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DOCUMENT DE RÉFÉRENCE POUR L’ÉVALUATION DES BESOINS EN MATIÈRE DE SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL EN SITUATION D’URGENCE DANS LA PROVINCE DU NORD‐KIVU RDCPréparé pour la Section du patrimoine culturel immatériel et le Bureau de l’UNESCO à Kinshasa par Géraldine Chatelard, consultante Septembre 2017

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DOCUMENTDERÉFÉRENCEPOURL’ÉVALUATIONDESBESOINSENMATIÈREDESAUVEGARDEDUPATRIMOINECULTURELIMMATÉRIELENSITUATIOND’URGENCEDANSLAPROVINCEDUNORD‐KIVU RDC

PréparépourlaSectiondupatrimoineculturelimmatérieletleBureaudel’UNESCOàKinshasaparGéraldineChatelard,consultanteSeptembre2017

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CedocumentaétéélaboréparGéraldineChatelarddanslecadreduprojetd’évaluationdesbesoinsaveclaparticipationdescommunautésmenéeparlaSectiondupatrimoineculturelimmatérieletleBureaudel’UNESCOàKinshasa.©UNESCO2017Les désignations employées dans ce document et la présentation des données qui yfigurentn’impliquentde lapartde l’UNESCOaucuneprisedepositionquantaustatutjuridiquedespays,territoires,villesouzones,oudeleursautorités,niquantautracédeleursfrontièresoulimites.Les idéeset lesopinionsexpriméesdanscedocumentsont cellesde l’auteur,ellesnereflètentpasnécessairementlespointsdevuedel’UNESCOetn’engagentenaucunefaçonl’Organisation.

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TABLEDESMATIÈRESListedesacronymes.........................................................................................................................................3 

Introduction.........................................................................................................................................................4 

I.LaConventionde2003................................................................................................................................5 

II.LePCIensituationd’urgence.................................................................................................................7 

III.L’UNESCOetlasauvegardeduPCIensituationd’urgence....................................................11 

IV.DiversitéculturelleetPCIauNord‐Kivu........................................................................................12 

V.ConflitsarmésetdéplacementsforcésdepopulationsauNord‐Kivu................................16 

VI. Aidehumanitaireetapprocheparlarésilience..........................................................................19 

VII. OùsituerlePCIdansceschéma?....................................................................................................23 

VIII. Méthodologiedel’évaluationdesbesoins..................................................................................25 

Annexe:Grandeslignesduquestionnaired’enquête.....................................................................27 

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LISTEDESACRONYMES

CICR ComitéinternationaldelaCroix‐RougeCNR CommissionnationalepourlesréfugiésdelaRDCDRC DanishRefugeeCouncilDTM Matricedesuividesdéplacementsdel’OIMFNUAP FondsdesNationsUniespourlapopulationIDMC TheInternalDisplacementMonitoringCenterLPI Life&PeaceInstituteLSE LondonSchoolofEconomicsMONUSCO Missiondel'OrganisationdesNationsUniespourlastabilisationenRDCMSF MédecinsSansFrontièresNRC NorwegianRefugeeCouncilOCHA BureaudecoordinationdesaffaireshumanitairesdesNationsUniesOIM OrganisationinternationalepourlesmigrationsOMS OrganisationmondialedelasantéONG Organisationnon‐gouvernementalePCI PatrimoineculturelimmatérielPDI PersonnesdéplacéesinternesPNUD ProgrammedesNationsUniespourledéveloppementSIPC StratégieinternationaledesNationsUniespourlapréventiondescatastrophesUNESCO OrganisationdesNationsUniespourl’éducation,lascienceetlacultureUN‐Habitat OrganisationdesNationsUniespourlesétablissementshumainsUNHCR Haut‐commissariatdesNationsUniespourlesréfugiés

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INTRODUCTION

L’UNESCO souhaite réaliser une évaluation des besoins avec la participation descommunautésconcernantlasauvegardedupatrimoineculturelimmatériel PCI danslaprovince du Nord‐Kivu, en République démocratique du Congo RDC , et ce dans uncontextedeconflitdelongueduréeetdedéplacementsforcésdepopulations.L'objectifest de comprendre, d’une part, comment certains éléments du PCI sont affectéstransformation, adaptations, disparition, etc. par les conflits et déplacements, maiségalement si et comment certains éléments peuvent favoriser la résilience despopulationsdéplacéesetdescommunautésd’accueil,ainsiquelacohésionsocialeetlapaix.Cetteévaluationdesbesoinss’effectuerasurlabased’unétatdeslieuxdelaquestionàpartirdesourcessecondaires,suivid’uneenquêteauprèsdeplusieurscommunautésauNord‐Kivu.L’évaluationdesbesoinsviseundoubleobjectifàlafoisnationaletglobal.Elledevraitpermettred’élaboreruneactionspécifiquedesauvegardeduPCIpourleNord‐Kivu,etcedanslecadredelaConventiondel’UNESCOde2003pourlasauvegardedupatrimoineculturelimmatériel1 ci‐aprèsConventionde2003 .D’autrepart,l’activités’inscritdansun cadreplus générald’étudesde cas réaliséespournourrir les réflexionsduComitéintergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel sur le PCI ensituation d’urgence. L’activité est organisée par la Section du patrimoine culturelimmatérielausiègedel’UNESCOencollaborationavecleBureaudel’UNESCOàKinshasa.Cedocumentde référenceprécise toutd’abord le cadrenormatifdans lequel s’inscritl’évaluationdesbesoins,enrappelantlesgrandeslignesetprincipesdelaConventionde2003,toutparticulièrementceuxpertinentsauregarddel’évaluation.Onproposeensuitequelques pistes de réflexion générale sur les articulations entre PCI et situationsd’urgences,plusprécisémentlescontextesdeconflitsarmésetdedéplacementsforcésdepopulations,avantdefaireétatdesprioritésdel’UNESCOenmatièredesauvegardeduPCIdanscetypedecirconstances.Danslasuitedudocument,onseconcentresurleNord‐KivuendonnantquelquesélémentsdecontextesurladiversitéculturelleetlePCI,les conflitsarméset lespersonnesdéplacées internes, ainsique sur l’approchepar larésilienceadoptéerécemmentparlesacteurshumanitaires.Enfin,onsedemanderaoùse situe la question du PCI dans ce schéma, et on présentera la méthodologie pourl’évaluation des besoins. En annexe, on trouvera les grandes lignes du questionnaired’enquête. Celui‐ci, ainsi que la méthodologie, seront précisés dans le cadre deconsultations avec des personnes ressources et des représentants des différentescommunautés susceptibles d’être incluses dans l’enquête, et ce lors de la missionqu’effectueralaconsultanteàGoma,cheflieuxdelaprovinceduNord‐Kivu,enseptembre2017.

1 https://ich.unesco.org/fr/convention. Voir également les Directives opérationnelles pour la mise enœuvredelaConvention:https://ich.unesco.org/fr/directives?ref_paragraph en‐directives

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I.LACONVENTIONDE2003

L’UNESCOapourvocationlacoordinationdelacoopérationinternationaleenéducation,sciences,cultureetcommunication.Dansledomainedelaculture,l’organisationexercesonmandatedans lecadredeseptconventions internationalesayantpourobjectifdeprotéger et enrichir certains aspects de la culture et de la créativité, du patrimoinematériel cultureletnaturel etimmatériel,deladiversitédesexpressionsculturellesetdesindustriescréativesàlaluttecontreletraficillicitedesbiensculturels.Fermementinscritesdansuneapprochebasée sur le respectdesdroitshumains, ces conventionsétablissentune listede fondsgouvernementauxet internationaux,desmécanismesdecoopération et donnent des outils de suivi et d’évaluation. Elles soutiennent lesprogrammesderenforcementdescapacitésetd’autresinitiativespourlaprotectiondela culture ainsi quedupatrimoinenaturel et leur intégrationdans les stratégies dedéveloppementlocalesetnationales.LaConventionde2003partduconstatquelePCIestuncreusetdeladiversitéculturelle,contribuant à la créativitéhumaineet audéveloppementdurable.Elle apourobjectifd’assurerlaviabilitédespratiques,représentations,expressions,connaissancesetsavoir‐fairequelescommunautésetgroupeset,lecaséchéant,lesindividusreconnaissentcommefaisantpartiedeleurpatrimoineculturel,quisonttransmisdegénérationengénération,etquileurprocureunsensd’identitéetdecontinuité.LaConvention article2.2 proposeuneliste,quin’estqu’indicative,descinqdomainesauxquelslesexpressionsduPCIsontsusceptibles d’appartenir : a les traditions et expressions orales, b les arts duspectacle, c les pratiques sociales, les rituels et événements festifs, d lesconnaissancesetpratiquesconcernantlanatureetl’univers, e ainsiquelessavoir‐faireliésàl’artisanattraditionnel.LaConventionreconnaîtunedimensionmatérielleauPCIen considérant également la sauvegarde des instruments, objets, artefacts et espacesculturelsquiysontassociés.DanslepréambuledelaConvention,troisgrandstypesdefacteurssontidentifiéscommefaisantpeserdesmenacesgravesdedégradation,disparitionoudestructionsurlePCI:lesprocessus de mondialisation et de transformation sociale, ainsi que les phénomènesd’intolérance. Point particulièrement important dans les contextes conflictuels, laConvention ne considère que les éléments du PCI conformes aux instrumentsinternationaux existants relatifs aux droits humains, ainsi qu’à l’exigence du respectmutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durableimpliquantunusageraisonnédesressourcesnaturelles .Deplus,lanotiondePCItellequedéfinieparl’UNESCOpartd’unevisiondynamiquedesexpressionsculturelles.LaConventionreconnaîtquelePCIestrecrééenpermanenceparlescommunautésetgroupesenfonctiondeleurmilieu,deleurinteractionaveclanatureetde leurhistoire.Cetteoptiqueestdonc fort éloignéed’uneapproche statiquede laculture où le concept «d’authenticité» irait de soi et où il s’agirait de préserver desmanifestations culturelles dans un état «traditionnel» ou «non‐altéré». En effet, laConventionapoursouciprincipald’assurerlaviabilitéduPCIcommevecteurd’identitéetdebien‐êtredescommunautésetgroupesdétenteursdecePCI,etcedanslecadredurespect des droits culturels des personnes. Ne sont donc pris en compte que lesexpressions culturelles vivantes, c’est‐à‐dire encore pratiquées et socialementsignifiantespourungroupedonné.Dans le casoù ces expressions sontdégradéesou

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menacéesdedisparition,laConventionenvisagedesactionsderevitalisation.Cependant,il ne s’agit pas de ressusciter des éléments du PCI disparus, ni d’encourager lacommercialisationdespratiquesetexpressionsculturellessortiesdeleurcontextesocial.Enoutre,dansl’espritetlalettredelaConvention,lescommunautés,groupesetindividusdétenteursduPCIdoiventêtrelesacteursprincipauxdeladéfinitiondecequiconstitueleur patrimoine culturel et des actions souhaitables pour en assurer la viabilité. Lesinstitutions ÉtatspartiesàlaConvention,organisationsnationalesouinternationales,etc. et/oulesexperts universitaires, journalistes,artistes,chercheurs,etc. ontavanttout pour responsabilité d’assister les communautés et groupes concernés dans cestâches, y compris en leur faisant des propositions et en leur facilitant l’accès auxinstruments nationaux et internationaux de sauvegarde. Il s’agit donc d’adopter unedémarcheascendante bottom‐up baséesuruneréelleparticipationdescommunautés.L’UNESCOetlesorganesdelaConventionde2003 dontleFonddupatrimoineculturelimmatériel ne peuvent en aucun cas soutenir des actions auxquelles ne soient paspleinementassociéslescommunautésetgroupesdétenteursduPCI.LaConventionde2003n’estpasprescriptivedanssadéfinitiondes«communautés»,endehorsdufaitqu’ils’agitdecollectivitésdepraticiensoudedétenteursd’uneformedePCI.Lescommunautésainsienvisagéesn’ontpasforcémentdedimensionsterritorialeset institutionnelles ni de grande profondeur historique, et leurs limites et contenuspeuventêtrediversetmouvants.Enfin,laConventionentendparsauvegardelesmesuresvisantàassurerlaviabilitéduPCI, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, laprotection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement parl’éducationformelleetnonformelle,ainsiquelarevitalisationdesdifférentsaspectsdece patrimoine. Cependant, l’UNESCO ne soutient pas des actions qui viseraientsimplement à produire du savoir : toute démarched’identification/recherche/documentation doit avoir pour finalité de contribuer à laviabilitéduPCIauseindescommunautésetgroupesdétenteursdecepatrimoine.

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II.LEPCIENSITUATIOND’URGENCE

Danssonpréambule,l’Acteconstitutifdel’UNESCOproclameque«lesguerresprenantnaissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent êtreélevées lesdéfensesde lapaix. »L’organisationa adopté commeénoncédemission :«Construitelapaixdansl’espritdeshommesetdesfemmes».Aussi,laquestiondurôledupatrimoineculturelcommevecteurdepréventiondesconflitsetdeconstructiondelapaixestunepréoccupationcentraledel’UNESCO.EnmatièredesauvegardeduPCI,l’UNESCOainitialementconcentréseseffortssurunrenforcementdescapacitésinstitutionnellesetprofessionnellesdesÉtatsmembres2,ycomprisensoutenantdesprojetsetprogrammesspécifiques3.Cependant,ilestapparuqueleseffetsdessituationsd’urgencesurlePCInécessitaientd’êtremieuxappréhendésafind’opérationnaliserlaConventionde2003etd’apporterdesréponsesplusadaptées.C’estlecasdesconflitsarmésoùlacultureestparticulièrementmenacéeenraisondesavulnérabilitéintrinsèqueetdesatrèsgrandevaleursymbolique.LesviolentesinfligéesauxsitesreligieuxethistoriquesdanslesconflitsrécentsauMali,enSyrieouenIrakontété largementmédiatisées et sont objetsd’attentionde la part des acteursdu régimeinternationaldeprotectiondupatrimoine,aupremierchefduquelsetrouvel’UNESCO.Cependant,danscescontextescommedansbiend’autres,leseffetsdesconflitssurlePCIcomme composante des liens qui soudent des groupes d’individus et qui forment lacultureausensanthropologiquedutermesontplusdifficilesàappréhender.Onpeutnéanmoinsproposerquelquespistesethypothèsesdéveloppéessurlabasedestravaux de sciences sociales consacrés aux articulations entre conflits armés,déplacementsforcésdepopulationsetculture4.Rappelonstoutd’abordquelesdifférentsdomaines et éléments du PCI sont inscrits dans les pratiques sociales, culturelles,économiquesetpolitiques,etqu’ilscontribuentàformerlesreprésentationscollectivesetlesentimentqu’ontlesindividusdeleurappartenanceetdeleuridentité5.

2https://ich.unesco.org/fr/renforcement‐des‐capacités3https://ich.unesco.org/fr/projet4Lessourcesmentionnées icisontindicatives:M.AbuSayedArfinKhana etal., “Theuseofmedicinalplants in healthcare practices by Rohingya refugees in a degraded forest and conservation area ofBangladesh”,InternationalJournalofBiodiversityScience&Management,vol.5,n°2,2009,pp.76–82;K.Diehl,EchoesfromDharamsala:MusicintheLifeofaTibetanRefugeeCommunity,Berkeley,UniversityofCaliforniaPress,2002;M.Eisenbruch,«MentalhealthandtheCambodiantraditionalhealerforrefugeeswhoareresettled,wererepatriatedorinternallydisplaced,andforthosewhostayedathome»,CollegiumAntropologicum,vol.18,n°2,1994,p.219‐230;B.Harrel‐BondetK.Wilson,“DealingwithDying:SomeAnthropologicalReflectionsontheNeedforAssistancebyRefugeeReliefProgrammesforBereavementandBurial”,JournalofRefugeeStudies,vol.3,n°3,1990,pp.228–243;A.Honwana,«ChildrenofWar:LocalunderstandingsofwarandwartraumainMozambiqueandAngola»,inS.Chesterman dir. ,CiviliansinWar, NewYork, Lynne Rienner, 2001 ; K. Jacobsen, The Economic Life of Refugees, Bloomfield, CT,KumarianPress,2005;L.H.Malki,PurityandExile:Violence,Memory,andNationalCosmologyamongHutuRefugeesinTanzania,Chicago,UniversityofChicagoPress,2012;K.H.Perry,“FromStorytellingtoWriting:TransformingLiteracyPracticesamongSudaneseRefugees”,JournalofLiteracyResearch,vol.40,n°3,2008,pp.317‐358;B.Pouligny,«Construirelapaix»aprèsdesmassacres»,RevueTiersMonde,vol.2,n°174,2003,p.417‐438.;S.M.Weineetal.,“Psychiatricconsequencesof"ethniccleansing":Clinicalassessments and trauma testimonies of newly resettled Bosnian refugees”, The American Journal ofPsychiatry,vol.152,n°4 ,1995,pp.536‐542.5PouruneintroductionauxdifférentsaspectsduPCI,voir,parexemple:L.SmithetN.Akagawa,IntangibleHeritage,Londres,Routledge,2008.

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En premier lieu, les crises peuvent avoir pour effet de détruire, ou tout aumoins dereprésenterunemenacesurlaviabilitédecertainsélémentsduPCI.Eneffet,lesconflitspeuvent produire de profonds bouleversements au niveau individuel et sociétal :l’expériencede laviolence, lamortet ladispersiondesmembresde la familleetde lacommunauté, ladestructiondesespacesdeviedont lesmilieuxnaturels, lapertedesbiensetdesmoyensdesubsistance,lanécessitédechercherrefugedansdescampsoudes communautés d’accueil6, etc., le tout créant d’immenses souffrances physiques etpsychologiques.Cesfacteurssontsusceptiblesd’induireladislocationdeslienssociaux,lapertederepèresetdesens,etd’irrémédiablementaltérerlespratiquesculturelles.Deslanguespeuventdisparaître,etavecelleslacultureoraled’unpeuple.Ilenvademêmedesconnaissancesetsavoir‐faireliésàl’environnementd’originedesdéplacés,quin’ontplus d’utilité dans un nouveau contexte et ne sont plus transmis. Les techniquesartisanales peuvent se perdre lorsque l’accès aux matières premières, aux lieux defabricationetauxréseauxdeproductionetdecommercialisationestperdu.L’expériencedelaviolence,deladépossessionetdel’exilpeutrendreobsolètedesévènementsfestifstout comme des expressions artistiques. De surcroit, certaines manifestations de lacultureàfortevaleurcollective croyances,pratiques,expressions,modesdevieetdesubsidence, systèmes de valeurs, normes sociales, y compris dans leurs dimensionsmatérielles sontdélibérémentprisespourciblesparlesacteursdesconflitsquivisentàdétruirelesgroupesadversesenattaquantleursfondementsidentitaires.Ensecondlieu,laguerreetlesdéplacementstransformentlePCIsoitparadaptationdesélémentsexistantssoitparlacréationdenouvellespratiquesetexpressionsculturellescollectives issues demétissages, hybridations et adoptiond’influences extérieures. Lasurvie ne pouvant être uniquement individuelle, les crises produisent de nouvellessolidaritésetidentitéssociales,etlanotionde«communauté»setrouveredéfinie.Dansles conflits, il est fréquent que certaines pratiques culturelles acquièrent un sensnouveau,parexemplevialamiseenexerguedecertainstraitsculturelsparlesagresseurscommeparlesvictimesquicherchentàsedémarquerdesgroupesadversesetdurcissentleurs identités ethniques, religieuses, nationales, etc.Dansd’autres cas, lesmassacresentraînentdans leurdestructionunepartiedescodeset rituelsbasés sur les liensdevoisinageetdeparenté.S’ysubstituentdenouvellesformesdesolidaritésetd'attachestisséesdanslafuite,lesdéplacementssuccessifs,lescampsdedéplacés/réfugiés,etausein de communautés d’accueil. Les célébrations, rituels, expressions artistiquescollectivessontrenouvelésdansleurformeetinvestisdesensnouveaux reflétant,enparticulier,l’expériencedelaviolenceetdel’exil ,despratiquesinéditesvoientlejour,tout comme de nouvelles conceptions du patrimoine culturel basées sur l’expériencepartagée.Également,etpourutiliserunconceptsurlequelnousreviendronsplusloin,lePCIpeutêtreunfacteurderésilience.Lesindividusprisdansdessituationsdeviolence,derupturedutissusocialetdedéplacementforcé«transportent»certainsélémentsdeleurPCIaveceuxet,danscertainescirconstances,sontàmêmedepuiserdanscerépertoireculturel

6Letermede«communauté»,quandilestemployédanslecontextedesinterventionshumanitairesoudedéveloppement,n’apas lemêmesensquedans laConventionde2003. Il s’agitplutôt ici à la foisd’unendroit,desgensvivantencetendroit,del’interactionentrecesgens,dessentimentsquinaissentdecetteinteraction,delaviecommunequ’ilspartagentetdesinstitutionsquirèglentcettevie.Voir,àcepropos:C.Jacquier,«Qu'est‐cequ'unecommunauté?Enquoicettenotionpeut‐elleêtreutileaujourd'hui?»,Viesociale,vol.2,n°2,2011,pp.33‐48.

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pourdonnersensà leurexpérience tragique,y faire faceets’enrelever.Leprocessusréparateursenourritdetouteunegammedepratiquesculturellesquirécréentduliensocialentremembresdugrouped’origine rituelsdedeuil,decommémorationsetdecélébrations,pratiquesspirituellesetreligieuses,expressionsartistiques,etc. ,danslescamps de déplacés/réfugiés et avec les communautés d’accueil modalités decommunication et d’échange, de recherche et d’octroi d’hospitalité, de protection, demoyensdesubsistance,etc. .Lesconnaissancesetsavoir‐faireancestraux le«care»ousoins à autrui tels l’accompagnement au deuil, l’aide à l’accouchement, la médecinetraditionnelle; les pratiques agricoles, l’artisanat, les savoirs environnementaux peuventêtremobilisés commemoyensde survieetde recréationdu lien social entregénérations,sexes,populationsdéplacéesethôtes.Enfin,lePCIpeutégalementcontribueràrétablirdesrelationspacifiquesentregroupeset personnes via des mécanismes de réconciliation ou de réintégration acceptéssocialement. Au Mozambique, des médiums et des guérisseurs ont permis laréintégrationpacifiqued'enfantssoldatsauseinde leurcommunautéd'origine,par lebiais de rituels de purification qui concernaient l'ensemble de la communauté. AuCambodge, des guérisseurs traditionnels ont également joué un rôle décisif dans leprocessus de réintégration des personnes déplacées et réfugiées. Ils ont notammentpermis de recréer des articulations dans l'ordre symbolique et de réinterpréterdifférentesrupturesvécuespar lasociété.EnIraketenSyrie,certainescommunautésmobilisent le droit coutumier pour solder les crimes commis durant les conflits etendiguer l’enchainement de la vengeance qui peut se poursuivre bien au‐delà del’instaurationofficielledelapaix.Dansdescontextesvariés,resteàsedemanderquelsontlesfacteursquiconstituentunemenace sur la viabilité de certains éléments du PCI, et quels éléments sont les plusvulnérables.Etégalement,quellessontlesconditionsfavorablesàl’expressionetl’usaged’élémentsduPCIaurôleréparateurdelapersonne,duliensocial,aurétablissementdesmoyensd’existence,duvivre‐ensembleetdelapaix.D’unepart,ilfautprendreencomptelesmodesd’expressionet leseffetsde laviolence massacresdecivils,viols, tortures,enlèvements,destructiondelieuxdevie,desitesàvaleurculturelle,etc. ,lescontraintesimposées par les contextes sécuritaires, sociogéographiques rural, urbain, camp dedéplacés/réfugiés ,lesopportunitésd’accèsauxressourceséconomiques,auxespacesetobjetsnécessairesauxexpressionsculturelles,lescontextesjuridiques,etc.D’autrepart,il faut interroger l’autres versant des relations dans lesquelles les déplacés et autresvictimes de conflits s’inscrivent: la perspective des communautés d’accueil et desautorités nationales et locales, celle des institutions qui fournissent de l’assistancehumanitairedanslescampsethorsdescamps,celles,encore,quirépondentauxbesoinsspirituelsdespersonnes.Notons que les organisations humanitaires intègrent encore peu la culture dans lesévaluationsdeseffetsdescatastrophesoudesbesoinsdesréfugiésetdesdéplacés.Danslesphasesde stabilisationpuisde relèvement dont le retourdesdéplacés/réfugiés ,certainsaspectsde laculturedespopulationsassistéessontparfoisenvisagéscommeinstruments ou vecteurs permettant d’atteindre des objectifs humanitaires ou dedéveloppement.Lessystèmesdereprésentations, lesnormesetpratiquessociales, lesrituels,lesconnaissancesetsavoir‐fairetraditionnelspeuventalorsêtremobilisésdanslecadred’interventionspsychosociales portant,parexemple,sur lasantémentale, le

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mariageprécoce, lesviolencessexuellesoubaséessur legenre ,oupoursoutenirdesactivités génératrices de revenus généralement via l’agriculture ou l’artisanattraditionnels ,ouencorepourmettreenplacedesmécanismesderésolutiondesconflitss’appuyantsurlesprocessuscoutumiers.Cependant,ilestrarequesoientprisencomptelerapportdelacultureauxcausesprofondesetauxmanifestionsdesconflits,ainsiqueles effets à moyen et long terme des conflits sur la culture vivante des populationsconcernées. Il est encore moins fréquent que la culture soit envisagée comme unedimension des droits humains. Or, ces aspects ont de profondes implications sur lacapacitédespersonnesetdessociétésàsereleverdesconflits,surlapossibilitépourlesgroupesantagonistesdedialoguer,deconstruirerespectetreconnaissancemutuels,etd’instaurerunepaixdurable.

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III.L’UNESCOETLASAUVEGARDEDUPCIENSITUATIOND’URGENCE

Lacompréhensionetlapriseencomptedeseffetsspécifiquesdescatastrophesnaturellesoud’originehumainesurlePCIdespopulationsconcernéesdemeurentpartielles,toutcommelepotentielduPCIàcontribueràlarésiliencedespopulationstouchéesparlescrises.C’estdanscecadrequel’UNESCOalancéuneréflexionsurlessituationsd’urgenced’origine humaine et sur leurs articulations avec le PCI, et ce afin de mieuxopérationnaliser laConventionde2003etd’apporterdes réponsesprogrammatiquesauxsituationsspécifiques.Afindepréciserlapositiondel’UNESCOdanscedomaine,onciteraletexteprincipalproduitparl’organisationsurcethème.LaStratégiepour le renforcementde l’actionde l’UNESCOenmatièredeprotectiondupatrimoinecultureletdepromotiondupluralismeculturelencasdeconflitarmé,adoptéeennovembre2015par la38eConférencegénéralede l’UNESCO7, comporte lespointssuivants:

Paragraphe7.Uneautrepréoccupationmajeurepourl’UNESCOtientàlaprivationdesdroitsculturelsdespopulations touchéespar leconflit,etenparticulieraunombrecroissantderéfugiésetdepersonnesdéplacéesdansleurproprepaysàtravers le monde. Ces personnes sont notamment incapables d’accéder aupatrimoineculturel,d’exprimerpleinementleurpatrimoineculturelimmatérieletdeletransmettreauxjeunesgénérations,dejouirdelalibertéd’expressionetdecréativité,etdeparticiperàlavieculturelle.Cephénomènerisqueàcourttermede renforcer les causes profondesdu conflit et de créer des tensions entre lespopulations concernées, notamment entre les personnes déplacées et lescommunautésquilesaccueillent.Àlongterme,cettesituationrisqued’entraîneruneperteirréversibledeladiversitéculturelle,etderendreplusdifficileleretouret la réinsertion des populations dans leur pays d’origine. Inversement,l’expérience a montré le rôle positif des initiatives axées sur la culture pourfavoriserlareconnaissancemutuelleetledialoguependantetaprèslesconflits,ainsi que le rôle essentiel de la culture et du patrimoine comme moteurs etcatalyseursdudéveloppementdurable.Paragraphe10. … ilexisteaujourd’huiuneprisedeconsciencecroissantedufaitquelaprotectiondeladiversitéculturelleetlapromotiondupluralismeculturel,àtraverslasauvegardedupatrimoinematérieletimmatérieldescommunautésetlaprotectiondesdroitshumainsetdeslibertésfondamentales,sontplusqu’uneurgence culturelle. Il s’agit d’un impératif humanitaire et de sécurité dans lessituationsdeconflitetdetransition,etunélémentessentielpourgarantirunepaixet un développement durables. La participation et l’accès à la culture et à sesexpressions vivantes, notamment au patrimoine immatériel, peuvent aider àrenforcerlarésiliencedespopulationsetàsoutenirleurseffortspoursupporteretsurmonterlacrise. … Paragraphe34.Encollaborationavecdesacteurshumanitairesdepremierplantelsque l’UNHCR, l’Organisation internationalepour lesmigrations OIM et leComité international de la Croix‐Rouge CICR , l’UNESCO proposera des

7http://fr.unesco.org/patrimoine‐menacé/Stratégie‐culture‐conflit‐armé;

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méthodes,desoutilsetdesactivitésopérationnelles,éventuellementconjointes,destinésàpromouvoirlaprotectiondeladiversitéculturelleentantqu’élémentconstitutifdelaprotectiondesréfugiésetdéplacés.Uneattentionspécialeseraaccordéeàlapriseencomptedesdroitsculturelsdecesderniersdanslesservicesquileursontproposésetdontilsbénéficientdanslescampsetlescommunautésd’accueil.Desinitiativesculturellesfavorisant lacompréhensionmutuelleentreles réfugiés et déplacés et leur communauté d’accueil seront égalementenvisagées.

En adéquation avec ces orientations stratégiques, l’UNESCO intègre à présent lasauvegardeduPCIdanslesplansd’actiondédiésàdespays/conflitsspécifiques,àcejourlaLibye,l’Irak,laSyrieetleYémen.Poursapart,leFondsdupatrimoineculturelimmatériel,organeétabliparlaConventionde2003,aoctroyé,en2013,uneaideinternationaled’urgenceauMaliafinderéaliseruninventaire du PCI permettant d’assurer sa viabilité et de contribuer au dialogueinterculturel, en priorité dans les régions précédemment occupées par des groupesarmésetdesextrémistes.En2015,laCôted’Ivoireareçuuneaidesimilaireafindemenerun travail d’inventaire du PCI en vue de sa sauvegarde urgente et de sa valorisationcommel’undesaxesmajeurspourlaconsolidationdelapaixetlastabilisationdupaysaprèsdixansdecrisepolitiqueetmilitaire.Enfin, leComité intergouvernementaldesauvegardedupatrimoineculturel immatérielonzièmesession,AddisAbeba,28novembre‐2décembre2016 adécidéd’encouragerl’UNESCOàmenerdesétudesafindemieuxcomprendrelerôledescommunautésàlafois dans la sauvegarde de leur PCImenacé dans les situations d’urgence et dans samobilisation comme outil de préparation, de résilience, de réconciliation et deredressement8. L’identification des besoins au Nord‐Kivu s’inscrit dans cette doubledémarche, et vient en complément d’une première étude entreprise sur le PCI desréfugiés et déplacés syriens9. Outre nourrir les réflexions et les décisions du Comitéintergouvernemental,cesenquêtesvisentàélaborerdespropositionsd’interventionsaubénéficedescommunautésconcernées.

8https://ich.unesco.org/fr/Décisions/11.COM/159G.ChatelardavecH.KassabHassan,ASurveyof theIntangibleCulturalHeritageofDisplacedSyrians,rapportpourlaSectiondupatrimoineculturelimmatériel,Paris,UNESCO,2016.

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IV.DIVERSITÉCULTURELLEETPCIAUNORD‐KIVU

LaprovinceduNord‐Kivu,àl’extrêmeEstdelaRDCongo,estunerégiondelacs,plaines,montagnesetplateaux,richeenressourcesagricoles,forestièresetminérales.Surleplansocialethistorique,ellefaitpartied’unensembleplusvastequicomprendlesprovincescongolaisesactuellesduSud‐Kivu,duManiema,unepartiedelaprovinceOrientale,etc.Le deuxKivu sont en outre frontaliers de l’Ouganda, duRwanda et duBurundi, aveccertainespopulationsàchevaloucirculantentrecesdiversterritoires.CarteadministrativeduNord‐Kivu

Comme dans d’autres contextes où se manifestait la diversité socioculturelle etlinguistique, lapuissancecolonialeeu tendanceàmettreenrelief lesdifférencesentregroupesplutôt que lesmécanismesde cohabitation, de communication, d’échange, depassaged’ungroupeàl’autre,demétissage, laplasticitédespratiquesculturelleset lalabilitédesidentitéssociales.Ontrouveainsiuneimportantelittératureethnographiquequi,même après l’indépendance, catégorise les populations duCongo sur la base desdifférenteslangues,croyancesetpratiquesculturelles,desmodesd’organisationsocialeetpolitique,desmilieuxgéographiquesetdesactivitéséconomiques.Dansl’Estdupays,comme ailleurs, ce type d’approche classificatoire a servi de socle à des pratiquespolitiques,légalesetadministrativescolonialesdontcertainesontétéadoptéesparlesgouvernementsaprèsl’indépendance,etquionteupoureffetdecristalliserlesidentitésdescesgroupes.OnconsidèreàprésentcommunémentqueleNord‐Kivuabriteunevariétédegroupessocioculturels ou sociolinguistiques, diversement appelés peuples, tribus ou ethnies,l’usagedecettedernièrecatégories’étantdiffuséedanslecontexteduconflitquitouche

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larégiondepuislesannées1990.Parordrealphabétique,etsansquecettenomenclatureprétendeàl’exhaustivité,lesgroupeslesplusfréquemmentmentionnésdanslessourcesconsultéessontlesHundes,Hutus,Kumus,Kusus,Legas ouRegas ,Mbubas,Nandes ouYiras ,Nyangas,Shis,Tembos,TutsisetTwas ouBambutis/Mbutis 10.Beaucoupdecesgroupessontaussiprésentsdanslesprovincesvoisines.D’autresgroupeslocauxouissusdelamigrationserattachentauxpeuplesdominants.Selonlesmilieuxgéographiques,lespopulations vivaient traditionnellement de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, del’artisanat et du commerce. Les Twas, des chasseurs‐cueilleurs mobiles connus enOccidentsouslenomdePygmées,occupaientleszonesforestières.Le Congo, et l’Afrique subsaharienne en général, n’étant pas note aire culturelle despécialisation, nousn’avonspaspour ambition ici de faireune revuede la littératureconcernantlesculturesdespopulationsduKivu.Nousn’avonsluquequelquesarticlesou ouvrages au sein de la riche production ethnographique de type monographiquementionnée plus haut et qui se penche sur un people, une coutume, un système decroyances, une forme d’expression culturelle, un savoir ou un savoir‐faire11. Cesdocumentsne sontd’ailleurs généralementpasdisponibles en ligne.Maisnousavonsconsultédesrésumésetdesrecensionsdeplusieursdecestravaux.Cequenousenavonscompris,aveclesprécautionsquis’imposent,c’estque,quelquesoitle«peuple»oula«tribu»considéré,lesmanifestationsculturellesquirelèventdesdomainesduPCIétaientancréesdansdesuniverscohérentsetholistiquesdecroyances,d’organisationsocialeetdenormessansqu’existededistinctionentreprofaneetsacré.Lacultureétaittransmiseauseindelafamilleetdugroupesocialplusvastegénéralementbasé sur les liens de parenté d’où les notions de clan et de tribumobilisées par lesethnologues , au travers d’institutions sociales et politiques, et avait un ancrageterritorial espacegéographiqueoumilieunaturelassociéàun«clan»ouun«peuple»,etlieuxdédiésàdespratiques/expressionsculturellesspécifiques .La cultures’exprimaitpar l’oralité récits sur lesancêtreset leshéros, contes,poésie,proverbes,devinettes,etc. ,lelangagegestuel,l’esthétiqueducorps,lechant,lamusique,ladanseetlesartefactsassociés masques,costumes,instruments,armesblanches,etc. ,etàtraversdesconnaissancesetsavoir‐fairerelatifsàtouslesdomainesdelaviesociale.Cérémonies et rituels constituaient autant de moments forts où se manifestaient lesexpressionsculturelles,etceenlienaveclesdivinités,lesancêtres,lanature,lesactivitésagricoles ou de chasse, les grandes étapes de la vie naissance,mariage, décès, etc. ,l’institution intronisation,etc. desdétenteursdupouvoir,l’incorporation initiation etlaparticipationaux institutions sociales groupesd’âgeetde statut , l’entretienou lerétablissement des équilibres interventions thérapeutiques, sorcellaires, médiations,jugements, réparation des torts, etc. . De manière plus quotidienne, les activitéséconomiquesetsocialess’appuyaientsurdesnormes,desrituels,desexpressionsorales,10Nousoptonspourunemarqueduplurielenfrançaisplutôtquepourlarèglelocalequisembleêtrelepréfixe «ba»mais que nous nemaitrisons pas. Par exemple, on trouve dans la littérature aussi bienHundesqueBahunde.11Voir,àtitred’exemples:K.Kavutirwaki,Contesfolkloriquesnande,Tervuren,Muséeroyaldel'Afriquecentrale, 1975, 2 vol.; D. Kitsa Buunda Kafukulo, Proverbes et maximes des Bahunde: Migani, Paris,L'Harmattan,1998;P.LievenBergmans,UsetcoutumeschezlesWanandesdanslarégiondeLubero.I,Lafabricationdescruchesetdespots,Bruxelles,L’Afriqueardente,1954;idem,ChaisesetescabeauxchezlesWanande,Bruxelles,L’Afriqueardente,1955;M.Shangaetal.,TraditionsverbalesetrituelleschezlesLele,Kuba,Ding,Lulua,Luba,KomoetYira Rép.duZaïre ,Bandundu,Ceeba,1984.

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des savoir et savoir‐faire, etc. transmis au sein du groupe et constituant des facteursd’identificationcollective autourdugenre,del’âge,dustatut,delaparenté,etc. .Les populations de l’Est du Congo sont engagées dans de multiples processusd’acculturation qui ne datent pas d’hier, et ce tout d’abord entre différents groupessociolinguistiquesvivantetinteragissantsurcevasteterritoire.Surplusieurssiècles,larégionaétéprogressivementintégréeàl’espacecultureletlinguistiqueswahili.DèsleXIXesiècle,desréseauxcommerciauxouvertsdepuisl’Océanindien dontceuxdelatraitedesesclaves ontfavorisélapénétrationdel’islampuisduchristianisme.Lesreligionsimportées, la présence coloniale 1908‐1960 , la création d’un État congolaisindépendant, de nouvelles conceptions de l’éducation, le processus d’urbanisation, lamodernité technologique, la mondialisation et d’autres facteurs ont bouleversél’environnementsocial.Leslanguesdesgroupesminoritairessurleplandesrapportsdeforcepolitiquesetéconomiquestendentàdisparaitre,tandisqueleswahilisertd’idiomevéhiculaireetlefrançaisdelanguedel’éducationmoderneetdel’administration.Àprésent,desuniversderéférencehétérogènes sociaux,linguistique,religieux,culturels,politiques, économiques cohabitent voire s’affrontent dans l’Est du Congo. Certainespratiquesetexpressionsculturellesontété totalementoupartiellementabandonnées,tandisquedenouvellesontétéintroduites.Cequ’ilsembleconvenud’appelerlocalementles«coutumes»oulaculture«ancestrale»,ycomprislareligionpopulaire,aconnudeshybridations,desmétissagesetdesréinterprétations.Lesélémentsculturelsontchangédeformeetdesignificationpourcontinueràêtrepertinentsdanslemonded’aujourd’hui.Les plusmédiatisés relèvent des arts du spectacle chant,musique et danse : on entrouvedesexemplesdansdesvidéosoudesarticlesdepresseetblogsenligne pratiquesspontanées ou organisées accompagnant des réjouissances, performances servant demarqueuridentitaire,démonstrationscommercialiséesdanslecadredutourismeoudefestivals12 .

12https://habarirdc.net/festival‐amani‐a‐t‐vraiment‐impact‐paix‐lest/

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V.CONFLITSARMÉSETDÉPLACEMENTSFORCÉSDEPOPULATIONSAUNORD‐KIVU

L’EstdelaRDCestlethéâtrededéplacementsforcésàgrandeéchelledepuislesannées1990, tant à l’intérieur qu’au‐delà des frontières. Ces déplacements sont l’une desmanifestationsdelaprofondecrisepolitiqueethumanitairedontsouffrecetterégion,etqui affecte le Nord‐Kivu avec une intensité particulière13. L’arrivée de centaines demilliers de réfugiés après le génocide rwandais en 1994 a totalement bouleversél’équilibredémographiquecomplexeetdéjà fragilede larégion.Parmi lesréfugiés,setrouvaientdesmiliciensinterhamwe uneorganisationparamilitairehutuequifutleferdelancedugénocide ,etdessoldatsdesForcesarméesrwandaises.LahaineentreHutusetTutsisinstallésenterritoirecongolaisatteignitalorssonparoxysmedonnantauconflitunedimensionethniquequiapolarisél’ensembledelasociété.L’extensionduconflitàl’intérieur du Kivu et l’implication armée d’États voisins ont eu des conséquencesdramatiquesetdurables.Lacompétitionpourl’accèsauxterres agricolesetpastorales ainsiqu’auxressourcescommel’eau,leboisoulesmineraissontdevenusdesfacteursdeconflitsentregroupessachantquelaquestionfoncièrenerevêtpasjusteunedimensionéconomique,maisestintimementliéeàl’identitédesgroupeslocauxetsertd’assiseauxpouvoirscoutumiers.Lesgroupesarméssesontmultipliés:onencompteaujourd’huiaumoinssoixante‐dixdanslaseuleprovinceduNord‐Kivu,sansquelesdistinctionsentreforcesétatiquesetnon‐étatiques,ouentremotivationspolitiquesetcriminellessoienttoujoursclaires.Lesmilicesetlesarméesontmislamainsurlesprincipauxsitesminiers,installantuneéconomiecriminelleprivatisée,militarisée,trèsprofitableettrèsviolente.Lesgroupesarmés,quisereplientets’affrontentessentiellementdansleszonesrurales,provoquentdesmouvementsdepopulationd’intensitédiverse,parfoisjusqu’àplusieurscentainesdemilliersdepersonnes.Augrèsdesdifférentsaccordsdepaixetd’intégrationdesgroupesrebellesdanslesForcesarméesdelaRDC accorddeGomade2008,accordtripartitede2010surleretourdesréfugiésrwandais,accordcadrepourlapaixenRDCetdans larégionde2013 , lespopulationsdéplacéesrentrent,parfoisenmasse,dansleursterritoiresd’origine.Maislesanciensgroupesserecomposent,denouveauxvoientlejour,etlespopulationscivilescontinuentdeconnaitrel’insécurité,soitparcequ’ellessontsurleslignesdefront,soitparcequ’ellessontvictimesd’opérationsdevengeanceoud’attaquespurementcriminellesquisemanifestentpardesmassacres,desviols quitouchentaussileshommes ,desenlèvementsdejeunesgensetjeunesfilles,desrackets,des pillages et destruction de villages. Même quand elles ne sont pas attaquéesphysiquement,lespopulationssubissentlevoldesrécoltesetdubétail,l’insécuritédansl’accèsàleursterresagricoles,àl’eau,auboisetàd’autresressources.Le chiffre actuel des personnes déplacées internes PDI tourne autour d’1 million,cependant,survingtans,cesontsansdouteplusieursmillionsdepersonnesquiontfait

13Lesprincipalessourcesconsultéespourcettepartiesont:P.MathieuetA.MafikiriTsongo,«GuerrespaysannesauNord‐Kivu RépubliquedémocratiqueduCongo ,1937‐1994»,Cahiersd'étudesafricaines,vol. 38,n°150,1998,pp.385‐416;C.Musila, «Economieet géopolitiqueduKivu: territoireet espacefrontalierorientaldelaRépubliqueDémocratiqueduCongo»,Fiched’analyseIrenees,2015;R.Pourtier,«LeKivudanslaguerre:acteursetenjeux»,EchoGéo,2009;J.Stearns,Nord‐Kivu:ContextehistoriqueduconflitdanslaprovinceduNord‐Kivu,àl'estduCongo,Nairobi,InstitutdelaValléeduRift,2013;Idem,Pareco:Questionsfoncières,hommesfortslocaux,etpolitiquedemiliceauNord‐Kivu,Nairobi,InstitutdelaValléeduRift, 2013;K.VlassenrootetT.Raeymaekers, dir. , Conflict andSocialTransformation inEasternDRCongo,Gent,AcademiaPress,2004;etJ.‐C.Willame,LaGuerreduKivu,Bruxelles,GRIP,2010.

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l’expérience du déplacement forcé, la population totale de la province étant estiméeaujourd’hui à au moins 7 millions d’habitants. Outre le grand nombre de déplacésinternes, laprovinceconnaîtdesmouvementsréguliersderéfugiésversoudepuis lespaysvoisins.Issus des zones rurales,les PDI pratiquaient généralement, avant leur déplacement,l’agriculture de subsistance manioc, patate douce, haricot, banane, etc. et animauxdomestiques dontlaplusgrandepartétaitdestinéeàlaconsommationfamiliale.Maisilexisted’autressituations,commecelledeséleveurscommerciauxdebovinsenconflitaveclescultivateurs,particulièrementdanslesTerritoiresduMasisietduRutshuru14.Lapêcheetlachasseétaientdesactivitéscomplémentaires.NotonsaussilecasparticulierdesTwaschassésdeleurshabitatsforestiersdanslesparcsnationaux quicouventunegrandepartiedelaProvince ,relocalisésdansdeszonesruralesoùilssesontreconvertisdans l’agriculture,etànouveaudéplacéspar leconflit15.Àdesdegrésdiversselon lessituations, le déplacement a causé la perte des biens matériels et des moyens deproduction instrumentsdetravail,terres,semences,bétail,etc. .D’aprèslesorganisationshumanitaires,beaucoupdepersonnescherchentàresterleplusprèspossibledel’endroitoùelleshabitentafindepouvoirsurveillerleursterresetsuivrel’évolution de la sécurité. Cependant, un grand nombre de déplacés sont forcés des’éloignerdavantageetpourdespériodespluslongueslorsquelaviolencepersisteoulespoursuitdevillageenvillage.SelondesétudesmenéessurleterrainparMédecinssansFrontières MSF en2009,lesPDIsedéplaceraientenmoyennesurunedistancequ’ilspeuventcouvrirenunedemi‐journéeàunejournéeetdemieavantdetrouverunendroitsûr16.Descommunautésentièresontétédéracinéesàplusieursreprises.Ledéplacementadesincidencessurl’ensembledelasociété:nonseulementlesPDI,maisencore lesfamillesetcommunautésd’accueil,ainsique lespersonnesquisontrestéesdanslesterritoiresd’origine,etenfinlesrapatriés17.Début2017,environ150000PDIétaientregroupéesdansunequarantainedecampsoùl’assistanceestcoordonnéesoitparl’OIM,soitparl’agencedesNationsUniespourlesréfugiés UNHCR 18,etceavecleconcoursadministratifettechniquedelaCommissionnationalepourlesréfugiés CNR .L’OIMpublierégulièrementdesprofilsdessitesoùellecoordonne l’assistance19. Certains camps n’accueillent que quelques centaines depersonnes,tandisquelesdeuxplusgrands,situésàlapériphériedeGoma,enregroupentplusieursdizainesdemilliers.Notonsquelatendanceestàlafermeturedescampsetà

14http://caritasgoma.org/si‐rien‐nest‐fait‐labattage‐des‐vaches‐peut‐conduire‐a‐une‐nouvelle‐guerre‐a‐kitshanga‐un‐notable/15 «Effacer le tableau ».Rapport de lamission internationale de recherche sur les crimes commis, enviolationdudroitinternational,contrelesPygméesbambutidansl’estdelaRépubliquedémocratiqueduCongo,RéseaudesAssociationsAutochtonesPygméesduCongoetMinorityRightsGroupInternational,2004.16MSF,L’urgenceauquotidien:souffrancesilencieuseenRépubliqueDémocratiqueduCongo,2014,p.45.17Numérospécialde larevueMigrationsForcées“RépubliquedémocratiqueduCongo.Passé.Présent.Avenir?”,n°36,décembre2010;etF.BeytrisonetO.Kalis,«Déplacementrépétédansl’estdelaRDC»,MigrationsForcées,n°43,juillet2013.18 https://www.humanitarianresponse.info/fr/operations/democratic‐republic‐congo/cccm‐gt‐sites‐de‐déplacement‐019https://www.humanitarianresponse.info/fr/operations/democratic‐republic‐congo/document/cccm‐profils‐des‐sites‐coordonnés‐par‐loim‐au‐25‐3

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l’incitationauretourdanslesrégionsd’origine:ainsi,lescampsàlapériphériedeGomaontétédémantelésenjuilletdernier,cequinesignifiepaspourautantquelesdéplacésontquittélessites.Enoutre,lescampsnesontpasfermés:lesrésidentslesquittentpourtravailler,retournerchezeux,cultiverleursterresouencorerendrevisiteàdesparentsetamisvivantailleurs.Cependant,lagrandemajoritédesdéplacés 70%à80%selonlessources demeurehorsdescampsetestpeuaccessibleàl’assistancehumanitaire.Depuis2014,l’OIM,àtraverssamatricedesuividesdéplacements DTM ,collectedesdonnéesafindeprofilerlesPDIet leurs mouvements, comprendre les dynamiques locales de conflits, identifier lesbesoinsmultisectoriels, et déterminer les intentions desPDI enmatière de retour oud’intégration locale20.Pratiquement toutes les famillesd’accueil sontelles‐mêmes trèspauvresetégalementtouchéesparleconflit,cequitendàengendrerunesituationdevulnérabilitéetdeprécaritépourl’ensembledelapopulationdeceszones.Danscertainscas,lescommunautésd’accueiln’arriventplusàpartagerlesressources dontlesterrescultivables avecdesdéplacésquinepeuventpourtantpasrentrerchezeux,cequicréedeslitiges.CertainsPDIfinissentpars’installerenmargedesvillagesouparrejoindrelescamps.BeaucoupdePDIsesontétablisdansleszonesinformellesàlapériphériedesprincipalesagglomérationspourchercherdesmoyensdesubsistancealorsmêmeque lecontextesocialetéconomiqueurbainestfragile.Goma,lechef‐lieuprovincial,aainsiconnuunecroissancedémographiquehorsnorme:lavillecompteplusd’unmilliond’habitantsdontaumoins11%dedéplacés,40000résidantdansdescampsdébut2017.Commec’estlecasailleurs,lasituationdedéplacementforcéaccélèrel’exoderuraletrendencoreplusproblématiquel’accèsdesmigrantsetdesautresrésidentsaumarchédel’emploietauxservicesdansuncontexteoul’Étatcentralestlargementabsent.Enoutre,lasécuritéresteprécairedansbiendeszones,contrariantleretourdesPDIdansles villages d’origine. Même là où la situation semble stabilisée, les retours peuvents’avérer problématiques car les terres agricoles ont été réoccupées entre‐temps pard’autrespersonnes,parfoiselles‐mêmesdéplacées.

20http://www.globaldtm.info/democratic‐republic‐of‐congo/

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VI. AIDEHUMANITAIREETAPPROCHEPARLARÉSILIENCE

Aprèsvingtansdecrise,l’aidehumanitaireclassique,axéesurlaréponsed’urgenceauxbesoins à court terme abris, eau et assainissement, santé, nutrition, éducation etprotection , s’estessoufflée.Ceciestenpartiedûau faitqu’ellen’estpasadaptéeauxbesoinschroniques,etquelesfinancementsinternationauxsonttrèslargementenbaisse.Commelesouligneunerécenteévaluationdel’interventionhumanitaireenRDC:

« Dans le contexte de cette crise prolongée, la communauté internationale setrouve dans un no‐man’s land, elle n’opère plus vraiment dans un cadretraditionnel d’urgence mais ne parvient pas non plus à se déplacer vers unesituation plus transitionnelle dans laquelle les acteurs du développementpourraientprendrelerelais»21.

Pouraiderlespopulationslocalesàsereleverdescrisesrécurrentes,enparticulierenrépondant mieux aux déplacements prolongés, les organisations humanitairess’orientent versunautremodèle, celuide la résilience22.Dans le cadrede la StratégieinternationaledesNationsUniespourlapréventiondescatastrophes SIPC ,leconceptderésilienceaétédéfinicommesuit23:

«Lacapacitéd’unsystème,unecommunautéouunesociétéexposéeauxrisquesderésister,d’absorber,d’accueilliretdecorrigerleseffetsd’undanger,entempsopportunetdemanièreefficace,notammentparlapréservationetlarestaurationdesesstructuresessentiellesetdesesfonctionsdebase.»

Autrementdit, lesacteursdel’humanitaireconsidèrentquelarésilienceprocèdedelacapacitéd’unecollectivitéàpuiserdanssesressourcespourfairefaceauxchocsets’enrelever. La littérature spécialisée s’accorde à reconnaître que différents types deressources oucapital contribuentàlarésilience:1/Lesressourcesphysiques:infrastructuresdebase réseauxd’électricité,d’eau,routes,télécommunications,etc. .2/Les ressourcesnaturelles: terres, forets, eau, etc., et les services écosystémiques àvaleuréconomiqueetsocioculturelle.3/Lesressourceshumaines:aptitudes,compétences,expérience,connaissances,savoir‐faire,attributspersonnels santé,leadership,etc. .4/Lesressourcesfinancières:économies,revenusréguliers,pensions,prêts,argentreçudemembresdelafamille,ainsiquelesbiensquicontribueàaugmenterlesressourcesfinancières matièrespremières,outils,équipement,etc. .5/Lesressourcessociales: l’accèsauxrelationssocialesetpolitiques,aux institutionsformellesetinformelles,àlapaixetàlasécurité,àlabonnegouvernance,etc.

21StacyWhite,Etmaintenant,quoi?LaréponseinternationalefaceaudéplacementinterneenRépubliquedémocratiqueduCongo,Brookings‐LSEProjectonInternalDisplacement,décembre2014,p.32.22Lecadrenormatifdel’assistanceauxdéplacésinternesenAfriqueestlaConventiondel’Unionafricainesur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique Convention de Kampala, 2009 ,adoptéemaisnonmise enœuvrepar le gouvernementde laRDC.Lesorganisations internationales seréfèrentcependantàcetinstrumentdansleursopérationsdeprotectionetd’assistance.23http://www.unisdr.org/files/7817_UNISDRTerminologyFrench.pdf

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En intégrant une approche par la résilience, l’objectif opérationnel de l’assistancehumanitaire ne se limite plus à répondre aux besoins immédiats, mais vise aussi àrenforcerlesstratégiesd’adaptationlocales,etdonclesressourcesetmécanismesquiycontribuentainsiquel’accèsdesindividusàcesderniers.EnRDC,larésilienceestunethématiquetransversaledesgroupessectoriels clusters ,etlePlanderéponsehumanitaire janvier2017‐décembre2019 appelleà«renforcerledialoguestratégiqueetopérationnelentrelesacteurshumanitaires,dedéveloppementetdelapaixsurlesvulnérabilitésetlesrisquesidentifiésconjointement»24.Auniveauopérationnel, le PNUD et OCHA ont élaboré conjointement un Manuel de résiliencecommunautairepour laRDCsous formed’outild’auto‐évaluationàusagedesagenceshumanitaires leur permettant de s’assurer que leurs initiatives renforcementdurablementlarésiliencedesbénéficiaires25.PourcequiestspécifiquementdesPDIetde leurs hôtes, l’une des priorités de l’approche par la résilience est de consolider laculture locale de solidarité qui permet l’accueil des PDI plutôt que d’alimenter ladépendancequecréel’assistancehumanitaire.Laplupartdesorganisationsinternationales ONGetagencesdesNationsUnies activesauNord‐KivuetauSud‐Kivusontàprésentengagéesdansdesinitiativesallantdanscesens. Les organisations se rattachant au secteur du peace building, même si ellesn’utilisent pas le terme de résilience, donnent à leurs actions des objectifscomplémentairesentermesdedéveloppementdurableetderestaurationdelapaix.Certainesdecesorganisationsontproduitdesétudesdeterrainmettantenlumièrelesmécanismeslocauxfavorisantouaffaiblissantlarésilience,etceensefocalisantsurtroisaspects:lesmoyensdesubsistance,lesréseauxsociauxetlagouvernance/résolutiondesconflits26.L’unedesétudesconsultéesnoteque:

«LamajoritédescivilsvivantdanslesdeuxKivusontprisdesdécisionsquileuront permis de survivre au conflit et au déplacement, souvent sans aidesignificative. Dans ses efforts pour améliorer les moyens de subsistance etrenforcer la résilience des communautés et des individus touchés par lesdéplacements, la communauté humanitaire doit d’abord admettre que cespopulationsontdéjàfaitpreuved’uneforterésiliencefaceauxinnombrableschocsqu’ellesontsubis»27.

24https://www.humanitarianresponse.info/fr/operations/democratic‐republic‐congo/document/république‐démocratique‐du‐congo‐plan‐de‐réponse‐025http://www.cd.undp.org/content/rdc/fr/home/library/poverty/Manuel/manuel‐de‐resilience‐communautaire/manuel‐de‐resilience‐communautaire.html26Parmilesétudeslesplusapprofondies,citons:J.BrabantetJ.‐L.K.Nzweve,Lahoue,lavacheetlefusil.ConflitsliésàlatranshumanceenterritoiresdeFizietUvira Sud‐Kivu,RDC :Étatdeslieuxetleçonstiréesde l’expérience de LPI, Life & Peace Institute, 2013; Living conditions of displaced persons and hostcommunities in urban Goma, DRC, NRC, 2014 ; «Nous sommes ici pour une période indéterminée »,Perspectivesd’intégrationlocalepourlesdéplacésinternesduNord‐Kivu,enRDC,Oxfam,2017;Processusde prise de décision des personnes déplacées internes en RDC Définition d’un cadre pour la réponsehumanitaireafinderenforcerlarésiliencedespopulationsfaceauxdéplacementsmultiples,InternationalAlert,ClimateInteractive,NRC,IDMC,2015;M.Rudolf,AssessingtheHumanitarianResponsetoChronicCrisisinNorthKivu,MercyCorps,WorldVision,SearchforCommonGround,Goma,2014.27Processusdeprisededécision…2015,p.8.

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Parmi les résultats de ces études, on relèvera les points suivantsqui nous semblentpertinentsenrelationsavecl’évaluationdesbesoinsenmatièredesauvegardeduPCI:1/ Les déplacés sont rarement atomisés et isolés dans des environnements sociauxnouveaux. Les membres survivants d’une même famille ou d’un même village fuientensembleetseregroupent. Ils trouventengénéralrefugeauprèsdemembresde leurfamilleétendue.2/ La mobilité, la multilocalité et la diversification des sources de revenus sont desstratégiesfréquemmentadoptéesparlesPDI.Àl’échelleindividuelleet/oufamiliale,lesPDI combinent plusieurs activités économiques et en adoptent de nouvelles, ilsmultiplientleslieuxderésidenceetsedéplacententredifférentssites,ycomprisselondesmouvementspendulairesafindegarderaccèsauxterresdanslarégiond’origine.3/ Partout, et surtout enmilieu rural, le niveau de solidarité avec les PDI est élevé etreprésenteunimportantcapitalsocialfacilitantl’intégration àcourt,moyenoupluslongterme desPDIdanslescommunautésd’accueil.L’hospitalitéetlasolidarités’exercentengénéralauseindumêmegroupeethnique,etsontancréesdansdesnormesculturellesderéciprocité:lesfamilleshôtess’attendentàêtrehébergéesàleurtoursiellesvenaientàdevoirsedéplacer.Cetteformedesécuritésocialeetd’investissementàlongtermecréedes obligations depart et d’autre, dont celles, pour les déplacés, de nepas s’imposercommeunechargetroplourde.4/Horsdescamps,l’intégrationlocaledesPDIestmédiatiséepardesinstitutions:chefscoutumiers ou de villages d’origine et d’accueil , autorités et institutions religieuseschrétiennes,musulmanes ,associationslocales d’agriculteurs,d’éleveurs,defemmes,de jeunes, etc. , organisations politiques, etc., qui organisent l’accueil des PDI et leurinsertionlocaleparl’accèsnonseulementauxmoyensdeproduction dontlaterre maiségalementàd’autresressourcesmatérielles,socialesetculturelles.5/L’intégrationdesPDIparextensionduréseausocialestégalementfacilitéeparleurparticipationàcertainstypesd’activités:pourlesfemmes,destâchescommunestelleslacollecte quotidinne d’eau et de bois, la fréquentation des marchés, etc.; les travauxagricolesquiconcernentlesdeuxsexes;pourlesjeunes,lafréquentationdesécolesetdesactivitéssportives équipesdefootball ,culturelles chorales etd’autrestypesdeloisirsquisontcependant limitéespar lemanquedemoyens individuelsetcollectifs;pour tous, la participation aux cultes et activités socioculturelles des communautésreligieusesquisontcependantmoinsdéveloppésdanslesvillageséloignés.6/Danslescamps,lesPDIseregroupentparoriginegéographiqueet/ouethnique,etdespositionsetinstitutionspropresauxcampsontétécréés responsablesdecamp,comitésdegestion .Lalittératureconsultéenepermetcependantpasdesefaireuneidéeprécisedel’existenceetdesactivitésd’autrestypesd’institutions.Enoutre,lesPDIvivantdanslescampsontplusdedifficultéàdévelopperdesréseauxaveclescommunautésd’accueilproches des camps, à accéder à des opportunités économiques, et à participer auxactivitéssocioculturellesendehorsdescamps.7/Enmilieuurbain, lesPDI sontmoins en contact régulier avecdesmembresde leurcommunautéd’origine,etpeud’entreeuxparticipentàdesactivitéscollectives,etcemême

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silesréseauxsociauxsontlevecteurprincipald’accèsàlaprotection faceauxcrimes,auviol etauxressourceséconomiques.8/ L’éthique de l’hospitalité n’empêche pas les cas d’exploitation des PDI, ni lesstéréotypesnégatifsàleurégard.Enmilieurural,lescommunautéshôtesperçoiventlesdéplacésdescampscommeassistés,facteursdeproblèmessécuritaires,etéchappantausystème local de gouvernance et de justice. Ces perceptions recoupent parfois desdifférencesethniques voirpointsuivant .Enville,lesréfugiésdescampssontégalementperçuscommeprivilégiéscarrécipiendairesd’aidehumanitaireetenmêmetempscausedecriminalité;enoutreilssontencompétitionavecdespersonnesnondéplacéessurlemarchédel’emploietpourl’accèsauxservices.9/Ladifférenceethniqueentredéplacésetcommunautésd’accueilpeutêtreunfacteurlimitant l’accès desPDI aux ressources économiques, socialeset culturelles du fait depréjugésetdelapréférenceaccordéesauxmembresdelamêmeethniedansuncontextederessourcesrares.Cependant,lesPDIpossèdentparfoisdescompétencesdontmanquela localité qualifications professionnelles, savoir ou savoir‐faire spécifique, etc. quiconstituentuncapitalhumainpermettantd’atténuerleseffetsnégatifsdeladifférenceethnique.10/Certaines institutions favorisent ledialogueentrecommunautésafinderéduire lestensions,renforcerlacohésionsociale,etencouragerlacohabitationpacifiqueentrePDIetcommunautéshôtesetentregroupesethniques.Desorganisationsdelasociétécivile28,les institutions chrétiennes et musulmanes, des réseaux d’intellectuels journalistes,universitaires etd’artistessontactivementengagésdansdetellesinitiatives.Enoutre,dans plusieurs localités/régions, des institutions locales de règlement des conflitsfonciersontétémisesenplace,structuréesàl’imagedestraditionnelsconseilsdevillagesmaisadoptantuneapprochemoderniséedelagouvernanceetdelajusticeparticipatives.Mêmesicesinitiativesnesontpaspartoutefficaces,ellesontleméritedeproposerunespacederéflexionsurlesdynamiquesduconflitetlaquestiondesPDI,dedialogueentrecommunautés,etdeconstituerunpointdedépartpouruneconstructiondelapaixancréedansdesréférentsculturelslocaux.11/Commeledroitcoutumierguidelaplupartdesrelationssociales,lespouvoirslocauxjouent un rôle important dans la gestion des problèmes de protection entre civils, ycomprislesPDI.Danscertainscas,ilsontréussiàpersuaderlescommandantsdesmilicesdechangerdeconduiteenverslescivils,parexempleenmaintenantlescombattantshorsdesvillages,encréantdesespacespourlesgroupescourantlerisqued’êtredéplacéesetenrendantlespratiquesdepillageetderecrutementmilitairemoinsnuisibles.Toutefois,lesconflitsontérodéleurscapacitésàgérerlesdisputes.

28EnRDCla«sociétécivile»désigneunensembled’organisationsàvocationnationaleouprovinciale,etestàdistinguerdesinstitutionscoutumièresetdesorganisationsissuesdelabasedontl’actionseveutavanttoutlocale.

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VII. OÙSITUERLEPCIDANSCESCHÉMA?

Surlabasedessourcesaccessiblesenligne,ilestdifficiledesefaireuneidéeprécisedelamanièredontlePCIaétéaffectéparlesconflitsetlesdéplacementsdepopulation,etsurlerôlequ’iljouedanslarésilienceetlaconstructiondelapaix.Ilestpossiblequelesétudesethnographiques se soient raréfiées du fait de l’insécurité sur le terrain. Maismêmequandrecherchesdeterrainilya,lestravauxdesciencessocialespubliésàl’internationalsont à présent majoritairement axés sur la sociologie politique du conflit. Unemonographierécenteettrèsinformativeconsacréeauxforgeronsshisn’intègrepasdansl’observation et l’analyse les effets du conflit et des déplacements sur les pratiquessocioculturelles29.Ontrouvedesbribesd’informationsdansdestravauxquirelèventdelathéologieoudel’ethnopsychiatrie30.D’autresétudesquipourraientêtrepertinentespourl’objetquinousintéressesontpubliéesdansdesrevuesafricainesquinesontpasenligne31.Onnoteraque,enfévrier2015,l’UNESCOaorganisé,àGoma,unatelierdeformationsurlamiseenœuvredelaConventionde2003.Cetexerciceadébouchésurl’identificationd’unedouzained’élémentsduPCIàsauvegarder,essentiellementauNord‐Kivu:

1‐ Lelusumba,ritueldecirconcisionchezlepeuplenande;2‐ Leluano,voied’éducationmoralechezlesHundes;3‐ Lebushenge,cadred’éducationetd’initiationauseindescommunautéshundes;4‐ Lekihanda,cadred’éducationetd’initiationchezlepeuplenande;5‐ Lekiyowaetlekanukuta,valeurdedansechezlepeupletembo;6‐ Lekabi,formedejugementchezlesHundes;7‐ Lekabaleke ‘Mbo, lieumystérieuxd’intronisationdeschefscoutumierschezle

peupletembo;8‐ Ovusyno omukene ,rituelpourl’abondancedesrécolteschezlesNandes;9‐ Lendaro,symboled’hospitalitéchezlesHundes;10‐ Lerushu,lieud’échangechezlesNyanga;11‐ Lemukomooukabiri,ritedecirconcisionchezlesNyangas,TembosetHundes;12‐ Lebarazatraditionnel,mécanismetraditionnelderésolutiondesconflits.

Cependant,lecompte‐rendudel’atelierneprécisepasselonquelscritèresetmodalitésceschoixontétéopérés,nisilesfacteursliésauxconflitsetdéplacementsforcésontétéconsidérés.De manière générale, le patrimoine culturel semble très peu pris en compte par lesorganisationshumanitairescommeunélémentimportantdubien‐êtreetdesdroitsdes

29D.Arnoldussen,Techniques,rituelsetorganisationsocialechezlesforgeronsshi,Ternuven,Muséeroyaldel’Afriquecentrale,2015.30S.‐P.Iyananio,L’Églisecatholiqueetl’éducationciviquedespopulationsenRépubliqueDémocratiqueduCongo.LecasdeShabunda,auSud‐Kivu,ThèsedeDoctoratenthéologiepratique,UniversitéLaval,Québec,2015. M. Nfizi Koya, «Les aspects socioculturels des troubles mentaux chez le peuple Shi d’hier etd’aujourd’hui:quellepriseenchargeefficace?»,L'Autre,vol.17,n°1,2016,pp.110‐118.31J.NzabandoraNdiMubanzi,«UpdatedUseofCulturalTraditionsandWar‐TornSocietyRebuilding:TheCase studyofRwandaAfterThe1994GenocideAgainstTutsi», inScientificReviewofTheUniversity,EditionsofTheKigaliIndependentUniversity,n°27,December2012,pp.7‐62;idemetKofimohaShada,«Formes traditionnelles de préservation de la biodiversité des écosystèmes chez les communautés duKivu»,inCentred’EtudepourleDéveloppementdelaRégiondesGrandsLacs,n°4,mars2014,pp.21‐36.

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populationsaffectéesparlescrises,commemoyenpermettantauxPDIderecouvrirleursmoyens d’existence, et de faciliter l’intégration au sein des communautés d’accueil.Aucunedesétudesmenéespar lesagenceshumanitairesetdisponiblesen lignenesepenchesurlesressourcesculturellesmobiliséesparlesPDIetlescommunautésd’accueilpourfairefaceàleursituation.Uneexception,notéeplushaut,estlerôledesinstitutionsetdudroitcoutumierscommerégulateursdesconflitsetsourcesdeprotectiondesPDIetdescommunautés.LaMissiondel'OrganisationdesNationsUniespourlastabilisationenRDC MONUSCO promeutledroitcoutumierauxcôtésdusystèmejudiciaireofficielafinderéglerlesconflitsinter‐ethniques,fonciers,etc.Danscecadre,UN‐Habitatfournitunappuiàlamédiation32.Larechercheenlignepermetégalementderepérerquelquesinitiativespsychosocialesqui s’appuient sur l’expressions artistique pour enseigner la gestion des conflits etaméliorerlebien‐êtrepsychologiquedesdéplacés/rapatriés33.Maisiln’estpasclairsicesinterventionsadoptentuneapprocherespectueuseduPCIausensdelaConventionde2003ainsiquedesdroitsculturelsdespersonnesconcernées.On n’a pas repéré d’interventions visant à soutenir les tradipraticiens outradithérapeutes ,àsavoirdespersonnesqui traitent lesmaladiesenrecourantàdesméthodestraditionnelles,leplussouventl’utilisationdeplantesmédicinalesetderituels.Pourtant, le rôle des tradipraticiens est reconnu dans la stratégie de l’OMS pour lamédecinetraditionnelle 2014‐2023 34,etuneenquêtemenéedansuneautrelocalitédeRDC Kisenso,unecommunepériurbainedeKinshasa confirmequeletradipraticienestun acteur crédible dans l’offre des soins de santé35.Onn’a pas nonplus trouvé traced’initiativessoutenantd’autressoinsàlapersonnedontlaconnaissanceesttransmisedemanièreinformelle,engénéralauseindelafamille,commec’estlecas,parexemplechezlesaccoucheusestraditionnelles36.Iln’apasnonplusétépossibledevérifiersilessavoirslocauxenmatièreécologiqueetagricoles lutte contre les maladies et vermines, santé animale, usage raisonné desressourcesnaturelles,etc. étaientprisencomptedanslesprogrammederéhabilitationéconomiquedesdéplacésetdesoutienauxcommunautéshôtes. Ilexistepourtant,auKivu,desinitiativesvalorisantcesconnaissancesetpratiquesmaisquiopèrentendehorsde la sphère humanitaire37. Pas de mention non plus des savoir‐faire artisanauxmenuiserie,vannerie,poterie,métallurgie,travailducuir,etc. .

32http://open.unhabitat.org/project/41120‐2407/33V.NoëlBrown,“Approchesmultiplesdurapatriementdesréfugiéscongolais”,MigrationsForcées,n°36,2010.34http://www.who.int/publications/list/traditional_medicine_strategy/fr/35 J.ManzambiKuwekitaetal.,“Letradipraticienestunacteurincontournabledansl’offredessoinsdesantéenterritoirepériurbain:équilibreentrelégitimitéetillégalité?”,inJ.BogaertetJ.‐M.Halleux, dir ,Territoirepériurbains.Développement,enjeuxetperspectivesdanslespaysduSud,Gembloux,LespressesagronomiquesdeGembloux,2015,pp.183‐192.36 Dont le rôle est mentionné de manière positive par le FNUAP dans une autre région de RDC:http://congo.unfpa.org/fr/news/santé‐maternelle‐chez‐les‐autochtones‐en‐république‐du‐congo37https://www.doc‐developpement‐durable.org/file/Culture‐plantes‐alimentaires/FICHES_PLANTES/maladies/Pratiques&SavoirsLocauxRwanda.pdf

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VIII. MÉTHODOLOGIEDEL’ÉVALUATIONDESBESOINS

Danslecadredel’évaluationdesbesoinsàentreprendreauNord‐Kivu,onseposedonccomme objectif d’explorer les cinq aspects suivants sur la base de consultationspréliminairesavecdespersonnesressources,suiviesd’uneenquêteauprèsdepersonnesdéplacéesetdemembresdescommunautésd’accueilquisontlesdétenteursduPCI:

1. Vérifierl’adéquationdesdomainesduPCImentionnésdanslaConventionde2003aucontextelocal,et,sibesoinest,élaborerunenomenclatureadaptée.Préciserégalement quelle est la terminologie, les concepts utilisés localement pourqualifier le PCI coutumes, traditions ancestrales, etc.? . La question estévidemmentcompliquéedufaitdeladiversitélinguistique.

2. IdentifierlesélémentsduPCIdesdéplacésetdescommunautésd’accueilquisontle plus susceptibles d’être menacés dans leur viabilité par le conflit et lesdéplacementsforcés,etcomprendrecesprocessus.

3. Repérer et comprendre les mécanismes d’interaction mutuelle, d’adaptation,d’hybridationdequelquesélémentsclésduPCI,voired’émergencedenouvellespratiquesculturellesautourde lienset identitéscréésdufaitde lasituationdedéplacement.

4. Déterminer quels éléments du PCI ont un effet positif sur la résilience et laconstruction de la paixet en comprendre les mécanismes : ceux favorisantl’intégration sociale et économique des populations déplacées au sein descommunautésd’accueil,ceuxcontribuantàaméliorerlasubsistanceetlacohésionsocialedesdéplacésdanslescamps,etenfinceuxjouantunrôlepositifdanslesprocessusderéconciliation,réintégration,etc.

5. Enfin, identifier les conditions qui doivent être réunies pour que ces élémentscontinuentd’êtreviablesetpuissentjouerunrôlequel’onproposedequalifierde«réparateur»,ainsiquelesinterventionssusceptiblesdesoutenirdesinitiativeslocalesenvuedesauvegarderlesélémentsréparateursduPCI,ainsiqueceuxdontlaviabilitéestaffectéeparlacrise.

Onvoudraitexprimericideuxprécautionsméthodologiques.Toutd’abord,ilsembleévidentquecertainsélémentsculturelsrelevantdelacoutumeportentatteinteaubien‐êtreoudeladignitédelapersonne,ouencoreentretiennentlesrelationsconflictuellesentregroupes.Onpenseàcertainespratiquessorcellaires,à laventedeplantestoxiquesentantquepharmacopéetraditionnelle,auxatteintesrituellesàl’intégritéphysiquedelapersonne l’excisionnesemblantpasêtrepratiquéeauNord‐Kivu ,àdesexpressionsoralesouartistiquesexprimantleméprisetlahainevis‐à‐visd’autresgroupes,etc.Ilpeutêtreutilededocumenterlasituationetlerôlecesélémentslorsd’entretiensaveclesmembresdescommunautésconcernéessicesderniersyfontréférence.Cependant,ilvadesoiquelaConventionde2003n’apasvocationàassurerleursauvegarde,niàlesencourager.Egalement,l’interventiondel’UNESCOpassenécessairementparuneconsultationaveclesmembresdediversgroupesethniques,dontdespersonnesquilesreprésententetquisontparfoisengagéesdansunprocessusdepatrimonialisationduPCI.Cependant,cespersonnesnepeuventenaucuncasêtrelesseulessourcesd’informationpourl’enquête.Ilestimportantdenepasselaisserenfermerdanslesdéfinitionsquelesacteurslesplus

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visiblesouaccessiblesdonnentdeleurPCI,nidanslechoixdesélémentsqu’ilsmettenten avant. Ceci pour deux raisons. D’une part, ce serait contraire à la démarcheparticipative inscrite dans la Convention de 2003 et qui implique de mener desconsultationsavecunnombrebeaucouplargedemembresdescommunautésdétentricesduPCI,etselonunéchantillonnagequireprésenteéquitablementlesdiversescatégoriesde la population femmes, jeunes, personnes avec divers niveaux de ressources,d’éducationetdestatutssociaux,etsurtoutpraticiensduPCIeux‐mêmes .D’autrepart,le groupe lignager ou sociolinguistique clan, tribu, peuple, ethnie n’est pas le seulespacecommunautaireauseinduquels’exprimelePCI,particulièrementensituationdedéplacement alors que des personnes issues de différentes traditions culturelles sontsusceptiblesd’interagirdemanièrequotidienne.ÉTAPESDELADÉMARCHED’ÉVALUATIONDESBESOINSCedocumentderéférenceconstitueunepremièreétapedeladémarcheentreprise.Ladeuxièmeétapeconsisteraenunemissionde la consultanteàGomaavec lesobjectifssuivants:

1. Affinerl’étatdeslieux,leshypothèsesetquestionspréliminairesformuléesdanscedocument;

2. Préciser la méthodologie d’enquête: choix des sites, de l’échantillon, de laméthoded’entretiens collectifsetindividuels ,desmodalitésd’accèsauxsitesetauxpersonnesdétentricesduPCI,desmodesd’enregistrementetdetraitementdesdonnées;

3. Contacter lesautorités localesetdesreprésentantsdespopulationsconcernéesparl’enquête,lesconsulteretobtenirleurconsentementetleursoutienpratique;

4. Identifieretformerdesenquêteursdéjàexpérimentésetpouvanttravaillersansrisquessurlessitesidentifiés,etmettreenplaceunsystèmed’encadrement,decoordination et de suivi de la collecte de données, idéalement sous laresponsabilitéd’unchercheurlocalconfirmé;

5. Testerlequestionnaired’enquêteencoordinationaveclesenquêteurs;6. Mettre enplace la logistique et le suivi de l’enquête en lien avec le Bureau de

l’UNESCOàKinshasaetl’AntennedeGoma.

D’ores et déjà, des échanges préliminaires avec M. Monday Banga, Project FieldCoordinatoraubureaudel’OIMàBukavu,etMmeAlineMugisho,chercheusespécialiséedanslesmigrationsforcées,larésilienceetlepeace‐building,touslesdeuxbienaufaitdelaquestiondesdéplacementsforcésauNord‐Kivu,nousontpermisd’avancerdansnotreréflexionetnoussouhaitonsremerciericicesdeuxpersonnespourleurdisponibilitéàéchangeravecnous.M.BanganousamisencontactavecM.JeobertRukengwa,NationalInformationManagementandOperationsOfficeraubureaudel’OIMàGoma,quipourraitmettre à notre disposition les données sur les personnes déplacées collectées via lamatricedesuividesdéplacements DTM .

Onpréciseralesdétailsdelatroisièmeétape,àsavoirlacollectededonnéessurleterrain,durant la mission à Goma. Sur la base d’échanges avec les enquêteurs et d’autreschercheurslocauxdurantlamissionetaucoursdel’enquête,onfinaliseraégalementlaquatrième étape, soit lesmodalités de traitement des données recueillies auprès despersonnesconcernées.

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ANNEXE‐GRANDESLIGNESDUQUESTIONNAIRED’ENQUÊTE

1/Quelssontlesaspectsdeleurpatrimoineculturel coutumes,traditionsancestrales? misenavantparlespersonnesinterrogées:

a Langueet traditionsorales véhiculéepar lesdevinettes, les contes, lesproverbes, lesrécitssurlesancêtres,l’histoireduclan,delatribu,lapoésie,lechant,etc.

b Coutumes relatives aux relations avec les voisins, hospitalité, entraide, réduction desconflitspotentiels

c Connaissances et savoir‐faire traditionnels santé, soins à la personnes, agriculture,artisanat,etc.

d Connaissancesrelativesàlanaturee Préparationdesalimentsf Danse,chant,musiqueg Pratiquesfunérairesetdedeuilh Évènementsfestifsi Activitésludiquesj Manièresd’exprimerlesinterditsetlessanctionsk Institutionsetprocessuscoutumiers chefs,justice,médiations,etc. l Etc.

2/Commentlespersonnesinterrogéesvoient‐elleslerôledecesélémentsculturelsdansleur s :

a Viefamilialeb Vieéconomiquec Relationssocialesd Relations avec les groupes qui ne partagent pas la même langue, la même origine

parenté,village,région,etc. 3/Quelseffetsleconflit violence,vols,déplacements,accueildespersonnesdéplacées ont‐ilssurcesélémentsculturels:

a Destruction,disparitionb Affaiblissementc Renforcement

Parex:Commentlesartisanscontinuent‐ilsàseprocurerdesoutils,delamatièrepremière,desespaces de travail ateliers, forge, etc. , d’accéder à des réseaux de commercialisation, detransmettreleursconnaissancesetsavoir‐faire.Lesaspectsrituels/symboliquesdutravailsont‐ilsaffectés?5/Quelsélémentsculturelssontutilesauxpersonnesdéplacéespour:

a Fairefaceàl’expériencedelaviolence,delapertedesêtreschers,duterroird’origine,desbiens

b Êtrereçusdansunefamille/communautéd’accueilc Pourvoiràleurpropresubsistanceetàcelledeleurfamilled Participeràdiverseactivitésaveclesmembresdeleurproprecommunautéégalement

déplacésoudemeurésauvillagee Participeràdiverseactivitésaveclesmembresdelacommunautéd’accueilf Éduquersesenfantsg Assurersasantéetcelledesafamilleh Etc.

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6/Lesquelssontutilesauxcommunautésd’accueilpourintégrerlesdéplacés:

a Surleplansocialb Surleplanéconomiquec Etc.

7/Lesquelssontimportantspourconserversonidentitémêmelorsquelesmodesdeviechangent8/Est‐cequedespersonnesparticulièressontconsidéréescommeporteusesdecertainssavoirs,traditions ilfaudramenerdesentretiensavecelles 7/Est‐cequelespersonnesinterrogéesontconnaissanced’initiativespoursauvegarder/préserverceséléments éducationformelle,informelle,programmesd’organisations,soutienàlatransmission,programmesderadio,festivalslocaux,etc.