par Joseph

Bauza en 1913 et de nos jours encore dite « maison Bauza » (images archives départementales de vaucluse et ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’état ; infographie i. doray).

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notons enfin qu’ainsi qu’il apparaît à la confrontation des plans des xixe et xxe siècles, cette maison auban/Bauza (parcelle t843) fut frappée d’aligne-ment vraisemblablement avant 183417 : cet alignement, et les destructions qu’il induisit, pourraient expliquer la disparition des vestiges vus et signalés par adrien de gasparin à l’époque où louis chatelain fit sa visite d’orange18.

17. am orange, rue de langes, alignement/élargissement. o1778.

18. quoi qu’il en soit, une visite des maisons anciennement auban et d’aysac, qui permettrait de vérifier l’éventuelle conservation des vestiges signalés par adrien de gasparin, semble nécessaire et doit être envisagée.

Fig. 5 – orange, les bains du « gymnase » : localisation des vestiges de la supposée partie balnéaire du « gymnase » (point c : « mur

avec arcades… ») d’après J. Formigé [a] ; localisation de ces mêmes vestiges (point i : « mur antique avec arcades… ») sur le plan des vestiges du « cirque » de a. caristie [b] (infographie i. doray).

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Plus surprenante et plus intéressante nous est apparue la restitution de thermes monumentaux dans ce quartier par Jules Formigé. c’est en effet dans un mémoire présenté à l’académie des inscriptions et Belles-lettres19 dans lequel il tentait de démontrer l’existence à orange d’un gymnase en lieu et place du « prétendu cirque d’Orange » que Jules Formigé proposait quant à lui de restituer un vaste édifice associant selon les principes de vitruve, un stade, un péristyle, et des bains qu’il plaçait à l’extrémité nord-est de cet établissement, soit – peut-être influencé par la mention de Joseph de la Pise – précisément dans la zone qui nous intéresse.

malheureusement, au vu des plans publiés à la fin de ce mémoire, sa restitu-tion de la partie balnéaire apparaît purement théorique et ne repose sur aucun vestige caractéristique clairement identifié et localisé : on en voudra pour preuve la mention d’un mur au point c de son plan dont il fait la limite orientale de sa frigida lavatio (fig. 5a), qui ne fait que reprendre le point i d’un plan publié par auguste caristie en 1856 (fig. 5b), qui du reste ne propose pour ce point ni source ni interprétation20.

Des visites…

c’est à partir de 1994 que notre intérêt pour les vestiges mentionnés par Joseph de la Pise s’est vu réveillé, consécutivement à la visite de quelques mai-sons situées dans l’ancien quartier de langes, précisément derrière l’ancienne maison de ville (fig. 6).

dans la perspective d’une valorisation d’ensemble de l’îlot de l’ancien Hôtel de ville, la ville d’orange avait, dès 1989, fait l’acquisition de l’ancienne maison consulaire dont elle avait obtenu le classement au titre des monuments Historiques en 1991 ; elle avait par la suite pu acquérir trois autres maisons proches, dont une située au nº 9 boulevard édouard-daladier et une au nº 15 rue de l’ancien-Hôtel-de-ville, maisons dites respectivement Pompée et Bauza (cf. supra), du nom de leur ancien propriétaire.

19. Jules ForMiGé, « le Prétendu cirque d’orange », dans Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome Xiii 1re partie, Paris, 1917, p. 202-225.

20. ici comme pour les maisons auban et d’aysace, l’éventuelle conservation des vestiges antiques signalés par auguste caristie et Jules Formigé devrait être vérifiée par une visite des lieux.

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ainsi, la visite de la maison Pompée (parcelles Bo61-Bo78) nous permit de repérer au rez-de-chaussée et au premier étage de la maison une colonne romaine conservant encore son chapiteau au sommet d’un fût tronqué, mais aussi de reconnaître une cave voûtée en plein cintre de datation antique. cette cave de plan globalement carré (largeur : 4,10 m ; longueur : 4,40 m) et dont les murs et la voûte sont apparus bâtis en maçonnerie de blocage et parement en petit appareil, communiquait à l’origine par deux petites portes cintrées avec des espaces qui lui étaient mitoyens au sud et à l’ouest ; la base enduite des murs de la cave présentait curieusement une surface de couleur rouge qui nous évoqua aussitôt l’anecdote du vin répandu relatée par Joseph de la Pise. de fait, l’espace vraisemblablement d’origine antique situé au nord de cette cave, était occupé par une cuve à vin.

la visite de la maison Bauza (parcelle Bo62) donna accès quant à elle à une seconde cave de datation antique, implantée sous la maison Pompée, soit

Fig. 6 – l’îlot de l’ancien Hôtel de ville : localisation des vestiges repérés lors de la visite des caves de la maison Pompée (1), de la maison Bauza (2), de l’ancienne

maison consulaire (3) et d’un immeuble proche (4) (image ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’état ; infographie i. doray) ; représentation des vestiges localisés sous les immeubles Pompée et Bauza (dessin J.-m. mignon) ; vue de l’espace antique repéré lors de la visite de la maison Pompée (cliché J.-m. mignon).

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immédiatement au sud de la précédente et avec laquelle elle communiquait par une des portes cintrées : les murs est, nord et ouest, ainsi que la voûte et le sol de ce vaste local rectangulaire (largeur : 3,90 m ; longueur : 5,60 m) étaient bâtis en tegulae et briques de terre cuite retaillées ; deux soupiraux zénithaux désormais obturés étaient à mettre en relation avec l’utilisation de cette pièce ; quatre ouvertures hautes qui donnaient sur les espaces qui lui étaient mitoyens à l’ouest et à l’est devaient permettre d’éclairer et de ventiler ce local. c’est par ces ouvertures hautes que se voyaient, à l’est un troisième local certainement antique, malheureusement non accessible et partiellement ruiné, et à l’ouest un long corridor voûté situé sous la maison voisine (parcelle Bo60). un cinquième espace, probablement antique mais fortement remanié, occupait la partie sud du sous-sol de la maison Bauza.

la visite de la cave de l’immeuble mitoyen au nord-ouest des maisons Pompée et Bauza (parcelle Bo60), nous permit d’accéder au corridor voûté en plein cintre aperçu depuis la cave de la maison Bauza. cet espace (largeur : 2 m environ ; longueur : plus de 12 m) était construit en maçonnerie de blocage et parement en petit appareil et conservait localement des restes d’enduit mural ; au sommet de sa paroi ouest se voyait une série de quatre soupiraux dont le profil en sifflet indiquait qu’ils étaient destinés à prendre le jour à l’extérieur. ce vaste boyau communiquait au nord-est avec la cave de la maison Pompée par une des petites portes cintrées et au sud-ouest avec la cave de la maison Bauza par deux des ouvertures hautes ; son extrémité nord était peu lisible en raison d’aménagements modernes et son extrémité sud avait été fortement remaniée.

quelque temps plus tard, la visite d’une nouvelle cave, située celle-ci sous l’ancienne maison consulaire (parcelle Bo65), révéla, outre la présence de blocs de grand appareil en remploi dans son mur nord, l’existence d’un sol en béton de tuileau visible dans les parois d’un puits creusé contre le mur occiden-tal de cette cave.

enfin, la visite d’un restaurant situé immédiatement au nord-ouest de cet ensemble (nº 20 boulevard édouard-daladier, parcelle Bo57-Bo310), nous permit d’observer en limite ouest de la parcelle, le parement externe du mur limitant le boyau voûté repéré sous l’immeuble occupant la parcelle Bo60 ; le voûtement moderne de la cave masquait toutefois les quatre soupiraux observés sur le parement interne.

ainsi donc, les vestiges observés dans diverses caves de l’îlot de l’ancien Hôtel de ville, et particulièrement dans les caves des maisons Pompée et Bauza,

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nous paraissent pouvoir correspondre aux vestiges signalés par Joseph de la Pise dès 1639. mais, si nous avons à l’évidence retrouvé dans les « basses caves » ce que Joseph de la Pise décrivait comme un « bain romain » avec « sa crote si entiere », et si nous avons certes pu observer à la base des murs d’une des caves la couleur rouge qui évoque l’anecdote du vin « espanché dedans », nous n’avons pas vu « son pavé de marbre de diverses coleurs ajancé à la Mosaïque », peut-être actuellement occulté par la dalle de béton apparemment récente qui recouvre le sol de la cave de la maison Pompée et dont l’enlèvement nécessiterait une réelle intervention archéologique.

les espaces antiques observés semblent pouvoir être identifiés à des locaux semi-enterrés, comme le montrent notamment les soupiraux en sifflet mis en évidence dans la cave la plus occidentale (parcelle Bo60) ; ces espaces apparte-naient sans doute à un bâtiment dont le sol de circulation était surélevé. ce type de construction sur sous-bassement semi-enterré pourrait parfaitement conve-nir à un édifice balnéaire : les thermes ont en effet pour particularité d’avoir, du fait de la présence des hypocaustes, des sols intérieurs surélevés par rapport à leur environnement. afin de faire régner les sols intérieurs, cette surélévation, qui peut atteindre la hauteur d’un étage lorsque des bassins sont construits au-dessus de l’hypocauste, se traduit assez souvent dans les parties non chauf-fées de l’établissement par la présence de locaux semi-enterrés constituant un véritable soubassement, par ailleurs bien commode pour y loger les activités nécessaires au bon fonctionnement des thermes.

La maison du corroyeur : de Guilhen Castanier à Hugues Bareilles…

comme point final à la relation de nos investigations dans les archives et le bâti ancien d’orange concernant les « bains romains » signalés par Joseph de la Pise, nous évoquerons la mémoire de Hugues Bareilles fils, jeune homme passionné mentionné par adrien de gasparin dans son ouvrage consacré aux antiquités d’orange, au chapitre concernant le cirque21 : « il ne s’agissait plus que d’aller à la recherche de toutes les fondations subsistantes et de les replacer sur un plan. Mr Bareilles fils, se consacra à cette recherche pénible ; chaque jour ajoutait à son plan de nouveaux traits qui rapprochaient toujours davantage notre monument de la forme des cirques connus ; mais ces travaux dans des lieux

21. cf. note 12.

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aussi humides, avec une santé déjà altérée, développèrent bientôt une maladie qui a terminé les jours de ce jeune homme dont l’ardeur nous a été si utile. Il est mort sans avoir mis au net la portion qui ferme le cirque vers le nord, et on n’en a plus retrouvé l’esquisse dans ses papiers… ».

la consultation des matrices et des registres de l’état civil, nous ont appris que le jeune Hugues Joseph marie Bareilles (1780-1813) était natif d’orange et demeurait avec ses parents au quartier de langes : son père, le teinturier Hugues Bareilles, y possédait la maison occupant la parcelle t846 du cadastre napoléo-nien. cette maison dite actuellement « maison Pompée » lui appartenait depuis 1776 ; auparavant elle avait été la maison des corroyeurs guilhen castanier, daniel et michel mauren…

en effet, dès 1728, le sieur Philippe gondran avait pu réunir les deux par-ties de cette maison un temps partagée (entre marguerite castanier et moise mauren d’abord, puis entre marguerite castanier et andré mense ensuite) ; la maison recomposée était ensuite passée à son fils Pierre mathieu gondran avant d’être une nouvelle fois divisée : en 1776, les trois quarts de la maison avaient été acquis par le teinturier Hugues Bareilles père22.

on peut alors aisément imaginer que le jeune Hugues Bareilles avait à l’époque pu identifier les vestiges antiques évoqués par Joseph de la Pise et conservés dans les caves de la maison familiale. la connaissance de ces vestiges antiques fut-elle à l’origine de sa passion pour les recherches dans les caves d’orange ?

Un diagnostic

en cette année 2010, le service d’archéologie du département de vaucluse s’est vu confier la réalisation d’un diagnostic d’archéologie préventive prescrit par le service régional de l’archéologie, suite à une demande d’auto-saisine déposée par la ville d’orange dans le cadre du processus d’élaboration d’un pro-jet architectural visant à la réhabilitation du quartier de l’ancien Hôtel de ville.

22. am orange, cadastre de la ville d’orange (1762). cc28 fol. 36-37 : sieur Philippe gondran puis Pierre mathieu gondran ; cc33 fol. 2678 : sr Hugues Bareilles.

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notre intérêt pour les vestiges signalés par Joseph de la Pise s’est vu une nouvelle fois relancé à l’occasion de ce diagnostic, puisque la zone concernée (parcelles Bo79-Bo64) se situait immédiatement à l’est des maisons Pompée et Bauza, lieu probable de conservation des fameux « bains romains ». le terrain comprenait d’une part un espace occupé par la structure d’un ancien garage automobile (garage soulier du nom de son dernier propriétaire) et par une mai-son ancienne, d’autre part un espace également occupé par le garage automobile mais faisant autrefois partie de l’ancienne maison de ville (parcelle Bo64).

l’opération s’est révélée singulièrement satisfaisante. les quatre sondages effectués ont en effet révélé des vestiges appartenant sans aucun doute à un établissement thermal. une dalle de béton de tuileau conservant des traces de pilettes a été mise au jour au sud d’un large mur de direction est-ouest ; d’im-portants rejets brûlés en relation avec l’utilisation d’un foyer ainsi qu’un canal de chauffe ont également été mis en évidence au nord de ce même mur.

l’ensemble des structures mises au jour, qui se développent sur une lon-gueur de près de 15 m et sur une largeur de 10 m environ, pourrait constituer la bordure nord d’une vaste piscine chauffée : les éléments conservés et repérés nous ont en effet permis d’identifier avec certitude, d’une part une surface de plus de 45 m² correspondant à la dalle de support d’un hypocauste, d’autre part un massif de 1,50 m de large permettant une circulation autour du bassin, lui-même accolé à un mur de 1,15 m d’épaisseur constituant le mur de la salle proprement dit, et enfin le canal de chauffe du praefornium établi sur une bande de terrain de 3,10 m de largeur située entre le bâtiment thermal et l’enceinte romaine tombée en désuétude (fig. 7).

enfin, et bien que des relevés et des vérifications soient encore nécessaires, il semble que le niveau de sol de la circulation que nous restituons en périphérie de la piscine chauffée puisse correspondre au niveau de l’extrados des voûte-ments des locaux semi-enterrés conservés dans les caves des maisons Bauza et Pompée, nous permettant d’envisager que ces vestiges appartiennent à un même établissement thermal monumental.

ConCLusion : une nouveLLe éniGMe résoLue

les présentes recherches, initiées par le signalement de Joseph de la Pise, nous ont une nouvelle fois permis d’élucider une mention ancienne jusque là

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N

4m0

42 m —

41 m —

mu

r méd

iéva

l 61

sol caladé 58

sol m

od

ern

e 60

sol moderne 59mur 57

— 42 m

— 41 m

Fig. 7 – orange, ancien garage soulier, sondage 4 : coupe/élévation partiellement restituée du parement sud du mur 57 ; relevé en

plan du « sondage » (relevés et dessin J.-m. mignon).

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demeurée énigmatique puisque jugée invérifiable par les historiens orangeois, y compris jusqu’à une date récente.

au-delà des acquis scientifiques, ces recherches ont également été l’occasion d’apprécier la précision et la justesse de ces signalements, mais également d’ap-préhender avec une meilleure connaissance des contextes anciens, les écrits et travaux de nos prédécesseurs. la recherche née de ce signalement du début du xviie siècle, nous a ainsi incités à une relecture plus objective et plus savante des écrits d’adrien de gasparin, d’auguste caristie, de louis chatelain et de Jules Formigé, nous amenant ainsi à apprécier ce que chacun avait su apporter à la connaissance de ce secteur d’orange antique.

si, au final, la combinaison des recherches en archives et des visites ont permis de localiser définitivement les dits « bains romains » et d’en identifier l’essentiel, et si le diagnostic conduit à proximité de ces vestiges a confirmé l’existence de thermes dans ce secteur, il nous reste néanmoins à découvrir le pavement mosaïqué également mentionné par Joseph de la Pise. une inter-vention archéologique, programmée sur la maison Pompée pour le début de l’année 2011, devrait nous permettre de poursuivre la lecture de ces vestiges pour l’heure encore en partie masqués par des aménagements modernes.

enfin, cet article démontre une nouvelle fois tout l’intérêt qu’il peut y avoir à conduire ce type de recherches, certes longues et sans garantie de succès, mais qui permettent de tirer le meilleur parti de tous les signalements anciens, sou-vent demeurés non exploités. associés aux données scientifiques des opérations de terrains plus récentes, les résultats de ces recherches viennent enrichir sensi-blement notre connaissance de la topographie des villes antiques.

isabelle doraY et Jean-marc mignon