6
CONTRAT DE MARIAGE F aire un contrat de mariage avant l’union, ou un changement pendant celle-ci, a généralement pour objectif d’adopter un régime différent de la communauté légale qui est celui des couples n’ayant pas accom- pli une telle formalité. La réglementation résultant de la loi convient, il est vrai, au plus grand nombre. Tout ce qui est acheté pendant le mariage par l’un ou l’autre des époux avec les économies du ménage dépend de la communauté et appartient donc pour moitié à chacun d’eux. Les dettes sont également communes, ce qui consti- tue parfois un inconvénient. Les biens possé- dés par les époux au jour du mariage et ceux qui leur adviennent par succession ou dona- tion leur restent personnels. Il en est de même des dettes existant lors du mariage et de celles qui grèvent les biens propres des époux. Un autre régime matrimonial La communauté n’est pas bonne pour tous les époux. Ainsi, lorsqu’ils exercent ou doivent exercer une activité professionnelle indépendante et présentant des risques financiers, la séparation de biens est vive- ment conseillée. Le conjoint n’est pas responsable des dettes de l’époux commer- çant, chef d’entreprise, architecte, etc. Toutefois, si l’un des époux n’a pas d’acti- vité professionnelle ou n’a que des revenus modestes, la séparation de biens peut DOSSIER édito rial La liberté des époux Certaines règles de droit privé sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’imposent aux parties qui ne peuvent les écarter dans leurs conventions. Des dispositions impératives sont souvent nécessaires, soit pour des raisons d’intérêt général, par exemple pour lutter contre l’inflation ou la hausse des prix, soit pour protéger les particuliers qui se trouvent en situation d’infériorité, notamment le consommateur face au professionnel. Dans le droit patrimonial de la famille, il existe des règles d’ordre public. Ainsi, certaines conventions sont prohibées ; on ne peut pas faire une donation en se réservant la faculté de reprendre le bien donné. On ne peut déroger aux règles du statut fondamental des régimes matrimoniaux, comme celle qui assure la protection du logement de la famille, ou celle qui impose un devoir de secours entre époux. Il est impossible de libérer un enfant de son obligation alimentaire envers ses père et mère… D’autres interdictions sont moins justifiées aujourd’hui, notamment la prohibition des pactes sur succession future. Les exceptions à ce principe se multiplient, ce qui permet de parler de recul de l’ordre public dans le droit de la famille. La donation-partage en est le meilleur exemple. Elle offre au père et à la mère la possibilité de régler, de leur vivant et en toute sécurité, une partie de leur succession. Une intéressante proposition des notaires pourrait être adoptée par le législateur et rendre la donation- partage encore plus performante en associant les petits-enfants à la répartition des biens. Souhaitons que la réforme du divorce soit interprétée et appliquée dans le même esprit de liberté des conventions*. JEAN-FRANÇOIS PILLEBOUT * Voir ci-après, p. 8, l’interprétation de l’article 265 nouveau du Code civil après la réforme du divorce. DANS LE PROCHAIN NUMÉRO LE RÉGIME MATRIMONIAL DES ÉTRANGERS Fondateur et conseiller : Jacques Bernard Directeur de la publication : Bruno Voisin Rédacteur en chef : Olivier Goussard Conseiller de la rédaction : Jean-François Pillebout Secrétaire de rédaction : Marie de Badereau/Barbara Bénichou Comité éditorial: Jacques Benhamou, Ghislain Declerq, Alain Delfosse, Didier Froger, Michel Giray, Sylviane Plantelin Avec la participation des Cridon (Centres de recherche, d’information et de documentation notariales). Publicité : au support - Marie-Pierre Adam : 01 44 90 30 06/Régie - Michel de Féligonde : 06 87 31 58 17 Rédaction, administration: 31, rue du Général-Foy - 75383 Paris cedex 08 - Tél. : 01 44 90 31 28 Fax: 0144903042/e-mail : [email protected]/www.notaires.fr Abonnement (un an : 25 - étudiants : 15 ): voir bulletin page 29. Écrire à : Conseils par des notaires, abonnements. B 365 - 60732 Sainte-Geneviève Cedex. Tél. : 03 44 62 43 91 Réalisation: A CONSEIL Tél.: 0142402300/Illustration de couverture: GETTYIMAGES Imprimeries ACTIS, VALLÉE ST LAZARE, ZI DU CHEMIN DE LA CAVÉE, 02430 GAUCHY Mensuel édité par Publi.not, SAS au capital de 37 000 euros Siège social : Les Logissons - 13770 Venelles Commission paritaire : 58 914 - ISSN : 0210T86077 Dépôt légal : avril 2005 – Reproduction interdite - BULLETIN DABONNEMENT EN PAGE 29 LE RÉGIME MATRIMONIAL DES ÉTRANGERS Les époux qui concluent un contrat de mariage tout en choisissant la communauté peuvent adopter diverses clauses avantageant le conjoint après le décès de l’un d’eux. La réforme du divorce du 26 mai 2004 suscite quelques interrogations.

éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

CONTRAT DE MARIAGE

Faire un contrat de mariage avantl’union, ou un changementpendant celle-ci, a généralementpour objectif d’adopter un régimedifférent de la communauté légale

qui est celui des couples n’ayant pas accom-pli une telle formalité. La réglementationrésultant de la loi convient, il est vrai, auplus grand nombre. Tout ce qui est achetépendant le mariage par l’un ou l’autre desépoux avec les économies du ménagedépend de la communauté et appartientdonc pour moitié à chacun d’eux. Les dettessont également communes, ce qui consti-tue parfois un inconvénient. Les biens possé-dés par les époux au jour du mariage et ceuxqui leur adviennent par succession ou dona-tion leur restent personnels. Il en est demême des dettes existant lors du mariageet de celles qui grèvent les biens propresdes époux.

Un autre régime matrimonialLa communauté n’est pas bonne pourtous les époux. Ainsi, lorsqu’ils exercent oudoivent exercer une activité professionnelleindépendante et présentant des risquesfinanciers, la séparation de biens est vive-ment conseillée. Le conjoint n’est pasresponsable des dettes de l’époux commer-çant, chef d’entreprise, architecte, etc.Toutefois, si l’un des époux n’a pas d’acti-vité professionnelle ou n’a que des revenusmodestes, la séparation de biens peut

DOSSIER

éd i t o r i a lLa liberté des épouxCertaines règles de droit privé sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’elless’imposent aux parties qui ne peuvent les écarter dans leurs conventions.Des dispositions impératives sont souvent nécessaires, soit pour des raisonsd’intérêt général, par exemple pour lutter contre l’inflation ou la haussedes prix, soit pour protéger les particuliers qui se trouvent en situationd’infériorité, notamment le consommateur face au professionnel.Dans le droit patrimonial de la famille, il existe des règles d’ordre public.Ainsi, certaines conventions sont prohibées ; on ne peut pas faire unedonation en se réservant la faculté de reprendre le bien donné. On ne peutdéroger aux règles du statut fondamental des régimes matrimoniaux,comme celle qui assure la protection du logement de la famille, ou cellequi impose un devoir de secours entre époux. Il est impossible de libérerun enfant de son obligation alimentaire envers ses père et mère…D’autres interdictions sont moins justifiées aujourd’hui, notamment laprohibition des pactes sur succession future. Les exceptions à ce principese multiplient, ce qui permet de parler de recul de l’ordre public dans ledroit de la famille. La donation-partage en est le meilleur exemple. Elleoffre au père et à la mère la possibilité de régler, de leur vivant et en toutesécurité, une partie de leur succession. Une intéressante proposition desnotaires pourrait être adoptée par le législateur et rendre la donation-partage encore plus performante en associant les petits-enfants à larépartition des biens. Souhaitons que la réforme du divorce soit interprétéeet appliquée dans le même esprit de liberté des conventions*.

JEAN-FRANÇOIS PILLEBOUT

* Voir ci-après, p. 8, l’interprétation de l’article 265 nouveau du Code civil après la réforme du divorce.

DANS LE PROCHAIN NUMÉRO

LE RÉGIME MATRIMONIAL DES ÉTRANGERS

Fondateur et conseiller : Jacques Bernard Directeur de la publication : Bruno VoisinRédacteur en chef : Olivier Goussard Conseiller de la rédaction : Jean-François PilleboutSecrétaire de rédaction : Marie de Badereau/Barbara Bénichou

Comité éditorial: Jacques Benhamou, Ghislain Declerq, Alain Delfosse, Didier Froger, Michel Giray, Sylviane PlantelinAvec la participation des Cridon (Centres de recherche, d’information et de documentation notariales).Publicité: au support - Marie-Pierre Adam: 01449030 06/Régie - Michel de Féligonde: 0687315817Rédaction, administration: 31, rue du Général-Foy - 75383 Paris cedex 08 - Tél.: 0144903128

Fax: 0144903042/e-mail : [email protected]/www.notaires.frAbonnement (un an : 25 € - étudiants : 15 €) : voir bulletin page 29. Écrire à : Conseils par des notaires, abonnements.

B 365 - 60732 Sainte-Geneviève Cedex. Tél. : 03 44 62 43 91Réalisation: A CONSEIL Tél.: 0142402300/Illustration de couverture: GETTYIMAGES

Imprimeries ACTIS, VALLÉE ST LAZARE, ZI DU CHEMIN DE LA CAVÉE, 02430 GAUCHY

Mensuel édité par Publi.not, SAS au capital de 37 000 euros Siège social : Les Logissons - 13770 VenellesCommission paritaire : 58 914 - ISSN : 0210T86077 Dépôt légal : avril 2005

– Reproduction interdite -

BULLETIN D’ABONNEMENT EN PAGE 29

LE RÉGIME

MATRIMONIAL

DES ÉTRANGERS

Les époux qui concluent uncontrat de mariage tout en

choisissant la communautépeuvent adopter diverses

clauses avantageant le conjoint après le décès

de l’un d’eux. La réforme du divorce

du 26 mai 2004 suscitequelques interrogations.

Page 2: éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

CONSEILS PAR DES NOTAIRES - AVRIL 2005 - N°337 5

être injuste. Il est alors possible de choisirla participation aux acquêts. Pendant lemariage, c’est une séparation de biens quiprotège chaque époux à l’égard des créan-ciers de l’autre. À la dissolution, il y a partagede l’enrichissement des époux comme lepermet la communauté. Seule la techniqueest différente, le résultat est financièrementéquivalent.

> Les clauses avantageant le conjoint

Le régime de la communauté peut être assortide diverses clauses qui facilitent le règle-ment de la succession de l’époux décédé etqui confèrent au conjoint survivant des avan-tages plus ou moins importants.

La clause commercialeC’est une stipulation traditionnelle permet-tant d’éviter les inconvénients de l’indivi-sion qui peut être désastreuse pour certains

biens, par exemple un fondsde commerce ou les titresd’une société commerciale.C’est d’ailleurs pour ce typede bien que la pratique nota-riale a mis au point la clausede prélèvement moyennant indemnitéque l’on a longtemps appelée la clausecommerciale, alors même qu’elle peut portersur toutes sortes de biens: une maison, desparts de société civile immobilière, uneœuvre d’art… Le conjoint devient seulpropriétaire du bien dès le décès. Il endoit la valeur à l’indivision post-commu-nautaire ou à la succession si le régimeest séparatiste. Il n’en tire donc pas un avan-tage financier.

Le préciputSous ce terme quelque peu désuet, on dési-gne une clause permettant au conjoint survi-vant de prélever un bien dépendant de lacommunauté mais, cette fois, sans en devoir

la valeur à l’indivision. Le conjoint conservele bien et a droit à la moitié du surplus del’actif de communauté. Supposons que l’en-semble des biens soit égal à 100 000€, leconjoint aura droit à la valeur du bienprélevé, par exemple 10000€plus la moitiédu surplus de l’actif, soit 90 000/2= 45 000€. Il recevra au total 55 000€ aulieu de 50 000€ s’il n’y avait pas de clausel’avantageant.

Le partage inégalC’est un autre moyen d’avantager le conjointsurvivant de façon adaptée à chaque situa-tion. Il est prévu qu’en cas de décès, la veuveou le veuf aura droit à deux tiers ou troisquarts de l’actif de communauté, au lieu de

PAS DE DROITS DE SUCCESSION

Les clauses du contrat de mariage ou de l’acte de chan-gement de régime augmentant les droits du conjointsurvivant ne sont pas considérées comme des dona-tions, notamment sur le plan fiscal. Dans l’exempleextrême de la communauté universelle avec attribu-tion intégrale au survivant, la succession est vide. Iln’est donc pas dû de droits de succession.

Comment avantagerle conjoint survivant?

® ® ®

Page 3: éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

CONSEILS PAR DES NOTAIRES - AVRIL 2005 - N°3376

la moitié légale. Naturellement, les droitsdes héritiers se trouvent réduits d’autantpuisque la succession comprend alors seule-ment un tiers ou un quart de la communauté.

Seulement en usufruitDans certains cas, il est préférable, pourprotéger aussi les enfants et ne pas alour-dir la facture fiscale lors du décès ultérieurdu conjoint survivant, de prévoir un usufruitau profit de ce dernier. Cet usufruit peutporter sur la moitié de la communauté reve-nant à la succession. Le conjoint conservetous les biens communs, pour moitié commepropriétaire, pour l’autre moitié commeusufruitier.

> Une communautéétendue

Le conjoint survivant peut encore trouveravantage à ce que la communautécomprenne des biens qui, normalement, ensont exclus.

Un terrain à bâtirSupposons que le mari soit propriétaire aujour du mariage d’un terrain constructible.Les époux ont l’intention d’y construireleur maison. Il peut être opportun destipuler que le terrain sera commun au lieude rester propre au mari, comme en décidela loi à défaut de disposition contraire. Sil’apport du terrain à la communauté estfait sans contrepartie, c’est-à-dire sans qu’ilsoit dû de récompense au mari, la femme ytrouve un avantage qui se réalisera si ellesurvit à son mari.

Les meubles ou les immeublesPar contrat de mariage ou changement derégime, les époux peuvent convenir que tousles biens meubles ou tous les immeublesdépendront de la communauté quelle qu’ensoit l’origine. S’il s’agit des biens meubles,le régime matrimonial n’est autre que l’an-cien régime légal de meubles et acquêts quirégit encore les époux mariés avant le1er février 1967. S’il s’agit des immeubles,le régime matrimonial est hors des normeshabituelles. La liberté des conventions matri-moniales autorise son adoption.

La communauté universelleL’expression est bien connue. Sous cerégime, particulièrement simple, tous lesbiens des époux dépendent de la commu-nauté. Si le contrat le précise, la commu-nauté comprendra aussi les biens proprespar nature, par exemple les effets person-nels des époux, une indemnité en répara-tion de dommage corporel, le capital

d’une assurance sur la vie. Complétée parune clause d’attribution intégrale au profitdu survivant, la communauté universellepermet la transmission de tous les biens auconjoint, hors succession sur le plan fiscalet sur le plan civil. Toutefois, il en est diffé-remment si l’époux laisse des enfants nonissus du couple qui exercent l’action enretranchement.

> La réforme du divorce

La réglementation applicable aux donationsentre époux et aux avantages matrimoniauxétait complexe et soulevait des difficultéspratiques avant la loi du 26 mai 2004. Laréforme du divorce fait table rase dupassé et adopte, au moins pour l’avenir,un principe apparemment plus simple. Ledivorce n’a pas d’incidence sur les dona-tions de biens présents et les avantagesmatrimoniaux ayant pris effet pendant lemariage. Les donations à cause de mort,notamment la donation classique entreépoux et les avantages matrimoniauxprenant effet à la dissolution ou au décès,sont révoqués de plein droit, sauf conven-tion contraire des époux lors du divorce.

Une disposition curieuseOn comprend mal ce que le législateur avoulu dire en parlant d’avantage matrimo-nial ayant pris effet pendant le mariage. Onconsidère généralement que les clausesaugmentant le contenu de la communauté,dont l’application extrême est la commu-nauté universelle, seraient visées par la loi.En réalité, un avantage matrimonial n’ap-paraît concrètement que lors de la disso-lution ou lors du décès. Le texte légal n’adonc guère de sens mais il faut bien l’appliquer.

Interprétation discutableParadoxalement, ce texte obscur fait l’ob-jet d’une interprétation extensive parcertains auteurs. Généralement, c’est l’in-verse qui se produit et il faut espérer qu’unedoctrine majoritaire se prononcera autre-ment. Voilà le débat. L’article 265 nouveaudu Code civil qui dispose que le divorce

n’a pas d’incidence sur les avantages matri-moniaux ayant pris effet pendant le mariageserait d’ordre public et interdirait certainesclauses des contrats de mariage en usagedepuis longtemps.

La clause alsacienneL’exemple le plus parlant est celui de laclause dite alsacienne. En Alsace-Moselle,les époux choisissent souvent, dès lemariage, le régime de la communautéuniverselle. Toutefois, devant le dévelop-pement du divorce, les notaires ont mis aupoint une formule originale. Il est prévu quesi le mariage est dissous pour une autrecause que le décès, chaque époux peutreprendre les biens qui lui auraient été prop-res sous le régime de la communauté légale.Autrement dit, la communauté ne resteuniverselle que si le mariage se dissout pardécès. Se trouvent ainsi conciliés le désirdes époux de protéger le conjoint survivantet la volonté de ne pas trop pâtir du divorce.

> La liberté des conventions

Il n’est guère possible, dans ces colonnes,de développer une analyse longue etcomplexe. Bornons-nous à reproduire unarticle essentiel du Code civil :“La loi ne régit l'association conjugale, quantaux biens, qu'à défaut de conventions spécia-les, que les époux peuvent faire comme ilsle jugent à propos, pourvu qu'elles ne soientpas contraires aux bonnes mœurs ni auxdispositions qui suivent”.Nous espérons que la doctrine et les tribu-naux suivront ce principe et n’empêcherontpas les notaires de répondre aux désirs légi-times de leurs clients. n

JEAN-FRANÇOIS PILLEBOUTNotaire honoraire

L’ACTION EN RETRANCHEMENT

En principe, les avantages consentis au conjoint survivant dans le contrat demariage ne sont pas considérés comme des donations. Toutefois, les enfants quine sont pas issus des deux époux peuvent exercer une action dite en retranche-ment qui peut aboutir à la réduction de l’avantage matrimonial si leur réservehéréditaire n’est pas respectée. Fiscalement, des droits de succession sont exigi-bles sur le montant de ce qui revient aux enfants.

® ® ®

Page 4: éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

CONSEILS PAR DES NOTAIRES - AVRIL 2005 - N°337 7

Q uel que soit leur régime matri-monial, tous les époux sontsoumis à certaines règles quirestreignent leur indépen-dance. Il s’agit du statut fonda-

mental du mariage ou encore du régimeprimaire. Les règles sont d’ordre public, cequi a pour conséquence d’interdire toutedisposition contraire dans le contrat demariage. Ainsi, un époux ne peut vendre seulle logement de la famille, chacun est respon-sable solidairement des dettes contractéespar l’autre lorsqu’elles ont pour objet l’en-tretien du ménage ou l’éducation des enfants.Mais le régime particulier choisi par les épouxa une incidence importante sur le planpatrimonial. Avec la séparation de biens,les époux sont indépendants concernant lapropriété des biens et la responsabilité auxdettes autres que ménagères. Pour que cettesolution soit opportunément choisie, certai-nes conditions doivent être remplies.

> L’avantage de l’indépendance financière

L’atout principal de la séparation de biensréside dans la réglementation applicableaux dettes. Sauf engagement conjoint oucautionnement, l’époux n’est pas respon-sable des dettes du conjoint. L’avantage estdéterminant lorsque l’activité profession-

nelle des époux ou de l’un d’eux comportedes risques financiers.

Les risques de la communautéPour apprécier l’intérêt de la séparation debiens, il convient d’examiner ce qui se produitlorsque les époux sont soumis au régimede la communauté. Supposons que le marisoit artisan, la femme secrétaire salariée d’uneentreprise commerciale. Avec leurs reve-nus, les époux ont acquis la maison familiale.Le mari fait de mauvaises affaires et il estsoumis à la procédure de liquidation desbiens. Les créanciers vont pouvoir faire vendrela maison et en toucher le prix alors qu’ellea été achetée en partie avec les salaires del’épouse. C’est le revers de la commu-nauté : les biens acquis avec les revenusdes époux sont communs mais les dettesde l’un ou de l’autre engagent, sauf excep-tions, les biens communs.

> La protection contre les créanciers

La situation décrite ci-dessus ne peut seproduire si les époux sont séparés de biens.Chacun est propriétaire de ses biens etresponsable de ses dettes.

Respecter la séparation des biensLa protection à l’égard des créancierssuppose que les époux ont bien

Le régime matrimonial de la séparation de biens limiteau maximum les effets du mariage pour les biens et lesdettes des époux. Il convient à certains époux seulement.

Le régime de laséparation de biens

N O U V E A U

Les lois de févrierL’activité législative est toujours aussiintense. Voici une sélection de textes du moisdernier.

Les personnes handicapéesLa loi du 11 février a pour objectif de tendreà l’égalité des droits et de chances, enaméliorant notamment l’organisation dutravail dans les établissements spécialisés.Notons aussi un aménagement des disposi-tions fiscales relatives à la rente-survie et àl’épargne-handicap.Loi n° 2005-102 du 11 février 2005:Journal officiel du 12 février 2005, p. 2353.

Le développementdes territoires ruraux

L’État est garant de la solidarité nationaleen faveur des territoires ruraux et de monta-gne. Parmi de nombreuses dispositions, rele-vons les mesures fiscales nouvelles prisespour les zones de revitalisation rurale. Letexte est impressionnant avec 240 articles.Loi n° 21005-157 du 23 février 2005:Journal officiel du 24 février 2005,p. 3073.

Solidarité internationaleToute association de droit français, agrééedans des conditions déterminées par letexte, ayant pour objet des actions de soli-darité internationale, peut conclure uncontrat de solidarité internationale avec despersonnes majeures volontaires.Loi n° 2005-159 du 23 février 2005:Journal officiel du24 février 2005, p. 3130.

® ® ®

Page 5: éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

sant le travail… Elle n’a plus de revenuspersonnels et si la marche de l’affaire nepermet pas de lui assurer un salaire, elleaura travaillé sans contrepartie.

Des ressources comparablesLa séparation de biens n’est vraiment adap-tée que si chacun des époux a un patrimoineassez important ou si leur activité profes-sionnelle leur assure des revenus compa-rables. Dans un certain nombre de cas, iln’en est pas ainsi, généralement au détri-ment de la femme. Celle-ci sacrifie souventsa carrière professionnelle pour s’occuperde la famille. Elle n’a qu’un emploi peu rému-nérateur, tandis que le mari a des revenusimportants… qu’il garde pour lui en vertu ducontrat de mariage. Dans de telles situations,le régime de la participation aux acquêts estpréférable.

> Les difficultés du choix

Le choix du régime matrimonial est parti-culièrement délicat. Les futurs époux ontgénéralement des soucis plus immédiats etsaisissent mal les conséquences de la déci-sion qu’ils vont prendre avec leur notaire.Par ailleurs, on l’aura compris, le carac-tère adapté du régime choisi dépend del’avenir du couple. Lorsqu’il y a incertitudesur le devenir professionnel des futursépoux, le régime de la participation auxacquêts peut être la moins mauvaise solu-tion. Séparatiste pendant le mariage, ilprotège contre les créanciers. D’espritcommunautaire lors de la dissolution, ilassure à chaque époux un droit à l’enri-chissement de l’autre. n

JEAN-FRANÇOIS PILLEBOUT

Une collection d’aide-mémoire pour bénéficier en toutescirconstances des conseils des notaires.Je désire recevoir les Mémos suivants (cocher les cases) :

r Le divorce, la prestation compensatoire

COUPLE ET FAMILLEr Choisir son contrat de mariager Mariages internationaux et régime matrimonialr Le Pacs et le concubinager L’adoption

ENTREPRISEr Faut-il mettre son entreprise en société?r La mise en société de l’exploitation agricoler La transmission de l’entreprise familiale

TRANSMISSIONr La donation entre épouxr Les donationsr Le testament et les legsr La donation-partager Recueillir un héritage

PATRIMOINEr La société civile immobilièrer Acheter ou vendre son logementr La vente en viagerr La force de l’acte notarié

Nouvelle édition

Total : 3,50 € x . . . .(nombre de Mémos) = . . . . . . . . . . . . .€ Je joins mon règlement par chèque à l’ordre de Publi.not

Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Règlement par chèque à l’ordre de Publi.not - À retourner à Conseils par des notaires - 31, rue du Général Foy - 75383 Paris CEDEX 08

LES EXCEPTIONS À L’ENGAGEMENT DE LA COMMUNAUTÉ

La loi prévoit quelques limites à l’engagement de la communauté par les dettesd’un époux agissant seul. Les gains et salaires du conjoint ne peuvent être saisispar les créanciers de l’un des époux. De plus, un emprunt ou un cautionnement ne peut permettre la saisie des bienscommuns si le conjoint n’y a pas donné son consentement. Malheureusement, il est rare qu’un créancier important, le plus souvent unebanque, accepte de prêter de l’argent à un époux commun en biens sans avoirl’engagement simultané du conjoint.

appliqué le principe de la séparation. Celan’est pas toujours aisé car les époux peuventne pas avoir suffisamment de disponibilitéspour être propriétaires de biens distincts.Ainsi, dans l’exemple que nous avons donné,la maison familiale n’a pu être acquisequ’en mettant en commun les revenus dechacun d’eux. Ainsi, parfois par nécessité,souvent par négligence, les époux séparésde biens reconstituent une sorte de commu-nauté entre eux.

Le conjoint récupère sa partToutefois, l’existence d’une indivision entreépoux séparés de biens n’est pas aussidangereuse que la communauté. En effet, lafemme de l’artisan en liquidation de biensrisque de voir la maison vendue mais elleaura le droit de récupérer la moitié du prixsi les époux sont séparés de biens.

> L’inconvénientde la séparationde biens

Si la séparation de biens assure la meilleureprotection possible à l’égard des créanciers,elle peut aussi présenter certains inconvé-nients. Supposons que la femme de l’arti-san soit séparée de biens et que lescirconstances l’amènent à abandonnerson activité professionnelle pour aider sonmari en tenant la comptabilité, en organi-

® ® ®

CONSEILS PAR DES NOTAIRES - AVRIL 2005 - N°3378

Page 6: éditorial - OFFICE NOTARIAL DE · PDF fileCONSEILS PAR DES NOTAIRES- AVRIL 2005 - N°337 5 être injuste. Il est alors possible de choisir la participation aux acquêts. Pendant le

Votrenotaire

répond

2

3

4

1

CONSEILS PAR DES NOTAIRES - AVRIL 2005 - N°337 9

Que deviennent les créanciers?Les droits des créanciers peuvent être compromislorsque les époux, mariés sous le régime de lacommunauté, adoptent celui de la séparation debiens, puis attribuent l’essentiel de l’actif à l’épouxqui n’a pas de dettes. Les créanciers peuvent fairetierce opposition au changement de régime ouopposition au partage pour en vérifier la régularité.Si le partage est frauduleux, les tribunaux admettentqu’ils peuvent en obtenir la nullité ou que le partagene leur soit pas opposable. Les époux doivent doncchanger de régime avant d’être en situation délicate.

Faut-il tenir compte des intérêtsdes enfants?

Les enfants peuvent pâtir du changement de régimelorsque les époux veulent par ce biais augmenter les droits du conjoint survivant. Dans le cas de lacommunauté universelle avec attribution intégraleau conjoint, les enfants ne reçoivent rien lors dupremier décès. Mais la loi protège les enfants qui ne sont pas issus des deux époux. Lors du décès,les enfants du défunt, issus d’un précédent mariageou naturels, peuvent demander que l’avantagerésultant du régime matrimonial soit réduit commes’il s’agissait d’une donation. Ils reçoivent alors lemontant de leur réserve héréditaire.

Le changementde régime matrimonial

Quelles sont les raisons d’un changement?

Neuf couples mariés sur dix n’ont pas fait de contratde mariage. Ils sont mariés sous le régime légal de lacommunauté d’acquêts ; elle comprend les biensacquis pendant le mariage et les biens communsrépondent des dettes de chacun des époux. Ceuxqui ont fait un contrat ont pu choisir un régime diffé-rent, séparation de biens ou participation auxacquêts qui est assez proche de la communauté surle plan des droits des époux à l’enrichissement. Maisle régime matrimonial peut parfois être inadapté auxépoux ou le devenir si leur situation a changé.

Que faut-il faire pour changer de régime matrimonial?

Le contrat de mariage est signé avant le mariage,ce qui est simple et peu onéreux.Au contraire, lechangement de régime matrimonial est compliquéet coûteux (entre 1000 et 6 000 €). Il faut faire unacte notarié par lequel les époux adoptent un nou-veau régime ou modifie celui qui existe. L’acte estensuite soumis au contrôle du tribunal par l’inter-médiaire d’un avocat. Le tribunal doit vérifier que lechangement est conforme à l’intérêt de la familleet n’est pas fait en fraude des droits des créanciersou des enfants.