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Jean-Louis Chiss Jacques David Yves Reuter (sous la direction de) Pratiques pédagogiques Fondements d’une discipline Didactique du français

Didactique du français - Decitre.fr · Le projet reste inspiré par la nécessité de mieux formaliser les acquis et les problèmes de cette discipline en plein essor (multiplication

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Jean-Louis ChissJacques David

Yves Reuter(sous la direction de)

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Fondements d’une discipline

Didactique du français

Didactique du français

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Collection dirigée par Jean-Marie DE KETELE et Antoine ROOSEN.

Tous ceux qui, déjà dotés d’une bonne formation théorique, sont amenés à travailler sur le terrain : formateurs, formateurs de formateurs, chercheurs dans l’action, décideurs, …

vont trouver ici des ouvrages qui ne décrivent pas seulement de nouvelles pratiques ou de nouveaux outils, mais qui en exposent aussi les fondements.

Prat

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ique

sJean-Louis Chiss

Jacques DavidYves Reuter

(sous la direction de)

Fondements d’une discipline

Didactique du français

Pour Blaise, le vrai…

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur sa, 2015 3e éditionFond Jean Pâques, 4 – B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : septembre 2015 ISSN 1373-0258Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles: 2015/13647/097 ISBN 978-2-8073-0044-6

Sommaire

Introduction

9

Jean-Louis Chiss, Jacques David, Yves Reuter

Première partie

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES

13

Chapitre 1 Quelques repères, perspectives et propositions pour une didactique du français dans tous ses états 15

Michel Dabène

Chapitre 2 Quelle place pour la didactique de la littérature ? 35

Georges Legros

Chapitre 3 De l’utilité de la « transposition didactique » 47

Bernard Schneuwly

Chapitre 4 Interaction : une problématique à la frontière 61

Jean-François Halté

Deuxième partie

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE

77

Chapitre 5 Sciences du langage : le retour 79

Jean-Louis Chiss

Chapitre 6 Didactique du français langue maternelle : approche(s) « cognitiviste(s) » ? 95

Dominique-Guy Brassart

Chapitre 7 Socio-logiques des didactiques de la lecture 119

Jean-Marie Privat

Chapitre 8 Développement, compétences et capacités d’action des élèves 135

Jean-Paul Bronckart

6

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS

Troisième partie

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS

149

Chapitre 9 Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » 151

André Petitjean

Chapitre 10 Langues maternelle, étrangère, seconde : une didactique unifiée ? 169

Suzanne-G. Chartrand et Marie-Christine Paret

Chapitre 11 Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales 179

Jacques David

Chapitre 12 Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur 193

Dominique Bucheton

Synthèse

Didactique du français : éléments de réflexion et de proposition 211

Yves Reuter

Bibliographie générale

235

Index thématique

241

Table des matières

243

Auteurs

Dominique-Guy B

RASSART

, Université Lille 3, Institut universitaire de formation des maitres du Nord-Pas-de-Calais

Jean-Paul B

RONCKART

, Université de Genève

Dominique B

UCHETON

, Institut universitaire de formation des maitres de Montpellier

Suzanne-G. C

HARTRAND

, Université Laval, Québec

Jean-Louis C

HISS

, Université Paris 3, Sorbonne Nouvelle

Michel D

ABÈNE

, Université Stendhal, Grenoble 3

Jacques D

AVID

, Institut universitaire de formation des maitres de Versailles-Cergy

Jean-François H

ALTÉ

, Université de Metz

Georges L

EGROS

, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur

Marie-Christine P

ARET

, Université de Montréal

André P

ETITJEAN

, Université de Metz

Jean-Marie P

RIVAT

, Université de Metz

Yves R

EUTER

, Université Lille 3

Bernard S

CHNEUWLY

, Université de Genève

Introduction

Jean-Louis CHISS, Jacques DAVID, Yves REUTER

Didactique du français. Fondements d’une discipline

est la réédition d’unouvrage de référence paru en 1995 dont des restructurations éditoriales ontrendu la durée de vie trop brève. Les coordinateurs de l’ouvrage et lesauteurs, en accord avec la communauté des chercheurs en didactique dufrançais réunie au sein de l’AIRDF

1

, ont considéré que l’essentiel des grandesorientations et thématiques de ce travail n’avaient rien perdu de leur actualitéet de leur pertinence. La présente édition a été néanmoins entièrement revueet corrigée et a fait l’objet dans certains de ses chapitres de refontes et deréécritures destinées à maintenir voire amplifier la cohérence d’ensemble.

Le projet reste inspiré par la nécessité de mieux formaliser les acquis et lesproblèmes de cette discipline en plein essor (multiplication des équipes derecherche, des thèses, des revues, des collections, place dans les concoursde recrutement…), soucieuse de ses fondements épistémologiques et de sondéveloppement historique

2

.

L’ouvrage est organisé en trois grandes parties confrontant d’abord la didac-tique du français à sa structuration interne et à sa place au sein des didacti-ques disciplinaires, ensuite à ce qu’il est convenu d’appeler les « disciplinesde référence », enfin à ses évolutions institutionnelles et praxéologiques.

Dans la première partie, il est question des représentations et des modélisa-tions de la didactique du français langue maternelle (désormais DFLM) enrelation avec les disciplines scolaires, les disciplines connexes et certainsdes concepts clés qui fondent la discipline. Michel Dabène analyse ainsi, autravers de vingt-cinq années de recherches en DFLM et DFLE (Didactique duFrançais Langue Étrangère), l’évolution des modèles proposés et leur ouver-ture à des théories de référence différentes. Il insiste sur le rejet de l’appli-cationnisme et sur l’importance de la formalisation des situationsd’enseignement-apprentissage incluant les pratiques langagières et les

1. Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français (nouveau nom de l’AIDR-DFLM, Association Inter-nationale pour le Développement de la Recherche en Didactique du Français Langue Maternelle). Siège social : Univer-sité de Lille 3, UFR des Sciences de l’Éducation, Domaine Universitaire du Pont de Bois, F-59650 Villeneuve d’Ascq.

2. De l’organisation des journées d’étude à l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud en septembre 1994 en passant par celles del’Université de Poitiers en janvier 2000 (cf.

Questions d’épistémologie en didactique du français – langue maternelle,langue seconde, langue étrangère,

Textes réunis par M. Marquilló Larruy, Les Cahiers FORELL, Université de Poitiers,2001), jusqu’au 9˚ Colloque international de l’AIRDF en août 2004 à l’Université Laval (Québec), les réflexions n’ontpas manqué sur les aspects théoriques, institutionnels et disciplinaires de la didactique du français.

10

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS

représentations sociales des enseignants et des apprenants pour aboutir à« une didactique du français dans tous ses états ». Georges Legros pose,pour la littérature, la question des relations entre contenus et valeurs et cellede la prise en compte éventuelle de ces dernières. Il questionne ainsi l’unitéde la DFLM. Peut-on parler d’une seule didactique ou de plusieurs didacti-ques spécifiques selon leur objet (orthographe, langue, texte, lecture, écri-ture… et littérature) ?

À cette interrogation « interne » font écho des interrogations plus transversa-les. Bernard Schneuwly montre, au-delà des débats nécessaires, l’intérêt dela notion de transposition didactique en tant que concept opératoire pourpenser les relations entre savoirs savants, savoirs à enseigner, savoirs ensei-gnés, savoirs appris. Jean-François Halté, quant à lui, explore les rapportsentre didactique du français et didactique générale à partir des concepts decommunication et d’interaction (qui fonctionnent comme cadres des relationsdans la classe, comme cadres de l’apprentissage et comme objets de savoirpossibles) en insistant sur la « matrice disciplinaire » du français (ses objetset objectifs centraux) qui s’organise de plus en plus autour de la productionet de la réception des discours oraux et écrits.

La deuxième partie du livre concerne les relations entre la didactique du fran-çais et les disciplines que celle-ci prend comme référence(s). Trois cas sontexaminés de façon précise. Jean-Louis Chiss analyse la relation, classiquedans notre champ, aux sciences du langage et plus particulièrement à la lin-guistique. Il insiste, au travers de recherches importantes et novatrices, sur lanécessité de repenser les savoirs linguistiques dans la perspective de l’ensei-gnement du français et sur le jeu nécessaire entre justesse théorique et perti-nence didactique. Dominique-Guy Brassart étudie les intérêts et les limitesde la référence – très en vogue depuis plusieurs années – à la psychologiecognitive. Il soulève ainsi des problèmes liés aux types de connaissances(procédurales/déclaratives…) et aux modes d’enseignement-apprentissage(avec notamment le regain d’intérêt pour l’enseignement par instructiondirecte). Jean-Marie Privat se situe dans un autre cadre : celui de la sociolo-gie et de l’ethnologie. Le renouveau des recherches dans ces secteurs per-met de mieux saisir les pratiques et les objets (lectures, écritures, textes…)dans leur dimension culturelle, ainsi que les variations de leurs modesd’appropriation. Ces trois contributions posent, de fait, des questions crucia-les qui structurent des débats passionnés dans le champ de la didactique dufrançais. La DFLM doit-elle se référer à une ou plusieurs disciplines ? Enfonction de quels critères ? Selon quelles modalités ?

Jean-Paul Bronckart clôt cette partie par une analyse historique-critique desgrands courants de la psychologie (le behaviorisme, le constructivisme,l’interactionnisme social) en examinant, à l’aide de critères tels que le typed’interprétation ou la conception du développement, leur pertinence pour ladidactique. Ce genre d’analyse est sans nul doute nécessaire pour toutes lesdisciplines dites de référence.

Introduction

11

La troisième partie est consacrée à l’histoire et au fonctionnement du champde la didactique du français. André Petitjean étudie ainsi les permanences etles modifications de l’exercice de « rédaction », et plus particulièrement dugenre descriptif dans l’entre-deux-guerres. Suzanne-G. Chartrand et Marie-Christine Paret comparent les fonctionnements et les évolutions de la DFLM,de la DFLE et de la DFLS (Didactique du Français Langue Seconde). On nepeut que s’interroger, à l’issue de ce parcours critique, sur leur autonomierespective ou leur intégration possible dans une didactique du français« unifiée » qui fait toujours débat mais dont les bénéfices heuristiques noussemblent appréciables. Jacques David s’intéresse aux acteurs et aux institu-tions. Dans cette perspective, il reprend l’évolution actuelle du champ de ladidactique du français en interrogeant les positions et les logiques de fonc-tionnement d’institutions ou de groupes tels que les centres de rechercheuniversitaires, l’Institut National de la Recherche Pédagogique, les revues, lescollections, etc. Quant à Dominique Bucheton, elle tente, au travers desquestions liées à l’oral, à la littérature, à la lecture-écriture, de mieux com-prendre comment la didactique se construit au confluent des métiersd’enseignant, de formateur et de chercheur. Ces deux contributions expli-quent sans doute – au moins en partie – les différences de positions, de prio-rités, voire de modalités de recherche, en relation avec les places, lespratiques et les formes d’évaluation des acteurs et des groupes concernés.

En conclusion, Yves Reuter propose une double synthèse. D’une part, ilreprend les sept points qui avaient structuré sa réflexion initiale : la définitionde la didactique du français, la question des méthodes, l’histoire, les objectifset les pratiques, les concepts spécifiques, les disciplines connexes et les dis-ciplines de référence ; d’autre part, il évoque les dimensions qui marquentaujourd’hui la didactique du français : tensions institutionnelles, définition dela discipline scolaire, relations entre didactique et discipline scolaire, inven-taire des principaux pôles de recherche.

Cet ouvrage a donc pour ambition de construire une cartographie de ladidactique du français en privilégiant les situations de « langue maternelle »mais en s’ouvrant aux grands débats de l’ensemble de la didactique des lan-gues. Les avancées des recherches, les représentations de l’histoire de notrediscipline, l’organisation de ses composantes et de ses relations aux contex-tes scientifiques et culturels sont au centre des investigations des auteurs dedifférents pays (Belgique, France, Suisse, Québec) et de différents courantsqui ont contribué à ce volume. Il pourra ainsi servir d’instrument de référence,de jalon dans une histoire, voire de cadre pour objectiver les positions dans lacommunauté des chercheurs. Il sera surtout utile aux formateurs, aux ensei-gnants et aux étudiants qui saisiront mieux ainsi les logiques théoriques etpratiques à l’œuvre dans les revues, les ouvrages de formation et les manuelsd’enseignement.

Les quatre contributions réunies dans cette première partie se situent cha-cune à leur manière face à la question d’une hypothétique spécificité de ladidactique du français vis-à-vis d’autres didactiques disciplinaires : didacti-que des disciplines scolaires en général, des langues en particulier. Il s’agit àla fois de faire le parcours qui va des

représentations

de la DFLM à ses possi-bles

modélisations

et de marquer les places, les frontières, et les recouvre-ments possibles entre les différents champs. Ce n’est pas d’aujourd’hui quese travaille la thématique des particularités et transversalités au sein de ladidactique des langues (dont le français langue étrangère), et c’est une ques-tion récurrente que celle des rapports entre didactique de la langue et didac-tique de la littérature subsumées ou non dans le projet global d’unedidactique du français. Même si la question littéraire n’est pas la seule à por-ter les enjeux culturels de notre didactique, il est clair qu’elle interroge plusfortement et de manière décisive les valeurs qu’implique tout enseignement-apprentissage du « français » ou d’une autre langue, et plus généralementtoute démarche éducative.

Chacun de manière différenciée et pertinente, les concepts d’

interaction

etde

transposition didactique

apparaissent centraux dans la réflexion ici déve-loppée. L’

interaction

parce qu’elle concerne précisément la redistributiondes champs de savoirs (dont les sciences du langage) impliqués par la didac-tique du français et la position même du problème constitué par le coupledidactique-pédagogie. La

transposition didactique

parce que nul ne peutignorer le besoin d’un concept heuristique dans le dispositif savoirs savants-savoirs scolaires, concept qu’il s’agit de lire et de traiter à sa mesure et deconfronter éventuellement à d’autres modalités d’appréhension du dispositif.

Cette première partie prétend ainsi, sans comparaison terme à terme avecd’autres didactiques, sans volonté d’articulation ou de globalisation systéma-tique, s’interroger, du point de vue de la recherche en DFLM, sur la capacitéde cette didactique à constituer son appareil théorique et méthodologique.

Première partie

Didactique du français : concepts, modèles, frontières

Michel D

ABÈNE

Le domaine de la didactique du français

1

est, depuis des décennies, divisé,on le sait, en deux grandes propriétés respectivement dénommées françaislangue maternelle (dorénavant FLM) et français langue étrangère, cette der-nière voisinant depuis quelque temps déjà avec français langue seconde(dorénavant FLE/FLS)

2

. Parler de « propriétés » n’est pas seulement uneimage, tant il est vrai que les préoccupations institutionnelles de délimitationde territoire l’ont pendant longtemps emporté sur les aspects épisté-mologiques.

Il s’agira d’examiner ici quelques-unes des conditions dans lesquelles cesdifférents domaines pourraient s’articuler au sein d’une même discipline derecherche, la didactique du français, elle-même sous-ensemble de la didacti-que des langues.

À cette fin, il ne me paraît pas inutile de rappeler, ne serait-ce que de façoncavalière et pour mémoire, quelques étapes dans la constitution (ou des ten-tatives de constitution) de leurs modèles respectifs au cours de ces dernièresannées.

Quelques repères, perspectives et propositions pour une didactique du français dans tous ses états

1. Version revue et corrigée en janvier 2003 de l’article initialement intitulé dans la première édition de ce livre :

Quelquesétapes dans la construction des modèles de la didactique du français

.2. La distinction FLE-FLS ne s’est généralisée que dans les années 1990, notamment sous l’influence des travaux de J.-P.

Cuq (1991). Compte tenu du propos de cet article, il n’est pas utile de distinguer, à ce stade, ces deux sous-domainesque l’on retrouvera dans le modèle évoqué à la fin de cette contribution.

1

16

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES

Les années 1980-1990 ont été fertiles en mises en perspective historique :dans le domaine du FLE/FLS en témoigne la création en 1988 de la SociétéInternationale pour l’Histoire du français langue étrangère ou seconde (SIH-FLES). Les travaux de Sophie Moirand (1988), Daniel Coste (1987, 1994),Christian Puren (1988), et, dans le domaine du FLM, les recherches menéesau sein de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP), en particulierdans les équipes pilotées par Hélène Romian ou Jean-Claude Chevalier et,plus récemment, les travaux, colloques et publications de l’Association pourle développement de la recherche en didactique du français langue mater-nelle (DFLM)

3

, sont autant d’entreprises d’envergure qui permettent aux cher-cheurs d’aujourd’hui de se situer dans une évolution en tenant compte desacquis.

Il est vrai que ces mises en perspective se sont construites, la plupart dutemps, séparément, comme si DFLM et DFLE/FLS constituaient deux territoi-res ne souffrant aucune incursion, pas même de frontaliers. Il est vrai aussiqu’il fallait mettre d’abord en lumière leurs spécificités pour éviter tout amal-game et sortir définitivement de l’époque où enseigner le français ici ouailleurs était considéré comme une seule et même entreprise.

De ce point de vue, peu de choses ont changé : les spécificités demeurent,très fortes. Il est cependant devenu possible de ne pas les rigidifier dans desoppositions irréductibles et de reparcourir ces deux territoires en se plaçantdu point de vue de la diversité des situations d’enseignement-apprentissage.

Pour éclairer l’histoire des relations entre la DFLM et la DFLE/FLS, on peutprendre, de façon partielle et sûrement partiale

4

, quelques points de repères,dans les trente dernières années en France

5

, en privilégiant ceux qui ont unevaleur épistémologique et qui attestent des tentatives de modélisation et destructuration disciplinaires. Une approche externe, fondée sur les indicateursque constituent quelques formalisations visibles du champ (les schémas etmodèles

6

) dans les années 1970, puis au cours de la décennie 80 et jusqu’àaujourd’hui, fournit des pistes de réflexion fécondes. Étant entendu que lechamp disciplinaire se construit aussi à travers l’ensemble des discours desdidacticiens

7

et pas seulement dans les tentatives de modélisation qu’en ontproposées certains auteurs.

3. Pour éviter toute confusion entre la didactique du domaine considéré et l’Association qui le revendique, je parlerai deDFLM dans le premier cas et de l’Association DFLM dans le second, association aujourd’hui dénommée AIRDF.

4. On aura compris que cette contribution n’est pas œuvre d’historien mais témoignage d’un transfuge (?) qui est passéd’un domaine (DFLE) à l’autre (DFLM), et s’est donc rendu suspect des deux côtés !

5. Voir aussi ici-même la contribution de S.-G. Chartrand et M.-C. Paret.6. En gardant en mémoire le propos d’O. Ducrot rappelé par Verrier dans Coste (1994) : « l’inadéquation faisant la force

principale des modèles, l’indiscipline est le secret de leur utilisation » et en faisant, sans doute à tort, l’impasse sur les dis-tinctions qu’il serait utile d’introduire entre ces deux notions.

7. Comme le soulignait D. Coste (1989), lorsqu’il définissait la didactique comme « un ensemble de discours portant(directement ou indirectement) sur l’enseignement des langues ».

Quelques repères, perspectives et propositions

17

Cette réflexion rétrospective s’intègre à une démarche prospective et à desinterrogations sur le statut de la (ou des) didactique(s) du français, sur unfond de remises en questions de la pertinence des notions de langue mater-nelle et de langue étrangère ou seconde8. J’exposerai, à ce sujet, quelqueshypothèses de travail concernant la constitution d’un champ unifié de recher-che en didactique du français ; dans une perspective variationniste et autourde la notion de situation d’enseignement-apprentissage.

A ■ Histoires d’identités ?

Si les dénominations disciplinaires ont bien une valeur d’annonce, force estde constater que les domaines de la didactique du français sont aujourd’huibalisés de façon confuse, comme l’attestent les diverses appellations enusage et les domaines mouvants qu’elles recouvrent dans leurs usages hexa-gonaux. Est-ce le signe d’un malaise épistémologique ou simples fluctua-tions terminologiques ? Entrent aujourd’hui en concurrence au moins quatrebannières. Deux d’entre elles sont centrales : la didactique du français languematernelle et la didactique du français langue étrangère ou seconde. Lesdeux autres sont substitutives : la didactique du français et la didactique deslangues. On note cependant des régularités dans la variation terminologique.L’Association DFLM s’autorise de plus en plus la dénomination générique dedidactique du français9 mais jamais la DFLE/FLS qui, par contre, utilisevolontiers et depuis longtemps la dénomination générique de didactique deslangues10.

Comment interpréter ces flottements ? Indépendamment des revendicationsidentitaires qui sont sous-jacentes, peut-on y voir aussi un manque de théori-sation des relations entre discipline de recherche, champs et domainesd’application ? Il est vrai que la hiérarchisation entre ces trois niveaux met enjeu des choix épistémologiques rarement explicités tout en renvoyant à desenjeux institutionnels qui peuvent rendre compte des cloisonnements persis-tants. On observe cependant des rapprochements significatifs non seule-ment entre la DFLM et la DFLE/FLS, sur lesquels je reviendrai, mais aussi, etce n’est pas étranger à mon propos, entre la DFLE/FLS et la didactique deslangues étrangères enseignées dans l’institution scolaire11, et entre la DFLM

8. Sur ce point, voir entre autres L. Dabène (1994).9. Voir le titre de l’ouvrage de J.-F. Halté (1992), celui de cet ouvrage et le changement de la dénomination de l’Associa-

tion DFLM qui a abandonné la mention LM.10. Le Dictionnaire de didactique des langues paru en 1976 n’a pour auteurs que des francisants œuvrant dans le domaine

du FLE, à l’exception de D. Girard et F. Debyser, respectivement angliciste et italianiste de formation. On trouve dansD. Coste (1994) comme un remords devant cette appropriation lorsqu’il écrit : « l’histoire récente de la didactique deslangues ou, du moins, du français langue étrangère vu de France… »

11. On peut de plus en plus constater la présence de didacticiens du FLE/FLS dans des instances de recherche de didacti-ciens des langues étrangères comme l’Association des chercheurs et enseignants en didactique des langues étrangères(ACEDLE).

18 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES

et la didactique de ces mêmes langues enseignées dans leurs pays d’ori-gine12.

C’est, à n’en pas douter, l’annonce d’une nécessaire recomposition duchamp des didactiques qui se donnent pour objets les langues, les textes etles discours.

B ■ Histoires de schémas et modèles13

Un rapide coup d’œil sur quelques modèles de la constitution de la didacti-que des deux domaines du français nous donne des indications significativesqui recoupent des analyses faites par ailleurs.

On peut distinguer en gros deux périodes, dans la double perspective del’évolution des conceptions de la didactique et de l’évolution de ses deuxdomaines constitutifs :

Les années 1970 sont dominées à la fois par le souci de théoriser le champde la didactique des langues et par les tentatives de constitution du domainede la didactique du FLE (on parle peu alors du FLS). Pendant cette période ledomaine du FLM est peu préoccupé par ces interrogations épistémologiques :l’enseignement du français en France, s’il doit être réformé, n’est pas consi-déré comme devant se légitimer en tant que domaine de recherche et d’inter-vention.

Le souci de rénovation est cependant commun aux deux domaines, qu’ils’agisse de la percée des nouvelles méthodes d’enseignement du françaisaux non-francophones (audio-orales, audio-visuelles, structuro-globales)dont on accepte alors qu’il soit considéré comme français langueétrangère14, ou du Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’écoleélémentaire, dit Plan Rouchette15.

Mais dans le domaine du FLM le concept de didactique n’a pas encore émergé.Ni les revues spécialisées de cette époque, telles que Le français aujourd’hui,

12. Pour une tentative sommaire et provisoire de clarification, voir M. Dabène (1993-b).13. Voir note 6.14. L’appellation « français langue étrangère » ne s’est pas imposée sans mal au cours des années 1960 : on se souvient

des réticences des gardiens de l’Institution à admettre cette dénomination à un moment où, par ailleurs, le français fon-damental (à l’origine « français élémentaire »), résultat des enquêtes sur le français parlé menées sous la direction deGougenheim et Rivenc, avec la collaboration de Michéa et Sauvageot, était considéré par les mêmes comme « françaisde la rue ».

15. Du nom du président de la Commission, l’inspecteur général Marcel Rouchette. La préparation de ce Plan (1964-1969)et sa publication officielle dans la revue Recherches pédagogiques n° 47 (janvier 1971) ont donné lieu à de violentespolémiques. La version originale, fortement contestée par les tenants du statu quo et plusieurs fois amendée avant publi-cation, au sein même de la Commission, a été publiée en février 1971 dans L’Enseignement public, organe de la Fédé-ration de l’Éducation Nationale (FEN) en guise de protestation contre ce que l’on estimait, à juste titre, être des censures.

Table des matières

Sommaire 5

Auteurs 7

Introduction 9Jean-Louis Chiss, Jacques David, Yves Reuter

Première partieDIDACTIQUE DU FRANÇAIS : CONCEPTS, MODÈLES, FRONTIÈRES 13

Chapitre 1 Quelques repères, perspectives et propositions pour une didactique du français dans tous ses états 15Michel Dabène

A ■ Histoires d’identités ? 17

B ■ Histoires de schémas et modèles 18

C ■ Spécificités et transversalités d’aujourd’hui 24

D ■ Quelques arguments et conditions pour une didactique du français 26

Références bibliographiques 29

Annexe 31

Chapitre 2 Quelle place pour la didactique de la littérature ? 35Georges Legros

A ■ Professeur de lettres ou enseignant de français ? 35

B ■ Savoirs ou savoir-faire ? 37

C ■ Littérature ou (types de) textes ? 39

D ■ Refonder l’objet : extension, spécificité, nécessité 41

E ■ Rendre sens au singulier défini 44

246 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS

Chapitre 3 De l’utilité de la « transposition didactique » 47Bernard Schneuwly

A ■ L’étonnant investissement affectif d’un concept 47

B ■ Petit (mal-)traité du concept 48

C ■ Les savoir-faire ou les pratiques sociales de référence : toujours des savoirs 50

D ■ Disciplines de référence et transposition descendante et ascendante : la DFLM comme prototype 53

E ■ Je transpose bien, tu transposes mal ou la transposition se fait derrière notre dos 55

F ■ L’enseignement comme condition nécessaire du développement 57

Références bibliographiques 58

Chapitre 4 Interaction : une problématique à la frontière 61Jean-François Halté

A ■ Trois approches des interactions à fonction didactique 611 L’importance du cadre communicationnel pour l’apprentissage 632 L’interaction comme « activité même » de l’apprentissage dirigé 633 L’objet du discours et l’histoire interactionnelle 664 Les champs impliqués dans la recherche 66

B ■ Didactique et pédagogie 691 La matrice disciplinaire du français 692 La métadidactique et le travail ordinaire du didacticien 703 Didactique générale ? 724 Pour une didactique praxéologique 73

Deuxième partieDIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET DISCIPLINES DE RÉFÉRENCE 77

Chapitre 5 Sciences du langage : le retour 79Jean-Louis Chiss

A ■ Penser l’état des lieux : applications et effets en retour 80

B ■ Deux questions pour la didactique du français 81

C ■ Traitement des contenus : le malentendu 84

D ■ De quelques avancées pour l’étude de la langue 87

Références bibliographiques 92

Table des matières ■ 247

Chapitre 6 Didactique du français langue maternelle : approche(s) « cognitiviste(s) » ? 95Dominique-Guy Brassart

A ■ « Révolution cognitive » et didactique des disciplines 97

B ■ Connaissances déclaratives, connaissances procédurales 99

C ■ « À connaissances procédurales, didactique procédurale » 104

D ■ Didactique déclarative : la procéduralisation des connaissances déclaratives 107

E ■ De la pluralité des modèles de l’expertise et du développement-apprentissage à une didactique cognitive différentielle ? 109

F ■ Conclusion 113

Références bibliographiques 115

Chapitre 7 Socio-logiques des didactiques de la lecture 119Jean-Marie Privat

A ■ Lire, un devoir d’élève 119

B ■ Lire, un plaisir personnel 121

C ■ Lire, une pratique culturelle socialisée 1231 Les apprentissages culturels 1262 Les appropriations culturelles 128

Chapitre 8 Développement, compétences et capacités d’action des élèves 135Jean-Paul Bronckart

A ■ La problématique du développement psychologique 1361 Le behaviorisme 1362 Le constructivisme piagétien 1373 Le cognitivisme orthodoxe 1394 L’interactionnisme vygotskien 141

B ■ Bref retour à la didactique 144

Références bibliographiques 147

Troisième partieDIDACTIQUE DU FRANÇAIS : HISTOIRE, INSTITUTIONS, ACTEURS 149

Chapitre 9 Variations historiques : l’exemple de la « rédaction » 151André Petitjean

A ■ 1923 1521 La composition de phrases 1522 La composition de textes 154

248 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS

B ■ 1938 1611 Les finalités de la rédaction 1612 Les représentations du scripteur 1623 La conception de l’écriture 163

Références bibliographiques 164

ANNEXE 1 164

ANNEXE 2 166

Chapitre 10 Langues maternelle, étrangère, seconde : une didactique unifiée ? 169Suzanne-G. Chartrand et Marie-Christine Paret

A ■ En quoi la DFLM est-elle une discipline autonome et spécifique ? 170

B ■ Conceptualiser les notions de FLM, de FLS et de FLÉ ou « dénaturaliser les évidences » 172

1 Français langue seconde et français langue étrangère 1722 Français langue maternelle 173

C ■ Le « système didactique » du FLM et ceux du FLS et FLÉ 1731 Les savoirs à enseigner et enseignés dans la classe de français 1742 Le pôle enseignant ou la problématique de l’intervention didactique 1753 Le pôle élèves ou la problématique de « l’appropriation didactique » 176

D ■ Des rapprochements entre DFLM et DFLS ou DFLÉ sont nécessaires 177

Références bibliographiques 177

Chapitre 11 Positions actuelles et évolutions institutionnelles et éditoriales 179Jacques David

A ■ Les lieux de recherche 180

B ■ Les lieux de décision institutionnels 184

C ■ Les lieux de formation 188

D ■ Les lieux d’édition 190

Chapitre 12 Au carrefour des métiers d’enseignant, de formateur, de chercheur 193Dominique Bucheton

A ■ Un débat largement ouvert 1931 Un débat banal, inévitable en termes de places institutionnelles 1942 Un débat nécessaire sur les valeurs et les finalités de la DFLM 1943 Des questions épistémologiques 1954 La question du rôle des acteurs du champ 196

B ■ Postulats pour une DFLM centrée sur le sujet et son rapport au langage et aux textes 197

Table des matières ■ 249

1 Premier postulat : l’ancrage social de l’action didactique et les choix nécessaires 197

2 Deuxième postulat : la DFLM traite du langage et donc du « sujet » 2002.1 Prendre en compte l’hétérogénéité psycho-socio-culturelle

des élèves pour permettre la construction du sens des savoirs 2002.2 Penser dialectiquement la singularité ! 2012.3 Penser les situations d’enseignement

comme des situations d’échange, des situations de parole (ce qui est différent d’enseigner la communication) 202

C ■ La situation didactique en français : complexité, spécificité 2031 Penser ensemble l’interaction de paramètres hétérogènes 2032 Bilan succinct 2033 Questions en chantier 204

3.1 De la nécessité de penser conjointement le développement, l’enseignement et l’apprentissage 205

3.2 L’interdépendance des savoirs et des savoir-faire 2053.3 La question de l’identité de la discipline et de ses contours 206

D ■ De quelques questions polémiques 2071 Le nécessaire dialogue entre les acteurs 2072 Producteurs de savoirs, l’enseignant de terrain

et le formateur le sont aussi, à leur manière 2083 Le chercheur, à sa façon, est aussi dans l’intervention didactique 2084 La question de la diffusion des savoirs 209

SynthèseDidactique du français : éléments de réflexion et de proposition 211

Yves Reuter

A ■ La synthèse de 1994 211

B ■ Définir la didactique du français ? 212

C ■ La question des méthodes 213

D ■ Quant à l’histoire 215

E ■ À propos des objets et des pratiques 217

F ■ De quelques concepts 220

G ■ Les disciplines connexes 221

H ■ Les disciplines de référence 222

I ■ La didactique du français, 10 ans plus tard 2241 Tensions institutionnelles 2252 La définition de la discipline scolaire 2253 Les relations entre didactique et discipline scolaire 2294 Les pôles des recherches en didactique 230

Références bibliographiques 232

250 ■ DIDACTIQUE DU FRANÇAIS

Bibliographie générale 235

A ■ Banques de données INRP 235

B ■ Actes de colloques de l’association AIRDF (ou anciennement AIRDFLM) 235

C ■ Actes des autres colloques en didactique du français 236

D ■ Références de base 238

E ■ Revues 239

Index thématique 241

Table des matières 245

Fondements d’une discipline

Didactique du français

Ouvrage publié sous la direction de Jean-Louis CHISS, Jacques DAVID et Yves REUTER

Avec la collaboration deD.G BRASSART, J.P. BRONCKART, D. BUCHETON, S.G. CHARTRAND, M. DABÈNE, J.F. HALTÉ, G. LEGROS, M.C. PARET, A. PETITJEAN, J.M. PRIVAT, B. SCHNEUWLY

www.deboecksuperieur.com

CHISSISBN 978-2-8073-0044-6 ISSN 0778-0451

Cet ouvrage constitue une référence dans un domaine, la didactique du français, qui continue à connaître une productivité remarquable. Il s’agit dès lors d’exposer les recherches les plus saillantes, de bien formaliser les acquis et de tracer des perspectives.Trois grands champs d’investigation ont été retenus : d’abord, la constitution de la discipline elle-même, ses grands concepts et ses délimitations ; ensuite, les relations complexes et fructueuses que la didactique du français entretient avec les autres savoirs des sciences humaines ; enfin, les dimensions historiques et sociales d’une discipline qui a pour vocation d’intervenir dans les pratiques scolaires et culturelles. Une introduction situe la genèse de l’ouvrage qui débouche sur une synthèse prolongeant la réflexion et impulsant l’action.Ces travaux conçus pour une large part au sein de la communauté des chercheurs en didactique du français, en particulier l’Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français, s’adressent aux formateurs d’enseignants, aux enseignants et à tous ceux (spécialistes ou non) qui se sentent concernés par les problèmes de l’enseignement-apprentissage de la langue, de la communication, des textes et des discours.