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Douleurs, 2004, 5, 4 195 VOTRE PRATIQUE Douleur pelvienne et neuropathie héréditaire sensible à la pression Florentin Clère (photo), Vincent Soriot, Bruno Veys, La neuropathie héréditaire sensible à la pression (HNPP) est une maladie génétique, autosomique dominante, à l’origine d’atteintes tronculaires au niveau des défilés anatomiques, régressives mais récidivantes [1, 2]. Même si les atteintes les plus fréquen- tes concernent les régions distales des 4 membres, la région pelvienne ne doit pas être oubliée, bien que n’ayant très rarement été décrite. Une HNPP a été mise en évidence en 1999 chez M.C., 40 ans, devant des anté- cédents d’atteintes régressives des SPE en 1985 (bilan étiologique non réalisé à l’époque) et du nerf cubital gauche en 1998. Le diagnostic, évoqué par les résul- tats d’une biopsie neuromusculaire, a été confirmé par la mise en évidence de l’anomalie génétique spécifique. C’est en 2001 que ce patient développe des dou- leurs abdominales basses et inguino-scro- tales droites, évoluant sur un mode paroxystique, à type de picotements, avec cependant un fond douloureux à type de brûlure. La topographie de la symptomatologie douloureuse fait évoquer une atteinte des nerfs abdomino-génitaux droits, le bilan neurophysiologique restant difficile à inter- préter dans cette région. Un scanner abdomino-pelvien a permis d’éliminer une irritation des premières racines lom- baires et une masse compressive pelvienne. Les traitements médicamenteux (clonazepam, gabapentine) n’ont apporté qu’un soulagement très partiel ; seule la neurostimulation trans-cutanée (NSTC) à visée neurotrope (fréquence élevée, intensité faible) a permis une amélioration très significative de la symptomatologie douloureuse. L’évolution a été lente- ment favorable en 6 mois, avec abandon progressif de la NSTC, ce qui confirme l’évolution classiquement régressive de l’atteinte nerveuse liée à la HNPP. Une atteinte nerveuse tronculaire dans la région pel- vienne chez un sujet porteur d’une HNPP est très rare- ment décrite dans la littérature (l’atteinte des nerfs abdomino-génitaux n’ayant fait l’objet d’aucune publica- tion), les nerfs sciatique poplité externe, cubital et médian étant les plus fréquemment touchés, respective- ment au niveau de la tête fibulaire, de la gouttière épitro- chléenne et du canal carpien [1, 2]. La biopsie neuromusculaire est dans ce cadre relativement typique, objectivant une démyélinisation segmentaire et surtout des renflements myéliniques internodaux « en saucisses » ou tomaculaires (d’où l’autre nom de cette maladie : neuropathie tomacu- laire) [1, 2]. Le bilan neurophysiologi- que retrouve alors une polyneuropathie axonale démyélinisante diffuse des 4 membres, avec allongement des laten- ces distales motrices et ralentissement des vitesses de conduction sensitives et motrices au niveau des défilés anatomi- ques [2]. Cependant le diagnostic posi- tif de certitude repose sur la mise en évidence d’une anomalie chromosomique sur le chromosome 17, au niveau du gène codant pour la pro- téine PMP22, dans la région 17p11.2. Cette délétion est pathognomonique, retrouvée dans 84 % des cas d’une étude européenne à grande échelle [3]. La prise en charge thérapeutique est principalement préventive, basée sur des conseils d’hygiène posturale. Si les troubles cliniques et neurophysiologiques avérés sont dans la plu- part des cas régressifs, le recours aux thérapeutiques à visée neurotrope peut, comme dans notre observation, s’avérer nécessaire, surtout dans des localisations atypi- ques telles que la région pelvienne, qui favorise les com- pressions nerveuses prolongées. RÉFÉRENCES 1. Pou Serradell A, Monells J, Tellez MJ et al. Hereditary neuropathy with lia- bility to pressure palsies: study of six Spanish families. Rev Neurol 2002;158:579-88. 2. Mouton P, Tardieu S, Gouider R et al. Spectrum of clinical and electrophy- siological features in HNPP patients with the 17p11.2 deletion. Neurology 1999;52:1440-6. 3. Nelis E, van Broeckhoven C, de Jonghe P et al. Estimation of the mutation frequencies in Charcot-Marie-Tooth disease type 1 and hereditary neuro- pathy with liability to pressure palsies. A European collaboration study. Eur J Hum Genet 1996;4:25-33. Unité d’Évaluation et de Traitement de la Douleur, Établissements Helio Marin, Groupe Hopale, Berck-sur-Mer. La HNPP est une maladie génétique, autosomique dominante. La prise en charge thérapeutique est principalement préventive, basée sur des conseils d’hygiène posturale.

Douleur pelvienne et neuropathie héréditaire sensible à la pression

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Page 1: Douleur pelvienne et neuropathie héréditaire sensible à la pression

Douleurs, 2004, 5, 4

195

V O T R E P R A T I Q U E

Douleur pelvienne et neuropathie héréditaire sensible à la pression

Florentin Clère (photo), Vincent Soriot, Bruno Veys,

La neuropathie héréditaire sensible àla pression (HNPP) est une maladiegénétique, autosomique dominante, àl’origine d’atteintes tronculaires auniveau des défilés anatomiques,régressives mais récidivantes [1, 2].Même si les atteintes les plus fréquen-tes concernent les régions distalesdes 4 membres, la région pelvienne

ne doit pas être oubliée, bien que n’ayant très rarement étédécrite.Une HNPP a été mise en évidence en1999 chez M.C., 40 ans, devant des anté-cédents d’atteintes régressives des SPEen 1985 (bilan étiologique non réalisé àl’époque) et du nerf cubital gauche en1998. Le diagnostic, évoqué par les résul-tats d’une biopsie neuromusculaire, a étéconfirmé par la mise en évidence del’anomalie génétique spécifique. C’est en2001 que ce patient développe des dou-leurs abdominales basses et inguino-scro-tales droites, évoluant sur un mode paroxystique, à type depicotements, avec cependant un fond douloureux à type debrûlure. La topographie de la symptomatologie douloureusefait évoquer une atteinte des nerfs abdomino-génitauxdroits, le bilan neurophysiologique restant difficile à inter-préter dans cette région. Un scanner abdomino-pelvien apermis d’éliminer une irritation des premières racines lom-baires et une masse compressive pelvienne. Les traitementsmédicamenteux (clonazepam, gabapentine) n’ont apportéqu’un soulagement très partiel ; seule la neurostimulationtrans-cutanée (NSTC) à visée neurotrope (fréquence élevée,intensité faible) a permis une amélioration très significativede la symptomatologie douloureuse. L’évolution a été lente-ment favorable en 6 mois, avec abandon progressif de laNSTC, ce qui confirme l’évolution classiquement régressivede l’atteinte nerveuse liée à la HNPP.

Une atteinte nerveuse tronculaire dans la région pel-vienne chez un sujet porteur d’une HNPP est très rare-ment décrite dans la littérature (l’atteinte des nerfsabdomino-génitaux n’ayant fait l’objet d’aucune publica-tion), les nerfs sciatique poplité externe, cubital etmédian étant les plus fréquemment touchés, respective-ment au niveau de la tête fibulaire, de la gouttière épitro-chléenne et du canal carpien [1, 2]. La biopsieneuromusculaire est dans ce cadre relativement typique,objectivant une démyélinisation segmentaire et surtoutdes renflements myéliniques internodaux « en saucisses »

ou tomaculaires (d’où l’autre nom decette maladie : neuropathie tomacu-laire) [1, 2]. Le bilan neurophysiologi-que retrouve alors une polyneuropathieaxonale démyélinisante diffuse des4 membres, avec allongement des laten-ces distales motrices et ralentissementdes vitesses de conduction sensitives etmotrices au niveau des défilés anatomi-ques [2]. Cependant le diagnostic posi-tif de certitude repose sur la mise en

évidence d’une anomalie chromosomique sur lechromosome 17, au niveau du gène codant pour la pro-téine PMP22, dans la région 17p11.2. Cette délétion estpathognomonique, retrouvée dans 84 % des cas d’uneétude européenne à grande échelle [3]. La prise encharge thérapeutique est principalement préventive,basée sur des conseils d’hygiène posturale. Si les troublescliniques et neurophysiologiques avérés sont dans la plu-part des cas régressifs, le recours aux thérapeutiques àvisée neurotrope peut, comme dans notre observation,s’avérer nécessaire, surtout dans des localisations atypi-ques telles que la région pelvienne, qui favorise les com-pressions nerveuses prolongées.

RÉFÉRENCES

1.

Pou Serradell A, Monells J, Tellez MJ et al. Hereditary neuropathy with lia-bility to pressure palsies: study of six Spanish families. Rev Neurol2002;158:579-88.

2.

Mouton P, Tardieu S, Gouider R et al. Spectrum of clinical and electrophy-siological features in HNPP patients with the 17p11.2 deletion. Neurology1999;52:1440-6.

3.

Nelis E, van Broeckhoven C, de Jonghe P et al. Estimation of the mutationfrequencies in Charcot-Marie-Tooth disease type 1 and hereditary neuro-pathy with liability to pressure palsies. A European collaboration study.Eur J Hum Genet 1996;4:25-33.

Unité d’Évaluation et de Traitement de la Douleur,Établissements Helio Marin, Groupe Hopale, Berck-sur-Mer.

La HNPP est une maladie génétique, autosomique dominante.

La prise en charge thérapeutique

est principalement préventive,

basée sur des conseils d’hygiène posturale.

Page 2: Douleur pelvienne et neuropathie héréditaire sensible à la pression

Douleurs, 2004, 5, 4

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Résumé

Nous rapportons le cas d’un patient de 40 ans, porteur d’une neu-ropathie héréditaire sensible à la pression, qui a développé des dou-leurs pelviennes et inguino-scrotales. Si les atteintes nerveuses decette pathologie prédominent au niveau des membres, la régionpelvienne est également riche en défilés anatomiques, qui peuventêtre à l’origine de compressions prolongées. Il faut alors savoir évo-quer le diagnostic de douleurs neuropathiques et adapter la priseen charge thérapeutique.

Mots-clés :

HNPP, neuropathie tomaculaire, douleurs pelviennes.

Summary: Pelvic pain and hereditary neuropathywith liability to pressure palsies (HNPP)

We report the case of a 40-year-old patient with hereditary neur-opathy with liability to pressure palsies (HNPP) who developedpelvic pain. In HNPP, nerve lesions generally prevail in the armsand legs, but the pelvic area is also rich in anatomic tunnelswhich can become involved in prolonged compression. Caremust be taken to evoke the diagnosis of neuropathic pain andadapt therapeutic management.

Key-words:

HNPP, tomaculous neuropathy, pelvic pain.

Tirés à part : F. CLÈRE,543, route de Berck,

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