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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Deux poèmes latins inédits de J. - A. Kugener Author(s): Marcel Renard Source: Latomus, T. 5, Fasc. 1/2 (JANVIER-JUIN 1946), pp. 155-166 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41516526 . Accessed: 14/06/2014 15:56 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.141 on Sat, 14 Jun 2014 15:56:06 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Deux poèmes latins inédits de J. - A. Kugener

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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

Deux poèmes latins inédits de J. - A. KugenerAuthor(s): Marcel RenardSource: Latomus, T. 5, Fasc. 1/2 (JANVIER-JUIN 1946), pp. 155-166Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41516526 .

Accessed: 14/06/2014 15:56

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Deux poèmes latins inédits

de J. - A. Kugener

Quelques jours avant sa fin, le maître vénéré dont ce volume célèbre la mémoire, se plaisait encore à évoquer devant un de ses anciens élèves de lointains souvenirs. Comme si déjà l'heure proche de la mort pesait sur lui, la pensée du vieux savant se re- portait - une dernière fois - vers ses disparus, vers ses parents, vers son père, l'excellent humaniste Jean Kugener. Peut-être parlait-il d'eux pour lui-même plus encore que pour son auditeur.

Il rappelait la jeunesse et les études de celui qui lui avait donné dès l'enfance le goût de la culture classique ; ce n'était pas sans une pointe de fierté qu'il citait les vers latins composés par Jean Ku- gener au temps où celui-ci était, à Liège, l'élève de l'École Normale des Humanités.

Il m'a donc semblé que je ne pouvais mieux rendre témoignage à Marc-Antoine Kugener - au savant et à l'homme dévoué auquel tant de nous doivent quelque chose - qu'en publiant deux de ces

poèmes latins écrits par son père, puisqu' aussi bien mon ancien maître avait pour eux un attachement tout filial. Je les ai retrou- vés dans le Livre d'honneur de l'École des Humanités, conservé à la bibliothèque de l'Université de Liège.

♦ ♦ *

Il n'est pas inutile que je rappelle d'abord en quelques mots la carrière de Jean Kugener (x).

Né à Mersch, dans le Grand-Duché de Luxembourg, il était le fils d'un fonctionnaire des douanes. Après avoir fréquenté l'école

primaire d'Eischen, il fut, de 1857 à 1863, élève de l'athénée d'Arlon, où il fit de brillantes études, surtout à partir du moment où, en

poésie et en rhétorique, sa personnalité se développa complètement.

(1) Cf. A. Bertrang, Histoire de l'athénée royal d'Arlon , 1837-1929 (Arlon, 1929), pp. 218-220.

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156 M. RENARD

Au concours général de 1863, il remporta le prix d'honneur en composition latine. La même année, il se présenta à l'examen d'entrée de l'École Normale des Humanités et se classa parmi les

quatre candidats qu'on y acceptait. C'était, pour le jeune étudiant, les études assurées et la quasi certitude d'obtenir plus tard un poste dans un des établissements secondaires de l'État.

A l'école des humanités, Jean Kugener eut des maîtres éminents comme J. Delbœuf, qui eut sur lui une influence considérable et qui le considéra toujours comme l'un de ses normaliens les plus brillants.

Agrégé de l'enseignement moyen du degré supérieur en 1867, J.-A. Kugener fut aussitôt nommé professeur de troisième latine à l'athénée d'Arlon. Un arrêté royal du 17 janvier 1869 lui conféra la naturalisation et à ce propos le sixième rapport triennal sur l'état de l'enseignement moyen en Belgique releva les mérites du brillant professeur. En 1873, l'année même où naquit son fils Marc-Antoine, il se voyait promu à la chaire de rhétorique : il allait l'illustrer pendant près de vingt ans.

Intelligent, érudit, brillant, doué d'une extraordinaire facilité d'assimilation et d'une très forte personnalité qui allait jusqu'au mépris de certaines conventions, il marquait d'une empreinte profonde tous ses élèves parmi lesquels les plus remarquables fu- rent, dans le domaine de la philologie, son propre fils et J.-P. Walt- zing, l'excellent latiniste de l'Université de Liège.

Malgré les charges de son enseignement, J.-A. Kugener, qui fai- sait partie de la « Société pour le progrès des études philologiques et historiques », poursuivait une activité scientifique de qualité. Esprit curieux, soucieux de précision, il s'attacha surtout à des recherches linguistiques. Il apparaît comme l'un des précurseurs de l'étruscologie dans notre pays. S'il est vrai que son étude sur classis (г) ne présente plus qu'un intérêt historique, il n'en reste pas moins qu'une dérivation à partir de l'étrusque n'est peut-être pas à exclure pour ce mot. Ajoutons que J.-A. Kugener, à la suite de Cuno, considérait les Étrusques comme des Indo-européens et leur assignait des rapports particuliers de parenté avec les Latins et les Celtes (2). Les relations des langues sémitiques et des langues indo-européennes retenaient également son attention (3). Tout

(1) Revue de l'instruction publique en Belgique , t. 17 (1874), pp. 194-195. (2) Ibid., p. 320. (3) Ibid., pp. 320-321.

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DEUX POÈMES LATINS INÉDITS DE J.-A. KUGENER 157

aussitôt, il passait à certaines questions de linguistique française (*) pour revenir ensuite à la syntaxe grecque en étudiant la significa- tion de l'aoriste (2) et l'emploi ďeQéAco (3). Ses vastes connais- sances linguistiques lui permettaient aussi, à propos de la déno- mination des saisons par exemple, d'utiles comparaisons (4).

Ces publications ont vieilli. Mais on y observe - jusque dans le dernier mémoire que Jean Kugener devait consacrer à l'expli- cation linguistique des premiers vers de Y Odyssée (5) - une pré- occupation d'exactitude poussée jusqu'au scrupule, un désir quasi exacerbé d'épuiser le problème, un soin du détail qui constituent une haute leçon de conscience scientifique.

Après un long enseignement à l'athénée d'Arlon, J. Kugener avait obtenu en 1891 son changement pour Liège : son fils y entrait cette année-là à l'Université. Malheureusement il ne put suivre bien longtemps les débuts du jeune philologue, car la mort l'empor- ta l'année suivante. Malgré la brièveté de son séjour dans le nouvel établissement auquel il venait d'être attaché, sa forte per- sonnalité y avait à ce point rayonné en quelques mois qu'aujourd'hui encore M. Jean Haust par exemple, qui fut son collègue, ne parle pas sans une certaine émotion du « brave vieux Kugener, qui avait laissé un souvenir légendaire à l'École Normale des Humanités ».

A connaître un peu Jean Kugener, ceux qui ont fréquenté son fils et qui savent quel maître incomparable fut celui-ci, auront compris à quelle source il avait puisé ses qualités essentielles de professeur et de savant. Son goût pour les études classiques et pour les langues sémitiques, ses vastes connaissances, sa compré- hension vivante des textes antiques, son sens aigu du trait carac- téristique, sa curiosité et ses scrupules scientifiques, son souci d'information exacte et précise, le soin minutieux qu'il apportait à ses publications, tout cela, c'était en premier lieu à son père qu'il le devait. Causa fuit his pater ...

Il le savait bien et il lui en gardait un souvenir ému et recon- naissant puisqu'au seuil même de la mort il songeait encore aux vers latins que son père avait écrit au temps de l'École Normale.

* * *

(1) Ibid., t. 19 (1876), pp. 300-303. (2) Ibid., t. 20 (1877), pp. 110-115. (3) Ibid., t. 22 (1879), pp. 392-396. (4) Ibid., t. 20 (1877), pp. 159-161.

(5) Ibid., t. 34 (1891), pp. 84-93.

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158 M. RENARD

AD AT RAMENT ARIUM Te jam non habeo : potest

Dici quid doleamt Quum video forem Saxumque , interitus tui

Causas, ploro ; fleo , te vacuam videns Mensám , stans ubi tarn diu 5

Sugendum calamo ventriculum dabas. Annorum tot amoribus

Conjunctos Superum nos ita quis potest Distraxisse ! Tibi , soror

Iracunda Jouis , Troes oramusl An 10 Ex jure Herodotus pater

Divis invidias attribuit malas ? At vexare Polycratem,

Non me debuerant sternere pauperem . Pellebat tenebras dies , 15

Quum , confería gerens scrinia brachio Laevo teque, dolor meus

Et desiderium juge , тали tenens Dextra (pessimus haec deus

Non molitus eraťt Quomodo cladem ego 20 Vitassem ?) resero scholae

Postem . Tunc ( refugit mens meminisse ), tunc, O tunc impedicata te

Misit dextra : fragor detonuit, cruor Ater prosiluit ; tua 25

Calcabam per humum membra jacentia. Iam perterritus ac tremens

Cladem extra fero dum sacrilegum pedem , Infausto tua viscera

Saltu confido. Pergere vix genis 30 Manantes lacrimae sinunt.

Sparsas relliquias flens lego , justa quis Reddam. Insigne caput tuum ,

Heu' divulsum humeris , quaerito ; quaerito Nequicquam. Sed alit Ceres 35

Nobis eximia nare Ruettium (x) :

(1) Il ne semble pas que le dialecte ou le folklore liégeois puissent expliquer ce « Ruet ». Il s'agit probablement, me dit M. J. Haust, d'un nom de per- sonne appliqué au chat. Peut-être le nom du propriétaire de l'animal, un

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DEUX POÈMES LATINS INÉDITS DE J.-A. KUGENER 159

A SON ENCRIER

Je ne ťai plus : peut-on dire Ce que je souffre? Quand je vois la porte

Et le seuil, causes de ta mort, Je pleure ; je me lamente en voyant, privée de ta présence,

La table où tu te dressas si longtemps 5 Pour donner à ma plume le suc que contenait ton flanc.

Nous qu'unissaient tant ďannées D'affection, lequel des dieux peut ainsi

Nous avoir séparés I Est-ce toi, ô sœur Irascible de Jupiter, que nous, Troyens, nous prions? 10

Serait-ce à bon droit que le vénérable Hérodote Imputa aux dieux de funestes jalousies?

Pourtant ils n'auraient pas dû Maltraiter Polycrate ni terrasser le malheureux que je suis.

Le jour chassait les ténèbres : 15 Je portais ma serviette gonflée sous mon bras gauche

Et toi, ô ma douleur, О mon éternel regret, je te tenais dans la main droite.

(Un dieu hostile n'avait-il pas Machiné cela? Comment eussé-je évité 20

Le désastre?) J'ouvre la porte De l'école. Alors (mais mon esprit fuit ce souvenir),

Alors, ô alors, ma main embarrassée Te lâcha : un fracas retentit, ton sang noir

Jaillit ; je foulais 25 Tes membres gisant sur le sol.

Déjà, épouvanté, tout tremblant, J'écartais mon pied sacrilège du désastre,

Mais un bond malheureux Achève tes restes. A peine les larmes qui coulent sur mes

Me laissent-elles poursuivre. [joues 30 Tout en pleurs, je ramasse tes débris épars, pour leur rendre

Les derniers devoirs. Je cherche Ton chef insigne, arraché, hélas 1 de tes épaules ; je le cherche

En vain. - Mais Cérès entretient 35 Pour nous Ruet à l'odorat si fin :

membre du personnel ou un voisin de l'École Normale? Ou encore d'une personne objet de la causticité des étudiants, qui auraient ainsi appelé l'ani- mal par plaisanterie?

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160 M. RENARD

Il le invenit et (o nefas) Ausus soricis est inserere in cavum ;

Quod flebam' Sed ego statim Totum composui corpus , amice mi, 40

Scripsique haec tumuli super Nativum lapidem : Pars a ni ma e meae .

Nec desidero te minus : Sunt manes aliquid ; sed retiñere te,

Sed te cernere si nefas, 45 Ut sis Elysio, quid mihi proficiťí

Ces vers écrits en décembre 1865, alors que Jean Kugener était élève de troisième année, reçurent du directeur de l'École, X. Prinz, bon connaisseur d'Horace, l'appréciation flatteuse que voici : Hos versus, quibus scitius f actos aut lepidiores vix reperias , dignos censeo qui in honorario codice rescribantur. L'autorisation pour la trans- cription fut accordée par dépêche ministérielle du 3 février 1866...

De fait, le poème, pour mince qu'en soit le sujet, ne manque ni de finesse ni d'esprit. On y saisit sur le vif la subtile causticité et le caractère aimablement ironique de Jean Kugener.

La composition est ferme : après une deploratio de 14 vers ser- vant d'introduction, vient la narration du malheur avec ses di- verses péripéties et le récit des funérailles (w. 15-42) ; la conclusion compte 4 vers (w. 43-46).

La langue Q) est généralement d'une bonne latinité. Le pluriel fores est sans doute plus fréquent que le singulier (v. 2), mais celui-ci est employé (cf. Horace, Sat., 1, 2, 67). Rare aussi le singulier postis (v. 22, cf. Lucain, 5, 531). Le singulier de nares, au sens de «nez» ne se rencontre qu'à l'époque impériale (cf. Perse, 1, 33). Impedicatus (v. 23) est tardif (Ammien, 304, 48). Quaerito (v. 34) se trouve surtout dans la langue des comiques, mais on le rencontre aussi dans Catulle (55, [23] = 58b, 10). Un seul néologisme et c'est un nom propre, Ruettius (v. 36). Notons encore au v. 32 le datif quis. Quant au génitif pluriel Superum (v. 8), il est conforme à l'usage virgilien. Relevons enfin le tibi.ê. oramus des w. 9-10.

Le style, dans son emphase ironique, n'est pas sans art. On re- marquera le choix de mots imagés ou expressifs : sugere (v. 6), sternere (v. 14), cruor (v. 24). Au v. 6, le ton légèrement pompeux

(1) J'ai respecté l'orthographe de l'auteur (cf. quum, etc.).

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Lui le découvrit et (ô forfait!) Il osa l'introduire dans un trou de souris ;

Quelles larmes ! Mais aussitôt J'ai enseveli ta dépouille tout entière, ô mon ami, 40

Et sur la pierre fruste Du tombeau j'ai inscrit ces mots : «Une part de mon

Je ne t'en regrette pas moins : [âme ». Il y a bien les Mânes ; mais s'il ne m'est pas permis

De te garder, de te voir, 45 Que me sert que tu sois dans l'Élysée?

décèle une certaine ironie que souligne encore le diminutif d'af- fection uentriculum. La place de certains mots à l'initiale ou à la finale de la phrase ou du vers leur confère un relief particulier : te

(w. 1 et 23), ploro et fleo (v. 4), misit (v. 24) infausto (v. 29), nequic- quam (v. 35), ausus (v. 38), statim (v. 39), totum (v. 40), sunt (v. 44).

On observera aussi le rapprochement suggestif ploro - fleo du v. 4, la répétition de quaerito au v. 34, le double sed et le double te des w. 44-45 qui sont d'un heureux effet. Mais la triple reprise de tune aux w. 22-23 marque peut-être trop d'insistance. L'asyn- dète des w. 13-14 rapproche intimement le sort de l'auteur de celui de Polycrate tandis que le même procédé aux w. 24-25 montre bien la rapide succession des faits. Sans parler de figures tradi- tionnelles comme la métonymie Ceres = pañis du v. 35, il n'est

pas jusqu'aux procédés chers à la poésie latine - allitérations et homéotéleutes - que nous ne trouvions judicieusement employés (w. 4, 12, 22, 23, 40).

La structure métrique s'inspire des pièces d'Horace écrites en

distiques composés d'un glyconique et d'un asclépiade mineur. Comme chez Horace, la base des deux vers est toujours un spondée. Mais le schéma, qui dans le manuscrit figure en tête du poème, montre

que le glyconique est supposé constitué par une base spondaïque suivie d'un choriambe et d'un iambe | - w - - | - - ), le petit asclépiade d'une base spondaïque précédant deuxehoriam- tes et un iambe (- - | - - - _ | w ~ | w ~~)> alors

que l'on considère plus généralement aujourd'hui le premier comme formé d'une base accompagnée d'une tripodie catalectique logaé- dique (dactyle et deux trochées dont le second est catalectique ou

aristophanien catalectique : | - w ^ | - - | - ), le second d'une base à laquelle s'ajoutent un choriambe et une tripodie cata-

Latomus. V. - 11.

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Í62 M. RENARD

lectique logaédique (- | - - - - | - - - | - ~ | ^) oii un adonique catalectique plus une tripodie catalectique logaédique (- - I - w w I - I - w La césure du glyco- nique est le plus souvent la trihémimère masculine (cf. w. 3, 5, etc.) ; elle est 5 fois trochaïque (w. 9, 13, 17, 33, 37) et manque 8 fois (w. 3, 11, 19, 23, 25, 27, 43, 45). Dans l'asclépiade elle est régulièrement penthémimère. Le premier hémistiche de l'asclé- piade se termine toujours avec un mot et il n'y a jamais élision d'un hémistiche à l'autre. Trois fois seulement le dactyle deu- xième du glyconique ou de l'asclépiade est formé par un mot (vv. 19, 38, 45) et deux fois par une fin de mot (w. 27, 43). Mais nous trouvons cinq fois un monosyllabe final précédé d'un pied formant une fin de mot (w. 10, 22, 23, 40, 44) : c'est peut-être beaucoup, car Horace ne l'a fait que rarement. Les élisions sont peu nombreuses, 8 en tout. Dans l'ensemble, on constate une aisance certaine dans l'élaboration de ces vers dont la structure soutient souvent l'idée.

L'examen du poème révèle aussi la pratique assidue des grands classiques. Certaines idées ont été suggérées à l'auteur par ses lectures. Ainsi aux vv. 8-9, nous retrouvons comme l'écho du tantaene animis caelestibus irae ? de Virgile, En., 1, 11). L'al- lusion à la haine dont Junon poursuivait les Troyens (w. 9-10) rappelle également le début de YÊnêide. L'allusion à l'histoire de Polycrate provient sûrement de l'étude d'Hérodote (L. 3, pas- sim; cf. vv. 11 et 13). Le tableau de l'étudiant franchissant le seuil de l'École, sa serviette gonflée sous le bras gauche (w. 16-17), s'inspire de la Satire 1, 6, 74, d'Horace où nous voyons les enfants

AD HIEMEM

Quacumque foede vasta soli jacent, Illic acerves , bruma , nivem licet ,

Illic gelu spires acutum ; Нас ab humo (x), precor , abstineto .

Si nos volebas visere, quin prius 5 Praesto fuistil Quum voluit Deus,

Quum ferre te tellus parata est , Tunc licet arva gelare nostra.

(1) Hoc est : ab horto scholae normali s (note de l'auteur).

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DEUX POÈMES LATINS INÉDITS DE J.-A. KUGENER 163

ťle Venouše se rendre chez Flavius laeuo suspensi loculos tabulamque lacerto . Tout aussi caractéristiques sont certains parallélismes, formels ou métriques. Des w. 3-4, on rapprochera Virgile, En ., 6, 458 : funeris, heu ! tibi causa fui. Le début du v. 10 reprend le mouvement d'Horace, Odes, 1, 3, 40: iracunda I ou em

ponere fulmina . Pour le v. 15, ne faut-il pas penser à Ovide, Mét ., 15, 651 : seram pepulere crepuscula lucerní Le v. 22 évoque, pour l'idée et l'expression, Virgile, En ., 2, 12: animus m e mi- nis s e horret luctuque re fug it et pour le mouvement mé- trique, Horace, Odes , 1, 1, 34 où refugit se trouve à la même place. C'est encore à ces deux poètes que font penser les w. 30-31 dont on rapprochera En., 5, 173: пес lacrimis caruere genae et Odes, 4, 1, 34 : man at гага meas lacrima per genas. L'ex-

pression justa... reddere (w. 32-33) a son pendant dans Virgile, En., 6, 213 : suprema ferre sans compter que l'on trouve ailleurs justa ferre, cf. Ovide, Fastes, 5, 480. Le totum composui du v. 40 pourrait être un début d'hexamètre et nous trouvons précisément dans Hora- ce, Sat, 1, 9, 28 : omnes composui. Le second hémistiche du v. 42

adapte 1 e meae ... p ar tem animae et V ani mae dimidium meae du même poète (Odes, 2, 17, 5 et 1, 3, 8). Enfin le sunt ma- nes aliquid du v. 44 n'est-il pas comme une spirituelle réplique au

scepticisme des fabulae... Manes du poète de Venouše (Odes, 1, 4, 16) ?

Malgré ces rapprochements, la petite œuvre de J. Kugener n'est

pas un centón : elle puise dans les grands auteurs, elle s'en nourrit, mais ne les démarque pas. On n'y trouve que peu de chevilles et la pièce constitue une agréable réussite d'un ton très personnel.

* * *

A L'HIVER

Partout où s'étale l'horreur d'étendues désolées, Là, tu peux, ô hiver, amonceler la neige,

Là exhaler ton gel piquant ; Mais de cet enclos, je t'en supplie, détourne-toi.

Si tu voulais venir à nous, que ne ť es-tu montré 5 Plus tôt! Quand Dieu l'a voulu,

Quand la terre est prête à te supporter, Alors il t'eet permis de glacer nos campagnes.

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164 M. RENARD

At cerne : gemmas arbor agit , viret Gramen , madentem flosculus amovens 10

Glebam caput proferì ; frutecto Plurima jam coma dat decorem .

Tu non moveris, brumai Necabis haec Flatus veneno ? Cor tibi ferreum ?

О bruma, nunc cedas , precamur; 15 Pos/ ineunte veni decembri .

Cette ode est de peu postérieure à la précédente : elle date du 14 février 1866 et est suivie de cette appréciation de X. Prinz : Haecce codicis honore digna aestimo .

Dans ces quatre strophes s'exprime avec bonheur et non sans grâce le plaisir causé par la clémence particulière de l'hiver en même temps que la crainte de voir la végétation, fort en avance, accablée par une tardive atteinte de la mauvaise saison. De fait, le service de climatologie de l'Institut météorologique me communique que janvier 1866 fut un mois d'une douceur anormale et que la première décade de février fut d'une clémence vraiment exceptionnelle. On retiendra également que ce fut précisément le 14 février, jour où fut écrit le poème, que se manifesta la première gelée de l'année...

Ici encore la connaissance de la langue est sûre. Notons au v. 1 vasta substantivé ; acervare (v. 2) n'est pas attesté avant Tite- Live ; gelare (v. 8) n'est ni dans Virgile ni dans Horace ; frutectum (v. 11) non plus, mais on trouve frutex chez le premier {Georg., 2, 21) et fruticetum chez le second (Odes, 3, 12, 12).

Le style est plus simple que dans la pièce précédente. Le premier vers est imagé et la troisième strophe évoque un joli tableau où le diminutif flosculus (v. 10) met sa grâce. Dans le détail, relevons l'anaphore de illic (w. 2-3 ; cf. aussi quum, w. 6-7), qui forme avec le hac du v. 4 une antithèse soulignée par l'asyndète adversative. Quelques allitérations (w. 5, 7, 12).

La technique de la strophe alcaïque révèle beaucoup de savoir faire. La syllabe d'anacrouse des trois premiers vers est partout longue comme c'est généralement le cas chez les Latins. Le second trochée des hendécasyllabes et de l'ennéasyllabe deviennent des spondées comme chez Horace. Dans les deux hendécasyllabes nous avons partout la césure penthémimère, qui se retrouve deux fois (w. 12 et 16) dans le décasyllabe. Il y a apocope au v. 7. La

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DEUX POÈMES LATINS INÉDITS DE J.-A. KUGENER 165

Mais vois : l'arbre pousse ses bourgeons, l'herbe Verdit; la fleurette, écartant la glèbe humide, 10

Passe la tête ; un feuillage, touffu déjà, Donne au buisson sa parure.

Seras-tu inflexible, ô hiver? Les feras-tu mourir De ton souffle empoisonné? Ton cœur est-il si dur?

О hiver, retire-toi maintenant, nous t'en supplions; 15 Viens plus tard, quand arrivera décembre.

finale est en hiatus aux w. 3 et 14. Le v. 13 finit par un mono-

syllabe précédé d'un pied formant fin de mot, ce qui n'arrive qu'une seule fois dans Horace (Odes, 4, 9, 1). La troisième et la quatrième syllabes de l'ennéasyllabe et le trochée second du décasyllabe for- ment un mot ou une fin de mot aux vv. 3, 8, 11 et 16, ce qui est assez peu fréquent.

Cette ode nous montre encore combien Jean Kugener était

capable d'assimiler ses auteurs. Toute mesure gardée, n'est-ce-

pas l'atmosphère même de certaines Odes d'Horace que nous res- trouvons ici? Et pourtant les parallélismes classiques sont plus difficiles à déceler que dans le poème précédent. Faut-il voir dans le v. 1 un écho formel de Lucrèce, 1, 62 : foede cum iiita l a- cere/ ? Certaines notations du même poète comme in g To- rnine molli (2, 29), uiridantis ... herbas (2, 33) sont trop fréquentes chez d'autres aussi pour que nous puissions en trouver la trace certaine dans les w. 9-10. Mais du v. 3 nous pouvons rap- procher Horace, Odes , 1, 9, 3-4: gelu ... acuto et pour le ta- bleau de nature qui constitue la troisième strophe, nous citerons Ovide, Ars am., 3, 186: uitis agit gemmas, Virgile, Géorg., 2, 74 : se... trudunt de cortice gemmae et 2, 335 : trudit gemmas, Ho- race, Odes, 4, 7, 1-2: redeunt iam g r ami na campis | arbori- bus que comae et Epodes, 2, 17-18 : cum decorum ... caput | Autumnus agris extulit. Enfin la métaphore cor... ferreum (v. 14) s'explique par l'emploi de la même figure dans des expressions du genre de ferrea vox (cf. Virgile, Géorg., 2, 44 et En., 6, 626).

* * *

Le cadre des deux poèmes de Jean Kugener fait resurgir à quel- que quatre-vingts ans de distance la vieille École liégeoise des Hu- manités située rue du Pont d'Avroy, avec son internat où 1'оц

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Page 13: Deux poèmes latins inédits de J. - A. Kugener

166 M. RENARD

mangeait plutôt mal; ses chambrettes d'étudiants sommairement meublées, peu accueillantes et qui ne connaissaient pas le moin- dre chauffage ; ses études en commun dans une salle basse et trop petite ; les beaux arbres de son grand jardin sur les bancs duquel, l'été, les jeunes gens travaillaient ; ses règlements surannés interdisant le tabac et les journaux, imposant de fréquenter la messe du dimanche, ne permettant d'aller au théâtre que ce jour-là et à la condition d'être rentré à une heure telle qu'il fallait quitter le spectacle avant la fin (1).

Mais dans ce milieu peu confortable et malgré la mesquinerie du règlement, on travaillait beaucoup, même au-delà de l'heure fixée pour le coucher et à la lueur d'une chandelle fumeuse.

Sans doute y faisait-on une distinction trop nette entre la for- mation scientifique et la formation professionnelle. Sans doute, bien que certains des travaux des élèves fussent remarquables, y aimait-on un peu trop les « dissertations élégantes, brillantes, in- génieuses, destinées à figurer en belle écriture sur le Livre ď hon- neur ». Sans doute enfin est-il arrivé que certains normaliens aient préféré «cueillir des fleurs et en tresser de gracieuses guirlandes» au risque de les voir se faner bien vite plutôt que de se confor- mer aux austères préceptes du travail scientifique (2).

Il n'en reste pas moins qu'à une époque où notre gouvernement donnait l'impression de vouloir détruire la culture classique, l'École Normale des Humanités était pour ainsi dire le seul établissement belge d'enseignement supérieur à trouver grâce aux yeux du bon connaisseur qu'était Michel Bréal : «C'est, disait-il, ce que j'ai vu de mieux en Belgique » (3). Il est avéré aussi que c'est la vénérable institution liégeoise qui forma la plupart de nos bons philologues de ce temps et que beaucoup d'entre eux surent d'ailleurs unir le goût et l'élégance littéraires à celui de la recherche scientifique. De ce nombre fut Jean Kugener.

Peut-être n'était-il pas hors de propos que ce fût précisément la revue portant le nom de Barthélemy Latomus, l'humaniste ar- lonais, qui évoquât ces souvenirs et la mémoire de Jean Kugener, le vieux maître de l'athénée d'Arlon.

Bruxelles . Marcel Renard.

(1) Cf. Rev . de Vinsi, pubi, en Belg., t. 23 (1880), p. 376. (2) Cf. ibid., t. 24 (1881), p. 101 (griefs de Paul Thomas). (3) Revue scientifique de la France et de V étranger (2 août 1879),

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