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P ourquoi ce nom et comment avez-vous débuté ? Arnaud : Car la première fois qu’on a joué en concert en 2004, à Arles, on a fait la répéti- tion la veille ! Quand on nous a demandé comment on s’appe- lait, on a dit d’emblée «La veille au soir» ! Il y avait Mathieu Cas- sagne qui jouait de la guitare à l’époque avant de passer à la contrebasse. Louis Guillermin qui faisait de la basse électri- que et moi Arnaud Equoy qui fait la guitare. Cela a commen- cé comme ça. On s’était connu dans le groupe Nationale 7 avec Mathieu. C’est lui qui m’a montré des choses en swing manouche à la guitare, j’avais découvert Django un an plus tôt mais je ne comprenais pas la guitare, ce qui se passait. Ma- thieu m’a montré des accords de Minor Swing. Je venais du rock, du blues, de la funk, de la folk, du reggae, un peu de tout. Ensuite, Louis est parti et on a rencontré Frederi Marcy un soir de festival. Frederi : On faisait des boeufs. Moi pareil je ne connaissais pas trop le manouche. On se voyait chez les uns chez les autres, je jouais de la guitare suite à une formation classique dans l’éco- le de mon village d’enfance. Django, le swing manou- che... Pourquoi un tel coup de coeur ? Arnaud : Django, à l’écoute de Minor Swing, c’était le déclic. Ça me parlait, c’était hyper ly- rique. Les phrases, ce sont des mots. Ce n’est pas de la guitare, c’est de la poésie. Ça dépasse la musique. J’ai écouté un millier de fois Minor Swing. Frederi : Moi j’écoutais Le Quintette du Hot Club de France, c’était un groupe de jazz européen fondé en 1934 par Django et Stéphane Grap- pelli, avec Louis Vola, Joseph Reinhardt le frère de Django et Roger Chaput. Arnaud : Je me souviens que j’avais acheté un cd après avoir entendu parler de lui, j’avais 16- 17 ans et je m’étais dit : «c’est quoi ça, c’est nul?!». Et le cd je l’ai mis de côté, je l’ai rangé. Puis plus tard comme je m’in- téressais au jazz, j’ai ressorti le cd un jour et j’ai réécouté. J’ai pris une claque et je me suis dit «putain t’es con». Il y avait un double album, que des mer- veilles, parfois ça me donnait envie de chialer. Après j’ai ap- pris qu’il jouait à deux doigts, alors j’ai dit «ah bon d’accord, ok». Quels sont les titres qui vous font le plus vibrer ? Tous ! Mais il y a eu plusieurs périodes. Là où il s’est fait connaître, c’est dans les années 1937. Django est né en 1910 et est mort en 1953. Quand il a commencé, son père jouait du violon. Il a débuté par le banjo, ce qui lui a donné une certaine technique pour la guitare. Puis suite à un incendie dans sa caravane, il est sérieusement atteint à la jambe droite et à la main gauche. Il avait les doigts qui avaient à moitié fondu. Il se faisait chier à l’hôpital et un jour son frangin lui ramène une guitare. Il a retravaillé toute une technique, il en a inventé une pour compenser son handicap. Il jouait avec deux doigts ! En- suite, il rencontre Grapelli et ils forment le quintette avec ses frangins. Ils ont fait des super- bes enregistrements en 37-39.Il jouait de la guitare acoustique. Puis après la guerre, il écoutait les jazzmen américains. C’est là qu’il a commencé à électri- fier son son. Il fait un dernier enregistrement en 1953, avec une ultime version de Nuage. Il a joué avec de grands orches- tres, des big band. Il a joué avec Duke Ellington aux Etats-Unis, et plein d’autres musiciens. Depuis Django, il n’y a pas eu d’autres révélations ? Non, c’est lui qui a inventé cet- te musique, ce style de guitare, cette manière de gratter la gui- tare. C’était un guitar hero, un peu comme Jimi Hendrix, Bob Marley dans leurs genres. Tout le monde a essayé de choper leurs sons, de voir comment ils jouaient. Django a été copié mais jamais égalé. C’était un gi- tan qui jouait de la guitare avec son ressenti. Il avait une main droite exceptionnelle, jouait qu’avec deux doigts. Il avait son son ! Après, il y a eu Biréli Lagrène. Et aujourd’hui, Sanse- verino et Thomas Dutronc qui commencent à faire connaître au grand public le swing ma- nouche. « C’est la pompe qui tourne, le swing, le groove... » Comment définir la musique de Django ? Ce n’est pas une musique de l’Est. C’est manouche, tzigane, espagnol, gitan, jazz... C’est un mélange de tout ça. La musi- que de Django était aussi inspi- rée par Louis Armstrong. Il était à la recherche de la variété et a joué dans beaucoup de for- mations. Pourquoi dit-on swing ma- nouche ? On dit swing manouche, jazz manouche, gipsy swing, jazz francais, swing gitan. Il y a plein de manières d’appeler cette musique ! Quand on vous écoute, il y a quelque chose d’hypnoti- sant... Comment l’expliquez- vous ? C’est la pompe qui tourne. C’est le swing, le groove. La pompe qui tourne avec la contrebasse, qui ronronne, le rythme. Si il n’y a pas de solistes, la base c’est la pompe avec la contrebasse. C’est une musique typée. Il y a une manière de jouer les ac- cords. Dans d’autres musiques, quand c’est La mineur c’est La mineur par exemple. Mais en manouche, tu mets toujours une sixte. C’est ce qui donne cette couleur. Cela t’oblige à choruser avec cette couleur. Depuis 2004, qu’est-ce qui vous maintient dans cette musique ? Comment avez- vous évolué ? C’est l’humain. On a toujours envie de se dépasser. Si on jouait avec des cons, on ne le ferait peut-être pas. C’est un groupe de potes. On a va- drouillé pas mal dans la région et ça continue encore. Après, on a rencontré Nathan Bonin au violon, et d’autres comme Julie Moingeon au chant et à la flûte traversière, et Philippe aux saxophone et clarinette. On s’entend bien, on passe de bons moments. On a envie de faire swinguer le truc, de se faire plaisir. Si vous deviez établir une playlist pour nos lecteurs, quelle serait-elle ? Funny Valentine de Chet Baker, le répertoire de Miles Davis, la version originale de Minor Swing de Django, Kenny Bur- rell, Biréli Lagrène dans Jazz à Vienne un concert que l’on trouve en vidéo sur internet, Ali Farka Touré, Salif Keita, Fai- ruz ou encore des joueurs de oud. Enfin, parlez-nous un peu de votre actualité... Nous sommes en train d’en- registrer. On se dit qu’on ne va pas se mettre la pression. Nous sommes en préparation d’un premier album, après avoir fait des maquettes. Dans cet album, il y aura des repri- ses originales et des composi- tions, un morceau de Hendrix joué en manouche. Et d’autres surprises. Recueilli par Florian Dacheux Django dans la peau Le mouvement du swing manouche raconté par le groupe avignonnais «La Veille Au Soir» JEUDI 12 SEPTEMBRE 2013 / N° 3604 / L’HEBDO - LE COMTADIN 16 DÉCOUVERTE Ce sont des gars des cités, des vil- lages, des bleds paumés, des villes à portée. Des gars nés au début des années 80, bercés par le son des cassettes audio et autres vinyles qui traînaient dans le coin. L’acoustique, le grain, le jeu, l’intensité. Rencontrer la musique de Django Reinhardt a été pour eux une révélation. Interview. Formé de deux guitaristes (Arnaud et Frederi) et un contrebassiste (Mathieu), le trio tente de redonner vie à cette folle époque, la fin des années 30 notamment. Ils sont parfois accompagnés par un violoniste et un saxophoniste. E N SAVOIR + laveilleausoir@laposte. net • myspace.com/laveilleau- soir • laveilleausoir.over-blog. com 06 88 58 32 87 & 06 88 88 63 27 (soirées privées, mariage, et événementiel, etc.) CONCERTS : • Le 14 septembre à Beau- mont du Ventoux • Le 28 à la Cave des Pas Sages à Avignon

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Pourquoi ce nom et comment avez-vous débuté ?

Arnaud : Car la première fois qu’on a joué en concert en 2004, à Arles, on a fait la répéti-tion la veille ! Quand on nous a demandé comment on s’appe-lait, on a dit d’emblée «La veille au soir» ! Il y avait Mathieu Cas-sagne qui jouait de la guitare à l’époque avant de passer à la contrebasse. Louis Guillermin qui faisait de la basse électri-que et moi Arnaud Equoy qui fait la guitare. Cela a commen-cé comme ça. On s’était connu dans le groupe Nationale 7 avec Mathieu. C’est lui qui m’a montré des choses en swing manouche à la guitare, j’avais découvert Django un an plus tôt mais je ne comprenais pas la guitare, ce qui se passait. Ma-thieu m’a montré des accords de Minor Swing. Je venais du rock, du blues, de la funk, de la folk, du reggae, un peu de tout. Ensuite, Louis est parti et on a rencontré Frederi Marcy un soir de festival. Frederi : On faisait des boeufs. Moi pareil je ne connaissais pas trop le manouche. On se voyait chez les uns chez les autres, je jouais de la guitare suite à une formation classique dans l’éco-le de mon village d’enfance.

Django, le swing manou-che... Pourquoi un tel coup de coeur ?Arnaud : Django, à l’écoute de Minor Swing, c’était le déclic. Ça me parlait, c’était hyper ly-rique. Les phrases, ce sont des mots. Ce n’est pas de la guitare, c’est de la poésie. Ça dépasse la musique. J’ai écouté un millier de fois Minor Swing.Frederi : Moi j’écoutais Le Quintette du Hot Club de France, c’était un groupe de jazz européen fondé en 1934 par Django et Stéphane Grap-pelli, avec Louis Vola, Joseph Reinhardt le frère de Django et Roger Chaput. Arnaud : Je me souviens que j’avais acheté un cd après avoir entendu parler de lui, j’avais 16-17 ans et je m’étais dit : «c’est quoi ça, c’est nul?!». Et le cd je l’ai mis de côté, je l’ai rangé. Puis plus tard comme je m’in-téressais au jazz, j’ai ressorti le cd un jour et j’ai réécouté. J’ai pris une claque et je me suis dit «putain t’es con». Il y avait un double album, que des mer-veilles, parfois ça me donnait envie de chialer. Après j’ai ap-pris qu’il jouait à deux doigts, alors j’ai dit «ah bon d’accord, ok».

Quels sont les titres qui vous font le plus vibrer ?Tous ! Mais il y a eu plusieurs périodes. Là où il s’est fait connaître, c’est dans les années 1937. Django est né en 1910 et est mort en 1953. Quand il a commencé, son père jouait du violon. Il a débuté par le banjo, ce qui lui a donné une certaine technique pour la guitare. Puis suite à un incendie dans sa caravane, il est sérieusement atteint à la jambe droite et à la main gauche. Il avait les doigts qui avaient à moitié fondu. Il se faisait chier à l’hôpital et un jour son frangin lui ramène une guitare. Il a retravaillé toute une technique, il en a inventé une pour compenser son handicap. Il jouait avec deux doigts ! En-suite, il rencontre Grapelli et ils forment le quintette avec ses frangins. Ils ont fait des super-bes enregistrements en 37-39. Il jouait de la guitare acoustique. Puis après la guerre, il écoutait les jazzmen américains. C’est là qu’il a commencé à électri-fi er son son. Il fait un dernier enregistrement en 1953, avec une ultime version de Nuage. Il a joué avec de grands orches-tres, des big band. Il a joué avec Duke Ellington aux Etats-Unis, et plein d’autres musiciens. Depuis Django, il n’y a pas eu d’autres révélations ?Non, c’est lui qui a inventé cet-te musique, ce style de guitare, cette manière de gratter la gui-tare. C’était un guitar hero, un peu comme Jimi Hendrix, Bob Marley dans leurs genres. Tout le monde a essayé de choper

leurs sons, de voir comment ils jouaient. Django a été copié mais jamais égalé. C’était un gi-tan qui jouait de la guitare avec son ressenti. Il avait une main droite exceptionnelle, jouait qu’avec deux doigts. Il avait son son ! Après, il y a eu Biréli Lagrène. Et aujourd’hui, Sanse-verino et Thomas Dutronc qui commencent à faire connaître au grand public le swing ma-nouche.

« C’est la pompe

qui tourne, le swing,

le groove... »

Comment défi nir la musique de Django ?Ce n’est pas une musique de l’Est. C’est manouche, tzigane, espagnol, gitan, jazz... C’est un mélange de tout ça. La musi-que de Django était aussi inspi-rée par Louis Armstrong. Il était à la recherche de la variété et a joué dans beaucoup de for-mations.

Pourquoi dit-on swing ma-nouche ?On dit swing manouche, jazz manouche, gipsy swing, jazz francais, swing gitan. Il y a plein de manières d’appeler cette musique !

Quand on vous écoute, il y a quelque chose d’hypnoti-sant... Comment l’expliquez-vous ?C’est la pompe qui tourne. C’est

le swing, le groove. La pompe qui tourne avec la contrebasse, qui ronronne, le rythme. Si il n’y a pas de solistes, la base c’est la pompe avec la contrebasse. C’est une musique typée. Il y a une manière de jouer les ac-cords. Dans d’autres musiques, quand c’est La mineur c’est La mineur par exemple. Mais en manouche, tu mets toujours une sixte. C’est ce qui donne cette couleur. Cela t’oblige à choruser avec cette couleur.

Depuis 2004, qu’est-ce qui vous maintient dans cette musique ? Comment avez-vous évolué ?C’est l’humain. On a toujours envie de se dépasser. Si on jouait avec des cons, on ne le ferait peut-être pas. C’est un groupe de potes. On a va-drouillé pas mal dans la région et ça continue encore. Après, on a rencontré Nathan Bonin au violon, et d’autres comme Julie Moingeon au chant et à la fl ûte traversière, et Philippe aux saxophone et clarinette. On s’entend bien, on passe de bons moments. On a envie de faire swinguer le truc, de se faire plaisir.

Si vous deviez établir une playlist pour nos lecteurs, quelle serait-elle ?Funny Valentine de Chet Baker, le répertoire de Miles Davis, la version originale de Minor Swing de Django, Kenny Bur-rell, Biréli Lagrène dans Jazz à Vienne un concert que l’on trouve en vidéo sur internet, Ali Farka Touré, Salif Keita, Fai-

ruz ou encore des joueurs de oud.

Enfi n, parlez-nous un peu de votre actualité...Nous sommes en train d’en-registrer. On se dit qu’on ne va pas se mettre la pression. Nous sommes en préparation d’un premier album, après avoir fait des maquettes. Dans cet album, il y aura des repri-ses originales et des composi-tions, un morceau de Hendrix joué en manouche. Et d’autres surprises.

Recueill i parFlorian Dacheux

Django dans la peauLe mouvement du swing manouche raconté par le groupe avignonnais «La Veille Au Soir»

JEUDI 12 SEPTEMBRE 2013 / N° 3604 / L’HEBDO - LE COMTADIN

16 D É C O U V E R T E

Ce sont des gars des cités, des vil-lages, des bleds paumés, des villes à portée. Des gars nés au début des années 80, bercés par le son des cassettes audio et autres vinyles qui traînaient dans le coin. L’acoustique, le grain, le jeu, l’intensité. Rencontrer la musique de Django Reinhardt a été pour eux une révélation. Interview.

Formé de deux guitaristes (Arnaud et Frederi) et un contrebassiste (Mathieu), le trio tente de redonner vie à cette folle époque, la fi n des années 30 notamment. Ils sont parfois accompagnés par un violoniste et un saxophoniste.

EN SAVOIR +• [email protected]• myspace.com/laveilleau-soir• laveilleausoir.over-blog.com

06 88 58 32 87 & 06 88 88 63 27(soirées privées, mariage, et événementiel, etc.)

CONCERTS :• Le 14 septembre à Beau-mont du Ventoux

• Le 28 à la Cave des Pas Sages à Avignon