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1 Dossier de presse Des Suisses nient le génocide de Srebrenica : première plainte Contenu pages Communiqué de presse commun de TRIAL et de la Société pour les peuples menacés (SPM) du 19 avril 2010 2-3 Contenu de la plainte 4-8 Les personnes mises en cause 9 Les demandeurs 10 Norme pénale antiraciste, définitions des notions de génocide et de crimes contre l’humanité 11 Contribution de Mme Ruth-Gaby Vermot, présidente de la Société pour les peuples menacés Suisse 12-13 Contribution de M. Philip Grant, président de TRIAL 14-15 Contribution de Mme Fadila Memisevic, directrice de la section Bosnie- Herzégovine de la Société pour les peuples menacés 16-17 Contribution de M. Srdjan Dizdarevic, fondateur et ancien président du Comite d'Helsinki pour les droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine 18-19 Texte original de l’article paru dans « La Nation » : Le lynchage médiatique des Serbes I. La guerre de Bosnie 20-25 TRIAL (Track Impunity Always) Association suisse contre l’impunité PF 5116 / CH-1211 Genève 11 /Téléphone : 022 321 61 10 / Fax : 022 321 61 10 E-mail : [email protected] / Internet : www.trial-ch.org / PC 17-162954-3 Société pour les peuples menacés Suisse (SPM) Wiesenstrasse 77 / CH-3014 Berne / Téléphone : 031 311 90 08 / Fax : 031 311 90 65 E-mail : [email protected]/ Internet : www.gfbv.ch / PC 30-27759-7 Délai d’embargo jusqu’au : 19 avril 2010, 10h 00

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Dossier de presse

Des Suisses nient le génocide de Srebrenica :

première plainte

Contenu pages

Communiqué de presse commun de TRIAL et de la Société pour les

peuples menacés (SPM) du 19 avril 2010

2-3

Contenu de la plainte 4-8

Les personnes mises en cause 9

Les demandeurs 10

Norme pénale antiraciste, définitions des notions de génocide et de crimes

contre l’humanité

11

Contribution de Mme Ruth-Gaby Vermot, présidente de la Société pour les

peuples menacés Suisse

12-13

Contribution de M. Philip Grant, président de TRIAL 14-15

Contribution de Mme Fadila Memisevic, directrice de la section Bosnie-

Herzégovine de la Société pour les peuples menacés

16-17

Contribution de M. Srdjan Dizdarevic, fondateur et ancien président du

Comite d'Helsinki pour les droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine

18-19

Texte original de l’article paru dans « La Nation » :

Le lynchage médiatique des Serbes – I. La guerre de Bosnie

20-25

TRIAL (Track Impunity Always) – Association suisse contre l’impunité

PF 5116 / CH-1211 Genève 11 /Téléphone : 022 321 61 10 / Fax : 022 321 61 10

E-mail : [email protected] / Internet : www.trial-ch.org / PC 17-162954-3

Société pour les peuples menacés Suisse (SPM)

Wiesenstrasse 77 / CH-3014 Berne / Téléphone : 031 311 90 08 / Fax : 031 311 90 65

E-mail : [email protected]/ Internet : www.gfbv.ch / PC 30-27759-7

Délai d’embargo jusqu’au :

19 avril 2010, 10h 00

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Communiqué de presse commun de la Société pour les peuples menacés (SPM) et de TRIAL

Des Suisses nient le génocide de Srebrenica :

première plainte

Lausanne, le 19 avril 2010

Deux auteurs du journal La Nation qualifient le génocide serbe de Srebrenica de « pseudo-

massacre ». Aujourd’hui, la Société pour les peuples menacés (SPM) ainsi que TRIAL,

l’association suisse contre l’impunité, ont déposé une plainte auprès de l’Office du juge

d’instruction cantonal du canton de Vaud dénonçant le déni d’un génocide et de crimes contre

l’humanité. Jusqu’à ce jour, la justice suisse n’avait été amenée à se prononcer sur des

plaintes dénonçant le déni de génocide que dans deux cas : le génocide contre les Juifs

d’Europe et celui contre les Arméniens.

Deux auteurs habituels du journal La Nation, traditionnellement ancré à la droite de la droite,

contestent :

1. le génocide de Srebrenica et l’assassinat de plus de 8 000 hommes musulmans ;

2. les atrocités dans des camps de concentration et les crimes contre l’humanité commis par

des Serbes ;

3. les viols collectifs perpétrés par des Serbes bosniaques ;

4. les attaques à la grenade sur la place du marché de Sarajevo.

L’événement déclencheur de ce texte a été la proclamation de l’indépendance du Kosovo, le 17 février

2008. Peu de temps après, le journal La Nation, un des organes de la Ligue vaudoise, a publié une

série d’articles sur le « lynchage médiatique des Serbes » ; aujourd’hui encore, le texte est en ligne et

consultable sur le site de la Ligue vaudoise.

« Après les horreurs que les victimes ont subies, le déni de ces crimes est particulièrement

insoutenable, et il est de nature à entraver le processus de réconciliation de l’ensemble des personnes

concernées ainsi qu’à empêcher une cohabitation pacifique à l’avenir », explique Fadila Memisevic,

présidente de la section Bosnie-Herzégovine de la SPM. Philip Grant, président de l’association

TRIAL, indique pour sa part que les arguments avancés par les deux auteurs sont les mêmes que

ceux invoqués actuellement par Radovan Karadzic au cours de son procès à La Haye. « De tels

arguments nient les souffrances des victimes et disculpent les bourreaux. »

La Société pour les peuples menacés Suisse (SPM) est une organisation de défense des droits de

l’Homme qui s’engage à l’échelle mondiale pour la défense des droits des minorités et des peuples

autochtones. TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) lutte contre

l’impunité des responsables, des complices et des instigateurs de génocide, de crimes de guerre, de

crimes contre l’humanité, de torture ou à l’origine de disparitions de personnes.

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Pour des renseignements complémentaires, veuillez contacter :

Christoph Wiedmer, directeur de la SPM : 079 679 01 24

Philip Grant, président de TRIAL : 076 455 21 21

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Contenu de la plainte

1. Le « pseudo-massacre de Srebrenica »

Denis Ramelet et Nicolas de Araujo, dans un article publié dans le journal La Nation, un organe de la

Ligue vaudoise, parlent du « pseudo-massacre de Srebrenica ».

L’affirmation des auteurs de l’article :

D’après les auteurs, environ 8 000 hommes et jeunes garçons n’auraient pas été assassinés par des

militaires ou des miliciens serbes, mais seuls quelque 2 000 musulmans auraient perdu la vie, pour la

plupart d’entre eux au cours de combats.

Plusieurs instances judiciaires ont démontré le contraire :

La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, le principal organe judiciaire de l’ONU, a

défini le massacre de Srebrenica comme étant un génocide, le 26 février 2007 :

1. Décision de la CIJ : d’après les exposés des faits, la Cour conclut que les actes commis à

Srebrenica, qui relèvent des articles II (a) et (b) de la Convention, ont été exécutés avec

l’intention spécifique de décimer une partie du groupe des musulmans de Bosnie ; de ce fait,

ces agissements doivent être qualifiés de génocide, commis par des membres de la VRS

(l’armée de la Republika Sprska) dans et autour de Srebrenica, à partir du 13 juillet 1995

environ. 1

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), également basé à La Haye, a aussi

reconnu l’existence d’un génocide dans plusieurs affaires :

1. Arrêt de la Chambre d’appel du TPIY, rendu le 19 avril 2004, à l’encontre de Radislav

Krstic : « En cherchant à éliminer une partie des musulmans de Bosnie, les forces serbes de

Bosnie ont commis un génocide. Elles ont œuvré à l’extinction des 40 000 musulmans de

Bosnie qui vivaient à Srebrenica, groupe représentatif des musulmans de Bosnie dans leur

ensemble. » 2

2. Jugement de la Chambre de première instance du TPIY, rendu le 17 janvier 2005, à

l’encontre de Vidoje Blagojevic : « La Chambre de première instance est convaincue que les

1 http://www.icj-cij.org/docket/files/91/13687.pdf.

2 http://www.icty.org/x/cases/krstic/acjug/fr/krs-aj040419f.pdf note 37.

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actes criminels perpétrés par les forces serbes de Bosnie n’avaient d’autre but que de

commettre un génocide contre les Musulmans de Srebrenica »3. Dans ce même jugement, le

TPIY confirme également que « plus de 7 000 hommes musulmans bosniaques de Srebrenica

ont été massacrés ».4

3 http://www.icty.org/x/cases/blagojevic_jokic/tjug/fr/050117.pdf, note 674.

4 http://www.icty.org/x/cases/blagojevic_jokic/tjug/fr/050117.pdf, note 671.

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2. Le faux camp de concentration

L’affirmation des auteurs de l’article :

La Nation prétend que le camp de prisonniers de Trnopolje n’était pas un camp de concentration

mais qu’il s’agissait « en réalité [d’]un camp de réfugiés, où ceux-ci [pouvaient] librement entrer et

sortir ».5

Un tribunal atteste le contraire :

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye, atteste le contraire.

D’après le Tribunal, les personnes détenues dans le camp de Trnopolje n’étaient pas uniquement

retenues comme prisonniers, elles se sont vu infliger des traitements inhumains et dégradants,

accompagnés régulièrement de sévices ; elles ont été humiliées et contraintes à vivre dans des

conditions indignes. Le Tribunal de l’ONU considère que ces actes correspondent à la qualification de

crime contre l’humanité.6

En outre, le Tribunal a confirmé que des personnes étaient régulièrement tuées à Trnopolje.7

5 La Nation se fonde sur un article publié dans le magazine britannique Living Marxism, qui a pourtant

été condamné au cours de l’année 2000 pour diffamation par la Haute Cour à Londres. 6 Jugement du TPIY IT 97-24 T, points 193, 225, 242, 544, 780, 787, 808.

7 Jugement du TPIY IT 97-24 T, points 193, 225, 242, 544, 780, 787, 808.

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3. Les prétendus viols collectifs

L’affirmation des auteurs de l’article :

La Nation soutient que les estimations selon lesquelles 10 000 à 60 000 femmes musulmanes ont été

violées au cours de la Guerre de Bosnie ne seraient que des hypothèses fantaisistes.

Le nombre exact est difficile à déterminer :

- Conseil de l’Europe : le Conseil de l’Europe a publié en mai 2009 un rapport selon lequel

« on estime que plus de 20 000 femmes bosniaques, croates et serbes ont subi un viol,

souvent collectif ».8

- Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie: le Tribunal de l’ONU qualifie les viols

commis au cours de la guerre de Bosnie comme étant des pratiques systématiques.9

- Amnesty International : selon Amnesty International, 18 hommes ont été condamnés à ce

jour par le TPIY pour viols multiples, et la Chambre des crimes de guerre de la Cour d’Etat de

Bosnie-Herzégovine a condamné 12 personnes pour des violences sexuelles constituant des

crimes.10

- Commission de l’ONU : selon la commission de l’ONU en charge d’examiner les violations

des Conventions de Genève en ex-Yougoslavie, la majorité des victimes de viols étaient des

musulmanes bosniaques et la majorité des coupables des Serbes bosniaques.11

8 http://www.assembly.coe.int/Documents/WorkingDocs/Doc09/FDOC11916.pdf, § A 6.

9 Jugement du TPIY, affaire IT 98 – 30 / 1, point 197.

10http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/report/women-raped-during-bosnia-herzegovina-

conflict-waiting-justice-20090930. 11

http://www.earlham.edu/~pols/ps17971/terneel/bassiouni.html.

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4. Bombardements du marché de Sarajevo

Remarque préliminaire :

Au cours de la guerre de Bosnie, la place du marché de Sarajevo a fait l’objet de tirs de mortier à deux

reprises. Le premier bombardement, qui eu lieu le 5 février 1994, a fait 68 victimes et quelque

200 blessés. Après la seconde attaque, datée du 28 août 1995, au cours de laquelle quelque

30 personnes ont perdu la vie, l’OTAN a lancé une attaque sur les positions serbes.

L’affirmation des auteurs de l’article :

Les auteurs de l’article paru dans La Nation laissent entendre que le marché de Sarajevo n’aurait été

attaqué qu’une seule fois et que ces bombardements auraient immédiatement poussé l’OTAN à

engager des représailles. Ils prétendent également qu’une enquête de l’ONU aurait établi que les tirs

de mortiers provenaient des bases musulmanes.

Le TPIY atteste le contraire :

Bombardement du 5 février 1994. Le TPIY a conclu que cette attaque n’a pas été perpétrée à partir

de positions musulmanes, mais bien par le commandement serbe du nom de Corps Romanija. Lors du

procès que la TPIY a engagé contre son premier commandant, Stanislav Galic, il l’a reconnu coupable

de crimes contre l’humanité, ses troupes s’en étant intentionnellement prises à la population civile.12

Bombardement du 28 août 1995. Lors du procès intenté contre Dragomir Milosevic, successeur de

Stanislav Galic (cf. ci-dessus), le TPIY a conclu que les obus qui ont explosé aux abords du marché,

« avaient été tirés d’une zone placée sous le contrôle du corps serbe du nom de Corps Romanija » et

que ces manœuvres étaient exécutées « par des membres du Corps Romanija ».13

12

http://icr.icty.org/LegalRef/CMSDocStore/Public/French/Judgement/NotIndexable/IT-98-29-A/JUD164R0000270384.pdf, note 335. 13

http://www.icty.org/x/cases/dragomir_milosevic/tjug/en/071212.pdf, note 724.

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Les personnes mises en cause:

Les auteurs Denis Ramelet et Nicolas de Araujo

Les deux auteurs :

Denis Ramelet et Nicolas de Araujo sont deux des activistes les plus connus de la Ligue vaudoise,

comme l’a affirmé le magazine L’Hebdo dans une édition datée du 31 juillet 2008. Depuis des années,

ils comptent parmi les rédacteurs de La Nation, et ont régulièrement publié des articles dans ce

bimensuel au cours des trois dernières années.

Leur environnement : La Nation, la Ligue vaudoise

Le journal La Nation:

La Nation paraît toutes les deux semaines à Lausanne. En règle générale, elle comprend quatre

pages vierges de toute illustration et est publiée à 4 000 exemplaires. Une sélection réduite d’articles

de La Nation paraît également sur Internet. Son rédacteur en chef est Jean-Blaise Rochat.

La Ligue vaudoise:

La Nation est l’organe de la Ligue vaudoise, fondée en 1931. Elle considère le canton de Vaud comme

une entité autonome (une nation) et, fervente défenseur du fédéralisme, lutte contre les tendances

visant la centralisation. Dans les années 30, elle militait pour le corporatisme et répandait des

conceptions antisémites. Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a sympathisé avec des

régimes autoritaires, pour ensuite, en période d’après-guerre, se rapprocher des mouvements

anticommunistes. Au cours des dernières décennies, elle s’est surtout employée à combattre

l’ouverture de la Suisse au niveau international, et en particulier à empêcher l’adhésion de la Suisse à

l’ONU et à l’Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, au début des années 90, elle s’est

prononcée contre l’introduction de la norme pénale antiraciste. Olivier Delacrétaz, président de la

Ligue vaudoise depuis 1977, considérait à l’époque que les antiracistes étaient engagés dans une

lutte pour l’unification culturelle et politique du monde en s’appuyant sur les droits de l’Homme.

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Les demandeurs

La Société pour les peuples menacés (SPM)

La Société pour les peuples menacés (SPM) est une organisation internationale de lutte pour le

respect des droits de l’Homme, qui s’engage dans le monde entier pour défendre les minorités

menacées et les peuples autochtones. Sa section suisse – qui dépose sa plainte avec l’association

TRIAL (cf. ci-dessous) – défend la cause des victimes de la guerre de Bosnie depuis de longues

années déjà, et en particulier des victimes de génocide, de crimes de guerre, d’expulsion de leur pays

et de viols. Pour mener à bien son travail, la SPM reçoit le soutien de la section bosniaque de la SPM,

qui est représentée à Sarajevo et à Srebrenica. Cette section bosniaque s’attache à rassembler de la

documentation sur les crimes de guerre et le génocide, à informer les médias nationaux et

internationaux sur le non-respect des droits de l’Homme en Bosnie-Herzégovine et à organiser

séminaires, conférences et actions en faveur des victimes de la guerre. Elle s’engage par ailleurs pour

qu’un travail d’analyse des crimes de guerre soit effectué et pour que justice soit rendue aux victimes

de la guerre. Elle entretient des liens étroits avec des associations de victimes – p. ex. avec les Mères

de Srebrenica –, ainsi qu’avec des associations de personnes expulsées de leur pays. En outre, la

SPM travaille à ce que tous les groupes ethniques et communautés religieuses de Bosnie-

Herzégovine puissent cohabiter dans une société multiculturelle ; aussi mène-t-elle entre autres des

projets de réconciliation entre les femmes serbes et musulmanes de Srebrenica. Notons enfin que la

SPM collabore régulièrement, et ce depuis de longues années, avec le Tribunal pénal international

pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ; elle y accompagne des témoins et lui a fourni des informations sur les

tenants et les aboutissants de la situation.

TRIAL (Track Impunity Always – Association suisse contre l’impunité)

TRIAL lutte contre l’impunité dont jouissent les responsables, les complices ou les instigateurs de

génocides, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de tortures et de disparitions forcées.

TRIAL apporte une aide juridique aux victimes de tels crimes souhaitant obtenir justice et réparation.

En Bosnie-Herzégovine, l’organisation est présente depuis 2007. Elle y défend de nombreuses

familles de victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires, indépendamment de leur

nationalité. TRIAL a notamment saisi la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité des

droits de l’homme des Nations Unies de nombreuses requêtes depuis 2008, et s’apprête à introduire

de nouvelles actions devant ces organes dans les semaines à venir. L’organisation soutient les

victimes qui se plaignent que les efforts faits pour retrouver les corps de leurs proches, parfois 18 ans

après les faits, sont insuffisants et que les poursuites de criminels de guerre n’ont pas eu lieu. TRIAL

débutera par ailleurs cette année un programme visant à offrir une aide juridique aux victimes de

violences sexuelles commises durant le conflit.

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La norme pénale contre le racisme

Définition des notions de génocide et de crime contre l’humanité

Une première

C’est la toute première fois que la justice suisse devra se prononcer sur la négation d’un

génocide et de crimes contre l’humanité perpétrés au cours de la guerre de Bosnie.

La norme pénale antiraciste :

Code pénal suisse CP, art. 261bis

, al. 4 :

En Suisse, « celui qui, publiquement, […] niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un

génocide ou d’autres crimes contre l’humanité », se rendra coupable d’une peine pénale.

Cette disposition fait partie de la norme pénale antiraciste introduite en 1995. Depuis lors, les tribunaux

suisses ont émis des jugements uniquement pour négation de l’holocauste et du génocide contre les

Arméniens, condamnant respectivement MM. Jürgen Graf et Bernhard Schaub ainsi que des

nationalistes turcs tels Dogu Perinçek et Ali Mercan.

Définition d’un génocide :

Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, art. 6

Selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, on entend par crime de

génocide tous les « actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,

ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Parmi les actes entrant dans cette catégorie, le statut cite

notamment les « meurtre de membres du groupe, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de

membres du groupe et soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant

entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

Définition d’un crime contre l’humanité :

Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, art. 7

Selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, le crime contre l’humanité

comprend « des actes […] commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée

contre toute population civile et en connaissance de cette attaque ». Concrètement, ces actes

comprennent notamment le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou le

transfert forcé de population, la torture, les délits sexuels et le crime d’apartheid, commis dans le cadre

d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile.

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Contribution de Mme Ruth-Gaby Vermot, présidente de la SPM Suisse,

ancienne Conseillère nationale et européenne

Droit et justice : plainte pour déni du génocide de Srebrenica et d’autres crimes

contre l’humanité

Aujourd’hui, la Société pour les peuples menacés (SPM) et TRIAL (Track Impunity Always) –

association suisse contre l’impunité, ont déposé plainte auprès de l’Office du juge d’instruction

cantonal du canton de Vaud contre des auteurs niant publiquement le génocide de Srebrenica et

d’autres crimes contre l’humanité, perpétrés durant la Guerre de Bosnie entre 1992 et 1995.

Bon nombre de personnes en Bosnie-Herzégovine attendent depuis des années que justice soit faite.

C’est la première fois aujourd’hui que la justice suisse doit se pencher sur le génocide de Srebrenica.

Jusqu’à ce jour, elle n’avait été amenée à se prononcer que sur le déni de génocide contre les Juifs

d’Europe et contre les Arméniens. (Vous vous souvenez certainement de la plainte contre Dogu

Perinçek).

La plainte déposée aujourd’hui a son histoire : il y a deux ans, La Nation, l’organe de la Ligue

vaudoise, publiait une série de quatre articles intitulée « Le lynchage médiatique des Serbes ». La

proclamation de l’indépendance du Kosovo, le 17 février 2008, a été l’événement déclencheur de cette

série. Dans le premier texte, les auteurs, tous deux membres actifs de la Ligue vaudoise, se penchent

sur la Guerre de Bosnie. Ils nient notamment le génocide de Srebrenica et le qualifie de « pseudo-

massacre ». Ils nient également les atrocités commises dans les camps de concentration et n’hésitent

pas à douter des viols collectifs commis par des Serbes bosniaques. La motivation des auteurs coule

de source : ils veulent décharger les responsables et les présenter comme des victimes de

campagnes médiatiques.

Le déni du génocide et des crimes contre l’humanité en Bosnie est en contradiction flagrante avec les

preuves collectées par les tribunaux nationaux et internationaux. Le parlement serbe lui-même a

qualifié il y a peu les crimes commis à Srebrenica de « tragédie », sans toutefois employer le terme de

« génocide ». Cette déclaration, bien qu’encore peu courageuse, s’inscrit dans une étape de

reconnaissance nécessaire et indispensable.

Les deux auteurs, qui nient le génocide et les crimes contre l’humanité commis en Bosnie-

Herzégovine dans leur article paru dans La Nation au mois d’avril 2008 et toujours consultable en

ligne, soutiennent ainsi, et pour l’heure en toute impunité, les forces à la tête du système refusant

d’endosser leurs responsabilités. La plainte déposée aujourd’hui manifeste donc un mécontentement

face à l’impunité des responsables, des complices et des instigateurs de génocides, de crimes de

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guerre, de crimes contre l’humanité, de tortures et de disparitions forcées. Elle prône clairement une

application systématique des droits de l’Homme ainsi que leur défense et leur respect, de tout temps

et en tout lieu.

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Contribution de Monsieur Philip Grant, président de TRIAL

Il n’est pas possible de cracher ainsi à la face des victimes

Le 2 mars 2010, Radovan Karadzic, l’ancien Président des Serbes de Bosnie, présentait la stratégie

qui allait être la sienne durant son procès devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

(TPIY): en un mot, nier. Nier non pas sa propre participation, sa propre responsabilité, mais nier que

les horreurs commises en Bosnie-Herzégovine ont bien eu lieu. A propos de Srebrenica, l’accusé

déclarait qu’il s’agissait d’un mythe. Des morts, il y en aurait certes eu; mais des morts de cause

naturelle, ou des morts au combat. Mais pas de massacre, et certainement pas un génocide! Pour sa

part, la ville de Sarajevo n’aurait pas été assiégée, et les massacres qui s’y sont déroulés, par

exemple sur le marché de Markale, auraient été l’oeuvre des Bosniaques eux-mêmes, prêts à tuer les

leurs pour entrainer une réaction de la communauté internationale.

Ces propos ne résisteront pas à l’examen d’un procès minutieux. Les faits ont déjà très largement été

établis, après 15 ans d’enquêtes et de procès.

La négation des horreurs commises à Srebrenica, lors du siège de Sarajevo et dans tant d’autres

endroits en Bosnie-Herzégovine entre 1992 à 1995, est un discours qu’une importante couche de la

population dans les Balkans peut entendre et écouter, peut reprendre et partager. Malgré les

enquêtes, malgré les condamnations, malgré les preuves, le négationnisme continue à fleurir.

De manière plus étonnante, le discours négationniste est parfois également tenu ici, en Suisse. Dans

certaines publications, ou sur internet, les mêmes thèses que celles proférées par Radovan Karadzic

sont énoncées, défendues, mises en valeur. Les horreurs commises, le génocide à Srebrenica, les

bombardements sur Sarajevo, les camps de concentration, les viols de masse sont décrits comme de

la propagande, des mensonges, une vaste mise en scène pour justifier une politique anti-serbe de la

part de l’Occident.

Le journal La Nation, l’organe de la Ligue vaudoise, a ainsi publié une série d’articles intitulée «Le

lynchage médiatique des serbes», dont l’un, toujours accessible sur internet, est consacré à la Bosnie.

Les deux auteurs de cet article, dans la droite lignée des thèses du Dr. Karadzic, y nient au moyen de

références tronquées ou de sources truquées:

- la réalité du génocide perpétré à Srebrenica

- la réalité du camp de concentration de Trnopolje

- la réalité des viols massivement commis

- la réalité des bombardements du marché de Sarajevo.

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Chacun de ces événements a pourtant fait l’objet d’enquêtes, de procès, de condamnations, tant

devant le TPIY, que devant les tribunaux serbes et bosniaques. Pas plus tard que le 31 mars dernier,

le Parlement serbe a lui-même, enfin, «condamné le plus sévèrement qui soit le crime commis contre

la population bosniaque à Srebrenica en juillet 1995»14

, tout en présentant ses excuses aux familles

des victimes.

Au plan moral, l’article de La Nation est une insulte aux morts, aux personnes disparues, aux détenus

des camps, aux femmes violées. Les auteurs de l’article, dans leur volonté de réhabiliter «les Serbes»,

crachent ainsi à la face des victimes. Au plan pénal, tenir de tels propos en Suisse constitue une

infraction, réprimée par l’article 261bis du Code pénal.

Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu’il était pénalement condamnable de nier la réalité de la Shoah ou du

génocide arménien. TRIAL et la Société pour les peuples menacés, qui tous deux travaillent en

Bosnie-Herzégovine avec et en soutien aux victimes de la guerre, estiment important que la justice

sanctionne également les assassins de la mémoire qui sévissent en Suisse et qui contribuent à rendre

la réconciliation dans les Balkans plus difficile encore.

14

La résolution fait expressément référence à l’arrêt de la Cour internationale de justice (du 26 février 2007), lequel qualifie de génocide le massacre de quelque 8’000 civils commis à et autour de Srebrenica en juillet 1995.

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Contribution de Madame Fadila Memisevic, directrice de la section Bosnie-

Herzégovine de la SPM

Nier un génocide, c’est tuer les victimes une seconde fois

L’Europe s’est tue lorsque des troupes yougoslaves et des brigades des milices serbes en Bosnie ont

perpétré leur génocide en Bosnie. Or, l’épuration ethnique n’était non pas la conséquence de la

guerre, mais bien son but premier. Les documents qui attestent des crimes commis à Srebrenica en

juillet 1995 sont légion.

Mais si l’on considère ce crime du point de vue des victimes, le tout paraît encore bien plus

monstrueux. Le témoignage d’une femme musulmane de Srebrenica suffit à prendre conscience des

douleurs inouïes subies par les personnes ayant assisté à ce génocide. Cette femme décrit ainsi

comment les femmes et les hommes musulmans ont été séparés : « Les milices serbes ont

immédiatement acculé les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Ils ont chargé les femmes dans

des camions et des bus ; de nombreuses mères se battaient pour garder leurs enfants auprès d’elles,

mes ceux-ci leur étaient arrachés des bras et tués sur le champ. À moi, ils m’ont pris trois fils et mon

mari. Depuis, je ne parviens pas à sortir de ma léthargie… »

Aujourd’hui encore, le seul sens que de nombreuses mères parviennent à donner à leur vie est de

déterrer les fosses communes. À la recherche des os de leurs fils, maris, frères ou autres proches

assassinés, elles ne vivent que pour le jour où, une fois leurs hommes déterrés et identifiés, elles

pourront enfin les enterrer dignement. Cela fait quinze longues années que ces mères, ces épouses,

ces sœurs cherchent désespérément la vérité sur le sort de leurs proches. Très rares sont celles qui

retrouvent des squelettes entiers ; la majorité doivent se contenter d’enterrer quelques os.

Les unités serbes tuaient leurs victimes dans divers endroits, par exemple à Pilice près de Zvornik, où

quelque 1 500 personnes ont trouvé la mort. C’est également ce qu’a rapporté l’accusé Dražen

Erdemović devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Après s’être acquittés de leur

besogne, à savoir liquider des musulmans à la chaîne, les unités serbes jetaient les cadavres dans

des fosses communes, puis les déterraient pour enfin les enfouir dans d’autres fosses communes, afin

d’effacer les traces de leurs crimes atroces.

Après les travaux d’exhumation et d’identification, seules 3 827 victimes sont aujourd’hui enterrées

dans le mémorial de Potocari, alors que l’on estime à 8 000 le nombre d’hommes et de jeunes garçons

exécutés à Srebrenica… Un chiffre que la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye a confirmé

dans sa décision du 26 février 2007. N’oublions pas non plus que la Cour a reconnu les troupes de

l’armée et la police de la Republika Srpska coupables de génocide à Srebrenica. Par là même, elle

rendait également la Serbie responsable de ne pas avoir empêché ce génocide.

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Dans l’arrêt du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie contre le Général Radislav Krstić, on

peut notamment lire : « Parmi les crimes graves que ce tribunal a le devoir de punir, celui de génocide

se singularise par la réprobation particulière et l’opprobre qu’il suscite. Le génocide est un crime

horrible de par son ampleur ; ses auteurs vouent à l’extinction des groupes entiers d’hommes et de

femmes. Ceux qui conçoivent et commettent le génocide cherchent à priver l’humanité des

innombrables richesses qu’offrent ses nationalités, races, ethnies et religions. Il s’agit d’un crime

contre le genre humain dans son intégralité, qui touche non seulement le groupe dont on cherche la

destruction, mais aussi l’humanité tout entière. »15

Le 15 janvier 2009, le Parlement européen a adopté une résolution qui engage les membres de

l’Union européenne ainsi que les États des Balkans occidentaux à reconnaître le crime de génocide

commis à Srebrenica au moyen de décisions parlementaires.

Pour les victimes ayant survécu au massacre, reconnaitre l’existence du génocide permet d’alléger

leurs souffrances et douleurs. Or, aujourd’hui, sur le territoire de la République serbe de Bosnie ainsi

qu’en Serbie, ce génocide – tout comme de nombreux autres crimes de la guerre de Bosnie – ne sont

aucunement reconnus, bien au contraire même, ils sont niés, minimisés et rendus tabous. Or, nier ce

crime, que ce soit en Suisse, en Serbie ou en Bosnie, c’est non seulement tuer les victimes une

seconde fois, mais c’est également détruire tout espoir de réconciliation, réconciliation sans laquelle la

région ne pourra jamais voir éclore une paix durable.

15

http://www.icty.org/x/cases/krstic/acjug/fr/krs-aj040419f.pdf, point 36.

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Contribution de M. Srdjan Dizdarevic, fondateur et ancien président du Comite

d'Helsinki pour les droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine

Les crimes de guerre sont des actes individuels, non collectifs

La fin des conflits tragiques en ex-Yougoslavie fin des années 90 ont vu se dessiner deux grandes

tendances : une qui avait pour but de soigner les plaies causées par la guerre en se fiant à la justice et

au travail des tribunaux et en essayant de contribuer au processus de normalisation par le biais de

différentes initiatives ayant comme objet la vérité et la réconciliation ; l’autre est ancrée de fait dans ce

que furent les générateurs de la guerre et que l’on retrouve dans le nationalisme extrémiste qui ne voit

de coupable que dans les autres ethnies, la leur étant toujours innocente et victime.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) et les tribunaux locaux

s’occupent essentiellement des crimes les plus graves : crimes de génocide, crimes de guerre et

crimes contre l’humanité. Tous les tribunaux sans exception traitent ces crimes comme des actes

individuels. En tout et pour tout, le TPIY et l’ensemble des tribunaux en Bosnie-Herzégovine ont

condamné 445 personnes pour les crimes commis dans ce pays. La structure ethnique des

condamnés correspond proportionnellement à la structure de la population.

Il ne peut donc pas être question d’un parti pris des tribunaux contre l’une des ethnies ni d’une

responsabilité collective pour les crimes perpétrés. Si, par exemple, les tribunaux en République serbe

de Bosnie ont eu 54 inculpations contre des Serbes et 8 contre des Bosniaques, comment peut-on

parler du caractère antiserbe des tribunaux et des procès ? En Fédération de Bosnie-et-Herzégovine,

où les Bosniaques sont majoritaires, il y eu 59 chefs d’inculpation contre des Bosniaques et 53 contre

des Serbes, ce qui illustre que les thèses émises par les révisionnistes sont dénuées de tout

fondement.

Nous avons pu lire dans le journal La Nation, ici en Suisse, que les crimes commis à Srebrenica sont

exagérés. Faut-il rappeler aux auteurs que c’est une commission formée par le gouvernement de la

République serbe qui a fait état de 7 800 hommes et garçons bosniaques tués par l’armée de la

République serbe ? Faut-il aussi redire que la Cour international de justice de La Haye a constaté qu’il

s’est agit de crime de génocide à Srebrenica en condamnant la République de Serbie pour « non

assistance à personne en danger » ?

L’article publié dans quatre numéros de La Nation comporte bien d’autres thèses révisionnistes : on

remet en question la culpabilité de l’armée de la République serbe pour le massacre du marché de

Markale alors que sa responsabilité a été notamment prouvée lors du procès des généraux Galic et

Milosevic au TPIY ; même le caractère de la guerre en Bosnie est délibérément falsifié. Les auteurs

parlent de « guerre civile » alors qu’il a été à maintes reprises prouvé que les troupes de la JNA,

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(l’armée de l’ex-Yougoslavie) ainsi que les troupes de Croatie on été fortement impliquées dans la

guerre en Bosnie-Herzégovine.

Consciente du danger de voir les négationnistes prendre l’initiative, la société civile dans les pays d’ex-

Yougoslavie a depuis longtemps entrepris des efforts afin d’aider le processus de normalisation des

rapports dans la région en contribuant à ce que la vérité soit faite sur tout ce qui s’est passé dans la

région, comme premier pas vers la réconciliation ou, si l’on préfère, la normalisation des rapports entre

pays, entre groupes ethniques et surtout entre individus. Malheureusement, les autorités politiques

n’ont pas soutenu ces initiatives. Mais les organisations non gouvernementales ont quand même

réussi d’une part à établir une liste des victimes, contribuant ainsi à ce que puisse être écrite une

histoire objective des événements du début des années 90 ; d’autre part, une grande activité des ONG

de la région a pour but de collecter un million de signatures qui devraient convaincre les parlements

des pays de l’ex-Yougoslavie à mettre en place une Commission régionale pour aider les processus

qui dépassent le rôle des tribunaux mais qui sont très importants pour l’avenir de la région.

Le travail des tribunaux, c’est-à-dire le travail de la justice, avec le travail complémentaire de la société

civile réduira, j’en suis convaincu, l’espace pour le révisionnisme et le négationnisme qui se font,

malheureusement, encore entendre.

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Texte original paru dans La Nation du 11 avril 2008 :

Le lynchage médiatique des Serbes - I. La guerre de Bosnie

Nicolas de Araujo, Denis Ramelet

La Nation n° 1834 - 11 avril 2008

La province serbe du Kosovo a proclamé son indépendance le 17 février. Malgré le fait

que cette sécession viole le droit international, une quarantaine de pays, dont la Suisse,

ont rapidement reconnu le nouvel «Etat». Comment cela est-il possible? Cela est possible

parce que, depuis bientôt vingt ans, les médias occidentaux font passer les Serbes pour

des Nazis. C’est donc en toute bonne conscience que les puissances occidentales ont pu,

en 1999, bombarder la Serbie pendant deux mois et demi, et que des Etats se prétendant

respectueux du droit ont pu, en 2008, cautionner l’amputation d’une partie du territoire

de cette même Serbie.

Ces graves événements nous semblent mériter une série d’articles. Outre le souci de la

vérité, qui nous pousse à prendre la défense d’un peuple injustement calomnié, les

malheurs de la Serbie illustrent quelles peuvent être les ultimes conséquences d’un

lynchage médiatique, tel celui dont la Suisse a été victime dans l’affaire des fonds en

déshérence. Qu’est-ce qui s’est réellement passé dans les Balkans depuis la chute du

communisme? Comment les Serbes ont-ils été salis aux yeux du monde entier? Et,

surtout, pourquoi? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles cette série

d’articles va tenter de répondre, références à l’appui.

* * *

L’idée que les Serbes soient les nouveaux Nazis paraît d’emblée suspecte à quiconque

connaît l’histoire des Balkans – ce qui, hélas, est rarement le cas du public occidental.

Comme nous allons le montrer, aucune des graves accusations portées contre les Serbes

(épuration ethnique, massacres, camps etc.) ne résiste à un examen des faits. Avant de

voir ce qui s’est réellement passé dans les Balkans depuis la chute du communisme, il

convient de faire un survol de l’histoire de la Yougoslavie. Ce sera aussi l’occasion de voir

si les Serbes ont des antécédents racistes.

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La Yougoslavie (1918-1990)

En 1878, la Serbie se libère du joug turc. En 1912-1913, elle libère ses derniers

territoires, dont le Kosovo. En 1918, les Slovènes, les Croates et les Serbes de Bosnie,

jusqu’alors sous domination austro- hongroise, créent un nouvel Etat qui adresse à la

Serbie une demande d’union. La dynastie serbe des Karageorgévitch accepte cette

demande et prend la tête du nouveau Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. En

1929, le roi Alexandre Ier donne au pays le nom de Yougoslavie («pays des Slaves du

Sud») et entreprend de créer une identité commune qui transcende les identités

particulières. Mais l’application autoritaire de cette politique d’inspiration jacobine cabre

les non- Serbes.

En 1941, l’Allemagne envahit la Yougoslavie et la démembre (le Kosovo est livré à

l’Albanie, la Slovénie à l’Italie etc.). Des gouvernements collaborateurs sont installés en

Croatie, à laquelle est annexée la Bosnie, ainsi qu’en Serbie. Les Tchetniks du général

serbe Mihailovic se soulèvent contre l’occupant à peine un mois après la défaite, alors que

les partisans communistes sont encore liés par le pacte germano-soviétique. En outre, les

Serbes sauvent nombre de Juifs, souvent au prix de leur vie, comme en témoigne une

lettre d’un médecin juif belgradois en 1942 (1). En Croatie à l’inverse, les Allemands sont

accueillis en libérateurs et le régime des Oustachis qu’ils installent massacre plus d’un

demi million de Serbes (2), des dizaines de milliers de Juifs, Tziganes et opposants

croates. La division SS Handzar («cimeterre»), composée de musulmans bosniaques,

collabore à ces tueries. A la conférence de Téhéran, Staline pousse Churchill et Roosevelt

à lâcher le royaliste serbe Mihailovic au profit du communiste croate Tito (dont les

troupes sont elles aussi composées en majorité de Serbes).

Dans la Yougoslavie reconstituée de 1946, Tito essaie à son tour de créer une identité

collective, par le communisme. Tito exalte la «fraternité et l’unité». Au nom de ce

principe, les Serbes passent sous silence le génocide qu’ils viennent de subir. La

fédération yougoslave se fonde sur l’égalité entre les peuples. Marxiste, Tito veut une

égalité non seulement de droit, mais de fait. Or les Serbes étant de fait le peuple le plus

nombreux et celui qui dispose de la plus solide tradition étatique, Tito décide de les

affaiblir en fractionnant la Serbie en trois (1974). Elle devient la seule république

yougoslave à avoir deux provinces autonomes (la Voïvodine et le Kosovo-Métochie), bien

que d’autres républiques comptent aussi d’importantes minorités: on aboutit ainsi à une

nouvelle inégalité.

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En 1990, les premières élections libres voient la victoire des indépendantistes en Croatie

et en Slovénie. En mars 1991, les parlements slovène et croate proclament

l’indépendance de ces républiques, immédiatement reconnues par le Vatican et

l’Allemagne. La Croatie adopte l’emblème oustachi, suscitant ainsi les craintes – justifiées

– des Serbes de la région croate de Krajina.

La guerre de Bosnie (1992-1995)

Aux élections bosniaques de 1990, le musulman pro-yougoslave Fikret Abdic remporte le

plus de voix mais, sous la pression de son parti, il cède la présidence à Alija Izetbegovic

(The Economist, 26.06.1993, p. 54). En mars 1992, Izetbegovic organise un référendum

sur l’indépendance de la Bosnie. Les Serbes de Bosnie boycottent le scrutin qu’ils

qualifient d’illégal. Voulant rester en Yougoslavie, ils se constituent alors en république

autonome. La guerre éclate.

La guerre de Bosnie oppose les communautés bosniaques – musulmane, serbe et croate.

Mais seuls les Serbes sont accusés d’avoir commis des atrocités. Ces accusations ne

résistent pas à l’examen.

Le faux camp de concentration

En juillet 1992 paraissent des images d’un «camp de concentration serbe». On y voit,

derrière des fils barbelés, un groupe de musulmans dont l’un, au premier plan, est très

maigre. Tout cela rappelle les camps nazis. Les images, prises par la chaîne de télévision

britannique ITN au camp de Trnopolje en Bosnie, soulèvent les opinions occidentales

contre les Serbes.

En 1997, le magazine britannique Living Marxism publie un article intitulé «L’image qui a

dupé le monde», expliquant que Trnopolje est en réalité un camp de réfugiés, où ceux-ci

peuvent librement entrer et sortir. L’article démontre que les barbelés encerclent non pas

les musulmans mais les journalistes d’ITN: ceux-ci ont filmé les réfugiés depuis un enclos

grillagé contigu au camp, afin de donner l’impression d’un camp de concentration

(dépêche de l’Agence France-Presse (AFP) du 14.03.2000) (3).

A y regarder de plus près, seul l’homme au premier plan est maigre: tous les autres sont

bien portants. Comble de l’absurde, on apprend que les journalistes ont pu visiter

Trnopolje grâce à une invitation du président de la «République serbe de Bosnie», M.

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Radovan Karadzic (AFP, 9.08.1992). En l’occurrence, Karadzic n’a manifestement rien à

cacher.

Peu avant sa mort, en 2003, Alija Izetbegovic avouera à Bernard Kouchner qu’il a menti

au sujet des camps, pour «précipiter les bombardements» occidentaux contre les Serbes!

(4)

Les prétendus viols de masse

A l’automne 1992, les médias rapportent que les Serbes de Bosnie violent en masse les

femmes musulmanes. On parle de 10’000 à 60’000 viols.

Jacques Merlino, alors rédacteur en chef adjoint de France 2, n’y croit pas: comment des

dizaines de milliers de viols ont-ils pu passer inaperçus aux yeux des neuf journalistes

ayant travaillé pour lui sur place? Merlino montre que ces chiffres résultent

d’extrapolations fantaisistes à partir d’une cinquantaine de témoignages directs (5).

Le marché de Sarajevo

Le 5 février 1994, une explosion au marché de Sarajevo fait 68 morts et 200 blessés. Les

photos du carnage font le tour du monde. On accuse immédiatement les Serbes de

Bosnie d’avoir tiré au mortier sur le marché. En représailles, l’OTAN bombarde les

positions serbes autour de Sarajevo.

Cependant, une enquête de l’ONU conclut que la bombe a été soit tirée depuis le camp

musulman, soit posée sur place (6). Le général français Morillon, commandant de la

FORPRONU en Bosnie-Herzégovine, a confirmé au procès Milosevic à La Haye que les

musulmans n’hésitaient pas à attaquer leur propre population afin de provoquer une

intervention de la communauté internationale en leur faveur (7).

Le pseudo-massacre de Srebrenica

Srebrenica est décrétée «zone de sécurité» par l’ONU en 1993: des casques bleus

néerlandais y entourent 44’000 musulmans. Les Serbes de Bosnie s’emparent de

l’enclave le 11 juillet 1995. Selon l’AFP (13.07.1995), dès la prise de la ville de

Srebrenica, le général Ratko Mladic ordonna l’évacuation des civils, femmes, enfants et

vieillards, tandis qu’il faisait prisonniers tous les hommes en âge de combattre.

Par la suite, les musulmans accusent les Serbes d’avoir exécuté 8’000 de leurs hommes.

D’où vient ce chiffre? Un responsable musulman dit au moment des faits: Sur 15’000

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hommes en âge de combattre qui ont fui le 11 juillet Srebrenica par la montagne pour

gagner les territoires sous contrôle de l’armée [musulmane] en traversant les lignes

serbes, environ 6’000 seulement étaient à l’appel à Tuzla dix jours plus tard, selon M.

Hasanbegovic (AFP, 20.07.1995). Les fameux 8’000 musulmans prétendument tués à

Srebrenica, c’est donc le nombre d’hommes qui manquent à l’appel dix jours plus tard!

De fait, de nombreux prisonniers réapparaîtront bien vivants par la suite.

Le journaliste d’investigation Jürgen Elsässer, en recoupant les témoignages, conclut que

2’000 musulmans environ sont effectivement morts à Srebrenica (8). Ont-ils été

froidement exécutés? Plusieurs sources parlent au contraire de combats féroces, ce qui

est logique quand des milliers d'hommes en âge de combattre (selon M. Hasanbegovic)

tentent une percée. La plupart des 2’000 musulmans sont tout simplement morts au

combat (9).

Pour les casques bleus hollandais présents sur place, les Serbes sont «les gentils».

Elsässer cite certains de leurs témoignages: «Beaucoup de ce qu’on dit sur les Serbes, ce

sont des bêtises (…). J’étais avec les réfugiés pendant trois jours, et les Serbes les ont

bien traités». Ou encore: «Les musulmans provoquaient le feu serbe. Ils tiraient au-

dessus de nos têtes en espérant que les Serbes toucheraient un des nôtres – de sorte

que, pour le public, la bête noire serait encore les Serbes». Le commandement

néerlandais, prenant le contrepied de son gouvernement, conteste qu’il y ait eu un

génocide à Srebrenica (10).

Enfin, le général serbe Mladic permet au CICR de visiter les détenus de la zone de

Srebrenica (AFP, 14.08.1995), attitude inconciliable avec une politique d’épuration

ethnique.

Les premières victimes sont les Serbes

Des crimes ont bel et bien été commis au cours des affrontements qui ont jalonné la

dislocation de la Yougoslavie, dont les Serbes furent les premières victimes. L’épuration

ethnique la plus manifeste a lieu en 1995, lorsque l’armée croate chasse de Krajina

150’000 Serbes (AFP, 21.10.1995).

Témoignant à La Haye, le général Morillon dit que le commandant des troupes

musulmanes Naser Oric s’est illustré par d’innombrables raids contre des civils: Naser

Oric s’était livré à des attaques la nuit sainte pour les Serbes du Noël orthodoxe, et avait

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détruit des villages en massacrant tous les habitants (p. 31966). Selon Morillon, Oric s’est

adonné à des pratiques atroces comme la décapitation (p. 32032).

Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais ce n’est pas l’objet de cet article. En Bosnie,

les Serbes ne se sont pas comporté comme des Nazis. Voilà ce que nous voulions

montrer, avant d’aborder le problème du Kosovo.

NOTES:

1) Citée dans: Ruth Mitchell, Serbs choose war, Garden City Publisher, New York, 1943,

p. 260-264.

2) Menachem Shelah, article «Croatia», in Encyclopedia of Holocaust, Macmillan

Publishing Company, New York, 1990, vol. 1, p. 323.

3) Living Marxism a été condamné pour diffamation en 2000, non pas pour sa version des

faits, qui a été confirmée, mais pour avoir affirmé qu’ITN avait sciemment dupé le public

(cf. l’article en p. 18 du Scotsman du 24.03.2000)

4) Bernard Kouchner, Les guerriers de la paix, Grasset, Paris, 2004, pp. 384-387.

5) Jacques Merlino, Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire, Paris, Albin

Michel, 1993, p. 57-71.

6) Srebrenica Report: Report of the Secretary- General Pursuant to General Assembly

Resolution 53/35 (1998), New York, United Nations, 1999, § 119.

7) Comptes-rendus d’audiences sur http://www.un.org/icty. Session du 12.02.2004, p.

32041.

8) Jürgen Elsässer, La RFA dans la guerre au Kosovo, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 31.

9) Ibid., p. 30-31. M. Karadzic a reconnu que des actes de vengance individuels ont été

commis par des soldats serbes (ibid., p. 33-34).

10) Ibid., p. 23-24.