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Diarrhées du voyageur : épidémiologie, prévention et conduite à tenir Bruno Marchou Hôpital Purpan, service des maladies infectieuses et tropicales, 31059 Toulouse cedex, France Correspondance : Bruno Marchou, Hôpital Purpan, service des maladies infectieuses et tropicales, place du Docteur-Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex, France. [email protected] Disponible sur internet le : 14 décembre 2012 Infections et parasitoses intestinales aigue ¨ s en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Dossier thématique Presse Med. 2013; 42: 7681 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 76 Mise au point Key points Traveller’s diarrhea: Epidemiology, clinical practice guideline for the prevention and treatment Bacterial causes are predominant: enterotoxigenic (ETEC) ou enteroadherent Escherichia coli, Salmonella sp., Shigella sp., Campylobacter jejuni, Acrobacter sp., enterotoxigenic Bacteroïdes fragilis. Prevention relies on the hand and food hygiene standards (heat-cooked meals). Watery diarrhea (toxigenic enterocolitis) is the most frequent clinical presentation associated with a risk of dehydration; the body temperature is normal except in cases of severe dehy- dration. Less frequent are invasive enterocolitis presenting as acute febrile diarrhea with dysentery (abdominal cramps, tenesmus, stools blended with mucus and blood): salmonellosis, shigel- losis. Bacteremia may occur in immunocompromised patients. Early rehydration is essential with oral rehydration solutions (ORS) consisting of salt, sugar and water. Antibiotics should be reserved for invasive enterocolitis with fever and dysentery, profuse diarrhea with more than three liquid stools within 12 hours. Duration of antibiotherapy var- ies from 1 to 5 days. Points essentiels L’origine bactérienne est prédominante : Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC) ou entéroadhérent, Salmonella sp, Shigella sp, Campylobacter jejuni, Acrobacter sp., Bacteroïdes fragilis entérotoxinogène. La prévention doit être basée sur l’hygiène des mains et des précautions alimentaires (plats consommés chauds). Cliniquement, on peut observer une diarrhée cholériforme, de loin la plus fréquente (entérocolite toxinique). Les selles sont aqueuses, profuses. Il y a un risque important de déshydrata- tion. La température est normale sauf en cas de déshydratation sévère. Il peut aussi s’agir d’une diarrhée fébrile (T8> 38,5 8C) asso- ciée à une dysenterie (épreintes, ténesme, selles glairo- sanglantes) : colite invasive, salmonellose, shigellose. La diffu- sion hématogène est possible sur des terrains immunodé- primés. La réhydratation orale doit être précoce, à base de boisson sucrée (pas trop !) et salée. Pour les antibiotiques : ils sont à réserver aux diarrhées sévères, invasives (fièvre + dysenterie), aux diarrhées avec plus de trois selles aqueuses et abondantes sur moins de 12 h, la durée varie de un à cinq jours. tome 42 > n81 > janvier 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.10.008

Diarrhées du voyageur : épidémiologie, prévention et conduite à tenir

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Infections et parasitoses

intestinales aigue s

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Presse Med. 2013; 42: 76–81� 2012 Elsevier Masson SAS.

Tous droits réservés.

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Key points

Traveller’s diarrhea: Epidemguideline for the prevention a

Bacterial causes are predominenteroadherent Escherichia coli,Campylobacter jejuni, AcrobBacteroïdes fragilis.Prevention relies on the hand

(heat-cooked meals).Watery diarrhea (toxigenic enteclinical presentation associated wbody temperature is normal exdration.Less frequent are invasive entefebrile diarrhea with dysentery (stools blended with mucus and

losis. Bacteremia may occupatients.Early rehydration is essential w(ORS) consisting of salt, sugar aAntibiotics should be reserved ffever and dysentery, profuse diliquid stools within 12 hours. Duies from 1 to 5 days.

Diarrhées du voyageur : épidémiologie,prévention et conduite à tenir

Bruno Marchou

Hôpital Purpan, service des maladies infectieuses et tropicales, 31059 Toulousecedex, France

Correspondance :Bruno Marchou, Hôpital Purpan, service des maladies infectieuses et tropicales,place du Docteur-Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex, [email protected]

Disponible sur internet le :14 décembre 2012

iology, clinical practicend treatment

ant: enterotoxigenic (ETEC) ou Salmonella sp., Shigella sp.,acter sp., enterotoxigenic

and food hygiene standards

rocolitis) is the most frequentith a risk of dehydration; the

cept in cases of severe dehy-

rocolitis presenting as acuteabdominal cramps, tenesmus,blood): salmonellosis, shigel-r in immunocompromised

ith oral rehydration solutionsnd water.or invasive enterocolitis witharrhea with more than threeration of antibiotherapy var-

Points essentiels

L’origine bactérienne est prédominante : Escherichia colientérotoxinogène (ETEC) ou entéroadhérent, Salmonella sp,Shigella sp, Campylobacter jejuni, Acrobacter sp.,Bacteroïdes fragilis entérotoxinogène.La prévention doit être basée sur l’hygiène des mains et desprécautions alimentaires (plats consommés chauds).Cliniquement, on peut observer une diarrhée cholériforme, deloin la plus fréquente (entérocolite toxinique). Les selles sontaqueuses, profuses. Il y a un risque important de déshydrata-tion. La température est normale sauf en cas de déshydratationsévère.Il peut aussi s’agir d’une diarrhée fébrile (T8> 38,5 8C) asso-ciée à une dysenterie (épreintes, ténesme, selles glairo-sanglantes) : colite invasive, salmonellose, shigellose. La diffu-sion hématogène est possible sur des terrains immunodé-primés.La réhydratation orale doit être précoce, à base de boissonsucrée (pas trop !) et salée.Pour les antibiotiques : ils sont à réserver aux diarrhéessévères, invasives (fièvre + dysenterie), aux diarrhées avecplus de trois selles aqueuses et abondantes sur moins de12 h, la durée varie de un à cinq jours.

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Encadre 1

Facteurs de risque associés à la survenue d’une diarrhéedu voyageur

Voyage en provenance d’un pays industrialisé vers une destination(sub-)tropicaleJeunes enfants et adolescentsPas de séjour antérieur dans un pays tropicalManque de précautions par rapport à l’alimentation et aux boissonsAntécédent de DV lors de précédents séjours en pays tropicalFacteurs génétiquesTraitement quotidien par inhibiteur de la pompe à protonsVoyage à petit budget et/ou aventureux

Diarrhées du voyageur : épidémiologie, prévention et conduite à tenirInfections et parasitoses intestinales aigue s

La diarrhée du voyageur (DV) ou de façon plus imagée :turista, backdoor sprint, greek galop, rangoon runs, turkey

trots. . . sans oublier la zermattitis (!) est très fréquente etcosmopolite comme en témoignent les différentes appellationsci-dessus mais le plus souvent bénigne. Néanmoins, elle peutévoluer vers des complications, soit du fait du terrain (jeunesenfants, personnes âgées, sujets immunodéprimés), soit du faitd’une prise en charge inadéquate, ou entraîner des désagré-ments pour les voyageurs qui peuvent voir leur séjour gâché entout ou partie. C’est dire l’intérêt qu’aurait une préventionefficace et sans risque. . . ce qui n’est malheureusement pasle cas comme en témoigne le fait que depuis un demi-siècle,l’incidence de la DV reste inchangée [1–3].

Épidémiologie

DéfinitionLa définition académique de la DV est la survenue de plus detrois selles liquides en moins de 24 heures, ou plus de deux enmoins de huit heures, associées à au moins un symptômed’accompagnement : nausées, vomissements, douleurs abdo-minales, fièvre, selles glaireuses ou sanglantes [4]. Cettedéfinition restrictive ne prend cependant pas en compte lagêne ressentie par le voyageur, qui se trouve pris d’un besoinimpérieux dans un lieu improvisé. . .

Prévalence et facteurs de risque

Quarante pour cent des voyageurs se rendant dans un pays endéveloppement (PED) ont une DV, jusqu’à 60 % de ceux qui serendent dans une région à très bas niveau d’hygiène comme enAsie [5]. En 2009, on dénombrait 880 millions de touristesinternationaux dont 45 % à destination d’un pays tropical [6].On peut ainsi estimer à 160 millions le nombre de cas de DV paran. C’est le problème de santé le plus fréquent pour lesvoyageurs se rendant d’une zone à niveau d’hygiène élevévers un pays à niveau d’hygiène faible ce qui concerne plusieursmillions de français tous les ans.Le risque d’avoir une DV dépend de plusieurs facteurs(encadre 1). Les sujets jeunes sont plus exposés du fait d’unemoindre immunité spécifique et du fait de conditions de voyagesouvent plus exposées (contacts avec la population, conditionsd’hygiène parfois plus précaires, voyage plus itinérant). Une

lossaireCCNa DiChloroisoCyanurate sodiqueV Diarrhée du voyageurAEC Escherichia coli entéroadhérentTEC Escherichia coli entérotoxinogèneED Pays en développement

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comorbidité comme une maladie chronique (diabète, déficitimmunitaire), une hypochlorydrie (gastrectomie, traitementau long cours par inhibiteur de pompe à protons) accroît le risquede diarrhée, voire de forme sévère. Cependant, une étuderécente ne confirme pas un risque accru de DV chez des sujetsayant une immunodépression médicamenteuse ou une maladieinflammatoire du tube digestif [7]. Des facteurs génétiquesencore mal connus jouent sans doute un rôle comme les facteursdéterminant le groupe sanguin ou les médiateurs de l’inflam-mation [7].À côté des facteurs individuels, interviennent de façon déter-minante des facteurs d’environnement liés au niveau d’hy-giène de la chaîne alimentaire. Les pays les plus à risque de DVsont les PED d’Asie, d’Afrique sub-Saharienne et d’AmériqueLatine, alors que le risque est moindre sur le pourtour méditér-ranéen, au Moyen Orient et en Europe de l’Est.

Causes de la diarrhée du voyageur

Les causes de la diarrhée du voyageur sont réunies dans letableau I.L’infection digestive provient de l’absorption d’aliments oud’eau contaminés en relation directe avec le « péril fécal »

ou indirecte avec les « mains sales ».Les aliments les plus à risque sont par ordre décroissant : fruitsde mer, poissons et viandes mal cuits, plats préparésconsommés froid, glaces artisanales, crudités, fruits déjàépluchés, lait et produits laitiers, aliments avec traces demoisissure, eau du robinet, boissons non encapsulées.Les causes infectieuses sont les plus fréquentes, même si desfacteurs non infectieux (psychogènes, modifications du rythmede vie, décalage horaire, changements de climat ou d’alimen-tation, épices) peuvent avoir une action favorisante.Les bactéries sont responsables de 80 à 90 % des cas docu-mentés de DV. Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC) et E. coli

entéroadhérent (EAEC) sont les plus fréquents, devant Shigella,

Salmonella, Campylobacter, Aeromonas, Plesiomonas. D’autresespèces bactériennes ont été identifiées comme cause de DV :

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Tableau I

fréquence d’isolement (%) d’agents infectieux responsablesde la diarrhée du voyageur

Causes AmériqueLatine

Afrique Inde

ETEC 34 31 31

EAEC 24 2 16

Shigella 7 9 8

Salmonella 4 6 7

Campylobacter 3 5 8

Aeromonas 1 3 3

Plesiomonas 1 3 5

Norovirus 17 13 Non connu

Protozoaires1 3 3 9

Pas de pathogène 49 45 39

D’après De la Cabada Bauche et DuPont [8].ETEC : Escherichia coli enterotoxinogène, EAEC : Escherichia coli entéroadhérent.1 Protozoaires : Giardia, Cryptosporidium, Cyclospora, Isospora, Entamoeba histolytica.

Encadre 2

Précautions d’hygiène alimentaire à l’usage des voyageurs

1. Se laver les mains est le geste préventif primordial :

� utiliser de l’eau et du savon avant les repas et après le

passage aux toilettes ; sécher à l’air est préférable à

l’utilisation d’une serviette sale et humide,

� en cas d’indisponibilité d’eau et de savon, utiliser une solution

hydro-alcoolique ;

2. Assurez-vous que les aliments ont été bien cuits et qu’ils sont

encore chauds (idéalement brûlants soit > 65 8C) lorsqu’ils

vous sont servis ;

3. « Lavez-les, pelez-les, cuisez-les ou laissez-les » : se limiter

aux fruits pelés ou décortiqués par vous-même. Évitez les fruits

dont la peau est abîmée ;

4. Les plats contenant des oeufs crus ou à peine cuits comme la

mayonnaise, certaines sauces et certains desserts (mousses,

crèmes) peuvent être à risque ;

5. Les crèmes glacées artisanales sont très à risque. À l’inverse

les glaces industrielles dans un emballage intact sont

consommables ;

6. Boissons :

� ne consommer que de l’eau en bouteille encapsulée ou

désinfectée (DCCNa, après filtration) ;

� les boissons telles que le thé ou le café chauds, les boissons

gazeuses ou les jus de fruits en bouteille n’ont pas de danger

à condition d’avoir été ouverts devant vous ;

� le lait non pasteurisé doit toujours être bouilli.

B Marchou

Acrobacter sp, Bacteroides fragilis entérotoxinogène [8]. Lecholéra est une cause exceptionnelle de DV, risque évalué àmoins de un cas pour 100 000 voyageurs et par mois d’ex-position [9,10]. Les causes virales et parasitaires sont plus rares.Dans près de la moitié des cas aucun pathogène n’est identifiépar les techniques standards. Une étude utilisant la PCR sur desDV contractées en Amérique Centrale et en Inde a montré queETEC ou EAEC étaient responsables de 29 % de ces cas sanscause trouvée [11].

Incubation et conséquences pour le voyage

L’incubation de la DV est brève, de quelques heures à quelquesjours, avec un pic de fréquence dans le courant de la premièresemaine. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un événement bénind’une durée moyenne de deux à trois jours, mais qui dans un tiersdes cas impose au voyageur de modifier son programme d’acti-vités [12,13]. Moins de 25 % des patients ont plus de six sellespar 24 heures, 8 % plus de dix selles, entre 1 et 7 % ont de lafièvre ou des selles glairo-sanglantes, une hospitalisation étantrequise dans moins d’un cas sur 1000 [3].Selon des études, 3 à 32 % des patients ayant eu une DV ontdéveloppé un « syndrome de l’intestin irritable postinfectieux ».Ce syndrome est défini par des douleurs abdominales (pouvantse résumer à un inconfort) au moins trois jours par mois, depuisplus de trois mois, associés à au moins deux des élémentssuivants : amélioration des symptômes après exonération, mo-dification de la fréquence des selles, ou de la consistance des

selles [14,15]. Les facteurs de risque de survenue de ce syndromeincluent : la durée de la DV, le tabagisme, le sexe féminin, desfacteurs psychologiques comme dépression, hypochondrie,évènements douloureux survenus au cours des derniers mois.Le risque serait plus fréquent après une infection à Campylo-

bacter jejuni qu’après une infection à Salmonella sp. [16].

Prévention et conduite à tenirpour le voyageur

Conseils pour l’hygiène alimentaire et les boissonsLa règle boil it, cook it, peel it or forget it (ne consommer que cequi est cuit, bouilli, ou épluché) est classique mais n’est pastoujours facile à appliquer. En pratique, tout ce qui est cuit, servibrûlant et consommé sans délai, est sans risque. Ceci laisseentendre que la consommation d’un plat préparé devant levoyageur et servi chaud dans un restaurant de rue est moins àrisque qu’un buffet « tiède » d’hôtel « international ».

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Pour l’eau et les boissons, les précautions habituelles restent derigueur : boissons encapsulées ou décontaminées par ébullition(au moins une minute) ou désinfection chimique (DiChloroiso-Cyanurate sodique [DCCNa]) après filtration mécanique surcéramique (encadre 2).

Prophylaxie médicamenteuse

En 1963, Kean était le premier à montrer que les antibiotiquesétaient efficaces pour prévenir les DV [17]. Dans les années1970 à 1980, la doxycycline et les fluoroquinolones ont étéutilisées avec succès pour prévenir la DV [18,19]. En 1986, unconsensus s’est imposé pour déconseiller l’usage d’une chimio-prophylaxie eu égard aux risques d’émergence de résistancesbactériennes et d’effets indésirables des antibiotiques : photo-sensibilisation, mycose génitale, céphalées, vertiges, nausées. . .

parfois graves (toxidermie grave, colite postantibiotique) [20].Pour cause de résistance bactérienne, les aminopénicillines, lestétracyclines, et à un moindre degré le cotrimoxazole, n’ont plusd’indication. Les fluoroquinolones et l’azithromycine sont lesantibiotiques les plus actifs sur les entéropathogènes responsa-bles des DV. Malheureusement, le niveau de résistance a beau-coup augmenté : entre 2006 et 2008 en Inde et Amérique Latine,20 à 40 % des 368 souches d’ETEC isolées chez des voyageursétaient résistantes aux fluoroquinolones et 15 à 25 % résistantesà l’azithromycine [21]. La rifaximine, antibiotique non absorb-able est indiquée dans la prévention des DV aux États-Unis maisn’est pas disponible en France [22]. L’encadre 3 envisage lessituations où une chimioprophylaxie est envisageable [23].En pratique, la décision est prise au terme d’un dialogue entrele médecin et le consultant en tenant compte des conditions duvoyage (possibilité de contrôler l’alimentation, niveau desstructures sanitaires locales. . .) et des contre-indications. Lesindications restent en tout état de cause limitées à des séjoursbrefs de moins de deux à trois semaines.

Encadre 3

Facteurs pouvant faire envisager une chimioprophylaxiede la diarrhée du voyageur (durée < 3 semaines)

Voyage à caractère professionnel :

� Athlètes, politiques, musiciens,. . .

Terrain à risque :

� Diabète insulinodépendant ;

� Insuffisance cardiaque ;

� RCH, Crohn ;

� Colostomie, paraplégie ;

� Sida, HLA B27 ;

� Hypochlorhydrie, gastrectomie.

D’après DuPont et al. [23].

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En raison de l’absence d’effets secondaires, l’utilisation deprobiotiques (Saccharomyces boulardii ou Lactobacillus) estséduisante mais leur efficacité n’est pas démontrée [24].À l’avenir, un vaccin actif contre ETEC (WC/rBS) pourrait êtredisponible [25]. Faute de prévention simple, efficace et sansrisque le voyageur se trouvera souvent contraint de se traiterlui-même. . .

Conduite à tenir en cas de diarrhée aiguë

Le plus souvent, c’est le voyageur qui se traitera lui-mêmependant son voyage. Le praticien, avant tout le médecintraitant généraliste, devra donc en expliquer la conduite à tenir.

Traitement symptomatique

La première règle est la compensation hydro-électrolytique,d’autant plus impérieuse que la diarrhée est profuse, qu’elle seprolonge, qu’elle est associée à des vomissements et qu’ellesurvient sur un terrain à risque (jeunes enfants, personnesâgées, maladies sous-jacentes, traitements par diurétiques,digitaliques, lithium. . .). Le voyageur doit être sensibilisé àce traitement de base, souvent mal connu. Il se fait dans lamajorité des cas par voie orale : les solutés de réhydratationorale sont utiles pour les nourrissons, mais du thé sucré, des jusde fruit (riches en potassium) avec des gâteaux secs saléspeuvent suffire. Contrairement à des idées reçues, le Coca-colaW n’est pas approprié pour la réhydratation des diarrhéesaiguës : trop peu de sel (Na : 5 mmol/L, K : 0), beaucoup trop desucre (100 g/L). En cas de vomissements modérés, plutôt queles antiémétiques, la prise répétée de petites quantités permetle plus souvent de passer le cap difficile. En cas de vomisse-ments incoercibles ou d’une diarrhée hydrique majeure, laréhydratation par voie intraveineuse s’impose.Les ralentisseurs du transit type lopéramide ont l’avantaged’agir vite mais doivent être utilisés avec précaution. Ils ontl’inconvénient de pouvoir entraîner un inconfort digestif (dou-leurs abdominales, constipation. . .) et ont été responsables de(rares) complications coliques (colectasie, perforation) ; ils sontcontre-indiqués avant l’âge de 30 mois et à tout âge en cas de« diarrhée invasive » reconnue sur l’existence de fièvre avecdysenterie : épreintes, ténesme, faux-besoins, selles glairo-sanglantes voire purulentes. L’antisécrétoire racécadotril peutêtre utilisé avec un très bon profil de tolérance. Les protecteursde la muqueuse intestinale (adsorbant, non absorbés) tels quela diosmectite ont un intérêt d’appoint.

Antibiotiques

De nombreuses études contrôlées ont démontré depuis 30 ansl’efficacité d’un traitement antibiotique pour réduire la duréedes DV [26,27]. Du fait de la bénignité habituelle de la DV et desa sédation spontanée, l’antibiothérapie ne doit cependant pasêtre systématique. Elle est justifiée : en cas de « diarrhéeinvasive » (fièvre, dysenterie) ; en cas de formes sévères(déshydratation importante, sepsis, terrain à risque,. . .) et

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Tableau II

Antibiotiques pouvant être proposés pour le traitement de ladiarrhée du voyageur

Antibiotique Posologie quotidienne Durée (jrs)

Ciprofloxacine 500 mg p.o. � 22 Sévère1 3, modérée :12

Levofloxacine 500 mg p.o. � 1 Sévère1 3, modérée 1

Azithromycine 1000 mg 1

Rifaximine3 200 mg p.o. � 3 –

1 La durée recommandée en cas de shigellose (rare) est de trois à cinq jours.2 En deux prises ou traitement « minute » de deux cp.3 Antibiotique non encore disponible en France dans cette indication.

Encadre 4

Schéma de conduite à tenir en fonction des situations cliniques

Selles « eau de riz » ; pas/peu de fièvre (T < 38,5 -C) :

� Lopéramide1 ou Racécadotril ;

� Antibiotique : habituellement pas sauf si > 3 selles aqueuses et

abondantes sur < 12 h.

Selles glaireuses, sanglantes, douleurs+++, faux besoins, fièvre(T > 38,5 -C) ; formes sévères :

� Lopéramide1 : contre-indiqué ;

� Racécadotril : possible ;

� Antibiotique : d’emblée.1Lopéramide : contre-indiqué avant 30 mois ; 4 mg puis 2 mg aprèschaque selle liquide sans dépasser huit comprimés par 24 heureschez l’adulte.

B Marchou

en cas de diarrhée avec plus de trois selles aqueuses, abon-dantes, sur moins de 12 h.Le tableau II indique les antibiotiques qui peuvent être utilisés :fluoroquinolones ou azithromycine. La durée de traitement est

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Diarrhées chroniques

Dans moins de 2 % des cas, la DV passe à la chronicité [16].Dans un premier temps, il convient de faire réaliser desexamens coprologiques : coproculture avec recherche deClostridium difficile si le sujet a pris des antibiotiques, surtoutexamen parasitologique des selles à renouveler trois fois à larecherche de protozoaires : Giardia duodenalis, Entamoeba

histolytica, Cryptosporidium parvum, Cyclospora cayetanensis

ou helminthes : ascaris, anguillule, schistosome. En cas denégativité des examens coprologiques, un traitement empiri-que par nitro-imidazolé, voire cotrimoxazole (actif notam-ment dans la cyclosporose) doit être tenté avant deproposer une exploration endoscopique (gastroscopie, colos-copie). De fait, la révélation d’une maladie intestinale (coliteinflammatoire, tumeur,. . .) à l’occasion d’une DV n’est pasrare. Il est cependant courant que ces troubles digestifs res-tent sans explication et régressent progressivement au boutde plusieurs mois.

ConclusionSi la DV est banale et le plus souvent bénigne, il ne faut pasperdre de vue qu’elle peut être sévère aux âges extrêmes de lavie ou en cas de comorbidité et qu’elle peut grandementperturber les activités des voyageurs. Les praticiens doiventdonc insister auprès des voyageurs avant le départ sur lesmoyens de prévention réellement accessibles (lavage desmains, préférence aux plats servis très chauds,. . .) et sur lefait que le premier traitement en cas de diarrhée est l’hydrata-tion précoce, les antibiotiques ne devant être utilisés que dansdes indications limitées.

NM.nfec

, Broha As’ diia: iideslin M

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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Diarrhées du voyageur : épidémiologie, prévention et conduite à tenirInfections et parasitoses intestinales aigue s

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42 > n81 > janvier 2013