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Diplopie C Vignal-Clermont Résumé. La diplopie binoculaire est la traduction clinique d’une atteinte du système oculomoteur. Le diagnostic topographique et étiologique repose sur l’interrogatoire et l’examen précis du patient, complétés par un bilan qui est fonction des données de ce premier examen. Les paralysies oculomotrices sont la principale cause de diplopie binoculaire et leurs étiologies sont multiples, dominées par les traumatismes, les atteintes vasculaires, tumorales et la pathologie congénitale. En dehors du traitement étiologique propre, il est important de ne pas laisser les patients voir double. Leur prise en charge doit donc être effectuée conjointement par le neurologue et l’ophtalmologiste. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : diplopie, paralysie oculomotrice, moteur oculaire commun, nerf pathétique, moteur oculaire externe. Introduction Les mouvements oculaires sont au service de la vision. Cette vision binoculaire impose au système oculomoteur la contrainte de maintenir les axes visuels face à l’image fixée. La correspondance sensorielle est ainsi servie par la correspondance motrice. L’atteinte d’un muscle ou d’un nerf oculomoteur, ou plus rarement certaines atteintes des voies supra- ou internucléaires, va perturber les correspondances motrice et sensorielle et être responsable d’une diplopie. La diplopie est donc la perception d’un même objet dans deux endroits différents de l’espace visuel. Devant ce trouble visuel, le praticien doit répondre aux trois questions suivantes : – quelle est la topographie de l’atteinte oculomotrice responsable de la diplopie ? – quelle est l’étiologie de cette atteinte ? – que peut-on proposer au patient ? Rappel anatomique (fig 1) [3, 4, 9] Les muscles oculomoteurs assurant la motilité oculaire extrinsèque sont au nombre de six par œil ; les quatre muscles droits : supérieur (DS), inférieur (Dinf), interne (Dint) et externe (DE) forment un cône musculaire ; ils s’insèrent en arrière à l’apex orbitaire sur le tendon de Zinn et en avant entre 5 et 8 mm en arrière du limbe sclérocornéen. Le grand oblique ou oblique supérieur (OS) s’insère en arrière sur le tendon de Zinn ; il se dirige d’abord en avant et en dedans et se Catherine Vignal-Clermont : Ophtalmologiste, praticien hospitalier, centre hospitalier Delafontaine, 2, rue Pierre-Delafontaine, 93205 Saint-Denis cedex 1, attachée à l’hôpital Lariboisière 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France. réfléchit sur sa poulie située dans l’angle supéro-interne de l’orbite, avant de repartir vers l’arrière et en dehors pour s’insérer sur la sclère, en arrière de l’équateur du globe oculaire. Le petit oblique ou oblique inférieur (OI), également rétroéquatorial s’insère dans le quadrant inféro-externe du globe. Le moteur oculaire commun (III), innerve les muscles DS, Dinf, Dint, OI et le releveur de la paupière supérieure. Les fibres pupillaires parasympathiques innervant le sphincter irien suivent le trajet du III. Le noyau du III est situé dans le tronc cérébral en avant du colliculus supérieur et comprend plusieurs sous-noyaux. L’organisation comporte deux particularités : – les fibres innervant le droit supérieur sont toutes des fibres croisées ; – l’innervation des deux releveurs de la paupière se fait à partir d’un seul sous-noyau dont le siège est médian. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 Complexe nucléaire du nerf oculomoteur commun. 1. Innervation du muscle droit inférieur ; 2. innervation du muscle oblique inférieur ; 3. innervation du muscle droit interne ; 4. innervation du muscle droit supérieur ; 5. innervation du muscle releveur de la paupière ; 6. fibres pupillaires d’Edinger- Westphal ; 7. caudal ; 8. rostral ; 9. ganglion ciliaire. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-016-A-50 17-016-A-50 Toute référence à cet article doit porter la mention : Vignal-Clermont C. Diplopie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-016-A-50, 2001, 8 p.

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DiplopieC Vignal-Clermont

Résumé. – La diplopie binoculaire est la traduction clinique d’une atteinte du système oculomoteur. Lediagnostic topographique et étiologique repose sur l’interrogatoire et l’examen précis du patient, complétéspar un bilan qui est fonction des données de ce premier examen. Les paralysies oculomotrices sont laprincipale cause de diplopie binoculaire et leurs étiologies sont multiples, dominées par les traumatismes, lesatteintes vasculaires, tumorales et la pathologie congénitale. En dehors du traitement étiologique propre, ilest important de ne pas laisser les patients voir double. Leur prise en charge doit donc être effectuéeconjointement par le neurologue et l’ophtalmologiste.© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : diplopie, paralysie oculomotrice, moteur oculaire commun, nerf pathétique, moteur oculaireexterne.

Introduction

Les mouvements oculaires sont au service de la vision. Cette visionbinoculaire impose au système oculomoteur la contrainte demaintenir les axes visuels face à l’image fixée. La correspondancesensorielle est ainsi servie par la correspondance motrice. L’atteinted’un muscle ou d’un nerf oculomoteur, ou plus rarement certainesatteintes des voies supra- ou internucléaires, va perturber lescorrespondances motrice et sensorielle et être responsable d’unediplopie.

La diplopie est donc la perception d’un même objet dans deuxendroits différents de l’espace visuel.

Devant ce trouble visuel, le praticien doit répondre aux troisquestions suivantes :

– quelle est la topographie de l’atteinte oculomotrice responsablede la diplopie ?

– quelle est l’étiologie de cette atteinte ?

– que peut-on proposer au patient ?

Rappel anatomique (fig 1) [3, 4, 9]

Les muscles oculomoteurs assurant la motilité oculaire extrinsèquesont au nombre de six par œil ; les quatre muscles droits : supérieur(DS), inférieur (Dinf), interne (Dint) et externe (DE) forment un cônemusculaire ; ils s’insèrent en arrière à l’apex orbitaire sur le tendonde Zinn et en avant entre 5 et 8 mm en arrière du limbesclérocornéen.

Le grand oblique ou oblique supérieur (OS) s’insère en arrière sur letendon de Zinn ; il se dirige d’abord en avant et en dedans et se

Catherine Vignal-Clermont : Ophtalmologiste, praticien hospitalier, centre hospitalier Delafontaine, 2, ruePierre-Delafontaine, 93205 Saint-Denis cedex 1, attachée à l’hôpital Lariboisière 2, rue Ambroise-Paré,75475 Paris cedex 10, France.

réfléchit sur sa poulie située dans l’angle supéro-interne de l’orbite,avant de repartir vers l’arrière et en dehors pour s’insérer sur lasclère, en arrière de l’équateur du globe oculaire. Le petit oblique ouoblique inférieur (OI), également rétroéquatorial s’insère dans lequadrant inféro-externe du globe.Le moteur oculaire commun (III), innerve les muscles DS, Dinf, Dint,OI et le releveur de la paupière supérieure. Les fibres pupillairesparasympathiques innervant le sphincter irien suivent le trajetdu III. Le noyau du III est situé dans le tronc cérébral en avant ducolliculus supérieur et comprend plusieurs sous-noyaux.L’organisation comporte deux particularités :

– les fibres innervant le droit supérieur sont toutes des fibrescroisées ;– l’innervation des deux releveurs de la paupière se fait à partird’un seul sous-noyau dont le siège est médian.

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1 Complexe nucléaire du nerf oculomoteur commun.1. Innervation du muscle droit inférieur ; 2. innervation du muscle oblique inférieur ;3. innervation du muscle droit interne ; 4. innervation du muscle droit supérieur ;5. innervation du muscle releveur de la paupière ; 6. fibres pupillaires d’Edinger-Westphal ; 7. caudal ; 8. rostral ; 9. ganglion ciliaire.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Vignal-Clermont C. Diplopie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-016-A-50, 2001, 8 p.

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Les fibres du III émergent à la partie antérieure du tronc cérébral, auniveau du sillon bulboprotubérantiel, à la terminaison du troncbasilaire ; elles cheminent ensuite le long de la tente du cervelet oùelles sont pincées entre les artères cérébelleuse supérieure etcérébrale postérieure, puis sur le toit du sinus caverneux avant depénétrer dans sa paroi latérale. À la sortie du sinus caverneux, le IIIse divise en deux branches supérieure et inférieure qui pénètrentdans l’orbite par l’anneau de Zinn.

Le nerf pathétique (IV) innerve l’OS. Son noyau est situé en avantdu colliculus inférieur ; les fibres qui en sont issues émergent à lapartie dorsale du tronc cérébral, croisent la ligne médiane et ontensuite un trajet circumpédonculaire d’arrière en avant. Ellespénètrent dans la paroi latérale du sinus caverneux et se dirigentvers la fente sphénoïdale.

Le moteur oculaire externe (VI) innerve le DE. Son noyau est situédans la protubérance, sous le plancher du IVe ventricule. Les fibresémergent en avant, au niveau du sillon bulboprotubérantiel ; ellesse dirigent vers l’avant, croisent la pointe du rocher, puis gagnentl’intérieur du sinus caverneux au contact de la carotide interne. Ellespénètrent ensuite dans l’orbite par la fente sphénoïdale, dansl’anneau de Zinn.

Définitions

L’examen d’un patient se plaignant de diplopie doit être soigneux etdémarrer dès que celui-ci entre dans la pièce et commence à raconterson histoire. Il faut s’attacher à observer comment il se déplace,s’assoit, regarde son environnement et l’examinateur. Cet examenclinique comporte deux temps importants : l’interrogatoire etl’examen de la motilité oculaire proprement dit. Le tableau Iconstitue un lexique des termes fréquemment utilisés enoculomotricité qui sont utilisés dans cet article [6].

Interrogatoire

Il recherche des éléments permettant d’orienter vers une étiologie :

– antécédents du patient :

– ophtalmologiques : rééducation orthoptique, chirurgie destrabisme, chirurgie de la cataracte, traumatisme craniofacial ouorbitaire récent ;

– généraux : recherche de facteurs de risque vasculaires, enparticulier existence d’un diabète dont on doit préciser lescaractères ;

– antécédents neurologiques... ;

– signes précédant l’installation de la diplopie et/oul’accompagnant : existence de douleurs périoculaires (élémentimportant de la démarche diagnostique), de céphalées, signes enfaveur d’une maladie de Horton, notion de baisse d’acuité visuelleou de trouble du champ visuel, existence d’éclipses visuelles...L’interrogatoire précise les caractères de la diplopie :

– mono- ou le plus souvent binoculaire, disparaissant lors del’occlusion d’un œil ;

– permanente ou transitoire (majorée par l’effort physique, orientantvers une myasthénie ; n’existant pas ou augmentée dans certainespositions du regard, par exemple diplopie uniquement à la lectureou lors de la descente des escaliers orientant vers une atteinte dugrand oblique) ;

– direction de la vision double : horizontale, verticale ou oblique.

Examen clinique (fig 2) [2, 5, 7]

DIPLOPIE MONOCULAIRE

Elle est le plus souvent d’origine oculaire. Pour léliminer, on réalisepour cela l’occlusion d’un œil puis de l’autre. La suppression de lavision double par l’occlusion d’un œil signe la diplopie binoculaire.Si l’occlusion d’un œil ne supprime pas la diplopie, c’est qu’il existeune diplopie monoculaire sur l’un des deux yeux. La mise enévidence d’une diplopie monoculaire impose de placer devant l’œilatteint un cache percé d’un trou punctiforme ou trou sténopéique.Si le trou sténopéique fait disparaître la vision double, il s’agit d’unproblème purement oculaire (tableau II) qui est précisé parl’ophtalmologiste. Très rarement la vision double persiste sur un œil,il peut alors s’agir d’un problème psychogène, ou exception-nellement d’une atteinte occipitale.

DIPLOPIE BINOCULAIRE

¶ Observation du patient en position de repos

Le plus souvent, il existe une déviation oculaire ou strabisme donton précise le type : strabisme convergent (ésotropie), divergent(exotropie), déviation verticale isolée (hyper- ou hypotropie) ouaccompagnée d’une déviation horizontale.L’inspection apprécie également l’existence d’une attitude vicieusede la tête ou torticolis ; pour essayer de compenser la vision double,le patient tourne la tête dans le champ d’action du muscle atteint.On recherche également l’existence d’anomalies oculaires associées :

– une exophtalmie dont on précise les caractères : bilatérale, axile,s’accompagnant d’une rétraction palpébrale et d’une asynergieoculopalpébrale, elle oriente vers une affection dysthyroïdienne ;unilatérale, non axile, indolore et d’apparition progressive, elleévoque plutôt un problème orbitaire tumoral ;

– un ptôsis : unilatéral, constant, associé à une atteinte des musclesDinf, Dint et DS homolatéraux, il oriente vers une atteinte du III ;variable dans la journée, majoré par l’effort, il est en faveur d’unemyasthénie. Par ailleurs, l’existence d’un ptôsis peut masquer ladiplopie ;

Tableau I. – Lexique des termes fréquemment utilisés en oculo-motricité.

Duction/version/vergence

Par duction, on entend un mouvement intéressant un seul œil, en général effectuéalors que l’œil controlatéral est occlus. Abduction/adduction : l’abduction est unmouvement monoculaire horizontal, dirigé de dedans en dehors ; l’adduction est unmouvement monoculaire horizontal dirigé de l’extérieur vers le nez.

Par version, on entend un mouvement des deux yeux dans la même direction (ouconjugué).

La vergence est un mouvement des deux yeux en direction opposée (dysconjugué),souvent mis en jeu lors du rapprochement d’un objet (convergence) ou de son éloi-gnement (divergence).

Comitance/incomitance : une déviation oculaire (ou strabisme) est dite comitanteou concomitante si elle est stable dans toutes les positions du regard ; c’est engénéral le cas des strabismes congénitaux. Quand l’angle de la déviation change avecles mouvements oculaires, le strabisme est dit incomitant ; c’est le cas par exempledes paralysies oculomotrices où la déviation est maximale dans le champ d’action duou des muscles paralysés.

Confusion/diplopie : la diplopie est le fait qu’un même objet est vu dans deuxendroits différents de l’espace visuel, et donc doublé.La confusion est le fait que lorsque les deux axes visuels ne sont brutalement plusparallèles, deux images différentes sont superposées au niveau de la vision centrale,le patient ne sachant pas laquelle est réellement en face de lui.

Phorie/tropie : une phorie (ou hétérophorie) est un trouble de l’alignement oculairequi n’apparaît que lorsque la fixation binoculaire est rompue, par exemple lors del’occlusion d’un œil ; lorsque le patient fixe avec ses deux yeux, il est capable demaintenir un alignement oculaire correct afin de voir simple l’objet qu’il fixe.Une tropie (ou hétérotropie) est un trouble de l’alignement oculaire présent lorsqueles deux yeux sont ouverts. Il peut s’agir d’une ésotropie (déviation en dedans oustrabisme convergent), exotropie (strabisme divergent), hypertropie (déviation vers lehaut) ou hypotropie (déviation vers le bas).

Déviation primaire/déviation secondaire : on appelle déviation primaire la dévia-tion mesurée lorsque l’œil sain est fixateur et déviation secondaire, la déviationmesurée lorsque l’œil paralysé est fixateur. En cas de paralysie oculomotrice récente,la déviation secondaire est plus importante que la déviation primaire.

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– un trouble pupillaire : une mydriase unilatérale associée à unelimitation des DS, Dinf, Dint homolatéraux signe une atteinte du III.

¶ Déviation oculaire

Cette étude se fait en binoculaire (étude des versions) puis enmonoculaire (étude des ductions oculaires), et l’on étudie laconvergence oculaire.

– Si cette déviation est stable dans toutes les positions du regard,on est dans le cadre rare du strabisme aigu révélé par une diplopie.

– Le plus souvent, la déviation varie dans les différentes positionsdu regard. De même que la diplopie, elle est maximale dans lechamp d’action du ou des muscles paralysés. L’abduction esteffectuée par le DE innervé par le VI et l’adduction par le Dintinnervé par le III. L’élévation est essentiellement sous la dépendancedu DS (innervé par le III), alors que le OI n’a d’action d’élévationque lorsque l’œil est en adduction ; l’abaissement est assuré par leDinf innervé par le III lorsque l’œil est en abduction, alors que l’OS,muscle de la lecture, est abaisseur lorsque l’œil est en dedans. Leplus souvent, la diplopie est en rapport avec une paralysieoculomotrice (POM) ou une atteinte de la jonction neuromusculaire(myasthénie), mais il peut aussi s’agir d’une atteinte du muscle lui-même. Plus rarement, la diplopie est causée par une pathologieinter- ou supranucléaire.

– Dans le cadre d’une diplopie intermittente déclenchée ou majoréepar les efforts de fixation visuelle, si l’examen ne retrouve pas dedéviation oculaire en position primaire et dans les différentespositions du regard, il faut se méfier d’une hétérophoriedécompensée. Dans ce cas, l’occlusion alternée démasque unstrabisme convergent (ésophorie) ou divergent (exophorie) quidisparaît en vision binoculaire. En cas de fixation prolongée, lafusion ne peut être maintenue et la diplopie apparaît. En casd’exophorie décompensée, il existe en règle une insuffisance deconvergence associée.

¶ En cas de diplopie verticale

On recherche un trouble de la torsion oculaire par la manœuvre deBielschowski.En cas de paralysie du IV, il existe une diplopie verticale plusimportante dans le regard en bas et en dedans du côté de l’œilparalysé. Ainsi, quand on incline la tête du patient du côté paralysé,la diplopie augmente avec une élévation de l’œil paralysé : c’est lamanœuvre de Bielschowski. Cette manœuvre est négative en casd’atteinte du DS controlatéral.

¶ Différents types de mouvements oculaires

Ils sont analysés un par un, dans le plan horizontal puis vertical :

– étude des saccades en demandant au patient de déplacer ses yeuxvolontairement ;

– étude de la poursuite oculaire en faisant suivre un objet déplacélentement ;

– étude du réflexe vestibulo-oculaire (RVO) par la manœuvre desyeux de poupée.En cas d’atteinte nucléaire ou infranucléaire, il existe une atteintedes saccades du muscle paralysé et une paralysie du RVO dans lemême sens. Dans les atteintes supranucléaires, on retrouve unedissociation entre la motilité saccadique volontaire atteinte et le RVOconservé.

¶ Examen général

Il recherche une autre atteinte neurologique : atteinte des autrespaires crâniennes, syndrome cérébelleux...

Éliminer une hétérophoriedécompensée

Pas de déviation -motilité normale - problème ophtalmologique : anisométropie - diplopie physiologique - problème fonctionnel

déviation stable - strabisme aigu

Déviation oculairede face

+Motilité

Déviation variable - trouble supranucléaire - POM - myasthénie - myopathie (Basedow)

Vision double=

Diplopie monoculaire

Trousténopéique

Occlusion d'un œilpuis de l'autre

Diplopie

Vision simple=

Diplopie binoculaire

Vision simple - problème réfractif - cataracte

Vision double - problème fonctionnel - problème occipital

2 Arbre diagnostique devant une diplopie. POM : para-lysie oculomotrice.

Tableau II. – Causes de la diplopie monoculaire.

Le plus souvent pathologie oculaire- Anomalie de surface cornéenne avec irré-gularité ou astigmatisme cornéen irrégu-lier, par exemple en rapport avec un kéra-tocône- Cataracte, subluxation ou luxation ducristallin ou d’un implant cristallinien- Problème irien : iridectomie de grandetaille, iridodialyse post-traumatique- Problème maculaire, par exemple mem-brane épirétinenne

Plus rarement problème anorganiqueExceptionnellement atteinte cérébraleoccipitale

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L’ophtalmologiste complète cet examen de la motilité oculaire parune étude de la réfraction oculaire, de l’acuité visuelle, un examen àla lampe à fente à la recherche d’une anomalie du segment antérieurde l’œil et une étude du fond de l’œil. Cet examen permet depréciser la cause oculaire d’une diplopie monoculaire, de rechercherun problème de réfraction, d’éliminer une hétérophoriedécompensée ainsi que des causes ophtalmologiques plus rares dediplopie binoculaire : les syndromes de rétraction ; ce sont :

– le syndrome de Stilling-Türk-Duane où il existe une fibrosemusculaire avec un déficit de l’abduction de l’œil atteint et unerétraction du globe dans le mouvement d’adduction de ce mêmeœil.

– le syndrome de Brown où il existe une fibrose de la gaine dugrand oblique.

¶ Examens complémentaires

En plus de l’étude de la motilité oculaire, l’atteinte oculomotricepeut être précisée par différentes techniques.

– Mesure de la déviation oculaire (exprimée en dioptries) dans lesdifférentes positions du regard en utilisant des barres de prisme.

– Examen au verre rouge : il peut être pratiqué d’emblée au cabinet.On interpose un filtre rouge devant un œil, par convention l’œildroit. Ceci permet de savoir quelle est l’image vue par chaque œil.On peut ainsi analyser le décalage et sa variation en fonction de laposition des yeux pour connaître le ou les muscles déficitaires. Ilexiste des règles d’interprétation :

– lorsque les axes visuels se croisent, les images se décroisent.Dans une ésodéviation (par exemple lors d’une paralysie du VI),les deux images s’écartent dans le plan horizontal, chacune restantdu bon côté et la diplopie est dite homonyme. Dans uneexodéviation (lors d’une atteinte du III) les images se croisentdans le plan horizontal et la diplopie est dite croisée ;

– l’écart entre les deux images augmente dans le champ d’actiondu ou des muscles paralysés ;

– l’image la plus périphérique est celle de l’œil paralysé.En pratique, ce test est facile à réaliser dans les atteintes limitées àun ou deux muscles. Il demande une bonne coopération dupatient. Son principal inconvénient est l’absence de mesure dudéficit ;

– Test de Hess-Lancaster : il est basé sur le principe de la confusion,puisque chaque œil voit une image différente. Le sujet qui porte deslunettes duochromes (un verre rouge sur un œil et un verre vert surl’autre) dans une pièce sombre est placé devant un écran quadrilléneutre ; deux torches projettent sur cet écran une flèche : la flèche

rouge est vue uniquement par l’œil équipé du verre rouge et la vertepar l’autre œil. Pour étudier l’œil équipé du verre rouge (l’œil droit,par convention le plus souvent), l’examinateur déplace sur l’écranla torche verte que le patient voit avec son œil gauche et donne aupatient la torche rouge vue par le droit. Il lui demande desuperposer sa torche rouge sur la torche verte. Pour étudier l’œilgauche équipé du verre vert, les torches sont inversées. Ce test, dontil existe des variantes, permet de mettre en évidence l’œil atteintdont le cadre de déviation est le plus petit et le ou les musclesparétiques. Il visualise également la déviation secondaire provoquéepar l’hyperaction du synergique controlatéral. Ce test constitue undocument objectif qui permet de quantifier l’atteinte et de suivrel’évolution du déficit. La figure 3 illustre l’aspect d’un Lancasternormal, les figures 4, 5 et 6 montrent l’aspect du Lancaster dans lesPOM du III, IV et VI respectivement.Au terme de l’examen clinique, le diagnostic topographique del’atteinte responsable de la diplopie est en général fait : POM le plussouvent, mais aussi myasthénie ou atteinte musculaire. Lapathologie supranucléaire est plus rarement en cause. Le diagnosticétiologique est parfois suspecté lors de l’examen clinique initial ; ilest confirmé par le bilan qui est fonction de l’étiologie suspectée.

Diagnostic étiologique d’une diplopiebinoculaire

Il existe plusieurs façons d’envisager le diagnostic étiologique d’unediplopie binoculaire :

– en fonction de l’existence de signes associés (douleur,exophtalmie : tableaux III, IV) ;

– en fonction du mécanisme de l’atteinte : vasculaire, tumorale,inflammatoire... ;

– enfin, en fonction de la topographie de l’atteinte ; c’est cettedernière classification qui est utilisée ici ; de plus, bien que les POMsoient la principale cause neurologique de diplopie binoculaire, lesatteintes sont envisagées en suivant les voies oculomotrices et leursconnexions, en commençant par les atteintes supranucléaires et enterminant par la pathologie musculaire.

PARALYSIES DE FONCTIONET ATTEINTES INTERNUCLÉAIRES [1, 5]

Les atteintes supranucléaires de la latéralité et de la verticalitéoculaire ne donnent en règle pas de diplopie.En revanche, lors de l’ophtalmoplégie internucléaire antérieure quitraduit une atteinte de l’interneurone reliant les noyaux du III et du

L 3 Schéma de Lancaster : normal.OG : œil gauche ; OD : œil droit ; D SUP : droit supérieur ;D EXT : droit externe ; D INF : droit inférieur ; P OBL : pe-tit oblique ; D INT : droit interne ; G OBL : grand oblique.

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VI controlatéral, il existe du côté atteint, lors du mouvement delatéralité une limitation de l’adduction de l’œil atteint alors que l’œilcontrolatéral présente un nystagmus ataxique en abduction. C’estdans cette position de regard latéral que le patient peut se plaindre

de vision double horizontale. Chez les patients de moins de 40 ans,la sclérose en plaques (SEP) est l’étiologie dans 95 % des cas ; chezles patients plus âgés, les causes vasculaires représentent environ60 % des cas, contre seulement 15 % pour les causes tumorales. Le

L 4 Schéma de Lancaster : paralysie du moteur oculairecommun droit.OG : œil gauche ; OD : œil droit ; D SUP : droit supérieur ;D EXT : droit externe ; D INF : droit inférieur ; P OBL : pe-tit oblique ; D INT : droit interne ; G OBL : grand oblique.

L 5 Schéma de Lancaster : paralysie du grand oblique droit(IV droit).OG : œil gauche ; OD : œil droit ; D SUP : droit supérieur ;D EXT : droit externe ; D INF : droit inférieur ; P OBL : pe-tit oblique ; D INT : droit interne ; G OBL : grand oblique.

L 6 Schéma de Lancaster : paralysie du droit externe droit(VI droit).OG : œil gauche ; OD : œil droit ; D SUP : droit supérieur ;D EXT : droit externe ; D INF : droit inférieur ; P OBL : pe-tit oblique ; D INT : droit interne ; G OBL : grand oblique.

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diagnostic étiologique repose sur l’imagerie par résonancemagnétique (IRM) qui visualise bien le tronc cérébral.De même, lorsqu’il existe une skew deviation, trouble supranucléairequi associe une déviation oculaire verticale et une cyclotorsion, onretrouve très fréquemment une diplopie verticale.

PARALYSIES OCULOMOTRICES [3, 8]

L’atteinte du VI est la plus fréquente des POM (30 à 40 % environ),suivie par l’atteinte du III partielle ou totale (25 % des cas environ)et enfin les atteintes du IV dont la fréquence varie en fonction durecrutement ou non de la pathologie congénitale ; le reste estreprésenté par les atteintes multiples qui sont fréquentes.Étiologies : les plus fréquentes sont les cause traumatiques (20 %environ), vasculaires (15 % environ), tumorales (10 à 20 % selon lesséries) et congénitales (environ 20 %). Les autres étiologies sont plusrares.

¶ Atteinte du moteur oculaire commun (III)

Elle représente entre 25 et 33,5 % de l’ensemble des POM. Elle peutêtre totale ou partielle. Elle est le plus souvent liée à une lésiontronculaire située entre le tronc cérébral et l’orbite, le long du trajetdu nerf.Sur le plan clinique, dans la forme complète, il existe un strabismedivergent et, du côté de l’atteinte, un ptôsis qui peut masquer ladiplopie. En cas d’atteinte intrinsèque, la pupille du côté atteint esten mydriase aréactive. Lorsque l’œil est maintenu ouvert, il existeune diplopie croisée avec un petit décalage vertical des images. Lamobilisation fait apparaître un déficit de l’adduction (y compris lors

de la convergence), de l’élévation et de l’abaissement. Le test deLancaster confirme la limitation du mouvement de l’œil dans cesdifférentes directions et montre l’hyperaction de tous lesmouvements de l’œil sain, en dehors de l’adduction (fig 4). Il peutégalement exister une atteinte extrinsèque isolée avec respect de lapupille ; parfois, l’atteinte est partielle, touchant un ou deux muscles.Les causes des atteintes du III chez l’adulte sont :

– une origine anévrismale dans 20 à 30 % des cas ;

– une étiologie ischémique dans 20 % des cas environ (grandefréquence des atteintes du III d’origine diabétique qui peuvent êtredouloureuses) ;

– une fréquence de 10 à 20 % pour les causes traumatiques ;

– une fréquence de 10 à 15 % pour les causes tumorales avec ousans hypertension intracrânienne (HIC) ;

– les autres étiologies sont plus rares : la SEP (7 % environ) ; lamaladie de Horton (à évoquer fortement chez le sujet âgé car ladiplopie est le signe fonctionnel initial du Horton dans 12 % des caset le III est la paire crânienne le plus souvent atteinte dans cettemaladie) ; les causes infectieuses (méningites, encéphalites) ; lesyndrome de Tolosa et Hunt ; dans 10 à 14 % des cas, la POM du IIIreste d’étiologie indéterminée, avec probablement une grandeproportion d’atteintes vasculaires.Chez l’enfant, la moitié des atteintes du III isolées sont d’originecongénitale (50 % environ) ; les autres étiologies sont traumatiques(15 à 25 % des cas), tumorales (10 %) ; les étiologies anévrismalessont rares (7 %). Notons sur ce terrain la migraineophtalmoplégique, qui reste un diagnostic d’élimination.La conduite à tenir devant une atteinte du III isolée dépend del’existence ou non d’une atteinte pupillaire, d’une douleur et de l’âgedu patient. L’existence d’une mydriase associée à une atteinte du IIIextrinsèque est en faveur d’une compression (tumeur, anévrisme)car les fibres pupillaires sont situées à la périphérie du nerf. Uneatteinte du III avec atteinte pupillaire associée à une douleur imposela réalisation en urgence d’une IRM complétée par uneartériographie cérébrale, seul examen permettant d’éliminerformellement l’existence d’un anévrisme intracrânien. À l’inverse,une paralysie du III sans atteinte pupillaire est plutôt en faveur d’unprocessus ischémique.En pratique, chez le sujet de moins de 40 à 45 ans (nonathéroscléreux), une IRM doit être pratiquée quel que soit l’étatpupillaire. En cas d’atteinte de la pupille, a fortiori s’il existe unedouleur associée, l’IRM (complétée par une angio-IRM) est réaliséeen urgence et complétée éventuellement par une artériographie.Chez les sujets à risque vasculaire avec une atteinte du III complètesans atteinte pupillaire, une surveillance et un bilan des facteurs derisque vasculaire et éliminant une maladie de Horton sont indiqués.Le patient doit être revu régulièrement (au cinquième, au huitièmejour, puis chaque mois) ; l’apparition d’une atteinte pupillaireimpose la réalisation d’une IRM et d’une artériographie. Dans lecadre des atteintes ischémiques, la POM régresse en règle en 3 à4 mois. En cas d’évolution atypique, un bilan neuroradiologique doitêtre fait.Enfin, l’atteinte partielle du III, ne touchant pas tous les muscles,n’est en règle pas d’origine ischémique et impose un bilanneuroradiologique pour éliminer une compression.Beaucoup plus rare, l’atteinte du noyau du III est responsable d’uneatteinte du III homolatérale et d’une paralysie de l’élévation de l’œilcontrolatéral qui apparaît dévié vers le bas en position primaire. Àce tableau peut s’associer un ptôsis bilatéral. Les accidentsvasculaires en sont la cause la plus fréquente.

¶ Atteinte du nerf pathétique (IV)

La paralysie du IV est responsable d’une attitude vicieuse de la tête,inclinée et tournée vers le côté sain, menton abaissé. Il existe unediplopie verticale qui prédomine dans le regard en bas et en dedans,et gêne la lecture, la marche, la descente des escaliers. En position

Tableau III. –

Problème diagnostique :

- éliminer un anévrisme +++ (IRM, artériographie)

- rechercher l’existence d’une atteinte pupillaire

Anévrisme carotidien : III douloureux avec atteinte pupillaire

Autres étiologies vasculaires :- diabète (III)++- vascularites (Horton, périartérite noueuse, lupus, sarcoïdose)- fistules carotidocaverneuses (traumatisme, souffle)

Sclérose en plaques

Inflammations, infections locorégionales- inflammations orbitaires- zona ophtalmique (POM dans 5 % des cas)- infections, inflammations ORL (cavum, otomastoïdite, sinusite sphénoïdale)- Tolosa et Hunt

Étiologies tumorales : orbite, apex orbitaire, région parasellaire (sinus caverneux),fente sphénoïdale

Migraine ophtalmoplégique : rare, surtout enfant, diagnostic d’élimination

IRM : imagerie par résonance magnétique ; POM : paralysie oculomotrice ; ORL : oto-rhino-laryngologique ; III :moteur oculaire commun.

Tableau IV. – Diplopie et exophtalmie, d’après [10].

Exophtalmie unilatérale- Tumeur orbitaire : vasculaire, neurogène, lymphoïde, osseuse, méningiome, métas-tase

- Affection inflammatoire orbitaire :- aiguës : cellulites orbitaires pouvant se compliquer de thrombophlébite du sinuscaverneux- chroniques :- granulomatoses (périartérite noueuse, lupus, Wegener)- sarcoïdose- amylose- certaines tumeurs avec une participation inflammatoire- pseudotumeur inflammatoire

- Fistules carotidocaverneuses : spontanées ou traumatiques, exophtalmie soufflante

Exophtalmie bilatérlae : ophtalmopathie thyroïdienne

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primaire, l’hypertropie est modérée ou absente et l’œil ne peut seporter en bas et en dedans ; la diplopie augmente si le sujet inclinela tête sur l’épaule du côté paralysé, avec dans ce cas un mouvementd’élévation de l’œil paralysé : c’est la manœuvre de Bielschowsky(cf supra). Le test de Lancaster visualise la limitation de l’OS etl’hyperaction du Dinf controlatéral. (fig 5).Les deux grandes causes de la paralysie du IV isolée sont lesatteintes traumatiques (25 à 50 %) et congénitales. Les autresétiologies : vasculaires (15 %), SEP, tumeurs (5 à 10 %), infections,collagénoses... sont beaucoup plus rares.La chronologie d’une POM du IV d’origine vasculaire est identiqueà celle du VI :

– début brutal, souvent avec une douleur périorbitaire ;

– déviation oculaire constante pendant 4 à 6 semaines ;

– en général, récupération complète.En pratique, devant une atteinte du IV non traumatique chez unadulte, étant donné la grande fréquence des atteintes congénitales, ilest nécessaire de pratiquer, quel que soit l’âge du patient, un bilanoculomoteur avec une mesure de l’amplitude de fusion. Celle-ci estmesurée par l’orthoptiste et représente l’étendue des mouvementspossibles dans les différentes directions en maintenant la perceptiond’une image unique. En cas de décompensation d’un IV congénital,cette amplitude de fusion est souvent importante et aucuneexploration complémentaire n’est nécessaire. En cas de mauvaiseamplitude de fusion chez un sujet jeune, il est nécessaire d’éliminerune cause tumorale en pratiquant une IRM. Chez le sujet âgé àrisque vasculaire, un bilan des facteurs de risque ainsi qu’unesurveillance clinique sont nécessaires. Une imagerie est pratiquée encas de non-régression de l’atteinte, voire de son extension.

¶ Atteintes du moteur oculaire externe (VI)

C’est la plus fréquente des POM ; elle n’a pas de valeur localisatrice.Elle associe :

– une diplopie horizontale homonyme, maximale dans le regard ducôté paralysé ;

– une attitude vicieuse de la tête, tournée vers le côté du muscleparalysé ;

– un strabisme convergent incomitant, œil atteint en adduction avecabduction impossible.Le Lancaster montre une limitation de l’abduction de l’œilpathologique avec une hyperaction de l’adduction de l’œil sain(fig 6).Chez l’adulte, les causes traumatiques sont les plus fréquentes etimpliquent un bilan neuroradiologique. En dehors de ce contexte,les atteintes vasculaires prédominent après 40 ans. Elles sontvolontiers précédées ou accompagnées par une douleur péri- ourétro-oculaire. Le bilan retrouve une hypertension artérielle et/ouun diabète. L’atteinte régresse en 3 à 6 mois.Les autres étiologies sont moins fréquentes : tumorales (parirritation, compression du nerf ou par HIC), la SEP, les causesinfectieuses (méningites, mastoïdites), inflammatoires (Horton,sarcoïdose, Tolosa et Hunt) ; les étiologies indéterminées ne sont pasraresChez l’enfant, les principales étiologies sont traumatiques (40 %) ettumorales (30 à 40 %).En pratique, en cas d’atteinte non traumatique isolée du VI, chez lesujet de moins de 40 ans, il est nécessaire de pratiquer un bilanneuroradiologique (scanner, IRM). Si celui-ci est négatif, on réaliseun bilan sanguin, un examen oto-rhino-laryngologique et uneponction lombaire. Chez le sujet plus âgé à risque vasculaire, il estnécessaire d’évaluer les facteurs de risque par un bilan biologiquecomplet incluant la recherche d’une maladie de Horton. Le patientdoit être surveillé régulièrement, l’absence d’amélioration entraînantla réalisation d’un bilan neuroradiologique. En cas de non-amélioration de l’atteinte motrice en 4 à 6 mois, l’imagerie estrépétée.

Une paralysie bilatérale du VI peut s’observer dans les atteintestraumatiques et au cours de l’HIC. Il existe dans ce cas une diplopiehorizontale qui augmente dans le regard latéral droit et gauche etest moins importante dans le regard de face. Il existe une limitationbilatérale de l’abduction avec une hyperaction de l’adduction aussibilatérale. Les atteintes bilatérales du VI demandent un bilanneuroradiologique et, en cas de normalité, une ponction lombaire.

¶ Atteintes combinées de plusieurs nerfs oculomoteursL’atteinte combinée de plusieurs nerfs oculomoteurs impose laréalisation d’un bilan radiologique afin de déterminer la localisationde la lésion en cause et son étiologie. L’association de différentesPOM a une grande valeur localisatrice. Plusieurs syndromes sontainsi constitués (tableau V).Les causes les plus fréquentes sont traumatiques et tumorales, maisil peut aussi s’agir d’atteinte inflammatoires. Parmi les étiologies desatteintes combinées de plusieurs nerfs oculomoteurs, le syndromede Tolosa et Hunt réalise une ophtalmoplégie douloureuse. Il s’agitd’une inflammation idiopathique du sinus caverneux et/ou del’apex orbitaire. C’est un diagnostic d’élimination qui ne doit êtreretenu qu’après avoir éliminé une cause infectieuse ou tumorale ;son traitement repose sur la corticothérapie.Parmi les autres causes affections inflammatoires réalisant uneatteinte combinée de plusieurs nerfs oculomoteurs, on citeégalement le syndrome de Miller-Fischer, variante du syndrome deGuillain et Barré qui associe une ophtalmoplégie souvent rapide etbilatérale, une diplégie faciale fréquente et une atteinte des nerfspériphériques.

ATTEINTE DE LA JONCTION NEUROMUSCULAIRE :MYASTHÉNIE [5]

On l’évoque devant une diplopie intermittente, variable, majorée parles efforts musculaires et la fatigue. Elle touche le plus souvent lafemme (3 pour 1) avant 40 ans.Les signes oculomoteurs, diplopie et ptôsis, sont inauguraux dans70 % des cas et environ 95 % des patients présentent une atteinteoculomotrice au cours de la maladie. La pupille est toujoursépargnée. Les muscles le plus souvent atteints sont le releveur de lapaupière supérieure, le Dint et ensuite le DS. Si l’atteinteoculomotrice reste isolée pendant 2 ans, il y a une probabilité trèsfaible pour que le patient développe par la suite une myasthéniegénéralisée.Le diagnostic, suspecté à l’interrogatoire devant l’existence d’unediplopie variable, peut être précisé par :

– l’existence d’une faiblesse des orbiculaires, la majoration du ptôsiset de la diplopie après l’effort, l’existence d’un signe de Cogan lorsde l’examen ;

Tableau V. – Diagnostic topographique des atteintes combinées deplusieurs nerfs oculomoteurs.

Localisation Signes cliniques

Syndrome de la loge caverneuse III, IV, V, VI et sympathique

Syndrome de la fente sphénoïdale III, IV, VI, V1

Syndrome de l’apex orbitaire II, III, IV, VI, V1

Syndrome de Weber (pied dupédoncule)

III, hémiplégie croisée

Syndrome pédonculaire de Benedikt(noyau rouge)

III, mouvements anormaux controlaté-raux (ataxie cérébelleuse, tremblement)

Syndrome de Millard-Gübler(protubérance)

VI, VII périphérique, hémiplégie croiséerespectant la face

Syndrome de l’angle pontocérébelleux V, VII et VIII. Atteinte du VI tardive

Syndrome de la pointe du rocher(Gradenigo)

V et VI

Syndrome de Garcin (base du crâne) Atteinte homolatérale multiple étenduedes nerfs crâniens de I à XII

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– le test au glaçon ; celui-ci, placé entre 1 et 2 minutes sur lapaupière supérieure, diminue, voire fait disparaître, le ptôsismyasthénique ; ce test simple est sensible et assez spécifique de cetteaffection.Le diagnostic peut être confirmé par la positivité d’un test avec unanticholinestérasique (Prostigminet, Tensilont, Reversolt) quiamène la régression de la diplopie et du ptôsis. On peut égalementrechercher la présence d’anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine(présents dans seulement 50 % environ des formes oculaires pures)ou l’existence d’un bloc myasthénique par un électromyogramme.

ATTEINTES MUSCULAIRES

Plusieurs types d’affections musculaires peuvent être responsablesd’une diplopie :

– les atteintes traumatiques : incarcération du Dinf dans une fracturedu plancher de l’orbite (rechercher d’autres signes, inconstants :anesthésie du nerf sous-orbitaire, énophtalmie) ; désinsertion de lapoulie du grand oblique lors d’un traumatisme orbitaire ;

– l’ophtalmopathie thyroïdienne : l’atteinte oculomotrice est larésultante d’un processus dyssimmunitaire ; elle peut précéder,accompagner ou suivre l’atteinte endocrinienne (le plus souventdans le cadre d’une maladie de Basedow) ; on recherche uneexophtalmie et une rétraction palpébrale avec une asynergieoculopalpébrale ; les muscles le plus souvent atteints sont le Dinfpuis le Dint ; l’atteinte musculaire inflammatoire s’accompagned’une augmentation de volume du corps musculaire bien visible enéchographie, au scanner ou à l’IRM ; cette inflammation évolueprogressivement vers la fibrose avec une limitation de l’excursionoculaire dans le champ d’action du ou des muscles atteints ; letraitement repose sur la normalisation de la fonction thyroïdienneparfois associée à une corticothérapie générale ou une radiothérapieorbitaire ; à la phase des séquelles, si une diplopie persiste, unechirurgie oculomotrice est alors indiquée ;

– les myosites, atteintes inflammatoires d’un ou plusieurs musclesoculomoteurs, sont responsables d’une ophtalmoplégiedouloureuse ; elles sont le plus souvent idiopathiques ; l’atteintemusculaire peut être isolée ou s’intégrer dans un tableaud’inflammation orbitaire plus diffuse, réalisant alors unepseudotumeur inflammatoire ;

– les affections musculaires héréditaires, parmi lesquelles on citel’ophtalmoplégie externe progressive où l’atteinte oculomotrice estle plus souvent bilatérale, s’accompagnent d’un ptôsis précoce et oùles patients se plaignent rarement de diplopie.

Traitement d’une diplopie binoculaire

En dehors du traitement de l’étiologie, médical (diabète, maladie deHorton, myasthénie...) ou chirurgical (réduction d’une fracture duplancher de l’orbite, ablation d’une tumeur...) qui n’est pas envisagéici, il est important de ne pas laisser les patients voir double. Eneffet, lorsqu’il existe un strabisme paralytique, les lois de l’équilibreoculomoteur de Hering et Sherington font qu’une paralysie d’unmuscle oculomoteur entraîne une hyperinnervation de sonsynergique controlatéral. Si on laisse le patient en binoculaire, cettehyperinnervation va aboutir à l’apparition de contractures sur lesynergique controlatéral du muscle paralysé, qui vont fixer lephénomène. Les patients présentant une diplopie doivent donc êtrepris en charge sur les plans ophtalmologique et orthoptique où lesindications du traitement sont posées.

Différentes méthodes de traitement peuvent être envisagées :

– l’occlusion : il peut s’agir d’une occlusion totale d’un œil oupartielle dans un champ de vision, si la diplopie n’existe que danscertaines positions du regard ; selon les cas (âge du patient, acuitévisuelle, type de la paralysie), on envisage soit une occlusion de l’œilparalysé, soit une occlusion alternée chaque jour, voire parfois uneocclusion de l’œil sain ; cette méthode est surtout utile à la phaseaiguë ou lorsque l’angle est très variable ;

– l’injection de toxine botulinique a été proposée dans les paralysiesrécentes isolées du VI ; elle permet de diminuer l’angle de déviation,mais peut avoir comme effet secondaire un ptôsis ;

– les prismes peuvent être envisagés dans le cas d’une atteinte dansune seule direction, si la déviation est assez stable et peuimportante ; là encore, ils peuvent être placés sur l’œil paralysé,répartis entre les deux yeux ou plus rarement être mis sur l’œil sain ;

– la rééducation orthoptique n’est pas utile au stade aigu, quand ladéviation est importante et qu’il n’est pas possible au patient defusionner ; à un stade trop précoce, elle ne fait qu’augmenter lacontracture ; en revanche, à la phase de récupération, dès qu’il estpossible d’obtenir une fusion ou si l’on peut obtenir un parallélismeavec des prismes, elle permet de stimuler la fusion et d’enaugmenter l’amplitude ;

– enfin, au stade des séquelles, en l’absence de récupération au boutde 6 mois à 1 an et sur une déviation stable, une chirurgieoculomotrice peut parfois être proposée.

Conclusion

L’existence d’une diplopie binoculaire traduit une atteinte du systèmeoculomoteur. Le premier temps de la démarche diagnostique estl’analyse clinique des caractères de la vision double qui permet delocaliser l’atteinte et de définir les examens complémentaires nécessairesau diagnostic. La demande de neuro-imagerie doit en effet être guidéepar l’examen et non pas venir en première intention comme un« parapluie ».Le traitement, en dehors du traitement étiologique spécifique, se fait austade des séquelles et fait appel aux prismes et à la chirurgie des musclesoculomoteurs. La prise en charge des patients repose sur unecoopération entre le médecin traitant, l’ophtalmologiste et l’orthoptiste.À aucun moment, à partir de la première consultation du patient, il nefaut laisser celui-ci voir double.

Références

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