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Dr Virginie GUASTELLA (CETD Clermont-Ferrand) 2006 Document validé par Dr Malou NAVEZ et Gérard MICK Douleur Neuropathique (DN) post-chirurgicale Cette fiche mémo s'adresse au chirurgien (orthopédiste, viscéral) et au rhumatologue de ville ou hospitalier. Elle est destinée à éveiller leur attention sur la présence plus étendue qu'on ne l'imagine des DN dans leur activité clinique quotidienne et sur ses particularités de prise en charge. La présentation ci dessous est seulement indicative. La fiche proposée n'entre pas dans des détails étiologiques précis car des fiches plus spécifiques pourront être rédigées pour certaines indications (par ex. DN de la sciatique).

Douleur Neuropathique (DN) post-chirurgicalervd38.v.r.f.unblog.fr/files/2008/12/memodouleurneuropathiqueposto... · sensibilité au toucher simple (objet à pointe mousse), soit une

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Douleur Neuropathique (DN) post-chirurgicale Cette fiche mémo s'adresse au chirurgien (orthopédiste, viscéral) et au rhumatologue de ville ou hospitalier. Elle est destinée à éveiller leur attention sur la présence plus étendue qu'on ne l'imagine des DN dans leur activité clinique quotidienne et sur ses particularités de prise en charge. La présentation ci dessous est seulement indicative. La fiche proposée n'entre pas dans des détails étiologiques précis car des fiches plus spécifiques pourront être rédigées pour certaines indications (par ex. DN de la sciatique).

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AAASSSPPPEEECCCTTTSSS CCCLLLIIINNNIIIQQQUUUEEESSS EEETTT DDDIIIAAAGGGNNNOOOSSSTTTIIIQQQUUUEEESSS 1. Symptômes, signes cliniques et délai d’apparitio n La blessure d’un tronc nerveux sensitif ou mixte au décours d’un geste chirurgical peut être source de douleurs qui se manifestent le plus souvent après un intervalle libre pouvant aller de quelques semaines à plusieurs mois voire plusieurs années. La survenue post opératoire immédiate est rare. Les douleurs neuropathiques présentent une sémiologie commune caractéristique qui peut comporter un ou plusieurs des symptômes suivants (1) : -des douleurs spontanées , survenant sans stimulus, de deux types souvent associés :

• un fond douloureux permanent décrit comme une brûlure, une sensation d’étau, d’arrachement, des dysesthésies sur lequel se greffent

• des accès paroxystiques, des douleurs fulgurantes à type de décharges électriques, d’élancements ou reproduisant la douleur continue fortement accentuée

-des douleurs provoquées : • une allodynie = réponse douloureuse à une stimulation normalement

indolore. On distinguera l’allodynie mécanique statique (le contact d’un filament fin, de Von Frey induit dans la région neuropathique une sensation anormalement désagréable) et dynamique (le frottement léger par un pinceau brosse induit une douleur) de l’allodynie thermique au froid et au chaud.

• une hyperalgésie = exacerbation de la douleur à des stimulations normalement douloureuses (pointe acérée).

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L’examen clinique rapporte des modifications de la sensibilité (2) : -des troubles sensitifs élémentaires : soit une hypoesthésie c'est-à-dire baisse de la sensibilité au toucher simple (objet à pointe mousse), soit une anesthésie complète -allodynie / hyperalgésie -hyperesthésie = réponse anormalement intense à une stimulation douloureuse -hyperpathie = réponse douloureuse très intense qui se prolonge après arrêt du stimulus et qui implique un territoire débordant largement la zone stimulée -des troubles trophiques associés = variables, en rapport avec un dysfonctionnement du système sympathique

2. Principaux territoires nerveux impliqués (3)

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La symptomatologie siège sur le trajet et au niveau du territoire de compétence du nerf lésé. Il est important de toujours penser à cartographier le déficit. Connaître les territoires d’innervation des nerfs périphériques est essentiel pour poser le diagnostic. -névralgie intercostale T5T6 post thoracotomie +/- associée à un étirement du plexus brachial ; -névralgie intercostobrachiale post mastectomie, souvent en raison du curage des ganglions axillaires ; -territoire du nerf ilioinguinal post cure de hernie inguinale ; -territoire du nerf patellaire post arthroscopie. La lésion peut concerner le rameau récurrent médial du saphène ou le rameau récurrent latéral originaire du sciatique poplité externe. Ces 2 nerfs se trouvent au site d’insertion de l’endoscope ; -territoire du nerf médian post chirurgie endoscopique du canal carpien ; -lésion du nerf alvéolaire inférieur , lors de l’anesthésie locale précédant la chirurgie dentaire ; -au syndrome algodysfonctionnel (douleurs musculosquelettiques de nature nociceptive) de l’appareil mandibulaire (SADAM) secondaire à une chirurgie ORL déstabilisant l’articulation temporo-mandibulaire (hémimandibulectomie par exemple dans le cadre d’un cancer ORL) s’ajoutent des névralgies du trijumeau, d’Arnold voire cervicobrac hiales ; -cruralgie post chirurgie prothétique de hanche.

3. Diagnostic de douleur neuropathique et diagnosti cs différentiels

• L’outil DN4 est utile pour estimer la probabilité d’être face à une douleur de type

neuropathique (4). Il s’articule en deux parties :

- un interrogatoire composé de 7 questions sur les caractéristiques de la douleur et ses

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symptômes ; - un examen du patient avec 3 items : hypoesthésie au tact, à la piqûre et l’ allodynie

dynamique. A partir d’un score de 4/10, la douleur est qualifiée « neuropathique ».

• Le NPSI (Neuropathic Pain Symptom Inventory) peut aussi être utile, il recueille des données cliniques qualitatives et quantitatives sur les signes subjectifs ressentis par le patient sur les 24 dernières heures.

Les diagnostics différentiels : -les douleurs mécaniques par hyper sollicitation ; -les douleurs myofaciales (5): le mécanisme déclenchant est un traumatisme musculaire parfois minime au point de passer inaperçu. Les incisions chirurgicales sont responsables de nombreuses douleurs myofaciales pariétales chroniques. Débutant, initialement au niveau d’un muscle, elles peuvent s’étendre à un groupe de muscles. Les douleurs sont déclenchées par la palpation d’un point gâchette au sein d’une corde musculaire tendue et sont référées. On citera le syndrome myofacial du petit oblique, après chirurgie de hernie inguinale ; - les douleurs de cicatrices (5) : le développement de la fibrose cicatricielle peut emprisonner les fibres nerveuses à l’intérieur de la cicatrice et provoquer une ischémie de type mécanique ; - les douleurs de névrome (5) : le diagnostic de névrome repose sur des critères cliniques bien précis : la douleur est provoquée par des mouvements des muscles avoisinants et survient après stimulation de la zone gâchette précisément. La douleur irradie dans la zone d’innervation

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sensitive. Tout névrome n’est pas douloureux !

4. Diagnostic étiologique (lésion nerveuse en caus e) : place des examens

complémentaires Les examens complémentaires ne sont pas utiles au diagnostic d’une douleur neuropathique. Le diagnostic repose avant tout sur l’interrogatoire (identification de l’événement iatrogène…) et l’examen clinique . En revanche, un examen clinique simple ne permet pas d’attribuer à des symptômes neuropathiques des mécanismes précis. C’est pourquoi, il existe des tests psychophysiques spécialisés, non réalisables en routine, pour étudier les seuils nociceptifs mécaniques tels que le Von Frey électronique qui décrit l’état des fibres nociceptives mécano sensibles (A delta et C) en mesurant le seuil de sensation douloureuse et de tolérance à la douleur, mais aussi les seuils nociceptifs thermiques avec le Thermotest qui décrit l’état des fibres nociceptives sensibles au chaud (A delta et C) en mesurant 3 seuils cette fois : le seuil de sensation de chaleur, de chaleur douloureuse et de tolérance. Il existe également des tests fonctionnels qui ont pour intérêt d’inhiber ou d’activer sélectivement un type de fibres périphériques, ou de récepteurs médullaires ou cérébraux impliqués dans la sensibilisation centrale. L’administration locale de lidocaïne , si elle permet la disparition des symptômes sera en faveur

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d’une origine périphérique. L’application locale de capsaïcine évalue le fonctionnement des fibres C. Enfin, il existe des tests électrophysiologiques, les PEL : potentiels évoqués lasers qui explorent les voies spino thalamiques et les PES : potentiels évoqués somesthésiques qui explorent la voie lemniscale. Ils peuvent être réalisés et confirment alors la présence d’un dysfonctionnement sur les voies nociceptives mais ils ne renseignent ni sur l’étiologie, ni sur l’intensité de la douleur.

CCCOOONNNTTTEEEXXXTTTEEE EEETTTIIIOOOLLLOOOGGGIIIQQQUUUEEE EEETTT EEEPPPIIIDDDEEEMMMIIIOOOLLLOOOGGGIIIQQQUUUEEE

Etiologies impliquées et prévalence (6), (7)

Neuropathie post amputation Il existe deux types de douleurs après amputation de membre (8) :

- les douleurs de moignon (moignons pathologiques, lésions cutanées, troubles vasculaires, névromes, causalgies…) qui sont d’origine périphériques ;

- les douleurs de membre fantôme qui sont propres à l’amputation et pour lesquelles il existe des arguments en faveur d’une origine centrale. Les facteurs prédictifs de la survenue de douleurs de membre fantôme seraient l’existence d’une douleur préalable, la persistance

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d’une douleur de moignon et des facteurs psychologiques probables mais qui n’ont pas fait l’objet d’études.(10)

La prévalence de douleurs de membre fantôme après amputation de membre s’échelonne entre 30 et 81% selon les travaux.(9)

Neuropathie post mastectomie

Une douleur persistante chez une patiente opérée pour un cancer du sein peut avoir plusieurs étiologies (11),(12),(13): -une récidive néoplasique et par conséquent une douleur par infiltration des tissus ; -des séquelles post-radiques ; -des lésions nerveuses induites par le geste chirurgical. On distingue 4 types de douleurs chroniques neuropathiques :

• douleurs de membre fantôme (13 à 44%); • névralgie intercostobrachiale (20%) « PMPS » syndrome douloureux après

mastectomie. La douleur est typiquement localisée dans la partie médiale axillaire du membre supérieur homolatéral à la mastectomie et /ou la partie antérieure de la poitrine concernée. Une lésion du nerf intercostobrachial peut survenir lors du curage axillaire et est considérée comme étant la cause la plus fréquente de PMPS ;

• Névrome douloureux (23 à 49%); • Autres douleurs par d’autres nerfs intercostaux lésés, branches du nerf

intercostobrachial…

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Neuropathie post thoracotomie

La thoracotomie est une voie d’abord chirurgicale couramment pratiquée pour la réalisation de gestes endothoraciques, le plus fréquent étant en France, la chirurgie d’exérèse pour le traitement du cancer broncho-pulmonaire Elle est également pratiquée pour l’abord de l’aorte thoracique descendante (anévrysmes), de la plèvre (symphyse, talcage, décaillotage), l’exérèse d’autres tumeurs endothoraciques ou encore la résection de lésions pulmonaires d’emphysème. L’abord pulmonaire implique des lésions étagées et majeures concernant les côtes, les nerfs intercostaux, les articulations costotransversaires, le plexus brachial,les muscles tels que grand dorsal, grand pectoral, dentelé antérieur et intercostaux, susceptibles d’induire l’apparition de douleurs séquellaires neuropathiques.(14) Les douleurs musculo-squelettiques font aussi partie des causes de douleurs chez les patients ayant un syndrome douloureux chronique après chirurgie thoracique. L’intensité de la douleur aiguë post opératoire est un facteur prédictif de la survenue d’une douleur chronique neuropathique. Le type de thoracotomie est aussi un facteur prédictif avec une thoracotomie postéro latérale réputée plus agressive (plus de sections musculaires) que la thoracotomie latérale.(15) Comment explique t-on ces douleurs neuropathiques ? -les lésions des nerfs intercostaux qui sont elles mêmes causées par les résections de côtes ; -les lésions du plexus brachial (étirement du plexus brachial causé par la position peropératoire du patient, le bras posé sur le billot) ;

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-le développement de la fibrose cicatricielle peut enserrer les terminaisons nerveuses dans la cicatrice ; -la formation d’un névrome. Les données épidémiologiques mettent en évidence une prévalence importante de ces douleurs avec des chiffres allant de 50 à 83 % de douleurs neuropathiques à 6 mois, 61% à 12 mois.(16),(17),(18),(19),(20),(21) L’évaluation qualitative obtenue par le Questionnaire de Saint-Antoine abrégé retrouve majoritairement les termes d’élancements, tiraillements, décharges électriques. L’allodynie statique est la plainte prédominante. Parmi les troubles sensitifs associés, l’hypoesthésie au tact est la plus représentée. (21)

Neuropathie post hernioraphie

Les douleurs chroniques après cure de hernie inguinale ne sont pas rares mais trop souvent négligées du fait de la banalité de ce type d’intervention.

Leur prévalence :- 63% a un an ; - 54% a deux ans ; -15% par voie coelioscopique. (22) 15% des patients se disent incommodés dans leur travail et leurs activités quotidiennes. Les adjectifs qui reviennent le plus fréquemment pour décrire cette douleur sont : piqûre, décharges électriques, étau.

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1 patient sur 2 présente une hypoesthésie et une allodynie tactile dans le territoire de l’incision. Les seuils mécanique et thermique sont inchangés que le patient soit ou non douloureux. (23), (24)

MMMEEECCCAAANNNIIISSSMMMEEESSS PPPHHHYYYSSSIIIOOOPPPAAATTTHHHOOOLLLOOOGGGIIIQQQUUUEEESSS DDDEEE LLLAAA DDDNNN EEENNN PPPOOOSSSTTTOOOPPPEEERRRAAATTTOOOIIIRRREEE

Mécanismes des douleurs neuropathiques dans le cont exte post-chirurgical

-Mécanismes généraux Les douleurs neuropathiques sont des douleurs liées à l’atteinte lésionnelle ou fonctionnelle du système nerveux, périphérique ou central. Il s’agit de douleurs très particulières à trois principaux égards : physiopathologique, sémiologique et thérapeutique. -Physiopathologie Contrairement aux douleurs classiques, ici, c’est le support même de la transmission de l’information qui présente un dysfonctionnement, de telle façon que la sensation se trouve perturbée dans sa genèse, son transport, son intégration, voire sa modulation. Voici les différents mécanismes physiopathologiques incriminés :

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-des décharges ectopiques : il s’agit d’influx nerveux prenant naissance au niveau des fibres lésées, par prolifération anormale des canaux ioniques. Ainsi la dépolarisation de ces neurones est plus aisée, voire même spontanée, en l’absence de stimulus ; -la prolifération anormale des récepteurs adrénergiq ues α1, au niveau des fibres afférentes primaires nociceptives, les rend plus sensibles à la noradrénaline ; -l’atteinte des grosses fibres A β qui assurent normalement le « gate control » ; -les éphapses : il s’agit de connexions aberrantes entre les fibres au niveau des zones lésées du système nerveux ; c’est ce qui fait le lit des phénomènes d’allodynie ; -la neurochimie de la corne dorsale de la moëlle :elle passe par la stimulation des récepteurs NMDA, la sécrétion anormale de prostaglandines et de monoxyde d’azote ce qui aboutit au cercle vicieux de transmission nociceptive exagérée. -Facteurs ethiopathogéniques Une incision chirurgicale est à l’origine de lésion tissulaires et nerveuses, elles mêmes dues soit à une section de nerfs ou de fibres périphériques, soit à une compression, une constriction, soit à une ligature de fibres nerveuses par un fil de suture, soit à un étirement de filets nerveux par un écarteur lors de l’ouverture de l’espace, soit à une ischémie de type mécanique des fibres nerveuses enserrées dans le tissu cicatriciel. Au total, quels que soient les mécanismes en jeu à l’étage périphérique et médullaire, la

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résultante est un excès de douleur provenant de la périphérie, avec comme corollaire l’intrication de processus de sensibilisation centrale, de processus affectivo–émotionnels , neuroendocriniens, etc. La chronicité de la douleur peut s’associer avec le temps à des processus régionaux (algodystrophie) ou généraux (syndromes douloureux régionaux complexes), avec participation neurovégétative, hormonale et psychique.

AAASSSPPPEEECCCTTTSSS TTTHHHEEERRRAAAPPPEEEUUUTTTIIIQQQUUUEEESSS Les douleurs neuropathiques sont en règle générale réfractaires aux analgésiques usuels. Leur traitement repose pour l’essentiel sur l’utilisation de produits appartenant à d’autres classes pharmacologiques, notamment antidépresseurs et antiépileptiques, dont l’activité analgésique a été généralement mise en évidence de façon fortuite.(25) 1. Traitement préventif

Le traitement préventif doit être envisagé lorsque cela est possible : • le concept de « preemptiv analgésia » : utilisation de kétamine en per opératoire. (27) • les techniques chirurgicales les moins traumatisantes doivent être envisagées.

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• l’utilisation de Gapapentine en préopératoire pour limiter les phénomènes d’hyperalgésie post opératoire. (26)

• l’administration d’anesthésiques locaux et/ou d’adjuvants au site opératoire (infiltration des trous de trocart et instillation dans l’espace opéré).

2. Les traitements médicamenteux a. les antidépresseurs

Il est bien établi aujourd’hui que les antidépresseurs possèdent une activité antalgique indépendante de leur action thymoanaleptique. Cet effet est probablement médié en grande partie par un blocage de la recapture des monoamines, permettant de renforcer les contrôles inhibiteurs descendants même si d’autres mécanismes d’action ont été proposés (actions sur les récepteurs NMDA, sur les récepteurs opiacés, sur les canaux sodiques…). L’efficacité des différents tricycliques est considérée comme similaire, mais les inhibiteurs sélectifs de la noradrénaline tels que la désipramine et la nortriptyline présentent moins d’effets sédatifs. Du fait des nombreux effets indésirables induits, les tricycliques font souvent l’objet d’arrêts thérapeutiques. Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont mieux tolérés, mais ont un effet beaucoup plus modeste (paroxétine, citaprolam) ou sont inefficaces. Récemment, une efficacité de la venlafaxine, inhibiteur mixte de la noradrénaline et de la sérotonine, a été reconnue dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques. Ces substances pourraient constituer une alternative thérapeutique aux tricycliques en cas d’intolérance ou de contre-indication.

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b. les antiépileptiques (28)

Les antiépileptiques ont en commun leurs propriétés bloquantes des canaux sodiques, lesquels sont largement impliqués dans les phénomènes de décharges ectopiques cités précédemment. Ils ont également des propriétés d’antagonistes sur le récepteur NMDA et selon les molécules une action gabaergique . Ils sont considérés comme mieux tolérés que les antidépresseurs tricycliques et ont par conséquence tendance à les supplanter. En dehors du cas particulier de la névralgie du trijumeau, la carbamazépine et la phénytoïne n’ont fait l’objet que de très peu d’études contrôlées versus placebo dans le traitement des douleurs neuropathiques. Une étude a même trouvé des résultats négatifs concernant la phénytoïne.(29) Le clonazepam, est le traitement le plus prescrit dans les douleurs neuropathiques en France. Il possède par ailleurs des propriétés d’hypnotique et d’anxiolytique. Il n’a pas fait l’objet d’études contrôlées. Il possède comme principal effet indésirable une sédation, d’où une meilleure tolérance si il est prescrit le soir au coucher. La lamotrigine possède une action bloquante sur les canaux sodiques mais aussi un blocage de la libération de glutamate donc une action potentielle sur la sensibilisation centrale. Elle a fait la preuve de son efficacité dans le traitement de la neuropathie diabétique. Enfin, elle présente un risque rare mais grave de rash cutané qui peut être prévenu par une titration lente.

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La gabapentine, analogue cyclique du GABA, agit en bloquant la sous unité α2 des récepteurs calciques, donc elle réduit l’excitabilité neuronale par inhibition de la libération de Ca ++. Son efficacité a été confirmée sur la base d’études contrôlées, notamment dans la neuropathie du diabète, la douleur post-zostérienne et la douleur de membre fantôme. Les effets indésirables les plus fréquents sont la sédation et les vertiges que l’on rencontre aux changements de posologie.(30),(31),(32) L’oxcarbazépine, kétoanalogue de la carbamazépine est surtout utilisée dans la névralgie faciale, sur la base d’études indiquant une efficacité proche de la carbamazépine.

c. les antagonistes des récepteurs NMDA Nous disposons à l’heure actuelle, des molécules suivantes : la kétamine, le dextrométorphan, l’amantadine et la mémantine. Leur efficacité repose sur le fait qu’elles exercent un frein dans le développement des phénomènes de sensibilisation centrale. Plusieurs études contrôlées ont confirmé l’efficacité de la kétamine intraveineuse dans les douleurs neuropathiques. Elle présente néanmoins des effets indésirables tels que sédation voire même des hallucinations. Les trois autres antagonistes cités précédemment sont de très faible affinité et sont peu efficaces.

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d. les opioïdes Actuellement, il persiste une controverse sur l’utilisation des opioïdes dans les douleurs neuropathiques. Néanmoins, il faut garder à l’esprit qu’ils ne sont pas indiqués en première intention. Si leur prescription devient envisageable, elle doit être incluse dans une prise en charge globale, avec un patient qui soit totalement « acteur ». Enfin, l’efficacité du traitement ne doit pas uniquement reposé sur l’évaluation de l’intensité douloureuse mais sur le retentissement en termes d’humeur, de qualité du sommeil et de qualité de vie.

e. les anesthésiques locaux L’efficacité d’applications de topiques anesthésiques tels que la Lidocaïne a été démontrée dans la douleur post zostérienne. Elle est également indiquée sur les douleurs spontanées et l’allodynie mécanique. Ce traitement est en outre sans effets indésirables systémiques et son utilisation simple puisque une prise quotidienne suffit. Son utilisation en France, sous forme de patchs ou de compresses (NEURODOL*, LIDODERM*) se fait sous forme d’une autorisation transitoire d’utilisation ATU.(34) La crème EMLA* semble elle aussi intéressante sur la douleur et l’allodynie mécanique.(35) f. la capsaïcine (33)

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La capsaïcine – principe actif du capsicum -, est un amide extrait du paprika. Ses propriétés analgésiques via les récepteurs vallinoïdes VR1 s’explique par une action de déplétion en substance P des fibres C. Ce traitement s’applique localement et provoque initialement une sensation de brûlure qui tend à décroître lors des applications répétées. Son efficacité commence à se faire ressentir seulement après deux à quatre semaines et il est recommandé un traitement de six semaines, à raison de 4 applications par jour. Elle possède une AMM aux Etats-Unis pour le traitement de la douleur post-zostérienne (ZOSTRIX*) et peut être prescrite sous forme d’ATU.

3. Les traitements non médicamenteux

Plusieurs moyens non pharmacologiques peuvent être associés aux médicaments et avec une certaine efficacité. La neurostimulation transcutanée : TENS représente une technique de stimulation dite conservatrice par opposition aux techniques neurochirurgicales que nous verrons plus loin, son principe d’action repose sur le renforcement du « gate control » (mécanisme périphérique de modulation du message nociceptif : la stimulation des grosses fibres A diminuerait la transmission vers les centres supérieurs). Son intérêt principal réside dans sa facilité d’utilisation, permettant au patient de l’utiliser seul, à domicile. Néanmoins, la technique doit être parfaitement expliquée au malade lors de la première utilisation c'est-à-dire les différents programmes, ce que l’on peut en

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attendre, où positionner les électrodes (généralement sur le trajet du nerf du dermatome où se trouve la douleur mais aussi au pourtour de la zone douloureuse ou au niveau d’une zone gâchette). Les techniques de relaxation et de biofeedback peuvent avoir un réel intérêt. Elles sont basées sur le principe selon lequel l’individu est un ensemble somato-psychique, le physique et le psychisme étant indissociables. (36) La relaxation permet la diminution des réactions du système nerveux sympathique. Le biofeedback consiste à présenter à l’individu un signal sensoriel, très souvent visuel ou auditif qui change de manière proportionnelle à un processus biologique. Cela permet d’aboutir, par un conditionnement opérant à un contrôle des fonctions autonomes. On y associe souvent la relaxation. L’hypnose ou plutôt l’hypno-analgésie : L’analgésie provoquée par l’hypnose est désormais clairement démontrée. Les seuils de perception de la douleur sont augmentés. L’hypnose se compose de trois entités : -l’état hypnotique ; -la relation soignant-soigné qui est primordiale ; -les suggestions qui peuvent être directs ou indirectes selon les patients. Il s’agit d’une procédure psychophysiologique complexe qui n’est pas uniquement explicable par une activation des secrétions d’endorphines. Il y a probablement des contrôles inhibiteurs spinaux qui permettent la diminution des stimuli douloureux. Les mots et les émotions exercent une action sur le corps. Le thérapeute exploite donc sous hypnose la capacité de son patient à se dessaisir de

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processus cognitifs fragilisants, à se séparer de comportements obsessionnels ou à y substituer d’autres plus valorisants. Nous pourrions encore citer bien d’autres techniques : l’acupuncture, la sophrologie, le yoga… 4. Le traitement neurochirurgical des douleurs neu ropathiques (37) La neurochirurgie peut être utilisée pour les douleurs sévères des neuropathies rebelles aux traitements médicamenteux. La chirurgie conservatrice : La stimulation médullaire et la stimulation corticale sont les plus utilisées actuellement. Leurs indications sont de plus en plus précises et devraient s’étendre à l’ensemble des douleurs neuropathiques périphériques. Le principe repose sur un renforcement des contrôles inhibiteurs descendants. La chirurgie ablative : Ses indications se sont nettement réduites dans le traitement des douleurs non cancéreuses. Seule la DREZTOMIE est encore pratiquée notamment dans les douleurs d’avulsion du plexus brachial.

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