2

2 2

2 3

Dinask

2 4

2 5

À tous ceux dont le destin croisa le nôtre tout au long de ces pages.

Je sais, le passé n’existe pas, mais il laisse parfois une certaine « saudade ».

Puissent ces lignes exciter l’imagination du lecteur, les décors du théâtre se sont détériorés, mais à ceux qui veulent vivre libres en choisissant leurs contraintes, je dirais qu’il reste encore beaucoup de Kilifi1 à redécouvrir.

Il leur suffira de sortir des sentiers battus.

1 Une petite baie du Kenya.

2 6

2 7

L’échec ou la réussite d’une vie ne se juge point à ce que l’on a obtenu, mais à ce que l’on a désiré.

Maurice Druon, La Volupté d’être.

Les bonheurs futurs, comme les rivages des tropiques, projettent sur l’immensité qui les précède leurs mollesses natales, une brise parfumée, et l’on s’assoupit dans cet enivrement, sans même s’inquiéter de l’horizon que l’on n’aperçoit pas.

Gustave Flaubert, Madame Bovary.

2 8

DINASK

2 9

2 10

2 11

Description du voilier Dinask

GOÉLETTE ENDURANCE 40 – Plan Peter Ibold

Caractéristiques

Longueur hors tout : 14,00 m Longueur de coque : 12,50 m Largeur : 3,90 m Tirant d’eau : 1,90 m Déplacement : 12 000 kg Hauteur sous barrot : 2,00 m Surface de voilure : 120 m² Moteur diesel Renault Couach : 80 CV Réserve gasoil : 600 l Réservoirs d’eau : 600 l Radio VHF Sondeur à éclats 3 ancres de mouillage Annexe fond rigide, Moteur hors bord : 4 CV Canot de survie dynamique Guindeau manuel Orvea Conservateur d’allure Hydrovane Réfrigérateur à gaz : 75 l Gazinière 2 feux, avec four

2 12

Voilure, sur l’étai avant on peut faire servir :

Le tourmentin n° 1 5,0 m² Le foc lourd 26,4 m² Le foc n° 1 28,6 m² Le génois médium 37,2 m² Le génois léger 45,0 m² La boleyane2 110 m²

Sur l’étai de trinquette :

La trinquette 11,0 m² Le tourmentin n° 2 5,0 m²

Sur le bas étai :

La trinquette n° 2 11,0 m² Le génois d’étai 18,1 m²

Sur le rail de mât de misaine :

Le fisherman 30,0 m²

Sur le rail de grand-voile :

La grand-voile 28,6 m²

2 Boleyane : voile inventée pour chaluter en Hollande (orthographe francisée) signifiant

le Gros Jean (le vent) baptisée Booster par les Anglais (rien à voir).

2 13

Synopsis

La construction de Dinask, un Endurance 40 en ferrociment, commence en octobre 1974, à l’époque du deuxième choc pétrolier (déjà). Il fut lancé à Rapallo en novembre 1977.

La neuvaine dura jusqu’en 1979, période pendant laquelle il fit des croisières autour de la Corse et de la Sardaigne.

En août 1979, c’est le départ vers la mer Rouge en passant par les îles Ioniennes, le détroit de Messine, Cythère et la Crète. Il passe le canal de Suez en octobre 1979, les armées israéliennes et égyptiennes sont encore face à face dans le Golfe, mais les armes se sont tues. Puis il musarde pendant cinq mois en mer Rouge, tirant des bords dans les coraux du détroit de Jubal et ceux des côtes soudanaises.

De Djibouti, il cingle vers le Kenya, puis visite Aldabra et la Tanzanie. En août 1981, il rallie les Seychelles en huit jours et demi (960 milles à

l’allure du près dans la mousson de sud-est). Puis, il appareille pour Mayotte et l’Afrique du Sud (Mayotte-Durban,

1 200 milles en 11 jours). À Durban son équipage travaille et renfloue la caisse de bord jusqu’en

octobre 1982. Ensuite, il double Bonne-Espérance et met le cap sur Abidjan

(2 800 milles en 21 jours), il y séjourne pendant dix mois, son équipage en profite pour renforcer la caisse de bord.

En août 1983, il appareille pour Bénodet, avec une courte escale à Dakar, 4 140 milles parcourus en 35 jours. Dinask ne reste que deux mois et demi en Bretagne. Le 3 décembre, il pointe son étrave vers Madère et Salvador de Bahia où il atterrit après avoir parcouru les 4 580 milles en trente-quatre jours et demi.

2 14

2 15

Le loch marque alors 27 000 milles. Nos migrateurs ont pris leur temps mais pas uniquement leur temps, et ils souhaitent que ça continue. Ils longent les côtes du Brésil en faisant des escales prolongées. Au Moro de São Paulo, qui n’était encore qu’un paisible village de pêcheurs, puis à Ilhéus, où ils découvrent les charmes de la vie en fazenda.

Fin décembre 1984, juste avant Noël, ils quittent Rio et mettent à la voile vers le Gabon en faisant escale à Saint-Hélène. Ils séjournent 13 mois au Gabon où ils travaillent en brousse, le long du Transgabonais. Puis ils pointent l’étrave de leur goélette sur l’île Ascension et Búzios.

À Búzios ils achètent une maison de pêcheur en ville et une petite ferme où ils élèvent des grenouilles. Après mûre réflexion, ils décident d’aller vendre Dinask en Bretagne. Ils appareillent de Búzios le 27/07/1989 et font le voyage le plus long de leur carrière, près de 8 000 milles en 63 jours (la grand-voile rendit l’âme dès le troisième jour).

Dinask a alors plus de 50 000 milles sous la quille. À ce jour, il continue sa vie de migrateur aux mains de Christian et

Lysiane qui lui ont conservé son nom et lui font connaître des nouveaux mouillages dans la mer des Caraïbes ; il y a des voiliers qui ont de la chance !

2 16

2 17

Préface

C’était au temps où les circumnavigateurs étaient les émules de Bernard Moitessier, ce livre est le témoignage d’une courte époque de la navigation de plaisance. Celle de la recherche d’un certain art de vivre qui était axée, non pas sur la maîtrise du temps, ce qui nous paraît impossible, mais sur la liberté d’en disposer en choisissant les contraintes.

C’est le récit d’aventures mêlées de poésie d’un couple très uni. Leur manière de regarder le monde, leur sensibilité et leur démarche sont anachroniques. Alors que les progrès techniques de notre civilisation n’ont pas ralenti leur marche triomphale, bien au contraire, et que les relations entre les communautés humaines continuent de se dégrader à cause de la course aux satisfactions matérielles à laquelle tout individu se doit de participer, l’équipage de Dinask réduit ses besoins et favorise les contacts avec d’autres communautés.

La mer, elle, n’a pas changé, ses vagues, ses courants, ses sautes d’humeur sont éternels. Mais après leur départ, les bateaux se sont beaucoup sophistiqués.

Dinask et son équipage sont les derniers représentants de la vieille manière de naviguer, ensuite, tout a changé, les voiliers se sont équipés de focs à enrouleurs, d’ordinateurs pour décoder les cartes météo, de systèmes de communication toujours plus performants, du fameux GPS, de radars, de pilotes automatiques fiables, du moins, plus fiables que ceux de 1979. Dinask n’avait rien de tout cela. La navigation se fit au compas et à l’aide du sextant, du soleil et des étoiles, quand le ciel était couvert l’équipage restait plusieurs jours sans pouvoir faire le point.

Par mauvais temps, ils changeaient les focs en équilibre sur le beaupré. L’étrave plongeait dans la vague, immergeant les navigateurs jusqu’à la poitrine. En compensation, cette manière de naviguer leur évita en partie l’esclavage des machines et amplifia leurs perceptions.

2 18

La navigation « aux instruments » annihile les sensations, autant acheter un programme pour l’ordinateur et faire le tour du monde sans quitter son salon. L’eau salée et le vent font les marins. Certains bateaux ressemblent de plus en plus à des salons (ce n’est qu’une constatation).

Ce livre est dédié à tous ceux qui se promettent de partir vers un autre continent à bord de leur voilier.

L’auteur a lu les livres de ses prédécesseurs. Le Toumelin, Bardiau, Henri de Monfred, Moitessier et beaucoup d’autres. Leurs expériences ont beaucoup aidé l’équipage de Dinask.

Nous souhaitons que ce livre, riche d’enseignements à cause des récits détaillés, provoque la même émulation chez les futurs candidats à l’aventure !

* * *

2 19

Présentation de l’équipage

Georges René Hervo est né en 1937.

À l’âge de six ans il tente sans succès la traversée du lavoir municipal d’Ergué Armel dans la caisse à savon qu’il a transformée, il découvre la nécessité du calfatage.

À huit ans il s’empare d’une barque et traverse le Ster en solitaire sous les yeux éberlués de sa cousine Mimie.

À quinze ans il construit un canoë et descend l’Odet en compagnie de son cousin Jacques, ils découvrent alors les effets des marées car la descente se fait à contre-courant…

2 20

Bien plus tard en Hollande il apprend le vent et les échouages. Aux Quatre Heures de Carnac il éprouve les sensations du dessalage sur 470. Dans l’archipel Toscan, à bord de la Longue Route, les livres de la bibliothèque lui révèlent que c’est sur la mer qu’il pourrait être heureux. La suite fait aussi le sujet de ce livre.

Maria Johanna De Nijs Hervo est née à Warmenhuizen dans le Nord de la Hollande.

L’altitude du village est de trente mètres au-dessous du niveau de la mer.

Elle apprend à nager à l’âge de onze ans, toute seule. Après ses études, elle exerce son métier de libraire à Alkmaar et Amsterdam. Puis elle travaille en Italie et en Suisse au service des lettres de crédit international d’une banque. Elle parle six langues. Elle obtient son brevet de plongeur 2e échelon au C.I.P. de Bendor.

Elle intègre le groupe de plongeurs sauveteurs de Lugano ; elle est inscrite sur la liste d’urgence des donneurs de sang…