Différend Territorial Et Maritime Nicaragua c. Colombie2007

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    COUR INTERNATIONALE DE JUSTICEPalais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas

    Tl : +31 (0)70 302 2323 Tlcopie : +31 (0)70 364 9928Site Internet : www.icj-cij.org

    Communiqu de presseNon officiel

    Rsum 2007/5Le 13 dcembre 2007

    Diffrend territorial et maritime

    (Nicaragua c. Colombie)Exceptions prliminaires

    Rsum de larrt du 13 dcembre 2007

    Historique de la procdure et conclusions des Parties (par. 1-14)

    Le 6 dcembre 2001, le Nicaragua a dpos au Greffe de la Cour une requte introductivedinstance contre la Colombie au sujet dun diffrend portant sur un ensemble de questions

    juridiques connexes qui demeurent en suspens entre les deux Etats en matire de titre

    territorial et de dlimitation maritime dans les Carabes occidentales.

    Dans sa requte, le Nicaragua entendait fonder la comptence de la Cour sur les dispositionsde larticle XXXI du trait amricain de rglement pacifique, dnomm officiellement pacte deBogot, ainsi que sur les dclarations faites par les Parties en vertu de larticle 36 du Statut de laCour permanente de Justice internationale, considres, pour la dure restant courir, commecomportant acceptation de la juridiction obligatoire de la prsente Cour aux termes du paragraphe 5de larticle 36 de son Statut.

    La Cour ne comptant sur le sige aucun juge de la nationalit des Parties, chacune dellessest prvalue du droit que lui confre le paragraphe 3 de larticle 31 du Statut de procder ladsignation dun juge ad hoc pour siger en laffaire. Le Nicaragua a dabord dsign

    M. Mohammed Bedjaoui, qui a dmissionn le 2 mai 2006, puis M. Giorgio Gaja. La Colombie adsign M. Yves Fortier.

    Par ordonnance du 26 fvrier 2002, la Cour a fix au 28 avril 2003 la date dexpiration dudlai pour le dpt du mmoire du Nicaragua et au 28 juin 2004 la date dexpiration du dlai pourle dpt du contre-mmoire de la Colombie. Le Nicaragua a dpos son mmoire dans le dlaiainsi prescrit.

    Le 21 juillet 2003, dans le dlai prescrit au paragraphe 1 de larticle 79 du Rglement, tel quemodifi le 5 dcembre 2000, la Colombie a soulev des exceptions prliminaires la comptencede la Cour. En consquence, par ordonnance du 24 septembre 2003, la Cour, constatant quenvertu des dispositions du paragraphe 5 de larticle 79 du Rglement la procdure sur le fond tait

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    suspendue, a fix au 26 janvier 2004 la date dexpiration du dlai dans lequel le Nicaragua pourraitprsenter un expos crit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions prliminairessouleves par la Colombie. Le Nicaragua a dpos un tel expos dans le dlai ainsi fix, et laffairesest ainsi trouve en tat pour ce qui est des exceptions prliminaires.

    Des audiences publiques ont t tenues entre le 4 juin et le 8 juin 2007. A la fin de laprocdure orale, les Parties ont prsent la Cour les conclusions finales ci-aprs :

    Au nom du Gouvernement de la Colombie,

    Conformment larticle 60 du Rglement de la Cour, la Colombie prierespectueusement la Cour, au vu de ses critures et de ses plaidoiries, de dire et jugerque :

    1) en vertu du pacte de Bogot, et en particulier de ses articles VI et XXXIV, elle napas comptence pour connatre du diffrend qui lui est soumis par le Nicaragua autitre de larticle XXXI et dclare ce diffrend termin ;

    2) en vertu du paragraphe 2 de larticle 36 de son Statut, elle na pas comptence pourconnatre de la requte du Nicaragua ; et que

    3) la requte du Nicaragua est rejete.

    Au nom du Gouvernement du Nicaragua,

    Conformment larticle 60 du Rglement de la Cour et pour les motifsexposs dans ses critures et laudience, la Rpublique du Nicaragua prierespectueusement la Cour de dire et juger que :

    1. Les exceptions prliminaires souleves par la Rpublique de Colombie quant la comptence fonde sur le pacte de Bogot et quant celle fonde sur leparagraphe 2 de larticle 36 du Statut de la Cour sont dnues de validit.

    2. A titre subsidiaire, la Cour est prie de dire et juger, conformment auxdispositions du paragraphe 9 de larticle 79 du Rglement, que les exceptionssouleves par la Rpublique de Colombie ne revtent pas un caractre exclusivementprliminaire.

    3. En outre, la Rpublique du Nicaragua prie la Cour de rejeter la demande de laRpublique de Colombie tendant ce que le diffrend dont la saisie le Nicaragua envertu de larticle XXXI du pacte de Bogot soit dclar termin, conformment aux

    articles VI et XXXIV dudit instrument.4. Toutes les questions qui nauraient pas t explicitement traites dans ses

    observations crites et laudience sont expressment rserves pour le stade delexamen au fond de la prsente instance.

    Le contexte historique (par. 15-32)

    La Cour expose brivement lhistoire qui sert de toile de fond au diffrend entre les Parties(dont certaines parties seulement sont voques ci-aprs).

    Elle note quun trait de rglement territorial entre la Colombie et le Nicaragua (dnomm

    ci-aprs le trait de 1928) fut sign Managua le 24 mars 1928, dans lequel les deux paysexprimrent leur volont de mettre un terme au conflit territorial pendant entre elles. Aux termesde larticle premier de ce trait :

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    La Rpublique de Colombie reconnat la souverainet pleine et entire de laRpublique du Nicaragua sur la cte de Mosquitos, comprise entre le cap deGracias a Dios et la rivire San Juan, et sur les les Mangle Grande et Mangle Chicodans locan Atlantique (Great Corn Island et Little Corn Island). La Rpublique duNicaragua reconnat la souverainet pleine et entire de la Rpublique de Colombiesur les les de San Andrs, de Providencia, de Santa Catalina, et sur les autres les,

    lots et rcifs qui font partie de larchipel de San Andrs.

    Le prsent trait ne sapplique pas aux rcifs de Roncador, Quitasueo etSerrana, dont la possession fait actuellement lobjet dun litige entre la Colombie et lesEtats-Unis dAmrique. [Traduit par le Secrtariat de la Socit des Nations, titredinformation.]

    Les instruments de ratification du trait de 1928 furent changs Managua le 5 mai 1930.Les Parties signrent cette occasion un protocole dchange des ratifications (dnomm ci-aprsle protocole de 1930). Il y tait indiqu que le trait de 1928 avait t conclu entre la Colombieet le Nicaragua pour mettre un terme la question pendante entre les deux rpubliques au sujet delarchipel de San Andrs et Providencia et de la cte de Mosquitos nicaraguayenne. Le protocoledisposait que

    [l]es soussigns, en vertu des pleins pouvoirs qui leur [avaient] t confrs etconformment aux instructions de leurs gouvernements respectifs, dclar[ai]ent quelarchipel de San Andrs et Providencia, mentionn larticle premier du traitsusmentionn, ne stend[ait] pas louest du quatre-vingt-deuxime degr delongitude Greenwich [traduit par le Secrtariat de la Socit des Nations, titredinformation].

    Dans une note diplomatique du 4 juin 1969, la Colombie protesta contre loctroi par leNicaragua de certaines concessions dexploration et de certains permis de reconnaissance

    ptroliers, qui couvraient, selon elle, Quitasueo et les eaux environnantes ainsi que des zonesmaritimes stendant lest du 82 e mridien. Sagissant de Quitasueo, la Colombie faisaitobserver que le trait de 1928 mentionnait explicitement que les cayes de Roncador, Quitasueo etSerrana taient en litige entre la Colombie et les Etats-Unis. En outre, la Colombie rservaitformellement ses droits sur le territoire mentionn, ainsi que sur la zone maritime adjacente.Sagissant des zones maritimes o des concessions dexploration ptrolire avaient t octroyes,elle faisait observer quaux termes du protocole de 1930 le 82 e mridien constituait la frontireoccidentale de larchipel de San Andrs et Providencia.

    Dans une note diplomatique du 12 juin 1969, le Nicaragua affirmait, en ce qui concerne lesconcessions dexploration ptrolire, que les zones en question faisaient partie de son plateaucontinental et que les concessions avaient par consquent t accordes de par les droits

    souverains qu[e le Nicaragua] exerc[ait] pleinement et effectivement, conformment aux normesdu droit international. Quant la mention du 82 e mridien dans le protocole de 1930, leNicaragua affirmait : Une simple lecture des textes rvle que cette disposition a pour objectif dtablir clairement et spcifiquement, de faon restrictive, ltendue de larchipel de San Andrset ne peut daucune faon tre interprte comme dlimitant les droits du Nicaragua ou crantune frontire entre les deux pays. Au contraire, [cette disposition] reconnat et confirme que leNicaragua a la souverainet [pleine et entire sur le] territoire national dans cette zone.

    Dans une note en rponse date du 22 septembre 1969, la Colombie fit notamment unedclaration officielle de souverainet sur les zones maritimes situes lest du 82 e mridien deGreenwich en sappuyant sur le trait de 1928 et le protocole de 1930. La Colombie signalaitgalement que le trait de 1928 avait exclu les cayes de Roncador, Quitasueo et Serrana de toutengociation entre la Colombie et le Nicaragua.

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    Objet du diffrend (par. 33-42)

    La Cour commence par observer que les Parties ont expos des thses diffrentes quant auxquestions de savoir si un diffrend subsiste entre elles et, le cas chant, quel en est lobjet. Aussilui chet-il dexaminer ces questions avant de considrer les exceptions prliminaires souleves parla Colombie.

    La Cour rappelle que, selon le Nicaragua, le diffrend soumis la Cour concernait i) lavalidit du trait de 1928 ainsi que sa terminaison en raison dune violation substantielle ;ii) linterprtation du trait de 1928, sagissant en particulier de ltendue gographique delarchipel de San Andrs ; iii) les consquences juridiques de lexclusion de Roncador, Quitasueoet Serrana du champ dapplication du trait de 1928 ; et iv) la dlimitation maritime entre lesParties, notamment la signification juridique de la mention du 82 e mridien dans le protocolede 1930. De lavis du Nicaragua, la quatrime question impliqu[ait] et englob[ait] toutes lesautres. A cet gard, il a fait valoir que la question de la souverainet sur les formations maritimestait la fois accessoire et pralable celle de la dlimitation maritime. Enfin, le Nicaragua asoutenu que la question de savoir si le trait de 1928 avait rgl toutes les questions opposant lesParties constituait lobjet mme du diffrend et le fond de laffaire.

    La Colombie a, pour sa part, ni quil subsistait un diffrend dont la Cour serait comptentepour connatre, prtendant que les questions en litige avaient dj t rgles par le trait de 1928.Elle a par ailleurs affirm que la dlimitation maritime, et non la dtermination de la souverainetsur les formations maritimes, tait le vritable objectif que visait le Nicaragua par sa requte.

    La Cour note que le demandeur doit certes, conformment au paragraphe 1 de larticle 40 duStatut, lui prsenter ce qui constitue selon lui lobjet du diffrend, mais que cest elle quilappartient de dterminer, compte tenu des conclusions des Parties, quel est lobjet du diffrend dontelle est saisie. A titre liminaire, la Cour rappelle que les Parties sont en dsaccord sur la questionde savoir si le diffrend qui les oppose a t rgl par le trait de 1928 au sens de larticle VI du

    pacte de Bogot. La Cour fait en premier lieu observer que larticle VI du pacte dispose que lesprocdures de rglement des diffrends tablies dans cet instrument ne pourront plus sappliquerni aux questions dj rgles au moyen dune entente entre les parties, ou dune dcision arbitraleou dune dcision dun tribunal international, ni celles rgies par des accords ou traits en vigueur la date de la signature du prsent pacte (cest la Cour qui souligne). La Cour fait aussi observerque, aux termes de larticle XXXIV du pacte, les diffrends portant sur des questions rgies par desaccords ou traits doivent tre dclars termins au mme titre que les diffrends portant sur desquestions rgles au moyen dune entente entre les parties, dune dcision arbitrale ou dunedcision dun tribunal international. Elle considre que, dans les circonstances propres lespce,aucune distinction quant aux effets juridiques nest faire, aux fins de lapplication de larticle VIdu pacte, entre une question rgle et une question rgie par le trait de 1928. Compte tenu dece qui prcde, la Cour dcide dutiliser dans la suite de larrt le mot rgle.

    Aprs avoir examin les arguments du Nicaragua, la Cour considre que le point de savoir sile trait de 1928 et le protocole de 1930 ont rgl les questions en litige entre les Parties au sujet dela souverainet sur les les et autres formations maritimes et du trac de la frontire maritime neconstitue pas lobjet du diffrend entre les Parties et que, dans les circonstances de lespce, ilsagit dune question prliminaire.

    En ce qui concerne laffirmation de la Colombie selon laquelle lintrt du Nicaragua rsideen fait dans la dlimitation maritime et non dans la dtermination de la souverainet sur lesformations maritimes, la Cour relve toutefois que, sur ce dernier point, la rclamation de lunedes parties se heurte lopposition manifeste de lautre.

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    La Cour conclut donc que les questions qui constituent lobjet du diffrend opposant lesParties au fond, sont, premirement, la souverainet territoriale (cest--dire la souverainet sur les

    les et autres formations maritimes quelles revendiquent) et, deuximement, le trac de la frontiremaritime entre elles.

    Premire exception prliminaire (par. 43-120)

    Aperu gnral des arguments des Parties

    La Cour rappelle que la Colombie, dans le cadre de sa premire exception prliminaire,soutient que, en application des articles VI et XXXIV du pacte de Bogot, elle na pas comptencepour connatre du diffrend qui lui est soumis par le Nicaragua au titre de larticle XXXI du pacteet devrait dclarer ce diffrend termin. A cet gard, la Colombie, invoquant larticle VI du pactede Bogot, affirme que les questions souleves par le Nicaragua ont t rgles par un trait quitait en vigueur la date de la conclusion du pacte, savoir le trait de 1928 et le protocolede 1930. La Colombie ajoute que ce point peut et doit tre considr au stade des exceptionsprliminaires.

    Le Nicaragua soutient que la Cour est comptente en vertu de larticle XXXI du pacte deBogot. A cet gard, il affirme que le trait de 1928 et son protocole de 1930 nont pas rgl, ausens de larticle VI du pacte de Bogot, le diffrend lopposant la Colombie parce que ledit traittait nul ou avait pris fin et que, mme supposer que tel ntait pas le cas, il ne couvrait paslensemble des points prsent en litige entre les Parties. Le Nicaragua prtend par ailleurs que laCour ne saurait se prononcer sur ces questions ce stade de la procdure, car il faudrait pour celaquelle se livre un examen du fond de laffaire.

    Le stade de la procdure appropri aux fins de lexamen de lexception prliminaire

    La Cour rappelle que, aux termes du paragraphe 9 de larticle 79 de son Rglement, elle peut

    donner suite une exception prliminaire de trois faons : elle retient lexception, la rejette oudclare que cette exception na pas dans les circonstances de lespce un caractre exclusivementprliminaire. La Cour rappelle en outre que, dans les affaires des Essais nuclaires, elle a,quoique dans des circonstances lgrement diffrentes, soulign que, lorsquelle examine desquestions de comptence et de recevabilit, elle a le droit et, dans certaines circonstances, peutavoir lobligation de prendre en considration dautres questions qui, sans quon puisse les classerpeut-tre strictement parler parmi les problmes de comptence ou de recevabilit, appellent parleur nature une tude pralable celle de ces problmes.

    La Cour estime quil nest pas dans lintrt dune bonne administration de la justice de secontenter ce stade de faire tat dun dsaccord entre les Parties sur le point de savoir si le traitde 1928 et le protocole de 1930 ont rgl les questions sur lesquelles porte le diffrend au sens de

    larticle VI du pacte de Bogot, se rservant den trancher tous les aspects au stade du fond.

    En principe, une partie qui soulve des exceptions prliminaires a droit ce quil y soitrpondu au stade prliminaire de la procdure, sauf si la Cour ne dispose pas de tous les lmentsncessaires pour se prononcer sur les questions souleves ou si le fait de rpondre lexceptionprliminaire quivaudrait trancher le diffrend, ou certains de ses lments, au fond. La Cour nese trouve en lespce dans aucune de ces deux situations. Rechercher si elle a comptence pourraitamener la Cour effleurer certains aspects du fond de laffaire. Par ailleurs, la Cour a dj tablique le point de savoir si le trait de 1928 et le protocole de 1930 ont rgl les questions en litige neconstituait pas lobjet du diffrend au fond. Il sagit en fait dune question prliminaire quelle doittrancher afin de dterminer si elle a comptence.

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    Compte tenu de ce qui prcde, la Cour estime quelle ne saurait retenir largument duNicaragua selon lequel elle est empche de connatre, ce stade de la procdure, de la premireexception prliminaire de la Colombie.

    Le systme juridictionnel tabli par le pacte de Bogot

    La Cour cite les dispositions du pacte de Bogot pertinentes en lespce, en commenant parlarticle XXXI, qui est libell comme suit :

    Conformment au paragraphe 2 de larticle 36 du Statut de la Courinternationale de Justice, les Hautes Parties contractantes en ce qui concerne tout autreEtat amricain dclarent reconnatre comme obligatoire de plein droit, et sansconvention spciale tant que le prsent trait restera en vigueur, la juridiction de laCour sur tous les diffrends dordre juridique surgissant entre elles et ayant pourobjet :

    a) [l]interprtation dun trait ;

    b) [t]oute question de droit international ;

    c) [l]existence de tout fait qui, sil tait tabli, constituerait la violation dunengagement international ;

    d) [l]a nature ou ltendue de la rparation qui dcoule de la rupture dun engagementinternational.

    Les autres dispositions pertinentes du pacte sont les articles VI et XXXIV. Larticle VIdispose que

    [c]es procdures ne pourront non plus sappliquer ni aux questions dj rgles aumoyen dune entente entre les parties, ou dune dcision arbitrale ou dune dcisiondun tribunal international, ni celles rgies par des accords ou traits en vigueur ladate de la signature du prsent pacte.

    Aux termes de larticle XXXIV :

    Si, pour les motifs indiqus aux articles V, VI et VII de ce trait, la Cour se dclaraitincomptente pour juger le diffrend, celui-ci sera dclar termin.

    Ces dispositions montrent que, si la Cour devait conclure que les questions qui lui ont tsoumises par le Nicaragua au titre de larticle XXXI du pacte de Bogot ont dj t rgles parlune des voies exposes larticle VI dudit pacte, elle naurait pas la comptence requise auxtermes du pacte pour statuer sur laffaire.

    Point de savoir si le trait de 1928 et le protocole de 1930 ont rgl les questions en litige entreles Parties

    La Cour examine les arguments avancs par les Parties ainsi que les circonstances de laconclusion du trait de 1928 et de la signature du protocole de 1930. Elle dclare quafin dedterminer si elle est comptente, il lui chet de trancher le point de savoir si, la date deconclusion du pacte de Bogot en 1948, les questions souleves par le Nicaragua taient, auxtermes de larticle VI dudit pacte, rgies par des accords ou traits en vigueur. A cet effet, il lui

    faudra en premier lieu examiner si le trait, qui selon la Colombie aurait rgl les questions quiconstituent lobjet du diffrend, tait en vigueur en 1948.

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    La Cour note quen ce qui concerne la validit du trait de 1928, le Nicaragua soutientpremirement que cet instrument a t sign en flagrante violation de la Constitutionnicaraguayenne de 1911 qui tait en vigueur en 1928. Le Nicaragua affirme deuximement que,lors de la conclusion du trait, le pays tait occup militairement par les Etats-Unis et tait empch la fois de conclure des traits qui taient contraires aux intrts des Etats-Unis et de refuser deconclure des traits imposs par ceux-ci. Il soutient cet gard que la Colombie, consciente decette situation, a profit de loccupation du Nicaragua par les Etats-Unis pour lui extorquer lasignature du trait de 1928. Le Nicaragua affirme tre rest sous linfluence des Etats-Unis mmeaprs le retrait des dernires troupes amricaines au dbut de 1933.

    La Colombie soutient, pour sa part, que laffirmation du Nicaragua concernant la nullit dutrait de 1928 est sans fondement. Elle fait observer que, supposer mme que le trait de 1928 aitt incompatible avec la Constitution nicaraguayenne de 1911 ou que le Nicaragua nait pas eu lacomptence voulue pour conclure librement des traits en raison de loccupation par les Etats-Unis,ces arguments nont pas t soulevs au cours du processus de ratification qui sest droul devantle Congrs nicaraguayen en 1930, pas plus quau long des cinquante annes qui ont suivi. Elle faitobserver que ces arguments ont en fait t soulevs pour la premire fois en 1980. La Colombie

    fait en outre observer que, en 1948, lorsque le pacte de Bogot fut conclu, le Nicaragua ne formulaaucune rserve lgard du trait de 1928, en dpit du fait quil tait conscient den avoir le droitpuisquil en formula une portant sur la validit dune sentence arbitrale. Enfin, la Colombieaffirme quen consquence le Nicaragua est prsent empch de soulever la question de lavalidit du trait de 1928 et de son protocole de 1930.

    La Cour rappelle que larticle VI du pacte de Bogot visait clairement empcher que lesprocdures prvues dans celui-ci, et en particulier les voies de recours de nature judiciaire, pussenttre utilises afin de rouvrir des questions dj rgles entre les parties au pacte par une dcision

    judiciaire internationale ou par un trait. En ratifiant le pacte, les Etats ont envisag la possibilitde soumettre aux procdures prvues par celui-ci des questions non encore ainsi rgles.

    Les Etats parties au pacte de Bogot devaient avoir considr que les questions rgles parun trait ou par une dcision judiciaire internationale taient dfinitivement rsolues, sauf rservespcifique formule cet gard au titre des articles LIV et LV du pacte. Lorsquil est devenu partieau pacte de Bogot, cest--dire linstrument quil invoque prsent comme base de comptence, leNicaragua ne formula aucune rserve concernant le trait de 1928, alors quil assortit le pacte dunerserve sagissant des dcisions arbitrales dont il contestait la validit. La Cour relve quilnexiste aucune preuve que les Etats parties au pacte de Bogot de 1948, y compris le Nicaragua,auraient considr le trait de 1928 comme nul. Le 25 mai 1932, le Nicaragua fit enregistrer letrait et le protocole par la Socit des Nations comme un accord obligatoire, conformment larticle 18 du Pacte de la Socit des Nations, la Colombie ayant dj fait enregistrer le trait le16 aot 1930.

    La Cour rappelle que le Nicaragua a argu de la nullit et [de] labsence de validit dutrait de 1928 pour la premire fois dans une dclaration officielle et un livre blanc publis le4 fvrier 1980. La Cour note donc que, pendant plus de cinquante ans, le Nicaragua a considr letrait de 1928 comme valide et na jamais prtendu ne pas tre li par celui-ci, mme aprs leretrait des dernires troupes des Etats-Unis au dbut de 1933. Jamais pendant ces cinquanteannes, mme aprs tre devenu Membre de lOrganisation des Nations Unies en 1945 et avoirrejoint lOrganisation des Etats amricains en 1948, il na prtendu que ce trait aurait t nul pourquelque raison que ce soit, y compris pour avoir t conclu en violation de sa Constitution ou sousla contrainte de ltranger. Au contraire, le Nicaragua a de manire significative, diversesreprises, agi comme si le trait de 1928 tait valide. Ainsi, en 1969, en rponse laffirmation dela Colombie selon laquelle le 82 e mridien, mentionn dans le protocole de 1930, constituait lafrontire maritime entre les deux Etats, le Nicaragua ninvoqua pas labsence de validit du trait,mais soutint au contraire que le trait de 1928 et le protocole de 1930 navaient pas opr dedlimitation maritime. De mme, en 1971, dans le cadre des dmarches quil effectua auprs des

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    Etats-Unis pour rserver ses droits sur Roncador, Quitasueo et Serrana, le Nicaragua ne mit pas enquestion la validit du trait de 1928. En consquence, la Cour estime que le Nicaragua ne peut pas prsent affirmer que le trait de 1928 ntait pas en vigueur en 1948.

    La Cour conclut ds lors que le trait de 1928 tait valide et en vigueur la date de laconclusion du pacte de Bogot en 1948, date retenir aux fins de dterminer si les dispositions delarticle VI de ce pacte, qui prvoient une exception la comptence dvolue la Cour en vertu deson article XXXI, trouvent sappliquer.

    La Cour rappelle que le Nicaragua affirme que, mme si le trait de 1928 tait valide, il apris fin en raison de linterprtation que la Colombie en a faite en 1969, interprtation que leNicaragua qualifie de violation substantielle du trait. La Colombie soppose cette affirmation.La Cour considre que la question de savoir si le trait a pris fin en 1969 est sans pertinence quant sa comptence, tant donn que le point dterminant, aux termes de larticle VI du pacte de Bogot,est celui de savoir si le trait de 1928 tait en vigueur la date de la signature dudit pacte,cest--dire en 1948, et non en 1969. La Cour na donc pas examiner, aux fins dtablir si elle acomptence, la question de la prtendue terminaison en 1969 du trait de 1928.

    La Cour se penche ensuite sur la question de savoir si le trait et son protocole de 1930 ontrgl les points litigieux entre les Parties et si, par consquent, elle a comptence en laffaire envertu de larticle XXXI du pacte. Elle rappelle avoir dj conclu que les Parties sopposent aufond sur deux points, savoir, premirement, la souverainet territoriale sur des les et dautresformations maritimes et, deuximement, le trac de la frontire maritime entre les Parties.

    La Cour note que les Parties ne sentendent pas sur la question de savoir si le trait de 1928 argl divers points relatifs la souverainet territoriale, savoir la souverainet sur les trois les delarchipel de San Andrs expressment mentionnes dans ledit trait, ltendue et la composition dureste de larchipel de San Andrs ainsi que la souverainet sur Roncador, Quitasueo et Serrana.Les Parties sont galement en dsaccord sur la question de savoir si le protocole de 1930 a opr

    une dlimitation maritime entre elles.

    Sagissant de sa comptence pour connatre de la question de la souverainet sur les les delarchipel de San Andrs nommment dsignes, la Cour considre quil ressort clairement destermes de larticle premier du trait de 1928 que ce trait a rgl, au sens de larticle VI du pacte deBogot, la question de la souverainet sur les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina.De lavis de la Cour, il nest pas ncessaire dinterprter plus avant le trait de 1928 pour tirer cetteconclusion et la question ne comporte aucun aspect que seul un examen au fond puisse lucider.

    Laffirmation du Nicaragua selon laquelle le trait de 1928 est nul a dj t examine par laCour. Quant lassertion additionnelle du Nicaragua selon laquelle le trait de 1928 a pris fin parsuite dune violation substantielle due linterprtation de ce texte adopte par la Colombie partir

    de 1969, la Cour na pas examin ce stade cette question, puisquelle est sans utilit pour tranchercelle de sa comptence sur la base de larticle VI du pacte de Bogot. Mme si la Cour devait jugerque le trait de 1928 a pris fin, comme le prtend le Nicaragua, cela ne changerait rien lasouverainet de la Colombie sur les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina. La Courrappelle que cest un principe de droit international quun rgime territorial tabli par traitacquiert une permanence que le trait lui-mme ne connat pas ncessairement et que lapersistance de ce rgime ne dpend pas de la survie du trait par lequel ledit rgime a t convenu.

    Compte tenu de ce qui prcde, la Cour juge quelle peut, ce stade de la procdure,considrer comme tranche la question des trois les de larchipel de San Andrs expressmentnommes au premier paragraphe de larticle premier du trait de 1928. Cette question a t rglepar le trait. Par consquent, larticle VI du pacte est applicable sur ce point et la Cour nest pas

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    comptente en vertu de larticle XXXI du pacte de Bogot pour connatre de la question de lasouverainet sur les trois les concernes. La Cour retient donc la premire exception prliminairesouleve par la Colombie en ce quelle a trait sa comptence pour connatre de la question de lasouverainet sur les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina.

    En ce qui concerne la question de ltendue et de la composition du reste de larchipel deSan Andrs, la Cour rappelle que les Parties saccordent considrer que larchipel de San Andrscomprend les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina ainsi que des lots et des cayesadjacents. Les Parties sont toutefois en dsaccord sur la question de savoir quelles autresformations maritimes font partie de larchipel.

    La Cour estime quil ressort trs clairement du libell du premier paragraphe delarticle premier du trait de 1928 que celui-ci ne rpond pas la question de savoir quelles sont, endehors des les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina, les formations maritimes qui fontpartie de larchipel de San Andrs sur lequel la Colombie a souverainet. Dans ces conditions,cette question na pas t rgle au sens de larticle VI du pacte de Bogot et la Cour estcomptente en vertu de larticle XXXI de ce pacte. La Cour ne peut donc retenir la premireexception prliminaire souleve par la Colombie en ce quelle a trait sa comptence pourconnatre de la question de la souverainet sur les formations maritimes, autres que les les deSan Andrs, Providencia et Santa Catalina, qui font partie de larchipel de San Andrs.

    Quant sa comptence pour connatre de la question de la souverainet sur Roncador,Quitasueo et Serrana, la Cour fait observer que le sens du second paragraphe de larticle premierdu trait de 1928 est clair : ce trait ne sapplique pas aux trois formations maritimes en question.En consquence, les limitations contenues dans larticle VI du pacte de Bogot ne sappliquent pas la question de la souverainet sur Roncador, Quitasueo et Serrana. La Cour est ainsi comptentepour trancher cette question en vertu de larticle XXXI du pacte de Bogot. Elle ne peut doncretenir la premire exception prliminaire souleve par la Colombie en ce quelle a trait sacomptence pour connatre de la question de la souverainet sur Roncador, Quitasueo et Serrana.

    Sagissant de sa comptence pour connatre de la question de la dlimitation maritime, laCour, aprs avoir examin les arguments prsents par les Parties et les lments qui lui ont tsoumis, conclut que le trait de 1928 et le protocole de 1930 nont pas opr de dlimitationgnrale des espaces maritimes entre la Colombie et le Nicaragua. Comme le diffrend concernantla dlimitation maritime na pas t rgl par le trait de 1928 et le protocole de 1930 au sens delarticle VI du pacte de Bogot, la Cour est comptente en vertu de larticle XXXI du pacte. Aussine peut-elle pas retenir la premire exception prliminaire souleve par la Colombie en ce quelle atrait sa comptence pour connatre de la question de la dlimitation maritime entre les Parties.

    Seconde exception prliminaire (par. 121-140)

    Outre larticle XXXI du pacte de Bogot, le Nicaragua a invoqu comme base decomptence de la Cour les dclarations des Parties faites en vertu de larticle 36 du Statut de laCour permanente de Justice internationale, considres, pour la dure restant courir, commecomportant acceptation de la juridiction obligatoire de la prsente Cour aux termes du paragraphe 5de larticle 36 de son Statut.

    Dans sa seconde exception prliminaire, la Colombie affirme que la Cour na pascomptence sur cette base. Elle affirme que la comptence dvolue la Cour par le pacte deBogot est dterminante et donc exclusive. Etant donn que la Cour est comptente en vertu delarticle XXXIV du pacte pour dclarer que le diffrend est termin, et quelle en a le devoir danslespce sous examen, elle ne devrait pas chercher plus avant examiner si elle pourrait trecomptente en vertu de la clause facultative. A lappui de sa thse, la Colombie invoque larrt

    rendu par la Cour dans laffaire relative des Actions armes frontalires et transfrontalires(Nicaragua c. Honduras), dans laquelle le Nicaragua soutenait lui aussi que la Cour tait

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    comptente sur la base de larticle XXXI du pacte de Bogot et sur celle des dclarations faites envertu de la clause facultative. La Colombie relve que, dans cette affaire, la Cour a dclar queles relations entre les Etats parties au pacte de Bogot sont rgies par ce seul pacte et que

    lengagement figurant larticle XXXI constitue un engagement autonomeindpendant de tout autre engagement que les parties peuvent par ailleurs avoir pris ouprendre en remettant au Secrtaire gnral de lOrganisation des Nations Unies unedclaration dacceptation de la juridiction obligatoire conformment auxparagraphes 2 et 4 de larticle 36 du Statut (Actions armes frontalires ettransfrontalires (Nicaragua c. Honduras), comptence et recevabilit, arrt,C.I.J. Recueil 1988, p. 82, par. 27, et p. 85, par. 36).

    La Colombie considre que la Cour posait ainsi le principe de la primaut du titre de juridiction en vertu du pacte de Bogot. Elle conclut que, lorsquun demandeur invoque la fois lepacte de Bogot et des dclarations faites en vertu de la clause facultative, cest le pacte deBogot la lex specialis qui sapplique ou, en dautres termes, qui devient dcisif etdterminant.

    La Colombie affirme que, dans laffaire des Actions armes, la Cour a dcid que le titre de juridiction tir du pacte de Bogot prvalait sur les dclarations facultatives postrieures. LaColombie prcise que, dans lespce sous examen, largument selon lequel le pacte de Bogotprvaut est dautant plus fort que les dclarations facultatives du Nicaragua et de la Colombie ontt faites avant lentre en vigueur du pacte de Bogot. Cest pourquoi le pacte de Bogot est nonseulement lex specialis mais aussi lex posterior.

    De lavis de la Colombie, cest le pacte de Bogot qui constitue le titre de juridiction de laCour dans notre affaire et si la Cour devait conclure quelle na pas comptence pour trancher lediffrend, elle serait tenue de dclarer en application du pacte que le diffrend est termin auxtermes de larticle XXXIV, non pas aux seules fins de la comptence de la Cour en vertu du pacte,

    mais tous gards. La Colombie affirme ce propos quun diffrend ne saurait tre rgl ettermin, et en mme temps constituer un diffrend pouvant tre jug par la Cour en vertu de la juridiction qui lui est reconnue aux termes de la clause facultative. Il sensuit que, ds lors que laCour aura dclar le diffrend entre les Parties termin en vertu du pacte de Bogot, il ne subsisteraaucun litige auquel la comptence pourrait sappliquer un autre titre, notamment celui desdclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative.

    La Colombie affirme en outre que, de toute faon, la Cour naurait nullement comptence autitre des dclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative puisque, la date dudpt de la requte du Nicaragua (en dcembre 2001), elle avait retir la sienne. La Colombiesoutient enfin que, mme si sa dclaration tait juge avoir t en vigueur au moment du dpt dela requte du Nicaragua, le diffrend allgu chapperait son champ dapplication en raison dune

    rserve excluant les diffrends ns de faits antrieurs au 6 janvier 1932.

    Le Nicaragua fait valoir pour sa part que, si la Cour a dclar dans son arrt en laffaire desActions armes que les relations entre les Etats parties au pacte de Bogot sont rgies par ce seulpacte, cela ne peut toutefois prive[r] les dclarations faites en vertu de la clause facultative detout effet en tant que base de comptence autonome tant donn quelles ont une valeurintrinsque et [que] leur mise en uvre nest pas subordonne dautres chefs de comptence. Ilconsidre que primaut du pacte ne signifie pas exclusivit. Le Nicaragua soutient que la Cour laelle-mme reconnu dans laffaire des Actions armes lorsquelle a dclar que le pacte de Bogottait indpendant de tout autre engagement que les parties peuvent par ailleurs avoir pris enremettant une dclaration dacceptation de la juridiction obligatoire (cest la Cour qui

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    souligne). Il fait valoir que, dans laffaire des Actions armes, la Cour na pas cart la possibilitdtre galement comptente sur la base des dclarations facultatives des Parties, mais asimplement conclu quil ne lui [tait] pas ncessaire de sinterroger ce sujet tant donnquelle stait dj dclare comptente en vertu du pacte de Bogot.

    De lavis du Nicaragua, si la Cour devait dclarer le diffrend termin en application delarticle XXXIV du pacte, il conviendrait dinterprter cette conclusion dans le cadre du pactelui-mme. Ainsi le diffrend ne serait-il termin que dans la mesure o il ny aurait plus lapossibilit dinvoquer le pacte comme base de comptence. Le Nicaragua souligne que pareilleconclusion en vertu de larticle XXXIV du pacte nexclut pas pour autant lexistence dautres basesde juridiction, comme les dclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative.

    Le Nicaragua estime que les deux bases de comptence savoir larticle XXXI du pactede Bogot et les dclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative sontcomplmentaires et quil appartient la Cour de dcider sil convient de sappuyer sur lune dellesseulement ou sur les deux la fois. Il fait observer que les Etats parties au pacte de Bogotentendaient tendre la comptence de la Cour et non limiter les obligations existantes dcoulant

    dautres instruments. A cet gard, le Nicaragua se rfre lnonc de la Cour permanente deJustice internationale dans laffaire de la Compagnie dlectricit de Sofia et de Bulgarie au sujetde la multiplicit dengagements conclus en faveur de la juridiction obligatoire.

    Le Nicaragua nie que la dclaration de la Colombie nait pas t en vigueur au moment dudpt de la requte. Il fait valoir quun dlai raisonnable est requis pour le retrait des dclarationset que la Colombie na pas rempli cette condition. Le Nicaragua ne conteste pas que la dclarationde la Colombie sappliquait uniquement aux diffrends ns de faits postrieurs au 6 janvier 1932 ;il affirme toutefois que le fait gnrateur du diffrend, savoir linterprtation du trait de 1928 etdu protocole de 1930 adopte par la Colombie partir de 1969, sest produit aprs cette date.Enfin, le Nicaragua, se rfrant aux dispositions du paragraphe 9 de larticle 79 du Rglement,affirme quen tout tat de cause lexception souleve par la Colombie ne revt pas un caractre

    exclusivement prliminaire.

    La Cour constate tout dabord que la question de savoir si les dclarations faites par lesParties en vertu de la clause facultative peuvent constituer une base de comptence distincte etsuffisante en laffaire ne se pose, dsormais, qu lgard de la partie du diffrend relative lasouverainet sur les trois les expressment nommes dans larticle premier du trait de 1928, savoir San Andrs, Providencia et Santa Catalina. La Cour a commenc par examiner lexceptionprliminaire de la Colombie concernant sa comptence sur la base du pacte de Bogot et elle aconclu quelle tait comptente pour connatre de tous les autres aspects du diffrend sur lefondement de larticle XXXI du pacte. Il est donc inutile quelle se demande si, pour ces aspects,les dclarations des Parties en vertu de la clause facultative pourraient galement constituer unebase de comptence.

    La Cour rappelle que, dans laffaire des Actions armes , elle a dclar que, [c]omme lesrelations entre les Etats parties au pacte de Bogot sont rgies par ce seul pacte, la Cour rechercheradabord si elle a comptence sur la base de larticle XXXI du pacte (cest la Cour qui souligne).Or, la seule interprtation possible de cette dclaration est de considrer que la Cour, au vu desdeux titres de comptence invoqus, ne pouvait les examiner en mme temps et a dcid daller duparticulier au gnral, sans sous-entendre par l que le pacte de Bogot prvalait sur le second titrede comptence, savoir les dclarations faites en vertu de la clause facultative, et excluait celui-ci.

    La Cour estime donc que les dispositions du pacte de Bogot et les dclarations faites envertu de la clause facultative constituent deux bases distinctes de comptence de la Cour qui nesexcluent pas mutuellement. Elle fait observer que la clause facultative pourrait lui confrer unecomptence plus tendue que celle qui dcoule du pacte de Bogot.

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    La Cour constate que ni la Colombie ni le Nicaragua nont assorti leurs dclarationsrespectives en vertu de la clause facultative de rserves identiques ou comparables la restrictioncontenue larticle VI du pacte de Bogot. Aussi la restriction impose par larticle VI du pacte deBogot ne serait-elle pas applicable la comptence dcoulant de la clause facultative.

    La Cour dclare avoir tabli que le trait de 1928 attribuait la Colombie la souverainet surles les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina aux fins de dterminer si elle avaitcomptence pour connatre de cette question en vertu du pacte de Bogot. Ce fait est cependanttout aussi pertinent aux fins dtablir si la Cour a comptence sur la base des dclarations faites envertu de la clause facultative. A cet gard, la Cour fait observer que sa comptence sur cette baseest expressment subordonne, aux termes du paragraphe 2 de larticle 36 du Statut, lexistencedun diffrend dordre juridique entre les Parties.

    La Cour ayant conclu quil ne subsistait pas de diffrend juridique entre les Parties sur laquestion de la souverainet sur les trois les, elle ne peut tre comptente pour connatre de cettequestion, ni sur la base du pacte de Bogot, ni sur celle des dclarations faites en vertu de la clausefacultative.

    A la lumire de ce qui prcde, la Cour estime quil ne servirait rien en pratique depoursuivre lexamen des autres questions souleves par la seconde exception prliminaire de laColombie. La Cour retient donc la seconde exception prliminaire dincomptence souleve par laColombie au titre des dclarations faites en vertu de la clause facultative, en ce quelle a trait sacomptence pour connatre de la question de la souverainet sur les les de San Andrs, Providenciaet Santa Catalina, et constate quil ny a pas lieu dexaminer lexception prliminaire en ce quelle atrait la souverainet sur les autres formations maritimes en litige et la dlimitation maritime entreles Parties.

    Suite de la procdure (par. 141)

    Conformment au paragraphe 9 de larticle 79 du Rglement, les dlais pour la suite de laprocdure seront fixs ultrieurement par la Cour par voie dordonnance.

    Dispositif (par. 142)

    Par ces motifs,

    LA COUR ,

    1) Sagissant de la premire exception prliminaire dincomptence, souleve par laRpublique de Colombie sur la base des articles VI et XXXIV du pacte de Bogot :

    a) Par treize voix contre quatre,Retient lexception dincomptence en ce quelle a trait la souverainet sur les les de

    San Andrs, Providencia et Santa Catalina ;

    POUR : Mme Higgins, prsident ; MM. Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Buergenthal, Owada,Simma, Tomka, Keith, Seplveda-Amor, Skotnikov, juges ; MM. Fortier, Gaja, jugesad hoc ;

    CONTRE : M. Al-Khasawneh, vice-prsident ; MM. Ranjeva, Abraham, Bennouna, juges ;

    b) A lunanimit,

    Rejette lexception dincomptence en ce quelle a trait la souverainet sur les autresformations maritimes en litige entre les Parties ;

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    c) A lunanimit,

    Rejette lexception dincomptence en ce quelle a trait la dlimitation maritime entre lesParties ;

    2) Sagissant de la seconde exception prliminaire dincomptence, souleve par la Rpubliquede Colombie quant aux dclarations des Parties reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour :

    a) Par quatorze voix contre trois,

    Retient lexception dincomptence en ce quelle a trait la souverainet sur les les de SanAndrs, Providencia et Santa Catalina ;

    POUR : Mme Higgins, prsident ; MM. Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Buergenthal, Owada,Simma, Tomka, Abraham, Keith, Seplveda-Amor, Skotnikov, juges ; MM. Fortier, Gaja,

    juges ad hoc ;

    CONTRE : M. Al-Khasawneh, vice-prsident ; MM. Ranjeva, Bennouna, juges ;

    b) Par seize voix contre une,

    Dit quil ny a pas lieu dexaminer lexception dincomptence en ce quelle a trait lasouverainet sur les autres formations maritimes en litige et la dlimitation maritime entre lesParties;

    POUR : Mme Higgins, prsident ; M. Al-Khasawneh, vice-prsident ; MM. Ranjeva, Shi,Koroma, Parra-Aranguren, Buergenthal, Owada, Tomka, Abraham, Keith,Seplveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; MM. Fortier, Gaja, juges ad hoc ;

    CONTRE : M. Simma, juge ;

    3) Sagissant de la comptence de la Cour,

    a) A lunanimit,

    Dit quelle a comptence, sur la base de larticle XXXI du pacte de Bogot, pour statuer surle diffrend relatif la souverainet sur les formations maritimes revendiques par les Parties autresque les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina ;

    b) A lunanimit,

    Dit quelle a comptence, sur la base de larticle XXXI du pacte de Bogot, pourstatuer sur le diffrend relatif la dlimitation maritime entre les Parties.

    *

    M. le juge A L-KHASAWNEH , vice-prsident, joint larrt lexpos de son opiniondissidente ; M. le juge R ANJEVA joint larrt lexpos de son opinion individuelle ; MM. les jugesPARRA -ARANGUREN , S IMMA et T OMKA joignent des dclarations larrt ; M. le juge A BRAHAM

    joint larrt lexpos de son opinion individuelle ; M. le juge K EITH joint une dclaration larrt ; M. le juge B ENNOUNA joint larrt lexpos de son opinion dissidente ; M. le juge ad hocGAJA joint une dclaration larrt.

    ___________

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    Annexe au rsum n o 2007/5

    Opinion dissidente du vice-prsident Al-Khasawneh

    Le vice-prsident Al-Khasawneh a considr quil ntait pas en mesure de souscrire auxarguments et aux conclusions de larrt faisant droit aux exceptions prliminaires dincomptencesouleves par la Colombie relativement la souverainet sur les les de San Andrs, Providencia etSanta Catalina. Tout en reconnaissant quil peut tre ncessaire pour la Cour deffleurer le fonddune affaire pour tablir sa comptence au stade des exceptions prliminaires, le vice-prsidentAl-Khasawneh estime que les circonstances de lespce taient telles quune dcision sur lacomptence aux termes du pacte de Bogot et du paragraphe 2 de larticle 36 du Statut de la Cournavait pas un caractre exclusivement prliminaire (voir Rglement de la Cour, art. 79, par. 9).

    Les circonstances particulires de lespce qui conduisent cette conclusion sont lessuivantes : afin de dterminer si la Cour est comptente aux termes du pacte de Bogot en ce quiconcerne le diffrend relatif aux trois les susmentionnes, la Cour doit trancher la question de lavalidit du trait de 1928 et du protocole de 1930 (validit qui est conteste par le Nicaragua).Cette analyse est ncessaire car larticle VI du pacte de Bogot exclut la comptence de la Courinternationale de Justice en ce qui concerne les questions rgies par des accords ou des traits envigueur la date de la conclusion du prsent trait. Toutefois, la validit du trait de 1928 et celledu protocole de 1930 sont galement essentielles pour trancher au fond le diffrend en ce quiconcerne la souverainet sur les trois les nommment dsignes de larchipel de San Andrs.Ainsi, la conclusion de larrt selon laquelle la Cour na pas comptence aux termes du pacte deBogot au motif que le trait de 1928 et le protocole de 1930 sont valides a pour effet de prjugerun aspect important du fond du diffrend avant que tous les arguments y affrents aient pu tredvelopps.

    Cette conclusion a galement pour effet dcarter diverses questions complexes de fait et de

    droit que le Nicaragua a souleves lorsquil a allgu que le trait de 1928 et le protocole de 1930,ayant t conclus sous la contrainte, ntaient pas valides, sans laisser aux Parties la possibilit deprsenter la Cour lensemble de leurs arguments et sans que celle-ci expose de manireapproprie les raisons de la dcision laquelle elle est parvenue.

    Le vice-prsident Al-Khasawneh ne partage pas lopinion de la Cour selon laquelle leparagraphe 9 de larticle 79 du Rglement de la Cour contient une prsomption en faveur de lapartie qui soulve une exception prliminaire.

    Enfin, le vice-prsident Al-Khasawneh estime que la Cour na pu parvenir la position selonlaquelle rgler la question de la validit du trait de 1928 et du protocole de 1930 nquivaudrait[pas] trancher le diffrend au fond quen dfinissant le diffrend troitement et en crant une

    distinction artificielle entre lobjet du diffrend et les questions en litige. Tout en reconnaissant quela Cour conserve la libert de dfinir lobjet du diffrend sur la base des conclusions des parties, levice-prsident estime que, dans cette affaire, la Cour a dpass les limites de cette libert,lesquelles limites sont imposes par des considrations de lgitimit et de bon sens.

    Opinion individuelle de M. le juge Ranjeva

    La premire exception prliminaire de la Colombie na pas un caractre exclusivementprliminaire explique le juge Ranjeva dans son opinion. Les arguments exposs par les Partiesconfirment les liens intimes entre les questions procdurales. En effet, en dclarant que le traitde 1928 aurait mis fin au diffrend entre le Nicaragua et la Colombie lorsquil a dvolu des trois

    les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina, larrt statue sur deux conclusions au fond dudemandeur : la revendication de la souverainet sur ces les et la nullit pour vices de fond dudit

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    trait et la coercition et la violation des dispositions constitutionnelles internes. Le juge Ranjevaestime que larrt tablit une confusion entre lopposabilit du trait au Nicaragua et la nullitcomme sanction de linvalidit du trait. Au non-respect du contradictoire sajoute une lacune quelarrt ne rgle pas : la motivation du choix de larticle VI du pacte de Bogot comme base de

    juridiction au dtriment de la clause optionnelle.

    Dclaration de M. le juge Parra-Aranguren

    1. Bien quil ait vot en faveur du dispositif de larrt, le juge Parra-Aranguren ne souscritpas au paragraphe 136, dans lequel il est indiqu : la Cour estime que les dispositions du pacte deBogot et les dclarations faites en vertu de la clause facultative constituent deux bases distinctesde comptence de la Cour qui ne sexcluent pas mutuellement.

    2. Pour parvenir la conclusion figurant au paragraphe 136, la Cour a invoqu larrt renduen laffaire des Actions armes frontalires et transfrontalires ((Nicaragua c. Honduras),comptence et recevabilit, arrt, C.I.J. Recueil 1988 , p. 85, par. 36) et une citation tire de larrtrendu en 1939 par la Cour permanente en laffaire de la Compagnie dlectricit de Sofia et de

    Bulgarie ((Belgique c. Bulgarie), arrt, 1939, C.P.J.I. srie A/B n o 77 , p. 76).

    3. Le juge Parra-Aranguren considre toutefois que la dcision rendue en laffaire des Actions armes ntaye pas ladite conclusion de larrt car, ainsi quil est indiqu auparagraphe 134, la Cour rpondait simplement, pour les rejeter, aux arguments du Honduras ; etque lextrait de larrt rendu en 1939 en laffaire de la Compagnie dlectricit de Sofia et de

    Bulgarie (Belgique c. Bulgarie) nest pas applicable car, en la prsente espce, il ny a pasmultiplicit dengagements conclus en faveur de la juridiction obligatoire de la Cour.

    4. Le juge Parra-Aranguren fait observer que, ainsi quil est indiqu au paragraphe 122 delarrt, le Nicaragua et la Colombie ont fait respectivement le 24 septembre 1929 et le30 octobre 1937 des dclarations en vertu de larticle 36 du Statut de la Cour permanente deJustice internationale, dclarations qui sont considres comme comportant acceptation de la

    juridiction obligatoire de la prsente Cour aux termes du paragraphe 5 de larticle 36 de son Statut ;les Parties ont par la suite fait de nouvelles dclarations en vertu du paragraphe 2 de larticle 36 duStatut de la Cour, conformment larticle XXXI du pacte de Bogot, lorsquelles ontrespectivement ratifi ce dernier en 1950 et 1968. De lavis du juge Parra-Aranguren, il estimpossible que deux dclarations diffrentes restent simultanment en vigueur dans les relationsentre le Nicaragua et la Colombie, la seconde dclaration ayant ncessairement remplac lapremire dans lesdites relations.

    5. Le juge Parra-Aranguren estime par consquent que les dclarations faites par leNicaragua et la Colombie en vertu de la clause facultative, respectivement en 1929 et 1937, ne sontplus en vigueur, et quelles ne peuvent donc pas tre invoques comme base de comptence de laCour.

    Dclaration de M. le juge Simma

    Bien quil soit satisfait du prsent arrt dune manire gnrale, le juge Simma exprime desdoutes sur le fait de savoir si la Cour a correctement appliqu larticle VI du pacte de Bogot au

    trait de 1928 entre le Nicaragua et la Colombie. Dans le mme ordre dides, le juge Simmaprouve des difficults considrables face la manire dont la Cour conoit la relation existant

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    entre, dune part, la notion de question rgi[e] par des traits en vigueur lpoque de laconclusion du pacte, en 1948, et, dautre part, la notion de persistance dun diffrend dordre

    juridique en tant que condition pralable ce quelle puisse exercer sa comptence sur la basedune dclaration dacceptation faite en vertu de la clause facultative.

    La question centrale est celle de la souverainet sur les les de San Andrs, Providencia etSanta Catalina. La Cour conclut que le trait de 1928 a rgl cette question de manire dfinitive,alors que le Nicaragua prtendait, notamment, que ce trait tait invalide ab initio. Suivant larrt,toutefois, le Nicaragua sest, par la manire dont il sest comport lgard du trait pendant plusde cinquante ans, priv du droit dinvoquer pareille invalidit ; le trait doit donc tre considrcomme ayant t valide et en vigueur en 1948, la Cour nayant ds lors pas comptence en vertudu pacte de Bogot. De lavis du juge Simma, la perte du droit dinvoquer linvalidit du trait auregard des conditions nonces dans le pacte de Bogot met seulement un terme la question dansle cadre de ce pacte ; sil existait une deuxime base de comptence indpendante confranteffectivement comptence la Cour, la question de linvalidit du trait de 1928 resterait ouverte etle Nicaragua pourrait la plaider de nouveau, cette fois dans son intgralit. Tel aurait pu tre le casen lespce, compte tenu des dclarations dacceptation en vertu du paragraphe 2 de larticle 36

    soumises par les deux Parties. La Cour estime cependant que sa conclusion selon laquelle elle napas comptence au titre du pacte de Bogot la prive galement de comptence au titre du systmede la clause facultative, bien quelle reconnaisse se trouver en prsence de deux bases decomptence distinctes qui ne sexcluent pas mutuellement. Aussi le juge Simma considre-t-il quela Cour aurait d poursuivre lexamen de la question de sa comptence en passant lexamen desdclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative et en analysant attentivementleffet de la rserve ratione temporis dont la dclaration colombienne est assortie, ainsi que ladnonciation de cette dclaration par la Colombie. Si la Cour avait procd ainsi, soit une rponsengative aurait une fois pour toutes t apporte la question de la comptence, soit les argumentsdu Nicaragua relatifs au droit des traits auraient pu connatre leur juste sort au stade du fond.

    Dclaration de M. le juge Tomka

    Le juge Tomka partage lopinion de la Cour selon laquelle le Nicaragua a considr, pendantplus de cinquante ans, que le trait de 1928 tait valide et a ainsi acquiesc la validit de cetinstrument. En consquence, le premier argument du Nicaragua selon lequel le trait de 1928 taitnul parce quil aurait t conclu en violation de la Constitution nicaraguayenne alors en vigueur nesaurait tre accept.

    Le Nicaragua a galement fait valoir quau cours de la priode pertinente, il tait priv de sacapacit internationale tant donn quil ne pouvait pas librement exprimer son consentement treli par des traits internationaux. Il semble que la majorit de la Cour ait trait ce second argumentcomme le premier, mais le juge Tomka considre quil appelle une rponse distincte.

    Le deuxime motif de nullit invoqu par le Nicaragua nest pas sans soulever desdifficults. Sil devait tre interprt au sens large, il irait alors lencontre de lautre baseinvoque par le Nicaragua pour fonder la comptence de la Cour, savoir la dclaration faite envertu de la clause facultative vise au paragraphe 2 de larticle 36 du Statut. En effet, le Nicaraguaa fait cette dclaration en 1929, prcisment pendant la priode pertinente au cours de laquelle songouvernement aurait t priv de sa capacit internationale. Le Nicaragua reconnat toutefois que,de manire gnrale, il pouvait conclure des traits internationaux. Il est alors difficile dadmettresa thse selon laquelle le Gouvernement nicaraguayen aurait t priv de sa capacit internationaleau cours de la priode pertinente. Cest pourquoi le Nicaragua prcise que lorsquil tait sousoccupation des Etats-Unis, il tait empch de conclure des traits qui auraient t contraires auxintrts de ces derniers et de refuser de conclure des traits que ceux-ci lui demandaient de signer.

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    Les intrts ou les demandes dun Etat tiers ne constituent toutefois pas des motifs suffisants pourrendre un trait nul et non avenu. En outre, la Cour naurait pas t en mesure de parvenir unedcision sur la question de la contrainte allgue par le Nicaragua sans examiner la licit ducomportement des Etats-Unis, lesquels ne sont pas partie la prsente affaire.

    Le juge Tomka souscrit donc aux conclusions de la Cour selon lesquelles la question de lasouverainet sur les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina ne doit pas tre tranche austade du fond.

    Opinion individuelle de M. le juge Abraham

    Le juge Abraham exprime son accord avec les solutions, en substance, que retient larrt ence qui concerne tous les aspects du diffrend autres que la souverainet sur les trois lesnommment dsignes larticle premier du trait de 1928 (San Andrs, Providencia et SantaCatalina). Pour tous ces autres aspects, il approuve la Cour davoir dcid que les questionssouleves par la demande du Nicaragua nont pas t rgles par le trait de 1928, que la Cour estdonc comptente pour en connatre sur la base de larticle XXXI du pacte de Bogot, et quil nyavait pas lieu pour elle de rechercher si elle pouvait tre galement comptente sur la base desdclarations facultatives dacceptation de la juridiction obligatoire de la Cour souscrites par lesdeux Parties.

    En revanche, le juge Abraham se dissocie de la manire dont la Cour a trait la question de lasouverainet sur les trois les susmentionnes.

    En premier lieu, il estime que la Cour aurait d considrer que la premire exception de laColombie tendant contester la comptence de la Cour sur la base du pacte de Bogot neprsentait pas, cet gard, un caractre exclusivement prliminaire, et que son examen devait trerenvoy la phase ultrieure de la procdure, aprs les dbats au fond. En effet, pour statuer

    compltement sur cette exception, la Cour a d prendre parti sur largument du Nicaragua tir de laprtendue nullit du trait de 1928, notamment parce quil aurait t conclu sous la contrainte.Selon le juge Abraham, la Cour ne disposait pas, ce stade, de tous les lments ncessaires pourtrancher cette question, et la manire dont elle la rgle soulve autant de difficults quelle nenrsout. En particulier, le juge Abraham regrette que la Cour ait abord ds le stade prliminaire,sans ncessit aucune et sans expliciter suffisamment son raisonnement, la question dlicate desavoir si un Etat se prtendant victime dune contrainte rsultant de lemploi ou de la menaceillicite de la force pouvait encore invoquer ladite contrainte comme cause de nullit dun trait,lorsque, par son comportement suivant la conclusion dudit trait, il avait manifest pendant unecertaine priode son acquiescement la validit de celui-ci.

    En second lieu, en ce qui concerne la seconde exception prliminaire de la Colombie

    tendant contester la comptence de la Cour sur la base des dclarations facultatives le jugeAbraham approuve la Cour davoir dcid quelle ntait pas comptente sur cette base pourconnatre de la partie du diffrend relatif aux trois les, mais pas les motifs par lesquels la Cour a

    justifi sa dcision.

    Selon le juge Abraham, le pacte de Bogot constitue lunique base de comptence applicabledans les rapports entre des Etats parties au pacte, et les dclarations facultatives sont inoprantes.En revanche, il nest pas exact, selon lui, de dire que le diffrend entre les Parties relatif aux trois

    les nexiste plus, parce quil aurait t rgl par le trait de 1928, comme le fait larrt. Pour le juge Abraham, une telle motivation procde dune confusion proccupante entre les questions defond le trait de 1928 conduit peut-tre rgler le diffrend en faveur de la Colombie et lesquestions de comptence et de recevabilit le constat qui prcde ne devrait pas, par lui-mme,empcher la Cour dexercer sa comptence sur un diffrend bien rel.

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    Dclaration de M. le juge Keith

    Le juge Keith souligne que, conformment au principe de bonne administration de la justice,il incombe la Cour de trancher une question en litige un stade prliminaire pour autant quellepuisse valablement se prononcer au stade en question et que, ce faisant, le rglement de laffairesen trouve facilit. Dans lexercice de ce pouvoir et de cette responsabilit, la Cour doit disposerdes lments qui lui sont ncessaires cette fin, et chaque Partie doit se voir confrer les mmesdroits leffet de prsenter sa cause et de rfuter les allgations formules son encontre.

    Dans les circonstances de lespce, selon le juge Keith, la Cour pouvait valablement dcider,comme elle la fait, que la question de la souverainet sur les trois les dsignes avait t rgle enfaveur de la Colombie. Il ne subsiste pas de diffrend sur cette question et, partant, la Cour nestpas comptente cet gard.

    Opinion dissidente de M. le juge Bennouna

    Le juge Bennouna a vot, dune part, contre la premire dcision de la Cour retenantlexception prliminaire dincomptence souleve par la Colombie, sur la base du pacte de Bogot,en ce quelle a trait la souverainet sur les les de San Andrs, Providencia et Santa Catalina(dispositif, par. 1) a) ). Il a estim que cette exception na pas dans les circonstances de lespce uncaractre exclusivement prliminaire, au sens de larticle 79, paragraphe 9, du Rglement de laCour. En effet, alors que le pacte de Bogot exclut de la comptence de la Cour les questionsrgies par des accords ou traits en vigueur, le Nicaragua a contest la validit du trait signavec la Colombie en 1928, et ratifi en 1930, qui a t invoqu par ce pays comme fondement de sasouverainet sur les trois les.

    Dans la mesure o le Nicaragua sappuie sur la contrainte dont il aurait t lobjet unmoment o il tait sous occupation des Etats-Unis, pour en dduire la nullit ab initio du trait

    de 1928, le juge Bennouna considre que la Cour ne pouvait sengager ce stade dans la recherchedune telle contrainte sur lEtat et de ses consquences sur la capacit de contracter du Nicaragua,sans traiter du fond du litige.

    Le juge Bennouna a vot, dautre part, contre le paragraphe 2) a) du dispositif selon lequel laCour na pas non plus comptence, sur la base des dclarations facultatives des Parties,reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (Statut, art. 36, par. 2). En retenant cetteexception, la Cour a de nouveau dclin sa comptence pour les trois les. Le juge Bennouna quirelve que la Cour, aprs avoir jug tre en prsence de deux bases distinctes de comptence qui ne sexcluent pas mutuellement, est parvenue pourtant exclure la seconde, fonde sur lesdclarations facultatives, par rfrence lexamen de la premire, fonde sur le pacte de Bogot, enconcluant labsence de diffrend entre les Parties.

    Pour le juge Bennouna, les dclarations facultatives doivent tre apprcies en elles-mmeset ne peuvent tre limites que par les rserves spcifiques que les Parties auraient faites leursujet. A partir de l, il y a bien, selon lui, un diffrend, une opposition de thses juridiques entre lesParties au sujet de la validit du trait de 1928.

    Dclaration de M. le juge ad hoc Gaja

    Dans sa dclaration, le juge ad hoc Gaja critique lapprciation de la Cour selon laquellecelle-ci nest pas comptente sur la base des dclarations faites en vertu de la clause facultative caril ne subsiste pas de diffrend entre les Parties sur la question de la souverainet sur les les qui

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    furent attribues expressment la Colombie par le trait de 1928. Toutefois, il souscrit auxconclusions de la Cour sur ce point compte tenu de la rserve de la Colombie suivant laquelle laditedclaration ne sappliquait quaux diffrends ns de faits postrieurs au 6 janvier 1932. Il estimeque tous les faits relatifs au contenu et la validit du trait de 1928 dataient davant 1932.

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