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Un Peuple - Un But Une Foi MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES Document d’Etude N°18 TAXATION OPTIMALE DES MENAGES ET REFORMES FISCALES AU SENEGAL DPEE/DEPE @ Août 2010

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Un Peuple - Un But – Une Foi

MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES

DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES

ECONOMIQUES

Document d’Etude N°18

TAXATION OPTIMALE DES MENAGES ET REFORMES

FISCALES AU SENEGAL

DPEE/DEPE @ Août 2010

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Résumé

Le Sénégal a procédé à plusieurs réformes fiscales qui n’ont pas véritablement pris en

compte la redistribution et l’équité malgré l’existence de fortes inégalités de revenu. La

fiscalité dans son ensemble s’apparente plus à un système à taux unique (flat tax) qu’à un

système progressif. L’optimalité de la politique fiscale fait référence à un système qui aspire à

rendre plus équitable la répartition des richesses tout en limitant les distorsions du niveau

d’efforts qui portent atteinte à la dynamique de production. Ainsi, les estimations à partir des

données sur les ménages montrent que l’accroissement marginal du revenu brut doit être

davantage taxé pour les groupes à faible revenu. L’étude propose également des réformes de

la fiscalité indirecte qui améliorent le bien-être au sens de Pareto. Les simulations indiquent

que la convergence vers un taux indirect unique ou la baisse de la fiscalité indirecte, qu’elle

soit généralisée ou ciblée sur les produits de grande consommation fortement taxés, sont

favorables au bien-être des ménages sans détériorer les recettes fiscales.

Classification JEL : H31, H21, D63

Mots Clés: Ménages, Fiscalité optimale, Equité, Reformes fiscales.

Abstract

Several tax reforms were performed in Senegal, but they truly did not take into account

redistribution and equity in spite of the prevalence of strong inequalities of income. The

taxation as a whole is closer to a flat tax system than a progressive one. The optimal tax

policy consists in making more equitable the distribution of income while limiting distortions

of level of labor effort which undermine the dynamics of production. Thus, estimation based

on the households’ data shows that the marginal increase in the gross income must be more

taxed for low-income groups. The paper also proposes some Pareto-improving reforms of

indirect taxation. Simulations indicate that convergence towards a single indirect rate or

decrease in indirect taxation, specifically on the highly taxed great consumer goods, is

preferred for welfare without deteriorating the Government revenue.

JEL Classification: H31, H21, D63

Keywords: Households, Optimal Taxation, Equity, Fiscal Reforms.

§ Direction de la Prévision et des Etudes Economiques.

Les idées émises dans ce document relèvent de la seule responsabilité de leurs auteurs. Elles n’engagent pas la DPEE.

TAXATION OPTIMALE DES MENAGES ET REFORMES

FISCALES AU SENEGAL

Août 2010

Alsim FALL§ Serigne Moustapha SENE

§

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I. INTRODUCTION

La répartition des richesses est cruciale en ce qu’elle influence la motivation des agents à

participer à l’activité productive. Le postulat classique de rémunération des agents selon leur

contribution à la formation du revenu présente l’avantage de ne pas porter atteinte à la dynamique

de production. Néanmoins, le maintien à long terme d’importants écarts de revenu et de

consommation ne favorise pas la réduction de la pauvreté dans un contexte de faiblesse du revenu

national et de difficultés à maintenir une croissance élevée sur plusieurs périodes. Dans ce cas, le

challenge pour la société réside dans le choix d’instruments de réduction des inégalités qui

préservent, à la fois, la production et la compétitivité de l’économie. Le marché ne permet pas de

réaliser une telle allocation, d’où la nécessité de l’intervention d’une autorité centrale.

Typiquement, le Gouvernement a pour missions de promouvoir la croissance économique,

d’assurer la stabilité et de créer les conditions d’une répartition judicieuse des revenus. La taxation

contribue à générer une nouvelle distribution après la rémunération des facteurs ayant contribué à

la formation du revenu.

Depuis son accession à l’indépendance, le Sénégal a procédé à une modernisation de son appareil

fiscal. D’un état de large dépendance aux impôts indirects (notamment de porte), le système a

connu de profondes mutations dans sa structure pour s’apparenter désormais à un type mixte

malgré la part toujours faible de l’impôt sur le revenu dans les recettes fiscales (25%). Comme il

est montré dans la suite du document, les objectifs de croissance économique et d’équilibre des

finances publiques ont, dans la plupart des cas, présidé au choix des réformes fiscales.

Or, les effets de la politique fiscale sont également à examiner à l’aune des principes canoniques

de redistribution et d’équité. L’analyse des effets de distorsion et de redistribution de la fiscalité

appliquée au revenu et à la consommation peut être effectuée pour répondre à plusieurs

interrogations. Le système fiscal, tel qu’il est conçu, est-il optimal d’un point de vue social ?

Quelles sont les réformes fiscales à entreprendre pour une meilleure redistribution des ressources

sans compromettre les performances économiques ?

L’optimalité de la politique fiscale fait référence à une réallocation des ressources qui aspire à

rendre plus équitable la répartition des richesses tout en limitant les changements de

comportements des ménages préjudiciables à l’activité. La présente étude s’intéresse au dispositif

fiscal sénégalais appliqué aux ménages ainsi qu’à son adaptation aux objectifs du gouvernement

en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités.

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Une taxation optimale des biens et services incite le ménage à choisir de façon rationnelle son

panier de consommation compte tenu de son budget. A bien des égards, la fiscalité affecte les

décisions de consommation-épargne, et d’offre de travail-demande de loisir. Une modification de

la fiscalité sur le revenu, toutes choses égales par ailleurs, crée des distorsions chez le ménage, le

poussant à (ré)arbitrer entre le travail et le loisir. Ce comportement est moins valable dans un

environnement de rareté des opportunités d’emploi, même s’il peut se manifester à travers des

revendications des travailleurs ou par la dissimulation d’activités lucratives. Dans une économie

dominée par le secteur informel, les formes de taxation de la consommation et leur mode de

distribution peuvent induire différents effets sur le bien-être-social.

Depuis les travaux de Atkinson et Stiglitz (1976) inspirés de la recherche pionnière de Mirrlees

(1971), les réflexions sur la fiscalité optimale posent la problématique de la meilleure articulation

possible entre les impôts directs et les impôts indirects dans l’optique d’améliorer le bien-être

social. Cette étude s’inscrit dans la même veine en s’appuyant sur les données relatives à l’impôt

appliqué aux revenus salariaux et aux bénéfices industriels et commerciaux, ainsi qu’à la fiscalité

indirecte qui frappe les biens et services.

La section suivante est consacrée à la revue de la littérature. La section III aborde les

caractéristiques du système fiscal sénégalais en procédant à une revue historique des réformes

engagées par l’Etat depuis 1960 et en analysant des faits stylisés décrivant l’état des lieux. La

méthodologie est exposée à la section IV; elle montre le lien qui existe entre la recherche

d’optimalité et la problématique redistribution-distorsion. La section V présente les résultats de

l’étude, analyse les écarts entre la taxation optimale et les données observées, et propose quelques

simulations de reformes fiscales qui améliorent le bien-être social. Enfin, la section VI est réservée

à la conclusion et aux implications de l’étude.

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II. REVUE DE LA LITTERATURE

Les travaux pionniers de Ramsey (1927) sur la taxation optimale s’inspirèrent de l’idée de Pigou

(1920) sur la manière de répartir la charge fiscale entre les produits de consommation finale pour

maximiser l’utilité de l’agent représentatif. Ramsey (1927) établit qu’en l’absence

d’interdépendance des préférences, le taux d’impôt affectant un bien de consommation devrait être

inversement proportionnel à sa propre élasticité de demande. Dans ce cas, les taux de taxation sur

les biens inférieurs devraient être supérieurs à ceux appliqués aux biens de luxe. L’hypothèse de

l’agent représentatif produit alors un résultat contraire au sens commun de justice sociale.

Prenant en compte cette faiblesse du résultat de Ramsey, certains auteurs tels que Diamond et

Mirrlees (1971), Diamond (1975) et Mirrlees (1976) ont proposé des extensions du modèle au

cadre d’une économie multi-agents, qui distingue les groupes de ménages selon leur niveau de

revenu. Les explications sont détaillées par Gautier (2002). En fait, les implications du modèle

amélioré sont telles que le taux d’imposition optimal est d’autant moins élevé que le bien est

consommé par les ménages les plus pauvres. Les extensions tiennent également compte de

l’efficacité économique étant entendu que le taux d’imposition optimal est aussi une fonction

décroissante de l’élasticité de substitution.

Cependant, l’application du modèle de Ramsey est restreinte dans un système où l’impôt indirect

est la seule source de recettes fiscales. En présence de l’impôt sur le revenu, les implications en

termes d’efficacité économique et d’équité ne sont plus nécessairement respectées. L’idée

d’introduire l’impôt direct dans la quête d’optimalité émane de Mirrlees (1971). L’originalité de sa

méthode tient au fait qu’en mettant l’accent sur les effets de redistribution et de distorsion ainsi

que sur leurs interrelations, les caractéristiques de la fiscalité directe optimale apparaissent.

S’inspirant des travaux de Mirrlees, Atkinson et Stiglitz (1976) ont mis l’accent sur l’articulation

entre les impôts directs et indirects pour l’élaboration d’une politique fiscale optimale. Sous

l’hypothèse de séparabilité faible du travail et du loisir dans la fonction d’utilité, ils ont conclu que

l’unicité des taux indirects sur les biens de consommation finale était la solution optimale du

système de taxation. Cependant, l’obtention de leur résultat exige que le système d’impôt direct

soit au préalable non linéaire et optimal. En outre, Atkinson et Stiglitz (1976) ainsi que Deaton

(1979) ont formulé les restrictions dans la fonction d’utilité de sorte qu’aucune forme de

différenciation des taux d’impôt sur les biens ne soit optimale, lorsque la fiscalité sur le revenu est

linéaire.

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La méthodologie proposée par Atkinson et Stiglitz (1976) a été généralisée par Kaplow (2006,

2008a) à travers l’utilisation d’une approche plus directe et plus intuitive. Précisément, cet auteur a

démontré qu’il n’est pas nécessaire que l’impôt sur le revenu soit optimal ; sa seule présence est

suffisante pour établir l’optimalité d’un système à taux unique. En réalité, l’approche de Kaplow a

été développée pour la première fois par Hylland et Zeckhauser (1979). D’autres analyses

montrant que le système de taxations différenciées sur la consommation, en présence de la fiscalité

non linéaire sur le revenu, ne peut être optimal, sont celles de Konishi (1995) et Laroque (2005).

Comme établi par Kaplow (2008a), l’ajustement de l’impôt sur le revenu peut être placé au cœur

du dispositif de la politique fiscale. Il permet de surmonter les difficultés inhérentes au respect de

l’équilibre des finances publiques et à la recomposition des paniers de consommation dans

l’évaluation d’une quelconque réforme fiscale. Au-delà du fait que le système à taux unique soit

optimal, Kaplow (2006) a publié un autre résultat intéressant selon lequel, toute réduction de la

différenciation des taux indirects améliore le bien-être au sens de Pareto. Par ailleurs, l’auteur a

généralisé ce résultat en démontrant que toute réforme fiscale améliorant les recettes de l’Etat sans

détériorer la satisfaction des ménages, entraîne l’accroissement du bien-être au sens de Pareto

Toutefois, plusieurs auteurs ont précisé que l’établissement d’un taux indirect unique n’est pas

toujours optimal. Déjà, Atkinson et Stiglitz (1976) ont montré qu’en l’absence de l’hypothèse de la

séparabilité, c’est plutôt la différenciation des taux qui devient la solution optimale. Mirrlees

(1976) a noté qu’en relâchant l’hypothèse d’indépendance des préférences aux capacités des

ménages, la différenciation devient optimale. Ces préoccupations ont conduit à intégrer

l’hétérogénéité des préférences dans les développements théoriques. Ainsi, en supposant

l’existence d’hétérogénéité des préférences, Saez (2002) a fait observer que ces types de relations

(séparabilité, indépendance des préférences aux capacités) n’étaient pas déterministes, si bien qu’il

est difficile de statuer sur leur validité.

Une littérature abondante est consacrée aux différents types d’hétérogénéité et appliquée dans

plusieurs domaines tels que les biens publics (voir par exemple, Hylland et Zeckhauser, 1979 et

Boadway et Keen, 1993). D’autres auteurs ont examiné certains aspects techniques relatifs à la

taxation non linéaire du revenu. C’est le cas de Ebert (1988), Tuomala (1990), Armstrong et

Rochet (1999), et Tarkiainen et Tuomala (1999). Quant à Cremer et al. (2001), ils ont discuté des

modalités de modification du résultat de Atkinson et Stiglitz (1976) lorsque les ménages diffèrent

par leur dotation inobservable.

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Enfin, Kaplow (2008b) a analysé la relation entre différentes spécifications des préférences et le

niveau du bien-être qui en découle. Il a montré que les effets de l’hétérogénéité sont directement

liés à la valeur sociale marginale de la redistribution plutôt qu’à la distorsion du niveau d’effort.

Spécifiquement, lorsque l’hétérogénéité n’est pas observable, l’uniformité des taux de taxation sur

les biens et services n’est pas optimale. En revanche, si l’hétérogénéité est observable, l’uniformité

des taux comme solution optimale est préservée.

Cette présente étude intègre l’hétérogénéité dans les préférences des ménages, en supposant

qu’elle est observable grâce aux caractéristiques fournies par les données d’enquête.

III. LE SYSTEME FISCAL SENEGALAIS

III.1 PROFIL DES PRINCIPALES RÉFORMES FISCALES AU SÉNÉGAL

Le système fiscal sénégalais a connu plusieurs mutations depuis 1960. Les réformes ont été

opérées en fonction des choix stratégiques liés notamment à des objectifs de stabilité

macroéconomique et de croissance. Durant les premières décennies d’après indépendance, les

prélèvements fiscaux étaient largement constitués de taxes indirectes sur les échanges

commerciaux avec l’extérieur. Le dispositif fiscal tel que légué par l’administration coloniale

n’avait pas fondamentalement évolué dans sa structure jusqu’à la fin des années soixante dix1. Ce

prolongement du système fiscal colonial peut être expliqué par les deux facteurs suivants :

D’abord, les premières politiques économiques mises en œuvre étaient fondées sur les activités

d’import-substitution plutôt que sur la promotion des activités agricoles exportatrices. Ainsi, la

forte prévalence des droits de porte devait perdurer pour éviter une fiscalité intérieure pesante, tout

en protégeant les unités industrielles contre la concurrence provenant de l’extérieur.

Ensuite, le Gouvernement instaura un mécanisme de stabilisation des prix des produits

agricoles pour garantir une rémunération stable aux agriculteurs. Ce mécanisme, assimilable à une

taxe à l’exportation, et le système de péréquation des prix intérieurs, ont permis de financer une

part non négligeable du budget national.

Ces orientations de la politique économique, dans une période favorable des cours mondiaux des

produits d’exportation, n’ont pas incité l’Etat à innover et à développer d’autres outils fiscaux.

1 Comme relevé par Bush et Maltby (2004) en Afrique Occidentale, les autochtones ont très tôt perçu la fiscalité

comme un instrument de domination des colonisateurs. En conséquence, ces derniers ont été confrontés à la difficulté

de lever des taxes directes sans compter la faible monétisation des économies. Huillery (2006) fait remarquer que,

dans le système colonial français, les deux tiers des recettes fiscales provenaient de taxes sur les échanges

commerciaux entre les colonies et le reste du monde, le reste étant issu des taxes collectées localement.

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Avec le renversement de la conjoncture internationale à la fin des années soixante dix marquée par

la baisse des cours des matières premières, les finances publiques ont commencé à pâtir d’un

manque de ressources. Ces difficultés ont engendré des déséquilibres persistants et, par ricochet,

une dette de plus en plus insoutenable. Devant cette situation, le Gouvernement du Sénégal a

véritablement engagé une série de réformes fiscales sous l’égide des divers programmes

(d’ajustement) économiques et financiers. En dehors de l’introduction de la Taxe sur la Valeur

Ajoutée (TVA) en 1979, il est possible de distinguer quatre réformes qui ont particulièrement

marqué la politique fiscale au cours de ces trente dernières années2.

Les réformes fiscales sous l’ajustement structurel ont été menées dans le cadre du

Programme d’Ajustement à Moyen et Long Terme (PAMLT) mis en œuvre sur la période 1985-

1992, pour accroitre les recettes de l’Etat et réduire la charge fiscale du secteur formel. Elles ont

concerné à la fois la fiscalité indirecte et la fiscalité directe.

En matière de fiscalité indirecte, la réforme tarifaire de 1986, initiée dans le cadre de la Nouvelle

Politique Industrielle (NPI), était centrée sur la baisse du niveau de la fiscalité de porte assortie de

la suppression de certaines formes d’exonérations, la limitation et le suivi strict des autres

exonérations. Par ailleurs, la réforme a procédé à l’élargissement de la TVA intérieure au secteur

informel avec l’introduction de la taxe d’égalisation. Cette réforme a également porté sur la

modernisation et l’informatisation de l’administration douanière pour mieux lutter contre la fraude.

Concernant la fiscalité directe, elle a été rationalisée et simplifiée grâce notamment à la fixation

d’un taux unique d’Impôt sur les Sociétés à 35%, et à l’instauration de l’Impôt sur le Revenu des

Personnes Physiques (IRPP) en lieu et place de divers impôts cédulaires et de l’impôt général sur

le revenu. Le plafonnement de l’IRPP à 50% et la réorganisation des services d’assiette et de

recouvrement ont été également des composantes essentielles du nouveau dispositif.

Les réformes fiscales dans le cadre du PAMLT n’ont pas eu un effet important sur l’évolution de

la structure des recettes. En pourcentage des recettes fiscales, les impôts directs sont passés de

26,1% en 1986 à 27 % en 1993 avec une moyenne de 26,6% sur la période 1987-1993. Les impôts

indirects (hors droits de douanes) qui ont atteint 31,7% des recettes fiscales en 1986, ont régressé

de 5% en moyenne sur la période 1987-1993. Quant aux droits de douanes, ils sont passés d’un

niveau de 39,4% en 1986 à 42,1% en moyenne sur les sept années suivantes.

2 Voir Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement (2004), «Réforme du système budgétaire au Sénégal»

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Cependant, les recettes fiscales ont globalement augmenté en passant de 12,6% en pourcentage du

PIB à une moyenne de 14,3% sur la période 1987-1993, même si les résultats escomptés quant à la

pérennité du tissu industriel n’ont pas été atteints.

Les réformes post-dévaluation ont marqué le système fiscal sénégalais à partir de 1994,

avec une refonte totale de la fiscalité indirecte. Durant cette période, le Gouvernement avait inscrit

dans sa politique fiscale l’atténuation du choc de la dévaluation sur le pouvoir d’achat des ménages

tout en assurant un niveau satisfaisant de recettes et la préservation de la compétitivité des

entreprises domestiques.

Ces orientations se sont matérialisées par la baisse généralisée de la fiscalité de porte et la

simplification des taux. Par ailleurs, dans une optique de protection effective, l’écart de taux entre

les produits finis et les intrants a été revu à la hausse. En termes de fiscalité intérieure, des mesures

de simplification ont conduit à la réduction du nombre de taux de TVA de cinq à deux. Enfin, des

mesures d’élargissement de l’assiette ont été entreprises notamment à travers la suppression et les

révisions de plusieurs conventions entre l’Etat et certaines entreprises.

En définitive, ces réformes ont permis de maintenir la part des droits de douanes dans les recettes

fiscales qui est passée de 43,3% en 1994 à une moyenne de 46,7% au cours des trois années

suivantes3. En ce qui concerne la part des impôts indirects (hors droits de douanes), aucune

évolution sensible n’a été constatée pour les trois années qui ont suivi la dévaluation. Durant cette

période, la part des recettes fiscales sur le PIB a régressé en moyenne d’un point de pourcentage,

comparativement aux trois années précédant la dévaluation.

Les réformes entreprises au niveau communautaire sont intervenues dans le cadre de

l’harmonisation de la fiscalité indirecte intérieure et extérieure des Etats membres de l’UEMOA. A

ce titre, les pays membres ont pris l’engagement, depuis 1995, d’éliminer progressivement les

barrières tarifaires et non tarifaires pour les produits intra-communautaires, mais également de

mettre en place un Tarif Extérieur Commun (TEC).

Dans cette perspective, le Sénégal a établi, dès 1998, une nouvelle catégorisation simplifiée des

produits importés qui fait passer le nombre de taux de sept à quatre, avec une diminution

progressive du niveau maximum des droits de douanes de 65% en 1997 à 20% en 2000. De

nouvelles formes de protections temporaires ont également accompagné ces mesures (la taxe

3 N’eussent été les mesures adoptées, la hausse des droits de douanes aurait été plus importante avec la dévaluation de

100% du FCFA.

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conjoncturelle à l’importation et la taxe dégressive de protection). Parallèlement, la fiscalité

intérieure a été reconfigurée notamment à travers la loi du 18 septembre 2001 instituant un taux

unique de TVA à 18%. Les mesures qui traduisent un désarmement tarifaire ont entrainé un

fléchissement des droits de douanes qui ne représentent plus que 15,1% du total des recettes

fiscales en 2009 contre 32,3% en 1997. En revanche, les taxes indirectes intérieures et la TVA à

l’import ont progressé, passant respectivement de 40,5% et 12,9% en 1997 à 51,5% et 20,5% en

2009. Globalement, la pression fiscale à augmenté de 14,7% en 1997 à 18,1% en 2009.

Les nouvelles réformes fiscales entreprises au cours de la dernière décennie ont visé à

orienter davantage la politique fiscale vers la promotion de l’investissement avec la prise en

compte des nouveaux concepts tels que la sensibilisation des opérateurs économiques et le

développement du civisme fiscal. En outre, ces réformes tiennent compte des spécificités du

secteur informel à travers la simplification du dispositif fiscal.

En ce qui concerne l’investissement, des initiatives ont été prises pour réduire le taux marginal

d’imposition du capital particulièrement par le biais d’une réforme du mode de calcul de la patente

et d’une baisse du taux d’impôt des sociétés de 35% à 33% puis à 25%. Les régimes d’imposition

tels que le code des investissements et le code minier ont été révisés. Le code des douanes a

également été révisé et muni de plusieurs régimes économiques en vue de faciliter les opérations

de production, de stockage et de transport.

S’agissant des entreprises informelles, l’outil fiscal a été simplifié par la mise en place de la

contribution globale unique (CGU) qui regroupe plusieurs impôts et taxes (impôt sur le revenu,

contribution des patentes, minimum fiscal, contribution des licences, TVA, contribution forfaitaire

à la charge des employeurs).

III.2 QUELQUES FAITS STYLISÉS DU SYSTEME FISCAL SENEGALAIS

La section précédente a donné un aperçu de l’historique de la politique fiscale à travers les

réformes qui ont véritablement commencé avec l’avènement des politiques d’ajustement, vers la

fin des années soixante dix. En substance, les mesures ont été articulées autour de la simplification

progressive du système fiscal, de la réduction des charges fiscales directes comme indirectes, de

l’élargissement de l’assiette et de la lutte contre la fraude. Les objectifs poursuivis ont

principalement touché à la réduction du déficit public dans un contexte de raréfaction des

ressources extérieures et à la compétitivité des entreprises locales.

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S’il ressort que certaines mesures, telle que la réduction des écarts de taux d’impôts indirects,

épousent les contours des théories récentes de la fiscalité optimale, il semble qu’il n’en soit pas

autant pour la politique fiscale dans son ensemble. L’enjeu est précisément de trouver le meilleur

compromis entre les avantages de la redistribution des revenus et les distorsions qu’elle engendre.

Plusieurs constats permettent de saisir l’écart entre la politique fiscale menée au Sénégal et les

règles optimales en la matière.

En effet, la redistribution n’a pas été suffisamment prise en compte par la politique fiscale. A partir

de 1980, les réformes fiscales se sont plutôt intéressées aux aspects économiques liés à la

résorption des déséquilibres et à la compétitivité. Cette situation peut être mise en rapport avec le

principe de neutralité des outils fiscaux relativement aux choix individuels d’allocation des

ressources et, de fait, à la redistribution. Le Gouvernement porterait son choix sur les dépenses

publiques pour assurer une répartition plus équitable des richesses. Or, en plus de financer les

services publics, la fiscalité a une incidence directe sur le revenu du ménage, faisant d’elle un

instrument pour réaliser une redistribution souhaitée.

En outre, l’analyse des faits fiscaux ne fait pas clairement ressortir la coordination entre la fiscalité

directe et la fiscalité indirecte. Les réformes se sont davantage focalisées sur la fiscalité indirecte

tandis qu’en dehors des changements introduits sous le PAMLT, l’impôt sur le revenu a fait l’objet

de peu de modifications. Pour autant, comme il sera démontré par la suite, la synchronisation des

réformes de ces deux types d’impôt est un élément essentiel de la politique fiscale optimale.

Les graphiques qui suivent permettent de caractériser l’état actuel de la fiscalité des ménages. Les

données sur les ménages proviennent de l’enquête sur le suivi de la pauvreté au Sénégal (ESPS,

2006) qui couvre une population de 13568 ménages. Dans le cadre de cette étude, cette population

est répartie en dix (10) déciles représentant les différentes catégories de ménages. Pour chacune

de ces catégories, les statistiques utilisées représentent des moyennes arithmétiques.

Les données sur les impôts directs sont tirées du barème annuel des impôts sur les salaires et du

barème du droit progressif sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Seuls ces deux types

d’impôt sur le revenu sont considérés dans cette étude. Les retenus sur salaire s’appliquent aux

ménages disposant d’un revenu salarial annuel supérieur à 810000 FCFA alors que l’impôt sur les

BIC n’est prélevé qu’au-delà d’un revenu annuel de 600000 FCFA. Quant à la taxation indirecte,

les données sont issues des sources douanières et de la législation fiscale en vigueur en 2009.

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III.2.1 L’IMPÔT SUR LE REVENU SALARIAL

Le graphique III.1 représente l’impôt sur le revenu en fonction du revenu brut des ménages. Cette

même représentation est établie pour la population répartie en dix groupes de ménages sur le

graphique III.2. Il convient de préciser qu’il s’agit simplement d’une estimation du montant et du

taux d’impôt applicables aux revenus des ménages si ces derniers étaient tous assujettis à l’impôt

sur les salaires. Etant donnée l’existence de plusieurs barèmes d’impôt selon le statut matrimonial

du salarié, l’étude considère un ménage-type bénéficiant d’un nombre de parts égal à trois (3).

Graphique III.1 : L’impôt sur le revenu salarial en fonction du niveau du salaire du ménage

Graphique III.2: L’impôt sur le revenu salarial en fonction du niveau du salaire du groupe de ménages

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Niveau de revenu du ménage (en milliers de FCFA)

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Niveau de revenu du groupe de ménages (en milliers de FCFA)

Taux

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11

Il apparait clairement sur ces deux graphiques que l’impôt sur les salaires obéit au principe de la

progressivité. Le taux d’imposition devient plus élevé à mesure que le revenu brut augmente.

Toutefois, le premier graphique montre que le taux d’imposition marginal est plus élevé pour les

ménages à faible revenu et tend à baisser avec les ménages les plus aisés. Ce constat est conforme

à la réforme de la fiscalité indirecte sous le PAMLT, qui introduit un plafonnement de l’IRPP à

50% du revenu. Par contre, la décroissance du taux d’imposition marginal n’est pas nette sur le

graphique III.2 en raison certainement de la perte d’information liée à l’agrégation des données.

III.2.2 L’IMPÔT SUR LES BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX (BIC)

Les bénéfices réalisés par des personnes physiques ou par des sociétés assujetties à l'impôt sur le

revenu sont soumis à l’impôt sur les BIC.

Graphique III.3 : L’impôt sur les BIC en fonction du revenu du ménage

Graphique III.4 : L’impôt sur les BIC en fonction du revenu du groupe de ménages

0%

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Niveau de revenu du ménage (en milliers de FCFA)

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BIC

Niveau de revenu du groupe de ménages (en milliers de FCFA)

Taux

Montant

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12

Un travail similaire à celui ci-devant décrit est effectué pour calculer les montants et les taux

d’imposition appliqués aux BIC pour tous les ménages et groupes de ménages. Le caractère

progressif de ce régime d’impôt apparait nettement à l’examen des graphiques III.3 et III.4, avec

l’existence d’un bouclier fiscal de 50% du revenu. Cependant, à la différence de la fiscalité sur les

salaires, ce régime d’imposition affiche une forme discontinue par groupe. Dans ce schéma,

l’impôt n’est pas suffisamment personnalisé puisque chaque taux est appliqué à un intervalle de

revenus dont l’amplitude peut être importante.

Un autre constat est que la fiscalité sur les BIC est plus lourde que la fiscalité appliquée aux

salaires. Par ailleurs, comme le montre le graphique III.4, le taux d’imposition marginal semble

très élevé pour les ménages à faible revenu.

III.2.3 L’IMPÔT SYNTHETIQUE NOMINAL (SALAIRE ET BIC)

L’impôt synthétique nominal est calculé en prenant en compte les deux types d’impôt

susmentionnés (impôts sur les salaires et sur les BIC). Pour chacun des dix groupes de ménages,

des recoupements sont possibles à partir des données de l’enquête, de manière à identifier les

ménages assujettis à l’impôt sur les salaires, les ménages soumis à l’impôt sur les BIC et ceux dont

les revenus échappent aux prélèvements fiscaux.

L’appartenance d’un ménage à l’un des dix déciles lui confère donc trois situations fiscales dont

chacune se réalise avec une probabilité. Il s’agit de la probabilité de payer l’impôt sur les salaires,

de la probabilité de s’acquitter de l’impôt sur les BIC et de la probabilité d’échapper à l’impôt sur

le revenu. C’est sur la base de ces trois probabilités qu’un impôt synthétique est calculé.

Le calcul de l’impôt synthétique nominal dérive de la situation selon laquelle la probabilité que le

ménage échappe à l’impôt sur le revenu est nulle. Cela veut dire que le ménage s’acquitte

nécessairement de l’un des deux types d’impôt sur le revenu avec des probabilités dont la somme

est égale à l’unité.

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13

Graphique III.5: L’impôt synthétique nominal (Salaires et BIC) en fonction du revenu du ménage

Graphique III.6 L’impôt synthétique nominal (Salaires et BIC) en fonction du revenu

du groupe de ménages

Dans ce système hybride, la progressivité se matérialise par un taux plus élevé pour les ménages

les plus riches. Toutefois, au regard du fléchissement du taux d’imposition pour les ménages à

revenu intermédiaire, il semble que ceux-ci bénéficient d’une fiscalité plus allégée par rapport aux

ménages moins aisés. L’explication tient essentiellement au fait que la probabilité de payer un

impôt sur les salaires et partant, de subir une charge moins lourde, est plus élevée dans les classes

à revenu intermédiaire que dans les classes à revenu faible.

0%

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Niveau de revenu du ménage (en milliers de FCFA)

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Niveau de revenu du groupe de ménages (en milliers de FCFA)

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Montant

Taux

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14

III.2.4 L’IMPÔT SYNTHETIQUE EFFECTIF (SALAIRE ET BIC)

Le calcul de l’impôt synthétique effectif est différent de celui de l’impôt synthétique nominal en ce

qu’il n’exclut pas la possibilité qu’une partie des ménages ne s’acquitte pas de l’impôt sur le

revenu. Dans ce cas, la probabilité pour que le revenu échappe à l’impôt n’est plus nulle. L’impôt

synthétique nominal est alors celui qui traduit réellement la situation de la fiscalité directe

appliquée aux ménages. De toute évidence, les montants et taux effectifs sont bien en deçà des

valeurs nominales précédemment calculées.

Graphique III.7 L’impôt synthétique effectif (Salaires et BIC) en fonction du revenu du ménage

Graphique III.8 L’impôt synthétique effectif (Salaires et BIC) en fonction du revenu du groupe de ménages

0%

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Niveau de revenu du ménage (en milliers de FCFA)

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Niveau de revenu du groupe de ménages (en milliers de FCFA)

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Taux

Montant

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15

Les écarts de taux nominaux et effectifs appellent deux commentaires. En premier lieu,

relativement aux taux et montants nominaux, la fiscalité directe effective paraît davantage

favorable aux ménages les plus aisés. Cela s’explique par l’étendue de la fraude et de l’évasion

fiscale chez les ménages à revenu élevé voire par l’inadéquation du système. En revanche, chez les

ménages les moins riches, l’écart de taux est à mettre en rapport avec le niveau d’informalité des

petites activités. En second lieu, la progressivité du système est moins évidente comme décrit par

le graphique III.8.

Naturellement, c’est la fiscalité directe effective par groupe de ménages qui sera utilisée dans la

suite de l’analyse car elle correspond mieux aux faits observés c'est-à-dire qu’elle prend en

compte les insuffisances du système d’imposition du revenu.

III.2.5 L’IMPÔT INDIRECT

La taxation indirecte s’applique aux biens et services destinés à la consommation ou à

l’investissement des ménages. Le nombre de biens et services composant le panier du ménage

dépend de la classification retenue par la méthodologie d’enquête. Pour le cas de l’ESPS (2006),

soixante dix (70) types de biens et services ont été répertoriés. Dans le cadre de cette étude, une

classification plus agrégée a été effectuée pour réduire le nombre de biens de soixante dix (70) à

trente six (36).

Par ailleurs, en ce qui concerne la fixation des taux, l’étude distingue deux types de biens. Il s’agit,

d’une part, des biens ouverts aux échanges internationaux pour lesquels les droits de porte

s’appliquent en plus de la fiscalité intérieure ; et, d’autre part, des biens qui ne font pas l’objet de

transactions internationales (éducation, santé etc.) pour lesquels seule la fiscalité intérieure existe.

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16

Graphique III.9 : Les taux indirects

Le graphique III.9 fait état de biens et services qui ne subissent pas l’impôt soit parce qu’ils sont

exonérés, soit parce qu’ils relèvent de l’autoconsommation des ménages ou d’activités

domestiques. Certains produits tels que les céréales et l’arachide sont faiblement taxés (entre 5%

et 10%) ; d’autres comme le gaz et certains services sont moyennement imposés (entre 15% et

18%). En revanche, il existe quelques produits fortement taxés, sous l’effet des droits d’accise et

de la taxe de protection.

Tout de même, il est nécessaire de s’interroger sur la répartition de la charge fiscale indirecte à

travers les groupes de ménages. A ce titre, le graphique III.10 donne l’exemple de quelques

produits pour lesquels la charge fiscale est déterminée pour les dix groupes de ménages. Les taux

par bien représentent le rapport entre le montant payé et le revenu net du groupe de ménages.

En dehors des particularités notées sur le premier groupe de ménages, le graphique montre que la

plupart des biens alimentaires de première nécessité sont taxés de manière régressive. C’est le cas

des céréales, du sucre et des huiles alimentaires. A priori, une baisse de la fiscalité appliquée à ces

biens serait davantage bénéfique aux ménages les plus démunies, ce qui n’est pas le cas pour

d’autres produits alimentaires comme la viande, la volaille et le lait dont la consommation

augmente avec le revenu des ménages.

0% 0%

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6%

41%

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43%

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17

Graphique III.10 : Les taux indirects par bien et par groupe de ménages (en pourcentage du revenu net)

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Sucre en morceaux et granulé

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Huiles (végétales ,arachide , palm)

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Viande, Volaille

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Produits laiters

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Gaz

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Eau

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0,70%

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Electricité

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18

Il est intéressant de constater que le gaz, qui fait l’objet de suspensions de taxes relativement

importantes, est surtout consommé par les ménages à revenu élevé. Cela est d’autant surprenant

que la taxe indirecte supportée du fait de la consommation de gaz est très faible en comparaison de

celle prélevée sur d’autres produits comme les huiles ou le sucre.

La taxe indirecte agrégée supportée par les ménages est représentée dans le graphique III.11. Il est

aisé de remarquer que le taux agrégé ne varie pas substantiellement entre les différentes catégories

de ménages. Un écart inférieur à 1% sépare le taux le plus bas du taux le plus élevé.

Graphique III.11: Taux agrégé de la taxe indirecte par groupe de ménages

(en pourcentage du revenu net)

En outre, l’allure de la courbe ne renvoie pas de façon claire à une progressivité de la fiscalité

indirecte. Le caractère régressif est même perceptible à partir du septième groupe de ménages.

Afin d’avoir un aperçu général sur la fiscalité des ménages, il convient d’associer dans une même

analyse tous les prélèvements directs et indirects.

22,2%

22,4%

22,6%

22,8%

23,0%

23,2%

23,4%

23,6%

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Graphique III.12: Taux agrégé de la fiscalité directe et indirecte par groupe de ménages

(en pourcentage du revenu brut)

20%

22%

24%

26%

28%

30%

32%

34%

36%

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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Le graphique III.12 donne une représentation du taux de la taxe globale en fonction du revenu des

groupes de ménages. On note que le taux d’imposition croit rapidement pour les groupes de

ménages les plus vulnérables, et se stabilise pour les ménages à revenu intermédiaire et élevé. Il

s’ensuit que la fiscalité dans son ensemble est plus proche d’un système à taux unique (flat tax)

que d’un système progressif. Pour la plupart des groupes ménages, les prélèvements fiscaux se

situent autour du tiers du revenu brut.

Cependant, il serait prématuré, à cette étape de l’analyse, de se prononcer sur le rôle de la fiscalité

en matière de redistribution et d’équité. En tout état de cause, vu son poids assez important dans le

revenu des ménages, la fiscalité peut être un précieux outil de politique économique et sociale.

IV. METHODOLOGIE

Le modèle présenté dans cette étude permet de mettre en évidence les règles de politique

économique à adopter en matière de fiscalité directe et indirecte. Il permet également de mesurer

les variations du bien-être collectif résultant des réformes fiscales. Les fondements théoriques du

modèle sont particulièrement en ligne avec les travaux de Atkinson et Stiglitz (1976, 1980), de

Stiglitz (1982, 1987), de Saez (2002), et de Kaplow (2006, 2008a, 2008b).

Le modèle suppose l’existence d’un continuum de catégories de ménages disposant chacune d’un

revenu ( ) égal au produit de ses capacités ( et de son temps d’activité ( ). L’hétérogénéité des

préférences telle que évoquée dans la revue de la littérature est également prise en compte dans le

but de mieux adapter le modèle aux faits réels. Par souci de simplicité, il est admis que cette

hétérogénéité est observable. Par conséquent, la fiscalité frappant le revenu des ménages est

caractérisée par une allure non linéaire en fonction du niveau du revenu .

Par ailleurs, il est supposé que chaque groupe de ménages ( ) consomme n biens ( ), .

Le prix de chaque bien est la somme du prix au producteur ( ) et de la taxe indirecte ( )

appliquée au bien.

L’objectif du Gouvernement est d’opter pour un système fiscal, représenté par le vecteur des taxes

indirectes et une forme d’imposition non linéaire sur le revenu , qui maximise

le bien-être social défini comme suit :

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20

Où (.) représente la fonction d’utilité de la classe de ménages de capacité . Elle est supposée

concave et séparable entre la consommation et le temps d’activité. Le vecteur désigne les

quantités de consommation. La fonction de densité représente la proportion des ménages de

la classe w dans la population. Le vecteur correspond aux paramètres de préférences.

En ce qui concerne la détermination de la fonction d’utilité, l’étude opte pour une spécification de

type Stone-Geary qui est fréquemment utilisée dans l’analyse empirique de la demande. Elle est

particulièrement adaptée aux données d’enquête4. De plus, la fonction d’utilité est séparable entre

la consommation et le travail, soit :

Les paramètres , , et forment le vecteur spécifique au groupe de ménages de type w.

Les sont habituellement interprétés comme les minima de subsistance. Il en va de même pour le

paramètre considéré comme le temps minimal d’inactivité. désigne la variation marginale de

la dépense consacrée au bien i suite à la variation du revenu net

] (voir équation 4). Le paramètre s’interprète de la même manière que .

La contrainte budgétaire de la classe de ménages s’écrit :

Les fonctions de demande dérivées de la maximisation de la fonction d’utilité sous la contrainte

budgétaire sont de type :

Où t est le taux d’imposition du revenu

4 Voir De Janvry et Sadoulet (1995).

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21

La fonction rend compte de l’importance accordée à l’équité dans la distribution du

revenu. Cette notion se rapportant au concept de « welfarisme » est largement débattue dans la

littérature économique sur la « justice distributive » (voir Sen, 1977 et 1979). La forme

fonctionnelle de peut être définie suivant la formulation proposée par Stern (1976) :

(6)

Où indique le degré d’aversion à l’inégalité en matière de distribution des niveaux d’utilité.

Le Gouvernement collecte des impôts sur les revenus des ménages (ou accorde des transferts

directs aux ménages) et prélève des impôts sur les biens de consommation (ou les subventionne,

dans ce cas est négatif). Ainsi, la contrainte budgétaire du Gouvernement s’écrit :

IV.1 FISCALITE OPTIMALE DU REVENU

En supposant, à cette étape, que le vecteur des taxes indirectes est donné, la fiscalité optimale

appliquée au revenu peut être déduite de la maximisation de l’équation (1) sous la contrainte de

l’équation (4). Une condition de premier ordre peut être caractérisée par la formulation semblable

à celle d’Atkinson et Stigliz (1980)5 :

Cette expression caractérise la fiscalité optimale appliquée à la classe de ménages de capacité

disposant d’un temps d’activité .

Le terme désigne l’élasticité compensée de l’effort de la classe de ménages

de type , et est la fonction de répartition de la population des ménages. La condition de

premier ordre est multipliée et divisée par pour faciliter l’interprétation.

5 Cette expression est proche de celles dérivées par Stiglitz (1987), Diamond (1998), Dahan et Strawczynski (2000),

Auerbach et Hines (2002) ainsi qu’aux deux formulations de Saez (2001). Voir également Kaplow (2008b).

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22

Pour mieux comprendre cette équation, il convient de garder à l’esprit qu’elle interprète une

simple perturbation affectant le programme fiscal de l’Etat. Spécifiquement, cette condition de

premier ordre est basée sur un ajustement de la fiscalité du revenu du groupe de ménages se

traduisant par une légère hausse de son taux marginal d’imposition tout en maintenant inchangés

les taux marginaux d’imposition des autres groupes.

A ce niveau, deux effets peuvent être identifiés. Le premier effet est relatif à l’existence d’un coût

social du fait des distorsions de l’effort de travail des ménages de type , qui subissent une

hausse du taux marginal d’imposition. Le second effet a trait au fait que tous les groupes de

ménages dont le revenu se situe au dessus de supportent une augmentation de leur charge

fiscale, mais leur niveau d’activité ne subit aucune distorsion marginale. Ces groupes de ménages

disposant d’un revenu plus élevé ne sont affectés que de façon infra-marginale. Etant donné que la

ponction n’affecte que les groupes de ménages ayant un revenu supérieur à , il apparait ainsi

une première forme de redistribution.

Le terme de gauche de l’équation (5) désigne le taux marginal d’imposition du revenu comme une

fraction du revenu marginal non taxé.

Quant au premier terme figurant à droite de l’équation, son dénominateur indique le coût lié à la

distorsion marginale qui affecte le groupe subissant la hausse du taux marginal d’imposition

de son revenu. Il est le produit de qui mesure la réponse de l’offre de travail (distorsion de

l’effort), de qui permet de saisir la valeur de la perte de revenu par unité de réduction de

l’effort d’activité, et de qui identifie la proportion de la population affectée par la

distorsion. Son numérateur renseigne sur la proportion de la population dont la charge fiscale

augmente. Ainsi, le premier terme de droite peut s’interpréter comme suit : plus grande est la

proportion des groupes de ménages concernés par la hausse de la fiscalité et plus petite est la

proportion du groupe subissant la distorsion (autrement dit, plus grand est le ratio entre ces deux

effets), alors plus grande est le taux optimal d’imposition.

Le second terme figurant à droite de l’équation (5), s’interprète comme le poids social accordé aux

recettes fiscales collectées. Le terme , dans la parenthèse, donne la contribution au bien-être

social d’un revenu supplémentaire consommé par le groupe de ménages de capacité w ( indique

l’augmentation de l’utilité par unité monétaire de consommation et la façon dont le bien-être

social croît par unité d’utilité). Ce terme est divisé par le prix implicite (shadow price) des recettes

fiscales pour être converti en unités monétaires.

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23

En termes économiques, le prix implicite constitue la valeur (ou la contribution) sociale d’une

unité marginale de recette fiscale6. En conséquence, l’expression dans la parenthèse

montre que le taux d’imposition du revenu est d’autant moins important que la contribution

sociale d’un revenu supplémentaire consommé par le groupe de ménages de capacité w est

relativement élevée par rapport à la valeur sociale d’une unité de recettes fiscales. Dans une

optique de redistribution, plus la fonction de bien-être est concave (en termes de W et de u), moins

il faut taxer les pauvres dès lors que leur contribution au bien-être social est la plus élevée.

L’expression est le ratio de l’utilité marginale du groupe de ménages

supportant directement la hausse du taux d’imposition sur l’utilité marginale des ménages touchés

par la hausse de la fiscalité de façon infra-marginale. Puisque u(.) est supposée concave, ce ratio

croît avec w ; de ce fait, le taux d’imposition du revenu appliqué au groupe de ménages est

d’autant plus élevé que l’utilité marginale des groupes de ménages dotés d’une capacité supérieure

à est faible, toutes choses étant égales par ailleurs. Cependant, l’impact de ce ratio est sensible

à la position initiale de . En effet, pour un niveau faible , l’utilité marginale est

élevée induisant un taux d’imposition du revenu plus élevé. L’interprétation est la suivante : plus

le taux d’imposition affecte un grand nombre de groupes de ménages moins pauvres, plus son

niveau optimal est élevé.

Enfin, le terme décrit par l’intégrale est divisé par l’expression qui constitue la

population touché par la hausse de la fiscalité. Cette division permet de transformer l’intégrale en

une moyenne pondérée.

IV.2 INTRODUCTION DE LA FISCALITE DE LA CONSOMMATION

Dans cette partie, il est question d’introduire la fiscalité sur les produits de consommation pour

avoir une vision globale de la politique fiscale, conforme aux faits observés. Cela consiste à

supposer l’existence d’un modèle dans lequel toute réforme de la fiscalité indirecte peut être

ajustée par l’impôt sur le revenu de sorte que l’utilité de chaque groupe de ménages reste constante

(ou augmente). Il peut être démontré qu’au cas où cette combinaison de mesures fiscales est

engagée, aucune distorsion n’affecte le niveau d’effort des ménages (voir Kaplow, 2006, 2008b).

En conséquence, le seul effet attendu d’une telle réforme serait lié à l’efficience des décisions de

consommation. Autrement dit, le modèle devrait permettre de mesurer l’amélioration au sens de

6 Son expression est similaire à la formule suivante :

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24

Pareto du bien-être collectif résultant d’une modification de la fiscalité indirecte combinée à un

ajustement de l’impôt sur le revenu. A l’état final, aucun groupe de ménages n’enregistre une perte

de bien-être et il existe au moins un groupe qui bénéficie de cette réforme. L’intuition sous jacente

à cette réflexion est que même s’il existe des perdants, la présence de l’impôt sur le revenu permet

de les dédommager.

C’est pourquoi la théorie économique accorde peu d’importance à l’existence d’un taux moyen

d’imposition optimal sur la consommation. Les fiscalistes s’intéressent plutôt au degré de

différentiation des taux d’imposition sur les biens. Un résultat important dû à Atkinson et Stiglitz

(1976) est qu’aucune différentiation des taux d’imposition sur les biens n’est optimale lorsque le

système d’imposition du revenu est optimal. Ce résultat est généralisé par Hylland et Zechauser

(1979), Konishi (1995), Laroque (2005), et notamment par Kaplow (2004, 2006). Ce dernier à

montré que le résultat d’Atkinson et Stiglitz reste valable même si l’imposition du revenu n’est pas

optimale. Par ailleurs, il est démontré que toute réduction de la différentiation des taxes indirectes,

en présence de l’impôt sur le revenu, induit une amélioration au sens de Paréto du bien-être.

Dans ce schéma, la présente étude utilise un modèle permettant d’évaluer (en termes

d’amélioration parétienne) l’effet d’une réforme fiscale sous la forme d’une réduction de la

dispersion des taux indirects. L’analyse est généralisable à une quelconque modification du

système de la fiscalité indirecte.

Formellement, un mode de taxation différenciée est un système pour lequel il

existe au moins i et j tels que

Une mode de taxation non différencié est un système pour lequel quels que

soient i et j, on a toujours l’égalité

Toute réforme fiscale adossée à la seconde définition est donc considérée comme une réduction de

la différentiation de la taxation indirecte. Par exemple, il est possible de procéder à une réduction

proportionnelle de tous les taux indirects en les multipliant par .

La mise en œuvre d’une telle réforme, conduisant à la modification du vecteur des taux

d’imposition des biens et donc des prix à la consommation, aura pour effet de changer le niveau

d’utilité des groupes de ménages, suite à la recomposition de leur panier de consommation. Il est

alors possible de définir un système d’imposition intermédiaire pour chaque classe de

ménages de façon à compenser les variations d’utilité (aucun ménage n’est lésé par la réforme).

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25

La caractéristique principale du système intermédiaire est que, si tous les ménages

continuent à consentir le même effort en termes de temps d’activité d’avant réforme, leur utilité

resterait inchangée. Dans ce cas, Kaplow (2006) démontre que, si la réforme induit une

amélioration au sens de Pareto, cette phase intermédiaire conduit à une hausse des recettes fiscales.

La dernière phase consiste à redistribuer ce montant supplémentaire de recettes fiscales aux

ménages pour augmenter le bien-être collectif.

En définitive, si est la fonction d’utilité indirecte de la classe de ménage w, alors les

étapes suivantes permettent de mesurer l’impact social d’une réforme de la fiscalité indirecte :

1ère

étape : la réforme fiscale consiste à changer en

2e étape : on définit, pour tous les niveaux wl, le système intermédiaire d’impôt sur le revenu

tel que Le changement de l’impôt sur le revenu permet à

chacun de conserver le même niveau d’utilité, même si les paniers de consommation changent.

3e étape : grâce à l’équation (4), il est possible de calculer la différence entre les recettes fiscales

découlant de cette réforme et celles de l’état initial. Si la différence est positive, la réforme induit

une amélioration au sens de Pareto comme cela est montré dans l’étape suivante.

4e étape : les recettes fiscales supplémentaires ainsi générées sont redistribuées aux catégories de

ménages. Le remplacement de la fonction d’utilité u(.) par la fonction d’utilité indirecte dans

l’équation (1) permet de mesurer l’augmentation du bien-être social.

Au total, l’augmentation du bien-être née d’une réforme quelconque est mesurée, tout en gardant

inchangées les recettes fiscales. Cela permet de caractériser de manière rigoureuse la pertinence

d’une réforme de la fiscalité indirecte compte tenu de son interaction avec la fiscalité directe.

V. RESULTATS ET INTERPRETATIONS

L’application du modèle de la fiscalité optimale requiert un volume d’informations considérable.

Comme évoqué à la sous-section II.2, les données proviennent de sources diverses notamment,

l’enquête ESPS (2006), le code général des impôts et d’autres informations officielles sur la

fiscalité intérieure et douanière. L’échantillon est réparti en déciles contenant chacun 1356

ménages. La fonction de densité est donc égale à 0,1 quel que soit le groupe de ménages.

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26

La consommation du bien est obtenue pour chaque groupe de ménages en calculant la

moyenne des consommations des ménages composant le groupe. Pour rappel, le panier de

consommation est composé de 36 biens et services (n=36).

En outre, des estimations ont été effectuées pour calibrer le paramètre θ de la fonction d’utilité

pour tous les groupes de ménages (voir équation 2). Il s’agit, pour chaque classe de ménages, des

vecteurs et et du paramètre . Les données de l’enquête ESPS ont permis

d’estimer chaque paramètre comme étant la variation de la dépense en bien i consécutive à la

variation d’une unité du revenu net du groupe de ménages. Puisqu’il existe 36 biens et services et

10 groupes de ménages, il a fallu estimer 36 paramètres par groupe de ménages, soit, au total,

360 paramètres .

La capacité (w) a été approchée à l’aide d’un modèle probit ordonné, avec comme variables

explicatives le sexe du chef de ménage, son niveau d’éducation, son état de santé physique et

mentale, le patrimoine du ménage et le milieu de résidence. Il s’agit de parvenir à la connaissance

de la répartition des capacités entre les groupes de ménages plutôt qu’à la mesure exacte des

capacités. Le niveau d’effort (l) est ensuite calculé par le rapport entre le revenu brut et la capacité.

Les consommations minimales sont estimées par le tiers de la consommation moyenne. Quant

au loisir, le minimum a été calibré à 0,41 pour toutes les classes, soit 10 heures de loisir par

jour.

La connaissance de w et de l permet de calculer le coefficient qui s’interprète comme la

variation du coût du loisir suite à une variation d’une unité du revenu net. Le coefficient est

calculé pour les dix groupes de ménages.

Cette base d’informations a servi au calcul de la fiscalité optimale du revenu ainsi qu’à

l’évaluation des réformes fiscales.

V.1 LA FISCALITE OPTIMALE DU REVENU

La fiscalité optimale du revenu est obtenue à l’aide de la relation (8) qui permet d’évaluer l’impôt

marginal (en FCFA) par classe de ménages d’où on déduit le montant de l’impôt optimal sur le

revenu, puis, le taux d’impôt optimal.

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27

Graphique V.1: les taux d’imposition optimaux, nominaux et effectifs du revenu

par groupe de ménages (en pourcentage du revenu brut)

Comme attendu, il existe un grand écart entre le taux observé (ou effectif) et le taux optimal. Cet

écart est plus important chez les ménages à revenu intermédiaire et les plus riches. L’explication

provient, essentiellement, du niveau d’informalité des activités des ménages les moins riches et des

pratiques de fraude et d’évasion fiscale des ménages à revenu intermédiaire et élevé, ou de

l’inadaptation du système. Cette assertion tire sa robustesse du fait que les niveaux optimaux et

nominaux sont relativement proches. Ainsi, pour se rapprocher de la taxation optimale du revenu,

les réformes iraient dans le sens de l’élargissement de l’assiette, ce qui réduirait l’évasion et la

fraude fiscale. Comme montré à la sous section III.1, les réformes de la fiscalité directe engagées

depuis les années 80 ont essentiellement porté sur l’élargissement et la simplification du système

fiscal. Pour autant, des efforts d’assiette restent à réaliser pour tendre vers l’efficience de

l’appareil fiscal.

Le graphique V.1 fait ressortir une forme de concavité du taux d’impôt optimal du revenu,

synonyme de décroissance du taux d’imposition marginal optimal du revenu. Il est également

facile de remarquer l’existence d’un bouclier fiscal optimal situé en dessous de celui fixé par la loi.

Globalement, les résultats indiquent qu’une hausse du revenu brut doit être davantage taxée chez

les ménages à faible revenu. Il s’agit de minimiser les distorsions de l’activité économique nées

d’une taxation excessive chez les ménages les plus riches. La baisse du taux d’imposition marginal

constitue donc un facteur important de la fiscalité optimale. Cependant, la progressivité du taux

d’impôt optimal témoigne du rôle crucial que doit jouer la fiscalité directe en matière de

redistribution et d’équité.

0,0%

5,0%

10,0%

15,0%

20,0%

25,0%

30,0%

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Taux d'impôt optimal

Taux d'impôt nominal

Taux d'impôt effectif

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28

V.2 SIMULATIONS DE REFORMES DE LA FISCALITE INDIRECTE

Connaissant les niveaux effectifs de fiscalité du revenu des groupes de ménages, l’étude cherche à

proposer des réformes de la fiscalité indirecte qui améliorent le bien-être collectif. A l’instar de

plusieurs auteurs, il convient de souligner la difficulté de porter une appréciation sur une réforme

de la fiscalité indirecte, dans une optique de redistribution ou d’amélioration du bien-être et ce

pour deux raisons essentielles.

La première raison est liée au respect de l’équilibre des finances publiques. Une variation d’une

catégorie de recette fiscale induit nécessairement une variation d’une ou de plusieurs catégories

budgétaires (recettes ou dépenses) pour préserver l’équilibre. Dans le cas du Sénégal, l’exemple du

riz est édifiant. A première vue, l’impact de la hausse de la taxe indirecte sur le riz, politique

fiscale apparemment régressive, pourrait être décriée dans la mesure où elle semble davantage

léser les pauvres (voir graphique III.10). La conclusion dépend néanmoins de l’utilisation des

recettes supplémentaires issues de la reforme. Le Gouvernement peut dépenser ce supplément de

recettes fiscales pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers défavorisés et dans le

monde rural. Dans ce cas, la perte de pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres serait en

mesure d’être compensée par une augmentation de leur niveau d’utilité mesuré en FCFA. En outre,

les ménages à revenu élevé (apparemment moins lésés) recevraient peu de l’Etat en termes

d’investissement. Au total, la réforme peut être globalement progressive.

La seconde raison est que la recomposition des paniers de consommation des ménages à la faveur

d’une réforme de la taxation indirecte peut aller à l’encontre des objectifs visés. A titre d’exemple,

une hausse de la taxe indirecte sur la viande et la volaille peut paraitre progressive (voir graphique

III.10). Néanmoins, du fait des possibilités qui leur sont offertes, les ménages les plus riches sont

capables de recomposer leur panier pour rester sur la même courbe d’indifférence. Ainsi, ce type

de réforme peut affecter négativement les niveaux d’utilités des pauvres tout en laissant

indifférents les riches.

A travers ces deux exemples, on comprend mieux pourquoi deux économistes étudiant l’impact

d’une réforme fiscale peuvent aboutir à des conclusions contradictoires. Par conséquent, une

méthodologie pour stériliser les effets d’équilibre budgétaire et de comportement des ménages

apparaît nécessaire de manière à isoler l’impact sur le bien-être d’une réforme de la fiscalité

indirecte. Pour ce faire, les études récentes optent pour une association avec la fiscalité directe de

manière à neutraliser les effets susceptibles de biaiser l’interprétation des résultats des simulations.

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29

La présente étude s’inscrit dans cette logique et analyse les résultats suivant la démarche proposée

à la sous section IV.2. La méthodologie, telle que définie, évalue l’impact d’une quelconque

réforme fiscale sur le bien-être des ménages. Pour rappel, l’exercice consiste à modifier un ou

plusieurs taux indirects et à ajuster l’impôt direct de sorte que tous les groupes de ménages

conservent leur niveau d’utilité. Si, par rapport à l’état initial, les recettes fiscales augmentent, il

est possible de conclure que la réforme en question est « Pareto improving ». Le supplément de

recettes peut être redistribué à un (des) groupe(s) de ménages sans détériorer les niveaux d’utilité

des autres groupes. In fine, le bien-être collectif est amélioré. Cette méthode permet de surmonter

les difficultés liées au respect de l’équilibre budgétaire et à la recomposition du panier de

consommation. L’étude se propose d’évaluer quatre types de réformes.

La première réforme et la deuxième réforme consistent à réduire respectivement de 25% et de 50%

la différentiation des taux indirects. Les résultats de ces deux réformes permettent de valider le

modèle en le confrontant aux idées reçues de la théorie sur la fiscalité optimale selon lesquelles la

progression vers un taux unique améliore le bien-être de tous ou de certains sans détériorer celui

des autres.

La troisième réforme institue une baisse de 25% des taux d’imposition des produits et services de

base fortement taxés. Il s’agit des huiles, de la tomate, des condiments et assaisonnements, du

sucre, des produits laitiers, des fruits et légumes, des produits d’éclairage (bougie et pétrole), du

savon, des vêtements et chaussures, des intrants du transport et des autres dépenses de véhicule.

Enfin, la quatrième réforme applique une baisse de 25% de la taxe indirecte sur tous les produits.

Le tableau V.1 présente les résultats sur les recettes fiscales lorsque l’ajustement de l’impôt sur le

revenu est effectué pour maintenir constants les niveaux d’utilité. Chacune de ces réformes

améliore le bien-être au sens de Pareto dans la mesure où les recettes fiscales augmentent par

rapport à l’état initial. Par contre, la variation du bien-être social est nulle puisque les niveaux

d’utilité des groupes de ménages sont maintenus constants. Les deux premiers cas confirment que

les politiques fiscales allant dans le sens de la réduction de la différentiation des taux indirects

rapprochent le système fiscal de l’efficience. Une des raisons économiques avancées pour justifier

cet argument est que toute réduction de la différenciation (par exemple lorsque les taux convergent

vers la moyenne ou la médiane) oriente de manière générale la demande des ménages vers les

produits les plus taxés au détriment des produits les moins taxés ou subventionnés.

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30

Tableau V.1 : Réformes de la fiscalité indirecte ; état intermédiaire

Réformes proposées

Réforme 1 Réforme 2 Réforme 3 Réforme 4

Réduction de l’écart type des taux

indirects de 25%

Réduction de l’écart type des taux

indirects de 50%

Baisse de 25% des taux sur produits de base fortement taxés

Baisse de 25% des taux sur tous les

produits

Groupes de ménages

Taux d’impôt initial

Ajustement de l’impôt sur le revenu par groupe de ménages (système intermédiaire d’imposition du revenu)

Groupe 1 0,0% 0,2% 0,8% 2,8% 4,4%

Groupe 2 9,6% 9,7% 10,1% 12,1% 13,6%

Groupe 3 15,3% 15,5% 16,0% 17,7% 19,1%

Groupe 4 16,0% 16,2% 16,8% 18,3% 19,7%

Groupe 5 16,2% 16,4% 17,0% 18,6% 20,0%

Groupe 6 15,3% 15,5% 16,1% 17,7% 19,1%

Groupe 7 15,1% 15,3% 16,0% 17,5% 19,0%

Groupe 8 14,7% 14,9% 15,5% 17,1% 18,6%

Groupe 9 14,9% 15,1% 15,6% 17,2% 18,8%

Groupe 10 17,5% 17,6% 18,1% 19,7% 21,2%

Variation recettes fiscales

(par rapport à l’état initial) 1,293% 1,464% 1,052% 1,020%

Variation bien-être

(par rapport à l’état initial) 0,000% 0,000% 0,000% 0,000%

La hausse des recettes fiscales signifie que, pour chaque classe de ménages, le budget alloué au

vecteur de consommation sous ce régime intermédiaire est inférieur au budget sous le régime

initial. Etant donné que, pour tous les groupes de ménages, le niveau de satisfaction est le même

dans les deux régimes, l’amélioration parétienne qui en résulte est compatible avec l’efficience

économique. La réforme fiscale est efficiente en ce qu’elle réduit le gaspillage de ressources.

Les troisième et quatrième réformes sont également efficientes comme révélé par le tableau V.1.

La troisième réforme parait donner un meilleur résultat, ce qui peut s’expliquer par le rôle

prépondérant de la redistribution dans l’amélioration du bien-être collectif. La concavité des

fonctions d’utilité est telle que toute politique privilégiant les ménages à faible revenu aurait un

plus grand impact sur le bien-être social. Ainsi, la réduction de la charge fiscale sur les produits de

base fortement taxés affecte davantage les ménages les moins riches dont une partie conséquente

de leur budget est allouée à ces biens.

Néanmoins, il convient de garder à l’esprit que la phase intermédiaire, décrite par les différents

scénarii du tableau V.1, ne donne pas d’information précise sur l’impact final de la politique

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fiscale sur le bien-être. Elle répond simplement aux interrogations relatives à la pertinence d’une

réforme en cherchant à savoir si elle conduit (ou non) à une amélioration au sens de Pareto.

L’impact final sur le bien-être social dépend nécessairement de la façon dont les gains de recettes

fiscales sont utilisés par le Gouvernement. L’impact sur le bien-être est évidemment d’autant plus

important que les suppléments de recettes bénéficient aux groupes de ménages les plus

défavorisés.

Dans la présente étude, l’impact final est mesuré sous l’hypothèse que les recettes supplémentaires

sont réaffectées de façon équitable –mais non égalitaire– à tous les groupes de ménages sous forme

de réduction d’impôt sur le revenu. Les résultats sont présentés dans le tableau V.2

Tableau V.2 : Réformes de la fiscalité indirecte ; état final

Réformes proposées

Réforme 1 Réforme 2 Réforme 3 Réforme 4

Réduction de l’écart type des taux

indirects de 25%

Réduction de l’écart type des taux

indirects de 50%

Diminution de 25% des taux des produits de base fortement taxés

Diminution de 25% des taux de tous les produits

Groupes de ménages

Taux d’impôt initial

Ajustement final de l’impôt sur le revenu (Surplus de recettes fiscales réaffecté de façon équitable aux ménages

sous forme de réduction d’impôts sur le revenu)

Groupe 1 0,0% -2,2% -1,9% 0,9% 2,6%

Groupe 2 9,6% 8,6% 8,9% 11,2% 12,7%

Groupe 3 15,3% 14,7% 15,1% 17,1% 18,5%

Groupe 4 16,0% 15,5% 16,0% 17,8% 19,2%

Groupe 5 16,2% 15,9% 16,4% 18,2% 19,6%

Groupe 6 15,3% 15,0% 15,6% 17,3% 18,8%

Groupe 7 15,1% 15,0% 15,6% 17,2% 18,7%

Groupe 8 14,7% 14,6% 15,2% 16,9% 18,4%

Groupe 9 14,9% 14,9% 15,4% 17,0% 18,6%

Groupe 10 17,5% 17,5% 17,9% 19,6% 21,1%

Variation recettes fiscales (par rapport à l’état initial)

0,000% 0,000% 0,000% 0,000%

Variation bien-être (par rapport à l’état initial)

0,586% 0,600% 0,572% 0,570%

Il est aisé de constater que, suite à la réaffectation de la totalité des gains de recettes fiscales, les

taux d’impôt sur le revenu de l’état final sont inférieurs à ceux de l’état intermédiaire. Si les

résultats de la phase intermédiaire retracent les orientations nécessaires à la bonne conduite d’une

réforme fiscale, ceux du tableau V.2 indiquent, dans la réalité, les mesures à mettre en œuvre pour

réaliser un niveau de bien-être désiré. Par exemple, la baisse de 25% de la taxe indirecte appliquée

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aux produits de base fortement taxés améliore (au sens de Pareto) le niveau de bien-être social de

0,572% si et seulement si le système d’imposition sur le revenu passe de son état initial de la 2ème

colonne à l’état décrit par la 5ème

colonne.7

Par rapport à l’état initial, le montant des recettes fiscales reste constant dans la mesure où le

surplus de recettes est entièrement redistribué sous forme de réduction d’impôts directs. Dès lors,

il se crée un effet-revenu qui accroît les niveaux d’utilité des groupes de ménages. En tout état de

cause, si le Gouvernement choisit de ne pas redistribuer équitablement aux ménages l’intégralité

des recettes fiscales supplémentaires, la conclusion ne changerait pas : le bien-être des groupes de

ménages serait amélioré dans des proportions moindres que celles décrites au tableau V.2 et les

recettes fiscales connaitraient une hausse.

7 Pour ne pas alourdir le document, les résultats détaillés ne sont pas présentés. Il s’agit notamment de la variation de

recettes fiscales par produit et/ou de la variation de l’utilité par groupe de ménages.

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33

VI. CONCLUSIONS

La fiscalité peut être un instrument de politique économique de soutien à l’activité productive et de

maintien de l’équilibre budgétaire. Elle constitue également un moyen efficace pour lutter contre

la pauvreté et les inégalités. Une politique fiscale conçue pour répondre à ce double objectif –

économique et social – peut être qualifiée d’optimale.

Au Sénégal, le système fiscal a connu plusieurs réformes depuis l’indépendance. Il semble que les

réformes fiscales aient été entreprises dans un souci de développement de l’activité productive, de

soutien à la compétitivité, de résorption des déséquilibres et, récemment, de respect des normes

communautaires en matière d’intégration économique. Dans un environnement marqué par une

dispersion importante des revenus des ménages, les réformes menées n’ont pas été articulées à la

recherche d’optimalité en ce qu’elles n’ont pas étroitement associé la fiscalité sur le revenu et la

fiscalité indirecte. Ce document a donc essayé de proposer des réformes de la fiscalité à partir des

caractéristiques du système fiscal sénégalais, en intégrant les principes de redistribution et

d’équité.

Les résultats confirment l’existence d’un impôt effectif sur le revenu non optimal même si l’impôt

nominal sur le revenu serait proche de l’optimum. La fiscalité directe effective paraît davantage

favorable aux ménages les plus aisés. L’explication tient à la fraude et à l’évasion fiscale chez les

ménages à revenu élevé ou simplement à l’inadaptation du système. En revanche, chez les

ménages les moins riches, l’écart de taux est à mettre en rapport avec le niveau d’informalité des

petites activités. S’agissant du système d’imposition indirecte, la progressivité n’est pas établie. En

fait, la discrimination par l’impôt est difficile à appliquer ; autrement dit, les mêmes taux sont

appliqués quelle que soit la catégorie de ménages qui achète le produit. Néanmoins, la plupart des

biens alimentaires de première nécessité sont taxés de manière régressive. A priori, une baisse de

la fiscalité appliquée à ces biens profiterait davantage aux ménages les plus démunies.

Au total, la fiscalité est plus proche d’un système à taux unique que d’un système progressif. Les

paiements d’impôts et de taxes ne varient pas sensiblement en pourcentage du revenu du groupe de

ménages.

Il s’ensuit que, pour se rapprocher de la taxation optimale du revenu, les réformes allant dans le

sens de l’élargissement de l’assiette doivent être maintenues, ce qui réduirait l’évasion et la fraude

fiscale. Par ailleurs, la fiscalité optimale du revenu fait ressortir une forme de progressivité, mais le

taux d’imposition marginal optimal est décroissant. Ces résultats montrent qu’en considérant la

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34

redistribution par la progressivité, les distorsions occasionnées par la fiscalité directe s’accentuent

à mesure que le revenu augmente, d’où l’existence d’un bouclier fiscal optimal.

Enfin, l’étude indique des pistes de réformes fiscales favorables au bien-être collectif. De telles

réformes exigent la prise en compte de l’impôt sur le revenu. Certes, une importante partie du

revenu des ménages échappe à l’impôt direct mais cette difficulté a été surmontée dans cette étude

grâce au regroupement des ménages en classes dont la probabilité de s’acquitter d’un impôt sur le

revenu est calculée. La méthodologie est telle que la satisfaction de tout un chacun est sinon

augmentée du moins maintenue en l’état. Les résultats des simulations montrent que la

simplification de la structure des taux d’imposition des produits est une solution socialement

optimale. En effet, la convergence vers un taux indirect unique ou la baisse de la fiscalité indirecte

sont favorables au bien-être des ménages sans détériorer les recettes fiscales. En outre, la baisse

des taux indirects, singulièrement des produits de base fortement taxés, est socialement efficiente.

Eu égard à l’importance de la fiscalité telle que décrite précédemment, en tant qu’instrument de

promotion du bien-être, une attention particulière doit être portée à la taxation de la classe

moyenne. En effet, initialement observé dans les pays occidentaux, le lien entre la constitution

d’une large classe moyenne et l’émergence économique semble davantage confirmé par les

expériences récentes d’Asie. En empruntant le raccourci faisant du statut économique le seul

critère d'identification d’une classe moyenne, la constitution d’une large classe de ménages à

revenu intermédiaire requiert des efforts de promotion des entreprises individuelles qui procurent

plus de la moitié des revenus des ménages de la classe moyenne. Dans ce sens, la fiscalité jouerait

un rôle déterminant. Bien entendu, les efforts doivent également tendre à hisser le revenu des

ménages les plus pauvres vers celui des ménages à revenus intermédiaires.

En tout état de cause, le modèle élaboré dans cette étude peut sans doute servir à réaliser d’autres

simulations utiles à l’orientation de la politique fiscale. Le même travail empirique est possible à

partir d’une autre base de données sur les dépenses de consommation des ménages à une période

caractérisée par un autre système fiscal. Le modèle peut être également amélioré dans le sens

d’intégrer les dépenses budgétaires. Cet effort de modélisation permettrait d’avoir un aperçu plus

général de la cohérence entre la politique budgétaire et le bien-être.

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