12
Elève de l’atelier Baroque de Montaigne Dossier de théâtre Année 2007-2008

Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Elève de l’atelier Baroque de Montaigne

Dossier de théâtre

Année 2007-2008

Page 2: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Sommaire

1. Expérience Personnelle

2. Influence du théâtre Baroque sur le jeu du comédien

3. Etude de l’interprétation de Pyrrhus dans Andromaque

Page 3: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Expérience personnelle Je suis à l’atelier théâtre du lycée Montaigne depuis 4 ans maintenant. J’ai commencé par le Symbolisme, qui fut pour moi une manière assez calme d’aborder le théâtre. Au cours de cette première année, nous montâmes Intérieur, de Maeterlinck, pièce relativement triste mais dont l’étude fut très intéressante pour ce qui est de l’occupation du plateau ou encore de notre travail sur les marionnettes. Désireux de m’épanouir de manière plus distrayante, j’ai changé d’atelier en 2ème année pour me diriger vers le Baroque, dont je ne connaissais pas l’existence dans l’univers du théâtre. Je fus aux premiers abords quelque peu retissant à tous ces codes, mon adaptation fut rapide et nous montâmes Sganarelle, ou le Cocu Imaginaire de Molière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, le côté humoristique me plût beaucoup. L’année suivante fut complémentaire puisque l’on joua L’amour Médecin, comédie ballet de Molière, dans laquelle j’interprétais Sganarelle, à nouveau sujet de duperies diverses. Cette dernière année à l’atelier est pour moi plus dure que les précédentes puisqu’il se trouve que j’ai changé de Lycée. Mes horaires ne convenant pas parfaitement et les conditions d’accès étant plus difficiles, je perds 1H30 de cours par semaine. Néanmoins j’essaye de m’investir au maximum dans mon travail afin de ne pas ralentir le groupe et de conserver une interprétation réfléchie, travaillée. Nous jouons cette année Andromaque, de Racine, dans laquelle j’interprète le roi tyrannique Pyrrhus. La rupture complète avec le jeu des années précédentes est instructive, je redécouvre avec plaisir la tragédie, dont l’interprétation demande à mon goût une certaine maturité. Rétrospectivement, cette maturité m’aurait probablement dépassée lors de mes débuts à l’atelier. Ces années d’apprentissage furent donc très fructueuses. Ce qui me plaît dans le théâtre est l’émulation puis la cohésion qui se construit entre les comédiens au cours de la découverte de la pièce, de leur travail dans l’année. Car je pense en effet qu’une interprétation est une véritable (re)découverte de l’œuvre, le comédien constituant le dernier maillon de la chaîne théâtrale, se doit nécessairement de comprendre au plus profond le caractère, la psychologie de son personnage afin de s’en imprégner pleinement. Toute cette recherche fastidieuse lui permettra alors sur scène de retransmettre au public son savoir dans une recherche permanente d’habileté et de maîtrise du jeu ; sans pour autant se laisser dépasser par le rôle qu’il prend, en s’autogérant pour ne pas « dédoubler » sa personnalité. J’aime communiquer, offrir des sentiments simples aux spectateurs, avoir l’impression l’espace de quelques scènes, de modeler leurs réactions, j’aime la puissante interaction qui se fait lors de la représentation, au paroxysme de la satisfaction du comédien.

Page 4: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Un des avantages de cet atelier théâtre a été la possibilité d’assister à plusieurs représentations chaque année. Je me suis plus intéressé au théâtre classique mais j’ai eu la chance d’aller aussi par moi-même voir jouer du théâtre contemporain. J’ai particulièrement apprécié deux pièces qui n’ont rien en commun : • Sous-sols, une pièce contemporaine mise en scène et écrite par Claire

Dancoisne, jouée au théâtre de la Licorne (Paris La Vilette) , inspirée des Bas Fonds de Gorki. L’histoire racontée est celle d’un peuple -muet- de clandestins, réfugiés vivant sous la terre, comme des taupes insomniaques, dont la destinée n’est pas forcément exemplaire mais dont les rêves sont émouvants et loufoques. J’en ai beaucoup apprécié la vivacité, les décors délirants, l’imagination débordante du metteur en scène : les comédiens réussissaient à « récupérer » de la lumière dans un seau et à la conserver dans leurs mains, se déplaçaient en pédalant sur des animaux en ferraille. Notre rencontre avec le metteur en scène et une actrice à la fin a été intéressante, nous avons pu « à chaud » exprimer nos critiques et avoir quelques explications sur différents choix de mise en scène.

• Cyrano de Bergerac, célèbre chef-d’œuvre du théâtre populaire qui valut à Edmond Rostand une gloire immédiate, mis en scène par Denis Podalydès, joué à la Comédie Française. Je trouve que cette pièce ne vieillit pas mais au contraire prend du dynamisme avec le temps. Michel Vuillermoz, qui interprète Cyrano, nous garde captifs et passionnés tout au long de la pièce. Il incarne parfaitement ce héros tragique et attachant qui lui-même incarne le mythe de l’amour et du bonheur impossible. Toute la mise en scène est intéressante et envoûtante. Par exemple, une idée particulièrement innovante fut la pseudo mise en abyme qui s’installe au début de la pièce lorsque les personnages assistent à une pièce de théâtre regardant un écran rajouté pour refléter ce qui se passe dans la salle. Cette pièce tout en restant traditionnelle et en rajoutant des décors nous montre encore une fois comme l’art du théâtre peut être captivant. D’autant plus que les costumes de Christian Lacroix sont très travaillés. Le passage dans la rôtisserie ainsi que celui de la guerre sont particulièrement bien représentés. Plus d’un siècle après la première représentation, cette pièce nous remplit d’émotion par son personnage principal héroïque.

Page 5: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Michel Vuillermoz et Françoise Gillard

• L’Autre Monde ou les états et empires de la lune, de Cyrano de Bergerac, mis

en scène par Benjamin Lazar au théâtre de l’Athénée. La pièce est très imagée, poétique, ceci étant rendu par un décor simple mais harmonieux, deux musiciens jouant des instruments traditionnels tels que la mandoline, et un éclairage restreint : composé de bougies uniquement. Ce qui fait son originalité est qu’elle est jouée en Baroque, par un jeune comédien, ancien élève de ma professeur de théâtre. Celui-ci est seul sur scène du début de la pièce jusqu’à la fin et contrairement à mes préjugés, il arrive à maintenir les spectateurs dans le rêve du personnage avec une certaine fraîcheur de jeu. Cette pièce a constitué pour moi une vraie leçon de jeu puisque en mettant en rapport mon rôle dans Andromaque, j’ai vu qu’il était possible de tenir beaucoup plus longtemps seul sur scène que lors des plus longs monologues & tirades de Pyrrhus, et sans pour autant piétiner.

Benjamin Lazar

Page 6: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

D’autres pièces diverses et variées m’ont aussi bien plu, telles que Au revoir parapluie, de James Thierrée, jouée au théâtre de la Ville, ou encore Paroles d’acteurs adami, Variations sur Lagarce mis en scène par Julie Brochen au Théâtre de l'Aquarium… Certaines pièces furent bien sûr plus scolaires et classiques que celles-ci, comme Penthésilée, de Kleist, ou Andromaque, joué aux Bouffes du Nord… Influence du Théâtre Baroque sur le jeu du comédien Prononciation La principale caractéristique du théâtre Baroque, qui dépayse le spectateur et qui le ramène au temps du 17ème siècle en pleine cour du Louis XIV est la prononciation, qui reprend tous les critères de son temps. Elle est fondée sur : La graphie –oi : au 17ème siècle cette graphie représentait le groupe consonne-voyelle (we) là où aujourd’hui nous prononçons (wa), et la voyelle simple ( ) dans les cas où c’est la prononciation actuelle (que l’orthographe moderne note ai) Il parloît ; connoître, polonnois Au 17ème siècle, « oi » se prononçait (we) dans tous les cas. La voyelle nasale (a) : tant, champ, en, emploi, s’articulait en deux temps : D’abord la voyelle orale (a) (comme dans patte), ensuite la nasalisation. Exemple ; ensanglantant –prononcé d’abord a-sa-gla-ta, puis on rajoute la nasalisation à la fin de chaque syllabe. Le L palatal, dit « mouillé » : les graphies ill, il représentaient un L palatal, comme celui qui existe encore dans toutes les langues romanes (italien –gl…). Par exemple : fille (filieu) ; famille (familieu). Ce son peut exister en position finale : travail (travaL) Le R était « roulé », comme dans toutes les langues romanes ; en principe il était plus violent en début de mot, quand il suivait ou précédait une autre consonne, ou quand il était « géminé » ; il était plus doux entre deux voyelles ou en fin de mot : rouge, trop , parle, terre. Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de prononciation, la théâtralisation du texte est accentuée.

Page 7: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Gestuelle Le théâtre Baroque possède des gestes très précis pour certains traits de caractère ou forme de réaction. Dans une pièce tragique comme Andromaque, et particulièrement pour le personnage de Pyrrhus on pourra trouver le geste de :

• La Franchise : on éloigne les bras l’un de l’autre, et en ouvrant les mains, on les tourne vers l’extérieur, de façon à imager le « déploiement de l’âme ».

• La Tendresse : on porte le doigt sur l’estomac, symbolisant le cœur, siège des passions.

• Le Règne : on étend le bras en ligne droite, on met la main un peu concave vers le sol comme si l’on tenait une balle, parce que cette action marque l’infériorité de ceux dont on parle.

• Le Triomphe : on regarde vers le « ciel », on porte le bras droit vers le bras gauche, et l’on hausse un peu la tête, cette action marque un progrès momentané.

• La Colère : on élève « horriblement » les paupières, on avance la lèvre inférieure, signe de vengeance, en marquant une certaine animosité dans le regard.

• Le Reproche : front plissé, tête branlante, le corps doit être un peu courbé pour marquer « l’ardeur qu’on a pour Dieu », le regard doit être sévère pour marquer l’horreur du pêché.

Posture Les comédiens doivent toujours se tenir en « contra-posto », ce qui signifie dissymétrie, la posture droite signifiant la mort. Tous ont un regard qui porte sur le public, leur positionnement est de sorte qu’ils s’adressent presque aux spectateurs, en effet on insiste sur la complicité entre l’auteur et le spectateur, qui participe presque à l’action. Ainsi le théâtre baroque ne tente pas de rationaliser l’action de la pièce mais au contraire, il produit une réelle théâtralisation du texte. Les acteurs parviennent à emmener le public dans leur aventure à travers de nombreux codes facilement compréhensibles.

Page 8: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Interprétation de Pyrrhus Le travail d’interprétation de Pyrrhus n’est pas aussi simple que l’on pourrait le croire. Même si le comédien ne doit pas rentrer dans un jeu que l’on qualifierait de psychologique, il est important pour lui de cerner la complexité du personnage. Son jeu sur scène est d’autant plus délicat que celui-ci ne doit pas tout dévoiler de ce qu’il aura appris et compris sur le personnage tout au long de son étude de la pièce. En effet les passions extrêmes qui animent Pyrrhus apprêtent à une interprétation mouvementée et très expressive du personnage. Celle-ci doit se limiter si l’on veut respecter les règles de la tragédie classique. Sans pour autant réciter son texte, le comédien devra conserver dans son jeu une certaine sobriété, nuancée tout de même par les codes du théâtre Baroque expliqués ci-dessus. Cette difficulté peut notamment être maîtrisée par un exercice que je juge très instructif sur le contrôle de soi lors de l’interprétation, celui de la répétition hystérique. L’exercice consiste à pousser le jeu au-delà de ses limites. Les différents comédiens peuvent exagérer à outrance leur jeu, à travers leur gestuelle, leur intonation (en chantant le texte ou en le hurlant par exemple)… Par la liberté totale qui leur est laissée, ceux-ci « s’extravertissent » et prennent conscience de certaines facettes de leurs personnages, se redécouvrent. La plus souvent exercée peu de temps avant la 1ère représentation, la répétition hystérique permet aussi aux élèves de se détendre et de réajuster leurs jeux. Il existe bien sûr d’autres exercices utiles au travail du comédien comme : * La reproduction de tableaux vivants. Celui-ci consiste à donner à des petits groupes d’élèves différents tableaux représentants des scènes tirées d’Andromaque ou des scènes de mythologie grecque par exemple, le but étant de les reconstituer au mieux . Cet exercice ludique permet de nous apprendre à imiter, à corriger l’autre, fait travailler l’imagination puisque l’on doit aussi inventer une histoire mobile autour du tableau figé. Il m’a aidé dans ma recherche sur Pyrrhus puisque j’ai pu voir comment les rois, considérés comme divins, étaient représentés. *Jeux de maîtrise du plateau, équilibres du plateau, études de placements. Les élèves évoluent en silence sur la scène en trouvant sans concertation une finalité à leur déplacement. * Tai- chi (dirigé par Jeanne Marie Bourdet) Pratiqué en début de cours, cette séance est un véritable exercice de relaxation et de maîtrise du corps qui nous permet d’établir une atmosphère sereine dans le groupe, utile après une journée de cours bien chargée.

Page 9: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

* Improvisation (Les élèves piochent un bout de papier sur lequel sont écrits quelques vers –tirés d’Andromaque -qu’ils apprennent rapidement et à partir desquels ils inventent une petite histoire par groupe de 4 ou 5, essayant de définir pour chacun un rôle à part entière.) * Tire-bouchon Baroque Dirigés par le professeur, les élèves travaillent sur la dissymétrie de leur corps. Par exemple ils peuvent se retrouver dans des situations où : Les yeux regardent à jardin, leur tête est à cour, ainsi que leur bassin, leur pied droit est levé et leur corps oscille vers l’arrière ! Remarque On note que le thème de Catharsis est dans cette pièce mis à l’œuvre. C’est la « purgation des passions » par le spectacle de celles-ci et celui des conséquences que cette passion peut entraîner. La tragédie inspire la terreur et la pitié du spectateur. L’exemple de Pyrrhus est repoussant celui-ci est prêt à oublier son devoir et à risquer la mort ou la destitution par amour pour une esclave. Mythologie D’après la Mythologie Grecque, Pyrrhus est le fils d'Achille et de Déidamie (fille du roi Lycomède), il est élevé par ce dernier sur l'île de Skyros et, selon les Chants cypriens, nommé d'abord Pyrrhus, en référence aux cheveux roux hérités de son père. Son nom de Néoptolème est en fait dû à Phœnix. Peu après la mort de son père, il est amené par Ulysse à Troie : une prophétie d'Hélénos prédit que la cité ne tombera que devant un descendant d'Éaque. Il fait partie des guerriers enfermés dans le cheval de Troie, et fait preuve d'une grande cruauté dans le pillage de la ville : il tue le vieux Priam dans le temple de Zeus, jette Astyanax, fils d'Hector, par-dessus les remparts, et sacrifie Polyxène sur le bûcher funéraire de son père. Il rentre ensuite en Phthie où, selon Homère (Odyssée, IV, 5-6) il épouse Hermione, fille de Ménélas et d'Hélène, qui lui avait été promise pendant le siège de Troie. Selon d'autres traditions, il obtient Andromaque et Hélénos comme parts de son butin (ce qui constitue l'intrigue de la tragédie de Racine, Andromaque). Suivant une prophétie de ce dernier, il fonde une colonie en Épire, et se mariant à Andromaque, il en a trois fils (Molossos, Piélos et Pergamos), donnant ainsi naissance à la lignée des rois épirotes. Il revient ensuite en Phthie, remet sur le trône son grand-père, Pélée, qui avait été évincé par Acaste, puis épouse Hermione.

Page 10: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Les traditions divergent encore au sujet de sa mort. Selon les uns, il est assassiné par Oreste, amant d'Hermione, selon d'autres, par les habitants de Delphes, où il allait piller le temple d'Apollon pour venger son père. Il fait l'objet d'un culte héroïque à Delphes. Olympias, et par conséquent Alexandre le Grand, ainsi que Pyrrhus Ier, membres de la famille royale d'Épire s'affirment les descendants de Pyrrhus.

"Andromaque et Pyrrhus" de Pierre Narcisse Guérin ,1813 En étudiant Andromaque, on remarque que c’est dans le personnage de Pyrrhus que Racine a le plus modifié les données antiques, en effet l’auteur le fait mourir avant son mariage à Andromaque, il n’est donc pas question d’enfants. Racine donne aussi beaucoup d’importance à Astyanax, qui est censé mourir avant le mariage de Pyrrhus à Hermione. Pyrrhus constitue finalement la figure la plus émancipée de la pièce voire du théâtre racinien d’après certains écrivains.C’est finalement le seul personnage de bonne foi, qui malgré ses multiples vices se révèle comme foncièrement vrai et juste. Désireux d’Andromaque, il cherche lui-même Hermione pour lui annoncer sa rupture (dans l’acte 4 scène 5) et entreprend son explication devant elle sans recourir à aucun alibi ni justifications («J’épouse une Troyenne. Oui Madame, et je l’avoue que je vous ai promis la foi que je lui voue »). Ceci est dû à sa profonde libération, il veut choisir en lui-même et pour lui seul entre le passé et l’avenir, le confort étouffé d’une « Légalité » ancienne et le risque d’une « Légalité » nouvelle.

Page 11: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Son problème est sa renaissance, qui ne peut être que violente : il se retrouve face à une qui le regarde, le reconnaît, et parfois il faiblit, son regard sur lui-même est prêt à se confondre avec le regard de l’ancienne « Légalité » qui l’a formé. Le plus souvent ce regard lui est intolérable, et c’est pour s’en affranchir qu’il combat. Le poids d’un amour non partagé se confond pour lui avec l’emprise de l’ordre ancien ; renvoyer Hermione, c’est passer très vite d’une contrainte collective à un ordre individuel où tout est possible ; épouser Andromaque c’est commencer une nouvelle vie où toutes les valeurs du passé sont en bloc allégrement refusées ; patrie, serments, alliances, haines ancestrales, héroïsmes de jeunesse, tout est sacrifié à l’exercice d’une liberté, l’homme refuse ce qui s’est fait sans lui, la fidélité s’écroule, privée, soudain d’évidence, les mots ne sont plus une terreur, l’ironie d’Hermione devient la vérité de Pyrrhus (« Tout cela part d’un cœur toujours maître de soi, d’un héros qui n’est point esclave de sa foi. » Acte 4, scène 5) On remarque que pour Andromaque, Hector et Pyrrhus se répondaient, comme meurtriers, l’un des femmes grecques, l’autre des femmes troyennes. Pour Hermione l’Epire devait être une nouvelle Troie (« Qu’on fasse de l’Epire un second Ilion » Acte 2, scène 2), elle-même une seconde Hélène (acte 5, scène 2). C’est cette répétition que Pyrrhus veut briser. Cela veut dire que le Temps ne doit pas servir à imiter mais à mûrir ; son « cours » doit modifier le réel, convertir la qualité des choses (« Hé quoi ! Votre courroux n’a-t-il pas eu son cours ? Peut-on haïr sans cesse ? Et punit-on toujours ? […] Mais enfin, tour à tour, c’est assez nous punir. » Acte 1, scène 4). Aussi le premier acte du nouveau règne de Pyrrhus (lorsqu’il consacre la rupture en conduisant Andromaque à l’autel), c’est d’abolir le Temps passé ; détruire sa propre mémoire est el mouvement même de sa nouvelle naissance (« Madame, il ne voit rien ; son salut et sa gloire semblent être avec vous sortirs de sa mémoire » Acte 5, scène 2) La rupture de Pyrrhus est donc fondation : il prend entièrement en charge l’enfant, il veut que l’enfant vive, s’exalte à fonder en lui une nouvelle paternité (« Je vous rends votre fils, et je lui sers de père » Acte 1, scène 4 ; « Je voue à votre fils une amitié de père » Acte 5, scène 3) ; il s’identifie pleinement à lui (« Je défendrai sa vie aux dépens de mes jours […] Pour ne pas l’exposer, lui-même se hasarde ») : alors que par un mouvement inverse, représentante de l’ancienne Légalité, Andromaque remontait sans cesse d’Astyanax à Hector, Pyrrhus descend de lui-même à Astyanax : au père de la nature, il oppose un père de l’adoption. Sans doute cette naissance de Pyrrhus se fait elle au prix d’un chantage ; nous ne sommes pas ici dans un monde des valeurs ; chez Racine, il n’y a jamais de résignation. Ce qui est cherché frénétiquement, c’est le bonheur, ce n’est pas la gloire, la réalité de la possession amoureuse, non sa sublimation. Mais ce chantage prend son droit dans la résistance même d’Andromaque : il a pour objet un être entièrement aliéné à son passé et qui n’est pas lui-même. Ce que Pyrrhus veut d’Andromaque, c’est qu’elle accomplisse elle aussi sa rupture ; contre le passé, il utilise les armes du passé, au prix d’ailleurs d’un risque énorme. Qu’Andromaque entrevoie l’intention profonde de Pyrrhus et dans une certaine mesure y réponde, c’est ce que laisse supposer la variante de la scène 3 de l’acte 5.

Page 12: Dossier de théâtre - clermont- · PDF fileMolière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, ... Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de

Andromaque y prend congé de l’ancienne Légalité. De toute manière, même si par scrupule critique on ne veut pas tenir compte de scène censurée, le dénouement de la pièce est sans équivoque : Andromaque prend expressément la relève de Pyrrhus. Pyrrhus mort, elle décide de vivre et de régner, non comme amante enfin débarrassée d’un tyran odieux, mais comme veuve véritable, comme héritière légitime du trône de Pyrrhus. La mort de Pyrrhus n’a pas libéré Andromaque, elle l’a initiée : Andromaque a fait sa conversion, elle est libre. Le choix des costumes, dernière ligne droite avant la 1ère représentation est très important, il ne faut pas le négliger. Pour Pyrrhus, on recherche des signes de noblesse et de pouvoir. Des couleurs comme le rouge ou rouge bordeaux symbolisant la passion et le pouvoir seront appropriés. On choisira une matière imposante et de qualité comme le velours. Il pourra s’accaparer d’accessoires tels qu’une épée ou encore un chapeau…