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Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1 43 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Le coin biblio de la SFD Diabète de type 1 : la surmortalité régresse mais reste encore élevée Secrest AM et al. All-cause mortality trends in a large population-based cohort with long-standing childhood-onset type 1 diabetes. The Allegheny County type 1 Diabetes Registry Diabetes Care 2010 ; 33 : 2573-2579 L a prise en charge du diabète de type 1 a considérablement progressé depuis vingt ans, mais la maladie reste malgré tout grevée d’une importante surmortalité, liée aux complications aiguës ou chroniques (avant tout néphropathie et coronaropathie) avec un risque relatif de mortalité estimé à 3 ou 4 fois celui de la population générale après 15 à 20 ans d’évolution [1-2]. Il n’existe cependant que peu d’études sur le risque de surmortalité des diabétiques de type 1 à très long terme. À partir du registre de santé du comté d’Allegheny en Pennsylvanie, Secrest et al. ont identifié 1075 patients présentant un DT1 diagnostiqué entre 1965 et 1979 (âge moyen au diagnostic 10,9 ans) et rapportent l’évolution du taux de mortalité après un suivi médian de 33 ans chez 1043 de ces patients (97 %) selon que le diagnostic ait été posé entre 1965 et 1969, entre 1970 et 1974, ou entre 1975 et 1979. Les auteurs ont recensé 279 décès (26 %), soit un taux de mortalité ajusté 6,9 fois plus important que celui attendu dans la population de la région (IC 95 % 6,1-7,7). Si le pourcentage de décès recensés est comparable dans la population masculine (24,7 %) et féminine (27,3 %), l’excès de risque de mortalité à 30 ans par rapport à la population générale est beaucoup plus élevé chez les femmes (13,2, IC 95 % 10,7-15,7) que chez les hommes (5,0, IC 95 % 4,0-6,0) : ceci s’explique en partie par le faible taux de mortalité chez les femmes non-diabétiques de cette classe d’âge, mais le risque relatif observé dans la population féminine de cette cohorte de DT1 s’avère largement supérieur à celui rapporté jusque là dans la littérature, et reste difficile à comprendre. A contrario, alors que le pourcentage de décès est significativement plus élevé parmi les afro-américains (50,6 %) que parmi les caucasiens (24,0 %), l’excès de risque de mortalité à 30 ans par rapport à la population générale est comparable quelle que soit l’origine ethnique, ce qui s’explique sans doute par le taux élevé de mortalité chez les afro-américains non-diabétiques. Le dernier enseignement de l’étude est la démonstration d’une amélioration séculaire de l’excès de risque de mortalité à 30 ans chez les DT1, puisque celui-ci passe de 9,3 pour un diagnostic posé entre 1965 et 1969, à 7,5 pour un diagnostic posé entre 1970 et 1974 et à 5,6 pour un diagnostic posé entre 1975 et 1979 – ce qui reste toutefois une surmortalité très significative en dépit des progrès de la prise en charge de ces patients. Parallèlement, paraît dans Diabetes une analyse complémentaire des données de ce registre portant sur les causes de mor- talité dans cette population de DT1 après plus de 30 ans d’évolution. Les causes des 279 décès ont été établies avec précision sur la base des éléments cliniques et des certificats de décès par un comité d’experts composé d’au moins trois épidémiologistes. Dans les 10 premières années du DT1, la mortalité est avant tout liée aux complica- tions métaboliques aiguës (73 %), comme déjà rapporté dans d’autres études [1-3]. Lors des 10 années suivantes, les causes de décès s’équilibrent à peu près, alors qu’après 20 ans d’évolution, la mortalité est surtout liée aux complications cardio-vas- culaires (40 %) et les complications aiguës ne représentent plus que 10 % des causes de décès. Plus largement, après 30 ans d’évolution du diabète, les complications cardio-vasculaires contribuent directement ou indirectement à 65 % des décès, les com- plications rénales à 56 % des décès et les complications aiguës à seulement 15 % des décès. Comparativement à la population non diabétique locale, il n’existe pas de surmor- talité par cancer ou par mort violente mais une augmentation considérable du risque relatif ajusté de décès d’origine cardio- vasculaire (RR = 12,9), rénale (RR = 104,3) ou infectieuse (RR = 41,2). Ces niveaux de risque sont comparables quelles que soient l’origine ethnique des patients ou la date du diagnostic de DT1. A contrario, le risque relatif de mortalité cardio-vasculaire est beaucoup plus important chez les femmes (RR = 24,7) que chez les hommes (RR = 8,8), et cette différence est également retrouvée pour le risque relatif de décès d’origine rénale ou infectieuse (RR = 140,8 et 67,8 versus 77,8 et 28,1). Ces deux publications montrent que la surmortalité observée dans le DT1 régresse mais reste encore élevée, et qu’elle est uniquement liée aux complications aiguës et chroniques de la maladie. L’excès de risque de mortalité lié à ces complications est majoré chez les femmes et chez les afro- américains (peut-être en raison d’un accès plus limité aux soins). P. D. Références [1] Skrivarhaug T, et al. Long-term mortality in nationwide cohorts of childhood-onset type 1 diabetic patients in Norway. Diabetologia 2006;49:298-305. [2] Dawson SI, et al. All-cause mortality in insulin- treated diabetic patients: a 20-year follow-up. Diabetes Res Clin Pract 2008;80:e6-9. [3] Patterson ML, et al. Early mortality in EURODIAB population-based cohorts of type 1 diabetes diagnosed in childhood since 1989. Diabetologia 2007;50:2439-42.

Diabète de type 1 : la surmortalité régresse mais reste encore élevée

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Page 1: Diabète de type 1 : la surmortalité régresse mais reste encore élevée

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Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1

43

© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Le coin biblio de la SFD

Diabète de type 1 : la surmortalité régresse mais reste encore élevéeSecrest AM et al. All-cause mortality trends in a large population-based cohort with long-standing childhood-onset type 1 diabetes. The Allegheny County type 1 Diabetes Registry Diabetes Care 2010 ; 33 : 2573-2579

La prise en charge du diabète de type 1 a considérablement progressé depuis vingt ans, mais la maladie reste malgré

tout grevée d’une importante surmortalité, liée aux complications aiguës ou chroniques (avant tout néphropathie et coronaropathie) avec un risque relatif de mortalité estimé à 3 ou 4 fois celui de la population générale après 15 à 20 ans d’évolution [1-2]. Il n’existe cependant que peu d’études sur le risque de surmortalité des diabétiques de type 1 à très long terme.À partir du registre de santé du comté d’Allegheny en Pennsylvanie, Secrest et al. ont identifié 1075 patients présentant un DT1 diagnostiqué entre 1965 et 1979 (âge moyen au diagnostic 10,9 ans) et rapportent l’évolution du taux de mortalité après un suivi médian de 33 ans chez 1043 de ces patients (97 %) selon que le diagnostic ait été posé entre 1965 et 1969, entre 1970 et 1974, ou entre 1975 et 1979. Les auteurs ont recensé 279 décès (26 %), soit un taux de mortalité ajusté 6,9 fois plus important que celui attendu dans la population de la région (IC 95 % 6,1-7,7). Si le pourcentage de décès recensés est comparable dans la population masculine (24,7 %) et féminine (27,3 %), l’excès de risque de mortalité à 30  ans par rapport à la population générale est beaucoup plus élevé chez les femmes (13,2, IC 95 % 10,7-15,7) que chez les hommes (5,0, IC 95 % 4,0-6,0) : ceci s’explique en partie par le faible taux de mortalité chez les femmes non-diabétiques de cette classe d’âge, mais le risque relatif observé dans la population féminine de cette cohorte de DT1 s’avère largement supérieur à celui rapporté jusque là dans la littérature, et reste difficile à comprendre. A contrario, alors que le pourcentage de décès est significativement

plus élevé parmi les afro-américains (50,6 %) que parmi les caucasiens (24,0 %), l’excès de risque de mortalité à 30 ans par rapport à la population générale est comparable quelle que soit l’origine ethnique, ce qui s’explique sans doute par le taux élevé de mortalité chez les afro-américains non-diabétiques. Le dernier enseignement de l’étude est la démonstration d’une amélioration séculaire de l’excès de risque de mortalité à 30 ans chez les DT1, puisque celui-ci passe de 9,3 pour un diagnostic posé entre 1965 et 1969, à 7,5 pour un diagnostic posé entre 1970 et 1974 et à 5,6 pour un diagnostic posé entre 1975 et 1979 – ce qui reste toutefois une surmortalité très significative en dépit des progrès de la prise en charge de ces patients.Parallèlement, paraît dans Diabetes une analyse complémentaire des données de ce registre portant sur les causes de mor-talité dans cette population de DT1 après plus de 30 ans d’évolution. Les causes des 279 décès ont été établies avec précision sur la base des éléments cliniques et des certificats de décès par un comité d’experts composé d’au moins trois épidémiologistes. Dans les 10 premières années du DT1, la mortalité est avant tout liée aux complica-tions métaboliques aiguës (73 %), comme déjà rapporté dans d’autres études [1-3]. Lors des 10 années suivantes, les causes de décès s’équilibrent à peu près, alors qu’après 20 ans d’évolution, la mortalité est surtout liée aux complications cardio-vas-culaires (40 %) et les complications aiguës ne représentent plus que 10 % des causes de décès. Plus largement, après 30 ans d’évolution du diabète, les complications cardio-vasculaires contribuent directement ou indirectement à 65 % des décès, les com-plications rénales à 56 % des décès et les

complications aiguës à seulement 15 % des décès. Comparativement à la population non diabétique locale, il n’existe pas de surmor-talité par cancer ou par mort violente mais une augmentation considérable du risque relatif ajusté de décès d’origine cardio-vasculaire (RR = 12,9), rénale (RR = 104,3) ou infectieuse (RR = 41,2). Ces niveaux de risque sont comparables quelles que soient l’origine ethnique des patients ou la date du diagnostic de DT1. A contrario, le risque relatif de mortalité cardio-vasculaire est beaucoup plus important chez les femmes (RR = 24,7) que chez les hommes (RR = 8,8), et cette différence est également retrouvée pour le risque relatif de décès d’origine rénale ou infectieuse (RR = 140,8 et 67,8 versus 77,8 et 28,1).Ces deux publications montrent que la surmortalité observée dans le DT1 régresse mais reste encore élevée, et qu’elle est uniquement liée aux complications aiguës et chroniques de la maladie. L’excès de risque de mortalité lié à ces complications est majoré chez les femmes et chez les afro-américains (peut-être en raison d’un accès plus limité aux soins).

P. D.

Références

[1] Skrivarhaug T, et al. Long-term mortality in nationwide cohorts of childhood-onset type 1 diabetic patients in Norway. Diabetologia 2006;49:298-305.

[2] Dawson SI, et al. All-cause mortality in insulin-treated diabetic patients: a 20-year follow-up. Diabetes Res Clin Pract 2008;80:e6-9.

[3] Patterson ML, et al. Early mortality in EURODIAB population-based cohorts of type 1 diabetes diagnosed in childhood since 1989. Diabetologia 2007;50:2439-42.