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1 70 ème Congrès de la FNSEA à Laval – 30, 31 mars et 1 er avril 2016 Discours de clôture Xavier Beulin, Président Vendredi 1 er avril 2016 Monsieur le Ministre, Cher(e)s Collègues, Cher(e)s Ami(e)s C’est avec gravité que je vous accueille à ce 70 ème Congrès de la FNSEA. Depuis de longs mois l’agriculture française s’enfonce dans une crise dont elle ne voit pas le terme. Ce n’est certes pas la première, mais celle-ci est une crise économique, une crise sociale, une crise morale qui frappe tous les secteurs de production. Elevage, maraichage, arboriculture, grandes cultures, horticulture, myciculture… à l’exception peut-être de la viticulture, aucun secteur n’est épargné ! Pour beaucoup d’agriculteurs, les conditions de vie sont devenues intolérables, les revenus indécents face au travail fourni et à l’énergie engagée. Cette crise est lourde de drames humains, qu’il nous a fallu affronter, accompagner et qui nous laissent désemparés et amers. Cette crise est grave parce qu’elle fait naître des doutes sur le métier, sur ses perspectives d’avenir ; Des doutes aussi sur la prise de conscience par la Nation de l’utilité de son agriculture. Allons-nous subir le même sort que l’industrie textile? Des doutes enfin sur l’Europe qui démontre, hélas, son impuissance. Dans cette période critique, vous avez devant vous, Monsieur le Ministre, des responsables syndicaux qui assument sans fléchir leurs responsabilités devant les paysans, un réseau exigeant, pour lui-même mais aussi vis-à-vis de l’action publique, et de la vôtre en particulier ! Et je ne veux pas taire les désaccords qui sont les nôtres. Nous avons un passif Monsieur le Ministre. Lorsque nous vous avons accueilli pour la première fois à Troyes, en 2013, je vous rappelai ceci : « Il ne saurait y avoir une politique agricole mise en place sans une approbation des paysans et nous en représentons la majorité légitime incarnant la diversité de l’agriculture française. Entendez nous Monsieur le Ministre et ne vous trompez pas d’interlocuteur ! » Et bien… vous vous êtes trompé … Parfois… trop souvent ! Vous avez oublié que la force de la FNSEA est d’être unie dans sa diversité ; c’est ainsi qu’elle a su, au cours de ces 70 dernières années, fédérer, défendre, promouvoir et accompagner la modernisation de l’agriculture. Oui, Monsieur le Ministre, nous sommes les défenseurs d’un modèle agricole soutenable et durable, durable pour l’alimentation, pour l’environnement, durable sur le plan social. Oui, nous sommes les défenseurs d’une agriculture plurielle, diverse, qui s’appuie sur des chefs d’exploitations responsables dans leur choix de gestion, leurs choix de systèmes de production. Et nous affirmons que différents choix peuvent coexister, au sein des filières, au sein des bassins, au sein même des exploitations. Or par souci de donner des gages à votre majorité ô combien plurielle, à vos frondeurs et à un électorat urbain, vous avez contribué à opposer les modèles entre eux, à dresser les bios contre les

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70ème Congrès de la FNSEA à Laval – 30, 31 mars et 1er avril 2016

Discours de clôture Xavier Beulin, Président Vendredi 1er avril 2016

Monsieur le Ministre, Cher(e)s Collègues, Cher(e)s Ami(e)s C’est avec gravité que je vous accueille à ce 70ème Congrès de la FNSEA. Depuis de longs mois l’agriculture française s’enfonce dans une crise dont elle ne voit pas le terme. Ce n’est certes pas la première, mais celle-ci est une crise économique, une crise sociale, une crise morale qui frappe tous les secteurs de production. Elevage, maraichage, arboriculture, grandes cultures, horticulture, myciculture… à l’exception peut-être de la viticulture, aucun secteur n’est épargné ! Pour beaucoup d’agriculteurs, les conditions de vie sont devenues intolérables, les revenus indécents face au travail fourni et à l’énergie engagée. Cette crise est lourde de drames humains, qu’il nous a fallu affronter, accompagner et qui nous laissent désemparés et amers. Cette crise est grave parce qu’elle fait naître des doutes sur le métier, sur ses perspectives d’avenir ; Des doutes aussi sur la prise de conscience par la Nation de l’utilité de son agriculture. Allons-nous subir le même sort que l’industrie textile? Des doutes enfin sur l’Europe qui démontre, hélas, son impuissance. Dans cette période critique, vous avez devant vous, Monsieur le Ministre, des responsables syndicaux qui assument sans fléchir leurs responsabilités devant les paysans, un réseau exigeant, pour lui-même mais aussi vis-à-vis de l’action publique, et de la vôtre en particulier ! Et je ne veux pas taire les désaccords qui sont les nôtres. Nous avons un passif Monsieur le Ministre. Lorsque nous vous avons accueilli pour la première fois à Troyes, en 2013, je vous rappelai ceci : « Il ne saurait y avoir une politique agricole mise en place sans une approbation des paysans et nous en représentons la majorité légitime incarnant la diversité de l’agriculture française. Entendez nous Monsieur le Ministre et ne vous trompez pas d’interlocuteur ! » Et bien… vous vous êtes trompé … Parfois… trop souvent ! Vous avez oublié que la force de la FNSEA est d’être unie dans sa diversité ; c’est ainsi qu’elle a su, au cours de ces 70 dernières années, fédérer, défendre, promouvoir et accompagner la modernisation de l’agriculture. Oui, Monsieur le Ministre, nous sommes les défenseurs d’un modèle agricole soutenable et durable, durable pour l’alimentation, pour l’environnement, durable sur le plan social. Oui, nous sommes les défenseurs d’une agriculture plurielle, diverse, qui s’appuie sur des chefs d’exploitations responsables dans leur choix de gestion, leurs choix de systèmes de production. Et nous affirmons que différents choix peuvent coexister, au sein des filières, au sein des bassins, au sein même des exploitations. Or par souci de donner des gages à votre majorité ô combien plurielle, à vos frondeurs et à un électorat urbain, vous avez contribué à opposer les modèles entre eux, à dresser les bios contre les

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conventionnels, les circuits courts contre les filières, la santé contre l’économie, les petits contre les gros….

Cette erreur d’appréciation vous a conduit… parfois… à des ambiguïtés, à ménager la chèvre et le chou, au détriment de choix clairs offrant des perspectives soutenables et durables à notre métier. Il a fallu cette crise d’une extrême gravité et d’intenses mobilisations pour que soient enfin mis en place des allègements de charges structurels, une vigilance sur un niveau de normes soutenable… Et il a fallu que ces décisions soient prises et arbitrées par le Premier Ministre.

Nous avons un passif, Monsieur le Ministre, mais ce qui nous importe maintenant, c’est de travailler sur l’avenir. Mes collègues le savent, je ne suis pas là pour faire de l’esbroufe. Je suis un homme qui tient un discours de vérité, un discours pragmatique qui puisse résister à l’épreuve des faits. C’est sur cette conviction que j’ai construit mon engagement syndical depuis plus de 30 ans. C’est sur cette conviction que j’ai toujours défendu que représentation syndicale et implication dans l’action économique étaient indissociables. Mon combat, c’est de remettre les paysans au cœur des discussions et des propositions ; c’est de ne pas laisser les autres décider à notre place. Et je le paye cher ; les attaques sont violentes. Mais au-delà du Président de la FNSEA, c’est une vision du syndicalisme qui est remise en cause. Le rejet pour le rejet, l’opposition pour l’opposition, sont stériles. Ce n’est pas notre choix. Ne tournons pas le dos à nos 70 ans d’histoire. Nos mobilisations, nos manifestations ont toujours eu pour but de mettre sur la table les solutions pour l’avenir de l’agriculture : l’avenir de Femmes et d’Hommes, l’avenir des entreprises, l’avenir de nos filières. Et nous allons continuer ! Parlons donc maintenant des solutions, de ce qui a été fait, de ce qui reste à faire, par nous, par la filière et par vous, Monsieur le Ministre. Commençons par ce qui relève de la responsabilité de l’Etat. Nous avons eu, au cours de l’année, des rendez-vous important, avec vous, avec le Premier Ministre. [Mesures 3 septembre et 17 février] Le 3 septembre 2015, 1700 tracteurs venus de toute la France ont foulé les pavés parisiens pour exprimer à nos concitoyens la détresse des paysans français ! 1 700 tracteurs et plus de 5 000 agriculteurs. J’étais fier de faire partie de cette organisation, de cette profession, qui se mobilise, qui revendique, qui négocie, et qui obtient des avancées. Car ce jour-là, grâce à notre mobilisation, des moyens ont été trouvés pour redonner une bouffée d’air aux plus durement frappés par la crise. Sachons le reconnaître. Ne laissons pas le terrain à ceux qui n’ont que la démagogie comme ligne de conduite :

- L’année blanche, les prises en charges d’intérêt d’emprunt à hauteur de 100 millions d’euros, l’option pour l’année n-1 ou encore 50 millions de prises en charges de cotisations. Osons dire que la mobilisation du terrain est utile.

- la mise en place de l’instance permettant d’associer les agriculteurs à toute nouvelle élaboration de normes, la baisse de 10 points des cotisations sociales sur 2 ans ou encore le relèvement des seuils pour les installations classées. Soyons fiers du travail mené par les FDSEA.

Et je veux vous le dire, à vous, cher(e)s ami(e)s : Sans responsables professionnels qui font le choix de s’engager, avec tous les sacrifices que cela demande, sur vos loisirs, sur votre temps libre, sur votre

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famille et même sur votre exploitation, ces réponses n’auraient jamais vu le jour. Alors permettez-moi, avec sincérité, de vous remercier pour votre engagement sans faille. Bien sûr, toutes ces annonces ne règlent pas la crise. Elles apportent à certains des réponses conjoncturelles pour passer le cap. Elles apportent aussi des réponses structurelles pour préparer l’avenir. Mais elles sont encore insuffisantes et surtout leur mise en œuvre est laborieuse. Monsieur le Ministre, si vous nous aviez fait confiance, si nous avions mieux travaillé ensemble, nous serions allés plus vite, plus loin. La mise en œuvre de l’année blanche est en train d’épuiser les responsables locaux des FDSEA. Nous n’avons toujours pas été consulté sur le dispositif prorogé jusqu’au 30 juin. N’allez pas inventer de nouveaux critères pour l’éligibilité des dossiers, comme pour leur traitement. Les critères retenus pour l’élevage doivent s’appliquer aux nouveaux secteurs concernés. Et nous attendons une garantie claire sur le budget qui devra être au rendez-vous de tous les dossiers déposés. La mise en œuvre de la 2ème enveloppe du FAC est du même tonneau. Pourquoi ne pas permettre d’apporter des compléments de financements aux dossiers déjà en paiement ? Pourquoi ne pas continuer à faire jouer la subsidiarité dans les départements ? Et pour répondre à la crise laitière qui s’accentue, nous vous demandons d’abonder les enveloppes des départements sous-dotés et de permettre le dépôt de nouveaux dossiers en cellules d’urgence. Et que dit-on à ceux qui n’ont aucune autre alternative que de quitter le métier ? Vous, Présidents ou administrateurs des FDSEA, vous savez ce que c’est d’avoir face à soi un agriculteur qui n’a plus rien, un agriculteur en détresse car c’est toute sa vie qui part en morceau, tout ce qu’il a construit, son exploitation, souvent sa maison, et pire, parfois, sa famille. Comment peut-on envisager une seconde de rester sans réponse face à ces drames ? Cette solidarité, c’est le sens même de notre engagement ! Il faut mettre en œuvre le Congé Formation : il permet à un agriculteur de suivre une formation en vue d’une reconversion professionnelle tout en percevant un revenu équivalent à 75 % du SMIC pendant 6 mois. Il faut d’urgence mobiliser des fonds nationaux et régionaux. Il est également urgent de protéger le patrimoine privé des agriculteurs en difficulté. Quand je dis que la création d’un statut de l’agriculteur professionnel est indispensable, ce n’est pas pour porter atteinte aux petites exploitations, comme on veut le faire croire, mais c’est pour protéger tous ceux qui font de l’agriculture leur métier ! C’est pour faire en sorte qu’on ne vienne pas chercher la maison d’habitation quand un agriculteur se retrouve dans une situation sans issue. Alors de grâce, cessons les raccourcis. Le statut de l’agriculteur professionnel, c’est aussi la mise en place d’une fiscalité professionnelle. Un premier pas important a été franchi avec la réforme du forfait. Mais la fiscalité agricole n’est plus adaptée aux conditions actuelles de l’exercice du métier. Elle mélange le privé et le professionnel et elle ne tient pas suffisamment compte des variations de revenu. Aucun principe fiscal ne justifie qu’un revenu cyclique soit imposé plus fortement qu’un revenu stable. La déduction pour aléas, l’à-valoir sur les cotisations sociales, la moyenne triennale… amorcent une gestion pluriannuelle des résultats de nos exploitations. Les dernières améliorations obtenues vont d’ailleurs renforcer leur efficacité. Mais, Monsieur le Ministre, il faut changer de braquet ! Les agriculteurs ont besoin d’une véritable fiscalité d’entreprise. Une fiscalité interannuelle. Une fiscalité qui favorise les investissements. Une fiscalité qui colle à la réalité de l’exploitation. Monsieur le Ministre, ouvrons au plus vite le chantier d’un impôt sur les sociétés adapté à l’agriculture.

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Un mot, tout de même, sur la fameuse retenue à la source… Pour ne pas pénaliser les agriculteurs, les acomptes qui seront versés sans que les résultats ne soient connus, doivent être modulables et basés sur une moyenne pluriannuelle ! Je le dis fermement, nous refuserons que les agriculteurs fassent une quelconque avance de trésorerie. La politique de gestion des risques est également déterminante pour redonner de la visibilité aux exploitants agricoles. Depuis deux ans, nous avons travaillé d’arrache-pied, avec l’ensemble des associations spécialisées de la FNSEA, pour mettre sur pied une assurance climatique accessible au plus grand nombre. Le contrat socle et les garanties complémentaires sont désormais disponibles pour toutes les grandes filières, y compris les prairies. Mais franchement ! Comment expliquer aux agriculteurs que les aides complémentaires à l’assurance récolte 2014, que vous avez annoncées en 2015, ne soient toujours pas versées ? Et je ne parle pas de la ponction arbitraire de 255 millions d’euros sur le FNGRA ; une ponction que nous regretterons amèrement le jour venu. Comment dans ces conditions, les agriculteurs peuvent-ils croire que l’assurance est une nécessité aujourd’hui, et un pari pour demain dans le cadre d’une PAC rénovée ? Comment leur donner confiance dans les politiques menées ? Or, l’équation est simple : pas de confiance, pas de visibilité ; pas de visibilité, pas d’investissements ; pas d’investissement, pas d’avenir ! Pour donner de la confiance, la première chose à faire, c’est de stabiliser l’environnement de l’exploitation. C’est d’avoir une ligne et de s’y tenir ! La baisse de cotisations sociales de 10 points en 2 ans annoncée par le Premier Ministre le 17 février, doit constituer un axe clair de baisse durable du coût du travail. Car sur ce sujet, que de tergiversations ! Pendant 15 ans, personne n’a écouté notre proposition de TVA emploi. Puis, elle est mise en place dans des conditions rocambolesques. Six mois après, changement de cap : la TVA emploi est supprimée et dans la foulée, on rabote les exonérations « saisonniers » et on augmente les cotisations retraite. En janvier 2014, nouveau virage à 180 degrés : le CICE est créé et est lui-même financé en grande partie par…je vous le donne en mille… la TVA ! Nous sommes ridicules ! Les agriculteurs, les Français n’en peuvent plus de ces aller-retour ! Le Gouvernement a fait le choix du CICE. Allez au bout de la logique et améliorez-le pour que ce ne soit plus les petites entreprises qui fassent les avances de trésorerie ! Car dans notre pays, une politique de l’emploi incitative, surtout pour les TPE, ne va pas de soi… c’est le moins que l’on puisse dire. Deux exemples :

- Le compte pénibilité : Il est inadapté à l’agriculture, il est inadapté aux très petites entreprises. Le Gouvernement nous demande de faire un référentiel par métier pour répertorier les facteurs de risques, mais Monsieur le Ministre, chacun ses responsabilités ! Ne demandez pas aux organisations professionnelles de tenter de traduire des décrets incompréhensibles, modifiez les ! La solution est simple, il faut revenir sur les facteurs « agents chimiques » et « postures pénibles ». Ils sont inapplicables et je vous le dis, en l’état, ils seront inappliqués.

- Deuxième exemple, la complémentaire santé des saisonniers : Que d’énergie pour faire comprendre que la loi généralisant la complémentaire santé est inapplicable dans un secteur

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où le travail saisonnier concerne plus d’un million de personnes qui entrent et sortent du régime.

Au lieu de faire de l’embauche un parcours du combattant, on ferait mieux de simplifier la vie des TPE… Sauf à créer des boulevards pour le développement des sociétés de prestations de services étrangères. J’ai salué le projet de loi de la Ministre du travail dans sa version initiale. Après avoir écouté les salariés, les étudiants, les lycéens, le Gouvernement a proposé un texte en repli ; peut-il maintenant écouter les petites entreprises ? J’attends beaucoup du débat parlementaire. Notamment sur les assouplissements de la durée du travail dans les TPE ou encore sur la restructuration des branches. Croire que nous aurons une seule convention en fin d’année est illusoire. Nous avons besoin de temps pour dessiner notre nouveau schéma conventionnel avec les syndicats de salariés. [Les normes] Autre sujet, les normes Monsieur le Ministre, les agriculteurs sont épuisés, excédés, accablés par ces taxes ou ces normes qui s’empilent sans qu’ils en comprennent le bien-fondé. Lors de nos mobilisations de l’été, nous avons fait de la réduction des normes et de l’allègement des règles administratives, une revendication majeure au service d’un plan de relance de la compétitivité de l’agriculture française. Le 3 septembre, le premier Ministre s’engageait à faire de la simplification des normes une priorité ; Il promettait à partir de février 2016, une nouvelle méthode de travail, associant les professionnels agricoles très en amont. C’est la tâche qui incombe depuis le 23 mars au Préfet Pierre Etienne Bisch qui devra veiller à l’efficacité du dialogue entre l’Etat et la profession, entre les administrations surtout ; et qui devra faire respecter le principe de l’équivalence des charges entre les agriculteurs français et leurs principaux concurrents européens. Nous y voyons une vraie raison d’espérer, mais sans naïveté aucune ! Le chemin sera difficile et notre ténacité nécessaire pour lever les nombreux obstacles dressés par des administrations campées sur leurs certitudes, par des ONG convaincues de leur bon droit à dire et faire le droit au nom du peuple ; Obstacles dressés aussi parfois par des ministres, plus soucieux de se préserver les bonnes grâces de ces ONG et de leur électorat, que de respecter l’engagement pris par le Premier Ministre ! De la ténacité, il nous en a fallu pendant tous ces mois pour faire bouger les lignes et engranger des avancées, actées par le Premier Ministre le 17 février dernier. Je pourrais aussi rappeler le dossier des cours d’eau ou le programme d’action nitrates. Nous avons dû également batailler pour permettre aux porteurs de projets d’investir, de moderniser, de regrouper des ateliers, d’irriguer, en un mot entreprendre. Batailler pour éviter un nouvel alourdissement des procédures d’installations classées, pour rapprocher les seuils français des seuils européens, pour alléger des études d’impact aussi longues que coûteuses.

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Mais cher(e)s ami(e)s, le résultat est là : relèvement des seuils des élevages bovins, lait et viande, création d’un régime d’enregistrement et suppression du régime de déclaration avec contrôles périodiques. Le bien-être animal est et restera une priorité absolue des éleveurs que ces évolutions ne remettent pas en cause, bien au contraire. Préoccupons-nous plutôt des pratiques injustifiables observées dans certains abattoirs : non seulement nous ne les cautionnons pas ; pire, elles nous desservent et font le lit des « anti-viande ». Sur la question de l’eau, si nous sommes satisfaits de la confirmation de la levée du moratoire sur les retenues, nous n’oublions pas le combat, anormal dans une démocratie, qu’il a fallu mener pour tout simplement faire respecter la décision publique à Sivens. Il convient maintenant, Monsieur le Ministre, de concrétiser les conditions de leur financement et d’obtenir un échéancier permettant la mise en œuvre rapide et effective des projets. Autre bataille, celle des énergies renouvelables. Les agriculteurs sont mobilisés dans la lutte contre le changement climatique et nous agissons pour une agriculture de solutions. La France a besoin de toute sa biomasse agricole, sans dogmatisme aucun, si elle veut atteindre la part de 32% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Et pourtant là encore que d’obstacles pour faire prendre en compte nos contributions positives dans la loi de transition énergétique, pour éviter des normes surréalistes dans la stratégie nationale bas-Carbonne, pour obtenir des avancées concrètes sur les tarifs et conditions de raccordement de nos méthaniseurs et de notre production photovoltaïque. L’arbitrage du Premier Ministre aura permis la révision de l’arrêté tarifaire signé par la Ministre de l’Ecologie, et le retour à une approche plus pragmatique et moins idéologique de la place des cultures à vocation énergétiques dans les méthaniseurs. Sur le photovoltaïque, nous avons entendu les promesses ; nous attendons maintenant des actes pour faire baisser le coût du raccordement des projets agricoles de petite et moyenne taille. Enfin, Monsieur le Ministre, y a-t-il encore une ambition sur les biocarburants dans notre pays ? J’en viens maintenant à Ecophyto et aux CEPP. Nouvelle méthode oblige, le décret sur les CEPP fait actuellement l’objet d’une concertation, d’une négociation difficile, Monsieur le Ministre, entre vos services et la Profession. Depuis 20 ans, l’agriculture a beaucoup progressé pour raisonner l’usage des produits phytosanitaires. Nous ne traitons pas nos plantes par plaisir mais pour protéger nos cultures des maladies et sécuriser la production alimentaire. Le vrai progrès ce n’est pas de mesurer mathématiquement - j’allais dire bêtement - la baisse des doses utilisées. Le vrai progrès consiste à diminuer l’impact des phytosanitaires sur l’environnement et la santé en incitant la mise au point et la diffusion de méthodes alternatives et innovantes, la mise en œuvre de bonnes pratiques soutenables et durables. C’est pourquoi, nous vous avons fait, Monsieur le Ministre, des propositions sur un nouveau panier d’indicateurs. Nous vous demandons maintenant de conclure et d’arbitrer, en respectant le principe N°1 de la nouvelle méthode : pas de surtransposition par rapport au cadre européen, la norme européenne, ni plus, ni moins ! Un exemple concret : la Cerise ! De deux choses l’une : soit le Diméthoate est dangereux pour la santé publique et il doit être interdit dans toute l’Union Européenne ; soit ce n’est pas le cas, et la France doit pouvoir l’utiliser.

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Or, votre position, si nous avons bien compris, c’est : la France l’interdit quoiqu’il en soit et le cas échéant, ferme ses frontières. Conséquences : on mangera des cerises partout en Europe sauf en France ; En tout état de cause, à la fin, c’est le paysan qui paie l’addition. Ce n’est pas ainsi que nous ferons progresser l’agriculture de demain ; une agriculture économiquement soutenable et écologiquement responsable. Il nous faut sans état d’âme soutenir l’innovation, la recherche, l’expérimentation. Des pistes de travail prometteuses ont été dégagées par le rapport Agriculture-Innovation 2025, initié par le gouvernement. Un rapport, c’est bien ; sa mise en œuvre, c’est mieux ! Voici notre vision d’une écologie moderne et responsable : Double performance, Produire plus et produire mieux, Ecologie intensive… Des mots qui n’opposent pas les modèles les uns aux autres, qui offrent des perspectives de progrès pour tous, qui laissent une place à chacun. N’est-ce pas, Monsieur le Ministre, la vraie définition de l’agroécologie ? N’est-ce pas une forme de réponse à votre ambition du 4 pour 1000 ? Je voudrais par ailleurs rappeler à tous les apprentis en biodiversité que nos terres, nos sols, notre foncier sont les premiers producteurs de biodiversité. Et d’ailleurs, Monsieur le Ministre, où en est le décret qui rend applicable le droit à la compensation agricole en cas d’impact négatif de l’artificialisation des terres sur l’économie agricole des territoires ? Pour finir sur la biodiversité, mes collègues m’en voudraient, et à juste titre, si je n’évoquais pas les prédateurs. Il faut choisir : c’est eux ou nous ; le pastoralisme ou les loups. Et que dire des dégâts causés par les sangliers, les campagnols et autres ravageurs… Enfin, auriez-vous imaginé, avant d’être Ministre, que l’agriculture n’était pas une science exacte ? Auriez- vous imaginé, il y a un an, 4 crises sanitaires successives : Xylella, FCO, Grippe aviaire, ESB ? Tout cela démontre s’il le fallait qu’on ne peut gérer l’agriculture à coup de lois, de décrets, d’arrêtés et de circulaires. [Filières] Oui, Monsieur le Ministre nous sommes exigeants envers vous et vos services, mais nous le sommes tout autant envers nos partenaires des filières. Car l’avenir de nos exploitations passe par des filières robustes, conquérantes, structurées, et responsables. C’est tout au long de la chaîne alimentaire et avec l’ensemble de ses acteurs, que se construit la valeur de nos produits, que s’en construit le prix. Le prix, le prix de l’alimentation, le juste prix de notre travail : telle est l’attente exprimée, criée parfois, tout au long de cette crise. Quelques soient les efforts de baisse de charges, quelques soient les montants des plans de soutien, le prix reste une attente fondamentale qui traduit une reconnaissance, qui offre les perspectives de progrès, qui ouvre les voies de l’investissement, qui permet d’entreprendre. C’est la promesse d’un revenu, d’installations et de transmissions réussies, c’est le gage de la pérennité et de l’avenir de notre métier. Mais nous restons lucides.Nous savons qu’un prix ne se décrète pas, que personne - fut-il Ministre - n’a de baguette magique à sa disposition. Les tables rondes que vous avez organisées cet été, Monsieur le Ministre, en ont encore été l’illustration ; non seulement les engagements n’ont pas tenu face aux prix plus bas pratiqués par nos

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voisins européens mais la Commission Européenne nous soupçonne, comme l’ensemble des opérateurs, d’entente sur les prix et d’entrave aux importations. Les enquêtes ouvertes seront longues et sont autant d’épées de Damoclès suspendues au-dessus de nos têtes. Forts de ce constat sans concession, nous devons nous retrousser les manches. Nous devons reposer les bases de stratégies de filière ambitieuses et équitables. Elles ont été identifiées hier après-midi, dans notre débat autour des propositions issues des tournées régionales :

- Premièrement, créer de la valeur dans la chaîne alimentaire et pour cela mieux adapter notre offre à la demande, mieux segmenter les marchés ;

- Deuxièmement, répartir plus équitablement la valeur dans la chaîne alimentaire et pour cela cesser la guerre des prix suicidaire, cesser des négociations commerciales dont les méthodes ne sont parfois pas dignes d’un Etat civilisé ;

- Troisièmement, organiser voire massifier l’offre, au niveau de la production agricole bien sûr, mais aussi au niveau de la transformation qui souffre aussi d’une atomisation préjudiciable face à la concentration des enseignes de la distribution ou de la restauration hors domicile ;

- Enfin, travailler nos facteurs de compétitivité, de modernisation, d’investissements. Ces solutions ne sont pas nouvelles : de colloques en tables rondes, de rapports de Congrès en plans stratégiques, elles ressurgissent à chaque crise. Mais ce qui change aujourd’hui, ce qui va changer demain, c’est que nous ne voulons plus laisser les autres décider pour nous, c’est que notre syndicalisme veut être pleinement acteur de ces mutations. Il sera constructif, mais il sera exigeant, très exigeant vis-à-vis de ses partenaires. Quand dans le secteur de la viande de porc, le prix a décroché en fin d’été du seuil fatidique d’1,40 € pour plonger à 1,10€, les prix à la consommation ont-ils chuté d’autant ? Evidemment non ! Alors où sont passés les 30 centimes ? Chacun se renvoie la balle... Face à ce jeu mortel pour bon nombre d’éleveurs, nous avons pris l’initiative avec la FNP de proposer la création d’un fonds conjoncturel d’urgence afin d’en faire revenir une partie à la production. Deux mois déjà que les discussions sont engagées avec toutes les parties prenantes. Deux mois parsemés d’obstacles qu’il a fallu vaincre un par un. Deux mois passés à apporter des assurances aux uns et aux autres. D’abord sur la compatibilité de ce fonds avec le droit de la concurrence et je tiens ici à remercier le Président de l’Autorité de la concurrence pour son engagement. Ensuite sur la modalité du pied de facture dont les abatteurs et les transformateurs redoutaient qu’elle ne se retourne contre eux. Mais notre détermination porte ses fruits. Le protocole d’accord est prêt à être signé. Dès la mi-juin, si chacun respecte ses engagements, les éleveurs percevront un premier versement équivalent à deux mois de production sur une base de 9 € par porc charcutier pour un naisseur engraisseur. Et un deuxième versement en juillet. Cette expérience montre que malgré les difficultés immenses, malgré la défiance naturelle, il nous est possible de trouver des solutions au sein de la filière, sans l’intervention des Pouvoirs Publics, avec un esprit de responsabilité et une détermination entière du syndicalisme. Pour autant, cette expérience ne peut se substituer aux relations commerciales durables et équitables que nous aspirons à construire au sein des filières. Nous refusons qu’une relation entre transformateurs et distributeurs destructrice de valeur, nous conduise à faire l’aumône pour survivre.

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Chacun doit avoir sa juste place dans cette chaîne alimentaire et nous exigeons que le producteur agricole y soit respecté. C’est bien le sens des initiatives prises par nos Associations Spécialisées : Charte de valeur, segmentation, contractualisation. La contractualisation, voici plusieurs années que nous la défendons. Il nous faut maintenant passer la vitesse supérieure et multiplier les partenariats liant producteurs, transformateurs et distributeurs. Plusieurs initiatives ont été annoncées ces derniers temps. Mais attention aux effets d’annonce. La vérité m’oblige à rappeler que ces engagements ne sont réels et durables que s’ils sont gagnant-gagnant pour chacun et s’appuient sur une relation de confiance. Là encore pas de baguette magique qui permettrait au Ministre ou au législateur, d’imposer un contrat à trois et d’en dicter les modalités. Mais il est une réforme qui relève de la responsabilité du Gouvernement, Monsieur le Ministre : Faire respecter la place des agriculteurs dans les négociations commerciales. Redonner de la valeur à leur travail ! Et puisque le Président de la République a annoncé une réouverture de la LME, c’est le moment ou jamais !

- Nous demandons que nos coûts de production, nos coûts de revient soient des indicateurs qui servent à déterminer le prix dans les contrats : Dans les contrats entre producteurs et transformateurs, puis dans les contrats entre transformateurs et enseignes de la distribution.

- Nous demandons que les négociations commerciales se déroulent en deux temps. Avant la fin de l’année, pour les contrats entre agriculteurs et industriels ; ensuite, et ensuite seulement, avant la fin février, entre transformateurs et distributeurs.C’est ça le bon ordre pour que l’agriculteur ne soit pas une variable d’ajustement, en bout de chaîne !

A défaut de pouvoir faire régner nous-même l’ordre et la justice dans les boxes de négociation, voici les propositions que nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de défendre dans la loi Sapin 2. Cher(e)s ami(e)s, notre combat pour le prix passe aussi par la poursuite de nos actions en faveur du « consommer français ». Elles portent leurs fruits ! Des collectivités et des entreprises prennent aujourd’hui des engagements concrets. Amplifions les efforts ! La promotion de l’origine France est un levier majeur pour nos prix et la vitalité de nos territoires. Notre mobilisation pour l’obligation de l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés a fait bouger les lignes. La Commission entrouvre la porte. Monsieur le Ministre, il faut pousser votre avantage au plus vite et obtenir son feu vert pour publier le décret tant attendu par les producteurs et les consommateurs. Une exception française pourrait d’ailleurs faire des émules chez nos voisins, italiens, britanniques… et mettre à mal le dogmatisme aveugle de la Commission. [Europe] Je suis d’une génération qui a cru dans l’Europe : Une Europe de la paix, une Europe de la prospérité, une Europe forte et offensive dans la mondialisation et une Europe qui protège. Or aujourd’hui, le projet Européen se consume à petit feu sous l’emprise d’une bureaucratie coupée des citoyens. Pire encore, l’Europe court le risque de se fracasser sur la crise des migrants et de se déliter sur la crise agricole. Nous dénonçons une Europe qui abandonne les choix politiques pour se perdre dans un juridisme pointilleux, dans des contrôles tatillons et dans une absurdité technocratique.

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Croyez-vous, Monsieur le Ministre, que la préoccupation quotidienne de l’agriculteur soit de se demander si sa haie est une SNA, si sa haie est une SIE ? Ou encore : « serais-je pénalisé au titre de la BCAE 7, si je ne corrige pas ma SNA ??? » Dites-nous que c’est un poisson d’avril ! Dites-nous surtout que vous allez simplifier tout ça. Il n’y a qu’une solution : pouvoir corriger les SNA sur TelePAC cette année et que ces modifications valent pour 2016 et 2015. Nous savons que vous êtes tétanisé par la menace d’un nouvel apurement communautaire. Mais enfin, allons-nous laisser un juriste ou un contrôleur communautaire imposer sa loi au motif que nous pourrions en profiter pour arracher en douce un bout de haie ? Non, Monsieur le Ministre, vous devez reprendre la main. Le politique doit reprendre la main ! Vous devez aussi obtenir un report de la date limite de dépôt des dossiers PAC pour 2016, car vous savez comme nous qu’il est matériellement impossible de tout boucler d’ici le 15 mai. Battez-vous aussi pour concrétiser votre engagement envers les zones intermédiaires. Le cahier des charges de la MAEC grandes cultures – Zones Intermédiaires est totalement inaccessible. Il est urgent d’en revoir les modalités, c’est la survie économique de ces exploitations qui est en jeu. Quant au paiement redistributif sur les 52 premiers ha, pour lequel une décision doit être prise avant le 1er août 2016, nous nous demandons comment opérer un choix, alors même que la campagne 2015 n’est pas soldée et qu’on ne peut donc en mesurer l’impact ! Nous dénonçons également une Europe qui fuit les arbitrages difficiles et qui, comme Ponce Pilate, laisse les Etats membres fixer leurs propres règles. Non seulement l’Europe ne progresse pas dans l’harmonisation des règles fiscales et sociales mais en plus, elle laisse se développer des distorsions de concurrence sanitaires et environnementales. A quand un salaire minimum dans chaque Etat membre ? A quand des règles de protection de la santé, de l’eau, ou de la biodiversité communes à tous les Etats membres ? L’Europe a fait le choix d’un marché unique sans se donner les moyens de définir des règles du jeu communes. Le politique doit reprendre la main pour construire une Europe qui permette à tous les acteurs économiques de bénéficier du même environnement réglementaire. Nous dénonçons aussi une Europe qui a sacrifié l’approfondissement à l’élargissement et a renoncé aux régulations politiques. C’est maintenant le droit de la concurrence qui préside aux destinées de l’Europe. La crise agricole que nous traversons trouve son origine dans une crise diplomatique, l’embargo russe, qui nous échappe totalement et dont les agriculteurs font injustement les frais. Depuis août 2014, j’alerte en vain sur les conséquences prévisibles de cet embargo.Grâce à notre mobilisation, grâce à vos interventions, Monsieur le Ministre, lors des deux derniers Conseils européens, le Commissaire Hogan commence à ouvrir les yeux. Mais après avoir démantelé les outils de régulations, réforme après réforme, comme dit la fable, la cigale se trouva fort dépourvue quand la bise fût venue. Des mesures sont aujourd’hui sur la table, mais elles sont insuffisantes au regard de la gravité de la crise. L’annonce d’une autorisation d’une gestion volontaire de la production, avec l’activation de l’article 222, est un acte politique important. Mais elle ne se concrétisera qu’avec des moyens financiers et avec un effort partagé des Etats membres. Et nous attendons toujours des réponses sur le soutien à l’export et sur la levée de l’embargo russe. Là encore, le politique doit reprendre la main !

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Nous dénonçons enfin, une Europe qui sacrifie son agriculture au gré des négociations internationales. L’Union Européenne semble prête à signer l’accord transatlantique (TTIP) à tout moment et à tout prix pour satisfaire ses ambitions sur les services, les marchés publics… Les négociations actuelles ne font qu’engranger des concessions européennes et menacent certains produits sensibles comme la viande bovine ainsi que les standards élevés de la production européenne. Nous demandons une suspension des négociations. L’Europe ne doit pas considérer son agriculture comme une monnaie d’échange. Cette Europe qui renonce n’est pas la nôtre. Mais la solution n’est pas non plus dans le repli sur soi, ni dans la fermeture des frontières, Monsieur le Ministre. La solution, c’est plus et mieux d’Europe ; c’est un sursaut politique pour relancer un vrai projet agricole européen, pour redonner du sens à une politique agricole commune. Une prime unique à l’hectare et un verdissement coercitif ne feront jamais une politique agricole. La PAC de 2020 se prépare dès maintenant avec l’échéance de la clause de revoyure de 2017. Nous comptons sur vous. Continuez à prendre votre bâton de pèlerin, à faire le tour des capitales européennes, comme nous le ferons avec nos collègues, pour poser les jalons d’une agriculture ambitieuse :

- une agriculture stratégique pour la sécurité alimentaire des européens, - une agriculture essentielle pour la vitalité des territoires, - une agriculture intelligente et innovante, - une agriculture qui offre des perspectives aux agriculteurs, - une agriculture créatrice de valeur ajoutée et d’emploi, - une agriculture soutenable et durable.

[Conclusion] Mes cher(e)s ami(e)s, ce Congrès de Laval marque le 70ème anniversaire de notre organisation. 70 ans au cours desquels, après le serment de l'unité paysanne prononcé par Eugène Forget en 1946, se sont succédés des femmes et des hommes animés d'une même volonté : porter les intérêts des paysans et construire leur avenir. Vous êtes, nous sommes les héritiers des valeurs portées sans relâche par nos aînés : Courage, persévérance, solidarité, collectif, responsabilité, unité, engagement, intérêt général… Oui c'est bien autour de ces valeurs que nous savons nous rassembler, forts de nos différences. Et si la FNSEA est "puissante, voire toute puissante" comme on aime à le marteler, c'est parce que le débat, les échanges, parfois vifs entre nous, sont permanents. C'est notre première exigence, c'est notre premier devoir, grâce à un réseau actif, que de faire vivre - de la commune au national - le dialogue indispensable à la construction de nos revendications comme de nos ambitions. À Vous, militants, je veux dire ma fierté de vous représenter, et de porter nos combats justes et légitimes. À Vous Jeunes Agriculteurs, je veux dire toute ma confiance et vous encourager à être vous-même, avec vos envies, avec votre fougue, avec votre détermination.

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A Vous, nos Aînés, je veux réaffirmer mon soutien, celui de tous vos collègues en activité, pour porter vos revendications. Vous avez fait La France, la France vous doit le respect et la juste reconnaissance par un traitement équitable de vos conditions de retraite. Je suis et nous sommes derrière vous. Oui Monsieur le Ministre, derrière tous nos combats, il y a avant tout, des femmes et des hommes, des ruraux, des familles qui depuis des générations façonnent, structurent notre identité, participent à notre équilibre social, animent notre démocratie. Le "vivre ensemble", Monsieur le Ministre, ne concerne pas seulement les quartiers et les banlieues, il concerne aussi nos territoires ruraux. Ne soyons pas naïfs ou aveugles, les dernières consultations électorales nous obligent à porter un regard lucide. L'isolement, l'abandon, le mépris que ressentent et vivent les paysans ne sont pas que des mots ! C'est aussi votre responsabilité, Monsieur le Ministre, c'est celle des Élus locaux, c'est aussi la nôtre : de veiller à renforcer les nécessaires équilibres entre les grandes centres de décision (régions, intercommunalités) et la proximité ; de veiller à maintenir des services publics certes adaptés, en tout lieu ; mais aussi de veiller tout simplement à conserver aux territoires agricoles leur vocation première de terres de production et non pas, comme le voudraient certains, en faire le conservatoire de leurs fantasmes ou de leurs loisirs. Mes cher(e)s Collègues, 70 ans c’est un bel âge ! Mais la FNSEA n’est pas une vieille dame. Au rythme où s’allonge l’espérance de vie, je suis certain que les 70 ans à venir seront toujours marqués par la vigueur, la solidarité et l’unité. Je vous remercie.