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Dictées du Brevet Le goût du pain Lorsqu'on sortait du four les miches nouvelles, elles parlaient longtemps à petits craquements délicieux dans le soir, le premier jour, lorsqu'on les avait posées au ciel de la pièce sur l'étagère suspendue et qu'elles étaient là-haut, comme des lunes pleines, comme des soleils pour l'estomac. [...] Le premier jour après la cuisson et même encore le lendemain, le pain était un gâteau. On en mangeait par plaisir, tout sec. La maison en était embaumée, deux jours. Après, il n'était plus tout à fait une fête, et vers la fin on avait envie du nouveau pain car le vieux était dur, craquelé de sécheresse et en août et septembre légèrement moisi. Ainsi, à mesure que diminuait la provision suspendue, naissait la joie de l'attente. On n'aurait rien fait pour la précipiter.Marie ROVANET - Henri JURQUET, Apollonie, Presses Pocket, 1990. ___________________________________________________________________________ Paysage algérien Il faut beaucoup de temps pour aller à Djémila. Ce n'est pas une ville où l'on s'arrête et que l'on dépasse. Elle ne mène nulle part et n'ouvre sur aucun pays. C'est un lieu d'où l'on revient. La ville morte est au terme d'une longue route en lacet qui semble la promettre à chacun de ses tournants et paraît d'autant plus longue...Dans cette splendeur aride, nous avions erré toute la journée. Peu à peu, le vent à peine senti au début de l'après-midi semblait grandir avec les heures et remplir tout le paysage. Il soufflait depuis une trouée entre les montagnes, loin vers l'est, accourait du fond de l'horizon et venait bondir en cascades parmi les pierres au soleil. Sans arrêt, il sifflait avec force à travers les ruines, tournait dans un cirque de pierres et de terre, baignait les amas de blocs grêlés, entourait chaque colonne de son souffle et venait se répandre en cris incessants sur le forum qui s'ouvrait dans le ciel. Je me sentais claquer au vent comme une mâture.Albert CAMUS, Noces.Indication marquée au tableau : Djémila. ___________________________________________________________________________ (Le narrateur est en train de déjeuner, quand survient un visiteur inattendu, un petit lézard) Quand j'étais enfant, j'avais toujours un ou deux lézards dans mon pupitre. Je les nourrissais avec des mouches, dont ils sont très friands, et, comme j'avais pour attraper ces insectes des moyens supérieurs aux leurs, mes lézards me rendaient en amitié ce que je leur donnais en nourriture.L'apparition du charmant petit visiteur me fit donc le plus grand plaisir, et je recommandai à Goujon, qui habitait le rez-de- chaussée et qui, par conséquent, se trouvait avec lui en relation plus directe que moi qui habitais le premier, de faire tout ce qu'il pourrait pour l'apprivoiser : huit jours après la chose était faite, et il venait boire dans la cuillère de Goujon sa part de notre thé ; huit jours après il mangeait des mouches dans sa main ; enfin il en arriva à ce point de familiarité que, passant par le poignet de sa manche, il sortait par l'ouverture de sa chemise, sur la poitrine.Alexandre DUMAS, Histoire d'un lézard.___________________________________________________________________________ Le nom de l'auteur, le titre de l'œuvre et le nom propre "Goujon" sont inscrits au tableau.

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Dictées du Brevet

Le goût du pain

Lorsqu'on sortait du four les miches nouvelles, elles parlaient longtemps à petits craquements délicieux

dans le soir, le premier jour, lorsqu'on les avait posées au ciel de la pièce sur l'étagère suspendue et

qu'elles étaient là-haut, comme des lunes pleines, comme des soleils pour l'estomac. [...] Le premier jour

après la cuisson et même encore le lendemain, le pain était un gâteau. On en mangeait par plaisir, tout

sec. La maison en était embaumée, deux jours. Après, il n'était plus tout à fait une fête, et vers la fin on

avait envie du nouveau pain car le vieux était dur, craquelé de sécheresse et en août et septembre

légèrement moisi. Ainsi, à mesure que diminuait la provision suspendue, naissait la joie de l'attente. On

n'aurait rien fait pour la précipiter.Marie ROVANET - Henri JURQUET, Apollonie, Presses Pocket, 1990.

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Paysage algérien

Il faut beaucoup de temps pour aller à Djémila. Ce n'est pas une ville où l'on s'arrête et que l'on dépasse.

Elle ne mène nulle part et n'ouvre sur aucun pays. C'est un lieu d'où l'on revient. La ville morte est au

terme d'une longue route en lacet qui semble la promettre à chacun de ses tournants et paraît d'autant

plus longue...Dans cette splendeur aride, nous avions erré toute la journée. Peu à peu, le vent à peine

senti au début de l'après-midi semblait grandir avec les heures et remplir tout le paysage. Il soufflait depuis

une trouée entre les montagnes, loin vers l'est, accourait du fond de l'horizon et venait bondir en cascades

parmi les pierres au soleil. Sans arrêt, il sifflait avec force à travers les ruines, tournait dans un cirque de

pierres et de terre, baignait les amas de blocs grêlés, entourait chaque colonne de son souffle et venait se

répandre en cris incessants sur le forum qui s'ouvrait dans le ciel. Je me sentais claquer au vent comme

une mâture.Albert CAMUS, Noces.Indication marquée au tableau : Djémila.

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(Le narrateur est en train de déjeuner, quand survient un visiteur inattendu, un petit lézard)

Quand j'étais enfant, j'avais toujours un ou deux lézards dans mon pupitre. Je les nourrissais avec des

mouches, dont ils sont très friands, et, comme j'avais pour attraper ces insectes des moyens supérieurs

aux leurs, mes lézards me rendaient en amitié ce que je leur donnais en nourriture.L'apparition du

charmant petit visiteur me fit donc le plus grand plaisir, et je recommandai à Goujon, qui habitait le rez-de-

chaussée et qui, par conséquent, se trouvait avec lui en relation plus directe que moi qui habitais le

premier, de faire tout ce qu'il pourrait pour l'apprivoiser : huit jours après la chose était faite, et il venait

boire dans la cuillère de Goujon sa part de notre thé ; huit jours après il mangeait des mouches dans sa

main ; enfin il en arriva à ce point de familiarité que, passant par le poignet de sa manche, il sortait par

l'ouverture de sa chemise, sur la poitrine.Alexandre DUMAS, Histoire d'un

lézard.___________________________________________________________________________

Le nom de l'auteur, le titre de l'œuvre et le nom propre "Goujon" sont inscrits au tableau.

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Un singulier enfant que mon frère Jacques ; en voilà un qui avait le don des larmes ! D'aussi loin qu'il me

souvienne, je le vois les yeux rouges et la joue ruisselante. Le soir, le matin, de jour, de nuit, en classe, à

la maison, en promenade, il pleurait sans cesse, il pleurait partout.Quand on lui disait : "Qu'as-tu ?" il

répondait en sanglotant : "Je n'ai rien." Et, le plus curieux, c'est qu'il n'avait rien. Il pleurait comme on se

mouche, plus souvent, voilà tout. Quelquefois mon père, exaspéré, disait à ma mère : "Cet enfant est

ridicule, regardez-le... c'est un fleuve." A quoi elle répondait de sa voix douce : "Que veux-tu, mon ami ?

Cela passera en grandissant ; à son âge, j'étais comme lui."En attendant, Jacques grandissait ; il

grandissait beaucoup même, et cela ne lui passait pas.D'après Alphonse DAUDET, Le Petit Chose, Le

Livre de poche, 1977, p. 14.Jacques est mentionné au tableau.

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Le journaliste arracha la bande de papier qui venait de jaillir du téléscripteur, la parcourut et apprit avec

stupeur que l'immeuble de son propre journal était en feu, que les secours étaient déjà sur place, que des

victimes avaient déjà été dénombrées et que le préfet de la région s'était rendu sur les lieux du sinistre.Un

peu perplexe quant à la crédibilité de cette information, il se pencha par la fenêtre pour en vérifier

l'exactitude. Il vit alors les effectifs de deux casernes de pompiers lutter contre des flammes s'échappant

des issues de l'immeuble avec une telle violence qu'il douta un instant que ce fussent bien des flammes.Il

reprit alors la dépêche et en lut avec plus d'attention le contenu. C'est ainsi qu'il découvrit son nom sur la

liste des rescapés. Un peu tranquillisé par cette nouvelle, il poursuivit, apaisé, la rédaction de sa chronique

hebdomadaire intitulée : "Le temps qu'il faisait hier".Claude BOURGEYX, Les Petits Outrages.

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Je suis sorti avec le soleil. Il naissait au ras des nuages, après la route. La campagne était immobile. Je

suis allé vers le cèdre et m'y suis appuyé. En face, le terrain vague se découpait nettement entre ciel et

terre. Il s'étendait jusqu'au retour de la route, deux ou trois cents mètres plus loin, et disparaissait sur la

gauche, derrière le premier virage. De l'autre côté, à trente pas du cèdre, les épaves formaient un

enchevêtrement métallique à demi dissimulé par un nuage de brume. Sept ou huit carcasses rouillées, un

amoncellement de tôles froissées, pilées, démolies, encastrées derrière une butte de terre sur laquelle

l'herbe poussait, rase. Quelque chose en elles accrocha mon regard : une couleur plus vive, un détail que

je n'eus pas le temps de définir...Dan FRANCK, Le Cimetière des fous, Flammarion,

1989.___________________________________________________________________________

Il est rappelé que les chiffres et les nombres doivent être écrits en toutes lettres, que le narrateur est un

homme et que sont copiés au tableau le nom de l'auteur, le titre et l'éditeur.

Elle était tenace et dure. Levée à cinq heures, couchée à onze, elle expédiait toutes ses affaires avec une

ponctualité, une précision et une détermination exemplaires. Autoritaire, paternaliste, n'ayant confiance en

personne, sûre de ses intuitions comme de ses raisonnements, elle avait éliminé tous ses concurrents,

s'installant sur le marché avec une aisance qui dépassait tous les pronostics, comme si elle avait été en

même temps maîtresse de l'offre et de la demande, comme si elle avait su, au fur et à mesure qu'elle

lançait de nouveaux produits sur le marché, trouver d'instinct les débouchés qui s'imposaient [...]Elle

inspectait les ateliers au pas de course, terrorisait les comptables et les dactylos, insultait les fournisseurs

qui ne respectaient pas les délais, et présidait avec une énergie inflexible des conseils d'administration où

tout le monde baissait la tête dès qu'elle ouvrait la bouche.Georges PEREC, La Vie mode d'emploi.

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Une bonne soirée

Un grand feu de broussailles et de pommes de pin flambait dans la salle. Deux couverts y étaient mis. Les

meubles arrivés sur la charrette encombraient le vestibule. Rien ne manquait. Ils s'attablèrent.On leur avait

préparé une soupe à l'oignon, un poulet, du lard et des œufs durs. La vieille femme qui faisait la cuisine

venait de temps à autre s'informer de leurs goûts. Ils répondaient : "Oh ! très bon, très bon !" et le gros

pain difficile à couper, la crème, les noix, tout les délecta. Le carrelage avait des trous, les murs suintaient.

Cependant ils promenaient autour d'eux un regard de satisfaction, en mangeant sur la petite table où

brûlait une chandelle. Leurs figures étaient rougies par le grand air. Ils tendaient leur ventre ; ils

s'appuyaient sur le dossier de leur chaise, qui en craquait, et ils se répétaient : "Nous y voilà ! quel

bonheur ! Il me semble que c'est un rêve !"Gustave FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet.

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Le train filait, à toute vapeur, dans les ténèbres.C'était par une nuit sans lune, sans air, brûlante. On ne

voyait point d'étoiles, et le souffle du train lancé nous jetait quelque chose de chaud, de mou, d'accablant,

d'irrespirable.Partis de Paris depuis trois heures, nous allions vers le centre de la France sans rien voir

des pays traversés.Ce fut tout à coup comme une apparition fantastique. Autour d'un grand feu, dans un

bois, deux hommes étaient debout. Nous vîmes cela pendant une seconde : c'était, nous sembla-t-il, deux

misérables, en haillons, rouges dans la lueur éclatante du foyer, avec leurs faces barbues tournées vers

nous, et autour d'eux, comme un décor de drame, les arbres verts, d'un vert clair et luisant, les troncs

frappés par le vif reflet de la flamme, le feuillage traversé, pénétré, mouillé par la lumière qui coulait

dedans.Puis tout redevint noir de nouveau.D'après Guy DE MAUPASSANT, La Peur, 1882.Indications

portées au tableau :- en haillons- d'après Guy de Maupassant, La Peur, 1882.

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Le soleil déclinait déjà. J'avais marché de longues heures, et rien encore sur ces plaines découvertes

n'annonçait l'approche des ruines dont je cherchais à deviner de loin la silhouette brisée sur l'horizon plat.

Je marchais depuis un moment en direction d'un boqueteau isolé et assez dru qui bordait la lagune et vers

lequel, à mon étonnement, se dirigeaient aussi les traces toutes fraîches d'une voiture, qui paraissait avoir

emprunté la piste étroite et fauché sur son passage les joncs dont j'apercevais partout les tiges brisées.

Pendant que je me perdais en conjectures sur ce qui avait pu attirer les lieutenants vers ce bois perdu, je

perçus de manière distincte, à peu de distance, le murmure surprenant d'un ruisseau ; les joncs firent

place à des arbustes entremêlés, puis au couvert d'un épais fourré d'arbres, et je me trouvai tout à coup

dans les rues de Sagra (1).Julien GRACQ, Le Rivage des Syrtes.

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Le taureau sauvage, immobile, fixait le jeune Ramsès.La bête était monstrueuse ; les pattes épaisses

comme des piliers, de longues oreilles pendantes, une barbe raide à la mâchoire inférieure, la robe brun et

noir, elle venait de sentir la présence du jeune homme. Ramsès était fasciné par les cornes du taureau,

[…] formant une sorte de casque terminé par des pointes acérées, capables de déchirer la chair de

n'importe quel adversaire.L'adolescent n'avait jamais vu de taureau si énorme.L'animal appartenait à une

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race redoutable, que les meilleurs chasseurs hésitaient à défier […].Christian JACQ, Ramsès, le fils de la

lumière, p. 13, Robert Laffont, coll. Pocket, 1995.Nom propre écrit au tableau : Ramsès.

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(On précisera, avant de dicter le texte, que la narratrice est une femme)

Un soir, en allant me coucher, j'ai fait un rêve. La maison brûlait. Je me trouvais à l'intérieur des flammes.

J'essayais d'ouvrir la porte quand j'ai entendu un chien aboyer. Ce chien, d'un seul coup, est devenu une

femme qui avait le visage de ma mère. J'aurais volontiers entamé une conversation avec elle, mais le feu

commençait à me chauffer les pieds. J'ai cogné contre la porte en criant : "Aide-moi, ma mère, donne-moi

la clef, c'est toi qui donnes tout à la maison". Ma mère avait plusieurs clefs. Elle me les a présentées en

disant : "Choisis bien. Surtout ne te trompe pas de clef". J'en ai pris une, au hasard, elle était légère

comme le temps parfois, quand il passe heureusement. En me réveillant, j'ai cherché à savoir pourquoi ma

mère morte m'avait arrachée à la mort. Cela voulait dire, peut-être, qu'elle voulait que je vive. Cette clef

qu'elle m'avait donnée était, peut-être, celle du temps à venir. Un temps heureux, j'en avais eu la preuve

en main. Un temps où la porte s'ouvrirait devant ma figure, où je serais libre et c'est ce qui est arrivé.Paula

JACQUES, Les Femmes avec leur amour, Mercure de France, 1997,chapitre VII, p. 82.

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Ce fut à peu près à ce moment-là que le bruit d'un gong, frappé avec force, remplit la maison. Il était en

effet neuf heures. Je me levai, ajustai mes vêtements et descendis précipitamment. Prévenir que la soupe

était sur la table, que dis-je, qu'elle était en train de se congeler, était toujours pour Marthe une petite

victoire et une grande satisfaction. Car habituellement j'étais à table, la serviette déployée sur ma poitrine,

émiettant le pain, taquinant le couvert, jouant avec le porte-couteau, attendant qu'on me serve, quelques

minutes avant l'heure convenue. Je m'attaquai à la soupe. Où est Jacques ? dis-je. Elle haussa les

épaules. Détestable geste d'esclave. Dites-lui de descendre immédiatement, dis-je. Devant moi la soupe

ne fumait plus. Avait-elle jamais fumé ? Elle revint. Il ne veut pas descendre, dit-elle.Samuel BECKETT,

Molloy, 1988.Ecrits au tableau : Marthe, Jacques.

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Fabrice chercha un endroit convenable pour voir sans être vu ; il s'aperçut que de cette grande hauteur,

son regard plongeait sur les jardins, et même sur la cour intérieure du château de son père. Il l'avait

oublié. L'idée de ce père arrivant aux bornes de la vie changeait tous ses sentiments. Il distinguait

jusqu'aux moineaux qui cherchaient quelques miettes de pain sur le grand balcon de la salle à manger. Ce

sont les descendants de ceux qu'autrefois j'avais apprivoisés, se dit-il. Ce balcon, comme tous les autres

balcons du palais, était chargé d'un grand nombre d'orangers dans des vases de terre plus ou moins

grands ; cette vue l'attendrit ; l'aspect de cette cour intérieure, ainsi ornée avec ses ombres bien tranchées

et marquées par un soleil éclatant, était vraiment grandiose.STENDHAL, La Chartreuse de Parme.Sont

écrits au tableau : Fabrice, Stendhal, La Chartreuse de Parme.

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La vipère bleue

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Cela faisait longtemps que les touristes ne s'arrêtaient plus devant Brahim (1) et ses serpents. Fatigués,

trop âgés, sans conviction, les serpents ne répondaient plus à la musique de leur maître charmeur. Il avait

beau changer de flûte et de mélodie, ils montraient à peine leur tête, hagards ou endormis. Une seule

solution pour rendre de nouveau le spectacle attrayant : changer d'animaux plutôt que d'instruments.

Brahim (1) décida de faire un sacrifice et acheta une vipère brillante, jeune et vive. Elle lui fut amenée d'un

village réputé pour ses reptiles. Il la caressa, la taquina, puis lui joua un morceau de sa composition. Très

douée, elle dansait de manière exceptionnelle, se tortillant à souhait, suivant le rythme avec précision,

sortant la langue pour ponctuer la séquence. Brahim (1) reprit confiance en lui-même. Les serpents étaient

séduits par la vipère bleue.Tahar BEN JELLOUN, Le premier amour est toujours le dernier. (1) Ecrire ce

nom propre au tableau.

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Un dopant est une substance nuisible à la santé, utilisée pour augmenter artificiellement les performances

au cours d'une épreuve sportive. Son utilisation, lors des compétitions, est strictement interdite, mais

l'augmentation du nombre des champions sanctionnés pour dopage montre que les sportifs professionnels

se dopent fréquemment. Les drogues les plus utilisées par les athlètes sont les amphétamines. Par leur

effet "coupe-faim", elles permettent d'abaisser le poids des jockeys, boxeurs... Elles font aussi reculer la

sensation de fatigue. Après une stimulation intense des fonctions, le sujet dopé a brutalement une

sensation d'épuisement qui peut aller jusqu'à la mort. L'utilisation des dopants est une forme de

toxicomanie qui entraîne accoutumance et dépendance.Manuel de biologie Belin troisième, p. 149.

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Parfois, échappant à ma vigilance, mon chat profite de l'enchevêtrement de la vigne vierge pour escalader

le grillage et pénétrer dans la basse-cour.Il s'approche d'abord des canards, qu'il sait pacifiques, mais ils

ont vite fait de se précipiter dans la mare.Il se tourne alors vers les poules : sa jouissance à mettre en

déroute ces grosses bêtes peureuses décuple son agilité. Il saute sur l'une, barre la retraite d'une autre,

ravi de les voir détaler en poussant des cris.Depuis quelques jours, cependant, il semble avoir renoncé à

cette amusante distraction : la semaine dernière, une poule, plus dégourdie ou plus méchante que les

autres, s'est retournée, et à son tour, s'est mise à le poursuivre, le bec férocement pointé vers l'ennemi.Le

chat n'a sauvé l'intégrité de son derrière qu'en bondissant par-dessus la clôture. Je crois que cette

aventure lui a servi de leçon.

D'après Alain PARAILLOUS, Le Chemin des cablacères, 1998.

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Au sortir du domaine, l'homme prit la direction du carrefour d'où il avait aperçu pour la première fois les

lumières du village.Elles brillaient maintenant d'un éclat plus vif, la pluie s'était arrêtée de tomber, et la

route qui, à droite, menait vers elles était tracée droit à travers des champs de vigne dont les fils de fer

brillaient par endroits.A mi-chemin environ, le cheval ralentit de lui-même et prit le pas.On approchait d'une

sorte de cabane rectangulaire dont une partie, formant une pièce, était maçonnée et l'autre, la plus

grande, construite en planches, avec un grand auvent rabattu sur une sorte de comptoir saillant.Une porte

s'encastrait dans la partie maçonnée sur laquelle on pouvait lire : "Cantine agricole Mme Jacques".De la

lumière filtrait sous la porte. L'homme arrêta son cheval tout près de la porte et, sans descendre,

frappa.CAMUS, Le Premier Homme.

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Mon père avait sa case à proximité de l'atelier, et souvent je jouais là, sous la véranda qui l'entourait.

C'était la case personnelle de mon père.Elle était faite de briques en terre battue et pétrie avec de l'eau,

ronde et fièrement coiffée de chaume. On y pénétrait par une porte rectangulaire. A l'intérieur, un jour

avare tombait d'une petite fenêtre. A droite, il y avait le lit, en terre battue comme les briques, garni d'une

simple natte en osier tressé. Au fond de la case et tout juste sous la petite fenêtre, là où la clarté était la

meilleure, se trouvaient les caisses à outils.Enfin, à la tête du lit, surplombant l'oreiller et veillant sur le

sommeil de mon père, il y avait une série de marmites contenant des extraits de plantes et d'écorces.

Camara LAYE, L'Enfant noir.

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L’arbre de vie

Quand j'étais enfant, ma grand-mère me dit un jour d'aller dans les vieux bois qui se trouvaient à proximité

de la maison de mes grands-parents au pays de Galles, d'y choisir un grand chêne bien robuste, de le

serrer aussi fort que je le pouvais et de lui demander d'être mon grand frère."L'arbre te donnera du

courage et de la force", me dit-elle.Ma grand-mère me dit aussi de me débarrasser de mes peurs et soucis

d'enfant, en les murmurant à l'arbre, et seulement à l'arbre, et que tout finirait par aller bien.En effet, tout

s'est toujours bien passé ! Elle me dit de grimper à l'arbre, jusqu'au sommet et, là, de respirer le souffle

frais et pur de l'arbre qui me donnerait une bonne santé.Ainsi il y eut toujours des arbres dans mon

enfance. L'existence des arbres allait de soi.

Clive William NICOL.

Ecrire au tableau : pays de Galles.

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Au sommet du phare

Quand nous débouchâmes à cent pieds du sol, ce fut comme un ouragan qui nous fouetta le visage, et de

tout l'horizon s'éleva je ne sais quel murmure irrité dont rien ne peut donner l'idée quand on n'a pas écouté

la mer de très haut. Le ciel était couvert. La marée basse laissait apercevoir entre la lisière écumeuse des

flots et le dernier échelon de la falaise le morne lit de l'Océan pavé de roches et tapissé de végétations

noirâtres. Des flaques d'eau miroitaient au loin parmi les varechs, et deux ou trois chercheurs de crabes, si

petits qu'on les aurait pris pour des oiseaux pêcheurs, se promenaient au bord des vases, imperceptibles

dans la prodigieuse étendue des lagunes. Au-delà commençait la grande mer, frémissante et grise, dont

l'extrémité se perdait dans les brumes.Eugène FROMENTIN, Dominique.

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Civilisation 2190 (1)

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Ils enfoncèrent hâtivement la porte à coups de talon. Ils entrèrent. C'était une grande pièce, sombre et

froide comme une caverne, aux murs tapissés de livres. L'air, à l'intérieur, avait cent ans.Des générations

d'araignées avaient tissé des milliers de toiles en vain et étaient parties ou mortes, mais les toiles étaient

restées intactes et se déposèrent sur les cheveux des hommes de La Recherche (2) du passé.Il y avait

une fenêtre, mais elle était noircie et opaque, et lorsqu'ils tentèrent de l'ouvrir, le bois se désagrégea et le

verre vola en éclats.Le vent glissa dans la pièce entre leurs jambes et souleva la poussière, et ils

reculèrent précipitamment en se frottant les yeux et en toussant. La lumière caressa les rayons, et ils

virent des teintes vives et surprenantes naître dans l'obscurité : des livres.Leurs pas laissaient des traces

dans une neige impalpable. Leurs doigts en effleurant le dos des livres les dégageaient de leur gaine

d'oubli...Gérard KLEIN, Les Perles du temps, Denoël.(1) La date sera écrite, en chiffres, au tableau. (2) On

indiquera aux élèves la présence des majuscules dans l'expression "La Recherche".

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L'hiver, cette année-là, fut terrible. Dès la fin de novembre, les neiges arrivèrent après une semaine de

gelées. On voyait de loin les gros nuages venir du nord ; et la blanche descente des flocons

commença.En une nuit, toute la plaine fut ensevelie.Les fermes, isolées dans leurs cours carrées, derrière

leurs rideaux de grands arbres poudrés de frimas, semblaient s'endormir sous l'accumulation de cette

mousse épaisse et légère.Aucun bruit ne traversait plus la campagne immobile. Seuls les corbeaux, par

bandes, décrivaient de longs festons dans le ciel, cherchant leur vie inutilement, s'abattant tous ensemble

sur les champs livides et piquant la neige de leurs grands becs.On n'entendait rien que le glissement

vague et continu de cette poussière gelée tombant toujours.Cela dura huit jours pleins, puis l'avalanche

s'arrêta. La terre avait sur le dos un manteau épais de cinq pieds.Et, pendant trois semaines ensuite, un

ciel clair comme un cristal bleu le jour, et la nuit tout semé d'étoiles qu'on aurait crues de givre, tant le

vaste espace était rigoureux, s'étendit sur la nappe unie, dure et luisante des neiges.Guy de

MAUPASSANT, Conte de Noël.

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Bock sortit, respira, s'assit sur un banc. On était en semaine, il faisait gris et froid, le jardin n'était peuplé

que de vieilles personnes et d'enfants en bas âge, avec des mères et des chômeurs. Soudain le ciel

couvert redoubla d'épaisseur, une lueur sombre tomba comme la nuit sur les choses, du vent fit courir

quelques objets légers à la surface du sol : signes avant-coureurs d'une averse qui déferla en effet

aussitôt, avec fougue.Bock courut vers un petit groupe spontanément formé sous le couvert d'un large

épicéa. Il s'essuya le visage de sa manche mouillée, croisa les bras, frictionna ses épaules sans un regard

vers les vieillards et les enfants qui tremblaient d'enthousiasme devant la pluie violente.Jean ECHENOZ,

Cherokee.

On écrira au tableau "Bock" et "épicéa".

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Simone est assise en face de moi, vêtue d'une robe à fleurs, elle aussi, les mains à plat sur la toile cirée.-

Qu'est-ce que tu veux que je te raconte ?Elle ne risque pas d'avoir un musée familial, elle : ni cave ni

grenier ; et, dans ce mouvement perpétuel que fut son existence, elle n'emportait que le minimum :

quelques meubles, quelques objets, de la vaisselle, du linge, comme ces nomades dont toutes les

propriétés tiennent dans un sac ou une malle. Ses souvenirs sont dans sa tête, et dans trois boîtes à

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chaussures qu'elle ouvre en se pourléchant un peu les lèvres, comme si elle allait y découvrir des

sucreries. Elle tâtonne un instant, puis elle en tire, comme pour me rendre hommage, mes livres qui sont

là, bien serrés, couverts de papier marron, des photos, des cartes que je lui ai envoyées, les faire-part de

naissance de mes enfants, quelques articles de journaux où on parle de moi.Jean JOUBERT.

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Je me revois, marchant dans la campagne sans pensée particulière ni but précis. La neige était tombée en

quantité énorme toute la nuit, et maintenant quelques gros flocons sans vigueur voletaient dans un ciel

absent. En quelques minutes, je perdis de vue les dernières granges et la haute ligne des pylônes qui

permettait de s'orienter par tous les temps. Je longeai un pré en pente et parvins à un petit bois. C'était là

que, dix ans plus tôt, j'allais jouer après la classe avec mon ami Jean-Marc, aujourd'hui préfet en

Bretagne. Je me souvenais qu'un matin de mai ou d'avril, alors qu'une lune pâle glissait en plein jour sur

les arbres, j'avais aperçu deux belettes qui se poursuivaient au milieu des troncs coupés. La plus avisée

signala ma présence à sa compagne par des glapissements que j'entends encore.Jean-Pierre

MILOVANOFF, Le Maître des paons, Julliard, 1997.

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Un végétarien démasqué

Elle ouvrit la porte de l'appartement avec précaution afin de ne pas troubler le travail du père et, sur la

pointe des pieds, passa devant la porte du bureau pour gagner la cuisine. La moquette étouffait

complètement le bruit des pas. Une légère odeur de graisse et de brûlé flottait dans le couloir.Avec le

même luxe de précautions, Roberte ouvrit la porte de la cuisine et resta clouée au seuil, la gorge serrée,

les yeux agrandis par l'horreur du spectacle. M. Berthaud, assis sur la table de la cuisine, les épaules

courbées sur son assiette, mangeait un biftèque saignant qu'il venait de faire sauter à la poêle. Sur son

ventre était noué le tablier de cuisine de Julia. La poêle, encore luisante d'un jus onctueux, était posée sur

le fourneau à gaz, à côté d'une assiette de beurre.Marcel AYME, Le Boeuf clandestin, Folio n° 512, p. 30.

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Grand-père dormait trop longtemps quelquefois ; son visage devenait rigide, son long nez se tirait, sa

bouche s'ouvrait en long. Christophe le regardait avec inquiétude et craignait de voir sa tête se changer en

une forme fantastique. Il chantait plus fort pour le réveiller, ou il se laissait dégringoler à grand fracas de

son talus de pierres. Un jour, il inventa de lui jeter à la figure quelques aiguilles de pin, et de lui dire

qu'elles étaient tombées de l'arbre. Le vieux le crut : cela fit bien rire Christophe. Mais il eut la mauvaise

idée de recommencer ; et, juste au moment où il levait la main, il vit les yeux de grand-père qui le

regardaient. Ce fut une méchante affaire : le vieux était solennel et n'admettait point la raillerie sur le

respect qu'on lui devait ; ils restèrent en froid pendant plus d'une semaine.Romain ROLLAND, Jean-

Christophe.

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Nous avions atteint la région des aigles. De loin en loin, nous apercevions un de ces nobles oiseaux

perché sur une roche solitaire, l'œil tourné vers le soleil, et dans cet état d'extase contemplative qui

remplace la pensée chez les animaux. L'un d'eux planait à une grande hauteur et semblait immobile au

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milieu d'un océan de lumière. Romero ne put résister au plaisir de lui envoyer une balle en matière de

carte de visite. Le plomb emporta une des grandes plumes de l'aigle, et l'aigle, avec une majesté indicible,

continua sa route comme s'il ne lui était rien arrivé. La plume tournoya longtemps avant d'arriver à terre,

où elle fut recueillie par Romero qui en orna son feutre.Les neiges commençaient à se montrer par minces

filets, par plaques disséminées, à l'ombre des roches ; l'air se raréfiait ; les escarpements devenaient de

plus en plus abrupts ; bientôt ce fut par nappes immenses, par tas énormes, que la neige s'offrit à nous, et

les rayons du soleil n'avaient plus la force de la fondre.Théophile GAUTIER, Voyage en Espagne.

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Nous étions maintenant l'escorte habituelle de la jeune fille. Une dizaine, à peu près.Tous ceux qui

l'approchaient, ceux auxquels elle parlait, ceux qui jouaient avec elle, formaient, autour d'elle, une sorte de

cour d'amour ; c'étaient ses chevaliers. Les chevaliers de Fermina Marquez, donc, étaient admirés de tous

les élèves, et peut-être même des plus jeunes parmi les surveillants. De ces belles promenades dans le

parc, nous ne rapportions plus l'odeur du tabac fumé en cachette, mais le parfum des petites Américaines.

Etait-ce le géranium ou le réséda ?C'était un parfum indéfinissable, un parfum qui faisait penser à des

robes bleues et mauves, et blanches, et roses, à de grands chapeaux de paille souple ; et à des rouleaux

et à des coquilles de cheveux noirs, et à des yeux noirs, tellement grands que le ciel doit s'y refléter tout

entier.Valéry LARBAUD, Fermina Marquez, 1911.

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" Le jour du spectacle arriva. Je pouvais prévoir tout ce qui allait se passer. J'étais dans l'indifférence la

plus complète jusqu'au moment où j'entrai dans ma loge ; alors mon cœur se mit à battre.

En scène, je fus surpris par l'extraordinaire solennité, le calme et l'ordre qui y régnaient. Après l'obscurité

des coulisses, les feux de la rampe et les projecteurs m'éblouissaient. J'étais complètement aveuglé. "

Constantin Stanislavski, La formation de l'acteur. Petite

Bibliothèque Payot, 1993.

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Mon très cher et honoré mari,

Nous venons d'avoir au château la visite du jeune baron de Rosemberg, qui s'est dit votre ami et envoyé

par vous. Bien qu'un secret de cette nature soit ordinairement gardé par une femme avec justice, je vous

dirai toutefois qu'il m'a parlé d'amour. J'espère qu'à ma prière et recommandation vous n'en tirerez aucune

vengeance, et que vous n'en concevrez aucune haine contre lui. C'est un jeune homme de bonne famille

et point méchant.

A. de Musset, Barberine, III, 11

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"Tous mes souvenirs d'enfance sont bien puérils, comme l'on voit, mais si chacun de mes lecteurs fait un

retour sur lui-même en me lisant, s'il se retrace avec plaisir les premières émotions de sa vie, s'il se sent

redevenir enfant pendant une heure, ni lui ni moi n'aurons perdu notre temps ; car l'enfance est bonne,

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candide, et les meilleurs êtres sont ceux qui gardent le plus ou qui perdent le moins de cette candeur et de

cette sensibilité primitives."

George Sand, Histoire de ma vie.

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C'était toujours les mêmes départs. La séparation d'avec la terre s'était toujours faite dans la douleur et le

même désespoir, mais ça n'avait jamais empêché les hommes de partir...Lorsque l'heure du départ

approchait, le bateau lançait trois coups de sirène, très longs, d'une force terrible, ils s'entendaient dans

toute la ville et du côté du port le ciel devenait noir. Les remorqueurs s'approchaient alors du bateau et le

tiraient vers la travée centrale de la rivière. Lorsque c'était fait, les remorqueurs larguaient leurs amarres et

revenaient vers le port. Alors le bateau encore une fois disait adieu, il lançait de nouveau ses

mugissements terribles et si mystérieusement tristes qui faisaient pleurer les gens, non seulement ceux du

voyage, ceux qui se séparaient mais ceux qui étaient venus regarder aussi, et ceux qui étaient là sans

raison précise, qui n'avaient personne à qui penser.

Marguerite DURAS, L'Amant

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Je te l'ai dit, je suis une vieille carcasse qui s'ennuie. J'ai eu tout ce qu'une vieille femme peut

raisonnablement et même déraisonnablement souhaiter. L'argent, la puissance, les amants. Maintenant

que je suis vieille, je me retrouve aussi seule que lorsque j'étais une petite fille qu'on faisait tourner en

pénitence contre le mur. Et ce qui est plus grave, je me rends compte qu'entre cette petite fille et cette

vieille femme, il n'y a eu, avec beaucoup de bruit, qu'une solitude pire encore.Toutes les femmes sont

pareilles. Ma petite Juliette, elle, sera sauvée parce qu'elle est romanesque et simple. C'est une grâce qui

n'est pas donnée à toutes.

Jean Anouilh,Le Bal des voleurs, Tableau IIRépliques de Lady Hurf.

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En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l'Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante,

les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, tout y était mélodie. Ne

me demandez plus pourquoi j'aime la Touraine. Je ne l'aime ni comme on aime son berceau, ni comme on

aime une oasis dans le désert ; je l'aime comme un artiste aime l'art ; je l'aime moins que je ne vous aime,

mais sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. Sans savoir pourquoi, mes yeux revenaient au point

blanc, à la femme qui brillait dans ce vaste jardin. Je descendis, l'âme émue, au fond de cette corbeille,

et vis bientôt un village que la poésie qui surabondait en moi me fit trouver sans pareil.

D'après Honoré de Balzac,Le Lys dans la vallée.

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Article 32*

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Les Etats reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être

astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire

à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

Article 24*

Les Etats reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de

services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit

d'avoir accès à ces services.

Article 31*

Les Etats reconnaissent à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités

récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique.

Convention Internationale des Droits de l'Enfant

* On écrit ces nombres en chiffres et pas en lettres.

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Ce miracle, M. Havard l'avait attendu jusqu'alors.Lorsqu'il vit au contraire que l'on s'arrêtait devant son

cachot, lorsqu'il comprit qu'on allait ouvrir la porte, il lui apparut brusquement que les miracles n'existaient

point, qu'il ne fallait pas les attendre, que sa dernière heure était venue.La clé tourna dans la

serrure.Lentement les rouages fonctionnaient.Il fallait peut-être une seconde pour que la porte s'ouvrît,

cette seconde devait durer un siècle pour l'agonisant qu'était M. Havard.Enfin, très lentement, le battant de

la porte s'écartait. M. Havard eut alors l'impression qu'une vive clarté illuminait la pièce.Depuis qu'il était

dans le noir, ses yeux s'étaient dilatés. Il fut ébloui par la lumière, il ne vit pas, il crut qu'il ne voyait pas

celui qui entrait...Une voix murmurait simplement :- Vous êtes bien là ?

Pierre Souvestre et Marcel Allain, Fantômas, La série rouge, 1913

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Vous aviez une grande glace qui faisait tout le mur derrière la barre, je ne sais pas pourquoi j'étais tourné

vers cette glace et je voyais l'immeuble d'en face qui se réfléchissait là, dans la lumière grise du petit

matin. A l'horizontale de nous dans cet immeuble, il y avait un homme, accoudé à sa fenêtre, qui nous

regardait en fumant, j'ai eu un coup à la tête, j'ai dit "mais c'est lui, c'est le...". Et à ce moment-là, un bruit

épouvantable, la boîte de cassoulet qui explosait dans la cuisine, on l'avait oubliée pas même ouverte sur

le camping-gaz.

Tout cela, Estelle, ça me revient, tous les détails, on a pleuré plus d'une fois ensemble, et voilà que je

repleure et c'est encore à cause de vous.

Quand on est revenus dans votre cathédrale (tu te rappelles, j'appelais votre grande pièce une

cathédrale), l'homme avait disparu et on s'est endormis sur le parquet.

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Est-ce que je fais mal de ramener tout ça ? Ma première visite chez vous, comment veux-tu que j'aie

oublié, et toi as-tu oublié, je ne veux pas le croire, non je me refuse à le croire.

Pierrette FLEUTIAUX, Nous sommes éternels, 1990

Lettre de Vlad à Estelle

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Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver, et il n'y a point de mystère là-

dedans. Le bonheur n'est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter ; si

vous l'avez bien regardé, il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur

n'est bonheur que quand vous le tenez ; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais

rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il faut

l'avoir maintenant. Quand il paraît être dans l'avenir, songez-y bien, c'est que vous l'avez déjà. Espérer,

c'est être heureux.

Alain, Propos, 18 mars 1911

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Je me mets au travail avec l'ardent désir de réaliser un bon devoir. Je décris mon attente près du poste de

garde, la lumière d'automne sur la ville, la pâtisserie, le petit chemin, la maison, la colline, le silence, parle

de mon admiration pour le chef, de sa femme et de leur petite fille, du plaisir que j'ai eu à manger à ma

faim. Ensuite, aux heures que je vis à la caserne, parfois si grises, si lourdes, si lentes à s'écouler,

j'oppose celles que j'ai connues au cours de cet après-midi, mais qui ont passé si vite que je n'ai pu les

savourer. Et je termine en essayant de recréer l'émotion qui m'a étreint à cet instant où nous étions tous

quatre sur la terrasse.

Charles Juliet, L'année de l'éveil, J'ai lu, 1988.

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Remarque : la narratrice est une jeune fille.

Ce que j'aimais le plus, c'était voir le soleil se coucher à l'ouest, sur les collines qui deviennent comme des

nuages bleus. La maison de ma mère est un appartement au sixième étage, sous les toits, sans vue et

presque sans soleil. Il y a deux petites fenêtres basses, fermées par des grillages à cause des rats. Je me

souviens ce que j'ai ressenti quand je suis entrée dans cet appartement pour la première fois. Non pas

pour passer, comme quand on va voir une pauvresse, mais pour y vivre, pour y rester des mois, des

années. Un désespoir comme jamais je n'avais imaginé, un trou noir, je tombais en arrière sans espoir de

pouvoir remonter.

C'était le plein hiver, il pleuvait, la nuit tombait tôt. La nuit semblait monter de tous les soupiraux, des

portes des maisons pour envahir les ruelles de la vieille ville.

J.M.G. Le Clézio, Printemps et autres saisons, Gallimard, 1989.

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Le bois s'épaissit, l'obscurité devint profonde. Des bouffées de vent chaud passaient, pleines de senteurs

amollissantes. Il enfonçait dans des tas de feuilles mortes, et il s'appuya contre un chêne pour haleter un

peu.Tout à coup, derrière son dos, bondit une masse plus noire, un sanglier. Julien n'eut pas le temps de

saisir son arc, et il s'en affligea comme d'un malheur.Puis, étant sorti du bois, il aperçut un loup qui filait le

long d'une haie. Julien lui envoya une flèche. Le loup s'arrêta, tourna la tête pour le voir et reprit sa course.

Il trottait en gardant toujours la même distance, s'arrêtait de temps à autre, et, sitôt qu'il était visé,

recommençait à fuir.

Gustave Flaubert, Trois contes, "La Légende de saint Julien l'Hospitalier".

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Un jour, bien des années auparavant, quand la forêt recouvrait beaucoup plus de terres et qu'elle

s'étendait dans toutes les directions, quand les hommes ne pensaient pas encore à abattre les arbres pour

planter le cacao, qui n'était pas encore arrivé d'Amazonie, Jeremias se réfugia dans cette forêt. C'était un

jeune noir qui fuyait l'esclavage. Les chasseurs d'esclaves le poursuivaient ; il pénétra dans la forêt

habitée par les Indiens et jamais plus n'en sortit.

Jorge AMADO, Les Terres du bout du monde, trad. I. Meyrelles, Gallimard, 1994.

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Vers 1900, un camarade de classe présente à Marcel Pagnol un nouvel objet.

Il m'expliqua que cet appareil s'appelait un "stylographe", que son père le lui avait rapporté d'Angleterre, et

qu'il permettait d'écrire pendant une semaine sans s'arrêter ; enfin, quand il était vide, on pouvait le remplir

de nouveau en tirant sur une sorte de piston.Il voulut m'en montrer le fonctionnement : mais il n'était pas

encore très habile au maniement de cette mécanique anglaise, et ne réussit qu'à lancer un jet soudain

d'encre indélébile sur son magnifique cahier neuf.J'en ressentis un si vif plaisir que je lui pardonnai

aussitôt la possession d'une merveille dont il ne saurait jamais se servir.

Marcel Pagnol, Le Temps des Secrets.

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Duroy marmottait toujours : "Quand on commandera feu, j'élèverai le bras". Et il pensa qu'un accident de

voiture arrangerait tout. Oh ! Si on pouvait verser, quelle chance ! S'il pouvait se casser une

jambe ! Mais il aperçut au bout d'une clairière une autre voiture arrêtée et quatre messieurs qui

piétinaient pour s'échauffer les pieds ; et il fut obligé d'ouvrir la bouche tant sa respiration devenait

pénible. Les témoins descendirent d'abord, puis le médecin et le combattant. Rival avait pris la boîte aux

pistolets et il s'en alla, avec Boisrenard, vers deux des étrangers qui venaient à eux. Duroy les vit se

saluer avec cérémonie puis marcher ensemble dans la clairière en regardant tantôt par terre et tantôt dans

les arbres, comme s'ils avaient cherché quelque chose qui aurait pu tomber ou s'envoler. Puis ils

comptèrent des pas et enfoncèrent avec grand-peine deux cannes dans le sol gelé. Ils se réunirent

ensuite en groupe et ils firent les mouvements du jeu de pile ou face, comme des enfants qui s'amusent.

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Guy de Maupassant, Bel-Ami