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Dossier de la Société Française de Physique - décembre 2007 - 10 Dossier de la Société Française de Physique www.sfpnet.fr Dossier Photovoltaïque Rédacteur en chef invité : Bernard Equer

Dossier de la ysique Dossier Photovoltaïque · 2014-09-18 · 3 Éditorial Un « dossier photovoltaïque » dans Reflets de la physique 2 B. Equer, C. de Novion et M. Leduc Dossier

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Dossier de la Société Française de Physique

www.sfpnet.fr

Dossier PhotovoltaïqueRédacteur en chef invité : Bernard Equer

Reflets de la Physique2

ÉditorialUne des missions et un des engagements de la

Société Française de Physique est de mieux fairecomprendre au public les problèmes scientifiquesrelatifs à la production d’énergie et de participer auxdébats de société associés. C’est dans cet objectif quevient d’être mise en place une nouvelle commission « Énergie et environnement » (voir p. 7) et que nouspublions dans Reflets de la physique un « dossier photo-voltaïque » où sont présentées les principales directionsde recherche actuelles dans ce domaine et les différentesproblématiques scientifiques soulevées.

À l’heure où le recours à des sources d’énergierenouvelables et non polluantes est une des priorités denotre société, la conversion photovoltaïque, c’est-à-direla conversion directe du rayonnement solaire en courantélectrique (continu), paraît une voie à privilégier. Ellepourrait également permettre aux habitants aux paysen développement d’accéder à l’énergie dans le respectde l’environnement.

La conversion photovoltaïque est obtenue au moyende « cellules » constituées de semi-conducteurs, le plussouvent en silicium cristallin (la première cellule solaireefficace a été fabriquée en 1954). Le développementde l’énergie photovoltaïque nécessite des efforts derecherche pluridisciplinaire, associant physiciens,chimistes et ingénieurs.Dans ce domaine, les problèmesposés aux physiciens sont encore nombreux :compréhension fine du rôle des impuretés et desdéfauts, recherche théorique et expérimentale sur lespropriétés des nouveaux matériaux, développementde procédés de conversion à haut rendement…

Ce « dossier photovoltaïque » regroupe les articlesparus dans les numéros 5 et 6 de Reflets de la physique.Nous y abordons d’une part la filière historique dusilicium cristallin, largement dominante aujourd’hui,d’autre part les matériaux et concepts en rupture, portantl’espoir d’un progrès substantiel en termes d’augmentationdes rendements et d’abaissement des coûts.

Les quatre premiers articles de ce dossier décriventla situation actuelle : Santo Martinuzzi rappelle lesprincipes de la conversion photovoltaïque, tandis queChristian Trassy montre que la métallurgie du silicium

« solaire » pose encore des problèmes nouveaux etdifficiles. Parmi les challengers de la filière dominante,deux filières en couches minces suscitent en Franceun intérêt notable. L’une, basée sur le cuivre-indium-disélénium, fait l’objet d’un effort conjoint d’EDF et duCNRS,dont Daniel Lincot et Jean-François Guillemolesfont la synthèse. L’autre concerne la famille du siliciumamorphe hydrogéné et ses descendants : l’article deJean-Eric Bourée et Pere Roca i Cabarrocas fait lepoint sur les évolutions récentes de cette filière.

À long terme, le développement du PV nécessiterades sauts technologiques importants.Ceux-ci pourrontporter sur l’utilisation de nouveaux procédés etmatériaux à bas coûts, comme dans la récente filièredes matériaux organiques,présentée par Pierre Destruelet Isabelle Seguy. Une autre voie est la réalisation dedispositifs capables de tirer un meilleur parti del’énergie solaire disponible, ainsi que l’explique J.F.Guillemoles dans son article sur les hauts rendements.La concentration du rayonnement solaire constituel’une des approches possibles,dont Alain Dollet rappelleles principes.

Enfin, un bref aperçu des programmes nationauxde recherche et développement dans le photovoltaïque(ANR,ADEME, CEA) clôt ce dossier.

L’effort industriel mondial est considérable etconnaît en France un déploiement récent et important.Il est à peine évoqué ici et le lecteur est invité àconsulter les revues spécialisées* et les sites institu-tionnels européens**.

Bernard Equer Rédacteur en chef invité du Dossier Photovoltaïque

Charles de Novion Rédacteur en chef de Reflets de la physique

Michèle LeducPrésidente de la Société Française de Physique

* Systèmes Solaires (www.energies-renouvelables.org)Photon International (www.photon-magazine.com)Sun & Wind Energy (www.sunwindenergy.com)

** www.PVPS.org et www.eupvplatform.org.

Bernard Equer

Après une première partie de carrière en physique des particules au LPNHE de l’École polytechnique à Palaiseau et au Laboratoire de physique corpusculaire du Collège de France, Bernard Equer est passé dela physique des détecteurs solides à celle du photovoltaïque en couches minces.Il a alors créé en 1986 le Laboratoire de physique des interfaces et des couches minces (LPICM, UMR7647 CNRS-École polytechnique), dont il a assuré la direction jusqu’en 1998.Il y a développé une activité photovoltaïque autour des couches minces de silicium amorphe.De 1998 à 2004, il a été chargé du programme des énergies renouvelables au Ministère de la recherche.En 2005, il a assuré le démarrage du programme photovoltaïque de l’Agence Nationale de la Recherche.Bernard Equer est directeur de recherches émérite au CNRS.

Un « dossier photovoltaïque » dans Reflets de la physique

Nous remercions VincentBoulanger de nous avoirpermis l’accès à la photo-thèque de Systèmes Solaires,d’où sont issues plusieursphotos et images reproduitesdans ce dossier sur le photo-voltaïque (en particulierl’image de couverture).

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Éditorial Un « dossier photovoltaïque » dans Reflets de la physique 2B. Equer, C. de Novion et M. Leduc

Dossier photovoltaïque 4Avant-propos - L’électricité solaire photovoltaïque : présent et futur 4B. Equer

Compte-rendu de la 22e Conférence européenne sur le photovoltaïque 6A. Slaoui

Quelques rappels : Le spectre solaire - L’absorption de l’énergie lumineuse 7S. Martinuzzi

Les cellules solaires au silicium cristallin 9S. Martinuzzi

La métallurgie du silicium solaire 14C. Trassy

Cellules solaires en couches minces à base de CuInSe2 17D. Lincot et J. F. Guillemoles

Cellules solaires en couches minces à base de silicium 21J.E. Bourée et P. Roca i Cabarrocas

Les cellules photovoltaïques organiques 25P. Destruel et I. Seguy

Demain, le Photovoltaïque : les révolutions anticipées 28J.F. Guillemoles

Conversion photovoltaïque de l’énergie solaire concentrée 32A. Dollet

La vision du CEA en matière d’électricité solaire photovoltaïque 33P. Malbranche

Une plateforme technologique CNRS : Process-PV à Strasbourg 34J. C. Müller

Le programme de recherche photovoltaïque de l’ANR et de l’ADEME 35A. Claverie et P. Couffin

L’électricité photovoltaïque 36

En couverture : Centrale photovoltaïque de 1 MWc de la ville du Port, à la Réunion, mise en service en décembre 2006.

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Comité de rédactionPrésident : Jean-Pierre HULINMembres : Patricia BASSEREAU - Michel BELAKHOVSKY - Jacques CHOMILIER - Anne DAVAILLE - David GUÉRY-ODELIN -Étienne GUYON - Pascale HENNEQUIN - Georges LANDA - Roland LEHOUCQ - Jérôme MARGUERON - Charles de NOVION- Sophie REMY - Claude SÉBENNE - José TEIXEIRA - Guy TREGLIA - Jean VANNIMENUS - Christophe YÈCHEDirecteur de la publication : Sylvie MAGNIERRédacteur en chef : Charles de NOVIONSecrétaire de rédaction : Agathe CYMERGraphistes-Maquettistes : Lætitia MORIN - Keith VILLEMEURdépôt légal 1er trimestre 2008 - Commission Paritaire 0310 G 86176 - ISSN 1953-793 X © SFPÉdité à 100 exemplaires - IMP Blanchard, 92350 Le Plessis-Robinson - 01.41.07.97.97Société française de physique, 33, rue Croulebarbe, 75013 Paris - Tél. : 01.44.08.67.10. Fax : 01.44.08.67.19e-mail : [email protected] - Serveur : http://www.sfpnet.frSFP Bulletin, Institut Henri-Poincaré, 11, rue Pierre-et-Marie Curie, 75005 Paris e-mail : [email protected]

Reflets de la Physique

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Les craintes inspirées par le réchauffementclimatique ont naturellement ravivé l’intérêt pourdes sources d’énergie propres, non productricesde gaz à effet de serre et susceptibles de s’inscriredans le cadre d’un développement durable.Dans ce contexte, l’Union Européenne a pris ladécision ambitieuse de produire plus de 20 %d’électricité renouvelable d’ici 2010 et 20 %d’énergies renouvelables dans sa consommationénergétique globale d’ici 2020. Considéréescomme plus proches de la maturité, les techniquesde production d’électricité éolienne et de pro-duction d’eau chaude par des panneaux solairesont été les premières à bénéficier de politiquesoffensives pour aider leur diffusion. Le déve-loppement spectaculaire de l’éolien chez nosvoisins européens, à commencer par l’Allemagne,restera un événement marquant de la décennie.

Moins visible, la production directe d’élec-tricité par des modules photovoltaïques (PV),technique séduisante par l’absence d’élémentsmécaniques ou de fluides, connaît aussi undéveloppement explosif. Avec une croissancesoutenue de l’ordre de 40 % par an depuis dix ans(voir fig. 1), l’industrie photovoltaïque mondialea produit en 2006 près de 2500 hectares demodules. Ceux-ci représentent une puissancecrête de 2,5 GW(1) et sont capables de générerenviron 2,5 TWh par an. Certes, la contributionactuelle de l’électricité solaire PV à la productiond’énergie, est encore négligeable. Avec un parcde 3,4 GW, majoritairement allemand, l’Europene produit encore que 3 TWh environ. Il estvrai également que des incertitudes subsistentsur l’insertion de cette forme d’électricité dansles réseaux qui auront à gérer son intermittenceet sa disponibilité aléatoire. Néanmoins, cettecroissance rapide, témoin de la confiance desutilisateurs et des investisseurs, a fini par attirerl’attention du monde de l’énergie et enracine laconviction que le PV figurera à coup sûr dansle bouquet énergétique futur d’énergies propres.

Les produits PV commercialisés aujourd’huisont déjà le résultat d’une technique performantequi garantit des produits fiables. Le développe-ment de la filière a été longtemps freiné parun coût jugé excessif face aux énergies fossilesou nucléaires.Mais la prise de conscience se fait,lentement il est vrai, que nos sociétés doiventpayer un certain prix pour garantir un avenirsupportable en termes de pollution et desécurité, bref de développement durable.

La France a rejoint les nations, commel’Allemagne et le Japon, qui considèrent qu’ilfaut des aides de l’État pour que cette techniquedevienne compétitive. Des mesures d’aide fortesont été prises, à la suite de la loi Énergie de 2005,pour encourager les particuliers et les industrielsà investir dans le PV, en leur garantissant le rachatde leurs kWh dans des conditions favorables.

S’il ne disparaît pas, le critère de strictecompétitivité économique, c’est-à-dire le prixdu kWh électrique, n’est donc plus déterminant.Néanmoins, il est clair que les aides accordéesaujourd’hui ne sont pas supposées à fonds perdus.C’est un pari sur l’avenir : les progrès de l’industrieet ceux de la recherche doivent permettre d’at-teindre au plus vite la rentabilité, à condition queles comparaisons entre ressources énergétiquessoient effectuées sans biais et en prenant encompte tous leurs avantages ou inconvénients.

Trois facteurs contribuent à établir le prixdu kWh : le rendement énergétique, c’est-à-direla fraction du rayonnement solaire convertie enélectricité, le coût de fabrication du m2 demodules et la durée de vie de ces modules. Lesdeux premiers facteurs déterminent le prix duwatt-crête (Wc)(2), tandis que la durée de viepermet une évaluation du coût du kWh à partirdu nombre de kWh produits. Les produitscommerciaux offrent des rendements allant de6 à 20 %, mais pour un prix du watt-crêtesensiblement constant, de l’ordre de 3 à 5 €/Wc.La durée de vie excède les 20 ans pour les bonsproduits, ce qui conduit à un coût du kWhactualisé de l’ordre de 0,20 € à 0,35 €(3), sanscompter les coûts liés à l’installation(4).

(1) Selon EurObserv’ER (www.energies-renouvelables.org).

(2) L’unité de mesure de la production decellules et modules photovoltaïquesest le watt-crête installé, qui correspondà une puissance de 1 watt lors del’illumination par le soleil, sous incidence normale à la latitude de 45°.

(3) Le choix du taux d’actualisation de l’investissement et du taux d’inflation explique la large variabilitédes chiffres.

(4) Pour mémoire, le prix moyen dansl’Union Européenne de l’électricitéà usage domestique est de 0,11 €/kWh.

Figure 1 : Évolution de la production mondiale de cellulesphotovoltaïques (en mégawatts-crête), d’après EurObserv’ER.

Panneaux photovoltaïques sur les toitsde la « Cité du Soleil », Heerhugowaard(près d’Alkmaar), Pays-Bas.

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Bernard Equer ([email protected]), Directeur de recherches émérite au CNRS

Reflets de la Physique4

Avant-proposL’électricité solaire photovoltaïque :présent et futur

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Figure 3 : Progression des rendementsdes différentes filières. Les cellules à colorants, développées àl'École Polytechnique Fédérale deLausanne, sont des hybrides organiques/inorganiques qui contiennent unélectrolyte liquide. Elles ont dépassé 10 %de rendement en laboratoire. Mais ellesne sont pas étudiées en France et ne sontpas traitées dans ce dossier (cf. M. Graetzel,“Photoelectrochemical cells”, Nature414 (2001) 338-344).Sur cette figure n’est pas indiqué le dernierrecord de 40,7%, obtenu par Spectrolaben 2006 sur une triple jonction àconcentration. (Source : NREL, www.nrel.gov )

La décroissance des coûts du Wc se poursuitrégulièrement depuis 30 ans, selon une loid’apprentissage où le coût décroît de près de20 % chaque fois que la production cumuléedouble. À ce rythme, on peut attendre que lePV devienne compétitif en Europe entre 2020et 2040, selon les conditions économiques quirégneront à cette époque.

De nombreuses filières ont été expérimentéesdans les 30 dernières années dans l’espoir dedécouvrir le matériau qui permettrait la meilleureperformance économique. Aujourd’hui encore,la compétition est forte entre la filière historiquedu silicium cristallin, largement dominante avecplus de 90% du marché (voir fig. 2), et un nombre restreint d’autres filières, parmi lesquellesplusieurs matériaux en couches minces portentl’espoir d’un progrès substantiel en termesd’abaissement des coûts.

L’augmentation des rendements focaliseparticulièrement l’intérêt des chercheurs. Legraphique de la figure 3 montre que toutes lesfilières continuent de progresser de façonremarquablement continue depuis trente ans. Iln’y a pas eu de grandes ruptures dans cetteprogression et les nouvelles filières suivent sen-siblement la même pente que les anciennes.On a pu montrer que la limite théorique durendement de conversion énergétique se situeau-delà de 80 % et n’est pas, a priori, horsd’atteinte. Les records en laboratoire le rappellentrégulièrement, tel celui de 40,7 % récemmentobtenu aux USA grâce à des cellules hélas tropcomplexes pour une utilisation commune.Mais, le challenge est là et constitue une moti-vation essentielle de la recherche.

Comme nous le rappelions plus haut, laFrance a pris une position très favorable àl’électricité photovoltaïque avec la loi de juillet2005 fixant les orientations de la politique

énergétique (loi POPE). Les décrets d’applicationprévoient en effet le rachat des kWh produitsdans de très bonnes conditions (0,30 €/kWh,éventuellement porté à 0,55€/kWh dans le casd’une réelle intégration au bâti des modules),assorties d’un crédit d’impôt pour les particuliers.Ces mesures, qui tranchent avec la granderéserve du passé, ont rapidement suscité un fortélan industriel. Celui-ci s’appuie sur le contexterécent des pôles de compétitivité : ainsi, dans lecadre du pôle CapEnergies en Provence-Côted’Azur, l’usine SILPRO à Saint-Auban devraitproduire 3 à 4000 tonnes de silicium de qualitésolaire dès 2009. En Rhônes-Alpes, le pôleTENERRDIS abritera un grand consortiumindustriel ALLIANCE-PV, couvrant les étapesdu processus de fabrication allant du lingot aumodule et incluant l’Institut d’Énergie Solairecréé en 2006 près de Chambéry, Photowatt,premier fabricant national de cellules et moduleset les autres partenaires régionaux. L’Agencepour l’Innovation Industrielle est fortementimpliquée dans ces projets de plusieurs centainesde millions d’euros chacun. Le contexte industrielet scientifique est présent et de haut niveau. Lemarché mondial est fortement demandeur et lavolonté politique est manifeste. Il aurait étédommage de ne pas saisir ces opportunités. ■

D’après Jean-Claude Müller

Figure 2 : Répartition de la productionmondiale (en watt-crête) de modulesphotovoltaïques suivant les différentesfilières, en 2006. c-Si : silicium monocristallin. mc-Si : silicium multicristallin. μc-Si : silicium microcristallin. a-Si : silicium amorphe. CIS : diséléniure de cuivre et d’indium. Ces chiffres, basés sur les informationsdonnées par de nombreux fournisseurset experts, diffèrent quelque peu suivantles agences qui collectent les données.

Un rêve de photovoltaïcien : une cellulesouple. Photo d'une cellule à colorantsorganiques déposés sur une couche de dioxyde de titane. Les recherchesactuelles visent à remplacer l’électrolytepar un polymère, ce qui permet de réaliserun produit souple, mais pour l’instantau prix d’une forte chute de rendement.

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6 Reflets de la Physique

Cette conférence (EU PVSEC-22 :22nd European Photovoltaic Solar EnergyConference) s’est déroulée du 3 au 7 sep-tembre 2007 à Milan, où elle célébrait sontrentième anniversaire. Elle rassemblaitplus de 3000 scientifiques et ingénieursprovenant de 83 pays, parmi lesquels lesplus représentés étaient l’Allemagne (849participants), suivie des États-Unis (424) etde l’Italie (202), la France ne venant qu’en 7e

position avec 112 représentants, tandisque la Chine et Taïwan en totalisaient124. La conférence de Milan comportaitaussi une exposition industrielle,qui a attiréplus de 12 000 personnes et rassemblait 520exposants de 32 pays (fig. 1).C’est à ce jourla plus grande exposition photovoltaïque.

La conférence de Milan traitait de tousles aspects scientifiques et techniques de laconversion photovoltaïque, du matériauaux systèmes, en passant par les politiquesnationales d’incitation à l’utilisation de cetteénergie verte. Le silicium reste toujours lematériau de base des modules PV (96,1 %du marché) sous forme monocristalline etmulticristalline, mais également en rubanet sous forme amorphe.Les autres couchesminces émergentes sont le tellurure decadmium et le cuivre-indium-selenium.Il n’était donc pas surprenant que lamajorité des travaux présentés à cetteconférence ait concerné la technologiedu silicium en plaquettes et rubans, avecpour objectifs les hauts rendements et les

faibles coûts par la réduction de l’épaisseur,le silicium type n et des procédés de cellulesinnovants. On notait la forte présence desgrands industriels (Sanyo, Sunpower,Mitsubishi, Kyocera, BP-Solar) et lesannonces de records de rendement et denouvelles unités de production aux capacitésaccrues, en vue de réduire fortement lescoûts. On peut citer, en particulier, lacombinaison du Si cristallin et du siliciumamorphe qui a permis le record absolu enrendement pour des technologies simples(22,3 %). Le silicium de type n (au lieu dutype p le plus utilisé), relativement mince(< 180 µm d’épaisseur), associé à descontacts en face arrière, a également ététrès étudié cette année, et les rendementsobtenus sont très prometteurs (22,4 % surgrande surface de 12,5 x 12,5 cm2). Cettetechnologie pourrait être industrialiséepar Sunpower.

Les couches minces (< 5 µm d’épaisseur)sont en plein essor industriel, grâce à laperspective de réduction du coût à moins de1 € /Wc avant 2010. Dans le domaine descellules tandem en silicium amorphe etmicrocristallin, on note l’intention deMitsubishi de développer la technologieutilisant des réacteurs plasma de dépôt enphase vapeur à très grande fréquence, per-mettant de réaliser un module toutes les 3minutes ! D’autre part, les modules de 94 cm2 en silicium polycristallin de 2,2 µmd’épaisseur, déposé sur verre, de la société

CSG, ont atteint un rendement record de10,4 %. Concernant les couches minces àbase de CuIn(Ga)Se (ou CIS) et CdTe,on apu noter des démonstrateurs à haut rende-ment (19,5 %) et de nouveaux développe-ments industriels. Ainsi, en Allemagne, lasociété Würth Solar a l’intention de pro-duire 30 MW de modules CIS en 2008.

Plus prospectives et donc plus prochesde la recherche, plusieurs présentationsont porté sur la future génération de cel-lules photovoltaïques à base de matériauxinorganiques et/ou organiques, en vue detester des concepts originaux et d’atteindredes très hauts rendements (> 30 %). Ondoit évidemment citer les cellules tandemà multijonctions (Ge/GaInAs/GaInP),produites en particulier par la sociétéSpectrolab,qui ont démontré un rendementde 40,7 %, mais sous lumière concentrée.Le coût exorbitant de ces cellules pousseà développer des procédés moins coûteux,parmi lesquels la réalisation de cellules parimplantation ionique d’azote dans GaAsou GaAsP pour fabriquer des composésGaAsN(P) ou encore la production deZnMnOTe par ablation laser. Enfin, desprogrès notables ont été obtenus dans lavoie qui consiste à réaliser des cellulestandem uniquement à base de silicium, entirant avantage des propriétés des boîtes et desfils quantiques pour moduler l’absorptiondes photons.

Abdelillah Slaoui([email protected])

InESS, 67037 Strasbourg Cedex 2

Ndlr. La prochaine conférence EU PVSEC se tiendraà Valencia, Espagne, du 1er au 4 septembre 2008. Elleaura une présidence française : vingt ans après cellede Florence en 1988, présidée par Ionel Solomon, la23e conférence sera présidée par Daniel Lincot(IRDEP).

Compte-rendu de la 22e Conférence européenne sur l’énergie solaire photovoltaïque (EU PVSEC-22, Milan, 2007)

Allemagne 42 % Italie 13 % Chine 11 %

États-Unis 7 %

Espagne 5 %

Pays-Bas 3 % France 2 %

Suisse 2 % Taïwan 2 %

Royaume-Uni 2 %

Norvège 2 %

Autres pays 10 %

Figure 1 : EU PVSEC-22. Répartition des exposants par nationalité et par m2 de stand. On voit que la Chine et Taïwan sont déjà présents pour 13% de l'exposition.

Pour plus d’informationswww.photovoltaic-conference.com www-emrs.c-strasbourg.fr www.pvsec17.jp

Reflets de la Physique 7

Outre sa variabilité au cours du temps, l’éclairement solaire estpolychromatique et subit l’influence de la couche atmosphérique traversée,tant pour son intensité que pour sa composition spectrale. Il s’étend duproche ultraviolet au proche infrarouge, comme le montre la figure 1.Le spectre de l’énergie émise par le soleil est à peu près celui du corps noirà 6000 K,et cette énergie est maximale pour λ ~ 0,5 µm (dans le jaune vert).

L’énergie reçue à terre et sa variation spectrale sont référencées par la notation AMx : AM0 définit les conditions d’éclairement hors del’atmosphère terrestre à la verticale du lieu ; en moyenne au sol, on utilise en France AM1,5, ce qui correspond à 100 mW/cm2 (1 kW/m2). Ilest clair que le rayonnement visible de longueur d’onde comprise entre 0,5et 0,7 µm contient la plus grande partie de l’énergie rayonnée par lesoleil. Mais il faut tenir compte du fait qu’un photon absorbé crée uneseule paire électron-trou quelle que soit son énergie hν, et que l’excé-dent d’énergie hν - Eg par rapport à la largeur de bande interdite (Eg) estperdu. À énergie incidente égale, il y a deux fois plus de photons à 1 µmqu’à 0,5 µm.

Le coefficient d’absorption optique α d’un matériau semi-conducteurvarie beaucoup avec l’énergie des photons incidents : il est proche de 0si hν < Eg et peut atteindre brutalement ou progressivement plus de 105 cm-1 si hν > Eg. De ce fait, les photons de grande énergie seront tou-jours absorbés près de la surface éclairée, alors que ceux d’énergie plusfaible, mais toujours supérieure à Eg, seront absorbés en volume, plus oumoins profondément suivant la variation de α avec hν. La figure 2 montreque, pour le silicium, la croissance de α avec hν est douce, alors qu’elleest brutale pour l’arséniure de gallium.

Le calcul du photocourant dans une cellule photovoltaïque est assezcomplexe, car le taux de génération G(x) des paires électron-trou varieavec la profondeur x suivant la loi de Lambert : G(x) = G(0) exp(-αx).

Santo MartinuzziFigure 2. Variation du coefficient d’absorption optique avecl’énergie des photons incidents.

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Énergie des photons (eV)

Figure 1. Variation spectrale de la puissance émise par le soleil. La courbe AM0 correspond à l’éclairement en dehors de l’atmosphère.La courbe AM1, prise au niveau de la mer, se rapproche de lacourbe AM0, mais est entachée de bandes d’absorption liées aucontenu de l’atmosphère (O2, H2O en particulier).

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Une nouvelle commission « Énergie et environnement »Le groupe Énergie de la SFP, sous l’impulsion de notre présidente, vient de muer en

commission Énergie et Environnement, ce qui témoigne de l’importance de cette problématique

pour le futur de l’humanité et du rôle primordial que doit y jouer la recherche. La commission

compte aujourd’hui une dizaine de membres ; elle couvre déjà une large gamme de spécialités

(nucléaire, solaire, fusion, efficacité énergétique, climat …), et propose de nombreuses

conférences (grand public, lycées, classes spécialisées), des articles de vulgarisation, des

organisations de colloques, débats et bars des sciences.

Notre commission a l’ambition affichée de devenir une référence dans l’analyse physique

de la problématique de l’énergie et de ses impacts environnementaux, ainsi qu’une source

d’information objective à destination du grand public et des médias, de plus en plus concernés

par cet énorme enjeu qui attend l’humanité dans les 50 ans à venir : fournir au monde l’énergie

dont il a besoin, tout en réduisant drastiquement l’utilisation des combustibles fossiles, gros

émetteurs de gaz à effet de serre.

Sylvain DavidPrésident de la commission ([email protected])

Livres disponibles publiés par la commission « Énergie et Environnement »

« L’énergie dans le monde. Bilans et perspectives »,J.L Bobin, H. Nifenecker, C. Stéphan, EDP-Sciences, nouvelle édition (2007).

« L’énergie de demain », J.L. Bobin, E. Huffer, H. Nifenecker, EDP-Sciences (2005), collection Grenoble Sciences.

Quelques rappelsLe spectre solaire.

L’absorption de l’énergie lumineuse

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La filière du siliciumphotovoltaïque multicristallin

Minerais de quartz et de charbon

Grains de Si (pureté > 99,99999 %)

Cellule solaire

Panneaux (= modules) solaires

Réduction

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Figure 1 : Schéma de la structure d’unecellule solaire standard à jonction n+-pau silicium, éclairée par des photonsd’énergie supérieure à Eg. La plupart desporteurs minoritaires (ici les électrons)proviennent de la base si leur longueurde diffusion est suffisante pour qu’ilsatteignent la limite de la RCE. Les trouscréés dans l’émetteur de type n+ (forte-ment dopé n) font de même. Tous lesporteurs minoritaires créés dans la RCEtraversent la jonction.

Après une description

sommaire des

principaux

phénomènes relatifs à

la conversion

photovoltaïque de

l’énergie solaire par des

cellules à jonction p-n,

on détaille les

propriétés des cellules

au silicium, qui est

actuellement le

matériau le plus utilisé.

Les particularités du

silicium polycristallin à

gros grains (ou

multicristallin) sont

décrites, en mettant en

évidence l’importance

de l’interaction entre

impuretés et défauts

cristallographiques sur

le rendement de

conversion des cellules.

Enfin, quelques innova-

tions sont évoquées.

Les cellules solaires au siliciumcristallin Santo Martinuzzi ([email protected])

Professeur Émérite, Université P. Cézanne – Aix-Marseille III

Rappels sur l’effet photovoltaïque

C’est à Antoine Becquerel que l’on peutattribuer la découverte de l’effet photovoltaïqueen 1839 en éclairant des chaînes d’électrolytes,et c’est Heinrich Hertz qui mit en évidence en1887 l’effet photoélectrique externe, résultantde l’extraction d’électrons de métaux alcalinséclairés.L’effet photovoltaïque est dû à la créationd’électrons ou de trous (défauts d’électrons)mobiles dans un matériau absorbant les photonsqui l’éclairent et à la séparation des charges designe opposé. Cette séparation fait apparaîtreune phototension et peut fournir un photocourant,donc de l’énergie électrique,à un circuit extérieur.Une cellule solaire photovoltaïque effectuecette conversion d’énergie.

Dans ce qui suit,on décrit l’effet photovoltaïquese déroulant dans une diode à jonction p–n ausilicium (Si), éclairée par des photons dontl’énergie hν est supérieure à la largeur debande interdite (ou gap) Eg du semi-conducteur(dans Si cristallin, Eg = 1,12 eV à 300 K). Cesphotons d’énergie hν > Eg créent alors desélectrons de conduction et des trous par rupturede liaisons de valence (voir fig. 1).

Une diode à jonction p-n est une structureconstituée d’une région de type p, où laconduction électrique se fait essentiellement par

les trous chargés positivement, et d’une régionde type n où la conduction se fait essentielle-ment par des électrons. Ce sont les porteurs decharge majoritaires, dont les concentrations au voisinage de 300 K résultent du dopage,c’est-à-dire de l’introduction volontaire dans le réseau cristallin du silicium tétravalent,d’atomes dissous pentavalents en concentrationNd, dits donneurs, comme le phosphore oul’arsenic,ou d’atomes trivalents en concentrationNa, dits accepteurs, comme le bore. Ces atomesdopants sont tous ionisés dès que la températuredépasse 100 K et cèdent un électron mobile (ledonneur devient alors un ion positif fixe) ouun trou mobile (l’accepteur devient un ionnégatif fixe). Les concentrations de porteursmajoritaires sont alors n ~ Nd dans un semi-conducteur de type n, et p ~ Na dans un semi-conducteur de type p.

Les porteurs majoritaires définissent le typede conduction et la résistivité électrique dumatériau dopé. Ce dernier contient toujoursune fraction de porteurs de charge minoritai-res, trous dans un matériau de type n ou élec-trons dans un matériau de type p, produits parrupture de quelques liaisons de valence parl’agitation thermique. Les concentrations enmajoritaires et minoritaires dans une mêmerégion sont régies par la loi d’action de masse :np = ni

2 , où ni est la concentration en porteurs

10 Reflets de la Physique

de charge d’origine intrinsèque dans le matériaunon dopé (à 300 K, ni ~ 1,45.1010 cm-3 dans Si).Par exemple, dans du silicium de type n, dopé par Nd = 1015 cm-3 atomes donneurs, il y a1015 cm–3 électrons et seulement ~ 2.105 cm-3

trous à 300 K.

Hors équilibre, en éclairant (par exemple)du silicium de type p par des photons d’énergiehν > Eg, un excès d’électrons Δn est créé.Δn = Gτn, si G est le taux de génération desporteurs (en cm-3/s) par les photons absorbés.τn est la durée de vie des porteurs minoritaires :c’est le temps moyen qui sépare la création dela disparition par recombinaison d’un électronen excès. Ce sont les porteurs minoritaires enexcès qui sont les porteurs de charge actifs etqui sont séparés par la jonction p-n en traversantl’interface métallurgique entre les deux régionsélectriquement neutres de types n et p.

Cette séparation repose sur l’existenced’une région de charge d’espace (RCE), delargeurW répartie de part et d’autre de l’interfacesur moins d’un micromètre de large. C’est unerégion isolante, où règne un champ électriqueintense (plusieurs kV/cm), dirigé de la régionn vers la région p, qui repousse dans les régionsneutres les porteurs majoritaires. Cette RCE seforme par suite d’un début de diffusion desélectrons et des trous majoritaires qui tententde passer dans la région où ils sont minoritaires.La neutralité électrique au voisinage de l’interfaceest alors rompue : les charges fixes dues auxdopants ionisés ne sont plus compensées et unecharge d’espace positive s’établit du côté n et uneautre négative du côté p,d’où le champ électriquedirigé de la région n vers la région p (voir fig. 2).Si maintenant un porteur minoritaire créé dansla région n (ou dans la région p) atteint par dif-fusion la limite de la RCE, il est happé par lechamp électrique et traverse immédiatement lajonction, échappant ainsi aux recombinaisons.On peut dire aussi que les porteurs minoritairescollectés par la jonction et qui participent auphotocourant, sont ceux qui sont créés à moinsd’une longueur de diffusion L des limites de laRCE. L est la distance moyenne entre le lieude création et le lieu de recombinaison desporteurs minoritaires ; on distinguera celle desélectrons Ln de celle des trous Lp.Tout porteurde charge créé dans la RCE traverse la jonctionet participe au photocourant.

Si la diode est isolée électriquement maiséclairée par des photons d’énergie hν > Eg, desporteurs minoritaires traversent la jonction :des trous viennent s’accumuler dans la régionp et des électrons dans la région n. Cet excèsde charges négatives du côté n et positives ducôté p polarise la jonction en direct, ce qui setraduit par une phototension. Si le taux de

génération G de porteurs minoritaires estuniforme et q est la valeur absolue de la chargeélectronique élémentaire, la densité de photo-courant peut s’écrire :

Jhν ~ q G (Ln +Lp + W)Ln et Lp sont de l’ordre de quelques centaines

de µm, voire de quelques mm, dans du siliciummonocristallin. Elles peuvent chuter à quelquesµm dans des matériaux insuffisamment purs.

Si la diode éclairée est reliée à un circuitextérieur, elle va fonctionner en générateur decourant et la puissance fournie va surtoutdépendre de l’éclairement reçu par la diode.

Une cellule solaire photovoltaïque est unediode dont la face avant éclairée est recouverted’une électrode métallique en forme de grilleet d’une couche antireflet, la face arrière recevantune électrode pleine. La figure 1 schématise lastructure générale d’une cellule à jonction n+-p,n+ signifiant fortement dopé (≥ 1018 cm-3).Éclairée par le soleil, elle se comporte commeun générateur de courant dont la région n estle pôle (–) et la région p est le pôle (+).

Matériaux semi-conducteursadaptés à la conversion photovoltaïque de l’énergiesolaire à terre

Le choix des matériaux dépend surtout dela largeur de la bande interdite Eg, à cause de lacondition quantique hν > Eg. Plus Eg est faibleet plus grand sera le nombre de photons utilisables,mais aussi plus faible sera la phototension(1).

Les calculs montrent que les meilleurs ren-dements de conversion à terre (η), définiscomme le rapport de la puissance électriquefournie à un circuit extérieur à la puissancereçue du soleil par la cellule(2), seront obtenussi Eg est compris entre 1 et 1,7 eV, comme lemontre la figure 3.

Le silicium n’est pas le mieux placé, maisd’autres considérations entrent en jeu et luiconfèrent un intérêt primordial. En effet, unmatériau destiné à la fabrication de cellulessolaires doit être abondant, non toxique et peucoûteux, car beaucoup de matière est exigée(avec un rendement de conversion de 20 % etune puissance solaire de 1 kW.m-2, il faudrait 5 km2

de cellules pour fournir 1 GW). Il faut aussique les propriétés électriques des matériaux(longueurs de diffusion et durées de vie desporteurs minoritaires) soient les meilleurespossibles pour que des cellules très performantes(η > 20 %) puissent être obtenues. Pour cela, ladensité de dislocations doit être inférieure à100 cm-2 dans un monocristal, et les concen-trations en impuretés indésirables (métaux detransition) doivent être inférieures à 1013 cm-3 !!

(1) Eg est de l’énergie potentielle.C’est elle que les porteurs minori-taires acquièrent, au moins, lors deleur création par les photonsd’énergie hν > Eg ; c’est elle qu’ilspourraient au maximum restituersous forme d’énergie électrique,sous une tension V ≤ Eg / q.(2) Remarque : les valeurs desrendements calculés ne tiennentpas compte des pertes dues auxcourants de fuite et à la résistanceinterne des cellules, qui dépendentde la technologie de fabrication.

Figure 3 : Variation du rendement deconversion idéal (les pertes dues auxrésistances parasites ont été négligées)pour une cellule à une seule jonction enfonction de la largeur de bande interditedu matériau.

Figure 2 : Variation des concentrationsde porteurs et du potentiel électrostatiqueà travers une jonction p-n non polarisée. E : champ électrique dans la RCE.

Rend

emen

tde

con

vers

ion

(%)

Largeur de bande interdite (eV)

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que

Figure 5 : Photographie d’une plaque de10 x 12,5 cm2 de silicium multicristallin,dont les défauts cristallographiques éten-dus ont été révélés par attaque chimiquesélective. Les joints de grains (JG), lesmacles (M) et les zones à forte densitéde dislocations (D) sont bien visibles.

Seul le silicium peut satisfaire de tellesconditions, d’autant plus qu’il bénéficie desprogrès de l’industrie de la microélectronique.Bien sûr, des tolérances en défauts et impuretéspeuvent toujours être admises si on peut secontenter de rendements de conversion moyens(η ~ 16 %).Ce sera le cas du silicium polycristallinà gros grains (> quelques mm2), appelé aussimulticristallin (mc-Si). Il semble alors possibled’admettre des concentrations en impuretésmétalliques de l’ordre de 1014 cm-3.

Les cellules solaires au silicium cristallin massif

En 2006, 93 % des cellules solaires ont étéfaites avec des plaquettes de silicium (32 % avecdes monocristaux, 57 % avec des multicristauxet 4 % avec des rubans). La structure de cescellules est toujours voisine de celle de la figure 1.La base, le plus souvent de type p, est dopée aubore, l’émetteur est obtenu par une diffusionde phosphore limitée à 0,2 – 0,3 µm de pro-fondeur. L’épaisseur des plaquettes de siliciumest de 200 à 300 µm. La face avant (éclairée)reçoit une couche mince antireflet qui était enTiO2, mais qui est remplacée aujourd’hui pardu nitrure de silicium hydrogéné (SiN-H). Cenitrure forme une excellente couche antirefletqui réduit de 34 % à environ 8 % le coefficientde réflexion dans le centre du spectre visible, etqui sert aussi de réservoir d’hydrogène. Cethydrogène peut contribuer à passiver la surfacede l’émetteur et les défauts volumiques de laplaquette (ce qui est très bénéfique pour mc-Si,comme on le verra plus loin). La sensibilitéspectrale de ces cellules (photocourant créé parunité d’éclairement pour chaque longueurd’onde) est élevée pour les longueurs d’ondecomprises entre 350 et 1100 nm, et présenteun maximum autour de 850 nm (voir fig. 4).Pour les grandes longueurs d’onde, ce sont leslongueurs de diffusion des porteurs minoritaireset le faible coefficient d’absorption optique quilimitent la sensibilité. Aux courtes longueursd’onde (< 0,5 µm), pour lesquelles le coefficientd’absorption optique est élevé (> 104 cm-1,

voir fig. 2, p. 7), ce sont les recombinaisons ensurface qui l’atténuent. Aux longueurs d’ondeintermédiaires, la décroissance de la sensibilitéspectrale, quand l’énergie des photons croît, estdue à la génération d’une seule paire électron-trou par photon absorbé, donc à la perte del’excès d’énergie hν – Eg. La figure 4 représentecette variation spectrale pour une cellulemonocristalline et aussi celle du rendementquantique interne RQI(λ), qui représente lenombre d’électrons créés et collectés pour chaquephoton absorbé. La variation spectrale de RQI,qui est au plus égal à 1, est beaucoup plus« carrée » que ne l’est la sensibilité spectrale,puisque la perte d’énergie hν – Eg n’est pasprise en compte. Cette variation témoignemieux de l’influence des recombinaisonssuperficielles et volumiques.

La puissance délivrée par la cellule s’écrit :P = Vco.Jcc.FF, si Vco est la phototension decircuit ouvert, Jcc la densité de courant decourt-circuit et FF le facteur de forme (< 1).FF dépend de la résistance interne de la cellule(ou résistance série Rs ) et de mécanismes deconduction parasite représentés par une résistanceshunt Rsh.

Les cellules les plus performantes sont faitesavec du silicium monocristallin, mais la plusgrande quantité le sont avec mc-Si obtenu, leplus souvent, par moulage dans un creuset ennitrure de silicium ou en silice. Une charge desilicium constituée de rebuts de la productionde cristaux destinés à l’industrie des composantsde l’électronique est fondue, puis recristalliséeprogressivement en refroidissant le bas du creuset.La croissance cristalline qui s’ensuit est direc-tionnelle, les grains vont du bas jusqu’au hautdu lingot, sur des distances de 10 à 20 cm, ense déformant assez peu. Cette solidificationprogressive, qui maintient en contact une phasesolide et une phase liquide, développe uneségrégation des impuretés contenues dans lacharge, qui sont drainées vers le haut du lingotmoulé (voir encadré p. 16). Des lingots parallé-lépipédiques de 300 à 450 kg sont actuellementpréparés de façon courante et sont ensuite débités

Figure 4 : Variations spectrales de lasensibilité d’une cellule solaire au siliciumou à l’arséniure de gallium. On notera ledécalage vers les courtes longueurs d’ondede la réponse pour AsGa. La variationspectrale du rendement quantiqueinterne RQI est aussi représentée (courbeen tirets) pour la cellule au silicium.Longueur d’onde (μm)

Sen

sibi

lité

spec

tral

e (m

A/W

)

RQI

Reflets de la Physique12

en « briques », qui elles-mêmes sont découpéespar sciage à fil en plaquettes de 200 à 300 µmd’épaisseur et de 15 x 15 cm2.

La figure 5 est une photographie d’uneplaquette de mc-Si, dont les défauts étendusont été révélés par une attaque chimique sélective.On distingue les joints de grains et les grainsqui sont plus ou moins homogènes, désorientésles uns par rapport aux autres, et qui contiennentpar endroits une forte densité de dislocations(> 105 cm-2) apparaissant comme des points etdes lignes noires. Dans un multicristal, les jointsde grains ne sont pas le défaut dominant (leszones d’atténuation de photocourant dues àces défauts n’occupent pas 5 % de l’aire de lacellule, comme le montre « l’image électrique »de la figure 6) ; ce sont les dislocations et surtoutleur interaction avec les impuretés résiduelles(métaux de transition, même à l’état de traces)qui, en recombinant les porteurs minoritaires,limitent les longueurs de diffusion et les duréesde vie. Les macles sont le plus souvent inactivesélectriquement.

La figure 6-a est une « image électrique »en photocourant (dite LBIC pour light-beam-induced-current) qui révèle les défauts recombi-nants nocifs pour la conversion photovoltaïque(dislocations, impuretés).

Il est impératif que ces défauts soient neu-tralisés. C’est possible grâce à des « effets getter »,consistant à extraire des impuretés métalliques(diffuseurs rapides comme Fe, Cu, Ni, Cr) desrégions actives de la cellule et à les confinerdans celles où elles perdent leur nocivité(la région n obtenue par diffusion du phos-phore). L’introduction d’hydrogène, à partir de lacouche antireflet en nitrure de silicium richeen hydrogène, permet de passiver des impure-tés qui n’auraient pas pu être extraites par effetgetter (diffuseurs lents), et aussi des liaisons pen-dantes aux joints de grains et aux dislocations.Cette passivation se traduit par une forteréduction de l’activité recombinante de cesimperfections.

La passivation des défauts et impuretésaprès hydrogénation est illustrée par les figures6-a et 6-b qui sont les images électriques LBICde cellules faites avec des plaquettes de mc-Siappariées (présentant les mêmes défauts auxmêmes endroits). La figure 6-a est l’image de lacellule non hydrogénée (couche antireflet enTiO2), et la figure 6-b est celle de la cellulehydrogénée (couche antireflet en SiN-H). Lesvaleurs des longueurs de diffusion mesuréesaux mêmes endroits et indiquées sur les figuresont presque doublé après hydrogénation.

De ce fait, malgré les imperfections de mc-Si, les traitements standard qui conduisentde la plaquette brute à la cellule terminéecontribuent à améliorer considérablement laqualité du matériau. (Par exemple le fer, impuretéredoutable en microélectronique, voit saconcentration divisée par 100 au moins !).

Certes, les performances sont inférieures àcelles des cellules faites avec des monocristaux,mais le coût du matériau est moindre, et surtout,les cellules de section carrée conviennent

beaucoup mieux au remplissage des modulesphotovoltaïques que les cellules rondes découpéesdans des lingots monocristallins cylindriques.De plus, le temps de restitution de l’énergienécessaire à la fabrication des cellules est plusfaible quand on utilise mc-Si (~ 2 ans) que desmonocristaux (~ 3 ans) .

Les meilleures performances des cellulessolaires au silicium à une seule jonction sontconsignées dans le tableau 1.

La production de lingots de mc-Si est en pleineexpansion, mais des techniques de productionde rubans plats de silicium se développent, cequi évite le sciage et les pertes de matière qui

Figure 6 : Cartographie LBIC (en faussescouleurs) d’un échantillon de siliciummulticristallin sans (a) et avec hydrogé-nation (b). La technique LBIC consiste àbalayer les cellules étudiées par un spotlumineux monochromatique de 10 μmde diamètre et à mesurer localement lephotocourant pour établir une carto-graphie du contraste c = (I – Idef)/I0, oùIdef est le courant mesuré à l’endroit où ily a un défaut et I0 celui mesuré dansune zone de référence sans défaut. Lebleu/vert correspond à une forte inten-sité, le rouge/rose à une faible intensitéde recombinaison des porteurs minori-taires. (Les lignes noires sont les peignesde la grille déposée sur la face avant descellules). Les longueurs de diffusionlocales des porteurs minoritaires sontindiquées en μm.

Matériaux Vco (mV) Jcc(mA/cm2) FF (%) η (%)

Si multicristallin 654 38,1 79,5 19,2

Si monocristallin 696 42 83,6 24,4

Tableau 1 : Meilleures performances descellules solaires au silicium cristallin àune seule jonction.Vco : phototension de circuit ouvert. Jcc : densité de courant de court-circuit. FF : facteur de forme. η : rendement de conversion.

5-a 5-b 5 mm

c

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que

en découlent (au moins 30 %). Des rubans deplusieurs mètres de longueur sont extraitsd’une masse de Si fondu sous forme d’unelame liquide passant le plus souvent à traversun moule, en utilisant les phénomènes de tensionsuperficielle et de capillarité. Des plaquettesaux dimensions désirées sont alors découpéesau laser. Cette technologie est attrayante, mais sedéveloppe lentement, de nombreux problèmesrestant à résoudre(3).

Les performances des cellules en productionindustrielle sont évidemment moins élevéesque celles mentionnées dans le tableau 1 : onarrive à des rendements de conversion de 16 à 17 %avec mc-Si et à 20-21 % avec les monocristaux.

Pourra-t-on faire mieux sans augmenter lecoût de l’énergie délivrée ?

L’augmentation des rendements de conversion

Il est évident que les cellules solaires terrestresdoivent être obligatoirement bon marché pourque le coût de l’énergie délivrée soit inférieurà 1 €/Wc (watt-crête, c’est-à-dire obtenu à midi),afin de pouvoir concurrencer les autres sourcesd’énergie. Un rendement de conversion élevépeut contribuer à abaisser ce coût en réduisantles frais annexes (supports, surface occupée,métallisations). Mais un progrès décisif sera faitaussi en utilisant, pour produire les lingots demc-Si, des charges de silicium préparéesdirectement à partir du silicium métallurgique,et purifiées par des techniques beaucoup plus

simples que celles utilisées pour le silicium dequalité électronique (voir l’article de C.Trassy,pp. 14-16).

Ce dernier point est aujourd’hui très critique,parce que les cellules au silicium sont victimesde leur succès : il n’y a plus assez de matière pouralimenter les fours de cristallisation des lingotsde mc-Si.De nouvelles sources,abondantes et peucoûteuses, sont indispensables à très court terme.

ConclusionLa conversion photovoltaïque de l’énergie

solaire à terre est aujourd’hui une réalitéindustrielle dont la croissance est spectaculaire.Dans les dix années à venir, il semble que lesilicium cristallin « massif » soit de très loin lematériau dominant, alliant abondance, innocuité,stabilité et coût relativement modeste, quis’allient à une excellente maîtrise des procédéstechnologiques reposant sur l’industrie de lamicroélectronique.

Les cellules préparées à partir de plaquettesdécoupées dans des lingots de silicium multi-cristallin resteront très présentes, mais ellesdevront céder progressivement la place à descellules faites avec des « produits plats » commeles rubans, qui évitent la très lourde opérationdu sciage, ou des couches minces. Le siliciumutilisable dans la fabrication de lingots vientaujourd’hui à manquer. Il est impératif que destravaux intensifs résolvent ce problème, enfabriquant à grande échelle un silicium spécifiquede qualité solaire.■

Bibliographie[1] Crystals – Silicon, éd. par J. Grabmaier, Springer-Verlag,Berlin (1981).

[2] Les Piles Solaires, le Composantet ses Applications, M. Orgeret,Masson Éditeur, Paris (1985).

[3] High Efficiency Silicon SolarCells, M.A. Green,Trans.Tech.Publications, Suisse (1987).

[4] “Crystalline Silicon for Solarcells”, éd. par M. Kittler,S. Martinuzzi,W. Koch et T. Bruton,Solar Energy Materials and SolarCells, 72, 1-2, 1-597 (2002).

[5] Third Generation PhotovoltaicSolar Cells for Advanced SolarEnergy Conversion, M.A. Green,Springer-Verlag, Berlin (2003).

LE PROJET SOLARFORCE de production de rubans de silicium

(3) N.d.l.r : une variante, le projetSolarforce, utilisant un procédéoù le silicium cristallise sur lesdeux faces d’une bande decarbone tirée au travers ducreuset, est présentée dansl’encadré ci-dessous.

L’industrie photovoltaïque

connaît depuis une

dizaine d’années une

croissance extrêmement

forte, fondée essentiel-

lement sur le silicium

cristallin. Cette croissance

est aujourd’hui limitée

par la disponibilité de

silicium de qualité

solaire. Cette pénurie

rend indispensable

l’émergence d’une filière

d’approvisionnement

spécifique, indépendante

de la filière électronique.

Deux types de solutions

sont aujourd’hui en

compétition :

une filière par voie

gazeuse, dérivée de la

filière électronique,

et un ensemble de

procédés de purification

directe à partir du silicium

métallurgique.

La métallurgie du silicium solaireChristian Trassy ([email protected])Science et ingénierie des matériaux et procédés, UMR CNRS 5266, Grenoble

La production de cellules photovoltaïques adépassé en 2005 1,5 GW-crête1. Plus de 93 %de cette production est fournie par des modulesau silicium cristallin.Dans les conditions actuellesde production, il faut en moyenne 12 tonnesde silicium pour produire une capacité de1 MW-crête. C’est plus de 15000 tonnes desilicium de qualité photovoltaïque qui ont éténécessaires en 2005 pour cette production,dépassant la consommation de silicium de l’in-dustrie microélectronique, avec pour résultatune flambée des prix.C’est entre 30000 et 50000 tqui seront nécessaires en 2010.En effet, les rejetsde l’industrie microélectronique qui ont pendantlongtemps alimenté l’industrie photovoltaïquene suffisent plus, et depuis plusieurs années les« photovoltaïciens » s’approvisionnent directementaux mêmes sources que l’industrie électronique.Le résultat est que le prix du silicium de qualitésolaire, qui était de 30 francs par kilogrammedans les années 1997-1998, est passé aujourd’huià plus de 60 €/kg,voire jusqu’à plus de 150 €/kgsur le marché « spot »2. Cette situation menacedirectement la filière photovoltaïque à unmoment où la croissance de la demande estparticulièrement forte.

La production et la purificationdu silicium

Du point de vue du « photovoltaïcien », lamétallurgie du silicium concerne l’ensembledes étapes qui vont conduire des matièrespremières jusqu’aux plaquettes3 brutes, leswafers, à partir desquelles vont être élaborées lescellules. Ces cellules sont ensuite assemblées enmodules, unités de production électriquegénéralement composées de 35 ou 36 cellulesdans le cas des modules au silicium cristallin, defaçon à fournir une source de tension utilisabledans les systèmes. Cette métallurgie englobeplusieurs étapes : la production de silicium par laréduction de la silice, sa purification et l’élabo-ration des lingots dans lesquels seront ensuitedécoupées les plaquettes.

Le silicium est, après l’oxygène, l’élément leplus répandu à la surface du globe : il représenteprès de 28 % de la croûte terrestre. Cependantil n’existe pas à l’état natif, mais sous formed’oxydes – la silice – ou de silicates, qui sontdes composés extrêmement stables. Le siliciumdit « métallurgique » est obtenu par réductionde la silice par le carbone à haute température,

dans des fours à arc. La réaction globale s’écrit :SiO2 + 2C → Si + 2COEn fait la réaction est plus complexe et on

peut schématiquement décomposer le fourélectrique en deux zones : une zone inférieurechaude, où la température dépasse 1900 °C, etune zone supérieure plus froide. Dans la zonechaude, on a les réactions :

2 SiO2(l) + SiC(s) → 3 SiO(g) + CO(g)SiO(g) + SiC(s) → 2 Si(l) + CO(g)et dans la zone froide :SiO(g) + 2 C(s) → SiC(s) + CO(g)2 SiO(g) → Si(l) + SiO2(s)On obtient ainsi un silicium de qualité

métallurgique dont les principales impuretéssont dues soit au procédé lui-même, SiC etSiO2, soit aux impuretés contenues dans lesmatières premières ; c’est le cas des impuretésmétalliques et des dopants comme le bore et lephosphore. Le taux d’impureté dans ce siliciummétallurgique est généralement compris entre0,5 et 2 %. Si, a priori, n’importe quelle silice etn’importe quel réducteur carboné peuvent êtreutilisés, le fonctionnement fiable et énergéti-quement efficace d’un four à silicium imposeun choix précis des matières premières et deleur granulométrie ; il est par exemple exclud’utiliser du sable, fut-il de grande pureté, caron a alors un colmatage du four et une trèsmauvaise circulation de gaz dans la charge. Lesprincipaux débouchés de ce silicium sont lachimie pour l’industrie des silicones et lamétallurgie où il est utilisé comme élémentd’alliage. La production annuelle est de l’ordred’un million de tonnes.

Le silicium de qualité électronique exigeune beaucoup plus grande pureté, de l’ordre de10-9. Il est préparé par voie gazeuse : du siliciumde qualité métallurgique est attaqué à hautetempérature par HCl pour donner du trichloro-silane, SiHCl3, qui est gazeux. Ce trichlorosilaneest purifié par distillation, puis converti ensilane, SiH4, lequel par dissociation thermiquedonne un silicium de grande pureté (voir fig. 1).Les sous-produits sont recyclés. La pureté de cesilicium n’est cependant pas suffisante pour lesapplications électroniques ; une purificationcomplémentaire est apportée par la ségrégationqui intervient lors de la fabrication des lingotsdans lesquels sont découpées les plaquettes(wafers) sur lesquelles sont réalisés les compo-sants électroniques.

1 - Voir définition du watt-crêtepage 4, note 2.

2 - Les prix d’achat constituentaujourd’hui des informations stratégiques,compte tenu de la trèsgrande tension sur le marché.

3 - La dimension typique d’uneplaquette est :150 x 150 x 0,25 mm.

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Tableau 1. Exemple de concen-trations d’impuretés avant etaprès solidification directionnelle(en ppm poids).

Les applications photovoltaïques sontbeaucoup moins exigeantes quant à la puretédu silicium : en général de l’ordre de la ppm(partie par million), soit 10-6. Pendant longtemps,l’industrie photovoltaïque s’est donc contentéedes rejets et des surplus de l’industrie électronique.Cette situation n’est plus tenable au regard de latrès forte croissance de la demande : plus de 30 %par an depuis plusieurs années. Le défi auqueldoit donc répondre l’industrie photovoltaïqueest le développement d’une filière d’approvi-sionnement qui lui soit propre. Deux types devoies s’ouvrent alors : une voie gazeuse de typeélectronique simplifiée, et une voie directe àpartir du silicium métallurgique. Les recherchesdans ce domaine sont très actives, mais aucunede ces voies n’en est encore au stade industriel.

Une voie gazeuse dégradée, principalementpar simplification des étapes de distillation,conduira à un silicium relativement coûteux.Elle n’est concevable que dans le cadre d’une filièrevisant de hauts rendements photovoltaïques, del’ordre de 20 %.Les voies métallurgiques combinentgénéralement des étapes de ségrégation pour laréduction des impuretés métalliques (voirencadré p. 16) avec d’autres étapes, telles quelavage acide, traitement plasma, canon à électronsou traitement par laitiers.

Un exemple de combinaison de différentesétapes est donné par le procédé japonaisdéveloppé initialement par une équipe deKawasaki Steel [1], dans le cadre du vasteprogramme photovoltaïque japonais du NEDO(agence japonaise de l’environnement).Ce procédécomporte un traitement par canon à électronspour l’élimination du phosphore, un traitementpar plasma réactif d’argon et de vapeur d’eaupour l’élimination du bore, entrecoupés de

deux étapes de solidification directionnellepour la réduction des impuretés métalliques.Ce procédé a permis d’obtenir un silicium dequalité photovoltaïque, mais n’est pas encoreviable économiquement.Il est possible d’améliorerl’efficacité de la purification en utilisant unbrassage électromagnétique du silicium [2] eten intégrant les différentes étapes, y compris laproduction des lingots [3].

L’élaboration des lingotsLa production des lingots est une étape

importante, car la qualité cristalline du siliciumen dépend. Elle constitue en outre une étapesignificative de purification complémentairepar ségrégation. On distingue les procédés desolidification selon qu’ils conduisent à des lingotsmonocristallins ou multicristallins.

Parmi les procédés monocristallins, le procédéde la zone flottante (voir encadré p. 16) estcelui qui conduit à la plus haute pureté, dans lamesure où le silicium liquide n’est en contact avecaucune paroi ; mais c’est aussi le plus onéreux.Le procédé Czochralsky tire un lingot à partird’un germe monocristallin plongé dans unbain de silicium liquide ; le creuset en silice estla source d’une pollution en oxygène et le bainliquide s’enrichit progressivement en impuretés,du fait justement de la ségrégation.

Les différents procédés de production delingots multicristallins (voir fig. 2) reposent toussur le même principe.Le silicium est fondu dansun creuset en silice, de forme parallélépipédique.À la fin de l’étape de fusion,une perte thermiqueest créée au fond du creuset et le silicium solidifieprogressivement du bas vers le haut. La capacitédes creusets peut dépasser 300 kg.

Figure 1 : Comparaison des filièresd’approvisionnement. À gauche la voieclassique, dérivée de la filière électronique(EG-Si), à droite une voie directe à partirde silicium métallurgique amélioré(UMG-Si).

MG-Si : silicium de qualité métallurgique

SoG-Si : silicium de qualité solaire pho-tovoltaïque

PV-wafers : plaquettes photovoltaïques

E-wafers : plaquettes électroniques

Reflets de la Physique

B 1,6 0,9

P 4,8 2

Al 13 0,4

Ca 9 <0,005

Cr 2 <0,005

Cu 9 <0,01

Fe 30 <0,05

Ni <2 <0,01

Ti 1,5 <0,005

V <2 <0,001

Avan

t ség

réga

tion

Aprè

s ség

réga

tion

Reflets de la Physique16

La purification par solidification directionnelle

Les grains obtenus peuvent atteindre unelongueur de plus de 10 cm et une section del’ordre du cm2. Les rendements obtenus sursilicium multicristallin sont moins élevés queceux obtenus avec du monocristallin (15 à 16 %contre 17 à 19 %, en procédé industriel). Celatient, entre autres, aux joints de grains où seconcentrent les impuretés et qui ont une activitérecombinante. Cependant, dans le cas de l’uti-lisation de silicium de moindre qualité, commepar exemple le silicium métallurgique amélioré,cela pourrait se traduire par un avantage : lesjoints de grains permettraient de drainer plusefficacement les impuretés métalliques (voirtableau 1). Du point de vue de l’application, ilne faut pas perdre de vue que le critère le pluspertinent n’est pas le rendement de conversion,mais bien le coût du kilowattheure ; dans cecoût, le matériau entre aujourd’hui pour unepart significative : très grossièrement, dans lecoût final d’un module, le wafer entre pour 40 %,la fabrication de la cellule pour 20 % et l’as-semblage en module pour 40 %.

Il se dessine donc deux grandes tendancesdans le domaine des cellules à base de siliciummassif : une filière hauts rendements qui exigeun silicium de grande pureté, et une filièrebasée sur du silicium de qualité moindre, maisde faible coût. Compte tenu des besoinsactuels, ces deux filières, qui toucheront dessecteurs différents, ne semblent pas exclusivesl’une de l’autre.

Les verrous scientifiquesL’effet photovoltaïque est aujourd’hui bien

compris ; cependant l’application de cet effet à laproduction d’énergie électrique dépend beaucoupdes imperfections du matériau. Les interactionsentre défauts et propriétés électriques ont faitet font encore l’objet de beaucoup d’études.Jusqu’à présent, ces études ont principalementporté sur le matériau d’origine électronique.Les effets des impuretés, qui ont fait l’objet debien des travaux, portent essentiellement sur lesinteractions binaires, voire ternaires, mais pasau-delà.Très peu d’études concernent le silicium« sale ». Or, dans le cas d’un silicium d’originemétallurgique, c’est près de la moitié de laclassification périodique qu’on retrouve à l’étatde traces dans le matériau. On retrouve alorsune forte influence du procédé de purificationsur le type et la forme chimique des impuretésrésiduelles ainsi que sur les propriétés dumatériau. Les premières cellules réalisées avecdu silicium d’origine métallurgique ont montrédes rendements de conversion beaucoup plusélevés que ceux que l’on pouvait attendre, sil’on se réfère aux critères de pureté admis jusqu’àaujourd’hui ! Il y a là un champ de recherchequasiment vierge, qu’il sera indispensable dedéfricher pour pouvoir accéder à des procédésefficaces et à un matériau disponible enabondance.■

Références[1] N.Yuge et al.,“Purification ofmetallurgical silicon up to solargrade”, Solar Energy Materials andSolar Cells 34 (1994) 243-250.

[2] C.Alemany, C.Trassy,B. Pateyron, K.-I. Li,Y. Delannoy,“Refining of metallurgical-gradesilicon by inductive plasma”,Solar Energy Materials and SolarCells 72 (2002) 41-48.

[3] R. Einhaus et al., PHOTOSIL– Simplified Production of SolarSilicon from Metallurgical Silicon,21th European Photovoltaic SolarEnergy Conference, Dresden,(4-8 sept. 2006).

Figure 2 : Lingot de silicium, de dimensionslatérales 10 x 10 cm2, obtenu par couléecontinue électromagnétique. Le principe de cette technique consiste àfondre le silicium par induction dans uncreuset froid métallique sans fond. Lebain fondu est alimenté en continu pardes poudres de silicium, tandis que le « pied de lingot » est progressivementdescendu. En parvenant hors de la zoned’induction, le silicium se solidifie en unlingot dont la forme est déterminée parla forme du creuset. Ce dernier, quientre pour une bonne part dans le coûtde production du lingot, ne s’use pas etpeut être utilisé quasi indéfiniment.

Déplacement d’une zonefondue le long du barreau.

Solidification progressiveunidirectionnelle d’unbarreau de silicium.

Lorsqu’on solidifie un élément contenantun faible taux d’impuretés, la concentration enimpuretés dans la phase solide est généralementbeaucoup plus faible que dans la phase liquide.Le coefficient de ségrégation (ou de partage) estdéfini comme le rapport, à l’équilibre, des concen-trations en impuretés entre la phase solide et laphase liquide. Dans le cas du silicium, les coefficientsde ségrégation varient de 2 x 10-8 pour le tungstèneà 0,8 pour le bore ; cela signifie que si le tungstèneségrège très bien, le bore ne ségrège pratiquementpas (c’est pour cela que B est un bon dopant).

Si la solidification est suffisamment lente etcontrôlée, c’est-à-dire si on solidifie de façon àce que phase solide et phase liquide ne semélangent pas (schéma a), les impuretés sont

progressivement rejetées dans le liquide. La dernièrefraction solidifiée sera très enrichie en impuretés.Il suffira alors d’éliminer par découpe cette dernièrefraction pour obtenir un lingot de silicium trèspur. Cette technique convient bien à l’éliminationdes impuretés à faible coefficient de ségrégation– de façon générale : les impuretés métalliques.

Le procédé de la zone flottante (ou de fusionde zone) est une opération plus complexe, quiconsiste à déplacer à vitesse lente et uniformeune zone liquide de faible épaisseur le long d’unbarreau solide (schéma b). On transporte ainsiune certaine quantité d’impuretés vers la têtedu barreau. Lorsqu’on multiplie le nombre depassages de la zone liquide, on obtient dans lescas favorables un matériau extrêmement pur.

Solid

e Li

quid

e

Solid

e So

lide

Liqu

ide

(a) (b)

© C

NRS

/EPM

Reflets de la Physique 17

Dos

sier

Pho

tovo

ltaï

que

La filière photovoltaïque

à base de couches minces

de diséléniure de cuivre et

d’indium (CuInSe2 noté CIS)

et de ses alliages avec

du gallium ou/et du

soufre (Cu(In,Ga)(S,Se)2)

prend aujourd’hui son

envol industriel.

Celui-ci est porté par

des performances très

élevées en matière de

rendement de conversion,

atteignant 19,5 % pour

les cellules et 11 à 13 %

pour les premiers

modules. Elles sont

la conséquence de

propriétés physiques et

chimiques exceptionnelles,

dont la compréhension

constitue un challenge

scientifique de premier

ordre.

On assiste ces dernières années à l’apparitionsur le marché de modules photovoltaïques baséssur d’autres matériaux que le silicium :le diséléniurede cuivre et d’indium, CuInSe2, noté CIS, etses combinaisons avec du gallium (CIGS) oudu soufre, ainsi que le tellurure de cadmium,CdTe [1]. Les rendements de conversion actuelsrecords de ces cellules sont de 19,5 % pour leCIGS et de 16,5 % pour le CdTe. Les modules,dont la commercialisation vient de commencer,atteignent des rendements de 11 à 13 % pourle CIGS et d’environ 9 % pour le CdTe.L’attente envers ces nouvelles filières est depermettre d’importantes réductions des coûts del’électricité photovoltaïque, en associant destechnologies en couches minces (économie dematière car absence de découpe de lingots,épaisseurs de quelques microns, températuresd’élaboration inférieures à 600 °C) et des perfor-mances élevées. L’objectif est un temps deretour en énergie de moins d’un an, significa-tivement inférieur à celui du silicium (3 ansactuellement), et un coût de module inférieur à1 € par watt-crête (les modules au CdTe com-mencent d’ailleurs à percer sur ce plan avec desprix de vente annoncés de l’ordre de 2 €/Wc).

Comment un matériau quaternaire aussicomplexe que le CIGS, pouvant comporter detrès importantes concentrations de défauts,peut-il avoir des performances aussi voisines decelles du silicium polycristallin ultra-pur dansdes applications, comme le PV, très sensibles à ladurée de vie des porteurs photogénérés ? C’estlà un des éléments centraux du « mystère CIGS ».L’incrédulité des débuts a disparu et a ouvert unnouveau champ d’études basé sur ces propriétéssurprenantes [2].

Les propriétés physiques du CISLa structure cristalline du CIS est dérivée de la

structure cubique du diamant (encadré 1,p.19).LeCIS possède une bande interdite de 1,04 eV,proche de celle du silicium.Mais elle est associéeà un mécanisme d’absorption des photons detype direct entre les niveaux occupés de labande de valence et les niveaux inoccupés de labande de conduction, sans faire intervenir le

couplage avec les phonons du réseau (mécanismeindirect), comme c’est nécessaire pour le siliciumcristallin. Il en résulte un processus d’absorptiontrès efficace, conduisant à des coefficientsd’absorption très élevés (de l’ordre de 105 cm-1)dans le domaine du visible, compatibles avecl’utilisation d’une épaisseur de 1 à 2 microns,environ 100 fois plus faible que dans le cas dusilicium cristallin. Le CIS est donc un semi-conducteur dont les caractéristiques optiquesintrinsèques sont mieux adaptées que celles dusilicium cristallin à la conversion photovoltaïque,en particulier sous forme de couches minces.

Les cellules photovoltaïques à base de CISutilisent actuellement des couches de type p,avec des concentrations de trous majoritairescomprises entre 1016 et 1017 cm-3 et des longueursde diffusion des électrons minoritaires de l’ordredu micron. Le contrôle de ces concentrationsde porteurs, qui dépendent des écarts à lacomposition stœchiométrique (voir encadré 1),comporte encore une part d’empirisme.

Les composés de la famille du CISOn peut faire varier les propriétés du CIS

par substitution isovalente de tout ou partie desatomes d’indium et/ou de sélénium par desatomes de même valence (Ga ou Al pour In, Spour Se). Ceci conduit à une famille très richede composés,notée I-III-VI2,de largeur de bandeinterdite et de paramètres de maille ajustables.Les meilleurs résultats ont été obtenus en subs-tituant une partie des atomes d’indium par desatomes de gallium, conduisant à des matériauxde formule CuIn1-xGaxSe2, notés CIGS, dontla largeur de bande interdite Eg varie entre1,04 et 1,68 eV : un rendement optimum de

Cellules solaires en couches mincesà base de CuInSe2Daniel Lincot ([email protected]) et Jean-François Guillemoles Institut de Recherche et Développement sur l’Énergie Photovoltaïque (IRDEP, UMR 7174 CNRS-EDF-ENSCP), 11 Quai Watier, 78401 Chatou cedex

Figure 1 : Dépendance du rendementde conversion avec la largeur de bandeinterdite dans la famille Cu(In,Ga)Se2 [4].

Reflets de la Physique18

19,5 % est observé pour x = 0,3, avecEg = 1,15 eV (fig. 1) [4]. Une autre voieconsiste à jouer sur la substitution Se/S(entre 1,04 eV et 1,57 eV).

Caractéristiques de base des dispositifs

Contrairement aux cellules solaires ausilicium, les cellules au CIGS sont du type« hétérojonction », c’est-à-dire que lesrégions p et n sont constituées de matériauxdifférents. La figure 2 montre une coupetransverse vue en microscopie électroniqueà balayage d’un dispositif réel. Celui-cicomporte cinq couches minces (voir lafigure de l’encadré 2, p. 20). La première, enmolybdène (0,5 µm), joue le rôle de contactmétallique arrière. La seconde est la couchede CIGS, épaisse d’environ 2 microns. Latroisième, appelée couche tampon, est unefine couche (moins de 50 nm) déposée à lasurface du CIGS, et constituée de sulfurede cadmium CdS (de type n) ou, de plus enplus souvent, d’oxysulfure de zinc Zn(O,S).Elle se situe à l’interface avec les couchessuivantes à base de ZnO (50 nm de ZnOintrinsèque,puis 0,5 à 1 µm de ZnO dopé Al).La couche de ZnO:Al est dégénérée de typen (1020 cm-3), ce qui permet d’atteindre uneconductivité élevée (voisine de 104 S.cm-1).Elle sert donc,avec le CdS,de partenaire avecle CIS (de type p) pour établir la jonctionp-n. Elle sert également d’électrode avantpour le dispositif final. La couche tamponjoue un rôle très important vis-à-vis desperformances du dispositif, en assurant latransition électrique et structurale entre leCIGS et le ZnO. Sa présence permet uneréduction considérable des pertes électriquesassociées aux mécanismes de recombinaisonà l’interface.

La figure 3 montre le diagramme debandes associé aux cellules CIGS. Au voisi-nage de l’interface CIGS/CdS, les bandesd’énergie sont courbées par la variation dupotentiel électrostatique à travers la jonctionp-n. L’interface entre CIGS et couchetampon présente une discontinuité d’énergiepositive (appelée spike) au niveau de labande de conduction du CIGS. Cettediscontinuité doit posséder une hauteuroptimale pour les performances des dispo-sitifs : trop haute, elle s’oppose au passagedes électrons photogénérés, réduisant lephotocourant ; trop basse, voire négative,elle augmente le courant d’obscurité et lespertes par recombinaison.La couche de ZnOintrinsèque complète la couche tampon sur

le plan électrique, en évitant le contactdirect avec le ZnO:Al électriquementdégénéré. Du fait de largeurs de bandeinterdite élevées, les couches de ZnO ettampon laissent passer le rayonnement visible(d’où leur nom de couches fenêtre), qui estensuite absorbé dans la couche de CIGS.

Les caractéristiques des cellules vontdonc, au final, dépendre étroitement decelles des couches individuelles et de leursinterfaces. L’augmentation, par exemple, dela largeur de bande interdite du CIGS vas’accompagner d’une augmentation de latension de circuit ouvert au détriment duphotocourant.

Le passage de la cellule élémentaire, dequelques cm2 de surface ou moins, à laréalisation de modules s’approchant du m2,s’effectue grâce à des opérations de gravuresélective,conduisant à un mode de connexiontrès performant appelé connexion monoli-thique (voir encadré 2, p. 20).

L’état des recherches

Les recherches de base sur les matériaux et les dispositifs

Une première catégorie de recherchesvise à l’amélioration des connaissancesfondamentales sur le fonctionnement deces dispositifs. L’étude très détaillée descaractéristiques courant-tension (I-V)montre, par exemple, la sensibilité desparamètres de diode à l’obscurité avec labande interdite du CIGS et explique l’op-timum obtenu à 1,15 eV (voir fig. 1) [4].

La caractérisation plus précise des défautsimpliqués peut être effectuée par desméthodes spectroscopiques (luminescence,admittance électrique) ou par l’analyse descaractéristiques des dispositifs (I-V en fonc-tion de la température, réponses spectrales).On établit ainsi les distributions de défautsdans la bande interdite ou à l’interfacepour chaque dispositif particulier [5].L’analyse de l’interface entre le CIS et lacouche tampon/ZnO est complétée parspectroscopie de photoémission directe etinverse et des mesures de composition parXPS ou SIMS.Aux études des dispositifs serattache également tout un pan de recherchesur le plan théorique, à l’aide notammentde calcul ab initio des propriétés du CIGS [6].L’objectif est de comprendre les mécanismesde dopage, la nature des limitationsobservées pour les absorbeurs à plusgrande bande interdite, et de prévoir desstratégies d’amélioration (voir ci-dessous).

Un autre domaine de recherche trèsactif concerne les propriétés des joints degrains. En effet, contrairement à la majoritédes matériaux photovoltaïques polycristal-lins (Si, III-V), les cellules de CIGS ne sontpas pénalisées par la présence de joints degrains, ce qui représente un avantageremarquable. L’explication serait uneinversion de type, de type p à type n, entrele cœur des grains et les joints de grains.Celle-ci pourrait non seulement expliquerleur passivation, mais également leurdonnerait un rôle actif de collecte desporteurs minoritaires.

Figure 2 : Vue en coupe transverse au microscope électronique à balayage d’une cellule à base de CuInSe2électrodéposé, élaborée à l’IRDEP [6].

Reflets de la Physique 19

Dos

sier

Pho

tovo

ltaï

que

Les recherches sur l’optimisationdes performances des dispositifs

Une part importante des recherches vise àaméliorer le rendement record actuel de 19,5 %et à franchir maintenant la « barre » des 20 %.Les perspectives d’amélioration sont nombreuses,concernant la couche fenêtre, la couche tamponet l’absorbeur CIS lui-même. Par exemple,l’amélioration de la transparence de la couchetampon dans l’ultraviolet permettrait de gagner1,5 mA/cm2 sur le photocourant et, à conditionde maintenir les autres grandeurs constantes(tension de circuit ouvert, facteur de forme),permettrait de franchir à elle seule la barre des20 %. On assiste donc progressivement au rem-placement des couches de CdS par des couchesà base d’oxysulfure de zinc, dont la bande inter-dite est beaucoup plus grande (jusqu’à 3,6 eV aulieu de 2,4 eV), et qui permet aussi de se pas-ser de l’utilisation du cadmium toxique dans lafilière CIS. De la même façon, des couches de(Zn,Mg)O à plus grande bande interdite sontétudiées à la place de ZnO. Les chercheurs sesont également rendu compte que l’orientationcristallographique de la surface de CIS jouaitun rôle.

Une rupture majeure pourrait venir de laconstatation que la largeur de bande interditedes cellules actuelles de CIGS,d’environ 1,15 eV(voir fig. 1), n’est pas optimale pour la conver-sion photovoltaïque, la valeur théorique opti-male se situant autour de 1,5 eV, avec des ren-dements approchant les 30 % (voir l’article deS. Martinuzzi). Ainsi, l’augmentation de la

bande interdite des absorbeurs CIGS vers 1,5 eV,par ajout de Ga, d’Al ou de S, pourrait être laclé d’un nouveau saut de rendement.

Les recherches sur les méthodes de synthèse

L’élaboration des couches minces de CIGSest l’autre versant où s’exprime le caractèreexceptionnel du CIGS. Classiquement, l’élabo-ration de couches minces de semi-conducteursest pensée en considérant les matériaux comme« durs » : leur composition suivrait les consignesimposées au niveau des flux d’évaporation des

Figure 3 : Diagramme de bandes d’unecellule CIGS/CdS/ZnO. Ec : bas de la bandede conduction ; Ev : haut de la bande devalence ; Eg : largeur de bande interdite.La jonction électrique est formée par lecontact entre le CIGS de type p et les couchesCdS/ZnO de type n.Contrairement aux cellules au silicium, ils’agit d’un dispositif de type hétérojonc-tion. Le photocourant est généré dans leCIGS, puis traverse les couches deCdS/Zn0, contrairement au silicium où lacouche n contribue au photocourant.L’avantage de l’hétérojonction est delimiter les pertes optiques dans la zone nd’une homojonction classique.

Les composés ternaires I-III-VI2, de formule ABC2 (p.e. CuInSe2), ont une structure cristallinedérivée du réseau cubique du silicium. Comme pour les composés III-V et II-VI, cette structure estconstituée d’un sous-réseau anionique (ions C2-, p.e. Se2-) et d’un sous-réseau cationique (ions A+ etB3+, p.e. Cu+ et In3+). La phase chalcopyrite, la seule à posséder de bonnes propriétés pour les applicationsphotovoltaïques, correspond à un agencement ordonné des cations A+ et B3+ dans leur sous-réseau(voir figure).

Le CIS peut avoir une conductivité électrique de type n ou de type p, dominée par les écarts à lacomposition stœchiométrique qui se traduisent par la présence de nombreux défauts dans la struc-ture du matériau, dont certains sont électriquement chargés. Un excès de sélénium conduira autype p, un déficit en sélénium conduira au type n. Ceci est très différent du silicium, dont le dopageest obtenu par ajout d’atomes étrangers.

Les semi-conducteurs non-stœchiométriques connus ont généralement un caractère semi-métallique, peu propice à un effet photovoltaïque. Le fait que le CIS soit un matériau extrêmementperformant témoigne, selon les découvertes récentes [4], de la formation de défauts complexesélectriquement inactifs, comme (2VCu + InCu), possédant de faibles énergies de formation, quiaccommodent les écarts à la stœchiométrie sans pénaliser les performances*. Le cuivre est de cefait labile dans ces matériaux, ce qui explique les mécanismes d’autoréparation [4] observés aprèsbombardement électronique, qui en font l’un des semi-conducteurs les plus résistants aux radiationsconnus actuellement.

* (2VCu + InCu) est un défaut complexe associant deux lacunes de cuivre et un atome d’indium substitué sur un site cuivre.

Structure cristalline du CuInSe2

encadré 1Propriétés structurales et électroniques des matériaux à base de CIS

spike

Bande de

conduction

Gap

Bandede

valence

- Défauts d’interface- Défauts en volume

1 : photon incident2 : absorption3 : dissociation paires e-h4 : recombinaison

: électron (e): trou (h)

20 Reflets de la Physique

Les techniques employées pour la fabrication de cellules solairesen couches minces permettent de déposer sur des surfaces allantjusqu’à plusieurs m2. Or, une cellule de 1 m2 monojonction délivreraitun courant d’une centaine d’ampères sous une tension inférieure au volt.Pour éviter des pertes résistives considérables, ainsi que pour fournirdirectement une tension adaptée à l’utilisation (15V, 24V), on réaliseau cours du processus de dépôt une mise en série par un procédé dontle principe est dérivé des techniques de la microélectronique. La sur-face est d’abord divisée en bandes, souvent de l’ordre du cm de largeur,et la mise en série est réalisée par le procédé illustré ci-contre dans lecas de cellules CIGS.

Après dépôt de la couche électrode inférieure (Mo), une gravure (1)effectuée au laser ou une rayure délimite les futures cellules. Puis,après dépôt des couches actives (CIGS), une nouvelle gravure (2), décaléepar rapport à la précédente, les isole les unes des autres. Enfin, ondépose l’électrode conductrice supérieure (ZnO dopé), qui subit à sontour une troisième gravure (3). On voit sur la figure que l’électrodesupérieure bleue de la première cellule se trouve bien connectée avecl’électrode inférieure grise de la cellule suivante, réalisant ainsi la miseen série des deux cellules. Ce procédé est utilisé par la plupart desmodules en silicium amorphe, en CdTe ou en CIGS.

éléments, les phénomènes de réorganisationinterne dans la couche étant négligeables.Mais, pour le CIS, les chercheurs se sont rapi-dement aperçus que le matériau se réorganisaiten permanence lors de variations des paramètresde dépôt, en particulier en fonction des fluxrelatifs Cu/In,de par l’existence de processus aisésde diffusion en phase solide aux températuresutilisées (500-550 °C) (voir encadré 1, p. 19).Ainsi, une phase initialement riche en cuivrepeut être complètement transformée en unephase riche en indium au final, simplement enaugmentant le flux d’indium dans la dernièreétape d’évaporation. Le CIS apparaît en faitcomme un matériau « flexible », ouvrant lavoie à une conception nouvelle de ses modesd’élaboration. Le protocole optimal met enœuvre trois étapes d’évaporation, une premièreétape riche en élément III (In et Ga), puis unedeuxième étape riche en cuivre, formant degros grains, enfin une troisième étape riche enélément III à nouveau. Ce procédé, appelé“three stage process” conduit aux rendementsles plus élevés. Il est utilisé avec des variantespour la fabrication des modules (Würth Solar).

Cette flexibilité est mise en œuvre dans ledéveloppement des procédés multiétapes, oùl’on part de couches superposées (Cu/In/Se)déposées séparément, que l’on recuit thermi-quement rapidement. Il est aussi possible departir de couches présentant des mélanges dephases à l’échelle nanométrique. Ces couchespeuvent être préparées par des méthodes très

simples et peu coûteuses comme la sérigraphieou l’électrolyse. La synthèse par électrolyse faitl’objet du procédé CISEL (pour CIS par élec-trolyse), soutenu par l’ADEME et l’ANR, etmené à l’IRDEP, avec des rendements recordsde près de 11 % en cellule et de 8 % sur de plusgrandes surfaces [7]. Notons que le matériauest alors l’alliage avec le soufre, CuIn(S,Se)2.

Conclusions et perspectivesLa filière CIS est basée sur les caractéristiques

physico-chimiques exceptionnelles, passionnantessur le plan fondamental, de ce matériau et descomposés dérivés avec le gallium et le soufre.Avec la mise en place en 2007 de plusieurs unitésde production industrielles ultramodernes,avoisinant les 100 MWc de capacité de pro-duction annuelle, la filière prend pied dans lepaysage du photovoltaïque, avec une dynamiqueprometteuse. Les perspectives de développementse situent à deux niveaux.D’une part, l’augmen-tation du rendement, dont le potentiel peutêtre situé entre 20 et 25 %,nécessitera des effortsimportants de caractérisation,de compréhension,d’optimisation et d’innovation. D’autre part, laproduction de masse de modules verra sansdoute l’émergence de filières à bas coût au côtédes filières de haut rendement, et l’utilisationde substrats souples et légers, de type plastiqueou métal.

Ce sont autant de défis à relever pour les chercheurs sur des bases fortement pluri-disciplinaires.■

Références[1] A. Romeo et al.,“Development of thin-filmCu(In,Ga)Se2 and CdTe solarcells”, Progress in Photovoltaics, 12(2004) 93.[2] J.F. Guillemoles,“The puzzleof Cu(In,Ga)Se2 (CIGS) solarcells stability”, Thin Solid Films,403 (2002) 405.[3] J.F. Guillemoles et al.,“Stability issues of Cu(In,Ga)Se2solar cell”, J. Phys. Chem. B, 104(2000) 4849-4862.[4] M.A. Contreras et al.,“Diodecharacteristics in state-of-the-artZnO/CdS/Cu(In1-xGax)Se2solar cells”, Progress inPhotovoltaics, 13 (2005) 209-216.[5] Z. Djebbour et al.,“Admittance spectroscopy ofcadmium free CIGS solar cellsheterointerface”, Thin SolidFilms, 511-512 (2006) 320.[6] J.M. Raulo et al., Phys. Rev. B,7103 (2005) 317.[7] S.Taunier et al.,“Cu(In,Ga)(S,Se)2 solar cells andmodules by electrodeposition”,Thin Solid Films, 480 (2005) 526.J. Kessler et al., 20th EuropeanPhotovoltaic Solar EnergyConference, Barcelone (2005).

L’interconnexion monolithique des couches minces photovoltaïques

Structure des cellules élémentaires à base de CIGS et principede l’interconnexion en série dans les modules.Jph, Vph : courant et tension photovoltaïques.Une cellule photovoltaïque est schématisée par une diode ( )et une source de courant ( ) en parallèle.

encadré 2

Reflets de la Physique 21

Parallèlement à la filière

dominante du silicium

cristallin, et afin de

réduire les coûts de

manière substantielle,

les chercheurs

synthétisent, depuis

une trentaine d’années,

des cellules basées sur

le silicium désordonné

homogène (amorphe)

ou inhomogène

(nanocristallin, poly-

morphe). Dans ces

structures, déposées

à basse température

sur des substrats peu

chers (verre, plastique),

l’hydrogène joue un

rôle fondamental.

En combinant

les différents alliages

Si-Ge ou Si-C, on est

capable de réaliser des

cellules à multijonctions,

répondant de mieux

en mieux au spectre

solaire et devenant plus

stables en fonction du

temps.

En 2005 le silicium monocristallin (c-Si) etle silicium polycristallin, sous forme de plaquettes(wafers) ou de rubans, représentaient plus de 93 %de la production mondiale de cellules solaires,estimée à 1,8 gigawatt-crête (GWc ). Le resteconcernait les modules en couches minces(d’épaisseur inférieure au micron) à base desilicium amorphe (4,7 %), de CdTe ou deCuInSe2. Étant donné que les couches mincessont déposées sur des substrats bon marchécomme le verre, l’acier inoxydable ou des feuillesde polymère, et que le coût des plaquettes de c-Si reste élevé (ce qui amène à un prix desmodules supérieur à 2 euros/Wc ), il paraît iné-luctable que le marché photovoltaïque descouches minces (dont l’augmentation annuelleest estimée à 60 % contre 40 % au marchéphotovoltaïque global) dépassera les 10 % de laproduction mondiale d’ici cinq ans environ.

Dans ce contexte, la recherche photovoltaïquebasée sur les couches minces de silicium amorphedoit se focaliser sur deux objectifs : i) réaliserdes cellules à monojonction ayant un rendementde conversion stabilisé avoisinant 10 % et, ii) àplus long terme, réaliser des cellules plus sophis-tiquées (à double ou triple jonction) à base d’al-liages silicium-germanium ou autre, ayant unrendement stabilisé de l’ordre de 15 %.Après unrapide survol de l’évolution des cellules en couchesminces de silicium amorphe à partir de la fin desannées 70, nous développerons ces deux aspects,en nous basant sur les résultats issus des labora-toires, et conclurons que le fort potentiel decette filière justifie pleinement ces objectifs.

Les dépôts par voie plasma à basse température

L’aventure des cellules solaires à base decouches minces de silicium a réellement débutéen 1975 lorsque, contrairement aux prévisionsthéoriques de Mott, deux chercheurs britanni-ques, Spear et Le Comber,ont montré qu’il étaitpossible de contrôler le dopage du siliciumamorphe produit par la dissociation du silane(SiH4) par décharge luminescente [1]. De fait,Spear et Le Comber avaient introduit del’hydrogène dans la matrice silicium (avec uneconcentration atomique voisine de 10 %), ce qui

n’était pas le cas lorsque les films de siliciumamorphe étaient obtenus par pulvérisationcathodique ou dépôt sous vide.Comme indiquédans l’encadré (p.24), l’hydrogène introduit dansle matériau a une influence déterminante sur ladensité de défauts inhérente au silicium amorphe.

Depuis les années 70, la technique adoptéeindustriellement et dans les laboratoires pour lasynthèse de couches de silicium amorphehydrogéné est la méthode dite PECVD, dedépôt chimique en phase vapeur assisté parplasma radiofréquence (13,56 MHz) [2]. Lafigure 1 présente un schéma de réacteurPECVD et quelques réactions se produisant à lasurface du dépôt [3]. Les gaz sources sont le

Jean-Éric Bourée et Pere Roca i Cabarrocas [email protected] ; [email protected] de Physique des Interfaces et des Couches Minces, École Polytechnique, 91128 Palaiseau Cedex

Figure 1. Dépôt de couches minces de silicium amorphe pardécomposition chimique des gaz réactifs dans un plasma dedécharge à basse température (on a représenté la surfacede a-Si:H terminée par des liaisons Si-H). Les produits dedissociation des gaz précurseurs « condensent » sur le substrat,formant une couche mince. L’interface plasma/solide,appelée « zone de croissance », implique des réactionscontrôlées par la température du substrat et par l’énergieapportée par les ions et par l’hydrogène atomique (recuitchimique) [3].

Cellules solaires en couches mincesà base de silicium

Dos

sier

Pho

tovo

ltaï

que

B2H6

PH3

SiH4

H2

Si2H6désorption

recombinaison

physisorption

Électrode RF

Zone

de

croi

ssan

ce

Pompage

Dépôt

SiH4SiH3

Reflets de la Physique22

silane, l’hydrogène et, pour les gaz dopants, lediborane (B2H6) et la phosphine (PH3). Dans leplasma, les collisions inélastiques entre lesélectrons de haute énergie (accélérés par lechamp électrique RF) et le silane génèrent desradicaux, des ions et des espèces excitées. Lesespèces réactives produites dans le plasma vontse condenser sur le substrat pour former (atomeaprès atome) une couche mince, en généraldésordonnée. On peut ainsi déposer des couchessur de grandes surfaces (pouvant atteindre 4 m2), à(relativement) basse température (typiquemententre 100 °C et 300 °C), donc sur des substratspeu chers.

Sur la base du silicium amorphe hydrogéné(a-Si:H), de nombreux développements se sontsuccédés, liés à la flexibilité du procédé de dépôt.L’ajout de germane (GeH4) ou de méthane ausilane dans la phase gazeuse a permis d’obtenirdes alliages a-Si1-xGex:H ou a-Si1-xCx:H etdonc de synthétiser des matériaux ayant deslargeurs de bande interdite (gaps) différentes,situées entre 1 et 2,2 eV [6]. On a pu ainsidisposer d’une large palette de matériaux pourla réalisation de cellules multispectrales (voirencadré, p. 30). D’autre part, le fait d’utiliser ungrand débit d’hydrogène moléculaire par rapportau débit de silane a permis,en cours de croissance,de générer suffisamment de radicaux d’hydrogèneatomique, capables de graver plus efficacementle silicium amorphe que le silicium cristallin.Cet effet, combiné à l’apport d’énergie associé(recuit chimique), a conduit à la synthèse à bassetempérature de couches nanocristallines de sili-cium. Ce silicium nc-Si:H (de taille de grainsvoisine de 30 nm), est un matériau présentant undésordre inhomogène, caractérisé par des propriétésmoyennes variant d’une région à une autre àl’intérieur du solide, et dont la mobilité électro-nique et la stabilité sont nettement amélioréespar rapport à son analogue amorphe.

D’autres techniques de dépôt CVD ont vule jour, dans le but d’augmenter la vitesse dedépôt ou de diminuer la densité des défauts.Parmi elles, citons la CVD à plasma micro-ondes,correspondant à un plasma de haute densité, oula CVD assistée par filament chaud (HWCVD)qui engendre essentiellement des radicaux.

En parallèle, les études basées sur la CVD àplasma RF et concernant l’augmentation de lavitesse de dépôt ont conduit à s’intéresser à laformation des poudres dans les plasmas desilane. Ce phénomène, initialement perçucomme une nuisance, a ouvert la voie à unenouvelle gamme de matériaux. En effet, il a étémontré que dans certaines conditions de ladécharge, des nanocristaux de silicium étaientproduits dans le plasma. Dès lors, nous avonsessayé d’incorporer des nanocristaux dans la

couche en cours de croissance.Le matériau ainsiobtenu, que nous avons appelé silicium poly-morphe (pm-Si:H), est constitué de quelquesnanocristaux de silicium dispersés dans unematrice amorphe (fig. 2a). Le pm-Si:H est unsecond exemple de matériau présentant undésordre inhomogène et peut être considérécomme du a-Si:H relaxé. On observe que cematériau a une meilleure stabilité que a-Si:H, cequi conduit à des cellules ayant un rendementproche de 10 %.Le pm-Si:H n’a pas encore livrétous ses secrets.

Les recherches sur la synthèse des nanocristauxdans un plasma à basse température (200°C) sepoursuivent, afin notamment d’élaborer descouches minces de silicium polycristallin à petitsgrains (de taille > 300 nm). Nous avons récem-ment synthétisé une telle couche sur verre etaussi une couche épitaxiée sur GaAs monocristallin(fig. 2b).

La palette des matériaux synthétisés parplasma ne fait que s’enrichir et devrait faciliterl’éclosion de structures diverses réalisées encouches minces pour la production de cellulesphotovoltaïques à bas coût.

Réalisation de cellules et modulesCommençons par expliquer pourquoi une

cellule en silicium amorphe hydrogéné, de gapvoisin de 1,8 eV,a nécessairement une structure detype p-i-n ou n-i-p (i désignant une coucheintrinsèque), et non pas une structure de type p-nou n-p comme dans le cas des cellules au siliciumcristallin (voir l’article de S. Martinuzzi, p. 9).

Figure 2. Images de microscopie électro-nique par transmission (TEM) en hauterésolution : a) d’une couche de siliciumpolymorphe, où on distingue les nano-cristaux de silicium dans la matriceamorphe ; b) d’une couche de siliciummicrocristallin épitaxiée sur GaAs etdont la croissance est obtenue à partirde nanocristaux formés dans le plasma.Le pointillé blanc indique l’interfaceGaAs/Si épitaxié et la ligne pointilléerouge montre que les plans cristallinsde la couche de Si épitaxié suivent ceuxdu substrat GaAs.

Reflets de la Physique 23

En effet, si l’on considère une structure p-n amorphe, la densité de centres recombinantsdus aux atomes d’impuretés et aux défauts, esttellement élevée que la durée de vie des photo-porteurs devient très faible, de sorte qu’ils serecombinent avant de se séparer. Au contraire,en intercalant entre les couches p et n une cou-che non dopée (intrinsèque) avec une faibledensité d’impuretés, la zone de charge d’espaces’étend largement dans la couche i et permet decollecter les porteurs par le champ électrique, defaçon plus efficace que par diffusion(1).

La figure 3 montre le schéma d’une tellestructure : sur un substrat en verre, recouvertd’une couche d’un oxyde transparent conducteur(SnO2, ZnO), on dépose successivement unecouche dopée p d’une dizaine de nm,une coucheintrinsèque i ne dépassant pas 300 nm et unecouche dopée n de 15 nm. Le rôle des couchesp et n est de créer le champ électrique qui per-mettra la collecte des porteurs photogénérés dansla couche i. On dépose ensuite par évaporationthermique ou par pulvérisation cathodiqueune couche métallique (Al, Ag…), qui sert decontact électrique vis-à-vis de la couche n. Lesaméliorations successives de cette structure debase ont conduit à des cellules ayant un rendementproche de 10 %. On peut en citer quelquesexemples : piégeage optique grâce à une coucheSnO2 rugueuse (fig.3), couche dopée p en alliagea-SiC:H (grand gap) pour réduire l’absorptiondans la couche fenêtre qui ne contribue pas àl’effet photovoltaïque, amélioration de la qualitéde la couche intrinsèque (dépôt de pm-Si:H oude nc-Si:H), réflecteur arrière pour maximiserle photocourant.

Un inconvénient majeur associé à l’utilisationdu silicium amorphe hydrogéné pour les cellulessolaires réside dans la dégradation du rendementde conversion sous l’effet de la lumière, quiinduit des liaisons pendantes métastables pouvantpiéger les porteurs. Si on ne peut supprimercette dégradation, du moins peut-on la réduire,soit en modifiant le désordre local (emploi denc-Si:H ou pm-Si:H ayant un désordreinhomogène), soit en diminuant l’épaisseur dela couche intrinsèque, qui doit rester inférieureà la longueur de diffusion des porteurs (voir p.10)

La structure p-i-n de la figure 3 est à la basedu developpement industriel de la filière couchesminces silicium [7]. Une manière d’améliorerefficacement le rendement et la stabilité descellules en couches minces consiste à réaliser descellules multijonctions empilées, en s’inspirantdes hétérostructures mises au point pour lescellules à haut rendement basées sur lesmatériaux III-V (voir encadré, p. 30).Logiquement, les premières cellules tandem

(à double jonction) ont été basées sur une celluleavant de type a-Si:H (grand gap) et une cellulearrière de type a-Si1-xGex:H ou de type nc-Si:H(petit gap), en utilisant le verre pour substrat.Un rendement initial de 13 % a été mesuré surune cellule a-Si:H/nc-Si:H,de surface 161 cm2.En 2006, Kaneka Corporation a produit 29 MWc de modules sur la base de simplesjonctions (rendement moyen 8 %) et de doublesjonctions (rendement moyen 10,3 %). Le tempsde restitution en énergie pour ces modules estévalué à 1,6 ans et leur coût de production estestimé à 1,3 euros/Wc .D’autre part, des cellules à triple jonction, destructure a-Si:H/a-Si1-xGex:H/a-Si1-yGey:H,déposées sur une plaque en acier inoxydableflexible de petite surface (1 cm2) ont montréun rendement initial de 14,6 %. Sur cette base,United Solar Ovonic a produit en 2006 28 MWcde modules avec un rendement moyen de 8 %.Bien entendu, toutes ces structures sophisti-quées exigent la maîtrise de la qualité desdépôts, quelle que soit la technique utilisée. Cen’est que dans une seconde phase que l’accentest mis sur l’augmentation de la vitesse desdépôts, afin d’abaisser encore plus les coûts.

ConclusionLa recherche dans le domaine des couches

minces à base de silicium pour le photovoltaïque,fait appel à une grande interdisciplinarité.En effet, plusieurs domaines méritent d’êtrelargement développés, au niveau fondamentalaussi bien que technologique : i) la physique desmatériaux désordonnés inhomogènes (siliciumpolymorphe ou nanocristallin) qui n’est pasbien comprise ; ii) la physico-chimie des plas-mas, dont les possibilités pour la synthèse de nou-veaux matériaux réserve encore des surprises ;iii) la maîtrise des interfaces (problèmes de passi-vation) qui jouent un rôle dominant dans la réa-lisation des dispositifs. Il est légitime de penserque les structures qui permettront d’atteindre,voire même de dépasser, 15 % de rendement auniveau industriel, feront appel à des celluleshybrides impliquant le silicium polymorphe etle silicium nanocristallin.

En 2006, la production de la filière couchesminces silicium a dépassé 120 MWc , alors queles productions des autres filières couches mincesatteignaient respectivement 8 MWc (CIGS) et55 MWc (CdTe). Au cours des prochainesannées, la concurrence risque d’être rude entrela filière silicium et la filière CIGS, qui monteratrès rapidement en puissance.À cet égard, l’apportdes équipementiers capables d’améliorer lestechniques de dépôt existantes sur des grandessurfaces, ou capables d’en imaginer de nouvelles,sera déterminant. ■

Figure 3. Schéma de base d’une cellulep-i-n en silicium amorphe hydrogéné.Dans le cas des cellules multispectrales,cette structure de base est répétée deuxou trois fois en jouant sur le gap de lacouche intrinsèque. Ce dernier peutvarier entre celui du a-Si:H (1,8 eV) etcelui du silicium microcristallin (1,1 eV),en passant par celui des alliages a-SiGe:H (1,7-1,2 eV). On remarquera lastructuration périodique des interfaces,permettant un meilleur piégeage optique.

(1) En silicium cristallin,on réalise des jonc-tions p-i-n au lieu de p-n pour la détectionde particules. Mais, pour les réaliser il fautun matériau de très haute pureté, donc decoût très élevé, ce qui interdit cette struc-ture pour le photovoltaïque.

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Reflets de la Physique24

Concepts associés aux solides désordonnés amorphesLes solides amorphes sont désordonnés

topologiquement par nature, ne présentantaucun ordre à longue distance, mais ayant despropriétés homogènes à l’échelle macroscopique(sur un très grand nombre d’atomes). En d’autrestermes, ils présentent un désordre homogène.Zachariasen a défini pour la silice vitreuse unmodèle de réseau aléatoire continu, dans lequelchaque atome est entouré d’un nombre de voisinsbien défini (modèle repris plus tard par Mottpour le silicium amorphe) : il existe un degréélevé d’ordre atomique à courte distance, lié à lanature de la liaison chimique remarquablementinvariante à travers l’ensemble du solide. Au-delàdes quatre premiers voisins, les atomes sontdistribués de manière presque aléatoire.

Plus spécifiquement dans le modèle du sili-cium amorphe, chaque atome de siliciumconserve le caractère tétravalent qu’il a dans lesilicium cristallin (fig. A-a). Le principal défautstructural correspond à un atome entouré detrois voisins seulement, donc offrant un électronnon apparié, ce qu’on appelle une liaison pen-dante (fig. A-b).

Dans l’approximation de Born-Oppenheimer,le mouvement des ions de cœur est séparé decelui des électrons de valence. Quand on considèrel’état des électrons de valence dans le solide, lespositions des ions sont de simples paramètreset un électron voit un potentiel effectif résultantdes ions de cœur et des autres électrons devalence. Le désordre génère des potentielseffectifs fluctuant de manière aléatoire autourd’une valeur moyenne pour les électrons, ce quia pour effet de localiser les fonctions d’ondesélectroniques (le paquet d’ondes associé auxélectrons est limité à des tailles inférieures au nm,comme cela a été démontré dans le cas du siliciumporeux amorphe).

Ce modèle, développé par Anderson [4],puis affiné par Mott [5] dans les solides amor-phes, conduit à des états électroniques localisésprès des bords de bandes de valence et deconduction. La largeur de la « queue de bande »d’états localisés associée au désordre du matériaune dépasse guère 0,5 eV, ainsi qu’il est montrésur la figure B présentant un schéma de la densitéd’états électroniques du silicium amorphe.Dans ce schéma, les énergies Ev et Ec représententles énergies seuil entre les états délocalisés(étendus à travers le solide) et les états localisés,et sont appelées seuils de mobilité côté bandede valence et côté bande de conduction respec-tivement. Les états localisés près des bords de bande proviennent de la distribution statis-tique des angles de liaison et des distances

interatomiques propres aux solides amorphes,alors que les états dans la bande interdite pro-viennent des défauts (essentiellement les liai-sons pendantes) et dans une moindre mesuredes impuretés (comme dans les solides cristal-lins). Entre les seuils Ev et Ec , la conduction élec-tronique se fait par sauts thermiquement acti-vés entre états localisés, d’où une mobilité desporteurs très faible. Ceci correspond, sur lafigure B, à ce qu’on appelle la bande d’énergieinterdite pour la mobilité ou « gap de mobilité ».

Les centres de recombinaison électron-trouintroduits dans le gap, dus à la présence desdéfauts, sont d’autant plus efficaces qu’ils sontproches du niveau intrinsèque. L’hydrogèneintroduit durant le dépôt a pour effet de saturerles liaisons chimiques insatisfaites (fig. A-c) etdonc de réduire drastiquement la densitéd’états localisés (fig. B), permettant ainsi ledopage des couches amorphes. C’est précisémentce qu’ont constaté Spear et Le Comber [1].

On vient de le mentionner, la mobilitéélectronique dans le silicium amorphe est trèsfaible, voisine de 1 cm2/V.s, alors qu’elle est del’ordre de 1000 cm2/V.s dans le silicium cristallin.Le libre parcours moyen des charges est doncaussi très faible (inférieur à 1 μm). En contre-partie, les défauts structuraux associés aumatériau amorphe induisent une augmentationde l’absorption optique, qui est 5 à 10 foissupérieure à celle du c-Si dans la partie visibledu spectre solaire (voir fig. 2, p. 7). Cette forteabsorption de la lumière permet la photogéné-ration de porteurs dans des couches d’épais-seur de deux ordres de grandeur plus petite queles plaquettes de silicium cristallin, c’est-à-direde l’ordre du μm. Ceci est un facteur essentieldu photovoltaïque basé sur des couches mincesde a-Si:H.

Figure B. Schéma montrant la densité d’étatsélectroniques dans le silicium amorphe et lesilicium amorphe hydrogéné.

Références[1] W.E. Spear et P.G. Le Comber,Solid State Commun. 17 (1975)1193.[2] R.A. Street dans HydrogenatedAmorphous Silicon, CambridgeUniversity Press (1991).[3] P. Roca i Cabarrocas,Th. Nguyen-Tran,Y. Djeridane,A.Abramov, E. Johnson et G. Patriarche, J. Phys. D:Appl.Phys. 40 (2007) 2258-2266.[4] P.W.Anderson, Phys. Rev. 109(1958) 1492.[5] N.F. Mott et E.A. Davis,Electronic Processes in Non-Crystalline Materials, 2nd Ed.,Clarendon Press, Oxford (1979).[6] S. Miyajima,A.Yamada et M. Konagai, Jpn. J.Appl. Phys.43 (2004) L1190.[7] A. Ricaud dans Techniques del’Ingénieur : Modules photovoltaïques. Filières technologiques. D 3-940.

Figure A

a : silicium tétracoordonné.

b : silicium tricoordonnéavec une liaison pendante.

c : liaison pendante saturéepar un atome d’hydrogène. a b c

Si H

Reflets de la Physique 25

La production

d’électricité d’origine

photovoltaïque pourrait

se baser sur l’utilisation

des matériaux organiques

en complément

du silicium.

La fabrication des cellules

photovoltaïques

organiques nécessite

une collaboration étroite

entre les chimistes

qui synthétisent

les matériaux,

les physiciens de l’état

solide qui les

caractérisent et

les ingénieurs qui

préparent les cellules

et qui mesurent leurs

propriétés.

Les cellules photovoltaïques organiques Pierre Destruel ([email protected]) et Isabelle SeguyLaboratoire Plasmas et Conversion d’Énergie, UMR CNRS 5213, Université de Toulouse III

Les termes suivis d’un astérisque sontdéfinis dans le glossaire page 27.

(1) Ici on ne parle pas de type p et detype n, car cette dénomination estdéterminée par la nature du dopant.Or, dans les organiques, les matériauxne sont que très rarement dopés.

Plusieurs raisons justifient l’utilisation desmatériaux organiques pour la fabrication des cellules photovoltaïques. La plus importante setrouve dans les avantages particuliers de cesmatériaux : ils peuvent être mis en forme faci-lement, par voie sèche (évaporation sous vide)ou par voie humide (Tournette, jet d’encre),avec des techniques simples, issues de l’industriede la microélectronique. De plus, les quantitésde matériaux utilisés sont relativement petites,les films ayant des épaisseurs de l’ordre de 100 nm.Enfin l’ingénierie moléculaire permet d’adapterles valeurs du gap et des niveaux d’énergieHOMO* et LUMO*. C’est pour cela que lesrecherches dans ce domaine sont très actives àtravers le monde ; mais des problèmes restent àrésoudre et ce type de cellule n’est pas encorecommercialisé.

Une cellule PhotoVoltaïque Organique(OPV) est généralement fabriquée sur un substratde verre recouvert d’ITO (couche mince – 150 nm – d’oxyde d’indium et d’étain pos-sédant des bonnes propriétés de transparencedans le visible et de conductivité électrique).Ce substrat constitue l’anode du dispositif.Parfois, on remplace le verre par une feuilleplastique souple recouverte également d’ITO.Les cellules ont des dimensions de quelquescm2, ce qui est suffisant pour les caractériser.Elles mettent en œuvre deux types de matériauxorganiques qui ont des électronégativités diffé-rentes. Le plus avide d’électrons est qualifiéd’accepteur (A), l’autre, celui qui cède facilementses charges négatives, est appelé donneur (D).C’est une différence avec les cellules en silicium(1).Il est d’usage de classer les matériaux selon leur

masse molaire Mw. Pour des valeurs de Mwélevées, on a des composés macromoléculaires(polymères), alors que pour des masses molairesplus petites, on les qualifie de matériaux molé-culaires. Les polymères ne peuvent pas êtredéposés par évaporation sous vide. Un exemplede matériaux accepteur (PCBM, matériaumoléculaire) et donneur (P3HT, polymère) estdonné sur la figure 1.

En 1978, les chercheurs de l’IBM ThomasJ. Watson Research Center prévoyaient que lesvaleurs des rendements η des OPV pourraientdépasser les 1 % [1].Ce rendement n’a été atteintque 8 ans plus tard, en 1986 [2]. Jusqu’en l’an2000, cette valeur a parfois été reproduite [3],mais elle n’a jamais été améliorée. Ce n’est quedepuis le début du XXIe siècle que le rendementa commencé à croître régulièrement, pouratteindre aujourd’hui les 6 % [4]. Des modèles,basés sur les matériaux et les technologies actuel-lement utilisés, montrent qu’un rendement de10 % est envisageable à moyen terme [5].

Pour comprendre les stratégies de recherchemises en œuvre dans le domaine de la conver-sion photovoltaïque organique, il est nécessairede connaître sommairement le fonctionnementd’une cellule. À cette condition, il est possibled’identifier les handicaps de ces composants etde proposer des solutions pour les contourner.Dans les OPV,le passage « du photon à l’électron »peut être décomposé en quatre étapes, repré-sentées schématiquement sur la figure 2 dans lecas le plus simple où les films du donneur et del’accepteur forment une jonction D/A planaire :1) des excitons* sont créés au cœur des matériauxpar absorption de photons ; 2) ils diffusentjusqu’à la jonction D/A où 3) ils sont dissociésen charges électriques libres; 4) ces chargesrejoignent ensuite les électrodes.

Absorption des photons et création d’excitons

L’absorbance des matériaux organiques estégale au produit du coefficient d’absorption αpar la distance d’interaction l de la lumière dansle matériau (égale à l’épaisseur des couches pourdes rayons lumineux perpendiculaires au plandes films). Elle doit être suffisamment grande

Figure 1. Exemple de deux matériaux utilisés pour fabriquer une cellule photovoltaïque organique :Phenyl-C-Butyric acid Methyl ester (PCBM) comme accepteuret Poly(3-Hexyl)Thiophène (P3HT) comme donneur.

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pour que toute la lumière soit absorbée autravers de la cellule. Si α est généralementélevé (α > 105 cm-1), l’épaisseur des films, del’ordre de 100 nm, conduit par contre à uneabsorption incomplète de la lumière incidente.Il est donc indispensable de chercher à augmen-ter la valeur de α par ingénierie moléculaire,mais également d’augmenter la valeur de l enfavorisant le couplage de la lumière dans lescouches organiques. L’utilisation en face arrièred’une électrode qui possède une structurepériodique [6], ou d’un réseau de Bragg [7],permet d’obtenir ce couplage recherché,comme le montre la figure 3. La lumière estalors guidée dans le film organique et la dis-tance d’interaction photons-matière devientgrande. Enfin, des solutions originales commela conversion de la lumière vers les longueursd’onde fortement absorbées, ou encore lagénération multiple d’excitons, sont étudiéespour atteindre des valeurs élevées du produit αl.

L’absorption des photons dans les deuxmatériaux entraîne la formation d’excitons :des paires électron-trou corrélées par des forcesde Coulomb. Au contraire du silicium (oùl’énergie de liaison de l’exciton EL = 14,7 meV),dans les organiques les excitons ne se dissocientpas à température ambiante, car la valeur de ELest beaucoup plus élevée, de l’ordre de quelquesdixièmes d’électron-volt [8,9]. Les chargesdoivent être séparées par le champ électriquequi règne à la jonction D/A entre le donneuret l’accepteur.

Diffusion des excitons jusqu’àla jonction donneur-accepteur

Les excitons ont une durée de vie τ trèscourte, de l’ordre de la nanoseconde. Si rien nese produit pendant ce temps τ, l’électron et letrou se recombinent et l’énergie de l’exciton setransforme en un nouveau photon ou enchaleur. Il faut donc dissocier les charges liées

avant leur recombinaison. Les excitons ne sontpas localisés sur une molécule. Pendant leurdurée de vie, ils diffusent sur une longueur LDdont la valeur est de l’ordre de quelquesdizaines de nanomètres. Pour que les excitonspuissent atteindre un site de dissociation (lajonction D/A), il faut qu’ils soient générés àune distance inférieure à LD de cette interface.Des études cherchent à augmenter la valeur deLD en induisant un ordre moléculaire dans lesmatériaux. Une alternative cherche à diminuerla distance que les excitons doivent parcourirpour rejoindre la jonction D/A. Pour cela,différentes configurations de cellules ont étéproposées, comme les jonctions interdigitéesou interpénétrées. Elles sont schématisées sur lafigure 4.

Enfin, il est possible d’augmenter la duréede vie des excitons en favorisant la conversiondes singulets (S) en triplets (T) qui présententune valeur de τ plus grande, pouvant atteindrequelques millisecondes [10].Les excitons singuletssont formés par les électrons qui quittent leniveau HOMO (S0) et se placent sur un niveauénergétique de type S. Par conversion inter-système, il peuvent se retrouver sur un niveaude type T, de durée de vie beaucoup plusgrande. (La phosphorescence dure plus long-temps que la fluorescence.) Ainsi, les excitonsdisposent de beaucoup plus de temps pour sedissocier.

Dissociation des excitonsLorsque les excitons rejoignent la jonction

D/A, les deux charges qui les composent seséparent, à condition que l’une d’entre elles passe(soit transférée) de l’autre côté de la jonction.On obtient alors une paire de polarons* : unpolaron de charge positive dans le donneur etun polaron de charge négative dans l’accepteur.Puisqu’il n’y a pas d’apport d’énergie au momentdu transfert, celui-ci ne peut s’effectuer que si

Figure 3. Couplage de la lumière dansune couche organique par la structura-tion périodique de la face arrière del’électrode.

Figure 2. Les quatre étapesde la conversion photovol-taïque organique (pourplus de clarté, l’épaisseurdes électrodes n’est pas àl’échelle).

Figure 4. Trois types d’hétérojonctionsrencontrées dans les cellules solairesorganiques.a) planaire (PHJ) ; b) interdigitée (IHJ) ;c) interpénétrée (BHJ). Les interfacesinterdigitées sont les plus difficiles àobtenir. Actuellement, la méthodeproposée par l’Université de Princetonconsiste à faire croître des aiguilles dephtalocyanine de cuivre (donneur) surl’anode et à les noyer dans le matériauaccepteur. D’autres méthodes sont àl’étude, par exemple celles basées surl’auto-organisation des matériauxprésentant une phase cristal liquide. Lesinterfaces interpénétrées sont obtenuespar mélange du donneur et de l’accepteur.

a

b

c

Reflets de la Physique26

l’énergie finale de la paire de polarons ECT estinférieure à l’énergie initiale de l’exciton EEX [11].En d’autres termes, l’énergie de l’ensemble desdeux charges séparées doit être plus petite quecelle de l’exciton. Cela entraîne une condition,indiquée sur la figure 5, sur les positionsrelatives des niveaux HOMO et LUMO desdeux matériaux organiques. Ici encore,l’ingénierie moléculaire peut aider à satisfairecette condition.

Transport des charges et collecte aux électrodes

Dans cette quatrième étape, les porteurs decharge doivent rejoindre les électrodes en tra-versant les films organiques. Le manque d’ordreatomique dans les matériaux organiques estune autre différence importante avec les cellulesen silicium cristallin. Ainsi, les mobilités desélectrons μe et des trous μh sont faibles. Unobjectif de la recherche actuelle est d’augmenterleurs valeurs en induisant un certain ordre dansles matériaux. Il a été montré qu’elles doiventêtre au moins égales à 10-3 cm2V-1s-1 pour desépaisseurs de film de 100 nm [12]. De plus, ilest important que leurs valeurs soient voisinespour les deux matériaux D et A utilisés, defaçon que les charges n’arrivent pas plus vite àune des deux électrodes. Les valeurs desmobilités dépendent de nombreux facteurs.Parmi les plus importants on peut citer les pièges(d’origine chimique, liés à la structure, auximpuretés…), mais également la différenced’énergie entre les niveaux LUMO et HOMO(le gap)… Il a été montré que,dans le pentacène,une mobilité de 35 cm2V-1s-1 pouvait êtrecalculée à partir des caractéristiques I(V) àtempérature ambiante, après purification dumatériau [13]. Lorsque les porteurs ont traverséles couches organiques, ils arrivent aux interfacesavec les électrodes. Ils doivent être collectéspour rejoindre le circuit électrique extérieur.

Des précautions doivent être prises pour éviterune diminution de la tension de circuit ouvertVOC et une résistance série RS trop élevée.

Conclusion« La solidité d’une chaîne repose sur la

solidité du plus faible maillon. » Il en est demême pour la conversion photovoltaïqueorganique. Si l’une des quatre étapes décritesci-dessus est défaillante, l’ensemble du processusde conversion en est affecté et le rendement deconversion de la cellule reste médiocre.

Pour construire des cellules photovoltaïquesorganiques dont les performances permettrontleur utilisation pour produire de l’énergie, leshandicaps qui apparaissent à chaque étapedoivent être contournés.

Une cellule ne sera économiquement viableque si le prix du kilowatt-heure produit estconcurrentiel avec les autres sources d’énergierenouvelable. Pour minimiser ce paramètre, lemodule photovoltaïque et son entretiendevront être les moins chers possible. Celaentraîne des conditions sur la durée de vieminimum des cellules. Or les matériaux orga-niques sont réputés pour leur vieillissementrapide en condition d’éclairement moyen ausol (AM 1,5, voir p. 7). L’encapsulation,mais aussil’ingénierie moléculaire et le contrôle de la sta-bilité de la morphologie des matériaux,devrontêtre étudiés pour obtenir une stabilité satisfai-sante des cellules.

Les handicaps sont sévères, mais la margede progression est grande. Si aucune certituden’est aujourd’hui raisonnable quant au succèsfutur de ces cellules, les enjeux sont suffisammentimportants pour continuer les efforts derecherche dans ce domaine. En France, leréseau CNRS-CEA Nanorgasol [14] a pourobjectif d’induire une synergie entre tous leslaboratoires de recherche qui travaillent dansce domaine. ■

Références[1] V.Y. Merritt, IBM J. Res.Develop., 22 (1978) 353.[2] C.W.Tang, Appl. Phys. Lett.,48 (1986) 183.[3] D.Wöhrle et D. Meissner,Adv. Mater., 3 (1991) 129.[4] Kyungkon Kim et al., Appl.Phys. Lett., 90 (2007) 163511.[5] M.C. Scharber et al., Adv.Mat., 18 (2006) 789.[6] C. Cocoyer et al., Appl. Phys.Lett., 88 (2006) 133108.[7] L. Zeng et al., Appl. Phys.Lett., 89 (2006) 111111.[8] G. Hill et al., Chem. Phys.Lett., 327, 3-4 (2000) 181.[9] M. Knupfer, Appl. Phys.A :Mat. Sci. & Proc., 77 (2003) 623.[10] C-M.Yang et al., Appl. Phys.Lett., 90 (2007) 133509.[11] P. Peumans et al., J.Appl.Phys., 93, 7 (2003) 3693.[12] J.O. Haerter et al., Appl.Phys. Lett., 86 (2005) 164101.[13] O.D. Jurchescu et al., Appl.Phys. Lett., 84, 16 (2004) 3061.[14] http://www.solaire-organique.ups-tlse.fr/

GlossaireHOMO :Highest Occupied Molecular Orbital.L’orbitale moléculaire occupée laplus haute (en énergie) peut êtrecomparée au haut de la bande devalence dans les semiconducteursinorganiques.

LUMO :Lowest Unoccupied Molecular Orbital.L’orbitale moléculaire inoccupée laplus basse (en énergie) peut êtrecomparée au bas de la bande deconduction dans les semiconducteursinorganiques.

Exciton : paire électron-trou liée par leurinteraction coulombienne attrac-tive. L’énergie de création de l’exci-ton, Eex, est inférieure à l’énergiede bande interdite par une quan-tité EL, dite énergie de liaison del’exciton. On distingue deux typesextrêmes d’exciton, celui deFrenkel, où la paire électron-trou estfortement liée, et celui de Wannier-Mott où la distance entre électronet trou est grande par rapport à ladistance interatomique et doncl’énergie de liaison est faible. Dansles matériaux organiques, les exci-tons sont plutôt de type Frenkel.

Polaron : ensemble d’une charge électriqueassociée au champ de déformationde son environnement proche,sous l’effet des forces électrostati-ques qu’elle engendre.

Figure 5. La condition de dis-sociation des excitons à lajonction donneur/ accepteur.La figure est dessinée pourun exciton créé dans ledonneur. Une figure équiva-lente peut être tracée avecl’exciton dans l’accepteur etle passage du trou vers ledonneur.

Reflets de la Physique 27

Dos

sier

Pho

tovo

ltaï

que

Reflets de la Physique28

Limitations et perspectives dela conversion photovoltaïque

Comme tout système de conversion d’énergie,un générateur photovoltaïque a ses performanceslimitées par les lois de la thermodynamique.Dans une première approche, on peut considérerle soleil comme une source chaude à Tc = 6000 K(sa température de surface), la source froide étantaux environs de Tf = 300 K. Le rendement deCarnot associé à la conversion de l’énergiesolaire peut donc en principe approcher 1-Tf /Tc = 95 % ! Or, les dispositifs photo-voltaïques actuels, des photodiodes basées sur desmatériaux semi-conducteurs, en sont loin avecdes rendements de l’ordre de 20 %. La difficultéest de vouloir convertir de façon optimale unensemble de photons dont l’énergie va del’infrarouge au proche ultraviolet, avec un seulmatériau actif dont les propriétés optiques nesont bien adaptées qu’à une énergie de photondonnée (l’absorption n’étant importante qu’au-delàd’un seuil, Eg, dépendant du matériau choisi).

Pour comprendre pourquoi, il faut reveniraux principes de la conversion photovoltaïque [1],telle que les dispositifs actuellement réalisés lamettent en œuvre. Cette conversion se fait en

trois étapes (fig. 1) : (a) absorption de photonsd’énergie hν > Eg , qui crée des populationsd’électrons et de trous hors équilibre ; (b) chaquetype de porteurs atteint très vite un quasi-équilibredéfini par un quasi-niveau de Fermi (i.e. unpotentiel électrochimique) Efn pour les électronset Efp pour les trous,dont la différence,Efn-Efp = qV,est l’énergie libre récupérable par photonabsorbé (V est la phototension) ; (c) les porteurs,collectés aux contacts avant d’avoir pu serecombiner, participent au photocourant. Aufinal, le dispositif photovoltaïque fonctionned’une manière assez semblable à une batterieélectrochimique un peu particulière : son anodeet sa cathode sont constituées par des niveauxd’énergie différents du même matériau !

Or, dans ce type de dispositif, on doit avoirhν > Eg du fait des propriétés d’absorption, maisaussi Eg > Efn-Efp

(1). La fraction d’énergie quipeut être efficacement convertie, égale à qV/hν,est de ce fait relativement réduite,car on n’absorbepas une partie du spectre et parce que l’énergielibre obtenue de chaque photon est indépendantede l’énergie du photon absorbé ; le reste est cédéau réseau atomique en moins de quelques pico-secondes, sous forme de chaleur lors de la ther-malisation des porteurs. Le rendement de

Demain, le Photovoltaïque :Les révolutions anticipées sur les filières et les concepts

En principe, la conversion

photovoltaïque de

l’énergie solaire pourrait

être beaucoup plus

efficace qu’elle ne l’est

actuellement avec de

simples jonctions p-n.

On en explique et discute

ici les raisons.

Diverses stratégies

d’approche de la limite

de conversion

photovoltaïque (87 %)

sont ensuite présentées,

en commençant par les

dispositifs à multijonc-

tions qui sont déjà

utilisés dans les

applications spatiales.

D’autres filières, plus

prospectives, sont les

transformateurs optiques

par addition ou division

de photons,

les semi-conducteurs à

niveaux intermédiaires,

l’ionisation par impact

et les cellules solaires à

porteurs chauds.

Jean-François Guillemoles ([email protected] )Institut de Recherche et Développement sur l’Énergie PhotovoltaïqueIRDEP, UMR 7174 CNRS-EDF-ENSCP, 11 Quai Watier, 78401 Chatou cedex

à

Figure 1 : Principe de la conversion photovoltaïque, décomposé en trois étapes principales. (a) Absorption d’un photonet promotion d’un électron sur un niveau vide supérieur. (b) Établissement de deux populations d’électrons et de trousen quasi-équilibre interne (via des processus rapides de relaxation, à l’échelle de la ps), mais hors équilibre l’une par rapport à l’autre (les processus interbandes de retour à l’équilibre ont un temps caractéristique τn , de l’ordre de la ns). (c) Collecte préférentielle d’un type de porteur de charge à chaque contact après un temps de transit τD . M1 et M2 sontles deux contacts, ici de type métallique, servant à la collecte, respectivement des trous et des électrons. La nature différente des deux contacts est à l’origine de la rupture de symétrie qui permet l’apparition d’une phototension.

a b c

Reflets de la Physique 29

conversion est limité à 30 % pour un gap Eg bienadapté au spectre solaire [1] et dans des conditionsstandard d’insolation (voir p.7 et figure 3 de la p.10).

Puisque les quasi-niveaux de Fermi dépendentde la concentration de porteurs(2), et que celle-cidépend de l’intensité du rayonnement absorbé,il s’ensuit que l’énergie libre récupérable parphoton incident dépend (augmente, en fait)avec l’intensité du rayonnement incident : il estdonc avantageux, de ce point de vue, deconcentrer le flux solaire avant de le convertir.Le gain potentiel de rendement de conversionest d’environ 3 % absolus supplémentaires pourchaque facteur 10 sur la concentration (voirl’article d’A. Dollet, p. 32).

Sur le plan des principes, la concentrationmaximale du flux solaire est limitée à 42 600.Cette limite vient de la thermodynamique (pasde l’optique) : l’image d’un objet ne peut êtreplus chaude que l’objet lui-même(3).

On peut calculer la valeur maximale d’énergielibre qui peut être extraite pour chaque photonabsorbé (fig. 2), indépendamment du système deconversion [2]. Cette énergie libre dépend del’énergie du photon et de l’intensité du fluxincident. À partir des courbes de la figure 2, onmontre que le rendement de conversion ultimed’un dispositif photovoltaïque soumis au spectresolaire est de 67 % dans les conditions standardet de 87 % sous concentration maximale.

Au vu des limites exposées ci-dessus, il estpossible d’imaginer des dispositifs de conversionplus performants que ceux réalisés actuellement.Si aucune solution satisfaisante n’a pu encoreêtre mise en œuvre, c’est que les matériaux et lestechnologies n’étaient pas prêts à répondre auxsévères spécifications requises.

Les filières à très hauts rendements

On peut regrouper les stratégies d’augmen-tation des rendements en trois directions prin-cipales, toutes ayant des rendements de conversionultimes voisins de 85 %.1 • Dispositifs « photoniques » : si toute l’énergie

solaire était concentrée dans une bandespectrale étroite, les dispositifs actuelsseraient déjà capables d’en convertir plus de50%. On peut donc essayer d’adapter lespectre incident à une ou plusieurs photo-diodes. Les exigences nouvelles portent doncici sur les propriétés optiques des matériaux.

2 • Les matériaux à mécanismes d’absorptionoptimisés : on peut penser à des matériauxcontenant des niveaux électroniques inter-médiaires servant d’« échelle à électrons »ou à des matériaux permettant la généra-tion de plusieurs paires électron-trou dès

que le photon incident possède une énergiesuffisante. Les exigences portent cette fois surla structure électronique des matériaux.

3 • Les machines thermiques dans lesquellesl’absorption de lumière conduit bien à laproduction de chaleur (énergie cinétiqueélectronique), mais où cette chaleur estconvertie en puissance électrique. Dans cedernier cas, il va falloir s’intéresser de prèsaux propriétés thermiques et « phononiques »des solides envisagés.

I- Les dispositifs photoniques

La difficulté vient de la mise en œuvre d’untravail en amont sur les photons qui sont soittriés en longueur d’onde pour être envoyés surdes jonctions adaptées à la partie du spectre cor-respondante (multijonctions), soit décalés enénergie par transfert d’une partie du spectre àune autre (tout en conservant l’énergie lumineusetotale) pour conduire à une répartition plus « ramassée », avant d’être récupérés par une diodeadaptée à ce nouveau spectre.

a - Les multijonctionsDans un dispositif classique, les photons

dont la conversion énergétique est la plus efficacesont ceux dont l’énergie est légèrement au-dessus du seuil d’absorption (gap). Pourceux-ci, des rendements de l’ordre de 60 %sont atteints expérimentalement,et sont d’ailleursassez proches de ce que l’on peut attendre (fig. 2). L’utilisation de plusieurs cellules de gapsdifférents, chacune optimisée pour une partiedifférente du spectre solaire, permet donc enprincipe d’augmenter le rendement (voir encadré,p. 30). Pour un nombre donné de cellules et un spectre d’insolation fixé, il existe un choixoptimal des gaps donnant le rendement le plusélevé [2] : par exemple, pour trois cellules sous concentration maximale, le rendement

Figure 2 : Énergie libre optimale récupé-rable par photon absorbé, au maximumde rendement de conversion (ordonnée,axe de gauche), en fonction de l’énergiedu photon (abscisse) et du nombre dephotons absorbés. La courbe bleuecorrespond à un spectre de corps noir à6000 K, la courbe rouge à l’intensitésolaire sur terre, et la courbe noire àcelle du flux solaire avant son entréedans l’atmosphère. Courbes vertes : le flux de photons surune échelle log (ordonnée, axe de droite)est donné pour les mêmes spectres. La courbe en tirets noirs donne l’énergielibre récupérée par un photon dans unecellule solaire de seuil Eg = 1,5 eV, enfonction de l’énergie absorbée. Pourhν > Eg , elle est indépendante de l’éner-gie du photon absorbé.

(1) Lorsque Efn-Efp devient proche de

Eg , on atteint l’inversion de population

entre électrons et trous, et l’émissionstimulée de radiation vient s’opposer àce que qV augmente encore.

(2) En général, Ef = Ef°+ kT.log[n], où

n est la concentration d’électrons dugroupe de niveaux d’énergie considéréet Ef° l’énergie libre de l’état standard.

C’est une expression similaire à celle dupotentiel chimique d’un gaz parfait.

(3) Sinon, on pourrait transporter réver-siblement de la chaleur d’un corps froidvers un corps chaud, et nous aurionsdéjà parmi nous des machines à mouve-ment perpétuel.

0,5 1 1,5 2 2,5

2

0

3

1

1028

1024

1020

1016 hν (eV)μ

opti

mal

(eV

)

flux

de

phot

ons/

m2 /

s/eV

Dos

sier

Pho

tovo

ltaï

que

Reflets de la Physique30

théorique maximum est de 63 % (49 % sansconcentration).

Ces dispositifs, parfois appelés « tandems »,fonctionnent déjà,et ont démontré des rendementsde 43 % (sous concentration) [3]. Ils sontextrêmement sophistiqués dans leur réalisationet dans leur utilisation, mais c’est le premiertype de dispositifs à potentiel de rendementélevé effectivement réalisé. C’est toujoursaujourd’hui la seule manière démontrée d’obtenirdes rendements de conversion de l’énergiesolaire supérieurs à 30 %.

Les rendements les plus élevés ont été obtenusavec des structures basées sur des empilementsde composés III-V en épitaxie. Des dispositifstandem de grande taille comportant 2 et 3jonctions ont aussi été réalisés avec des modulesà base de couches minces de silicium amorphe,mais leurs rendements restent inférieurs à 15 %.

En fait, le gain incrémental de puissanceacquis par l’ajout d’une cellule dans un tandemcomprenant N jonctions, varie comme 1/N2. Sil’on prend en compte les imperfections dusystème, le gain espéré de l’ajout d’une cellulesupplémentaire est voisin de zéro dès la 4e cellule.

b - Les « transformateurs » optiques Une voie alternative consiste en l’intercon-

version de photons en amont du dispositif, demanière à obtenir un spectre plus étroit en énergie.

Considérons d’abord l’approche « additionde photons ». Les photons dont l’énergie est tropfaible pour être utilisés directement par une cellulephotovoltaïque classique, pourraient être enprincipe convertis par un dispositif d’optiquenon linéaire en un nombre plus faible de photonsd’énergie plus grande. L’ensemble des photonsde haute énergie est alors dirigé vers une celluleclassique efficace dans ce domaine spectral.

Les principales recherches sur le sujet sefont en utilisant des matériaux dans lesquels unrayonnement infrarouge est absorbé par plusieursions d’une terre rare, qui transfèrent ensuitede manière cohérente leur énergie à un autre

lanthanide, capable d’émettre efficacement à lafréquence double [4].

Les quelques tentatives faites jusqu’ici ontprouvé la faisabilité du concept, mais avec unsuccès limité en termes de gain d’efficacité abso-lue : environ 3 % des photons dans l’infrarougedans la bande étroite d’absorption des terresrares utilisées, sous une illumination équivalenteà 250 soleils, ont été effectivement convertis enphotons de plus haute énergie.

Le principe de la « division de photons »consiste, à l’inverse, à absorber des photons dehaute énergie dans un convertisseur luminescentpour émettre des photons de plus basse énergie,mais en plus grand nombre, vers une cellulesolaire dont le seuil d’absorption est adapté. Leconvertisseur fluorescent (e.g. YF3:Pr ouLiGdF4:Eu) peut être placé en face avant, etavec un bon confinement optique ; l’essentiel dela lumière émise est absorbée par la cellule.

II- Les matériaux à mécanismesd’absorption optimisésa - Les dispositifs à niveaux intermédiaires

Outre les transitions de la bande de valence àla bande de conduction qui ont lieu dans lessemi-conducteurs sous l’effet du rayonnement,certains matériaux peuvent absorber des photonsde plus basse énergie via des niveaux intermé-diaires situés dans la bande interdite, qui jouent lerôle d’une « échelle à électrons » (fig. 3a) [5].

L’un des grands avantages de l’utilisation deces matériaux est la réalisation d’un dispositif ana-logue à une multijonction pour ce qui est desrendements,mais avec la simplicité de l’élaborationd’une simple jonction. Une bonne absorption desniveaux intermédiaires suppose qu’ils soient àmoitié occupés (c’est malheureusement aussi lacondition pour la vitesse de recombinaison la plusélevée). Il faut donc chercher des systèmes danslesquels ces niveaux ont un caractère « métallique »,sans pour autant trop accroître la vitesse derecombinaison non radiative.

BC

BV

BC

BV

BC

BV

Ionisation par Impact

Bande Intermédiaire

Figure 3 : Diagrammes de bande repré-sentant les phénomènes de générationde porteurs optimisés par rapport aucas standard. a) En haut, un matériau dans lequelune bande intermédiaire permet unemeilleure absorption du spectre solaire.Les processus de génération sont enjaune et ceux de recombinaison sont enrose. b) En bas, le phénomène d’ionisationpar impact permet de transférer l’énergieexcédentaire d’un porteur à un électronqui devient capable de passer de labande de valence (BV) à la bande deconduction (BC).

: électrons: trous

Lumière

a

b

Principe de la conversion multispectrale (triple jonction) a/ Un dispositif optique sépare la lumière solaire au moyen de filtres en trois faisceaux

« bleu », « vert » et « rouge », qui sont convertis par trois cellules dont les bandes interdites ontété adaptées pour ces trois bandes spectrales. On peut simplifier le dispositif comme indiquéen b/ en remarquant que la cellule « bleue » n’absorbe pas les longueurs d’onde supérieures àson seuil d’absorption. Elle peut donc servir de filtre pour les cellules « vertes » et « rouges ». Dela même façon, la cellule « verte » laisse passer le « rouge ». Il faut, bien entendu, que les substratsdes deux premières cellules soient transparents. Enfin, en c/ on réalise un contact électriqueentre les trois cellules. On peut réaliser cet empilement par dépôt des différentes cellules sur unmême substrat. Pour éviter qu’il se crée une diode antagoniste à l’interface entre deux cellules(une diode p-n si on empile des diodes n-p), on les relie souvent par une jonction tunnel. Dansle cas c/ les cellules sont connectées en série, alors que dans les cas a/ ou b/ on reste libre d’utiliserl’électricité produite de la façon la plus efficace.

Reflets de la Physique 31

Il existe de nombreuses manières d’obtenirdes niveaux ou des bandes intermédiaires comme,par exemple,par l’introduction de défauts étendusou d’impuretés, ou d’un super-réseau de plotsquantiques.

D’autres systèmes à bandes intermédiaires,apparus plus récemment, paraissent intéressants.Il s’agit de composés semi-conducteurs ferro-magnétiques, du type de GaAs:Mn, qui pour-raient présenter des durées de vies des étatsintermédiaires élevées, à cause des règles desélection sur le spin pouvant ralentir certainsprocessus de recombinaison [6].

b - Les matériaux « scintillateurs »L’absorption de photons dont l’énergie est

plus de deux fois celle du gap permet d’envisagerd’autres mécanismes que la création de phononspour la thermalisation des paires électron-trou :l’excédent d’énergie peut servir à créer uneseconde paire électron-trou, un phénomènenommé « ionisation par impact » (fig. 3b).

Les rendements limites de dispositifs àionisation par impact peuvent être intéressants,à condition que le processus soit efficace auvoisinage du seuil minimal (~ 2 Eg ).Des travauxau Max Planck Institute de Stuttgart ont préditque les alliages Si-Ge pourraient montrer uneffet mesurable. Mais il s’est avéré inférieur à 1 %du rendement de cellules de ce matériau. Desvaleurs élevées d’ionisation par impact ne sontobservées que pour des énergies de photonssupérieures à 3 Eg [7].

III - Les « machines thermiques » : cellules à porteurs chauds

Les porteurs générés dans l’absorbeur ne sethermalisent pas instantanément avec le réseau àla température TA, mais forment de manièretransitoire un gaz d’électrons et de trous « chauds » : leur distribution correspond à unetempérature TH > TA. Si ces porteurs peuventêtre collectés rapidement via des niveaux étroitsen énergie Esn et Esp (fig. 4), les flux de chaleuravec les contacts sont minimaux et la transfor-mation de l’énergie cinétique du gaz chaud enénergie potentielle électrique est optimale [8].

Les calculs de la limite de rendement donnentdes valeurs très proches de celles obtenues avec undispositif multijonction contenant une infinité decellules, chacune adaptée à une fraction du spectre,et ce pour un système de conception beaucoupplus simple : il s’agit donc,en quelque sorte,du dis-positif ultime de conversion de l’énergie solaire.

Aucune cellule à porteurs chauds n’a encoreété réalisée ; cependant, des mesures effectuéesdans les semi-conducteurs usuels montrent queles porteurs chauds se thermalisent en quelquespicosecondes.Dans les années 90, on a découvertque le temps de thermalisation est fortement

influencé à la fois par le niveau d’injection (i.e. l’intensité de l’excitation lumineuse) et pardes effets de confinement [9]. Il apparaît doncque les vitesses de thermalisation peuvent saturerdans des nanostructures à un niveau suffisantd’illumination. On prévoit alors des rendementsde conversion qui pourraient dépasser 50 % sousconcentration. Ces rendements sont très sensiblesà la largeur énergétique des contacts au-delà dequelques meV, car ces derniers introduisent uneperte thermique par transfert de chaleur. Plusque la vitesse de thermalisation, la réalisation decontacts efficaces risque d’être le point délicatdans la fabrication de ces dispositifs.

ConclusionLa découverte de systèmes radicalement

différents des diodes semi-conductrices pour laconversion à haute performance de l’énergiesolaire est-elle une utopie ? Il existe en tout casun grand nombre de possibilités pour y parvenir.

À court terme, les dispositifs à multijonctiondevraient faire des progrès significatifs et peut-êtremême avoir un impact notable dans la productiond’électricité photovoltaïque, en utilisant uneoptique de concentration. À moyen terme, onenvisage la réalisation de dispositifs optiques àaddition d’énergie. Enfin, à plus long terme, lescellules à niveaux intermédiaires ou à porteurschauds, qui posent les plus grandes difficultésscientifiques et technologiques, pourraientnous permettre d’approcher les rendementsultimes.

On peut espérer que ces possibilités verrontle jour prochainement, grâce à la découverte denouveaux matériaux, dont, mais pas seulement,ceux issus des nanotechnologies. Dans cemonde assoiffé d’énergie, il paraît nécessaire detenter l’aventure…■

Références[1] W. Shockley et H.J. Queisser,J.Appl. Phys., 32 (1961) 510.[2] M.A. Green, Third GenerationPhotovoltaics:Advanced SolarElectricity Generation, Springer,Berlin (2003).[3] Nouveau record triple jonction del’Université de Delaware à 42,8 % :www.renewableenergyaccess.com/rea/news/story?id=49483&src=rss [4] P. Gibart et al., Proceedings ofthe 13th Photovolt. Sol. EnergyConference, Kluwer (1995), p. 85.[5] A. Luqué et A. Marti, Phys.Rev. Lett. 78 (1997) 5014.[6] J.M. Raulot, C. Domain etJ.F. Guillemoles, Phys. Rev. B 71(2005) 35203.[7] J.H.Werner, S. Kolodinski etH.J.Queisser, Phys. Rev. Lett. 72(1994) 3851.[8] R.T. Ross et A.J. Nozik,J.Appl. Phys. 53 (1982) 3813.[9] Y. Rosenwaks et al., Phys. Rev.B 48 (1993) 14675.

Figure 4 : Diagramme de bandesd’énergie d’une cellule à porteurschauds. Les photons solaires sontabsorbés dans la partie centrale oùse forme un gaz d’électrons chauds (àune température TH supérieure àcelle du réseau). Leur excédent d’énergiecinétique leur permet d’être récupé-rés à une énergie supérieure à celledu bord de bande de conduction(pour les électrons) ou de valence(pour les trous). La sélectivité enénergie δE du contact est la conditionpour que la distribution de porteurschauds chauffe les contacts le moinspossible.

Contact nT=TA

Contact pT=TA

Eg

T=TH

qV

ΔEEg

AbsorbeurT=TH

coucheen énergie

pour les électrons

sélective

Eg

coucheen énergie

pour les trous

sélective

E

X

Efn

Efp

e-

h+ Esp

Esn

δE

Dos

sier

Pho

tovo

ltaï

que

Reflets de la Physique32

Conversion photovoltaïque de l’énergie solaire concentrée

Des rendements de conversion « record »,supérieurs à 40 %, ont récemment pu êtreobtenus en concentrant plusieurs centaines de foisl’énergie solaire sur des cellules multijonctions.Les systèmes de concentration du rayonnementsolaire – miroirs paraboliques (fig. 1), lentillesde Fresnel – n’utilisent que la fraction directede ce rayonnement et imposent un suivi dusoleil, mais ils permettent d’utiliser de trèspetites surfaces de capteur (fig. 2), car le courant

Alain Dollet ([email protected] )Laboratoire Procédés, Matériaux et Énergie Solaire (UPR 8521 CNRS, Odeillo et Perpignan)

Figure 1 : Miroir parabolique (DGA/CEP)utilisé par PROMES pour ses recherchessur la conversion photovoltaïque durayonnement solaire concentré. L’irispermet de moduler précisément ladensité de flux reçu par la cellule PVplacée au foyer du concentrateur.

Figure 2: Principe de la conversion pho-tovoltaïque sous concentration (CPV).

Figure 3 : Évolution du rendement deconversion d’une cellule tandemGa0,35In0,65P/Ga0,83In0,17As en fonc-tion du facteur de concentration durayonnement (ISE Fraunhofer, Freiburg). La densité de courant mesurée est d’en-viron 6 A/cm2 à 500 soleils (mesureseffectuées à PROMES, tenant comptedes pertes optiques dans le système deconcentration).

(1) http://www.solarsystems.com.au/documents/SolarSystemsMediaRelease.pdf

(2) http://www.promes.cnrs.fr

Rayonnementsolaire direct

Concentrateur

Électricitéair, eau, …

Cellule PV

Puits de chaleur

Pour en savoir plus• V.M. Andreev, V.A. Grilikhes, V.D. Rumyantsev, Photovoltaic Conversion

of Concentrated Sunlight, John Wiley & Sons (1997). • "X marks the spot", Photon International, Avril 2007, 123-137.

produit par une cellule solaire est sensiblementproportionnel au flux de photons reçu. Le prixprohibitif de cellules à haut rendement, tellesque les cellules multijonctions, peut ainsi êtrelargement compensé. La concentration permetmême d’accroître leur rendement de conversion :on peut établir que le rendement d’une cellulesolaire augmente comme le logarithme népériendu facteur de concentration X, jusqu’à ce queles pertes ohmiques ne finissent par compenserce gain ; on observe alors une saturation, puisune légère décroissance du rendement enfonction de X (fig. 3).

La plupart des grands pays développentaujourd’hui des projets importants dans ledomaine du photovoltaïque sous concentration,à l’instar de l’Australie, qui va bientôtconstruire sur son territoire la plus grandecentrale photovoltaïque du monde (254 MW)en utilisant la concentration du rayonnementsolaire sur des cellules III-V triple jonction(1). Laconversion photovoltaïque sous concentrationsuscite encore peu d’intérêt en France, mais lelaboratoire PROMES(2), fort de ses moyensuniques en solaire concentré, développe main-tenant des recherches dans ce domaine. ■

Reflets de la Physique 33

La vision du CEA en matière d’électricité solaire photovoltaïque

L’objectif principal du CEA dans ledomaine est de contribuer à l’émergence enFrance d’une filière industrielle complète quiassocie, d’une part la fabrication des élémentsde base, à savoir le matériau, les cellules etmodules photovoltaïques, d’autre part leur inté-gration dans des systèmes complets, notammentdans les bâtiments qui peuvent ainsi passer dustatut de consommateur à celui de producteurd’électricité.

Un soutien aux professionnels :industriels, équipementiers,installateurs…

Un des rôles premiers d’un organisme derecherche comme le CEA consiste à proposerdes solutions industrialisables à court ou moyenterme et à préparer les innovations technologi-ques nécessaires à plus long terme pour l’amé-lioration des performances : augmentation desrendements, baisse des coûts de fabrication,l’enjeu ultime étant la diminution du coût derevient du kWh électrique, en minimisant sonimpact environnemental.

Les pistes pour cela sont multiples et l’on bénéficie du savoir-faire hérité de lamicro-électronique, tant sur le silicium que surles nanomatériaux, les nanoprocédés et leséquipements.

Au niveau des systèmes, il s’agit de faciliter leurconception, leur installation ou leur intégrationdans l’enveloppe des bâtiments, puis leur gestionintelligente : sur ce dernier point, l’enjeuconsiste principalement à faciliter le recours à lasource d’énergie intermittente et à s’appuyersur les réseaux et systèmes énergétiques usuels,éventuellement sur des moyens de stockage.

… qui s’appuie sur des moyenstechniques forts, dignes d’unerecherche de niveau européen…

Les collectivités territoriales de Savoie et deRhône-Alpes, associées aux organismes CEA,CNRS, CSTB et à l’Université, ont permis autravers du projet INES, Institut National del’Énergie Solaire, la mise en place sur la zoned’activités de Savoie-Technolac des trois types

de moyens nécessaires à cette stratégie :• Des laboratoires incluant des équipements

lourds comme des salles blanches, ainsi que desmoyens de caractérisation physique et chimique.L’ADEME a contribué à un premier investis-sement notable en 2004, qui sera largementrenforcé : il s’agit de développer des cellulestoujours plus larges, plus minces, avec desarchitectures innovantes.

• Des installations pilotes de taille industrielle.En effet, les principes physiques peuvent êtreétudiés à petite échelle, mais la productivitéd’une installation industrielle ne sera optimalequ’après une étape de faisabilité avec un « pilote industriel », proche de l’échelle 1.Ainsi, au niveau de la fabrication du silicium dequalité « solaire », il s’agit de passer de l’expé-rience de laboratoire portant sur quelqueskilogrammes aux blocs de plusieurs centainesde kilogrammes.De même, pour les traitementsde surface des cellules photovoltaïques (passi-vation, dopage, métallisation, anti-reflet, etc.),l’uniformité des couches obtenues sur quelquesmm2 ou cm2 n’est jamais immédiatementreproductible au niveau des dm2 ou du m2.

• Des bancs d’essais pour les composants dessystèmes, les systèmes eux-mêmes et leurintégration – onduleurs, miniréseaux jusqu’à100 kW, systèmes autonomes, systèmes destockage – ainsi que des bâtiments expéri-mentaux pour le développement et la validationdes logiciels de conception et de prédictionde la performance énergétique :maisons passivesou à énergie positive…

… et des moyens humains aux compétences variées, avecune réelle taille critique.

Tous ces équipements sont bien sûr à ladisposition des partenaires fondateurs d’INES,au fur et à mesure de leur mise en serviceopérationnelle. Le CEA a choisi d’y faireconverger rapidement la majorité de seschercheurs impliqués, tandis que l’Universitéde Savoie, le CNRS et le CSTB y affectentprogressivement leur personnel. Le continuumainsi créé entre la recherche académique et larecherche technologique constituera un avantage

Philippe Malbranche ([email protected] )DRT, CEA/Grenoble, et INES, B.P. 332, 73377 Le Bourget du Lac Cedex

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(Voir la légende des figures p. 34)

Reflets de la Physique34

L’Institut InESS(1) (Laboratoire communCNRS-Université Louis Pasteur), installé àStrasbourg, possède une plate-forme technolo-gique de réalisation de cellules photovoltaïquesde 400 m2, incluant une nouvelle salle blanchede 100 m2 (aux normes ISO 5-4 sur tous lespostes de travail : 10 à 100 particules, de l’ordredu micron, par m3).

Cette plate-forme a été inaugurée le 7 novembre 2006. Elle est d’intérêt national etouverte à tous les laboratoires académiquespour le développement de nouvelles structureset concepts de cellules en couches minces,

et en particulier pour des dispositifs hybridesdont la matrice hôte, à base de silicium, incluedes composites nanostructurés (minéraux ouorganiques). Elle est destinée à des projets derecherche de laboratoire en permettant laréalisation de petits démonstrateurs, avec unegrande souplesse au niveau de la dimension desdispositifs de test (de l’ordre de quelques mm2

à quelques cm2).Les conditions d’accès sont en cours de

définition et seront établies en tenant compted’une participation au fonctionnement de laplate-forme. ■

Une plate-forme technologique CNRS:Process-PV à StrasbourgJean-Claude Müller ([email protected] )Institut d’Électronique du Solide et des Systèmes (InESS)UMR 7163, Laboratoire commun CNRS-ULP, 23 rue du Loess, 67037 Strasbourg

Figure 1 : Dépôt de contacts par litho-graphie (zone de classe < 100).

(1) Institut d’Électronique du Solide etdes Systèmes : www-iness.c-strasbourg.fr/

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déterminant par rapport à d’autres institutseuropéens.

Au-delà, l’organisation de partenariatspublic-privé, avec d’importants groupes industrielset des PME,permet de regrouper les chercheursautour d’un équipement ou d’une expérimen-tation et assure des transferts technologiquesrapides et efficaces. C’est le cas du projetPhotosil (voir l’article de C. Trassy, p. 14),qui vise à la purification directe du siliciummétallurgique. Une unité pilote associant lesphases de ségrégation, traitement plasma etcristallisation et pouvant traiter plusieurs

centaines de kg/jour rassemble déjà le personnelde l’industriel FerroPem et des chercheurs detoutes origines. Plus en aval sur la chaîne devaleur du photovoltaïque, des actions de R&Dvont faire collaborer sur un même site du per-sonnel de l’entreprise Photowatt (n°1 françaisdu secteur) et des chercheurs.

À ce jour, une centaine de chercheursdédiés aux thématiques solaires sont déjà àl’œuvre sur Savoie-Technolac, et c’est à termeprès de 250 chercheurs qui constitueront cettezone de compétences unique en France. ■

Légendes des figures de la page 33, dehaut en bas. 1 : Installation de plaques de silicium de200 x 200 mm2 sur la pelle de charge-ment du four de diffusion utilisé pour laformation de l’émetteur de la cellulephotovoltaïque (Plate-forme Restaure,CEA/Grenoble).2 : Examen d’un échantillon en micros-copie à champ proche (INES).3 : Laboratoire de cellules photovoltaï-ques organiques (INES).4 : Plate-forme d’essai des systèmes destockage d’électricité (INES).5 : Station de test de modules PV (INES).

Reflets de la Physique 35

L’Agence de l’environnement et de la maîtrisede l’énergie (ADEME)(1) est le financeurhistorique de la R&D photovoltaïque enFrance. Depuis février 2005, date de la créationde l’Agence nationale de la recherche (ANR)(2),la recherche photovoltaïque connaît un nouvelélan grâce à un renforcement des dotationsbudgétaires.L’ANR et l’ADEME ont coordonnéleurs efforts financiers au travers du lancementd’appels à projets dont les priorités ont étédéfinies par un comité stratégique.

La première priorité est de développer unefilière silicium innovante, adaptée aux spécificitésdu marché et capable de soutenir la croissancedu marché mondial ; la réussite du développementde la filière photovoltaïque repose aussi sur ladisponibilité de matière première siliciumultrapur, dit de « qualité photovoltaïque solaire »(3),première étape de l’élaboration des cellulesphotovoltaïques, et sur le développement d’architectures de cellules à haut rendement deconversion (> 20 %). La deuxième prioritéconcerne le développement d’une filière à basede matériaux en couches minces déposées sursubstrat de grande surface adapté à l’intégrationdans l’enveloppe du bâtiment. Enfin, les nou-veaux concepts et la filière des matériaux orga-niques constituent le volet prospectif de ceprogramme.

Ces objectifs prioritaires de R&D sontaccompagnés par des actions concernant plusglobalement les composants des systèmes pho-tovoltaïques (gestion de l’énergie, stockage, etc.)et les systèmes eux-mêmes capables d’aborderles marchés en forte expansion dans les deuxdomaines d’applications : systèmes débitantdans le réseau électrique (à travers un onduleurspécifique) et systèmes fonctionnant en autonomehors du réseau (nécessité d’une batterie destockage). Pour l’ADEME comme pourl’ANR, l’objectif général est non seulement decontribuer à la baisse des coûts et à l’augmen-tation des performances des composants et dessystèmes photovoltaïques, mais aussi de faire ensorte que les applications soient spécifique-ment destinées aux bâtiments. L’intégrationdes modules photovoltaïques aux divers com-posants intervenant dans la construction – etceci dès la conception des bâtiments – constitue

en effet une des conditions indispensables de laréussite commerciale. Les développements dematériaux de construction incluant la conver-sion photovoltaïque sont pris en charge par leprogramme PREBAT(4), mené conjointementpar l’ANR et l’ADEME.

Le budget de recherche photovoltaïque estd’environ 10 M€ par an pour l’ANR et 2 à 3 M€par an pour l’ADEME (secteur R&D matériauxseul). Cet effort représente près de 40 projetsen cours pour les appels de projets de 2005 à2007. Le partage du financement des dossiersmatériaux entre ANR et ADEME est le suivant :recherche fondamentale et pré-industriellepour l’ANR et développement technologiqueindustriel, essentiellement filière silicium cristallin,pour l’ADEME.Enfin, les pôles de compétitivitécréés au niveau des régions, contribuent à certainsvolets de la R&D photovoltaïque par des finan-cements des Conseils régionaux : Tennerdis enRhône-Alpes, Derbi en Languedoc-Roussillon,Capenergie en PACA et Corse…

La France possède des capacités d’innova-tion et de développement opérationnelles surle plan industriel : de nouveaux acteurs telsAvancis, Appolon Solar, Emix, PEM Invensil,Solar Force, sont venus rejoindre les plus anciens(Apex-BP Solar, Free Energy, Photowatt,Tenesol). Cet effort témoigne de la volonté des’impliquer de grandes sociétés comme EDF,Saint-Gobain, Schneider et Total. La recherchepublique, dans les laboratoires du CNRS et desuniversités s’est elle aussi renforcée par la créa-tion de centres tel l’IRDEP (EDF-CNRS-ENSCP, fig. 1), et surtout celle du nouvelInstitut national de l’énergie solaire auBourget-du-Lac (INES, fig. 2), collaborationentre CEA, CNRS et CSTB(5). Inauguré en2006, c’est pour la communauté française uneoccasion à saisir pour concentrer ses efforts etoffrir à la France une chance de reconquérir laplace perdue dans la compétition internationale.

L’ADEME et l’ANR organisent chaqueannée un colloque national qui réunit l’ensemblede la communauté photovoltaïque française. Ils’est tenu cette année à Aix-les-Bains du 20 au22 mars 2007, en conjonction avec les rencontresannuelles PREBAT. ■

Le programme de recherche photovoltaïque de l’ANR et de l’ADEME André Claverie, ADEME, DER ([email protected] )

Pascal Couffin, CEA, délégation ANR/NTE ([email protected] )

(1) www.ademe.fr (2) www.agence-nationale-recherche/fr (3) Voir l’article de C.Trassy, page 14.(4) Programme de Recherche surl’Énergie dans le Bâtiment, voir le siteInternet de l’ANR.(5) Centre Scientifique et Techniquedu Bâtiment, www.cstb.fr .

Figure 1 : Salle blanche des laboratoiresde l’IRDEP à Chatou, consacrée à lasynthèse de CIS par électrolyse (procédéCISEL, soutenu par l’ADEME et l’ANR),voir article, p. 17.

Figure 2 : Le bâtiment de l’INES auBourget-du-Lac, près de Chambéry.

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L’électricité photovoltaïque Des applications allant des bâtiments connectés au réseau jusqu’à l’accèsà l’électricité en milieu rural pour les pays en développement .

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie(ADEME) est l’établissement public chargé de la politiquenationale du développement durable. Le programmeÉlectricité solaire photovoltaïque de l’ADEME comprendde la R&D industrielle, des actions de formation, dediffusion de l’information et des opérations de stimulationdu marché qui viennent en complément des nouvellesmesures fiscales et tarifaires : un tarif d’achat de l’électricitéphotovoltaïque de 0,30 € le kWh, avec une prime sup-plémentaire de 0,25 € le kWh lorsque les modulesphotovoltaïques sont intégrés au bâtiment. De plus, lesparticuliers bénéficient d’un crédit d’impôt représentant50 % du coût des équipements.

ADEME • 27 rue Louis Vicat, 75014 Paris • www.ademe.fr

Stimulation du marché national avec l’ADEME

Dans le Nord du Laos, très montagneux, les villages enclavésn’ont pas accès au réseau électrique national. Le développementde solutions d’électrification décentralisée est indispensablepour améliorer les conditions de vie de ces populations.L’action de la Fondation Énergies pour le Monde a visé à donneraccès à l’électricité aux populations de plusieurs villages isolés.5 villages ont été équipés de systèmes solaires délivrant prèsde 200 Wh/jour, pour l’éclairage disponible le soir et les moyensaudiovisuels. Les foyers paient le service de l’électricité, environ1,5 €. Les villageois ont bénéficié de formations à l’utilisationdes systèmes photovoltaïques etdeux techniciens villageois sontaujourd’hui responsables de leurentretien. Les artisans brodeurset les commerçants bénéficientainsi d’un atout supplémentairepour dynamiser leurs activités.

Un exemple d’accès à l’électricité en milieu rural :l’action de la FONDEM.

Lycée du Grésivaudan, 38240 Meylan

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FONDEM • 146 rue de l’Université, 75007 Paris • www.energies-renouvelables.org

Remerciements à André Claverie (ADEME) et Yves Maigne (FONDEM)

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