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1 DIVERGENCES DES PRATIQUES DE RSE ET DES MODELES DE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES EUROPEENNES : UNE ETUDE LONGITUDINALE ET COMPAREE Eric Braune et Anne-Laure Boncori INSEEC Business Schools Résumé : En s’appuyant sur les évaluations des pratiques d’engagement en responsabilité sociale de 663 entreprises appartenant à 18 pays européens différents, cet article se propose d'examiner dans quelle mesure les modèles idéaux-typiques de gouvernance d’entreprise (GE) mis au jour par la littérature façonnent les pratiques nationales d’engagement des entreprises, sur le long terme (2000-2010) et au sein d’une région spécifique (l'Europe). En ce sens, nous questionnons l’existence d’un mouvement de convergence des systèmes de GE. En particulier, nous évaluons les facteurs pouvant rendre compte des tendances observées. Nos résultats soulignent principalement la dimension structurante du modèle actionnarial et du modèle partenarial, ainsi que le rôle joué par les facteurs micro-économiques dans l’explication de l’évolution et de la variété des pratiques d’engagement des entreprises. Mots clefs : gouvernance d’entreprise ; convergence des pratiques ; parties prenantes ; responsabilité sociale de l’entreprise. Correspondance : [email protected] ECE Lyon, 19, place Tolozan 69001 Lyon Tel : 06 11 15 50 88

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DIVERGENCES DES PRATIQUES DE RSE ET DES MODELES DE

GOUVERNANCE DES ENTREPRISES EUROPEENNES : UNE ETUDE

LONGITUDINALE ET COMPAREE

Eric Braune et Anne-Laure Boncori

INSEEC Business Schools

Résumé :

En s’appuyant sur les évaluations des pratiques d’engagement en responsabilité sociale de 663

entreprises appartenant à 18 pays européens différents, cet article se propose d'examiner dans

quelle mesure les modèles idéaux-typiques de gouvernance d’entreprise (GE) mis au jour par

la littérature façonnent les pratiques nationales d’engagement des entreprises, sur le long

terme (2000-2010) et au sein d’une région spécifique (l'Europe). En ce sens, nous

questionnons l’existence d’un mouvement de convergence des systèmes de GE. En

particulier, nous évaluons les facteurs pouvant rendre compte des tendances observées. Nos

résultats soulignent principalement la dimension structurante du modèle actionnarial et du

modèle partenarial, ainsi que le rôle joué par les facteurs micro-économiques dans

l’explication de l’évolution et de la variété des pratiques d’engagement des entreprises.

Mots clefs : gouvernance d’entreprise ; convergence des pratiques ; parties prenantes ;

responsabilité sociale de l’entreprise.

Correspondance :

[email protected]

ECE Lyon,

19, place Tolozan

69001 Lyon

Tel : 06 11 15 50 88

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LES PRATIQUES DE RSE ET DES MODÈLES DE GOUVERNANCE DES

ENTREPRISES EUROPÉENNES : UNE ÉTUDE LONGITUDINALE ET

COMPARÉE

Face à une montée en puissance des attentes de leurs différentes parties prenantes, bon

nombre d’entreprises doivent de plus en plus rendre des comptes sur leurs engagements en

matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et politiques de gouvernance (Young

et Marais, 2012). Qu’elles adoptent un objectif de maximisation de la valeur actionnariale ou

de gestion des intérêts des parties prenantes, les entreprises cotées sont incitées à intégrer au

sein de leur système de gouvernance d’entreprise (GE) des éléments de RSE (Aguilera et al.,

2006). C’est pourquoi, les pratiques d’engagement des entreprises se situent à l’intersection

de la GE et de la RSE, lesquels concepts sont étroitement connectés (Jamali, Safieddine et

Rabbath 2008; Brammer et Pavelin, 2013).

Le large éventail de pratiques d’engagement des entreprises en matière de RSE répond à la

variété des modèles de gouvernance d’entreprise et aux orientations qu’ils proposent vis-à-vis

de groupes spécifiques de parties prenantes (par ex. les actionnaires) ou de l’ensemble.

Traditionnellement, les spécialistes opposent deux modèles « stylisés » (Aguilera et Jackson,

2010), le système actionnarial anglo-américain et le système partenarial d’Europe continentale

(Aguilera, Desender et Kabbach de Castro, 2012). Ces deux modèles, présentés comme purs

et opposés, répondent à une perspective dichotomique dominante en GE comparée. Toutefois,

certaines études les abordent sous l’angle de modèles relatifs dans le sens où ils conduiraient à

des pratiques hybrides.

La perspective dichotomique adoptée par cette littérature s’inscrit au sein du célèbre débat sur

la question de la convergence des systèmes nationaux de GE. Depuis que Hansmann et

Kraakman (2001) ont appelé à la nécessité de voir converger les systèmes nationaux de

gouvernance vers un modèle unique, celui de la maximisation de la valeur actionnariale, les

pratiques de droit des sociétés et de GE sont examinées en ce sens (Yoshikawa et Rasheed,

2009). Toutefois, les positions demeurent divisées sur la question. Le débat reste d'autant plus

fort que la référence à deux modèles opposés et purs a été récemment remise en question

(Aguilera et Jackson, 2010). Pouvons-nous encore mobiliser des modèles idéaux-typiques

dans l'étude des pratiques actuelles de GE ? Est-ce que ces modèles varient dans le temps

et/ou l'espace? Telles sont les deux questions issues de la littérature que nous adressons dans

cet article. Le processus de convergence ou de divergence continue (Aguilera et al. 2006)

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demeure, quant à lui, à défricher et invite à la mobilisation d’études longitudinales, tandis que

de récents appels en faveur d’études régionales sur la GE comparée ont été formulés

(Yoshikawa et Rasheed, 2009).

Par conséquent, nous proposons, dans cet article, d'examiner dans quelle mesure les modèles

idéaux-typiques mis au jour par la littérature structurent et façonnent les pratiques nationales

d’engagement des entreprises, sur le long terme (dix ans), et dans une région spécifique

(l'Europe). En ce sens, nous questionnons l’existence d’un mouvement de convergence des

systèmes de GE. Par ailleurs, nous proposons d’évaluer les facteurs qui expliquent les

tendances relevées. Pour ce faire, nous avons mis au jour les principales orientations

conférées aux pratiques d’engagement de 663 entreprises, relevant de 18 pays européens

différents. Quatre types de modèles nationaux d’engagement ressortent de l'analyse des

données. L'évolution de ces modèles est étudiée en comparant la situation de 2000 à celle de

2010 ; puis, sont testés les facteurs institutionnels et micro-économiques avancés par la

littérature pour expliquer la résistance ou convergence des modèles de GE.

Cet article contribue à enrichir la littérature en gouvernance d'entreprise comparée, en

conférant plus de poids au rôle joué dans la structuration des pratiques d'engagement des

entreprises par les deux purs modèles opposés de GE, le modèle actionnarial et le modèle

partenarial. Il contribue également au débat sur la convergence de la gouvernance d'entreprise

en montrant que les pratiques divergent au sein d’une même région, l'Europe. Notre recherche

offre un éclairage supplémentaire à la littérature en élevant quatre modèles nationaux typiques

qui façonnent les pratiques d'engagement des différentes sociétés européennes. En outre, un

autre résultat apparaît comme significatif pour le champ de la GE : le fait que seuls les

facteurs micro-économiques rendent compte, dans notre étude, des phénomènes observés.

Ceci a été suggéré par de récents écrits (Aguilera, Desender et Kabbach de Castro, 2012) et

invite à des développements ultérieurs.

Dans une prochaine section, nous présenterons la littérature et préciserons les questions et

hypothèses de recherche. Puis, nous décrirons la méthodologie retenue, les données analysées

avant de présenter les résultats de l’étude. Nous terminerons par une discussion de ces

derniers et conclurons.

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1. LA LITTERATURE EN GOUVERNANCE D’ENTREPRISE COMPAREE :

ETAT DE L’ART ET HYPOTHESES

Facettes d’un même construit, la RSE et la gouvernance d’entreprise sont étroitement reliées

(Jamali, Safieddine et Rabbath 2008). Elles partagent en effet les mêmes racines et intérêts

dans le sens où elles soulignent la nécessité pour les entreprises de rendre comptes à leurs

parties prenantes et à la société en général (Brammer et Pavelin, 2013). Qu’il s’agisse de RSE

ou de GE, les entreprises sont fortement incitées à s’engager dans différentes politiques allant

de la transparence jusqu’à l’éthique (Jamali, Safieddine et Rabbath 2008). Dans cet article,

nous regardons les pratiques d’engagement des entreprises à l’égard des différents groupes de

parties prenantes comme dénominateur commun entre la RSE et la GE (Jensen, 2002;

Aguilera et al., 2007). Ces engagements peuvent se faire l’écho ou être structurés selon

différentes orientations de GE.

1.1. LA PERSPECTIVE DICHOTOMIQUE DES MODELES DE GOUVERNANCE D’ENTREPRISE

Traditionnellement, la littérature en GE comparée distingue deux systèmes opposés : le

système de gouvernance anglo-américain orienté vers l’actionnaire et le système de

gouvernance partenarial d’Europe continentale (Hall et Soskice, 2001; Aguilera et al. 2006;

La Porta, Lopez-de-Silanes et Shleifer 1999). Ces systèmes renvoient à deux

conceptualisations opposées de la RSE et la GE. La première est fondée sur la théorie de

l’agence et voit dans les pratiques d’engagement des entreprises la nécessité de satisfaire les

intérêts des actionnaires (Friedman, 1970; Jensen, 2002). La seconde, en référence à la théorie

des parties prenantes (Freeman, 1984), remet en cause l’objectif de maximisation de la valeur

actionnariale assigné à l’entreprise, pour privilégier la prise en compte de l’ensemble des

intérêts des différentes parties prenantes.

Ces deux conceptualisations ont largement servi de modèles purs ou idéaux-typiques au sein

de la littérature. Cependant, ils ont été empiriquement ajustés et repensés en fonction de la

réalité et diversité des pratiques rencontrées dans différents pays (Aguilera et Jackson, 2010;

Guillén, 2000; Khanna, Kogan, et Palepu, 2006). Aussi, s’agit-il d’évaluer leur pertinence

empirique (Aguilera, Desender et Kabbach de Castro, 2012; Yoshikawa et Rasheed, 2009) en

examinant les pratiques d’engagement d’entreprises appartenant à différents pays. Une

première hypothèse peut être posée de la façon suivante :

Hypothèse 1a. Les pratiques d’engagement des entreprises reflètent les deux purs modèles

opposés de la gouvernance d’entreprise.

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Ces purs modèles peuvent également ne pas être dévoilés à travers les pratiques d’engagement

des entreprises au sein d’une même région (Pedersen et Thomsen 1997; Weimer et Pape

1999). C’est pourquoi, une autre question serait d’évaluer dans quelle mesure les orientations

proposées par ces deux modèles opposés structurent les pratiques réelles d’engagement des

entreprises. D’où, l’hypothèse suivante :

Hypothèse 1b. Les pratiques d’engagement des entreprises appartenant à une même région

sont structurées selon les deux purs modèles opposés de la gouvernance d’entreprise.

1.2. CONVERGENCE OU DIVERGENCE CONTINUE DES PRATIQUES DE GOUVERNANCE

D’ENTREPRISE DANS LE TEMPS ET L’ESPACE

Depuis que Hansmann et Kraakman (2001) ont appelé à la nécessité de voir converger les

systèmes nationaux de gouvernance vers un modèle unique, celui de la maximisation de la

valeur actionnariale, une large controverse s’est installée en gouvernance d’entreprise

comparée (Rasheed et Yoshikawa, 2012). Les propos de Hansmann et Kraakman (2001) ont

reçu le soutien d’une partie du monde académique (La Porta, Lopez-de-Silanes, et Scheilfer

1999; Rajan et Zingales, 1998). Tandis qu’une autre partie remet en cause l’hypothèse de

convergence des modèles nationaux de GE (Roe, 2003; Guillen, 2000; Aguilera et Jackson,

2003; Lubatkin et al. 2005). Le débat demeure ouvert, bien qu’il n’existe que peu de preuves

empiriques d’une possible convergence (Yoshikawa et Rasheed, 2009).

Ceci appelle d’autant plus de questionnement dans le cadre d’étude comparée de pays relevant

d’une même région, car celle-ci suppose que ces mêmes pays soient confrontés à des

pressions institutionnelles similaires, conduisant à la convergence des modèles nationaux de

GE (Aguilera et al. 2006). Ainsi, les pays d’Europe continentale devraient répondre d’un

même modèle, le modèle partenarial, tandis que le Royaume-Uni, par exemple, adopterait le

modèle anglo-américain (Pedersen et Thomsen, 1997). De récentes études ont appelé à l’étude

des interactions entre les pressions régionales encourageant la convergence des systèmes et

les forces domestiques résistant à ce mouvement de convergence (Yoshikawa et Rasheed,

2009). En effet, il semble que sur le long terme mes forces macro-économiques et

institutionnelles puissent pousser les entreprises de différents pays à faire converger leurs

modèles de GE, bien que les modèles nationaux puissent faire montre de résistance (Aguilera

et Jackson, 2003). Par conséquent, nous devrions assister au sein d’une même région

géopolitique soit à une évolution des modèles nationaux en faveur d’une convergence des

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pratiques soit à une divergence continue, soit à des positions statiques traduisant des

mouvements de résistance. Les deux hypothèses qui s’ensuivent sont formulées ainsi :

Hypothèse 2a. Les modèles nationaux de GE au sein d’une même région géopolitique tendent

à converger dans le temps.

Hypothèse 2b. Les modèles nationaux de GE au sein d’une même région géopolitique tendent

à diverger dans le temps.

Nous distinguons l’hypothèse 2a de l’hypothèse 2b car il se pourrait que ni un mouvement de

divergence ni de convergence ne soit révélé. En effet, il se pourrait que sur le long terme, les

modèles nationaux restent dans des positions statiques témoignant d’une forme de statu quo.

1.3. LES LEVIERS ET OBSTACLES DE LA CONVERGENCE : DES FACTEURS

INSTITUTIONNELS AUX FACTEURS MICRO

Dans le cadre de la littérature en gouvernance d’entreprise, un point essentiel tient dans la

compréhension des processus concourant ou empêchant la convergence (Aguilera et Jackson,

2010). Aussi, nous nous attachons dans cet article à développer plus en avant l’étude

empirique des facteurs expliquant la stabilité ou l’évolution des modèles nationaux de GE au

niveau régional et dans le temps. De précédentes études ont souligné l’importance des

facteurs institutionnels (Weimer et Pape, 1999; Aguilera et Jackson, 2003; Hall et Soskice,

2001). Ces facteurs jouent un double rôle à l’égard de la convergence, soit comme leviers soit

comme obstacles. C’est pourquoi les deux aspects doivent être explorés.

Parmi les différentes explications apportées par la littérature au sujet de l’absence de

convergence entre les pratiques, figurent l’explication selon les traditions légales des pays

(Rasheed et Yoshikawa, 2012; Zattoni et Cuomo, 2008; Aguilera et Cuervo-Cazurra, 2004).

Le monde occidental peut en effet être divisé en deux traditions juridiques concurrentes : la

tradition de la common law qui est caractérisée par une préférence pour la jurisprudence, et la

tradition de droit civil qui se caractérise par l'instauration de règles clairement définies. Ces

traditions se reflètent dans les pratiques actuelles de GE (Hall et Soskice, 2001; La Porta et al,

1998; Kraakman et al, 2009). Alors que la plupart des chercheurs distinguent uniquement le

système de droit civil (français, allemand ou scandinave) du système de la common law

(d’origine anglo-américaine), des études sur les traditions légales différencient quatre grandes

familles juridiques: la common law, le droit civil français, le droit civil allemand et le droit

civil scandinave (La Porta et al 1998; Zweigert et Kotz, 1998).

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Parce que les systèmes juridiques sont profondément ancrés dans les héritages institutionnels

des pays, ils sont susceptibles de se maintenir tels quels au fil du temps. Opposant différents

paradigmes juridiques, les traditions légales peuvent ainsi ralentir la convergence des modèles

de GE. Par ailleurs, des études antérieures ont montré que les traditions légales affectent les

systèmes de droits de propriété (La Porta et al 1998; Shleifer et Vishny, 1997). Il a été

démontré que les pays de la common law accordent une meilleure protection aux droits des

actionnaires que les pays de droit civil (La Porta et al. 1998). Ceci va de pair avec la

dichotomie des modèles de GE : au système de la common law orienté-actionnaire s’oppose

le système partenarial de droit civil. Cependant, des études plus récentes sur les familles

juridiques ne confirment pas l'impact des deux traditions légales sur l’évolution des pratiques

de GE dans l’espace et le temps (Deakin , Lele et Siems , 2007; Siems et Deakin , 2010). Par

conséquent, pour tester l'effet des traditions légales, en tant qu’obstacles à la convergence au

niveau régional, nous formulons les hypothèses selon lesquelles :

Hypothèse 3a. Les traditions légales des pays empêchent la convergence des pratiques de

gouvernance d’entreprise au niveau régional.

Hypothèse 3b. Les traditions légales des pays maintiennent les pratiques d’engagement des

entreprises dans des modèles de GE ancrés nationalement.

Une autre pression institutionnelle poussant à la convergence des pratiques d'engagement des

entreprises en matière de bonne gouvernance est la diffusion et l'adoption de codes. En effet,

les codes de bonne gouvernance correspondent à une source importante de pression

institutionnelle de type normatif, devant conduire à la convergence des pratiques d’entreprise

au sein d'un même pays et d’une même zone géographique (Yoshikawa et Rasheed, 2009;

Aguilera et al, 2008). Comme les études précédentes l’ont indiqué, la plupart des codes sont

semblables dans les pays occidentaux et constituent ainsi des leviers favorisant une certaine

convergence en matière de GE (Aguilera et Cuervo-Cazurra, 2004; Collier et Zaman, 2005).

En Europe, sous l’influence du Royaume-Uni, se dessine une convergence en matière

d’adoption de codes de gouvernance d'entreprise fondés sur le paradigme anglo-américain

(Aguilera et Cuervo-Cazurra 2004; Arcot, Bruno et Faure- Grimaud, 2010; Kabbach-Castro et

Crespí-Cladera 2011). Par conséquent, pour tester l'effet de la diffusion de codes de bonne

gouvernance sur la convergence des pratiques de GE au niveau régional et au fil du temps,

nous dressons l'hypothèse selon laquelle :

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Hypothèse 3c. La diffusion de codes de bonne gouvernance conduit à la convergence des

modèles nationaux de gouvernance d’entreprise au niveau régional et dans le temps.

Les institutions régionales, à travers leurs pressions normatives, peuvent favoriser la

convergence des modèles nationaux. Comme le soulignent Yoshikawa et Rasheed (2009), les

études précédentes ont trop mis l'accent sur le rôle des institutions nationales dans la

structuration des modèles de GE. Aussi est-il nécessaire d'examiner le rôle des institutions au

niveau régional et ce, dans le cadre d'une intégration économique croissante.

Parmi ces institutions, figure l'Union européenne qui apparait comme un cas très intéressant.

En effet, les pressions normatives provenant des exigences et directives de l'Union

européennes sont à prendre en compte dans l’étude de la convergence des systèmes de

gouvernance. Certaines de ces pressions jouent un rôle dans la normalisation et

l'harmonisation des pratiques des entreprises et des pratiques professionnelles (Collier et

Zaman, 2005). Il a également été souligné le rôle actif joué par l'Union européenne dans les

processus de libéralisation du marché et de son intégration (Rhodes et van Apeldoorn, 1998).

De récentes réformes juridiques au niveau européen ont conduit les entreprises de différents

pays européens (France, Italie et Allemagne) à adopter un nouvel ensemble de pratiques de

GE favorisant l'empowerment des actionnaires, une plus grande transparence et des

mécanismes de gouvernance internes plsu efficaces (Enriques et Volpin, 2007). En outre,

depuis 2006, l'Union européenne a exhorté les entreprises à adopter des codes de bonne

gouvernance et faire siennes le principe de comply or explain (se conformer ou s'expliquer),

principe issu de la gouvernance britannique (SFI 2008).

Aussi, souhaitons-nous intégrer les facteurs régionaux de nature institutionnelle à notre étude.

Ce qui nous conduit à proposer l’hypothèse suivante :

Hypothèse 3d. Les pressions exercées par les institutions régionales conduisent à la

convergence des modèles nationaux de gouvernance d’entreprise au niveau régional et dans

le temps.

Néanmoins, le fait de recourir à une perspective macro, dominante en matière de gouvernance

d'entreprise comparée, a été récemment remis en question (Aguilera, Desender et Kabbach de

Castro, 2012; García Castro, Aguilera et Ariño , 2013). Comme il n’existe pas de consensus

sur ce qui expliquele mieux au niveau macro les mouvements de convergence ou de

divergence des pratiques de GE, certains auteurs invitent à se tourner vers approches plus

micro (Aguilera et Jackson 2010). Les facteurs externes ne semblent en effet pas suffisants

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pour expliquer les mouvements de divergence ou de convergence aux niveaux national et

individuel. Lorsque des changements se produisent en matière d’évolution des modèles et

pratiques de GE, ils semblent être la conséquence directe de facteurs endogènes, propres à un

pays, plutôt que le résultat de facteurs macro (Hermes, Postma et Zivkov, 2006). Par

conséquent, même si nous mobilisons des facteurs institutionnels aux niveaux régional et

national, nous souhaitons compléter notre étude en examinant le niveau entreprise. Comme

Aguilera et Jackson (2010) le suggèrent, se tourner vers des facteurs plus micro peuvent

rendre compte des comparaisons observées au niveau macro. Ainsi, nous formulons

l'hypothèse selon laquelle :

Hypothèse 3e. Les facteurs individuels (l’entreprise) rendent compte de l’évolution des

pratiques d’engagement des entreprises.

2. METHODOLOGIE

2.1. LA NOTATION EXTRA-FINANCIERE PROPOSEE PAR ARESE VIGEO

L’évaluation proposée par ARESE VIGEO est fondée sur des entretiens avec les principaux

responsables des entreprises étudiées ainsi que sur le recueil d’informations secondaires issues

du bilan social, du BIT ou d’articles de presse (Igalens et Gond, 2003). Cette évaluation

combine une analyse de la responsabilité sociale de l’entreprise vis-à-vis de chaque partie-

prenante avec une approche managériale qui distingue 3 axes pour chaque item évalué : les

objectifs déclarés de l’entreprise en matière de performance sociale ; les ressources allouées à

l’atteinte de chaque objectif ; les progrès mesurables obtenus.

Par ailleurs, il convient de noter que l’agence ARESE, puis VIGEO ont fait évoluer de façon

continue l’évaluation de la responsabilité sociale des entreprises. Ces évolutions se sont faites

dans le sens d’un approfondissement et d’un élargissement de l’évaluation.

L’approfondissement de l’évaluation a conduit à redéfinir régulièrement les thèmes

permettant d’estimer l’engagement de l’entreprise vis-à-vis de chaque partie prenante. Ceci a

induit une multiplication du nombre d’items faisant l’objet d’une notation. En 2013, la

notation VIGEO s’appuie sur 38 items contre 15 items en 2000. Ainsi, le référentiel VIGEO

2004 substitue 6 domaines d’évaluation aux 5 domaines du référentiel d’évaluation 2000.

Si ces évolutions méthodologiques accompagnent le dynamisme de la recherche sur la

responsabilité sociale des entreprises, l’élargissement du nombre des domaines couverts par

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l’évaluation pose au moins 2 problèmes. En effet, le référentiel 2000 permettait d’identifier

chaque domaine à une partie prenante : les employés ; l’environnement ; les clients et les

fournisseurs ; les actionnaires ; la société civile. Or le sixième domaine, introduit en 2004,

considère les droits humains. Il apparait que ce domaine concerne autant les employés de

l’entreprise que les fournisseurs ou la société civile. Tout d’abord, la corrélation entre les

ressources humaines et le respect des droits humains apparait triviale et a déjà fait l’objet

d’une mise en évidence empirique par Cellier, Chollet et Gajewski (2011). Ensuite,

l’évaluation de la relation avec les fournisseurs intègre des critères de standards sociaux

auxquels le respect des droits humains ne peut échapper. Enfin, la relation avec la société

civile évalue la contribution de l’entreprise au développement économique et social des

communautés humaines. Ici encore, il parait difficile de mesurer cette contribution sans

considérer les droits fondamentaux des personnes. Par conséquent, le premier problème est

d’ordre méthodologique. L’évaluation nécessite l’indépendance des différents domaines

soumis à notation et cette indépendance et rompue par l’introduction de ce sixième domaine.

Le deuxième problème est d’ordre explicatif. L’évaluation de l’engagement de l’entreprise sur

les droits humains ne peut être reliée à une partie prenante unique et clairement identifiée. Il

suit des deux problèmes évoqués que nous avons fait le choix dans le reste de notre travail

d’éliminer le sixième domaine d’évaluation de notre analyse. Notre étude est donc focalisée

sur les engagements des entreprises vis-à-vis des 5 parties prenantes identifiées par le

référentiel 2000.

2.2. STATISTIQUES DESCRIPTIVES

Pour effectuer notre étude nous disposons des scores obtenus, en 2000 et 2010, par 663

entreprises appartenant à 18 pays européens sur 5 variables représentant les différentes

facettes de la responsabilité sociale de ces entreprises. Les 5 variables sont identifiées dans le

tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1. Forme de responsabilité sociale mesurée par chaque variable

Libellé Forme de responsabilité sociale mesurée

HR Engagement de l’entreprise vis-à-vis des employés

ENV Engagement de l’entreprise vis-à-vis de l’environnement

CS Engagement de l’entreprise vis-à-vis des clients et des fournisseurs

CG Engagement de l’entreprise vis-à-vis des actionnaires

CIN Engagement de l’entreprise vis-à-vis de la société civile

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Comme indiqué par Cellier et al. (2011), les améliorations continues de la méthodologie

d’évaluation rendent difficiles les comparaisons inter-temporelles. Conformément à la

solution adoptée par ces auteurs nous choisissons de normaliser les variables de notre étude.

Pour une date et un secteur donnés les variables suivent donc une loi normale de moyenne 0 et

d’écart type 1. Dans la suite de notre étude nous nous référons uniquement aux notes

normalisées.

Le tableau 2 présente les statistiques descriptives associées aux variables normalisées ZHR,

ZENV, ZCS, ZCG, ZCIN pour l'année 2010.

Tableau 2. Statistiques descriptives associées aux variables standardisées de notre étude

Minimum Maximum Moyenne Ecart type Asymétrie Kurtosis

Statistique Statistique Statistique Statistique Statistique Erreur std Statistique Erreur std

ZHR -2,7839 2,6925 -0,0673 0,9971 ,158 ,104 -,335 ,208

ZENV -2,3311 2,6568 -0,0968 0,9679 ,052 ,104 -,517 ,208

ZCS -2,7639 2,3821 -0,1571 0,9678 ,016 ,104 -,727 ,208

ZCG -2,7367 2,5420 -0,0434 1,0426 ,011 ,104 -,553 ,208

ZCIN -3,0409 2,6588 -0,1822 0,9714 ,134 ,104 -,428 ,208

Les boites de Tukey, par pays, des 5 variables standardisées de notre étude ainsi que les tests

de différence de médiane ont été effectués1. Les résultats des tests montrent que les

différences de médiane sont très significatives pour les variables ZHR, ZENV, ZCG et ZCIN.

La différence de médiane entre les pays peut également être acceptée au seuil de 10% pour la

variable ZCS. Enfin, la matrice des corrélations (tableau 3) indiquent que toutes les variables

de notre étude sont corrélées au seuil de 1% bilatéral.

1 Nous ne reproduisons pas les résultats de ces statistiques préliminaires.

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12

Tableau 3. Tableau des corrélations de Pearson

ZHR ZENV ZCS ZCG ZCIN

ZHR Corrélation de

Pearson

1 ,639**

,615**

,181**

,516**

Sig.

(bilatérale)

,000 ,000 ,000 ,000

N 663 663 663 663 663

ZENV Corrélation de

Pearson

,639**

1 ,618**

,333**

,553**

Sig.

(bilatérale)

,000 ,000 ,000 ,000

N 663 663 663 663 663

ZCS Corrélation de

Pearson

,615**

,618**

1 ,349**

,523**

Sig.

(bilatérale)

,000 ,000 ,000 ,000

N 663 663 663 663 663

ZCG Corrélation de

Pearson

,181**

,333**

,349**

1 ,342**

Sig.

(bilatérale)

,000 ,000 ,000 ,000

N 663 663 663 663 663

ZCIN Corrélation de

Pearson

,516**

,553**

,523**

,342**

1

Sig.

(bilatérale)

,000 ,000 ,000 ,000

N 663 663 663 663 663

**. La corrélation est significative au niveau 0.01 (bilatéral).

2.3. ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES

Afin de mettre en évidence les dimensions latentes de la gouvernance des entreprises

européennes, et nous l'espérons, éclairer des différences entre les pays nous avons décidé de

réaliser une analyse en composantes principales. Celle-ci sera effectuée en utilisant le

barycentre de chaque pays. Nous disposons donc initialement de 18 observations (une

observation par pays) et de 5 variables. Toutefois, il s'est avéré que le Luxembourg impactait

négativement la qualité (mesurée par le test de sphéricité de Bartlett et le test KMO) de la

factorisation des variables. Nous avons décidé de retirer le Luxembourg de notre étude. Nous

disposons donc de 17 observations et de 5 variables.

Le test de sphéricité de Bartlett permet de vérifier que la matrice des corrélations entre les

variables est statistiquement différente de la matrice identité, ce qui est ici le cas. Les MSA et

le résultat du test KMO nous autorisent également à mettre en œuvre une ACP.

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Le test de coude conduit à retenir une solution à 2 facteurs. Cette solution à 2 facteurs nous

permet d'expliquer plus de 90% de la variance totale. De plus, après rotation varimax le 1er

facteur explique presque 69% de la variance totale et le 2ème

facteur plus de 21% de celle-ci.

Après rotation, on observe que les variables sont clairement réparties entre les 2 axes (tableau

4). L'analyse des communautés nous indique le pourcentage de la variance de chaque variable

restitué par les deux axes retenus (tableau 5).

Tableau 4. Matrice des composantes après rotation

Non normée Redimensionné

Composante Composante

1 2 1 2

ZHR ,537 ,044 ,952 ,078

ZENV ,357 ,039 ,905 ,098

ZCS ,351 ,066 ,932 ,174

ZCG ,076 ,541 ,139 ,990

ZCIN ,382 ,077 ,912 ,185

Tableau 5. Communautés

Non normée Redimensionné

Initial Extraction Initial Extraction

ZHR ,319 ,291 1,000 ,912

ZENV ,155 ,129 1,000 ,828

ZCS ,142 ,127 1,000 ,899

ZCG ,299 ,299 1,000 ,999

ZCIN ,176 ,152 1,000 ,866

Enfin, le logiciel XLSTAT calcule la contribution de chacune des variables aux deux axes

(tableau 6). Il apparait que les variables ZHR, ZENV, ZCS et ZCIN contribuent à part égale à

la définition du premier axe. Le deuxième axe est tout entier défini par la variable ZCG.

Tableau 6. Contribution des variables à chacun des axes (en %)

D1 D2

ZHR 24,503 0,729

ZENV 24,508 0,850

ZCS 25,606 3,099

ZCG 0,491 91,919

ZCIN 24,891 3,404

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14

3. RESULTATS

La matrice des composantes après rotation ainsi que le tableau des contributions des variables

à chacun des axes permet de caractériser les deux facteurs retenus de notre ACP. Le premier

facteur (dominant) est lié à l’engagement des entreprises vis-à-vis des parties prenantes (hors

actionnaires). En effet, l'axe horizontal est une combinaison linéaire des scores obtenus sur les

variables "Ressources Humaines", "Environnement", "Clients et Fournisseurs", "Relations

avec la société civile". Nous avons appelé cet axe "engagement parties prenantes" car il reflète

l'engagement positif de l'entreprise vis-à-vis des autres constituants de la société. Le deuxième

facteur concerne exclusivement l’engagement de l'entreprise vis-à-vis des actionnaires. Sans

surprise nous appellerons l'axe vertical "Engagement actionnaires".

Ces deux axes reflètent un processus de structuration des pratiques d'engagement des

entreprises européennes selon deux dimensions typiques qui se réfèrent aux deux modèles

traditionnels de GE : le modèle actionnarial et le modèle partenarial. L’hypothèse 1b suggérait

que les pratiques d'engagement des entreprises appartenant à une même région étaient

structurées selon les deux modèles opposés de la gouvernance d'entreprise. Cette hypothèse

est confortée par les résultats de l'analyse en composantes principales.

3.1. PROJECTIONS DES OBSERVATIONS SUR LE PLAN FACTORIEL

La figure 1 présente la projection des pays sur le plan factoriel constitué de l'axe horizontal

"Engagement parties prenantes" et de l'axe vertical "Engagement actionnaires". A la condition

de contrôler la qualité des projections des observations sur le plan factoriel, cette méthode

permet de visualiser les proximités ou (les dissemblances) concernant les pratiques de

gouvernance entre les entreprises des différents pays européens. La qualité des projections a

été mesurée suivant la méthode des cos². Les pays mal-représentés ont été reportés en italique.

Nous éviterons de commenter la place occupée par ces pays dans le plan factoriel.

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Figure 1. Projection des pays sur le plan factoriel (année 2010)

Les pays peuvent être classés suivant 4 cadrans. Le cadran supérieur droit concerne les pays

qui concilient engagement parties prenantes et prise en compte de l’intérêt des actionnaires.

Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et dans une moindre mesure la Norvège surperforment la

moyenne des pays européens sur cette combinaison de facteurs.

Le cadran inférieur droit met en évidence les pays qui privilégient l’engagement parties

prenantes à la création de valeur actionnariale. On trouve dans ce cadran les entreprises des 4

principales puissances de la zone euro : l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne. Il parait

important de noter que les entreprises espagnoles et italiennes sont en moyenne plus engagées

vis-à-vis de leurs actionnaires que celles d’Allemagne ou de France. Il faut également noter

que l’engagement parties prenantes des entreprises françaises est, en moyenne, très supérieur

à celui des entreprises allemandes de notre échantillon. Pourtant les entreprises des 2 pays

présentent des niveaux d'engagements similaires vis-à-vis des actionnaires.

Le cadran supérieur gauche montre les pays qui privilégient la création de valeur actionnariale

à l’engagement parties prenantes. On trouve ici deux pays ayant menées des politiques très

libérales avant la crise de 2008 et qui ont été très fortement impactés par celle-ci l’Islande et

l’Irlande.

Autriche

Belgique Danemark

Finlande

France Allemagne

Grèce

Islande

Irlande

Italie

Norvège

Portugal

Espagne Suède

Suisse

Pays-Bas

Royaume-Uni

-2

-1

0

1

2

3

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3

En

gag

emen

t ac

tion

nai

res

Engagement parties prenantes

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Enfin le cadran inférieur gauche montre les pays qui ne privilégient plus rien du tout ! Sans

surprise c’est le cadran de la Grèce et du Portugal. De façon plus surprenante le Danemark

appartient également à ce club.

Les résultats mettent en lumière la distinction de quatre modèles différents de gouvernance: 1)

un modèle actionnarial ; 2) un modèle partenarial ; 3) un modèle hybride, et 4) un modèle

non-orienté. Par conséquent, l'hypothèse 1a qui suggérait que les pratiques d'engagement des

entreprises reflétaient les deux modèles opposés de la gouvernance d'entreprise est

partiellement confirmée par les données.

3.2. ANALYSE DYNAMIQUE

De façon à analyser la dynamique de gouvernance à l'œuvre dans chacun des pays européens,

nous avons mené une nouvelle ACP en utilisant les données de l'année 2000. Les variables et

le poids de chacune d'entre-elles dans la construction des deux facteurs sont très similaires et

ceci autorise cette comparaison inter temporelle. La figure 2 présente la projection des pays

sur le plan factoriel pour l'année 2000.

Figure 2. Projections des pays sur le plan factoriel (année 2000)

La comparaison des figures 1 et 2 permet de mesurer la manière dont la gouvernance des

entreprises a évolué, en moyenne, pays par pays durant la période 2000-2010. D'un point de

vue général, il n'existe aucune preuve de la convergence des modèles de gouvernance des 17

Autriche

Belgique

Danemark

Finlande France

Allemagne Grèce

Islande

Irlande

Italie

Norvège

Portugal

Espagne

Suède

Suisse

Pays-Bas

Royaume-Uni

-2

-1,5

-1

-0,5

0

0,5

1

1,5

2

-3 -2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5

En

gag

emen

t ac

tion

nai

res

Engagement parties prenantes

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pays européens sur la décennie étudiée. Par conséquent, l'hypothèse 2a n'est pas confirmée.

Puisque tous ces pays européens (à l'exception de trois d'entre eux: la Suisse, la Norvège et

l'Islande) sont soumis aux mêmes pressions régionales, issues des institutions européennes par

le biais de ses directives, orientations et politiques, il n'existe aucune preuve qui confirme

l'hypothèse 3d.

Ainsi, il apparait que la gouvernance des entreprises norvégiennes, allemandes et françaises a

évolué en direction d’un engagement plus grand vis-à-vis des parties prenantes. Dans le cas de

la France cette évolution s’est faite au détriment de l’intérêt des actionnaires. De façon

opposée, les entreprises grecques et portugaises ont réduit leur engagement vis-à-vis des

parties prenantes. Pourtant, il serait faux d’arguer que cette évolution a bénéficié aux

actionnaires des entreprises de ces pays. En effet, l’engagement des entreprises grecques et

portugaises vis-à-vis des actionnaires reste inférieur à la moyenne des pays européens. Dans

le cas du Portugal, le «déficit» d’engagement actionnarial des entreprises semble même s’être

creusé par rapport aux autres pays européens. Enfin, l'engagement des entreprises du

Royaume-Uni vis-à-vis des parties prenantes a nettement reculé durant la période 2000-2010.

En effet, alors que ce pays semblait assurer un leadership dans ce domaine en 2000, il était

dépassé en 2010 par la France et les Pays-Bas.

Tout cela conduit à une vue d'ensemble de l'évolution des pratiques qui reflète une divergence

des modèles de GE en Europe et au cours du temps, ce qui soutient l'hypothèse 2b. Si l'on

prend en compte la répartition des pays en fonction de leur tradition légale, nous devrions

assister à une divergence entre les pays se référant au système juridique de la common law

(Royaume-Uni, Irlande) et les pays se référant au système juridique de droit civil (Belgique,

France, Grèce, Italie, Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse)2.

Cependant, nos données ne tiennent compte de cette classification dans la répartition des pays

selon les quatre modèles déduits de l'ACP. Les résultats montrent des positions relativement

divergentes entre les pays scandinaves, et ce, alors qu’elles se réfèrent à la même tradition

légale (Zattoni et Cuomo, 2008). Par conséquent, la variable institutionnelle des traditions

légales ne rend pas compte de l'évolution des pratiques de GE entre les pays européens. Aussi,

l'hypothèse 3a et l’hypothèse 3b sont réfutées.

2 Selon la classification propose par Zattoni et Cuomo (2008), et fondé sur La Porta et al. (1998) et Zweigert et

Kotz (1998).

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En ce qui concerne le rôle joué par l'adoption de codes de bonne gouvernance dans les pays

européens, il n'existe aucune preuve selon laquelle l’adoption de ces codes conduirait à une

convergence des modèles nationaux au fil du temps : l'hypothèse 3c est réfutée. En effet, en

2010, les 17 pays concernés par notre étude avaient au moins adopté un code de gouvernance

reconnus par leurs institutions nationales (Zattoni et Cuomo, 2008; Tricker, 2012). A suivre la

littérature, cela aurait dû conduire à un mouvement de convergence, ce que ne montrent pas

nos résultats.

3.3. RESULTATS DE L'ANALYSE MICRO-ECONOMIQUE

Nous poursuivons notre étude par une analyse micro-économique des pratiques de

gouvernance. Ici, l'objectif est d'évaluer dans quelle mesure l'évolution constatée au niveau

national des pratiques de gouvernance reflète le chemin parcouru par les entreprises d'un

même pays. Pour répondre à notre objectif nous avons effectué une série de Wilcoxon signed-

rank test sur chacune des 5 variables et pour chacun des 17 pays de notre étude. Au-delà du

caractère significatif des différences statistiques nous souhaitons mesurer si l'ensemble des

entreprises d'un même pays a bien évolué dans le même sens sur la variable considéré. Si

cette hypothèse est validée, alors les pressions institutionnelles guident l'évolution des

entreprises d'un même pays et on pourra affirmer que les entreprises d'un même pays

convergent vers un modèle de gouvernance unique. Dans le cas contraire, le chemin parcouru

par l'entreprise doit être expliqué à partir de facteurs qui lui sont propres. Nous ne

reproduisons pas ici les résultats des 85 tests effectués. Au travers de deux exemples typiques

et réputés antinomiques, le Royaume-Uni et la France nous montrons la prééminence des

facteurs micro-économiques dans l'évolution des pratiques de gouvernance des entreprises.

Le cas de la France est intéressant car les 2 ACP menées sur les années 2000 et 2010 signalent

que, globalement, les entreprises de ce pays ont changé de cadran. Ainsi, alors que le modèle

français est plutôt partenarial en 2010 il apparaissait relativement actionnarial

(comparativement aux autres pays européens en 2000). Or, Une analyse détaillée de

l'évolution des pratiques des entreprises de ce pays montre que ce phénomène global n'est que

l'agrégation de trajectoires variées (Tableau 7).

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Table 7. % Entreprises françaises dont le score relatif a augmenté sur chacune des 5 variables

% entreprises dont le score relatif a

augmenté

% entreprises dont le score

relatif a diminué

Wilcoxon

Test

ZHR

75%

25%

5.739***

ZENV

57%

43%

1.979***

ZCS

40%

60%

-1.044

ZCIN

70%

30%

4.275***

ZCG

32%

68%

-4.965***

***z<0.01

D'un côté beaucoup d'entreprises françaises enregistrent une baisse de leurs scores sur les

variables liées à la dimension parties prenantes de leur gouvernance. Ce phénomène est loin

d'être marginal car il concerne une entreprise sur quatre pour la variable ZHR, presque une

entreprise sur deux sur la variable ZENV, et une sur trois pour la variable ZCIN. Ajoutons

que plus de la moitié des entreprises françaises voient leur score baisser sur la variable ZCS.

De l'autre, presque une entreprise française sur trois augmente son engagement vis-à-vis des

actionnaires (variable ZCG).

La gouvernance des entreprises britanniques est réputé privilégier les intérêts des actionnaires

et s'opposerait en cela aux entreprises françaises. Pourtant, ici encore, la stylisation d'un

modèle national oublie les particularités propres à chaque firme. Le tableau 8 retrace

l'évolution des entreprises britanniques sur les 5 variables de notre étude.

Tableau 8. % Entreprises britanniques dont le score relatif a augmenté sur chacune des 5 variables

% entreprises dont le score relatif a

augmenté

% entreprises dont le score

relatif a diminué

Wilcoxon

Test

ZHR

15%

85%

-9.637***

ZENV

26%

74%

-7.572***

ZCS

27%

73%

-8.032***

ZCIN

27%

73%

-6.86***

ZCG

53%

47%

1.161

***z<0.01

Il apparait que plus d'une entreprise sur quatre augmente son score sur les variables ZENV,

ZCS, ZCIN. L'engagement de ces entreprises vis-à-vis de l'environnement, des clients et

fournisseurs, ou bien encore de la société civile a donc progressé plus vite durant la période

2000-2010 que celui de la moyenne des entreprises européennes sur la même période. Par

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20

ailleurs, l'engagement actionnarial d'une entreprise britannique sur deux a progressé moins

vite que celui de la moyenne des entreprises européennes entre 2000 et 20103.

La comparaison détaillée de l'évolution des pratiques de gouvernance des entreprises

françaises et britanniques montrent que les entreprises des deux pays ne convergent pas vers

des modèles nationaux. Par conséquent, il est risqué de parier sur l'évolution de la

gouvernance d'une entreprise à partir d'une information sur sa domiciliation. Doit-on déduire

de ce qui précède que les pressions des institutions sont sans conséquence sur les pratiques de

gouvernance des entreprises ? Les cas de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne dont les choix

politiques sont fortement contraints par l'UE, la BCE et le FMI représentent des cas extrêmes

qui peuvent nous apprendre beaucoup. En effet, si les institutions sont susceptibles de peser

sur les pratiques de gouvernance des entreprises, alors la fermeté des directives imposées par

les institutions citées sur les gouvernements de ces pays doit fortement influencer les

pratiques de gouvernance des entreprises. Le tableau 9 retrace l'évolution entre 2000 et 2010

des entreprises grecques, portugaises et espagnoles sur les 5 variables de l’étude.

Tableau 9. % Entreprises grecques, portugaises et espagnoles dont le score relatif a augmenté sur chacune

des 5 variables

% entreprises dont le score

relatif a augmenté

% entreprises dont le score

relatif a diminué

Wilcoxon

Test

ZHR

Grèce 45% 55% -0.978

Portugal 63% 37% 0.622

Espagne 58% 42% 1.16

ZENV

Grèce 55% 45% 0.000

Portugal 36% 64% -0.356

Espagne 65% 35% 2.443**

ZCS

Grèce 9% 91% -2.756***

Portugal 55% 45% 0.533

Espagne 61% 39% 1.199

ZCIN

Grèce 36% 64% -1.069

Portugal 18% 82% -1.956*

Espagne 34% 66% -2.624***

ZCG

Grèce 55% 45% -0.267

Portugal 64% 36% -1.334

Espagne 56% 44% 1.445

*z<0.1 ,**Z<0.05,

Il est frappant de constater que les pressions d'institutions régionales et mondiales pesant sur

ces pays ne se sont pas traduites par une modification générale des pratiques de gouvernance

des entreprises. L'évolution des pratiques de gouvernance des entreprises grecques,

portugaises et espagnoles reste sans direction claire quel que soit le critère considéré et

3 Ce résultat n'est pas lié à la note "brute" obtenue sur la variable CG par ces entreprises en 2000.

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21

l'évolution du score de ces entreprises entre 2000 et 2010 n'est généralement pas

significative4. Dès lors, et compte tenu du cas limite que ces pays représentent il parait

difficile d'arguer que les institutions influencent la gouvernance des entreprises. Ces résultats

indiquent que l'évolution des pratiques et des modèles de GE aux niveaux régional et national

ne peut pas être expliquée par l'influence des facteurs macroéconomiques, tels que les

variables institutionnelles examinées dans cette étude. Au contraire, ils montrent que l'on doit

tenir compte de facteurs endogènes et individuels pour expliquer les mouvements de

convergence ou de divergence continue. Nos analyses successives nous ont amené à formuler

l'hypothèse 3e suggérant que c’est au niveau de l'entreprise que l’on peut rendre compte de

l'évolution des pratiques d'engagement des entreprises.

4. DISCUSSION ET CONCLUSION

La perspective dichotomique des modèles de GE a servi de cadre conceptuel de référence en

littérature de gouvernance d'entreprise comparée (Hall et Soskice, 2001; Aguilera et al.,

2006), alors qu'elle a été régulièrement remise en question (Lubtakin et al., 2005;Yoshikawa

et Rasheed, 2009; Aguilera et al., 2012). Dans un contexte de mondialisation croissante,

d'internationalisation des marchés (Aguilera et Jackson, 2010), les modèles nationaux,

traditionnellement ancrés, peuvent être déstabilisés au fil du temps et selon les régions. Aussi,

une grille de lecture immuable des modèles selon l’opposition typique du modèle actionnarial

versus modèle partenarial est discutable. Nos résultats permettent d’éclairer la pertinence de

cette perspective dichotomique en montrant que les modèles nationaux de GE en Europe sont

encore structurés selon ces deux modèles traditionnellement opposés. Toutefois, les pratiques

d'engagement des entreprises ne reflètent pas de pures orientations, mais le degré selon lequel

elles se tournent vers un modèle plutôt qu’un autre. Un résultat surprenant concerne quelques

cas de pratiques confuses d'engagement au niveau national (Portugal, Grèce, Danemark). En

effet, nos résultats révèlent des cas nationaux restant en arrière-plan et répondant à ce que

nous appelons le « modèle non-orienté » de GE. Ainsi, une voie future de recherche peut être

d'examiner les mouvements de retrait ou de résistance à l’égard des politiques d'engagement,

et d’expliquer les cas nationaux de modèle non-orienté.

4 A l'exception de l'engagement des entreprises espagnoles en faveur de l'environnement ou en défaveur de la

société civile. La baisse d'engagement des entreprises grecques vis-à-vis des clients et fournisseurs est également

être remarquable.

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22

En outre, nos résultats empiriques soutiennent la thèse selon laquelle il existe une divergence

continue dans les pratiques de gouvernance d'entreprise en Europe (Pedersen et Thomsen,

1997; Lubatkin et al, 2005; Aguilera et al., 2006). Ceci s’accompagne de l’observation de

quelques cas nationaux d'hybridation. En tant que tel, la région européenne apparaît plutôt

comme un patchwork de différents types de modèles de GE que la mise en avant d'un seul

modèle hybride.

Notre travail répond à l'appel récent de Yoshikawa et Rasheed (2009) en faveur de nouvelles

études analysant dans quelle mesure les pressions issues des institutions régionales conduisent

les pays ou les entreprises à adopter un même modèle de GE. Nos résultats indiquent que les

institutions européennes ne jouent pas un rôle important dans l'alignement des modèles

nationaux sur un modèle de gouvernance spécifique. Cependant, ces institutions peuvent

favoriser la convergence d’ensembles particuliers de pratiques de GE (Collier et Zaman,

2005; Enriques et Volpin, 2007).

D’une façon générale, notre étude suggère que l'examen de l'évolution des modèles nationaux

de GE, à travers le prisme institutionnel (Aguilera et Jackson, 2010), n'est pas suffisamment

pertinent et significatif. Ni la variable de la tradition légale, ni la diffusion de codes de

gouvernance, ni les pressions normatives des institutions européennes, expliquent l'évolution

des pratiques d'engagement des entreprises au niveau national. Particulièrement cruciale est la

question des facteurs individuels dans l’explication des différences observées entre modèles

nationaux (Aguilera , Desender et Kabbach de Castro, 2012). À ce sujet, nos résultats

soutiennent les récentes positions prises par García Castro, Aguilera et Ariño (2013), qui

affirment la nécessité de lier l'étude des pratiques de gouvernance d'entreprise au niveau de

l'entreprise avec l'étude des modèles nationaux de gouvernance. En ce sens, les pratiques de

gouvernance devraient être explorées comme des pratiques « encastrées » dans les modèles

nationaux de gouvernance d'entreprise (García- Castro, Aguilera et Ariño, 2013) et structurées

selon les modèles idéaux-typiques avancés par la littérature. Ce principal résultat appelle à

d’autres recherches visant à prolonger et approfondir nos connaissances sur les facteurs

influençant la structuration et l'évolution des modèles de gouvernance d'entreprise au fil du

temps et dans l’espace.

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23

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