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Les bénéfices d’une bonne nuit ne sont plus à prouver. Or une personne sur trois souffre de troubles du sommeil : « impatiences » dans les jambes, apnées respiratoires, somnanbulisme… Pourtant, des traitements permettent de renouer avec le plaisir de se mettre au lit ! ISABELLE GRAVILLON UN BON SOMMEIL Quelles stratégies ? DOSSIER Juillet-Août 2021 / TEMPO SANTÉ 19 BLACKDAY/ADOBESTOCK.COM 20 9 questions qui tiennent en éveil 23 Focus : un train du sommeil bien réglé 24 Pathologies : dormir comme un loir… pas toujours facile! Sommaire 019 dossier Sommeil ouverture.indd 19 02/06/2021 18:58

DOSSIER UN BON SOMMEIL Quelles stratégies

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Page 1: DOSSIER UN BON SOMMEIL Quelles stratégies

Les bénéfi ces d’une bonne nuit ne sont plus à prouver. Or une personne sur trois souffre de troubles

du sommeil : « impatiences » dans les jambes, apnées respiratoires, somnanbulisme…

Pourtant, des traitements permettent de renouer avec le plaisir de se mettre au lit !

ISABELLE GRAVILLON

Les bénéfi ces d’une bonne nuit ne sont plus à prouver. Or une personne sur trois souffre de troubles

UN BON SOMMEIL

Quelles stratégies ?

DOSSIER

Juillet-Août 2021 / TEMPO SANTÉ 19BLACKDAY/ADOBESTO

CK.COM

209 questions qui tiennent en éveil

23Focus : un train du sommeil bien réglé

24Pathologies : dormir comme un loir… pas toujours facile�!

Sommaire

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aux besoins en sommeil, ils peuvent varier d’une personne à une autre même si, pour 80 % des adultes, ils se situent autour de sept à huit heures par nuit (10 % se contentent de six-sept  heures, 10  % ont besoin de neuf-dix heures). « Quel que soit le nombre de cycles constituant la nuit – entre quatre et six le plus souvent – et quelle que soit leur durée – de soixante à cent vingt minutes chacun –, la ré-partition entre les types de sommeil au cours d’une nuit reste la même : 20 % de sommeil lent profond, 20 % de sommeil paradoxal et 60 % de sommeil léger », détaille le médecin.

4Quels sont les bénéfices d’un sommeil de qualité�?

« Le sommeil est LE fournisseur de santé uni-versel », a� rme Matthew Walker, professeur en neurosciences du laboratoire du sommeil de l’Université de Berkeley*, en Californie. Bien dormir nous permet de contrôler notre poids car, durant le sommeil, nous métabolisons au mieux les nutriments présents dans l’alimen-tation et nous sécrétons des hormones qui réguleront l’appétit pendant la journée. Le sommeil nous protège aussi des maladies

1À quoi ça sert de dormir�? Si nous dormons l’équivalent du tiers de

notre existence, cela n’est évidemment pas pour rien ! « Durant le sommeil, l’organisme se livre à ce qui pourrait ressembler à un reset informatique : toutes les fonctions biologiques sont véri� ées et remises à niveau a� n de pou-voir fonctionner de manière optimale », décrit le Dr de La Giclais. Les deux types de sommeil qui se succèdent au cours des cycles se répar-tissent les tâches. « Tandis que le sommeil lent profond s’attelle à la régénération physique, le sommeil paradoxal se consacre à la régénéra-tion psychique », poursuit-il. Ainsi, pendant le sommeil lent profond est notamment sécrétée l’hormone de croissance : chez l’enfant, elle lui permet de grandir ; chez l’adulte, elle l’aide à entretenir et réparer toutes les cellules de ses organes, de son système immunitaire, de ses vaisseaux… Quant au sommeil paradoxal, il veille sur notre équilibre psychique (gestion du stress, régulation des émotions). Les deux types de sommeil jouent de concert un rôle essentiel dans la mémorisation.

2 Peut-on se passerd’une bonne nuit ?

« Le sommeil est aussi vital que le fait de res-pirer de l’oxygène et de manger. Si nous étions privés de sommeil, nous commencerions par

avoir des hallucinations. Et si l’on prive com-plètement un animal de laboratoire de sommeil, on aboutit à sa mort au bout quinze jours », explique le Dr de La Giclais. L’être humain est génétiquement programmé pour alterner des phases d’éveil puis de som-meil, d’une certaine manière à son insu ! « L’endormissement survient le soir quand, depuis le matin, nous avons accumulé une dette su� sante en sommeil et que la pression pour dormir se fait irrésistible. En parallèle de ce mécanisme, l’endormissement est égale-ment induit le soir venu par la sécrétion d’une hormone, la mélatonine, et l’abaissement de la température corporelle qui interviennent toutes les vingt-quatre heures », ajoute le médecin. Notre horloge biologique est ainsi réglée qu’elle nous maintient en éveil le jour et nous fait dormir la nuit.

3 C’est quoi «�bien dormir�» ? « Si on se réveille le matin en étant en

forme et que l’on ne sou¦ re pas de somnolence durant la journée – hormis en tout début d’après-midi car il s’agit là d’une baisse de ré-gime normale et physiologique –, cela signi� e qu’on a un sommeil de qualité et en quantité su� sante », avance le Dr de La Giclais. C’est aussi simple que ça ! Le fait de se réveiller quelques minutes entre deux cycles ne signale aucunement des troubles du sommeil, du moment que l’on se rendort assez vite. Quant

NOTREEXPERT

Dr Bertrand de La Giclais Responsable du Centre du sommeil de la clinique d’Argonay-Annecy, membre actif de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS).

On sait depuis longtemps que le sommeil n’est en rien du temps perdu ! Aussi essentiel que l’éveil, de sa qualité découle

notre bonne santé physique et psychique. Apprenons à mieux le connaître pour réaliser tout ce que nous lui devons.

ISABELLE GRAVILLON

9 QUESTIONSqui tiennent en éveil

DOSSIER SOMMEIL

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cardio-vasculaires et neurodégénératives, pré-vient le diabète, renforce nos défenses immu-nitaires, nous aide à lutter contre le stress et la dépression. « A contrario, quand nous man-quons de sommeil, notre organisme est fatigué et il se défend beaucoup moins bien contre les agressions de toutes sortes (infections, can-cers…). Il devient plus vulnérable et on peut prendre du poids », ajoute le Dr de La Giclais.

Le sommeil est souvent qualifi é de réparateur car il nous protège des maladies.

Quand la lumière éclaira nos nuits Les historiens évoquent souvent un sommeil à deux temps autrefois. « Avant l’invention de l’électricité, les soirées étaient courtes, les populations se couchant dès que la nuit tombait. Il n’était pas inhabituel de se réveiller vers minuit ou une heure du matin, de se lever, de vaquer à quelques occupations, avant de se recoucher pour une deuxième partie de nuit jusqu’à l’aube », observe le Dr de La Giclais. Les textes historiques font référence à un sommeil biphasé. Les activités de l’éveil nocturne pouvaient consister à vérifi er que les bêtes se portaient bien, qu’aucun voleur ne s’était introduit dans la maison ou à faire l’amour – on disait que les enfants conçus dans la nuit étaient en meilleure santé. Au XIXe siècle, l’arrivée de la lumière artifi cielle dans les foyers a bouleversé la donne : les soirées se sont rallongées et les gens se sont mis à dormir d’une traite. « L’envahissement de nos vies par les écrans a produit la deuxième révolution du sommeil. Aujourd’hui, les Français dorment une heure et demie de moins qu’il y a cinquante ans », complète-t-il.

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Dormir est aussi vital que

manger et respirer de l’oxygène.

Si nous étions privés de sommeil, nous commencerions

par avoir des hallucinations.

UN TRAIN DU SOMMEIL BIEN RÉGLÉD’un bout à l’autre de la nuit, le sommeil n’est pas uniforme. Plusieurs cycles s’enchaînent les uns aux autres, comme les wagons d’un train, chacun abritant différentes formes. I. G.

22 TEMPO SANTÉ / Juillet-Août 2021 Juillet-Août 2021 / TEMPO SANTÉ 23

DOSSIER SOMMEIL

� LE RYTHME DE SOMMEIL VARIE AU COURS D’UNE MÊME NUIT…Les premiers cycles de la nuit sont essentiellement constitués de sommeil lent profond, tandis que la fi n de nuit fait la part belle au sommeil paradoxal. Si la nuit précédente a été mauvaise, le sommeil lent sera d’autant plus profond la nuit suivante.

� … ET AUSSI AU COURS DE LA VIELe sommeil lent est plus profond durant la croissance, jusque vers l’âge de 20 ans environ. À mesure que l’on vieillit, celui-ci devient minoritaire et laisse la place à un sommeil lent plus léger, expliquant l’augmentation des troubles du sommeil avec l’avancée en âge. Parallèlement, le sommeil paradoxal est plus présent dans les premières années de vie, au moment où les apprentissages sont à leur comble.

� QUATRE À SIX WAGONSSelon que nous soyons des petits, moyens ou gros dormeurs – ce qui est génétiquement déterminé –, nos nuits comportent 4 à 6 cycles de sommeil. Là encore, selon les personnes, la durée de chaque cycle peut varier de 60 à 120 minutes, mais s’élève plutôt à 90 minutes en règle générale. Au moment où un cycle se termine, nous subissons très souvent un micro-réveil dont nous n’avons pas conscience, puis nous enchaînons sur un nouveau cycle. Quand le rendormissement tarde après ce micro-réveil, c’est l’insomnie ! Quelle que soit la durée de sommeil nécessaire à chacun, celle du sommeil lent profond – primordial pour la récupération de l’organisme – est globalement toujours la même chez tous, les petits dormeurs « rognant » sur les moments de sommeil léger et de sommeil paradoxal.

� DU SOMMEIL LENT POUR COMMENCERTout de suite après l’endormissement, nous commençons par une phase de sommeil lent léger. Tous les muscles se relâchent, le cerveau ralentit et adopte un mode de fonctionnement peu gourmand en énergie. Pendant un quart d’heure environ, le sommeil reste assez léger – c’est un moment où l’on peut facilement être réveillé par un bruit –, puis nous sombrons en sommeil lent profond. Cette fois-ci, le cerveau est déconnecté, à un niveau de relaxation maximal : il émet des ondes amples et très lentes. À la fi n de cette phase de sommeil lent profond, le sommeil va s’alléger à nouveau afi n d’ouvrir la voie à un autre stade, celui du sommeil paradoxal, toujours au sein de ce même « wagon ».

� DU SOMMEIL PARADOXAL EN CONCLUSIONEnviron 75 minutes après l’endormissement, le cerveau s’agite et entre dans une activité intense : il émet des ondes courtes et rapides. Alors que tous les muscles du corps sont détendus, ceux du visage sont toniques : les yeux roulent sous les paupières, des mimiques défi lent sur le visage. C’est à ce curieux paradoxe entre un cerveau en effervescence et le corps alangui que ce sommeil doit son nom de paradoxal ! Ce moment dure 10 à 15 minutes lors du premier cycle de la nuit et il est le temps privilégié des rêves. Ces rêves du sommeil paradoxal sont plus intenses et oniriques que ceux survenant lors du sommeil lent, ce sont eux dont on se souviendra au réveil. À la fi n de ce stade de sommeil paradoxal, le sommeil s’allège pour laisser la place à un nouveau cycle (ou « wagon ») qui commencera à nouveau par du sommeil lent. Et ainsi de suite, quatre à six fois dans la nuit…

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5 Le sommeil est-il bon pour la mémoire�?

C’est même son allié essentiel et indis-pensable puisque 90 % de la mémo-risation se fait pendant le sommeil. « En début de cycle, le sommeil lent profond commence par faire l’inven-taire de toutes les données utilisées au cours de la journée. Puis, à la � n du cycle, le sommeil paradoxal trie : il décide des informations qui ne méritent pas d’être conservées et de celles qui nécessitent d’être stockées plus durablement. Il les archive alors intelligemment, les mettant en relation avec d’autres informations relatives à des théma-tiques proches », développe-t-il. C’est ainsi que notre sommeil nous construit une mémoire cohérente et opérationnelle !

6À quoi servent les rêves et les cauchemars�?

Tout d’abord, le contenu de nos scénarios oni-riques dépend de notre état d’esprit : ce sont plutôt des cauchemars si nous sommes stres-sés et angoissés, plutôt des rêves agréables si nous sommes sereins. Quant à leur fonction, cela dépend du type de sommeil durant lequel ils surviennent. « Le rêve du sommeil lent pro-fond est très structuré, en général assez terre à terre et consiste souvent en la résolution d’un problème rencontré dans le quotidien. D’où l’expression : la nuit porte conseil ! Le rêve du sommeil paradoxal est plus fantasmagorique, il nous fait vivre des aventures extraordinaires, nous permet de repousser nos limites. En ce sens, les psychanalystes estiment qu’il nous aide à être moins frustrés dans la vraie vie », explique le médecin.

 7 Peut-on dormirles yeux ouverts�?

En principe non, car les yeux se ferment d’eux-mêmes quand survient le sommeil. C’est auto-matique et irrépressible ! « Mais il peut arriver

que, pour des raisons mécaniques, les paupières ne soient pas totalement

closes pendant le sommeil et laissent passer un rai de lumière – qui d’ail-

leurs ne sera pas perçue par le cor-tex cérébral, les messages senso-riels étant bloqués par le thalamus pendant le sommeil. Cela peut,

arriver, par exemple, quand une personne n’a pas su� samment de

sécrétions lacrymales : ce sont elles qui assurent que les paupières restent

collées l’une à l’autre quand on dort », décrit le Dr de La Giclais.

8Dort-on moins bien les nuits de pleine Lune�?

Certaines personnes sou¦ rent e¦ ectivement d’insomnies quand la Lune s’a� che entière dans le ciel. Autoconditionnement ou réalité scien-ti� que ? « Le débat n’est pas tranché mais il peut sans doute exister une forme de sensibilité au calendrier lunaire chez certaines personnes. L’hypothèse serait que le cerveau, du fait qu’il baigne dans un liquide, ressentirait la variation de pression atmosphérique existant au moment de la pleine Lune. Et que cela engendrerait des troubles du sommeil », avance le médecin.

9Dort-on davantage dans le grand âge�?

Avec l’âge, la structure du sommeil se modi� e : la quantité de sommeil profond diminue au pro� t du sommeil léger. Résultat, les éveils nocturnes sont plus fréquents et plus longs, ce qui réduit la quantité de sommeil de nuit. Dé� cit qui est souvent compensé par du som-meil de jour. « Si une personne âgée fait plu-sieurs siestes dans la journée, elle dormira moins la nuit. C’est ainsi que se crée un cercle vicieux et que le sommeil a tendance à se dé-sorganiser dans le grand âge », relate le spécia-liste. Un peu comme à l’aube de la vie, quand certains bébés peinent à se caler sur un rythme jour/nuit, ayant tendance à dormir le jour et être pleinement éveillés la nuit !

*Matthew Walker, auteur de Pourquoi

nous dormons, éd. de la Découverte.

FOCUS

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Page 4: DOSSIER UN BON SOMMEIL Quelles stratégies

Le syndrome des jambes sans repos

Des pathologies anodines ou parfois sévères peuvent nuire à la qualité du sommeil. Au matin, on se réveille l’air fl api,

sans forcément savoir pourquoi. Comment y remédier ? I. G.

C’EST QUOI ?Les personnes qui sou� rent du syndrome des jambes sans repos se plaignent de ressentir des « impatiences » dans les membres inférieurs (fourmillements, chaleur) en � n de journée, sur-tout quand elles s’assoient devant la télévision ou s’allongent pour dormir. Seule la marche les sou-lage. « Souvent, ces symptômes s’accompagnent de mouvements involontaires et périodiques pendant le sommeil, dont le dormeur n’a pas conscience. Ils peuvent être peu importants ou constituer des secousses assez conséquentes », constate le Dr Lambert. Cette pathologie concerne environ 8 % de la population mais est assez largement sous-diagnostiquée. Elle se manifeste en général par périodes.

COMMENT POSER LE DIAGNOSTIC ?Pas besoin d’examens compliqués. « Les ques-tions posées au patient su� sent au médecin pour poser le diagnostic d’un syndrome des jambes sans repos », explique le Dr Lambert.

QUELLES EN SONT LES CAUSES ?Dans la majorité des cas, cette pathologie est familiale et résulte d’une composante génétique. « Le syndrome des jambes sans repos est proba-blement dû à une hyperexcitabilité des voies nerveuses de la sensibilité au niveau de la moelle épinière, causée par un mauvais équilibre des récepteurs à la dopamine. Il peut apparaître dès l’enfance, mais souvent il commence à devenir gênant à l’âge adulte. Et il a tendance à s’aggraver avec le temps, des symptômes pouvant apparaître au cours de la journée et dans les bras », poursuit-elle. Cette pathologie peut aussi être secondaire à une autre : neuropathie provoquée par le dia-bète, insu� sance rénale ou carence en fer.

QUELLES CONSÉQUENCES ?Devoir se lever pour marcher au moment du cou-cher, pas idéal pour tomber dans les bras de Morphée ! « Ce syndrome cause des insomnies d’endormissement, ainsi que des micro-éveils en cas de mouvements périodiques des pieds une fois que la personne a en� n réussi à s’endormir.

D’où un sommeil fragmenté et moins récupéra-teur, avec une sensation de fatigue tout au long de la journée », note le Dr Lambert.

QUEL TRAITEMENT ?Dans les formes légères de cette pathologie, des mesures d’hygiène de vie peuvent su� re à la cana-liser : un rythme de sommeil harmonieux avec coucher et lever à heures � xes ; une activité phy-sique régulière mais pas trop intense car celle-ci pourrait aggraver les symptômes ; la réduction, même l’arrêt si nécessaire, des consommations de caféine et d’alcool, surtout le vin blanc. Il im-porte aussi de véri� er le statut en fer a� n de déce-ler une éventuelle carence. « Si cela ne su� t pas, on utilise des antalgiques simples comme le paracétamol ou, dans les formes sévères, des dérivés de la morphine – sous prescription médicale et de manière ponctuelle ! Ou encore un traitement de fond contre la dou-leur chronique, par exemple les molécules telles que la gabapentine et la prégabaline, sans risque d’addiction. L’e� cacité des antalgiques s’explique par le fait que les voies nerveuses de la sensibilité empruntent les mêmes chemins que celles de la douleur », décrit le médecin. Dans les formes sévères et chez les adultes, peuvent être prescrits des médicaments agonistes dopaminergiques à faibles doses. « Mais les patients ne doivent sur-tout pas augmenter les doses car les symptômes seraient alors aggravés », insiste le Dr Lambert.

DORMIR COMME UN LOIR

… pas toujours facile�!

NOSEXPERTS

Dr Rémi Lombard Médecin du sommeil à la polyclinique Vauban à Valenciennes

Dr Isabelle Lambert Neurologue et responsable du centre du sommeil de l’hôpital de la Timone à Marseille

24 TEMPO SANTÉ / Juillet-Août 2021 Juillet-Août 2021 / TEMPO SANTÉ 25

DOSSIER SOMMEIL

LES FANTAISIES DU SOMMEIL- Le bruxisme… Quand les dents grincent !- La somniloquie… Cause toujours même en dormant !- Le somnambulisme… Fait peur à l’entourage.

LE SYNDROME D’APNÉES OBSTRUCTIVES Des arrêts respiratoires provoquent une baisse d’oxygène dans le sang. À traiter absolument !

LE SYNDROME

DES JAMBES SANS REPOSAutrement dit, les impatiences dans les jambes. Elles nuisent à l’endormissement.

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Ce syndrome peut apparaître dès l’enfance, mais souvent il commence à devenir gênant à l’âge adulte.

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Page 5: DOSSIER UN BON SOMMEIL Quelles stratégies

26 TEMPO SANTÉ / Juillet-Août 2021 Juillet-Août 2021 / TEMPO SANTÉ 27

DOSSIER SOMMEIL

Dans les cas sévères, la personne porte un masque pendant la nuit relié à une machine qui souffl e de l’air dans les voies aériennes supérieures. Cela lui permet de respirer normalement.

Par manque de tonicité musculaire de ses voies respiratoires, le dormeur ne fait pas entrer assez d’air à chaque inspiration

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Le syndrome d’apnées obstructivesC’EST QUOI ?« Chez les personnes atteintes de ce syndrome, on observe des arrêts respiratoires répétés durant plusieurs secondes lors du sommeil – des ap-nées  – ou des diminutions du � ux respiratoire – des hypopnées », décrit le Dr Lambert. Le terme précis de cette pathologie est d’ailleurs le syn-drome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (Sahos). « Ces troubles respiratoires provoquent une baisse d’oxygène intermittente dans le sang. Le corps étant bien fait, dès que le cerveau perçoit cette hypoxémie, il envoie un signal de réveil. Le dormeur subit alors un micro-éveil, dont il n’est pas forcément conscient, durant lequel il reprend sa respiration », poursuit-elle. Souvent à grand bruit, dans un fort ron� ement !

QUELLES EN SONT LES CAUSES ?Chez certaines personnes, les muscles des voies aériennes supérieures, particulièrement ceux de la gorge, sont peu toniques. Le tonus musculaire diminuant encore davantage pendant le sommeil, cela peut entraîner une obstruction intermittente des voies respiratoires : le dormeur a beau forcer pour faire entrer de l’air, il n’y parvient pas à chaque inspiration et se retrouve régulièrement en apnée ou hypopnée. « Chez l’enfant, le rétrécissement des voies aé-riennes supérieures peut être dû à des grosses amygdales. Chez l’adulte, c’est plutôt le surpoids et l’in� ltration de graisse au niveau des tissus du cou qui réduisent le calibre des voies aériennes et entraînent une baisse de leur tonus. Cet a� ai-blissement du tonus peut aussi être le fait de l’avancée en âge. En� n, certaines anatomies fa-ciales, par exemple un petit menton, peuvent aller de pair avec des voies aériennes supérieures mor-phologiquement étroites », décrit le Dr.Lambert. Jusqu’à la ménopause, les femmes sont moins exposées que les hommes à ce trouble : les hor-mones féminines leur assurent une répartition des graisses plutôt sur le bas du corps, tandis que les hommes ont davantage tendance à les stocker au niveau du haut du corps, notamment sur le cou. « Après la ménopause, le Sahos est égale-ment répandu entre les sexes », souligne-t-elle.

QUELS SYMPTÔMES PEUVENT ALARMER ?C’est souvent le conjoint qui s’inquiète le premier car il est régulièrement réveillé par les reprises respiratoires bruyantes de son(sa) voisin(e) de lit. Mais si l’on vit seul, certains signes peuvent mettre la puce à l’oreille. « La personne se réveille le matin avec l’impression que le sommeil n’a pas été récu-pérateur. Toute la journée durant, elle a des accès de somnolence. Elle peut aussi avoir des maux de tête au réveil, sous la forme d’une tension au niveau du front, qui vont s’estomper en général dans l’heure qui suit. Les di� cultés d’attention, de concentration, l’irritabilité sont certes peu spéci� ques mais peuvent faire partie du tableau. Parallèlement à ces symptômes diurnes, il peut exister un indice nocturne révélateur : l’envie fré-quente d’uriner. Le fait que le corps ait besoin de forcer pour reprendre sa respiration induit une chaîne de réactions aboutissant à la surproduc-tion d’urine », détaille le Dr Lambert.

POURQUOI FAUT-IL ABSOLUMENT TRAITER ?Les réveils nocturnes provoqués par les di� cultés respiratoires hypothèquent bien sûr la qualité du sommeil, qui a du mal à s’approfondir et devient dès lors moins récupérateur. D’où des somno-lences et une moindre vigilance dans la journée, fort dangereuses lorsqu’on doit conduire par exemple. « La diminution répétée d’oxygène dans le sang au cours de la nuit induit un stress pour l’organisme, particulièrement au niveau des vais-seaux. Les apnées et hypopnées en grand nombre peuvent donc exposer à un risque cardio-vascu-laire plus élevé (accidents vasculaires cérébraux et infarctus du myocarde) », insiste le médecin. Cette pathologie ne doit pas être considérée à la légère et impose une prise en charge.

COMMENT POSER LE DIAGNOSTIC ?Pour être sûr qu’on est bien en présence d’un Sahos et en connaître la sévérité, un enregistre-ment du sommeil est nécessaire. Il en existe deux sortes : la polygraphie ventilatoire qui s’e� ectue à la maison et la polysomnographie réalisée dans un centre du sommeil. « Beaucoup de pneumo-logues et d’ORL proposent la polygraphie venti-latoire à leurs patients. Le médecin prête le maté-riel au patient et lui montre comment s’en servir. Celui-ci rentre chez lui pour la nuit et revient le lendemain a� n que le médecin récupère les résul-tats. Cet appareil est simple d’utilisation : il com-porte un capteur à porter dans le nez pour détec-ter l’air entrant et sortant ; une ceinture autour de la poitrine, une autre autour de l’abdomen pour enregistrer les mouvements respiratoires ; un capteur à oxygène au bout du doigt », dépeint le Dr Lambert. Si cet examen ne su� t pas pour poser le diagnos-tic de façon précise, on procède alors à une poly-somnographie. Cette fois-ci, en plus des éléments précédents, des capteurs sont posés à di� érents endroits de la tête pour identi� er les di� érents stades de sommeil. D’autres sur les jambes pour repérer une activité motrice anormale. L’activité électrocardiographique est également enregis-trée. « Le diagnostic de Sahos léger est posé lorsqu’il existe entre 5 et 15 apnées-hypopnées par heure, modéré pour 15 à 30 événements et sévère au-delà de 30 », explique-t-elle.

EN QUOI CONSISTE LE TRAITEMENT ?Il est proposé et pris en charge par la Sécurité sociale à partir de 15 apnées-hypopnées par heure, car en dessous de ce chiffre, il n’existe pas de conséquences néfastes avérées pour la santé. « Pour un Sahos modéré, une orthèse d’avancée mandibulaire est en général prescrite. Ce dispo-sitif, réalisé par le dentiste, permet d’avancer la mâchoire inférieure et la langue avec elle, donc de limiter l’obstruction des voies aériennes », développe le Dr Lambert. En cas de Sahos sévère, on préfère un traitement par pression positive continue. « La personne porte un masque pendant la nuit et elle est reliée à une machine qui souª e un peu d’air dans les voies aériennes supérieures a� n de les maintenir ouvertes. Elle peut ainsi respirer normalement », complète-t-elle. Alors que cette machine est très e� cace, elle n’est pas toujours bien acceptée par le malade. « Il peut se sentir mal à l’aise par rapport à son conjoint, considérer cet appareil comme un intrus dans l’intimité. Il peut aussi être gêné par cet équipement pour dormir. Mais cela vaut la peine de se donner le temps de l’apprivoiser, notamment en testant les types de masques et les réglages de la pression, car le mieux-être au quotidien et les béné� ces pour la santé seront au rendez-vous », encourage le Dr Lambert. Quant au conjoint, il ne pourra que se réjouir de ne plus avoir à supporter des ron� ements tonitruants !

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Les fantaisies du sommeilLE BRUXISMECOMMENT ÇA SE MANIFESTE ?Sans s’en rendre compte, certaines personnes grincent des dents en frottant celles du haut contre celles du bas. « Le bruxisme peut survenir dans tous les stades du sommeil et concerne aussi bien des adultes que des enfants. Selon certaines études, il toucherait au moins épisodiquement 50 % des adultes et 33 % des enfants de 6 ans », constate le Dr Lombard. D’OÙ ÇA VIENT ?Il est souvent le fait de personnalités anxieuses. Mais les certitudes sur l’origine de ce trouble sont limitées. « Une hypothèse pointe un dé� cit de dopamine, un neurotransmetteur cérébral. Mais si on ignore précisément ses causes, on connaît bien certains facteurs aggravants du bruxisme : la caféine (café, thé, Coca-Cola), surtout quand elle est consommée peu de temps avant l’endor-missement, ainsi que le tabac », décrit-il.

Une forme de somnambulisme peu connuese caractérise par des prises alimentaires inconscientes.

LE SOMNAMBULISMECOMMENT ÇA SE MANIFESTE ?C’est la parasomnie la plus connue, sans doute aussi la plus impressionnante pour l’entourage. « Les accès de somnambulisme surviennent pendant le sommeil lent profond, donc plutôt en début de nuit, là où ce type de sommeil est le plus abondant. Il s’agit de manifestations mo-trices e� ectuées le plus souvent les yeux ouverts, dans un état d’éveil dissocié, en général assez simples (comme s’asseoir sur le lit) mais parfois un peu plus complexes (comme se lever, s’habil-ler, marcher…). Les gestes du somnambule sont entachés d’une certaine maladresse », dépeint le Dr Lombard. Le somnambulisme est plus répandu chez les enfants que chez les adultes et disparaît souvent en grandissant, même si 25 % des enfants som-nambules le restent à l’âge adulte. Il existe aussi d’autres formes de somnambulisme – dont on parle moins car un peu « honteuses » – se carac-térisant par des prises alimentaires inconscientes ou des actes sexuels inconscients (sexsomnies).

D’OÙ ÇA VIENT ?Là aussi, on retrouve une dimension héréditaire. « Par ailleurs, tout ce qui augmente la quantité de sommeil lent profond et fragmente le sommeil favorise le somnambulisme : les privations de sommeil, l’activité physique intense en soirée, certains somnifères et médicaments, l’alcool, le stress, la � èvre et l’exposition tardive aux écrans », liste le médecin. Certains événements peuvent aussi induire une crise en provoquant chez le som-nambule un réveil dissocié. « Des apnées dans le cadre d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, des mouvements périodiques des membres pouvant être en lien avec un syndrome des jambes sans repos, un bruit fort, un contact avec le voisin de lit », ajoute-t-il. Les crises peuvent s’avérer plus fréquentes à des moments stressants (déménagement, naissance…).

C’EST GRAVE ?Un somnambule peut s’exposer à des risques de chutes ou de blessures pendant ses crises. « S’il se livre à des prises alimentaires, elles peuvent se révéler inappropriées, comme manger du café moulu à la cuillère. En cas de sexsomnie, le par-tenaire de lit peut être impliqué et cela peut aller de la caresse à la véritable agression sexuelle » note le Dr. Lombard.

QUELLES SOLUTIONS ?« Même si le somnambulisme ne se soigne pas, l’hypnose semble en mesure d’en atténuer les manifestations. Pendant les séances, l’hypnothé-rapeute adresse par exemple au patient la sugges-tion de rester dans son lit plutôt que de se lever en cas de crise », explique le médecin. Il est évidem-ment indispensable de sécuriser l’environnement d’un somnambule : fixer les armoires au mur, installer des systèmes anti-ouverture aux fenêtres, mettre une barrière devant l’escalier… « Chez l’enfant, on peut essayer de le réveiller trente mi-nutes avant l’horaire où la crise arrive le plus sou-vent, puis de le laisser se rendormir. Cette mé-thode empirique fonctionne assez bien », suggère le médecin. En� n, mieux vaut éviter de réveiller brutalement un somnambule : il risquerait de vous intégrer à son rêve et d’avoir une réaction violente ! Donc on le ramene vers son lit tout en douceur.

C’EST GRAVE ?Le bruxisme ne crée pas de trouble du sommeil puisqu’il ne réveille pas le dormeur. Mais il peut être très incommodant pour celui (celle) qui partage son lit ! « Sa principale conséquence néfaste concerne les dents : l’abrasion qu’elles subissent du fait des frotte-ments répétés peut conduire à leur usure et même à leur déchaussement, ainsi qu’à une hypersensibilité dentaire », constate le médecin. Au réveil, le(la) grinceur(se) de dents peut éprouver des douleurs au niveau de l’articulation de la mâchoire et des muscles de la face, des maux de tête ou des cervicales.

QUELLES SOLUTIONS ?« Limiter les facteurs aggravants et mieux gérer son anxiété grâce à des techniques psychocorporelles (méditation, hypnose…) peuvent aider », observe le Dr Lombard. Dans certains cas, le recours à la toxine botulique pour relâcher les tensions des muscles des mâchoires peut être envisagé. Pour protéger les dents, il est possible de porter la nuit une orthèse en silicone, ou « gouttière ». Il su� t de s’adresser à son dentiste.

LA SOMNILOQUIECOMMENT ÇA SE MANIFESTE ?Certains dormeurs peuvent se montrer très ba-vards, leur prise de parole allant de borborygmes à des phrases complètes. « Selon une récente étude française, 36 % des vocalisations nocturnes sont compréhensibles, tandis que 64 % sont des pleurs, des rires, des cris. Cela peut arriver durant tous les stades du sommeil mais surtout en som-meil lent profond ou paradoxal, lorsqu’on rêve. Très souvent, l’épisode de somniloquie renvoie à la mise en scène d’une situation professionnelle con� ictuelle, avec usage d’un vocabulaire assez � euri ! » remarque le Dr Lombard.

D’OÙ ÇA VIENT ?La composante héréditaire est fréquente. « Le stress, la consommation d’alcool et la � èvre sont des facteurs déclenchants. La somniloquie est assez banale puisque 71 % des hommes et 75 % des

femmes ont déjà parlé durant leur sommeil. Mais seuls 1,5 % ont consulté pour cette raison, ce qui prouve qu’elle est peu invalidante », insiste le médecin.

C’EST GRAVE ?Aucune conséquence ennuyeuse n’est à redouter pour la santé du somniloque ou pour la qualité de son som-meil puisque ses causeries ne le réveillent pas. « Par contre, si la somniloquie se déclenche brutalement chez une personne âgée et qu’elle s’accompagne d’une agitation motrice, il est important de consulter un médecin. Cela peut révéler une maladie dégénéra-tive », alerte le Dr Lombard.

QUELLES SOLUTIONS ?« Le meilleur traitement passe par le port de boules Quies… par le conjoint ! », sourit le médecin. Si les situations désagréables mises en scène pendant les épisodes de somniloquie concernent surtout le travail, il peut s’avérer judicieux de chercher des moyens pour faire baisser le niveau de stress professionnel.

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