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SOMMAIRE Avant-propos (J.P. Laplace) Préface (F. Delange) I - La carence en iode dans le monde (P. Valeix) .............................................. p. 1 II - L'iode dans l'alimentation (P. Valeix) ........................................................... p. 11 III - Conséquences pathologiques des carences en iode (P. Moulin, S. Marsot) ...................................................................................... p. 47 IV - Le statut iodé en France (P. Caron) ............................................................... p. 61 V - Le statut en iode et la pathologie nodulaire dans la population adulte française : résultats de l'étude SU.VI.MAX (P. Valeix) ................... p. 69 VI - Iode et risque nucléaire (P. Verger) ............................................................... p. 85 Annexe : Avis de l'AFSSA relatif à la modification de l'arrêté du 28 mai 1997 portant sur le sel alimentaire et aux substances d'apport nutritionnel pouvant être utilisées pour sa supplémentation ....................................................................... p. 99

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  • SOMMAIRE

    Avant-propos (J.P. Laplace) Prface (F. Delange) I - La carence en iode dans le monde (P. Valeix) .............................................. p. 1 II - L'iode dans l'alimentation (P. Valeix) ........................................................... p. 11 III - Consquences pathologiques des carences en iode (P. Moulin, S. Marsot) ...................................................................................... p. 47 IV - Le statut iod en France (P. Caron) ............................................................... p. 61 V - Le statut en iode et la pathologie nodulaire dans la population adulte franaise : rsultats de l'tude SU.VI.MAX (P. Valeix)................... p. 69 VI - Iode et risque nuclaire (P. Verger) ............................................................... p. 85 Annexe : Avis de l'AFSSA relatif la modification de l'arrt du 28 mai 1997 portant sur le sel alimentaire et aux substances d'apport nutritionnel pouvant tre utilises pour sa supplmentation ....................................................................... p. 99

  • LISTE DES AUTEURS

    Sous la coordination de : Pierre VALEIX ................................................. CNRS, U 557 UMR INSERM/INRA/CNAM 5 Rue du Vertbois 75003 PARIS [email protected] et Ambroise MARTIN .......................................... AFSSA 27-31 Avenue du Gnral Leclerc B.P. 19 94701 MAISONS-ALFORT CEDEX [email protected] Philippe CARON .............................................. Service d'Endocrinologie

    CHU Rangueil TSA 50032 31059 TOULOUSE CEDEX 09 [email protected]

    Franois DELANGE......................................... ICCIDD

    153 Avenue de la Fauconnerie B-1170 BRUXELLES (Belgique) [email protected]

    Sylvie MARSOT............................................... Service d'Endocrinologie et des Maladies de la Nutrition Hpital de l'Antiquaille 1 Rue de l'Antiquaille 69031 LYON CEDEX 05 [email protected] Philippe MOULIN ............................................ Service d'Endocrinologie et des Maladies de la Nutrition Hpital de l'Antiquaille 1 Rue de l'Antiquaille 69031 LYON CEDEX 05 [email protected] Pierre VALEIX ................................................. CNRS, U 557 UMR INSERM/INRA/CNAM 5 Rue du Vertbois 75003 PARIS [email protected] Pierre VERGER ................................................ ORS PACA

    23 Rue Stanislas Torrents 13006 MARSEILLE [email protected]

  • AVANT-PROPOS

    Du "Crtin des Alpes" lenrichissement en Iode Il fut une poque, pas si lointaine, un demi-sicle peut-tre, o lon raillait encore dans les cours

    dcole de notre pays ceux que lon qualifiait peu charitablement de "crtins des Alpes". Les populations de larc alpin partageaient pourtant avec dautres rgions du monde telles que les Andes, le Caucase ou lHimalaya, et avec dautres provinces de France telles que celles du Massif central ou des Pyrnes, le triste privilge de souffrir des consquences les plus fcheuses de la carence en Iode. Mais ce sont aussi les populations des cantons suisses, au cur de la chane des Alpes, qui ont les premires bnfici ds 1922 dune politique de prvention par le sel iod enrichi en iodure.

    Alors que la carence en iode reste un flau mondial, que les pays du sud de lEurope restent

    particulirement exposs une dficience lgre modre, et que parmi ceux-ci la France reste un pays expos dont les programmes de lutte doivent tre constamment adapts aux modifications des usages alimentaires, lInstitut Franais pour la Nutrition est particulirement heureux de pouvoir apporter ses lecteurs un nouveau Dossier scientifique entirement consacr lIode.

    Fidle la tradition de ses Dossiers scientifiques, lInstitut Franais pour la Nutrition a choisi les

    meilleurs auteurs pour traiter des diffrentes questions qui se posent autour de lIode : carence et consquences pathologiques, sources alimentaires et supplmentation, statut iod de la population, et mme risque li aux isotopes produits par lindustrie nuclaire ou utiliss en mdecine nuclaire.

    Je tiens donc remercier trs sincrement ces auteurs qui ont offert leur temps et leur peine pour

    donner tous nos lecteurs des chapitres trs riches dinformations sans inutiles longueurs, agrables et mme parfois passionnants lire. Nul doute que ce nouveau Dossier scientifique trouvera auprs des enseignants, des nutritionnistes dans toute leur diversit, des scientifiques de toutes origines, des industriels et des administrations, voire mme dun public profane, un succs mrit, sur un sujet sensible et dactualit, alors que diverses instances procdent une rvaluation de la politique de prvention de la carence en Iode.

    Jean-Paul Laplace

    Prsident de lInstitut Franais pour la Nutrition

  • PREFACE

    La carence iode, responsable du dveloppement de goitre comme manifestation clinique la plus

    visible mais responsable de retard mental comme consquence la plus importante sur le plan de la sant publique, fait partie de lhistoire du continent europen. Tous les pays dEurope, y compris les pays Scandinaves lexception de lIslande, ont en effet t confronts des degrs divers ce flau mdical et socio-conomique. Le crtinisme endmique, la consquence la plus svre de la dficience iode, a t dcrite de manire extensive dans des rgions montagneuses et isoles dAutriche, de Bulgarie, de Croatie, de France, dItalie et de Suisse. Le terme "crtin des Alpes" fait partie du langage courant. Et pourtant, de manire trs surprenante, le spectre des Troubles Dus la Carence Iode (TDCI) a suscit relativement peu dintrt en Europe jusque rcemment, et tout particulirement dans les pays de lUnion Europenne.

    En 1922, la Suisse a t le premier pays europen introduire un programme diodation du sel dans le but dliminer la carence iode. La commission suisse du goitre a recommand aux 25 cantons suisses dutiliser du sel iod hauteur initialement de 3,75 mg diode par kg, tout en maintenant du sel non iod la disposition du public. Le systme dcentralis du gouvernement suisse a eu pour consquence que la progression de liodation du sel, tablie sur une base volontaire, a t relativement lente au point que le dernier canton (Aargau) a autoris liodation du sel seulement en 1952. Mais actuellement, plus de 90 % du sel de table est iod ainsi que 60 % du sel utilis dans lindustrie alimentaire (1). Lexprience suisse est le modle pilote dun succs dans llimination de la dficience iode.

    Cest probablement en raison de limpact de ce succs en Europe et dans le monde et galement en raison du fait que dautres pays europens ont promulgu des lgislations concernant le sel iod que le problme de la carence en iode en Europe a t curieusement ignor durant plusieurs dcennies. A la suite de la prise de conscience par les Nations Unies et particulirement par lOMS du caractre mondial de la dficience iode, notamment sur la base de linformation fournie par lInternational Council for Control of Iodine Deficiency Disorders (ICCIDD), de vastes programmes dvaluation et de contrle de cette dficience ont vu le jour dans le monde entier ds le dbut des annes 90. Il a t reconnu que liodation du sel tait la stratgie recommande en raison du fait que le sel est lune des rares denres alimentaires qui est universellement consomme, que cette consommation est relativement stable toute lanne dans une rgion donne, que la production de sel est habituellement relativement bien centralise, que la technique diodation du sel est disponible un prix raisonnable, que laddition diode au sel na pas dinfluence sur la couleur, lodeur et le got du sel et enfin que la qualit du sel iod peut tre contrle depuis la production jusqu la consommation par les mnages. Dnormes efforts ont t consentis par les gouvernements de la majorit des 130 pays concerns par la carence iode, avec le soutien des organisations des Nations Unies, dOrganisations Non Gouvernementales telles que lICCIDD et de lindustrie du sel en vue dassurer la promotion du sel iod. De manire trs logique, les efforts maximaux ont t dvelopps dans les rgions du monde les plus atteintes, savoir les pays andins, les pays de la chane himalayenne et les pays occupant les

  • rgions centrales des grands continents ayant peu ou pas daccs aux produits marins, comme lAfrique Centrale et Occidentale et la Chine par exemple. Le rsultat de ces efforts est spectaculaire puisquen lespace de 9 ans, le taux daccs au sel iod au niveau des mnages dans les 130 pays atteints de dficience iode est pass de moins de 10 % en 1990 68 % en 1999 avec disparition progressive de cette carence dans de nombreux pays, par exemple en Chine (2).

    LEurope est cependant reste longtemps en dehors de ce grand mouvement alors que, ainsi que rappel par les auteurs du prsent dossier, la notion de carence iode en Europe avait t dj indique par un rapport de la European Thyroid Association en 1985 et fermement tablie ensuite par des rapports concernant lEurope Occidentale et Centrale en 1993 (3) et lEurope Centrale, lex-URSS et les pays baltes en 1997 (4). Deux rapports rcents ont propos une mise jour extensive sur le sujet (5, 6). On ne peut pas dire que la situation en Europe ne sest pas amliore au cours de la dernire dcennie puisque le nombre de pays europens ayant atteint une nutrition iode adquate est pass de 5 en 1993 (3) 14 en 2002 (5). Pourtant, et trs curieusement, les progrs ont t extrmement faibles dans de grands et puissants pays comme lItalie, lEspagne et la France.

    Cest pourquoi le Dossier Scientifique de lInstitut Franais pour la Nutrition concernant lIode est particulirement bienvenu. Cet excellent et exhaustif rapport dcrit en dtails la nutrition iode dans le monde et en France, identifie clairement une carence iode lgre en France et en dcrit les consquences physiopathologiques, y compris un risque accru dirradiation thyrodienne en cas daccident nuclaire.

    Lon peut ds lors se demander pourquoi cette problmatique a suscit aussi peu dintrt et donc daction de la part des autorits nationales dans un certain nombre de pays europens, dont la France et la Belgique. La premire raison est certainement un manque dinformation du grand public, des professionnels de la sant, y compris du corps mdical, et par consquent des autorits de tutelle. Ce manque dinformation saccompagne et entretient une sorte de "mauvaise rputation" de liode en raison des problmes mdicaux potentiels lis un large excs diode, ravive par une rcente "pidmie" dhyperthyrodie en Afrique Centrale suite lintroduction dans des populations africaines jusque-l svrement carences en iode dun sel iod mal contrl contenant des quantits considrables diode (7). Une raison supplmentaire est la faible visibilit des effets de la carence iode : la notion dhypothyroxinmie et de goitre gravidiques, dhyperTSHmie et dhypothyrodie transitoire nonatales ainsi que le risque dhyperthyrodie sur nodule autonome chez ladulte g sont peu de choses dans la perception de masse par rapport aux ravages visibles de linfection HIV et du cancer par exemple. Et pourtant, il a t trs rcemment montr chez le rat quune hypothyroxinmie en dbut de grossesse chez la mre entrane des dommages irrversibles dans larchitectonique du cerveau du jeune rat, substrat du retard mental ultrieur (8). De mme, cest la notion dhyperthyrodie sur nodules thyrodiens dus la carence en iode qui a dcid le Danemark initier un programme de supplmentation iode alors que ce pays a t le seul pays europen avoir interdit lusage de sel iod jusquen 1998.

    La solution la carence iode en Europe Occidentale est donc limplantation dun programme bien contrl diodation universelle du sel, c'est--dire diodation du sel destin lalimentation

  • humaine et animale ainsi qu lindustrie alimentaire. Des actions ponctuelles de supplmentation iode dans des groupes risque tels que les femmes enceintes et allaitantes et les jeunes enfants restent nanmoins concevables dans certaines circonstances.

    On a beaucoup proclam que lEurope tait le "mauvais lve" dans le monde puisque le pourcentage daccs au sel iod dans les mnages tait seulement de 27 % en Europe en 1999 alors quil tait en moyenne de 68% dans le monde et par exemple de 90 % en Amrique Latine (9). Mais il faut savoir que ce taux daccs concerne exclusivement le sel iod de table et que, contrairement des rgions du monde moins industrialises, le sel de table ne reprsente en Europe quune trs faible fraction de lapport de sel et, par consquent, de lapport potentiel en iode. De plus la consommation de sel de table devrait aller en dcroissant, en partie en raison dune campagne trs logique et devant tre soutenue de prvention notamment de maladies cardio-vasculaires. Ainsi, en France, la fraction de lingestat sod journalier reprsent par le sel de cuisine et de table a diminu de 55 % en 1950 15 % en 2000 alors que, au contraire, durant la mme priode, la fraction de sel ingr par jour provenant des industries alimentaires est passe de 25 % 65 % (10). Cest donc vers lutilisation de sel iod dans lindustrie alimentaire que doivent se tourner les efforts principaux en Europe occidentale. Cette orientation implique la participation active de lindustrie llimination dun problme de sant publique. Le problme doit tre envisag en collaboration troite entre les professionnels de la sant et de la communication, les industriels, les associations de consommateurs et les responsables politiques. La carence iode est un problme mdical dont la solution est dans des mains non mdicales. Ces diffrents mondes doivent apprendre se connatre, sapprcier, se faire confiance et travailler ensemble. Il est bien clair nanmoins que le contrle de lefficacit des programmes doit rester une prrogative mdicale absolue et essentielle.

    Les deux tapes suivantes sont des dcisions concernant le taux diodation du sel et la forme sous laquelle liode peut tre ajout au sel. Le taux diodation doit tre dfini dans chaque pays en fonction du degr de carence iode, de la consommation de sel et de la qualit du sel iod. La recommandation de lOMS/UNICEF/ICCIDD est un taux diodation du sel de 20 40 parts par million (ppm) avec comme objectif final un iode urinaire mdian au sein dune population dadultes ou denfants en ge scolaire situe entre 100 et 200 g/l (11). Liodate a lavantage sur liodure de sa plus grande stabilit, en particulier dans des climats humides. Les rserves mises son sujet quant dventuels effets secondaires sont actuellement bases sur des analogies et nont jamais t documentes malgr un usage intensif depuis plus dun demi-sicle si bien que lOMS, lUNICEF et lICCIDD, tout en investiguant le point en toute srnit scientifique, continuent actuellement dautoriser et de recommander lusage de liodate (12).

  • En conclusion, le prsent document, dune excellente qualit scientifique, constitue une tape trs

    importante dans lapproche dun srieux problme de sant publique dans les pays occidentaux qui a t largement sous-valu dans beaucoup de ces pays, notamment en raison de sa faible visibilit dans la vie quotidienne.

    Il convient dexprimer son apprciation et son admiration la fois lInstitut Franais pour la Nutrition et aux auteurs de ce dossier pour lavoir brillamment conu et men terme.

  • REFERENCES

    1. Delange F., Brgi H., Chen Z.P. and Dunn J.T. - World status of monitoring of iodine deficiency disorders control programs ? Thyroid, 2002, 12 : 915-924. 2. Delange F., de Benoist B., Pretell E. and Dunn J. - Iodine deficiency in the world : where do we stand at the turn of the century ? Thyroid, 2001, 11 : 437-447. 3. Delange F., Dunn J.T. and Glinoer D. - Iodine Deficiency in Europe. A continuing concern. New York : Plenum Press publ. 1993, 1-491 pp. 4. Delange F., Robertson A., McLoughney E. and Gerasimov G. - Elimination of Iodine Deficiency Disorders (IDD) in Central and Eastern Europe, the Commonwealth of Independent States, and the Baltic States. Geneva : WHO publ. WHO/Euro/NUT/98.1. 1998, 1-168 pp. 5. Delange F. - Iodine deficiency in Europe anno 2002. Thyroid International, 2002, 5 : 1-19. 6. Vitti P., Delange F., Pinchera A., Zimmermann M. and Dunn J.T. - Europe is iodine deficient. Lancet, 2003, 361 : 1226. 7. Delange F., de Benoist B. and Alnwick D. - Risks of Iodine-Induced Hyperthyroidism following correction of iodine deficiency by iodized salt. Thyroid, 1999, 9 : 545-556. 8. Lavado-Autric R., Auso E., Garcia-Velasco J.V., del Carmen Arufe M., Escobar del Rey F., Berbel P. and Morreale de Escobar G. - Early maternal hypothyroxinemia alters histogenesis and cerebral cortex cytoarchitecture of the progeny. J. Clin. Invest., 2003, 111 : 1073-1082. 9. WHO, UNICEF, ICCIDD - Progress towards the elimination of Iodine Deficiency Disorders (IDD). Geneva : WHO publ. WHO/NHD/99.4. 1999, 1-33 pp. 10. Moinier B. - Iode et sel : origine, conservation, lgislation. 10me Symposium du Club Thyrode, 2002, Paris. 11. WHO, UNICEF, ICCIDD - Recommended iodine levels in salt and guidelines for monitoring their adequacy and effectiveness. WHO publ.. WHO/NUT/96.13. Geneva, 1996, 1-9. 12. WHO, UNICEF, ICCIDD - Assessment of the Iodine Deficiency Disorders and monitoring their elimination. Geneva : WHO publ. WHO/NHD/01.1. 2001, 1-107 pp.

    Professeur Franois Delange Directeur Excutif et Coordinateur pour lEurope Honoraire de lICCIDD

    Dpartement de Pdiatrie, Universit Libre de Bruxelles

  • I - LA CARENCE EN IODE DANS LE MONDE

    Pierre Valeix

    A linitiative de lOrganisation Mondiale de la Sant, de lUNICEF et du ICCIDD (International

    Council for the Control of Iodine Deficiency Disorders) les tats avaient souscrit un programme dlimination de la carence en iode dans le monde lhorizon 2000, en tant que problme de sant publique majeur. Formellement adopt lors du Sommet mondial pour les enfants (New York, 1990), de lAssemble mondiale de la sant (Genve, 1991), et de la Confrence internationale sur la Nutrition (Rome, 1992), cet objectif ambitieux na pas t pleinement atteint. Cependant des progrs substantiels ont t raliss durant la dcennie 1990-2000, avec la mise en place dans de nombreux pays, de structures de coordination intersectorielle charges de la lutte contre la carence en iode. En 1999, 81 % des pays concerns taient dots dune structure de coordination, 78 % dun plan national de lutte, et prs de 85 % dune lgislation sur le sel iod. Ces structures et mcanismes institutionnels ont pour mission premire dlaborer et de mettre en uvre des plans daction, de mener des programmes de sensibilisation et dducation des consommateurs en vue dassurer la promotion du sel iod, et dtablir en partenariat avec les industriels, le contrle de la qualit du sel produit et enrichi en iode. En vue dune limination durable de la dficience en iode, des critres de surveillance, biologiques, cliniques et conomiques ont t dfinis afin de permettre un contrle rgulier et sensible des progrs raliss dans la lutte contre les Troubles Dus la Carence en Iode (TDCI).

    1 - UN FLEAU MONDIAL

    La dernire consultation technique WHO/ICCIDD/UNICEF sur la carence en iode dans le monde

    dresse un bilan des 191 pays recenss : dans 20 pays, la carence en iode est absente ou totalement limine, dans 130, elle reste un problme de sant publique important un niveau national ou rgional, enfin dans 41 pays, des raisons politiques ou conomiques nont pas permis une valuation objective de sa prvalence (1).

    Sont considrs comme risque de TDCI, 2 226 millions de personnes, soit 38,0 % de la population mondiale, qui vivent dans un environnement o la prvalence de goitre dans la population denfants en ge dtre scolariss est suprieure 5 %. La prvalence de goitre dans la population mondiale est estime 12,6 % (741 millions de personnes). Elle est infrieure 5 % sur le continent amricain, 10 % dans la rgion Pacifique oriental, et culmine 32,1 % dans les pays du Moyen-

  • Orient (Tableau 1). Cette dernire rgion, la moins densment peuple (7,5 % de la population mondiale), totalise 20,5 % des goitres observs dans le monde. On admet que 45 50 millions de personnes prsentent un degr divers, une dficience mentale en relation avec la carence en iode, dont plus de 10 millions, tous les stigmates dun crtinisme svre.

    Les comparaisons avec le bilan antrieur publi en 1990 par les mmes institutions, montrent que la situation sest largement amliore dans les rgions Asie du Sud-est, Pacifique oriental et Amrique, et dgrade en Afrique et dans les pays de la Mditerrane orientale (2). La prise en compte parmi les pays de la rgion Europe, de nouveaux pays issus de lex-URSS (Europe centrale), explique laugmentation dans cette rgion, entre 1990 et 1999, du nombre de sujets exposs et de la prvalence de goitre. Rgions OMS Population

    mondiale Population

    risque de TDCI Population

    atteinte de goitre 1990 1999 1990 1999 1990 1999 millions millions n % n % n % n % Asie du Sud-est Pacifique oriental Afrique Moyen-Orient Amrique Europe

    1 355 1 553

    550 406 727 847

    1 477 1 639

    612 473 788 869

    486 423 181 173 168 141

    35,9 27,2 32,9 42,6 23,1 16,6

    599 513 295 348 196 275

    40,6 31,3 48,2 73,6 24,9 31.6

    176 141

    86 93 63 97

    13,0 9,1

    15,6 22,9

    8,7 11,4

    172 124 124 152

    39 130

    11,6 7,6

    20,3 32,1

    4,9 15,0

    Total 5 438 5 858 1 572 28,9 2 226 38,0 655 12,0 741 12,6

    Tableau 1 : Rpartition rgionale des populations (en millions) risque de TDCI (%), ou affectes par le goitre (%) en 1990 et en 1999 (1, 2)

    Sous la pression de lOMS, recommandant liodation universelle du sel comme stratgie de

    prvention et de contrle de la carence en iode, de nombreux pays ont fait le choix depuis 1990 denrichir en iode tout le sel destin la consommation humaine et animale (3). En moins dune dcennie, 85 % des pays affects par la carence en iode ont introduit une lgislation sur lenrichissement du sel, et 68 % des mnages en 1999 avaient accs au sel iod. Parmi les 22 pays, dont 10 dans la rgion Amrique, et 5 en Afrique, o le sel iod est accessible plus de 90 % des mnages, une large majorit affiche des mdianes des concentrations en iode urinaire suprieures 10 g/100ml. Le taux denrichissement recommand est compris entre 20 et 40 mg diode par kg de sel, pour tenir compte de la faible diversit alimentaire et de labsence de sources annexes diode. Ces nouveaux programmes diodation universelle utilisent comme substance d'apport nutritionnel, liodate de potassium (KIO3), plus stable et moins sensible lhumidit du fait de sa trs faible solubilit, que liodure de potassium (KI). La surveillance de la qualit du sel enrichi, produit localement ou import, est indispensable, et ses techniques, titrimtriques ou colorimtriques ne requirent pas dquipements trs onreux. Une mauvaise matrise de la technique denrichissement et labsence de contrles de routine expliquent que des hyperthyrodies conscutives des surcharges en iode aient t observes

  • dans certains pays, lors de lintroduction dun programme diodation universelle, du fait dapports excessifs en iode (4, 5).

    La cartographie des aires dextension de la carence en iode dans les pays en voie de dveloppement indique que toutes les rgions montagneuses sont des foyers de goitre endmique (Alpes, Caucase) souvent associs un crtinisme svre (Himalaya, Andes, Atlas). Lappauvrissement des sols en iode dans ces rgions est attribu lextension de la couverture glaciaire quaternaire (6). Les autres aires endmiques se rpartissent selon des contraintes gographiques (loignement des ctes, faible pluviomtrie) ou gochimiques (origines des sols). Les foyers les plus importants de goitre endmique sont constitus par la Chine continentale, le sous-continent indien (Inde, Pakistan) et larc indonsien. Tous les pays andins sont soumis un risque de carence en iode, autrefois trs svre en Equateur, Prou et Bolivie, aujourdhui en passe dtre limin du fait dune forte pntration du sel iod. Le continent africain prsente de nombreux foyers, en particulier en Afrique orientale, de lEthiopie au Malawi, et en Afrique centrale (Figure 1). Dans ces deux dernires rgions, la dficience en iode est majore par la prsence dans les aliments de base (manioc, sorgho) de facteurs antithyrodiens (thiocyanate, flavonodes). Labsence denqutes de prvalence rcentes dans de nombreux pays africains rend toutefois ces estimations trs alatoires.

    Figure 1 : Principales rgions gographiques affectes par les TDCI dans les pays en voie de dveloppement (7)

  • 2 - LA DEFICIENCE EN IODE EN EUROPE

    Dans la premire monographie sur le goitre endmique publie par lOMS en 1962 (8), lEurope occidentale dans son ensemble, lexception de lIslande, tait affecte, souvent de faon dramatique par la dficience en iode. Cette publication illustre de cartes du goitre endmique, soulignait les contours historiques de son extension sur le continent europen jusquau milieu du XXe sicle (9). En Angleterre, les enqutes du Medical Research Council (1958) dcrivaient une frquence de goitre de 40,4 % chez les filles et de 14,8 % chez les garons. En Sude et en Norvge, la frquence de goitre tait comprise entre 15 et 30 %, et des cas de crtinisme dcrits dans certains districts. En Allemagne et en France, le goitre tait endmique, 80 % des coliers du sud de la Bavire prsentaient un goitre, de mme que respectivement, 32,1 % et 45 % des garons, et 37,9 % et 55 % des filles, des coles des dpartements du Lot et de la Corrze (10). Enfin dans de nombreux pays, des "pidmies" de goitres taient dcrites associes aux restrictions alimentaires conscutives aux deux conflits mondiaux.

    La synthse publie en 1985 linitiative de lEuropean Thyroid Association (ETA) montre que la frquence et surtout la svrit du goitre endmique commencent sabaisser avec ladoption par de nombreux pays de la prophylaxie par le sel iod (11). Le statut biologique en iode des populations montre cependant une nette dtrioration du nord vers le sud de lEurope : les mdianes des concentrations en iode urinaire dans les pays du nord (Islande, Scandinavie, Grande-Bretagne) sont comprises entre 20 et 50 g/100 ml, alors quelles sont souvent infrieures 5 g/100 ml dans la majeure partie des pays du sud de lEurope. Au niveau dune population, la couverture des besoins en iode est considre comme satisfaisante lorsque la mdiane des concentrations en iode urinaire est suprieure ou gale 10 g/100 ml. De faon trs attendue, la prvalence de goitre varie de faon inverse du statut en iode. Le goitre est pratiquement absent des pays scandinaves et augmente en direction du sud de lEurope. En Espagne, Italie, Grce, Turquie, la prvalence de goitre peut selon les rgions tre comprise entre 30 et 50 %, avec des suspicions datteintes neurologiques dans les zones les plus affectes (Sicile, Espagne). En labsence de donnes pidmiologiques rcentes et reprsentatives, les rapporteurs de lETA navaient pu inclure la France dans leurs conclusions. Nanmoins, sur la base de donnes biologiques ou cliniques issues dchantillons non reprsentatifs, la France tait considre comme prsentant, du moins au niveau rgional, des problmes de goitre endmique.

    Les mises jour publies en 1989 (12) et en 1993 (13) ne montrent que peu de changements par rapport la situation de 1985. Cependant, consquence de laccident de Tchernobyl (26 avril 1986), des structures dvaluation et de surveillance du statut iod des populations se mettent en place dans de nombreux pays. Le dernier bilan pidmiologique dcrivant la situation des pays dEurope occidentale et centrale a t prsent en marge du dernier congrs de lETA (Gteborg, 2002) (14). Les rapporteurs de ltude, partir des concentrations en iode urinaire mesures dans des chantillons reprsentatifs ou des groupes risque dans chacun des tats, ont class les pays europens en quatre groupes (15) :

  • - 15 pays ont une matrise efficace de la dficience en iode : Autriche, Bosnie, Bulgarie, Chypre,

    Croatie, Finlande, Grande-Bretagne, Macdoine, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Rpublique Tchque, Slovaquie, Suisse, Yougoslavie (Serbie),

    - 4 pays ont une matrise efficace de la dficience en iode, mais non documente rcemment : Islande, Luxembourg, Norvge, Sude,

    - 13 pays sont exposs une dficience en iode (programmes de lutte contre la dficience en iode inadapts) : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grce, Hongrie, Irlande, Italie, Roumanie, Slovnie, Turquie, Yougoslavie (Montngro),

    - 1 pays est soumis une dficience en iode, mais non documente : Albanie.

    Statut en iode 1985 Statut en iode

    2002 Pays Adquat Dficience en passe

    dtre limine Dficience Pas de

    donnes

    ADEQUAT

    Autriche Bulgarie Finlande Grande-Bretagne Pays-Bas Pologne Portugal Rp. Tchque Slovaquie Suisse Yougoslavie

    + +

    +

    +

    + + +

    +

    + +

    +

    Probablement adquat

    Islande Norvge Sude

    + + +

    Dficience

    Allemagne Belgique Danemark Espagne France Grce Hongrie Irlande Italie Turquie

    +

    +

    +

    +

    + + + +

    + +

    Pas de donnes Albanie +

    Tableau 2 : Evolution de lexposition la dficience en iode en Europe occidentale (1985-2002)

    Sur les 581 millions dhabitants des 32 pays dEurope occidentale et centrale, 64 % vivent dans

    un pays encore expos un risque de dficience en iode. Laccs un sel enrichi en iode est autoris dans tous les pays avec des taux denrichissement trs variables, de 8-13 mg/kg au Danemark 40-70 mg/kg en Turquie. Lenrichissement est volontaire et limit au sel usage domestique dans la plupart des pays, et obligatoire dans 10 pays, principalement dEurope centrale. Lutilisation du sel iod par les

  • industries agroalimentaires reste exceptionnelle. Seuls 27 % des mnages europens ont accs au sel iod. LEurope se distingue donc des autres continents par un trs faible taux de pntration du sel iod.

    Dans tous les pays dEurope occidentale, le lait et les produits laitiers transforms constituent la premire source alimentaire diode du fait de la gnralisation des complments minraux dans llevage, et de lutilisation de mdicaments riches en iode ou de dsinfectants iods. Dans ces pays, le sel iod ne contribue que de faon trs marginale la couverture des besoins en iode. La comparaison des donnes pidmiologiques entre 1985 et 2002 montre que les pays dEurope occidentale ont peu progress dans llimination de la dficience en iode (Tableau 2). Les pays du sud de lEurope, Portugal et Serbie excepts, restent exposs une dficience lgre modre en iode (11, 15). Dans ces derniers pays, laccs des mnages au sel iod est trs faible : Turquie (64 %), France (55 %), Grce (18 %), Espagne (16 %) et Italie (3 %).

    3 - LES CONSEQUENCES DE LA CARENCE EN IODE

    La consquence fondamentale de la dficience chronique en iode est dinterfrer avec la

    production des hormones thyrodiennes. La rduction de la scrtion hormonale entrane une libration accrue dhormone thyrotrope (thyroid-stimulating hormone, TSH) lorigine dune augmentation du volume thyrodien, se traduisant morphologiquement dans les populations o les apports en iode sont trs largement infrieurs aux besoins, par une hyperplasie gnralise et plus ou moins visible de la thyrode, dfinissant le goitre endmique.

    Le goitre ne constitue cependant que la manifestation le plus souvent tardive dune exposition

    la dficience en iode. Les tudes exprimentales sur les consquences de la carence en iode chez lanimal, et le suivi des populations humaines aprs correction de la dficience en iode, ont permis de mieux connatre les effets biologiques prcoces dun dficit en hormones thyrodiennes sur la croissance et le dveloppement, en particulier sur les diffrentes phases, ftale, nonatale et infantile du dveloppement neurologique, qui font de la dficience en iode la premire cause darriration mentale dans la population infantile mondiale.

    La mise en vidence de ces anomalies du dveloppement physique, intellectuel et psychique chez le nouveau-n, le jeune enfant et ladolescent, a conduit Basil S. Hetzel proposer en 1983 de regrouper ces anomalies, en fonction du stade de dveloppement o elles apparaissent, sous le terme de "Iodine Deficiency Disorders" (IDD) ou "Troubles Dus la Carence en Iode" (TDCI) (Tableau 3) (16).

  • Ftus

    Avortements Mortalit intra-utrine Crtinisme endmique neurologique

    - dbilit mentale svre - surdi-mutit - troubles spastiques

    Crtinisme endmique myxdmateux - arriration mentale svre - retard staturo-pondral

    Retard de dveloppement crbral

    NOUVEAU-NE Mortalit nonatale Faible poids de naissance Goitre nonatal Hypothyrodie nonatale transitoire

    Enfant - Adolescent Mortalit infantile Goitre simple Hypothyrodie Retard de dveloppement physique et mental

    ADULTE

    Goitre simple et complications ultrieures Altrations de la reproduction Anomalies de la fonction thyrodienne (grossesse) Altrations mentales et psychiques Hyperthyrodie iatrogne (induite par liode)

    Tableau 3 : Les troubles dus la carence en iode (TDCI), (adapt de Hetzel, 16)

    4 - COUT SOCIAL ET ECONOMIQUE

    Dans les pays en voie de dveloppement, la carence en iode reprsente un frein considrable au

    dveloppement conomique, du fait de limportance des atteintes neurologiques irrversibles qui constituent des facteurs dexclusion sociale et conomique. Dans les rgions les plus carences en iode (Npal, Nouvelle-Guine, Zare), la frquence des atteintes neurologiques svres peut dpasser 5 % de la population active (17). On observe galement dans ces mmes populations, que de nombreux individus biologiquement et cliniquement euthyrodiens prsentent un retard mental et des dficits psychomoteurs attribus une hypothyrodie transitoire survenue durant la phase critique du dveloppement neurologique. La correction de la dficience en iode chez le jeune enfant scolaris amliore de faon significative les capacits cognitives values sur un ensemble de tests et/ou sur les performances acadmiques, alors quelle na pas deffet significatif sur les performances psychomotrices. Une mta-analyse rcente, portant sur la relation entre dficience en iode et dveloppement psychomoteur et intellectuel, conclut une amlioration attendue de 10 15 % des performances cognitives au niveau de la population gnrale aprs correction de la dficience en iode (18).

  • Dans les pays industrialiss, la persistance dapports modrment dficitaires en iode

    saccompagne dune frquence leve dhypertrophies diffuses de la thyrode ralisant un goitre simple sans altration de la fonction thyrodienne. Ces hypertrophies peuvent voluer long terme vers une nodularisation en partie irrversible, nette prdominance fminine, avec la prsence de nodules autonomes caractristiques des adnomes et des goitres multinodulaires toxiques. La prise en charge des pathologies nodulaires et des hyperthyrodies non auto-immunes a des incidences conomiques importantes en relation avec lvolution des technologies de diagnostic utiles la dcision thrapeutique (dosages hormonaux, chographie, cytoponction, scintigraphie) et des traitements de plus en plus coteux. Une tude exhaustive du cot conomique de la pathologie thyrodienne conscutive la dficience en iode a t publie en Allemagne, o environ 50 % de la population entre 18 et 70 ans prsentent un goitre, 5 10 % une dysthyrodie, et 30 % des femmes et 21 % des hommes une pathologie nodulaire (19). La consommation mdicale totale lie la dficience en iode a t value en 1996 2007 millions de DM (1026 millions deuros), regroupant soins ambulatoires (42,4 %), soins hospitaliers, principalement interventions chirurgicales thyrodiennes (24,2 %), indemnits journalires (23,9 %) et dpenses de pharmacie (9,6 %). Les traitements (environ 100 millions deuros) se rpartissent entre lvothyroxine (60,2 %), la prescription conjointe de lvothyroxine et diode (14,4 %) ou diode seul (12,3 %) et les mdicaments antithyrodiens (5,7 %) (20).

    En France, les prescriptions de Levothyrox (lvothyroxine) comme traitement substitutif ou freinateur afin de restaurer leuthyrodie ou de contrler la scrtion de TSH apparaissent au 8me rang des motifs de prescriptions, avec 11 millions dunits prescrites annuellement, et un cot de remboursement de 25,47 millions deuros (Medicam, CNAMTS, 2001). Indpendamment des pathologies thyrodiennes auto-immunes et des cancers de la thyrode, une volont politique dlimination de la dficience en iode entranerait en termes de population une nette diminution de la morbidit, et des rductions significatives de certaines dpenses de sant. Ces conomies sont comparer avec le cot, la charge du consommateur, de la prophylaxie de la dficience en iode par liodation du sel qui, selon les techniques, est estim entre 0,02 et 0,06 euro par personne et par an (21).

  • REFERENCES 1. WHO/ICCIDD/UNICEF - Progress towards the elimination of Iodine Deficiency Disorders (IDD). WHO/NHD/99.4,

    Geneva, World Health Organization, 1999, 48 p. 2. WHO/UNICEF/ICCIDD - Global prevalence of iodine deficiency disorders. Micronutrient Deficiency Information

    System. MDIS Working Paper 1. Geneva, World Health Organization, 1993. 80 p. 3. WHO/UNICEF/ICCIDD - Recommended iodine levels in salt and guidelines for monitoring their adequacy and

    effectiveness. WHO/NUT/96.13. Geneva, World Health Organization, 1996. 9 p. 4. Stanbury J.B., Ermans A.E., Bourdoux P., Todd C., Oken E., Tonglet R., Vidor G., Braverman L.E., Medeiros-Neto

    G. - Iodine-induced hyperthyroidism : occurrence and epidemiology. Thyroid, 1998, 8 : 83-100. 5. Delange, F., De Benoit B., Alnwick D. - Risks of iodine-induced hyperthyroidism after correction of iodine deficiency

    by iodized salt. Thyroid, 1999, 9 : 545-556. 6. Hetzel B.S. - The Story of Iodine Deficiency. An International Challenge in Nutrition. Oxford, Oxford University

    Press, 1989, 236 p. 7. Dunn J.T., Van der Haar F. - Guide pratique pour le traitement de la carence en iode. ICCIDD, 1992, 62 p. 8. Kelly F.C., Snedden W.W. - Frquence et rpartition gographique du goitre endmique. In : Le goitre endmique.

    Monographie n 44, Genve, Organisation mondiale de la Sant, 1962, p. 27-241. 9. Merke F. - History and iconography of endemic goitre and cretinism. Bern, H. Huber, 1984, 339 p. 10. Laroche G., Trmolires J., Vichnesky I. - Enqute sur lendmie goitreuse (Dpartement du Lot). Bull. Inst. Nat.

    Hygine, 1953, 8 : 445-448. 11. Scriba P.C., Beckers C., Brgi H., Escobar Del Rey F., Gembicki M., Koutras A., Lamberg B.A., Langer P., Lazarus

    J.H., Querido A., Thilly C., Vigneri R. - Goitre and iodine deficiency in Europe. Lancet, 1985, 1 : 1289-1293. 12. Gutekunst R., Scriba P.C. - Goiter and iodine deficiency in Europe : The European Thyroid Association report as

    updated in 1988. J. Endocrinol. Invest., 1989, 12 : 209-220. 13. Delange F., Dunn J.T., Glinoer D. eds. Iodine deficiency in Europe: a continuing concern. NATO ASI Series A : Life

    Sciences, 241, New York, Plenum Press, 1993, p. 492. 14. West and Central Europe assesses its iodine nutrition. IDD Newsletter, 2002, 18 : 51-55. 15. Vitti P., Delange F., Pinchera A., Zimmermann M., Dunn J.T. Europe is iodine deficient. Lancet, 2003, 361, 1226. 16. Hetzel B. - Iodine deficiency disorders (IDD) and their eradication. Lancet, 1983, 2 : 1126-1129. 17. Delange F., Valeix P., Bourdoux P., Lagasse R., Ermans J-P., Thilly C., Ermans A.M. - Comparison of the

    epidemiological and clinical aspects of endemic cretinism in Central Africa and in the Himalayas. In : Recent approaches to the problems of mental deficiency, Hetzel B.S. and Smith R.M. eds, Amsterdam, Elsevier, 1981, p. 243-264.

    18. Bleichrodt N., Shrestha R.M., West C.E., Hautvast J.G.A.J., Van de Vijver F.J.R., Born M.P. - The benefits of

    adequate iodine intake. Nutr. Rev., 1996, 54 : S72-S78. 19. Hampel R., Khlberg T., Klein K., Jerichow J-U., Pichmann E-G., Clausen V., Schmidt I. - Strumaprvalenz in

    Deutschland grsser als bisher angenommen. Med. Klin., 1995, 90 : 324-329. 20. Kahaly G.J., Dietlein M. - Cost estimation of thyroid disorders in Germany. Thyroid, 2002, 12 : 909-914. 21. De Benoist B., Delange F. - La carence iode : bilan et perspectives pour le futur. Cahiers Sant, 2002, 12 : 9-17.

  • POINTS ESSENTIELS La dficience en iode constitue avec les dficiences en fer et en vitamine A, lune des carences

    spcifiques les plus rpandues dans le monde. Si lobjectif ambitieux dradication de la carence en iode lhorizon 2000 adopt par les organisations internationales na pas t atteint, des progrs substantiels ont cependant t rcemment accomplis dans de nombreux pays, en relation avec lintroduction de la supplmentation universelle du sel en iode.

    Plus de 2,2 milliards dindividus vivent dans un environnement dficitaire en iode, la prvalence de goitre dans la population mondiale est estime 12,6 %, et varie de moins de 5 % sur le continent amricain, 32,1 % dans les pays du Moyen-Orient. Les principaux foyers de carence en iode sont constitus par la Chine continentale, lIndonsie, larc himalayen, les pays andins et la majeure partie de lAfrique. Les pays europens en dpit de programmes de prophylaxie de la dficience en iode par le sel iod, restent en majorit exposs une dficience lgre modre en iode qui culmine dans les pays du sud de lEurope.

    Le goitre endmique ne constitue que laspect le plus spectaculaire et le plus facilement objectivable de la carence en iode. Le dficit en hormones thyrodiennes conscutif la dficience iode, a des consquences dramatiques sur le dveloppement physique et intellectuel de lenfant, se traduisant par des anomalies neurologiques souvent irrversibles qui font de la carence en iode la premire cause darriration mentale dans la population infantile mondiale.

    La carence en iode constitue un fardeau social et conomique important pour les pays en voie de dveloppement. Dans les pays industrialiss, la prise en charge des pathologies thyrodiennes conscutives un environnement lgrement dficitaire en iode reprsente une fraction importante des dpenses de sant.

  • II - LIODE DANS LALIMENTATION

    Pierre Valeix La relation entre les concentrations en iode dans lenvironnement et les aliments, et la prsence

    de goitre endmique dans diverses rgions, a t mise en vidence par le chimiste et botaniste Adolphe Chatin (1813-1901) ds le milieu du XIXe sicle, grce ses analyses minutieuses du contenu en iode de lair, de leau, des sols et des aliments. Lestimation des apports iods, -mesurs, ou valus indirectement partir du rejet urinaire, reste encore ce jour le principe fondamental de lapproche pidmiologique permettant de reconnatre et de dfinir le degr de svrit dexposition dune population une dficience/carence en iode. Les tudes rcentes confirmant lexistence de facteurs goitrignes prsents dans lalimentation et/ou lenvironnement, et leur rle dans la modulation de lexpression clinique du goitre et de ses complications, devraient permettre daffiner nos connaissances sur le rle spcifique de la dficience en iode dans ltiologie du goitre endmique et des pathologies thyrodiennes associes.

    1 - LE CYCLE DE LIODE

    Liode (grec ids, violet, Gay-Lussac, 1813) de masse atomique 126,9 est un halogne du

    groupe VIIB (F, Cl, Br, I, At) qui prsente divers tats doxydation (-1, +1, +5, +7) et existe exceptionnellement ltat naturel sous forme solide diatomique I2. Lisotope stable (127I) est seul prsent dans les milieux naturels, et des 24 isotopes radioactifs (117I 139I), seule une exposition aux isotopes 131I (t1/2 = 8,07 jours) ou 129I (t1/2 = 12,5 millions d'annes) par ingestion et inhalation, est susceptible de consquences sanitaires. La concentration moyenne (tendue) en iode est variable selon les milieux : 10 ng/m3 (3-20 ng/m3) dans latmosphre, 58 g/l (24-120 g/l) dans les mers et ocans, 2,0 g/l (1,5-2,5 g/l) dans leau de pluie, 5 mg/kg (0,1-98 mg/kg) dans les sols, et 0,1-400 mg/kg dans les roches, selon leur origine sdimentaire (2,0 mg/kg), plutonique ou volcanique (0,24 mg/kg).

    Les recherches sur le cycle de liode (ocans-atmosphre-sols), sa distribution et sa transformation dans lenvironnement, ont un quadruple objectif : 1) un intrt de sant publique de prvention du risque de dficience en iode chez lhomme, 2) un intrt conomique d'amlioration des productions animales, 3) un intrt de scurit d'une meilleure gestion des risques lis aux rejets diodes radioactifs dans lenvironnement (eaux, gaz, arosols) lors daccidents survenant dans une installation nuclaire, 4) un intrt bioclimatique d'tude des composs halogns atmosphriques intervenant dans la destruction catalytique de l'ozone stratosphrique (1, 2). Les activits humaines (agriculture, industries) sont susceptibles dinterfrer avec de nombreux lments du cycle de liode et

  • davoir ainsi long terme un rle majeur sur le dterminant environnemental principal de lconomie thyrodienne.

    Les eaux ocaniques constituent le rservoir principal diode sur le globe terrestre (7,9 1016 g).

    Liode est prsent dans les ocans sous diverses formes, iodate (32-65 %), iodure (19-36 %) et iode organique (5-8 %). Le rapport iodate/iodure varie selon la concentration en oxygne de leau et la densit du phytoplancton. Le transfert de liode de la masse ocanique vers latmosphre (5 1011 g par an) impliquerait plusieurs mcanismes chimiques et biochimiques au niveau des eaux marines de surface sursatures en oxygne : une libration de grandes quantits diode lment I2 par oxydation photochimique des iodures sous leffet du rayonnement solaire, une libration diodomthane (CH3I) synthtis par les algues et le phytoplancton, enfin une libration de nombreux arosols ocaniques riches en iode organique. Liode atmosphrique dorigine ocanique senrichit de liode mis naturellement par lactivit volcanique terrestre (1,2 109 g/an) ou induit par la combustion des sources d'nergie fossile (5 109 g/an).

    Le pool atmosphrique ainsi constitu est estim 5 1012 g diode qui seront rpandus par les

    prcipitations la surface des continents et des ocans. Les rgions ocaniques dEurope occidentale reoivent ainsi en moyenne 1,0-1,6 mg I/m2/an, essentiellement sous forme diodure (55 %) et diodate (45 %). Liode migre dans le sol et forme des complexes insolubles avec largile collodale et les sesquioxydes de fer et daluminium, ainsi qu'avec les composs humiques (acides humique et fulvique) provenant de la dgradation par voies chimique et biologique des matires organiques contenues dans les sols. Liode nest pas un lment indispensable la croissance des vgtaux, labsorption par les racines varie selon le pH du sol et sa richesse en matires organiques. Une fraction de liode entrane par la migration profonde des eaux regagne par les fleuves (5-7 g/l) le pool iod ocanique.

    Lamendement des sols par la pratique ancienne du marnage et du chaulage, lenrichissement en

    minraux des surfaces cultivables par des amendements calciques riches en lithothamnium (marl, 27 mgI/kg) ou par des engrais contenant des cendres de varech dans certaines rgions (310 mgI/kg), lutilisation intensive dengrais minraux trs riches en iode (engrais minraux simples phosphats, 20-30 mgI/kg, minraux simples nitrats > 100 mgI/kg), ou dherbicides contenant de liode, et plus rcemment lpandage des boues de filtration, ont trs largement modifi les concentrations en iode dans les sols, et de ce fait, dans les productions agricoles.

    La rgression du goitre endmique, observe ds le dbut du XXe sicle aussi bien en Europe

    occidentale quaux Etats-Unis est intervenue avant toute introduction de programmes de prophylaxie iode, elle sexplique en partie par laugmentation de la concentration en iode dans les aliments en relation avec ces nouvelles pratiques agricoles (silent iodine prophylaxis, ang.).

  • 2 - SOURCES ALIMENTAIRES

    2.1- Iode dorigine alimentaire

    La majeure partie des aliments, lexception de ceux issus du milieu marin, sont dpourvus de

    quantits notables diode, et la couverture optimale des besoins en iode, en particulier lors de situations physiologiques entranant leur augmentation (pubert, grossesse, allaitement), apparat difficile raliser en labsence de toute ducation nutritionnelle ou de supplmentation (Tableau 4).

    Groupes daliments Iode (g) Extrmes MOLLUSQUES, CRUSTACES 183 28-313 Poissons (marins) 111 17-330 Poissons (eau douce) 4 1,7-9

    UFS 48 9-52

    Lait 15 2,8-25,8 Produits laitiers frais 18 8-21 Fromages 26 19-50 Viandes 5 2-9 Volailles 2,5 2-5 Charcuterie 13,8 1-32 Crales 7 5-10 Pain 7 2,4-19 Lgumineuses 4 1-13 Lgumes verts 1,4 0,5-15 Pomme de terre 2 0,2-3 Fruits 1,3 0,1-4 Fruits secs 2,7 1-4 Eaux de boisson (dont minrales) 1,5 0,5-6,5 Matires grasses (huiles, beurre) 2,9 2,7-4,4 Sucre (saccharose) traces -

    Sel de table enrichi en iode (sel fin)*

    12 10-15

    Sel de cuisine enrichi en iode (gros sel)* 10 8-12

    SEL DE TABLE OU DE CUISINE*

  • Tableau 4 : Concentration en iode dans les principaux groupes daliments consomms en

    France (moyenne en g/100 g de fraction comestible) (Valeix P., ISTNA, 2002)

    Les concentrations en iode les plus leves concernent les Mollusques (moules, hutres) et

    Crustacs (crevettes, homards, langoustes) comestibles, enfin les poissons dorigine marine. Les tissus animaux (viande de boucherie, volailles) sont naturellement pauvres en iode, liode nayant pas d'espace de distribution intracellulaire. Les concentrations sont de mme trs rduites dans les vgtaux et les fruits, et varient selon la richesse des sols et la dure du cycle vgtal. Le lait (ainsi que les produits laitiers transforms) et les ufs sont devenus des sources essentielles en iode pour les populations des pays industrialiss, du fait de lutilisation de complments alimentaires riches en iode et/ou de la contamination de la chane alimentaire par des substances iodes (voir infra).

    La richesse en iode des cendres dalgues est lorigine de la dcouverte de liode en 1811 par

    Bernard Courtois, salptrier Dijon (3). Les algues marines concentrent tous les halognes, dont liode, contre un gradient extrieur avec cependant de grandes variations selon les espces. Les Phophyces ou algues brunes ont les concentrations (moyenne, tendue) les plus leves (1260 mgI/kg m.s., 47-5600 mgI/kg m.s.) compares aux Rhodophyces ou algues rouges (1110 mgI/kg m.s., 20-7500 mgI/kg m.s.) et aux Chlorophyces ou algues vertes (58 mgI/kg m.s., 21-130 mgI/kg m.s.) (4, 5). La prsence d'iodotyrosines (MIT et DIT) et de faibles quantits d'iodothyronines (T4) indique que certaines espces d'algues ont la capacit d'organifier l'iode, vraisemblablement selon un processus oxydatif non enzymatique. Les algues constituent dans certaines rgions du monde une source alimentaire en iode extrmement importante, leur consommation pouvant tre lorigine de pathologies de surcharge (Chine, Core, Japon) (6). En Core du Sud, les algues reprsentent 66 % des apports en iode de l'adulte, loin devant le lait et les produits laitiers (11 %) et le poisson (9 %) (7).

    En Europe, lexploitation des algues est destine essentiellement lindustrie, en particulier pour

    la production de collodes (cosmtologie, agroalimentaire, pharmacie). En France, leur exploitation alimentaire est limite 12 espces. Les principales sont la laminaire sucre (Laminaria saccharina), le haricot ou spaghetti de mer (Himanthalia elongata), la laitue de mer (Ulva sp.), plusieurs espces de Nori (Porphyra umbilicalis) et une algue dintroduction rcente, louessanne (Undaria pinnatifida) originaire des ctes japonaises (wakame). Les segments charnus de la salicorne des ctes et des marais salants (Salicornia europea, Chnopodiaces) traditionnellement conservs dans du vinaigre constituent galement une source importante diode. La production nationale dalgues fraches tait de 262 tonnes en 2000 (source : Chambre Syndicale Nationale des Algues Marines) et les importations dalgues sches de 42 tonnes (source : Douanes). Lessentiel de la consommation est constitu de Nori, teneur en iode relativement faible (70 200 mgI/kg m.s.) rentrant dans la fabrication des sushis.

    Les rsultats des enqutes alimentaires ralises en Europe montrent que le poisson, du fait de sa

    faible consommation et en dpit de sa richesse en iode, ne contribue que pour une faible part aux

  • apports en iode. Les consommations individuelles annuelles sont en moyenne de 50 kg au Japon, 30 en Norvge, 18 en Angleterre, et de moins de 15 kg en France. Aux Pays-Bas, pays de tradition maritime, plus de 30 % des hommes et de 40 % des femmes dclarent ne jamais consommer de poisson, ni de mollusques et crustacs (8). En Angleterre, le lait et les produits laitiers (35 %), le pain et les produits craliers (14 %), les poissons (8 %) la viande (6 %) et les ufs (5 %) assurent lessentiel de la couverture des besoins en iode de ladulte (9). Aux Pays-Bas, le pain et les produits craliers (57,6 %), les produits laitiers (13,2 %) le poisson (7,1 %) et les viandes et les ufs (6,6 %) couvrent 85 % des besoins (10). Dans ce dernier pays, lautorisation dutilisation du sel iod (70-85 mgI/kg de sel) dans la prparation des produits de boulangerie et ptisserie, explique leur rle de premiers pourvoyeurs diode. Au Danemark, le lait et les produits laitiers assurent 44 %, et le poisson 15 % de lapport en iode (11). Aux Etats-Unis, les produits de boulangerie assurent 31 % des apports en iode de l'adulte (30-65 ans), les produits laitiers 19 %, les protines animales 13 % (viandes et poissons exclusivement) (12).

    Un rgime vgtarien strict expose un risque de dficience en iode (13), cependant certaines enqutes montrent au contraire des risques de surcharge importants (> 900 g/jour) du fait dune large utilisation dalgues (sches ou fraches) comme substitut au sel iod (14).

    2.2 - Effets de la prparation et du traitement des aliments sur leur contenu en iode Les traitements physiques (standardisation en matire grasse, crmage, homognisation) et

    thermiques (pasteurisation, strilisation simple ou UHT) de la chane du lait ne modifient pas de faon significative la concentration initiale en iode du lait cru. Pour les laits liquides, le facteur saisonnier constitue la source majeure de variabilit.

    Les pertes en iode la cuisson ont t mesures dans des filets de carrelet et d'glefin. La baisse de concentration en iode dans les filets d'glefin, selon qu'ils sont grills, frits, ou pochs (court-bouillon) est de 23,1, 19,8 et 66,1 %. Dans les filets de carrelet pochs, la perte en iode est de 43,7 %, presque intgralement retrouv dans l'eau de cuisson (15).

    Les effets des diffrents procds de conservation, par le froid (rfrigration, conglation, surglation) ou la chaleur (pasteurisation, appertisation), sur la migration ou les pertes en iode dans les denres alimentaires d'origine animale ou vgtale ne sont pas connus.

    2.3 - Sources annexes diode - eau de boisson : la directive europenne de 1980 (80/778/CEE) relative la qualit des eaux

    destines la consommation humaine ne mentionne pas liode. La concentration en iode (3-5 g/l) des eaux est en corrlation troite avec lenvironnement gochimique des bassins de collecte ou de captage. Les eaux de rivires contamines par les eaux de ruissellement ou les

  • rejets des grands centres urbains ont aprs retraitement une concentration en iode suprieure celle des captages de nappes souterraines (Paris, 10-25 g/l). Une tude rcente ralise au Danemark (16), montre que la concentration en iode dans leau mesure dans 55 points de distribution rpartis dans tout le pays, varie de
  • industrielle de plats cuisins (appertiss et surgels) afin d'assurer la stabilit des mlanges htrognes des diffrents ingrdients.

    - rythrosine : C20H6I4Na2O5 (2,4,5,7-ttraiodofluorescine, I = 57,7 % P.M.) colorant rouge

    orang (E 127), utilis par les industries pharmaceutiques (excipient des comprims enrobs, enveloppe des glules) et agroalimentaires (crales enrichies, desserts, fruits au sirop, fruits confits, crmes et ptisseries). Parmi les produits pharmaceutiques contenant de l'rythrosine (plus de 3600 dans l'UE), les concentrations les plus leves vont de 0,009 0,08 mg par ml dans les prparations liquides prise orale (gouttes, sirops), et de 0,0017 0,96 mg par unit, dans les glules, tablettes et comprims. En Europe, sa concentration ne doit pas excder 200 mg/kg dans les sirops et 150 mg/kg dans les conserves de fruits (cerises) (21). Lrythrosine est utilise essentiellement dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Grande-Bretagne), o elle constitue une part importante de lapport en iode. Aux Etats-Unis, la consommation moyenne tait estime 2 mg/jour en 1971.

    La biodisponibilit de liode contenue dans lrythrosine est cependant trs faible. Elle est estime 1,3 % (0,3-1,8 %) chez le rat, 0,5 % chez l'homme (22). Un traitement thermique de 5 minutes 250 C augmente dun facteur 10 la dsiodation de la molcule et la quantit d'iode libre, ce qui a conduit l'abandon de l'rythrosine dans la prparation des crales pour le petit-djeuner (23). Chez l'animal, des doses croissantes d'rythrosine (167 1500 mg/kg/jour) entranent des modifications de la fonction thyrodienne qui rgressent paralllement llimination de la surcharge.

    - antiseptiques iods : de nombreux drivs iods sont des antiseptiques trs efficaces. A la

    teinture d'iode (solut alcoolique d'iode officinal 5 %) et aux solutions aqueuses d'iode et d'iodure (solution de Lugol) sont prfrs les iodophores complexes (Btadine, Poliodine) associant l'iode une substance tensioactive. Le complexe le plus utilis tant l'association iode-polyvinylpyrrolidone (povidone iode). Ce sont de puissants agents bactricides et antifongiques utiliss dans llevage et les industries laitires pour dsinfecter les installations de recueil et de traitement du lait et de ses drivs. Un second antiseptique iod, le triiodomthane (CHI3) ou iodoforme est plus spcifiquement employ en mdecine vtrinaire. En raison de la rsorption transcutane et transmuqueuse de liode disponible, une administration rpte et prolonge peut se traduire par une surcharge en iode pouvant entraner un dysfonctionnement thyrodien. Le trempage des trayons dans une solution diodophores avant et aprs chaque traite est destin combattre les risques de mammite chez la vache allaitante. Il induit par rsorption transcutane une augmentation de la concentration en iode du lait souvent suprieure 100 g/l. Les iodophores sont largement utiliss durant la traite mcanique pour striliser les manchons du gobelet trayeur, les lactoducs et les rservoirs de recueil. Chacune de ces oprations contribue respectivement augmenter de 19, 78 et 2 % la concentration en iode du lait (24).

  • - supplments nutritionnels en alimentation animale : liode est un oligo-lment essentiel pour

    tous les animaux dlevage (Mammifres, Oiseaux). Une concentration en iode dans les herbages infrieure 0,12 mg/kg m.s., constitue un facteur de risque de dficience pour les animaux domestiques (bovins, ovins) et justifie une supplmentation systmatique des troupeaux. En France, 42 % des fourrages ont une concentration en iode infrieure ce seuil ; cest dans le Massif central, les Vosges, le Jura et les Alpes que les concentrations observes sont les plus basses. Les besoins en iode sont particulirement levs chez la vache laitire du fait de la concentration par la glande mammaire de liode dans le lait.

    La supplmentation systmatique en iode des troupeaux est de plus rendue ncessaire par la prsence de nombreux facteurs de risque exognes : excs de Ca et de K, et substances goitrignes dans les fourrages (contamination des herbages par des plantes riches en anti-thyrodiens) ou les tourteaux (les tourteaux de soja, colza, arachide et de coton contiennent de puissants facteurs goitrignes). En levage avicole, la supplmentation en iode contribue amliorer le taux dclosion, la survie des levages et les gains pondraux. La supplmentation en iode se fait sous la forme de composs minraux. Liode issu des iodures de sodium (NaI), de potassium (KI), et de liodate de calcium Ca(IO3)2 utiliss dans lalimentation des poulets, se retrouve concentr dans le jaune de luf. La supplmentation des blocs de sel destins aux ruminants associe en France des composs diodate de calcium anhydre Ca(IO3)2 ou diodate de calcium hexahydrat Ca(IO2)2.6H2O NaI et KI. Dans les pays anglo-saxons, les blocs de sel sont enrichis partir de drivs iods de lacide salicylique (DIS) (C7H4I2O3) et par lthylne diamine dihydro-iodure (EDDI) (C2H8N2.2HI). De nombreuses algues (Ascophyllum nodosum, Fucus serratus) du fait de leur richesse en oligo-lments, dont liode, servent de plus la fabrication de farines qui sont intgres ainsi que les farines de poisson dans la composition daliments pour le btail.

    Chez les ruminants, la biodisponibilit de liode dans les supplments est trs variable (13-100

    %), moindre dans les formes organiques (DIS) que dans les formes minrales les plus solubles (KI, NaI) et explique que les concentrations en iode dans le lait soient un reflet fidle de leur utilisation. La concentration en iode des diffrents tissus ( lexception de la thyrode) est peu affecte par la supplmentation. A lchelle du troupeau, on considre que 10 % de lapport alimentaire en iode est normalement excrt dans le lait. Durant la priode hivernale, o la supplmentation minrale est intensive, la concentration en iode est maximale dans le lait (97 g/kg) ; elle diminue de moiti dans les laits collects en t (44 g/kg), lorsque les troupeaux dpendent plus largement pour leur apport en iode des prairies naturelles (25). Dans cette tude ralise en France en 1983 et 1984 auprs de 537 laiteries, et destine valuer les risques de surcharges en iode dans le lait, 94,7 % des chantillons avaient une concentration comprise entre 10 et 250 g/l. Pour chacune de ces deux annes, les pourcentages de

  • concentration en iode > 500 g/l taient respectivement de 0,5 % et 0,3 % pour les laits de vache, et de 66,1 % et 33,3 % pour les laits de brebis.

    En Angleterre (1998-1999), les concentrations en iode dans un chantillon reprsentatif (n = 220) de laits entiers, demi-crms et crms variaient de 80 930 g/kg (moyenne 311 g/kg) avec une diffrence significative des concentrations en iode entre les laits recueillis en t et en hiver (200 vs 430 g/kg, P < 0,01) (26). Depuis 1996, afin d'viter que la concentration en iode dans le lait ne dpasse 500 g/l, la teneur maximale en iode dans la ration totale des ruminants a t abaisse de 40 10 mg/kg (directive 96/7/CEE).

    - mdicaments riches en iode : linjection dhuile iode (480 mgI/ml) est utilise par les

    vtrinaires dans les traitement de la carence svre en iode, ainsi que pour soigner les mammites et lactinomycose. De rsorption lente, ces huiles iodes (Lipiodol Ultra-Fluide) se traduisent par des concentrations en iode leves dans le lait pendant plusieurs semaines aprs leur administration. En administration orale (190 mgI/capsule) ce vecteur a t largement utilis dans le monde lors de campagnes de masse de traitement des carences svres en iode. Chez lhomme, au-del de 60 ans, lamiodarone (Cordarone) utilis comme antiarythmique et antiangoreux est le produit responsable de la majorit des hyperthyrodies induites par liode. Un comprim de 200 mg damiodarone (chlorhydrate damiodarone) contient 75 mg diode (37,3 %) et libre 6 mg diode dans le sang entranant une surcharge importante persistant plusieurs mois aprs larrt de la prise (27). Les principaux mdicaments pouvant induire une surcharge en iode sont rpertoris dans les ouvrages de rfrence (28).

    - prparations pour nourrissons et prparations de suite : les rglementations franaise (directive

    91/321/CEE, 14 mai 1991) et europenne imposent toutes les prparations pour nourrissons (4 6 premiers mois) ou destines aux enfants du premier ge (nourrissons de plus de 4 mois) une concentration minimum en iode de 5 g/100 kcal (1,2 g/100kJ) (3,4 g/100 ml) de faon couvrir les besoins journaliers (40 g de la naissance 6 mois, 50 g de 6 12 mois) en labsence de tout complment dapports maternels (29). Cette concentration a t calcule sur la base dun volume moyen de lactation de 700 ml par jour avec une concentration minimum en iode de 5 g/100 ml observe dans le lait maternel de mres issues de pays o la couverture des besoins en iode est considre comme adquate dans la population des femmes en ge de procrer (Stockholm 9,3 g/100 ml, Bruxelles 9,5 g/100 ml). Ces valeurs ont t rcemment rvalues par le Comit scientifique de lalimentation humaine (SCF, Scientific Committee for Food) de l'Union Europenne (UE) qui propose une concentration minimum en iode de 10 g/100 kcal et a introduit une limite suprieure de scurit de 50 g/100 kcal (30). Pour couvrir les besoins du prmatur, la concentration en iode des laits adapts a t tablie 10 g/100 kcal (7,0 g/100 ml) (31).

    Le lait de vache est gnralement riche en iode, la mdiane des concentrations est de 120 g/l pour les laits dt, de 150 pour les laits dhiver avec cependant des carts trs importants entre

  • les extrmes de la distribution (25 285 g/l) (France, 2001). Lintroduction du lait peut donc tre la source dune trs grande variabilit dans la couverture des besoins de lenfant. Par contre, les prparations base de soja ("laits" de soja) de consommation croissante chez l'enfant sont naturellement dpourvues diode (8-11 g/l).

    - complments alimentaires : en France, liode nest quexceptionnellement prsent parmi le large

    ventail des complments accessibles sur le march des concentrations comprises entre 97,5 et 150 g par comprim (iodure de potassium) (dictionnaire VIDAL 2001). En Angleterre, sur un ventail plus large (44 complexes de minraux et vitamines) la prise journalire moyenne (mdiane, tendue) recommande reprsente un apport de 94 g d'iode (104 g, 11-171 g) (9).

    Les principales sources diode correspondent des prparations base d'algues (Fucus vesiculosus) ou de phytoplancton ("complments nutritionnels marins") traditionnellement utilises comme adjuvants des rgimes amaigrissants. Les glules ou comprims contiennent de 25 400 mg dextraits secs de Fucus, approximativement de 25 600 g diode. Les concentrations en iode des complments alimentaires base d'extraits d'algues (Macrocystis pyrifera, Laminariaces [ang. kelp]) mesures en Angleterre sont de 20 1200 g/g (moyenne 191 g/g) correspondant selon les conseils d'utilisation une ingestion journalire de 45-5000 g d'iode (32).

    - sel iod : le sel a t choisi comme vecteur de liode avec des taux denrichissement variables

    selon les pays (5 100 mg/kg de sel) pour assurer la prvention des risques lis une dficience dapport alimentaire en iode (voir infra). Ce choix est li au faible cot du sel, son utilisation universelle, et un risque limit de surconsommation pouvant tre lorigine dune surcharge en iode.

    2.4 - La biodisponibilit Liode est prsent dans les aliments essentiellement sous forme libre (iodure) rapidement

    absorbe au niveau de l'estomac et de l'intestin grle (33). Liode alimentaire introduit sous forme diodate (sel enrichi, complments alimentaires) est immdiatement retrouv rduit dans le plasma. La biodisponibilit de l'iode contenu dans les ufs est proche de 100 %, elle varie de 66 % 100 % dans les algues selon leurs concentrations en iode organique (5,5-37,4 %) ou inorganique (62,6-94,3 %). Dans le lait, liode est prsent sous forme diodure (77 %), et diode li aux protines et aux lipides (23 %) libr par traitement thermique. La formation de complexes protines/lipides/iodure ne modifie pas de faon significative la biodisponibilit de l'iode dans le lait maternel, le lait de vache et les formules base de lait et de soja (34).

    Il ne semble pas exister de rgulation homostatique de l'absorption de l'iode dans le tractus gastro-intestinal. Le pool d'iodure extracellulaire est de 250 g (0,5-1,0 g/100 ml de srum) pour un

  • apport alimentaire de 100-150 g/jour. Du fait de la comptition qui existe entre le rein et la thyrode, seule une fraction de liodure plasmatique est susceptible dtre incorpore par la thyrode. Le taux de fixation de liode par la thyrode traduit la capacit du thyrocyte transfrer liodure travers la membrane basolatrale grce un transporteur actif (Na+/I- symporter, NIS). La quantit diode qui entre dans la thyrode par unit de temps (24 heures) varie selon le statut iod de la population. Aux Etats-Unis, la fixation thyrodienne de liode 24 h est infrieure 20 %, alors qu'en France, compte tenu dun niveau dapport en iode modrment dficitaire (35), elle est comprise entre 20 et 40 %, variable selon les rgions.

    Certains facteurs alimentaires organiques ou inorganiques sont des antagonistes de l'iodure par inhibition comptitive au niveau du systme de transport actif de l'iode. Ingres doses suffisantes, ces substances ont un pouvoir goitrigne et contribuent augmenter les besoins en iode (cf. infra).

    Il existe des interactions fonctionnelles entre les statuts en slnium et en fer, et le mtabolisme

    de l'iode (36, 37). Les trois enzymes (types DI 5-dsiodase, DII 5-dsiodase, et DIII 5-dsiodase) qui assurent la conversion priphrique de la T4 en T3 dans les divers tissus (foie, rein, cur, systme nerveux central, thyrode, placenta) sont des slnoenzymes. Exprimentalement, les effets de la carence en iode sur le volume de la thyrode et la TSH sont majors par une dficience en slnium. Une anmie svre saccompagne dune chute de la T4 et dune augmentation de la TSH qui pourraient correspondre une moindre activit fonctionnelle de la thyroperoxydase, hmoprotine glycosile (38).

    Labsorption digestive des hormones thyrodiennes, prescrites chez l'homme en tant que

    traitement substitutif (100-125 g) ou freinateur (100-200 g), ou prsentes naturellement dans les tissus animaux est estime 70-80 % de la dose ingre. L'absorption de la lvothyroxine (T4) est diminue lors de la prise de carbonate de calcium, de sulfate ferreux, ou d'hydroxydes de magnsium et d'aluminium (39), ou lors de traitements hypocholestrolmiants (clofibrate, cholestyramine) et de rgimes riches en fibres solubles (40). Ces traitements rduisent le cycle entro-hpatique des hormones thyrodiennes conjugues, et en augmentant la clairance de la T4, accroissent les pertes fcales en iode (41).

    3 - EXCES D'IODE DORIGINE ALIMENTAIRE

    Les surcharges chroniques en iode dorigine alimentaire sont relativement rares du fait de la

    faible densit en iode des aliments. Les tudes les plus anciennes se rapportent des populations du Japon, de Core ou de Norvge qui introduisent de faon continue des algues fraches ou sches dans leur alimentation. Au Japon (Hokkaido), avec une consommation moyenne d'algues (Laminaria) de 10 50 g/jour, 3,7 30,3 % des adultes examins dans cinq communauts ctires prsentaient une surcharge svre en iode (iode urinaire 75 mol/l [ 9,5 mg/l]) (42). En Core, les concentrations en

  • iode du colostrum et de laits matures collects auprs de parturientes consommant traditionnellement des soupes base d'algues taient respectivement de 2170 g/l et 892 g/l (43).

    Des surcharges chroniques en iode ont t dcrites plus rcemment en Chine en association avec

    la consommation d'eaux de boisson issues de forages de nappes souterraines. Les utilisateurs des puits traditionnels (profondeur < 60 m) (I = 27,2 g/l) ont une excrtion en iode urinaire de 177,5 g/g cratinine, ceux des puits buss (> 60 m) (I = 300 g/l) une mdiane suprieure 900 g/l, et les utilisateurs de forages profonds (> 700 m) (I = 661,2 g/l) une excrtion de 1645,3 g/g de cratinine (19, 44). Les proprits bactricides de l'iode sous forme molculaire I2 ont entran la mise sur le march de procds de traitement des eaux partir de rsines librant de l'iode (4-10 mg/l) destination des voyageurs se rendant dans les pays tropicaux. Une consommation moyenne de 2 5 litres d'eau par jour, expose une surcharge massive en iode (mdiane : 5048 g/l, tendue : 392-153780 g/l) bien dcrite chez des volontaires amricains travaillant au Niger (20).

    Aux Etats-Unis, des surcharges en iode ont t enregistres dans plusieurs tats la suite de la

    contamination accidentelle de viandes haches (steaks et saucisses) par des fragments de glandes thyrodes arrachs mcaniquement aux carcasses de bufs dans les abattoirs. La forte concentration en iode mesure dans les hamburgers (4370 g/100 g) correspondait de la T4 (1140 g/100 g) et de la T3 (67 g/100 g) et s'est traduite par des pisodes de thyrotoxicose enregistrs parmi les consommateurs de plusieurs villes (45).

    Les valuations intervalles rguliers du statut en iode (apports alimentaires et/ou statut

    biologique) des populations de certains pays industrialiss (Etats-Unis, Australie, pays scandinaves) ont montr qu' partir de 1970 des proportions croissantes dindividus, et plus particulirement les enfants, taient exposes des surcharges chroniques en iode (3 5 fois les apports recommands), rsultat dune incorporation secondaire massive diode dorigine non alimentaire (cf. supra) dans llaboration des produits transforms. Ainsi, aux Etats-Unis, la moyenne ( cart-type) des apports journaliers en iode d'enfants de 9 16 ans du Michigan, Kentucky, Texas et Gorgie (n = 7785) tait estime en 1972 459 ( 249) g/jour (46). La prise en compte des risques associs ces apports levs, a conduit les autorits des pays les plus concerns, rglementer lutilisation de certains produits riches en iode dans les industries agroalimentaires, ou inciter les industriels une autolimitation de leurs usages. Aux Etats-Unis, la proportion de surcharges modres en iode (concentration en iode urinaire > 500 g/l) parmi la population adulte a ainsi t abaisse de 27,8 % 5,3 % entre 1971-74 (NHANES I) et 1988-94 (NHANES III), les surcharges svres (concentration urinaire en iode > 1 mg/l) chutant dans les mmes proportions de 5,3 1,3 % (47). Durant la priode sparant ces deux enqutes, lutilisation de lrythrosine dans la prparation des crales pour le petit djeuner a t interdite, le bromate de potassium (BrO3) a t substitu liodate de potassium (KIO3) dans la prparation industrielle des ptes pain, enfin lindustrie laitire amricaine sest attache limiter la concentration de liode dans

  • le lait en dessous de 500 g/l, seuil au del duquel pour de nombreux tats, un lait est considr comme impropre la consommation humaine.

    En Angleterre, la consommation de lait expose un grand nombre d'enfants entre 1,5 et 4,5 ans

    des apports en iode suprieurs aux limites suprieures de scurit (210-280 g/jour). En hiver (I = 430 g/kg), les apports en iode chez les enfants de 1,5-2,5 et 2,5-3,5 ans consommant le plus de lait ( 97,5e percentiles) sont respectivement de 332 et 329 g/jour. Les moyennes des apports totaux en iode (incluant le lait) dans ces deux groupes d'ge sont respectivement de 265 et 252 g/jour, et les 97,5e percentiles de 455 et 452 g/jour. En t, avec la baisse de la concentration en iode dans le lait (200 g/kg), les moyennes des apports totaux en iode chutent en dessous des limites suprieures de scurit (182 et 181 g/jour), seuls les enfants ayant les consommations les plus leves ( 97,5e percentiles), respectivement 270 et 294 g/jour, dpassant les limites suprieures de scurit (26).

    Trs exceptionnellement, lintroduction de l'iodation universelle du sel dans des programmes de

    lutte contre la carence en iode sest accompagne de signes cliniques vocateurs de surcharges en iode (48). Dans les sept pays concerns par des pisodes de thyrotoxicose (Cameroun, Kenya, Nigeria, Congo, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe), des tudes minutieuses ralises au niveau des populations exposes ont montr que ces surcharges taient le rsultat de programmes inadapts. Les mdianes des concentrations en iode urinaire values sur 16 chantillons d'enfants (6-14 ans) taient largement suprieures au seuil de normalit de 10 g/100 ml dans chacun de ces pays : Cameroun (10-12 g/100 ml), Kenya (12-58 g/100 ml), Nigeria (26-37 g/100 ml), Congo (30-36 g/100 ml), Tanzanie (15-16 g/100 ml), Zambie (18-26 g/100 ml) et Zimbabwe (45 g/100 ml). Un taux denrichissement en iode trop lev (30-100 mg/kg), une sous-estimation de la consommation domestique de sel, et l'absence de structures fiables de contrle sur les units assurant souvent de faon artisanale lenrichissement du sel en iode sont les trois facteurs les plus communment avancs expliquant la survenue de ces surcharges en iode.

    Les consquences de surcharges chroniques en iode au niveau population sont l'objet de

    nombreuses controverses et expliquent l'absence de consensus sur une valeur limite suprieure de scurit. La thyrode saine est capable de s'adapter des variations importantes de court terme des apports en iode. Cependant dans les populations exposes chroniquement des apports levs en iode, on constate la prsence d'anomalies cliniques (goitre) ou biologiques (distribution de la TSH) qui montrent qu'en dpit d'un statut majoritairement euthyrodien, des segments plus ou moins importants de sujets exposs chappent ces mcanismes rgulateurs. L'tude ralise au Japon (Hokkaido) montre que les concentrations en iode sont corrles la TSH (r = 0,21, p < 0,001) et associes une frquence de TSH supranormale (TSH > 5) comprise entre 0 et 9,7 % (42). Au Niger, les frquences de goitre et de TSH > 4,2 mU/l taient respectivement de 44 et 29 % parmi les volontaires amricains utilisant, pour certains depuis 32 mois, un dispositif de traitement de l'eau base de rsines iodes (20). En Chine, chez des coliers de 6-15 ans, les variations des concentrations mdianes en iode de l'eau de

  • boisson (187-1145 g/l) et des urines (520-1961 g/l) sont troitement associes aux frquences de goitre l'chographie (12-38 %) (49). Parmi les enfants amricains observs en 1972, 6,8 % prsentaient un goitre, sa frquence (4,4-9,8 %) s'levant paralllement aux apports moyens en iode mesurs dans les diffrents tats (46).

    Exprimentalement chez l'homme, un apport supplmentaire de 500 g d'iode (KI) pendant 28

    jours, en plus de l'apport journalier habituel estim 250 g, provoque une baisse lgre de la T4 libre (-0,86 pmol/l) et une hausse rciproque de la TSH (0,59 mU/l) qui maintiennent les volontaires dans les limites de l'euthyrodie, bien que certains dpassent le seuil de rfrence (TSH 5,0 mU/l) (50). Des apports levs en iode favoriseraient l'apparition ou la progression des pathologies thyrodiennes auto-immunes, ce que suggrent les corrlations gographiques comparant des populations apports (modrment) levs en iode celles ayant des apports adquats ou lgrement dficitaires (51).

    Pour l'OMS, la FAO et de nombreux pays, des rgimes apportant 1000 g d'iode par jour ne sont

    pas considrs comme potentiellement nocifs. Cette valeur rapporte au poids (17 g/kg pour un adulte de 60 kg) permet de calculer les limites suprieures de scurit appliquer aux diffrents groupes d'ge. Le Scientific committee for food (SCF) de l'UE, en prenant en compte les diffrences significatives de tolrance des apports levs en iode, a fix la limite suprieure de scurit des apports chez l'adulte 600 g/jour, et calcul les valeurs pour chaque tranche d'ge (Tableau 5) (52). L'AFSSA dans son rapport sur l'enrichissement des aliments a adopt comme limite suprieure de scurit pour l'iode, un apport de 500 g/jour (53). Ces diffrences dans la perception du risque li aux apports levs en iode traduisent les divergences d'opinion entre les commissions d'experts en charge de dfinir les apports journaliers recommands.

    Age

    (ans) Limite suprieure de scurit

    (g/jour)

    1-3 200 4-6 250 7-10 300 11-14 450 15-17 500 18-60 600

    Tableau 5 : Limites suprieures de scurit des apports en iode

    (European Commission, SCF, 2002) (52)

  • 4 - FACTEURS GOITRIGENES

    La persistance dun taux rsiduel significatif de goitre dans diverses populations, lissue de

    programmes de prophylaxie iode correctement engags, ainsi que la discordance releve dans certaines endmies entre la prvalence de goitre et lapport iod, suggrent le rle additionnel de facteurs goitrignes alimentaires et/ou environnementaux, parfois en relation avec les activits humaines. Ces facteurs goitrignes relvent de structures chimiques trs diffrentes qui peuvent interfrer avec toutes les tapes de la fonction hormonale thyrodienne : transport actif et organification de liode, synthse et libration des hormones thyrodiennes, rcepteurs priphriques des hormones (54). La prsence de ces facteurs a t dmontre dans de nombreux foyers de goitre endmique (Chine, Colombie, Finlande, Nigeria, Nouvelle-Zlande, Tasmanie, Zare) dans diverses rgions du monde (Tableau 6).

    Goitrignes Vecteurs Zone dendmie Glucosides cyanogntiques

    - linamarine thiocyanate

    manioc

    Nigeria, Congo, Colombie

    Glucosinolates - progoitrine - glucobrassicine - sinigrine - sinalbine

    5-vinyl-2-thiooxazolidone thiocyanate isothiocyanate isothiocyanate

    herbages radis, choux, mil moutarde, raifort moutarde, colza

    Finlande, Tasmanie Soudan Tasmanie

    Flavonodes

    glycosylvitexine apignine, lutoline

    petit mil, sorgho millet (fonio)

    Soudan zone sahlienne

    Iode iodure iodure

    algues eau de distribution

    Japon, Core Chine

    Carbonate de lithium lithium eau de distribution Venezuela Disulfures aliphatiques mthyl-, thyl-, n-propyl- oignon, ail eau de distribution

    Liban, Algrie Colombie

    Tableau 6 : Principales endmies goitreuses associes des facteurs goitrignes naturels Dans les populations europennes, mme si des liens de causalit nont que rarement t tablis,

    un certain nombre de substances goitrignes ont t identifies et sont susceptibles de retentissement sur la fonction thyrodienne des populations exposes. Il s'agit le plus souvent d'htrosides, dont les proprits antithyrodiennes sont dtermines par la nature de l'aglycone.

  • 4.1 - Thiocyanate

    Lanion thiocyanate (SCN-) agit comme comptiteur de liode au niveau de la pompe iodure, et

    concentrations leves il augmente l'efflux d'iodure ("fuite d'iode") hors de la thyrode. Son action goitrigne peut tre compense par une augmentation de lapport iod. Lhydrolyse des glucosides cyanogntiques et des glucosinolates libre de l'acide cyanhydrique qui est dtoxifi au niveau hpatique en SCN. La cyanogense (synthse de l'acide cyanhydrique [acide prussique]) est commune plus de 2700 plantes vasculaires (55). Les principaux glucosides cyanogntiques sont prsents dans les tubercules, les graines, ou les feuilles de nombreuses plantes cultives. Certaines contiennent plus de 20 mg/100 g de poids frais de thiocyanate li et sont potentiellement toxiques pour l'homme, comme les pousses de bambou (800 mg), les amandes d'abricot (40-400 mg), les haricots de Lima (150-550 mg), les jeunes pousses de sorgho (250 mg), ou les feuilles (80-105 mg) et tubercules (55 mg) de manioc (Manihot esculenta). En Afrique centrale, dans les populations o le manioc est un aliment de base, les concentrations leves (plasmatiques et urinaires) en SCN issu de la linamarine, glucoside cyanogntique prsent dans toutes les parties comestibles du manioc, sont en corrlation troite avec l'intensit de lendmie goitreuse dcrite du Nigeria au Zare (56).

    Les glucosinolates sont des -glucosides dont la toxicit et les proprits antithyrodiennes

    dpendent de la structure de leur chane latrale. Dans les typologies alimentaires europennes, deux grandes familles de Dicotyldones contribuent l'apport en glucosinolates, les Brassicaces (choux, brocolis, choux-raves, navets, rutabagas, colza, moutarde, raifort) et les Capparaces (cpres). Dans certaines plantes comme le colza, on retrouve plus de 30 glucosinolates diffrents. Ils sont responsables de la saveur piquante d'aliments comme la moutarde ou le raifort. Dans toutes les plantes, les glucosinolates sont associs une thioglucosidase (myrosinase [myrosinolase]) qui selon les conditions du milieu (pH, Fe2+) les hydrolyse en -glucose, sulfate, et une molcule d'isothiocyanate ( pH > 7), ou de nitrile ( pH < 4). Les allyl-, benzyl- et butyl- glucosinolates sont hydroliss en SCN. Les concentrations de SCN les plus leves (mg/100 ml) se retrouvent dans les jus extraits des radis (0,7), des choux-raves (2,2), des choux (8,5) et des choux-fleurs (8,8-10,2). Les isothiocyanates (huile de moutarde) de la moutarde et du colza sont de puissants antithyrodiens. Les butyl-, allyl-, et mthyl- isothiocyanates interviennent en inhibant de faon spcifique le transport de liode.

    Des surcharges svres ou modres en SCN peuvent galement rsulter dune exposition active

    et/ou passive au tabagisme (57). Lacide cyanhydrique prsent dans la fume du tabac est dtoxifi selon la mme voie au niveau hpatique en SCN, qui exerce ses proprits antithyrodiennes sur la thyrode. L'activit antithyrodienne de la pratique tabagique se traduit par une augmentation du volume de la thyrode, selon une relation probable dose-effet, les anciens fumeurs ayant un volume thyrodien mdian intermdiaire entre les volumes des non-fumeurs et des fumeurs valus dans la mme population (58).

  • La prsence de plusieurs facteurs antithyrodiens dans une mme plante (environ

    70 glucosinolates et plus de 60 glucosides cyanogntiques connus) fait que le potentiel goitrigne des plantes consommes par l'homme est en gnral trs suprieur aux effets mesurs en exprimentation animale partir des formes chimiquement pures. En dpit de la dgradation de la thioglucosidase par la chaleur lors de la cuisson des lgumes, des quantits importantes disothiocyanates sont retrouves dans les urines des populations consommant de grandes quantits de Crucifres (Chine, Asie du Sud-Est) attestant dune capacit intrinsque des bactries intestinales hydrolyser des glucosinolates (59).

    4.2 - Goitrine (5-vinyl-2-thiooxazolidone) La goitrine (C5H7ONS) est issue de lhydrolyse au niveau intestinal, sous l'action de la

    thioglucosidase (myrosinase [myrosinolase]), de la progoitrine, glucosinolate prsent dans de nombreuses Brassicaces (choux, navets, colza, moutarde, etc.). La concentration moyenne (tendue) des diverses varits de choux dhiver est de 0,33 mg/100 g (0,05-1,92 mg/100 g). Laction antithyrodienne de la goitrine sexerce au niveau de la synthse des hormones thyrodiennes en particulier par une inhibition de la thyroperoxydase. Elle est dtruite en milieu acide et par chauffage. Son importance du point de vue pidmiologique dans la survenue de dysfonctionnements thyrodiens a t dmontre en Finlande et en Tasmanie, o des pousses pidmiques de goitre observes chez les coliers ont t mises en relation avec la consommation de laits riches en thiooxazolidones. La prsence de goitrine dans le lait tait le rsultat de la consommation par les vaches laitires dherbages et de fourrages parasits par des Brassicaces (60). Exprimentalement, les concentrations de thiooxazolidones mesures dans le lait de vache correspondent un transfert de 0,1 % de la progoitrine contenue dans des tourteaux de colza. Laction goitrigne de la 5-vinyl-2-thiooxazolidone est indpendante du statut iod et n'est pas compense par un apport supplmentaire en iode.

    4.3 - Flavonodes Les flavonodes sont des composs phnoliques prsents dans la majeure partie des plantes

    comestibles sous la forme de pigments et/ou tannins. Ils drivent tous d'une structure initiale unique (chalcone) et se diffrencient selon leur degr d'oxydation en 3-dsoxyflavonodes (flavanones, flavones) et 3-hydroxyflavonodes (flavonols, anthocyanes, catchines). Ils rsistent la temprature, l'oxydation, mais sont trs sensibles la lumire. Une alimentation de type occidental comportant des fruits, des lgumes-feuilles, des graines, ainsi que du vin, du caf ou du th reprsente un apport moyen en flavonodes suprieur 1 g/jour. De nombreux aliments de base des pays en dveloppement sont particulirement riches en flavonodes (petit mil, millet, sorgho, haricots, arachides). Exprimentalement chez le rat, l'incorporation la ration, de graines de soja, d'arachide, de noix de cajou, de noix d'arec ou d'amandes non mondes se traduit par une hyperplasie thyrodienne, qui

  • n'apparat pas en l'absence des enveloppes pigmentes des graines. Les tannins isols des enveloppes et purifis interfrent de faon complexe avec le mtabolisme de l'iode en diminuant son transport et son organification et en augmentant l'efflux d'iodure partir de la thyrode. Ils agissent galement comme inhibiteurs de la thyroperoxidase (61).

    Les observations pidmiologiques soulignent l'troite association entre goitre endmique et consommation importante et monotone d'aliments