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DROIT FISCAL INTERNATIONAL

Droit Fiscal Internationaldata.over-blog-kiwi.com/0/71/26/43/201311/ob_0927ec_malherbej-dr… · Cfr G. Joseph,L.Hinnekens,J.Mal-herbe,J.van Hoorn Jr., Het Belgisch internationaal

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  • DROIT

    FISCAL INTERNATIONAL

  • Précis de la Faculté de Droitde l’Université Catholique de Louvain

    DROIT FISCALINTERNATIONAL

    IMPÔTS SUR LES REVENUS

    THÉORIE GÉNÉRALEDROIT BELGE

    ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

    par

    Jacques MALHERBEProfesseur à l’Université

    catholique de LouvainAvocat

    au barreau de Bruxelles

    Maison LARCIER, s.a.39, rue des Minimes

    1000 BRUXELLES1994

  • D/1994/0031/42

    ISBN du présent ouvrage : 2-8044-0128-6ISBN de la collection « Précis de la Faculté de droit de l’U.C.L. » : 2-8044-0012-3

    ! Maison LARCIER, s.a., Bruxelles, 1994

    Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation, même partielles, sousquelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.

    Ed. resp. : D. Vercruysse, adm. dél., dir. gén.,rue des Minimes 39, 1000 Bruxelles.

  • Les revenus de l’Etat sont uneportion que chaque citoyen donne

    de son bien pour avoir la sûretéde l’autre.

    Montesquieu , De l’Esprit des lois.

  • AVANT-PROPOS

    Ce livre est né de l’enseignement. Il est donc le fruit d’un dialogueavec des générations d’étudiants que je tiens à remercier pour leurpatience, leurs remarques et leurs encouragements : étudiants de l’Uni-versité catholique de Louvain pour les droits belge et européen, étu-diants des Universités de Paris I (Panthéon-Sorbonne), de Paris XII(Saint-Maur), de l’Université de Bourgogne et de l’École supérieuredes sciences fiscales (ICHEC, Bruxelles) pour le droit comparé, étu-diants des Facultés d’Anvers et de la Vlaamse Economische Hoge-school.

    Remonter dans le passé, c’est me rappeler avec reconnaissance ceuxqui m’ont introduit au droit fiscal. Mes parents, Maurice et NadineMalherbe, pratiquant respectivement le droit civil et l’histoire ancienne,m’ont signalé l’ésotérisme attirant de cette discipline alors peu popu-laire. Mes patrons, John Maes et les bâtonniers Henri et LucienSimont, ont guidé un stagiaire et collaborateur. Paul Sibille, à l’Écolesupérieure des sciences fiscales, le doyen Pierre Coppens, qui m’accueil-lit à Louvain comme son assistant, Marc Baltus, au Journal de droitfiscal, et, en France, Gilbert Tixier, Maurice Cozian, Guy Gest, Jean-Pierre Casimir et Bernard Castagnède m’ont aidé tout au long de laroute universitaire.

    L’enseignement de Paul Coart-Frésart à Louvain, d’Oliver O. Old-man, d’Erwin N. Griswold et de Stanley S. Surrey à Harvard m’a laisséle plus stimulant des souvenirs.

    Leonard L. Silverstein et les membres du Tax Management Interna-tional Forum ont animé une recherche comparative permanente.

    Isabelle Heenen, ma femme, m’a aidé dans la première rédaction deces textes et Philippe Malherbe, mon frère, partage depuis des annéesl’enseignement et la recherche qui en furent la base à l’École supérieuredes sciences fiscales.

    Christine Schotte, Olivier Bertin et Olivier Van Herstraeten, assis-tants à l’UCL, ont corrigé et amélioré les épreuves. Isabelle VanCleemput a vérifié la bibliographie.

  • Viviane Taymans et Danielle Rykers ont revu avec équanimité desdactylographies successives.

    Les erreurs et les imperfections sont ma seule responsabilité. L’évolu-tion annuelle de la législation et les observations des lecteurs m’offrirontsans doute l’occasion de les corriger.

    Les notes renvoient au Code des impôts sur les revenus de 1992 età l’arrêté royal d’exécution du Code de 1992. Le commentaire adminis-tratif cité se réfère encore aux articles du Code ancien. Les exemplesne tiennent pas compte de la contribution complémentaire de crise ajou-tant trois centimes additionnels aux impôts et précomptes belges.

    Jacques Malherbe

    avant-propos8

  • INTRODUCTION

  • Si le droit fiscal est l’ensemble des règles de droit en vertu des-quelles un Etat prélève des impôts, c’est-à-dire impose des contribu-tions qui ne sont pas la rémunération d’une prestation déterminée, ledroit fiscal international présente un rapport renforcé avec le conceptde souveraineté nationale s’exerçant sur un territoire (1).

    Les situations génératrices de la dette d’impôt présenteront souventun aspect d’extranéité. Les Etats pourront ignorer celle-ci et préleverl’impôt. Ils réaliseront souvent qu’ils ont avantage à limiter cette per-ception, soit unilatéralement, souvent à charge de réciprocité, soitconventionnellement, en vertu de traités bilatéraux, voire multilaté-raux.

    Le droit fiscal international sera donc, au premier chef, l’ensembledes règles de droit interne ou international régissant la perception del’impôt en rapport avec des faits générateurs comportant au moins unélément d’extranéité. Dans une perspective plus large, voire compara-tiste, le droit fiscal international sera l’étude des techniques juridiquesappliquées à l’imposition de situations transfrontalières (2).

    Il s’agit là d’une problématique essentielle, notamment pour l’amé-nagement des systèmes d’imposition des sociétés dans une perspectived’efficacité et d’élimination des distorsions (3).

    La source — loi interne ou traité international — importera peu,puisque les sources de droit proprement internationales n’ont d’effetdans les systèmes étatiques que par la réception de la règle internatio-nale en droit positif interne.

    En revanche, certaines règles supranationales peuvent avoir uneffet direct en droit interne (4).

    (1) Pour une vision politique : Ruding , « Fiscal Sovereignty in the Internal Mar-ket », Intertax, 1991, p. 249.

    (2) Rép. intern., vo « Impôts », p. 138, no 5. Cfr G. Joseph, L. Hinnekens , J. Mal-herbe, J. van Hoorn Jr., Het Belgisch internationaal belastingrecht in ontwikkeling.Nieuwe wegen voor het Belgisch internationaal belastingrecht ?, 1993, spéc. L. Hinne-kens, « De territorialiteit van de inkomstenbelastingen op nieuwe wegen en grondsla-gen », pp. 3 et s.

    (3) Voy. O.C.D.E., L’imposition des bénéfices dans une économie globale, Questionsnationales et internationales, Paris, 1991.

    (4) Sur la théorie de l’effet direct, voy. not. C.J.C.E., 4 décembre 1974, aff. no 41/74, Rec., 1974, p. 1337.

  • CHAPITRE PREMIER. — DOUBLE IMPOSITION

    Section 1. — Définitions

    L’État qui a instauré un système d’impôts sur les revenus estconfronté à un double problème fiscal naissant des relations interna-tionales des contribuables.

    Il doit définir l’étendue de sa juridiction fiscale.

    1. — Imposera-t-il les personnes domiciliées sur son territoire etles entreprises qui y ont leur siège sur leur revenu mondial, de sourcenationale et étrangère, ou se bornera-t-il à les imposer sur les revenustrouvant leur source dans le pays, laissant l’imposition des revenusétrangers aux pays où ces revenus sont nés ?

    2. — Imposera-t-il les personnes et les entreprises non résidentessur les revenus qui trouvent leur source dans le pays ?

    Dans les deux cas, il faudra définir :

    — la résidence des contribuables ;— la source des revenus.

    Très normalement, un État imposera ses résidents sur leur revenumondial et les non-résidents sur le revenu qui trouve sa source dansle pays.

    Cette imposition, pratiquée par plusieurs États, peut engendrer unedouble imposition juridique internationale : la même personne seraimposée sur le même revenu dans l’État de sa résidence et dans l’Étatde la source du revenu.

    Il y aura encore double imposition :

    — si deux États définissent différemment le critère d’assujettissementglobal à l’impôt, résidence ou nationalité : une même personnesera, par exemple, considérée comme résidente par deux États ;

    — si deux États définissent différemment le critère d’assujettissementréel à l’impôt, à savoir la source du revenu.

    La double imposition juridique doit être distinguée de la doubleimposition économique, par laquelle un même revenu est imposé àcharge de deux sujets de droit différents : le bénéfice d’une société est,

  • par exemple, imposé d’abord dans le chef de celle-ci, puis à chargede l’actionnaire lorsqu’il lui est distribué.

    La double imposition, nuisible aux relations économiques interna-tionales, peut être éliminée unilatéralement par chaque État quiprend, à cette fin, les mesures appropriées.

    Elle peut également être éliminée par des traités bilatéraux ou mul-tilatéraux.

    Section 2. — Méthodes de préventionde la double imposition

    Deux méthodes permettent à un État, unilatéralement (1) ou partraité, d’éviter la double imposition du premier type envisagé.

    1. Exemption

    Un État renonce à imposer certains types de revenus.

    L’État de la résidence n’impose pas certains revenus de sourceétrangère, voire même renonce à imposer tous les revenus de sourceétrangère : il applique, dans ce dernier cas, la taxation selon le prin-cipe de la source ou de la territorialité des revenus.

    L’État de la source d’un revenu renonce à l’imposer.

    Appliquée par l’État de la résidence, la méthode de l’exemptionrevêt deux formes.

    Lorsqu’il pratique l’exemption intégrale, l’État de la résidencenéglige complètement le revenu étranger exempté et n’établit l’impôtque sur les autres revenus du contribuable.

    Lorsqu’il pratique l’exemption avec réserve de progressivité, ilprend le revenu exempté en considération pour déterminer le tauxprogressif d’impôt applicable aux revenus non exemptés.

    2. Imputation

    L’État de la résidence permet à ses contribuables d’imputer surl’impôt national l’impôt supporté à l’étranger sur leurs revenus desource étrangère.

    droit fiscal international14

    (1) Voy. Juch, Rapport général, XXXVe Congrès international de droit financier etfiscal, Berlin, 1981, « Les mesures unilatérales pour éviter la double imposition », Cah.dr. fisc. int., 1981, vol. LXVIb, p. 47.

  • L’imputation intégrale permet la déduction de l’impôt national dela totalité de l’impôt étranger.

    L’imputation limitée ou ordinaire ne permet la déduction de l’im-pôt étranger que dans la mesure où il ne dépasse pas le montant del’impôt national afférent au revenu étranger.

    introduction 15

  • CHAPITRE II. — L’ÉVASION FISCALEINTERNATIONALE

    La diversité des règles et le cloisonnement des systèmes nationauxpermettent aux plus habiles ou aux moins honnêtes de se placer dansune situation de double non-imposition.

    Le concept d’évasion fiscale (tax avoidance) vise les hypothèses derecherche de la voie la moins imposée par une utilisation anormaleou excessivement habile des définitions légales et de leurs lacunes.Certes, l’évasion fiscale se retrouve en droit interne, le législateur fis-cal semblant ouvrir des échappatoires, presque intentionnellement.Mais elle est grandement facilitée par l’existence des frontières.

    L’évasion se distingue de la fraude fiscale (tax evasion) qui, consti-tutive d’un délit, comportera, outre l’élément matériel, un élémentintentionnel défini par la loi (dol général ou dol spécial).

    Elle se distingue aussi — mais malaisément — de la simple straté-gie fiscale (tax planning), qui consiste dans la recherche admissible dela voie la moins imposée (1).

    L’évasion fiscale internationale est indissolublement liée à l’exis-tence de paradis fiscaux (tax havens ou Steueroasen), pays territoriale-ment exigus, politiquement stables et offrant des services bancaires etfinanciers aussi sophistiqués que discrets. Les « enfers fiscaux » susci-tent ou entretiennent ces paradis, comme à dessein, souvent dans leurpropre zone monétaire (2).

    (1) Voy. Kirkpatrick , « La liberté de la voie la moins imposée à la lumière de lajurisprudence récente », in L’entreprise et le choix de la voie la moins imposée en droitfiscal belge, 1988, p. 13 ; Saunders, « Principles of International Tax Planning », TaxPlanning International Review, 1991, no 12, p. 22.

    (2) Pour une approche pratique et corrosive, voy. Chambost, Guide des paradis fis-caux face à 1992, 1990-1991. Cfr. aussi Gordon, Tax Havens and their Use by UnitedStates Taxpayers — An Overview. A Report to the Commissioner of Internal Revenue,the Assistant Attorney General (Tax Division), and the Assistant Secretary of the Trea-sury (Tax Policy), 12 janvier 1981 ; Calderwood, « International : Tax Havens :Concept, Magnitude of Problems and Methods Used », Eur. Tax., 1988, p. 330 ;Valenduc, « Tax Havens and Fiscal Degradation in the European Community », E.C.Tax Review, 1994, p. 20.

  • Le droit fiscal international s’efforce de lutter contre l’évasion et lafraude fiscales, soit par des mesures unilatérales édictées par les États,soit par la voie de la coopération bilatérale ou multilatérale entreÉtats.

    introduction 17

  • CHAPITRE III. — TRAITÉS

    Lorsque deux pays, non contents de prendre des mesures unilaté-rales pour éviter la double imposition, concluent une convention fis-cale dans ce but, l’adoption d’un instrument international permetd’abord d’assurer, mieux que par le droit interne, l’élimination de ladouble imposition entre État de la résidence et État de la source.

    Les États décideront en effet conventionnellement :— de partager entre eux la matière imposable, certains éléments du

    revenu n’étant taxables que dans l’un des deux pays ;— d’adopter, pour les éléments qui peuvent être imposés dans les

    deux pays, une méthode de prévention de la double imposition.Le contribuable sera ainsi protégé contre les variations ou l’asymé-

    trie des législations internes.En outre, le traité permettra l’édiction des définitions communes.

    Ainsi, en définissant la notion de résidence ou la source de certainsrevenus, il évitera les deux occasions supplémentaires de doubleimposition évoquées ci-dessus :— la double résidence ;— la localisation de la source d’un revenu dans deux pays.

    Les traités ne s’appliquent qu’aux impôts qu’ils énumèrent. Ainsi,aux États-Unis, les traités ne couvrent que les impôts fédéraux et nonceux des États de l’Union (1).

    Unitary taxation

    Certains États de l’Union, tels la Californie, ont recouru, pourimposer les sociétés ayant une activité sur leur territoire, à l’applica-tion, non de la méthode directe, basée sur le bénéfice de l’établisse-ment local, mais de la méthode proportionnelle : on impose une frac-tion du bénéfice global de l’entreprise, proportionnelle au chiffre d’af-faires, aux actifs et aux rémunérations localisés dans l’État.

    De plus, le bénéfice global comprend, dans le cas d’un groupe, lebénéfice de toutes les filiales engagées dans la même activité, même

    (1) Lazerow, « U.S. Taxes Covered by Income Tax Treaties », International TaxJournal, vol. 14, 1987-1988, pp. 253 et 363.

  • étrangères (integrated economic unit). La Californie a cependantrécemment permis aux entreprises d’opter pour la limitation de l’as-siette aux entités ayant une activité aux États-Unis (water’s edge) (1).

    Section 1. — Historique

    § 1er. — SDN

    Dès 1921, la Société des Nations, consciente des problèmes poséspar la double imposition internationale, avait suscité des travaux des-tinés à y remédier. Ces travaux, poursuivis après 1929 par un Comitéfiscal permanent, aboutirent à la rédaction de modèles de conventionsfiscales bilatérales (modèles de Mexico, arrêtés en 1943, revus àLondres en 1946).

    § 2. — OCDE

    Créé en 1956, le Comité fiscal de l’Organisation européenne decoopération économique (OECE), devenue en 1961, l’Organisation decoopération et de développement économique (OCDE), établit en1963 un premier projet de convention tendant à éviter les doublesimpositions en matière d’impôt sur le revenu et la fortune.

    Le Comité, devenu en 1971 Comité des affaires fiscales, entreprit,en 1967, la révision de ce projet et aboutit en 1977 à la rédaction d’unnouveau modèle de convention de double imposition concernant lerevenu et la fortune, modifié en 1992 (2).

    § 3. — ONU

    Ces modèles, s’ils étaient adaptés aux relations entre pays indus-triels, convenaient moins bien, à certains égards, aux rapports entre

    introduction 19

    (1) Leegstra, Eager et Stolte, « The California Water’s-Edge Election », Interna-tional Tax Journal, vol. 14, 1987-1988, p. 101 ; Plant, Miller et Crawford, « UnitedStates : California Unitary Taxation and Water’s-Edge Election », Eur. Tax., 1989,p. 211 ; Burgner, « United States : International aspects of state and local taxation »,B.I.F.D., 1990, p. 112.

    (2) Hund , « Towards a revised OECD-model tax treaty ? », Intertax, 1989, p. 212 ;Lüthi, « The revision of the 1977 OECD model convention — An overview », Inter-tax, 1992, p. 653 ; Messere , « The 1992 OECD Model Treaty : The Precursors andSuccessors of the New OECD Model Tax Convention on Income and Capital », Eur.Tax., 1993, p. 246.

  • pays développés et pays en développement (1). L’État de la sourcerenonçait fréquemment à son droit d’imposition ou le limitait à unefaible retenue. Or, les transferts de revenus entre pays en développe-ment et États industriels ne sont généralement pas équilibrés par laréciprocité qu’entraînent des activités économiques comparables. Ilssont unilatéraux, allant des pays en développement vers les paysexportateurs de capitaux.

    Pour encourager la conclusion de conventions fiscales entre pays endéveloppement et pays développés, le Conseil économique et social del’Organisation des Nations unies a, en 1967, prié le Secrétaire généralde constituer un groupe de travail spécial.

    Le Groupe spécial d’experts des conventions fiscales entre paysdéveloppés et pays en voie de développement, créé en 1968, a, en1974, adopté avec son huitième rapport un modèle de convention desNations unies concernant les doubles impositions entre pays déve-loppés et pays en développement.

    § 4. — Modèles nationaux

    En outre, les États-Unis ont développé leur propre Traité modèle(1981), actuellement retiré pour révision. Les Pays-Bas ont fait demême (2).

    La mondialisation de la fiscalité est reflétée dans un audacieux pro-jet de code fiscal mondial, destiné aux pays en développement, ycompris les pays de l’Est, récemment publié (3) et critiqué (4).

    § 5. — CEE

    Le Traité instituant les Communautés économiques européennescontient également des dispositions fiscales.

    droit fiscal international20

    (1) Tomsett, « Tax Treaties Between Developing Countries of Asia and NorthAmerica, Europe, Japan and Australia », Tax Planning International Review, 1985,vol. 12, no 3, p. 9 ; Dornelles , « The Relevance of Double Taxation Treaties forDeveloping Countries », B.I.F.D., 1989, p. 383.

    (2) Van Raad , « The Netherlands model income tax treaty », Intertax, 1988, p. 241.(3) Hussey et Lubik, Basic World Taxe Code and Commentary, Tax Notes Interna-

    tional, 1992, p. 1191.(4) Edgar, The Tax Treatment of Interest under the Basic World Tax Code, Tax

    Notes International, 1993, p. 347. Pour des vues prospectives, cfr Williams, Trends inInternational Taxation, 1991 ; Gammie et Robinson (ed.), Beyond 1992 : A EuropeanTax System, Proceedings of the fourth IFS Residential Conference, Oxford, 1989.

  • Alors que l’harmonisation des impôts indirects a déjà abouti à cer-taines réalisations concrètes, l’harmonisation des impôts directsn’avait été envisagée par le Traité instituant la Communauté écono-mique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, que de manièreaccessoire.

    Seul l’article 220 du Traité envisage l’élimination de la doubleimposition à l’intérieur de la Communauté. Il laisse cependant auxÉtats membres le soin d’engager entre eux des négociations à cettefin.

    La Commission a toutefois élaboré différentes propositions dedirectives en matière d’harmonisation des impôts directs (1).

    Elle s’était alors fondée sur l’article 100 du Traité, non spécifique-ment fiscal, prévoyant le rapprochement des dispositions législatives,réglementaires et administratives des États membres qui ont une inci-dence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marchécommun.

    Conformément à cet article, les directives doivent être prises àl’unanimité par le Conseil sur proposition de la Commission et aprèsque le Parlement européen et le Comité économique et social aient étéconsultés.

    Les orientations de la Commission ont évolué.L’action de la Commission en matière d’harmonisation des impôts

    directs s’est concrétisée par l’élaboration de propositions de directivesconcernant les domaines suivants :— régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions et apports

    d’actifs intervenant entre sociétés d’États membres différents ;— régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales

    d’États membres différents ;— statut des sociétés anonymes européennes ;— harmonisation des systèmes d’impôt des sociétés et des régimes de

    retenue à la source sur les dividendes ;

    introduction 21

    (1) Thilmany, L’harmonisation des législations des États membres de la C.E.E. enmatières d’impôts directs, R.P.S., 1981, p. 173 ; Scrivener, « European Communities :Harmonization of Tax Law within the Community », Eur. Tax., 1990, p. 355 ; Hamae-kers, « The EC on the Brink of Full Corporate Tax Harmonization ? », Eur. Tax.,1992, p. 102 ; Timmermans, « Harmonization of corporate tax within the EC », Inter-tax, 1992, p. 21 ; Ruding , « Harmonization of Company Taxation in Europe », E.C.Tax Review, 1992, p. 68 ; Vanistendael, « Some basic problems on the road to taxharmonization », Eur. Tax., 1993, p. 22 ; Mavraganis , « EC, Corporate Income TaxHarmonization in the Nineties », B.I.F.D., 1993, p. 220 ; Sass, « Harmonization ofCorporation Tax Systems in the EC », E.C. Tax Review, 1993, p. 77.

  • — élimination des doubles impositions dans le cas de correction desbénéfices entre entreprises associées ;

    — assistance mutuelle des autorités compétentes des États membresdans le domaine des impôts directs ;

    — harmonisation des dispositions relatives à l’imposition des revenusen relation avec la libre circulation des travailleurs à l’intérieur dela Communauté ;

    — harmonisation des législations des États membres relatives aurégime fiscal du report des pertes des entreprises ;

    — régime fiscal du groupement européen d’intérêt économique ;— harmonisation des règles déterminant le bénéfice imposable des

    entreprises (1).La Commission considère toujours que toute forme d’imposition

    des entreprises est susceptible d’entraîner des distorsions économiquesparce qu’elle peut donner lieu à des décisions relatives à la localisa-tion, à la nature et au financement des investissements qui n’auraientpas été prises en d’autres circonstances.

    Par conséquent, pour assurer une neutralité fiscale complète, uneharmonisation totale des régimes nationaux d’imposition des entre-prises devrait être envisagée.

    Toutefois, la Commission souhaite aujourd’hui se montrer réservéesur cette harmonisation et laisser les États membres libres de détermi-ner leurs régimes d’imposition, sauf si ceux-ci entraînent des distor-sions importantes.

    Elle a donc renoncé à son projet d’établir un impôt uniforme dessociétés à l’intérieur des frontières européennes.

    Entre-temps, elle a pris des mesures fiscales destinées à résoudre lesproblèmes fiscaux liés à l’achèvement du marché intérieur prévu pour1993 (2).

    droit fiscal international22

    (1) Cette proposition est demeurée officieuse. Kuiper , « European Communities :EC Commission Proposes a Directive on the Harmonization of Rules for the Determi-nation of Taxable Profits of Enterprises », Eur. Tax., 1988, p. 319.

    (2) van Thiel, Ratträ et Meër , « European Communities : Corporate IncomeTaxation and the Internal Market without Frontiers : Adoption of the Merger andParent-Subsidiary Directives », Eur. Tax., 1990, p. 326 ; Langbein et Rosenbloom ,« The direct investment tax initiatives of the European Community : a view from theUnited States », Intertax, 1990, p. 452 ; Cazieux, « Les récents développements dudroit fiscal communautaire — État d’avancement des propositions fiscales en vue del’achèvement du grand marché intérieur », Fiscalité européenne Revue, 1989, no 2, p. 3 ;Burgio, « Une avancée importante du droit fiscal européen : les textes adoptés et pro-posés en matière de fiscalité des entreprises en 1990 », Fiscalité européenne Revue, 1990,no 4, p. 3 ; Fox , « European Community Tax Directives », International Tax Journal,

  • Les directives adoptées ont été mises en vigueur dans la plupart desÉtats membres (1) et de nouvelles propositions sont formulées (2).

    La collaboration fiscale avec les pays de l’Est a notamment donnénaissance à un projet complet de code fiscal, œuvre du professeurJoachim Lang, qui représente en soi un effort d’harmonisation poten-tielle (3)

    Section 2. — Rapports entre traitéset droit interne

    Hiérarchie des normes

    La question de la hiérarchie des normes entre traités et droitinterne est classique en droit constitutionnel et international (4). Lespays anglo-saxons adoptent généralement une conception dualiste,dans laquelle les traités sont considérés comme régissant les relationsentre États et n’appartiennent pas comme tels à l’ordre juridiqueinterne. Ils y sont introduits par une loi qui n’est pas d’un rang supé-rieur à celui des autres dispositions législatives. Une loi postérieurepeut donc y déroger même si l’État, ce faisant, viole ses obligationsinternationales.

    Certains droits nuancent cette doctrine en faisant du traité une loispéciale, à laquelle les lois ordinaires ne sont censées déroger que sielles l’indiquent expressément. Tel est le cas en Allemagne où cetterègle est codifiée dans le § 2 de l’Abgabenordnung. La jurisprudencesuisse admet la même solution (5).

    introduction 23

    vol. 17, 1990-1991, p. 45 ; de Hosson et Van Noordenne , « Current Status of theImplementation of the Direct Tax Directives », E.C. Tax Review, 1992, p. 156.

    (1) Raby , « National Implementation of the Parent-Subsidiary Directive : SomeProblems and Opportunities Identified », E.C. Tax Review, 1992, p. 216 ; Sass,« Implementation of the EC Merger and Parent-Subsidiary Directives and the Arbitra-tion Convention », Tax Planning International Review, 1993, vol. 20, no 7, p. 3.

    (2) Thömmes, « The new EC Commission’s proposals for directives on cross-borderinvestments », Intertax, 1991, p. 158 ; Schelpe, « Two New Proposals for a DirectiveAmending the ‘Merger ’ and ‘Parent-Subsidiary ’ Directives », E.C. Tax Review, 1993,p. 200.

    (3) Lang, Entwurf eines Steuergesetzbuchs im Auftrage der Bundesrepublik Deutsch-land vertreten durch den Bundesminister der Finanzen, Schriftenreihe des Bundesministe-riums der Finanzen, Heft 49, Bonn, 1993.

    (4) Langbein, « Double Taxation Agreements : caught in the conflict betweenNational Law and International Law », Intertax, 1985, p. 145.

    (5) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, p. 18.

  • § 1er. — Droit comparé

    A. États-Unis

    Aux États-Unis, tant la Constitution et les lois des États-Unis queles traités conclus par ceux-ci forment le droit du pays (1). Les traitéset les lois fédérales sont donc d’un rang législatif égal. En cas deconflit, la disposition la plus récente recevra application (2).

    Code de 1954

    Toutefois, il était admis qu’une loi ne serait considérée commedérogeant à un traité que si l’intention d’y déroger résultait claire-ment du texte de la loi ou des travaux préparatoires (3). De plus,deux dispositions législatives particulières traitaient de ce problème.

    La section 7852 (d) de l’Internal Revenue Code disposait qu’« au-cune disposition du présent titre ne doit être appliquée dans tous lescas où son application serait contraire à une convention, conclue parles États-Unis, en vigueur à la date de la promulgation du présenttitre ». Cette disposition donnait aux seuls traités conclus avant l’en-trée en vigueur du Code de 1954 prééminence sur les dispositions dece dernier. Lors de la réforme fiscale de 1986, qui aboutit à la pro-mulgation du Code de 1986, les amendements prévus à cette disposi-tion furent omis par erreur. L’application du texte voulait dès lorsque tous les traités postérieurs à 1985 priment les dispositions ducode.

    Une autre disposition, la section 894 (a), prévoyait que « les reve-nus de toute nature, dans la mesure requise par une conventionconclue par les États-Unis, ne doivent pas être inclus dans le revenubrut et doivent être exemptés d’impôts [...] ». Cette disposition assu-rait la prééminence de tous les traités sur la loi, mais seulement dansla mesure où ils prévoyaient une exonération.

    Lois votées entre 1954 et 1986

    Bien entendu, ces deux dispositions étaient elles-mêmes de naturelégislative et il pouvait y être dérogé. Ainsi, le Revenue Act de 1962,qui créait notamment les controlled foreign corporations, écartait l’ap-

    droit fiscal international24

    (1) Constitution des États-Unis, art. VI, § 2.(2) Reid. v. Covert, 354 US 1 (1956).(3) Cook v. US, 288 US 102 (1933).

  • plication de la section 7852 (d) pour les modifications qu’il apportaitau Code (1).

    Le Foreign Investors Tax Act de 1966 qui, supprimant notammentla force attractive de l’établissement stable, était généralement favo-rable au contribuable, assurait au contraire de façon générale la préé-minence des traités en vigueur à sa date (2).

    Le Foreign Investment in Real Property Tax Act de 1980 incluaitau contraire une disposition écartant l’application des sections 894 (a)et 7852 (d) aux règles qu’il introduisait en vue de la taxation dans lechef des non-résidents des plus-values sur immeubles et sur parts desociétés holdings immobilières américaines. Il prévoyait que lesclauses contraires des conventions cesseraient de s’appliquer après le1er janvier 1985 (3). Le système américain de la prééminence destraités sur les lois a donc toujours été une prééminence tempo-raire (4).

    Lois de 1988

    Le Technical and Miscellaneous Revenue Act de 1988 (Tamra)modifie les sections 7852 (d) et 894 de façon à renforcer la préémi-nence des lois postérieures aux traités sur ceux-ci, tout en clarifiantle domaine des modifications apportées aux traités par la réforme fis-cale de 1986.

    Il est d’abord prévu, par un retour à la disposition du Code de1954, que les traités antérieurs à celui-ci conservaient leur pri-mauté (5). En revanche, toute disposition postérieure au Code de1954 peut modifier ces traités.

    Le texte confirme également la supériorité des lois postérieures surles traités antérieurs, mais en prévoyant expressément que « pourdéterminer la relation entre la disposition d’un traité et une loi fiscaledes États-Unis, ni le traité ni la loi n’aura un statut préférentiel enraison de leur nature de traité ou de loi ». Il n’est donc plus néces-saire de prouver l’intention spéciale du Congrès de déroger à untraité. Au contraire, afin de faire prévaloir un traité sur une loi posté-

    introduction 25

    (1) § 31.(2) § 110.(3) Cons. McDaniel & Ault, Introduction à la fiscalité internationale américaine,

    1982, p. 195.(4) Gest, L’imposition des bénéfices des sociétés françaises aux États-Unis, 1979,

    p. 19.(5) § 7852 (d) (2).

  • rieure, il faudrait fournir la preuve négative de l’intention du Congrèsde ne pas déroger au traité lors du vote de la loi. Une telle preuveest pratiquement impossible (1).

    D’autre part, la section 894 a été amendée pour spécifier qu’elles’appliquerait « en ayant dûment égard » aux obligations des États-Unis résultant des traités applicables aux contribuables, avec réfé-rence à la section 7852 (d). Cette disposition perd ainsi tout effetpropre (2). La loi précise quelles sont les dispositions de la réformede 1986 qui dérogent aux traités : il s’agit des limitations à l’utilisa-tion du crédit d’impôt étranger pour l’impôt ordinaire (3) et pourl’impôt alternatif minimum (4).

    En revanche, la loi prévoit la prééminence des traités sur les dispo-sitions suivantes de la réforme fiscale de 1986 :

    — assujettissement à l’impôt de certaines bourses d’études (5) ;

    — imposition d’une retenue à la source de 4 % sur certains revenusdérivés du transport et amendement des règles d’exonération réci-proques applicables à certains revenus dérivés du transport pardes non-résidents (6) ;

    — amendements à l’exonération d’impôt applicable aux gouverne-ments étrangers (7) ;

    — traitement comme revenu effectivement lié à une activité d’affairesaméricaine du gain résultant de la vente d’actifs utilisés dans uneactivité d’affaires américaine après sa cessation dans certaines cir-constances (8) ;

    — création de nouvelles règles de source concernant le revenu dutransport (9) et les paiements effectués par les sociétés dites 80/20 (10), sauf toutefois dans la mesure où ces règles sont utiliséespour déterminer l’utilisation du crédit d’impôt étranger ;

    droit fiscal international26

    (1) Sanderson Schade, « Tax Treaty Overrides », in The Technical and Miscella-neous Revenue Act of 1988, B.I.F.D., 1989, p. 215.

    (2) Ibid., p. 216.(3) Tax Reform Act of 1986, § 1201.(4) § 701.(5) § 123.(6) § 1212 (b) et (c).(7) § 1247.(8) § 1242.(9) § 1212 (a).(10) § 1214.

  • — application de la branch level interest tax traitant comme revenude source américaine l’excédent de l’intérêt payé par les succur-sales de sociétés étrangères sur l’intérêt déduit (1) ;

    — réduction de la proportion de revenus américains entraînant ladébition d’une retenue à la source américaine sur les paiements dedividendes effectués par une société étrangère (2) ;

    — définition de la source du revenu tiré de certaines ventes de biensimmobiliers (3).

    En raison de la complication de la situation ainsi créée, la loioblige le contribuable qui considère, pour la rédaction de sa déclara-tion, qu’un traité écarte l’application d’une disposition de droitinterne, à révéler cette prise de position dans sa déclaration ou, àdéfaut de déclaration, à en informer l’administration fiscale (4). Lesrèglements d’application peuvent déroger à cette disposition pour cer-taines catégories de situations.

    Lois de réforme fiscale de 1986

    La loi de réforme fiscale américaine de 1986 avait réglé elle-mêmeun problème particulièrement important de conflit entre les disposi-tions nouvelles et les traités. Avant la loi, une retenue à la source de30 % en principe était due sur les dividendes payés par une sociétéétrangère dès lors que plus de la moitié de son revenu brut, pendanttrois ans précédant l’année de paiement des dividendes, était effective-ment liée à une activité d’affaires américaine. La retenue à la sources’appliquait à la portion des dividendes attribuable au revenu effecti-vement lié à l’activité d’affaires américaine.

    La réforme substitue à cette second level withholding tax une taxesur les profits des succursales américaines de sociétés étrangères(branch profits tax), applicable à la partie de ces profits qui est l’équi-valent d’un dividende (dividend equivalent amount). Ce montant estégal aux gains et profits de la société étrangère effectivement liés àson activité d’affaires aux États-Unis, réduits par l’impôt sur cesgains et par toute augmentation d’actif net américain (US net equity)et augmentés par toute diminution d’actif net américain (5).

    introduction 27

    (1) § 1241 : IRC § 884 (f) (1) (A).(2) IRC § 861 (a) (2) (B).(3) § 1211 : IRC § 865.(4) IRC § 6114.(5) Tax reform act of 1986, § 1241 : IRC § 884.

  • La clause conventionnelle de non-discrimination interdisant detraiter les établissements stables d’une société de l’État cocontractantde façon moins favorable que les entreprises américaines, contenue,par exemple, dans le traité existant entre les États-Unis et la Belgique,interdit clairement le prélèvement d’une branch tax. Dans ce cas, laloi prévoit que la taxe ne sera pas appliquée.

    Si le traité permet la perception d’une second level withholding taxsur les dividendes, elle s’appliquera. En droit commun, le seuil derevenus effectivement lié à une activité d’affaires américaine déclen-chant le paiement de cette taxe a été abaissé à 25 %. Le cas échéant,le taux prévu par la convention se substituera au taux de droitinterne. De même, la quotité déclenchant le paiement de la taxe seracelle qui est prévue par le traité.

    Le traité ne sera pas appliqué dans les situations définies commeétant des situations de treaty shopping, c’est-à-dire quand plus de50 % de la valeur des actions de la société étrangère sont détenus pardes personnes qui ne sont pas des résidents de l’État cocontractant ouquand 50 % ou plus des revenus de la société étrangère sont utiliséspour couvrir des dettes vis-à-vis de personnes qui ne sont pas des rési-dents de l’État co-contractant. Une exception existe si les titres de lasociété sont cotés ou si les titres de sa société mère sont cotés. Demême, un règlement d’application peut prévoir les cas où les action-naires ne sont pas considérés comme pratiquant le treaty shopping.

    Dans une situation de treaty shopping, si le traité prévoit l’applica-tion de la second level withholding tax sur les dividendes, celle-ci seraappliquée. Si son application n’est pas possible, par exemple parceque le seuil de profit conventionnel n’est pas atteint par l’établisse-ment stable américain de la société étrangère, la branch tax s’appli-quera.

    Lorsqu’un traité permet l’application de la branch tax, mais enlimite le taux, le taux réduit s’appliquera, sauf dans une situation detreaty shopping.

    Si le traité ne prévoit pas expressément le prélèvement d’une branchtax, mais ne l’interdit pas davantage, la branch tax sera perçue autaux prévu pour les retenues à la source sur dividendes d’investisse-ments directs. Le taux de 30 % sera toutefois appliqué en cas de

    droit fiscal international28

  • treaty shopping. Le traité conclu entre les États-Unis et le Grand-Duché de Luxembourg tombe dans cette dernière catégorie (1).

    B. France et pays du Benelux

    Lorsqu’un accord international ne peut constituer une sourcedirecte de droits et d’obligations pour les particuliers, l’ordre juridi-que interne et l’ordre international forment deux systèmes séparés(dualisme). Dans les autres cas, les deux ordres juridiques se trouventdans une relation d’intégration (monisme).

    Dans certains pays « monistes », la Constitution établit une prioritédes traités sur les lois, parfois sous réserve de réciprocité. Telle est larègle de l’article 55 de la Constitution française de 1958. Pendantlongtemps, le Conseil d’État s’est estimé incompétent pour examinerla conformité d’une loi à un traité antérieur, en vertu du principe dela séparation des pouvoirs (2). Il considérait toutefois les traités fis-caux comme des lois spéciales par rapport à la plupart des lois votéespar le Parlement français. Il n’y a donc pas d’exemple d’applicationde cette jurisprudence au contentieux fiscal (3).

    En 1989, le Conseil d’État a abandonné sa jurisprudenceancienne (4).

    Dans les pays du Benelux, seule la Constitution néerlandaise établitexpressément la prééminence des traités internationaux sur les loisinternes dans les termes suivants :

    « Binnen het Koninkrijk geldende wettelijke voorschriften vinden geen toepas-sing indien deze toepassing niet verenigbaar is meer eenieder verbindende bepalin-gen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties » (art. 94).

    Au Grand-Duché, la Cour supérieure de justice reconnut dès 1954la prééminence des dispositions d’un traité international sur cellesd’une loi interne, même postérieure (5).

    En Belgique, un arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre1925 est considéré comme confirmant, dans le conflit entre traités etlois postérieures, le principe lex posterior priori derogat. Alors que le

    introduction 29

    (1) Cfr Delta , « New branch profits tax, chapter 62 » in The Tax Reform Act of1986, vol. II, « Detailed analysis, Tax Management, 1987 », p. 62 : 1 à 7 ; Ferrigoldet Berg, « Whither The Branches ? », Tax Law Review, vol. 44, p. 247.

    (2) Cons. Ét. fr., 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule deFrance, A.J.D.A., 1968, p. 235.

    (3) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e éd., 1990, p. 64.(4) Cons. Ét. fr., 20 octobre 1989, Nicolo, R.J.F., 11/1989, no 1266.(5) Cour supérieure de justice du Grand-Duché de Luxembourg, 14 juillet 1954 et

    note P. De Visscher, R.C.D.I.P., 1955, p. 296.

  • Traité de Versailles excluait les ressortissants allemands qui pouvaientacquérir la nationalité d’une puissance alliée à l’issue d’un plébiscitedes mesures relatives à la mise sous séquestres des biens ennemis, laloi belge du 17 novembre 1921 avait privé les Sarrois du bénéfice decette disposition. La Cour de cassation estimait « qu’il appartient aulégislateur belge, lorsqu’il édicte des dispositions en exécution d’uneconvention internationale, d’apprécier la conformité des règles qu’iladopte avec les obligations liant la Belgique par traité ; que les tribu-naux n’ont pas le droit de refuser d’appliquer une loi pour le motifqu’elle ne serait pas conforme, prétendument, à ces obligations » (1).

    Un arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 1971, en cause Froma-gerie Franco-Suisse le Ski, marqua, dans le sens d’une doctrine quasiunanime, un revirement complet par rapport à la jurisprudenceancienne. Une loi belge avait, en violation de l’article 12 du Traité deRome, interdisant l’introduction de prélèvements équivalent à desdroits de douane, établi des droits sur l’importation de produits lai-tiers. La Cour de cassation estima :

    « Que, même lorsque l’assentiment à un traité, exigé par l’ar-ticle 68, alinéa 2, de la Constitution, est donné dans la forme d’uneloi, le pouvoir législatif, en accomplissant cet acte, n’exerce pas unefonction normative ;

    que le conflit qui existe entre une norme de droit établie par untraité international et une norme établie par une loi postérieure, n’estpas un conflit entre deux lois ;

    [...] que la règle d’après laquelle une loi abroge une loi antérieuredans la mesure où elle la contredit est sans application au cas où leconflit oppose un traité et une loi ;

    [...] que, lorsque le conflit existe entre une norme de droit interneet une norme de droit international qui a des effets directs dansl’ordre juridique interne, la règle établie par le traité doit prévaloir ;

    que la prééminence de celle-ci résulte de la nature même du droitinternational conventionnel » (2).

    droit fiscal international30

    (1) Cass., 26 novembre 1925, Pas., 1926, I, 76.(2) Cass., 27 mai 1971, Pas., I, 886, J.T., 1971, p. 460 ; cfr Salmon, « Le conflit

    entre le traité international et la loi interne en Belgique à la suite de l’arrêt rendu le27 mai 1971 par la Cour de cassation », J.T., 1971, p. 509.

  • Quelques combattants d’arrière-garde proposèrent, en l’absenced’une cour constitutionnelle, de renvoyer les conflits entre lois ettraités aux chambres législatives (1).

    § 2. — Préservation des avantagesdu droit interne

    L’impôt est perçu sur base des dispositions du droit interne. Lesconventions fiscales internationales ont pour objet de limiter le droitdes États à percevoir l’imposition prévue par leur loi nationale lors-que l’application de celle-ci conduirait à une double imposition. Enprésence d’un traité, il n’y a donc lieu à imposition que si, outre lesconditions du droit interne, celles du traité sont réunies (2).

    On déduit généralement de ces considérations un principe de subsi-diarité des traités par rapport au droit interne.

    Lorsque les moyens tirés de la loi nationale suffisent à résoudre leproblème posé, il n’y a pas lieu d’examiner ceux qui sont déduits desconventions (3).

    De ce principe se déduit celui de la non-aggravation de la situationdu contribuable par les traités ou de la préservation des avantagesaccordés par la loi interne. Si le droit interne accorde une exonérationlà où le traité permet au pays concerné d’imposer, aucune impositionne pourra résulter du seul traité.

    Les États-Unis ont introduit en ce sens dans leur traité modèle unedisposition reprise dans la plupart des conventions signées par eux :« Les dispositions de la présente convention ne restreindront en rienles exonérations, abattements, crédits ou autres déductions qui sontou seront accordés :

    a) par les lois de l’un des États contractants oub) par tout autre accord intervenu entre les États contractants (4) ».

    introduction 31

    (1) Proposition de loi de M. Kempinaire , Doc. parl., Ch. repr., 1971-1972, no 200/1,27 avril 1972 ; cfr R. Senelle, « De onschendbaarheid van de wet », R.W., 1971-1972,641 et la critique de J.-V. Louis, « Le droit belge et l’ordre juridique international »,J.T., 1972, p. 437.

    (2) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, pp. 11-12.(3) Plagnet, Droit fiscal international, 1986, p. 44 ; Gest et Tixier, Droit fiscal

    international, 2e éd., 1990, p. 65 ; Rivier , Droit fiscal international, p. 106 ; Vogel, op.cit., p. 75 ; Cons. Ét. fr., 19 décembre 1975, Droit fiscal, 1976, no 27, Comm. 925,concl. Fabre ; Cons. Ét. fr., 1er février 1978, Droit fiscal, 1978, no 41, Comm. 1551,concl. Rivier .

    (4) Traité modèle américain, 16 juin 1981, art. 1.2. ; Convention belgo-américaine,art. 28 ; Convention entre les Pays-Bas et les États-Unis, art. 25.1.

  • Un texte du même genre se trouve dans les conventions signées parles États-Unis en matière de droits de succession. Ainsi, la conventiondu 15 juillet 1969 entre les Pays-Bas et les États-Unis, relative à laprévention de la double imposition en matière de droits de successionet donation prévoit : « Behoudens voor zover in deze Overeenkomstanders is bepaald, heft iedere Staat zijn belasting en verleent hij vrijs-tellingen, aftrekken, verrekeningen en andere tegemoetkomingen inovereenstemming met zijn wetgeving » (1).

    La même convention prévoit toutefois (2) : « Verrekeningen : Ver-rekeningen die op grond van dit artikel worden verleend treden inplaats van, en worden niet verleend naast een verrekening die opgrond van de onderscheidene wetgevingen van de Staten wordt ver-leend voor de belasting van de andere Staat ».

    Ainsi, en exécution du traité existant entre le Canada et les États-Unis, le transporteur était exonéré d’impôt dans le pays de la sourcesur les revenus tirés de transports entre des points situés dans le paysde la source et dans le pays de sa résidence. En droit américain, lesdépenses liées à des revenus exonérés n’étaient pas déductibles. Untransporteur canadien, disposant d’une succursale aux États-Unis,préféra déclarer son revenu tiré de transports, qui aurait normale-ment été exonéré, parce que ses dépenses dépassaient ses revenus. Ilfut décidé, en application de la clause de préservation des avantagesde droit interne figurant dans le traité, qu’il avait ce droit (3).

    Aux États-Unis, cette conception est en conformité avec le droitconstitutionnel : les mesures fiscales doivent trouver leur origine auCongrès, alors que les traités sont conclus par le Président avec leconsentement du Sénat. Il serait donc critiquable qu’un traité puissecréer une aggravation d’impôt (4).

    L’administration française est réticente à admettre une doctrinegénérale de la non-aggravation (5). Cette position s’explique sansdoute par l’existence d’une disposition spéciale réservant à la Francele droit de taxer tout revenu dont l’imposition lui est attribuée parune convention internationale relative aux doubles impositions (6).

    droit fiscal international32

    (1) Art. 5.1.(2) Art. 11.7.(3) Rev. Rul., 80-147, 1980, 23 IRB 16.(4) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1.44, p. 76.(5) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e éd., 1990, p. 67.(6) C.G.I., art. 4bis, 2o, 165bis et 209 i, introduit par l’art. III de la loi du

    28 décembre 1959.

  • Cette disposition n’a qu’une portée limitée : elle ne s’appliquera pasen présence d’une exonération générale, mais jouera uniquementdevant une exonération basée sur la localisation du revenu. Son butest en effet d’éviter les doubles exonérations. Elle ne s’appliquera passi le droit d’imposer a été attribué expressément à la France, non acontrario, en raison de la non-attribution de ce droit à l’autre Étatcontractant (1). Son application sera écartée par des clauses conven-tionnelles du type de celle qui est prévue par le traité modèle améri-cain et qui est d’ailleurs reprise dans les conventions franco-améri-caines (2).

    Une telle clause est nécessaire dans un pays qui, comme la France,applique à l’impôt des sociétés la règle de la territorialité, lorsqu’ellechoisit le crédit d’impôt comme méthode d’élimination de la doubleimposition. Quand la France accorde un crédit d’impôt pour l’impôtpayé à l’étranger par un établissement stable, il faut qu’elle taxe cerevenu, ce que son droit interne ne prévoit pas (3).

    Saving clause

    La clause permettant à un État contractant de taxer ses ressortis-sants ou ses résidents comme si la convention n’était pas envigueur (4) légitime, dans ce cas, la prédominance de la loi interne surle traité et restreint considérablement la portée de celui-ci.

    Les États-Unis acceptent en général d’exclure de l’application decette clause deux séries de dispositions conventionnelles. La premièrevise des dispositions concernant tant les nationaux que les étrangersrésidant aux États-Unis : entreprises associées, pensions, préventionde la double imposition, non-discrimination et procédure amiable. Laseconde concerne les seuls étrangers : fonctions publiques, étudiants,agents diplomatiques et consulaires (5), n’excluant de son applicationque les rémunérations publiques et les pensions. Le traité modèleaméricain veut inclure parmi les contribuables visés par la réserve detaxation nationale les citoyens qui ont perdu leur nationalité dans unbut d’évasion fiscale, du moins pendant une période de dix ans.

    introduction 33

    (1) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e éd., 1990, p. 67.(2) Convention franco-américaine de 1967 concernant les impôts sur le revenu et la

    fortune, art. 22, § 3 ; convention franco-américaine de 1978 concernant les droits desuccession et de donation, art. 12.

    (3) Cfr par exemple Convention franco-turque de 1987, art. 7.1. et 23.(4) Traité modèle américain, art. 1.3.(5) Convention belgo-américaine, art. 23.1. ; Convention américano-néerlandaise,

    art. 19.1.

  • Le citoyen américain qui, résidant à l’étranger, perçoit un revenuexonéré par le traité, sera néanmoins taxé aux États-Unis sur base desa nationalité. Il pourra alors se prévaloir du crédit d’impôt étrangerqui est prévu par la convention.

    § 3. — Interprétation des traités fiscaux

    Lorsque l’un des États parties à une convention fiscale appliquel’équivalence entre traités et lois, son Parlement pourra déroger autraité. Il en résultera une situation claire de violation de celui-ci ou,le cas échéant, de dénonciation implicite.

    Très fréquemment, le problème ne se posera pas sous la forme d’unconflit direct, mais mettra en jeu l’interprétation d’une disposition dedroit interne qu’un contribuable estimera contraire au traité, alorsque l’administration la jugera conforme à celui-ci.

    Il s’agira alors d’interpréter le traité. Dans les pays du Benelux, lestribunaux se reconnaissent le pouvoir d’interpréter les traités. Le jugefrançais, au contraire, surseoit en principe à statuer sur l’interpréta-tion des traités en la renvoyant au ministre des Affaires étrangères.Cette règle a toutefois été fortement atténuée. Le juge administratifrecourt fréquemment à la théorie de l’acte clair, lorsque la dispositionconventionnelle à appliquer a un sens clair et certain. La Cour de cas-sation ne met d’exception à la compétence judiciaire que si la ques-tion d’interprétation pose un problème de droit international publicqui risque de susciter un incident diplomatique. Il en sera ainsi desclauses d’immunité fiscale (1).

    Les règles d’interprétation des conventions fiscales seront en pre-mier lieu déduites, comme celles de tous traités internationaux, de laConvention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (2), donton admet très largement qu’elle a codifié la pratique internationaleexistante. D’après l’article 31 de la Convention, un traité doit êtreinterprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer auxtermes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et deson but.

    Le contexte comprend les accords conclus à l’occasion du traité etles instruments mutuellement acceptés ayant rapport à celui-ci.

    droit fiscal international34

    (1) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e éd., 1990, pp. 97-100.(2) La Convention de Vienne du 23 mai 1969 a été ratifiée en Belgique par la loi

    du 10 juin 1992 (M.B., 25 décembre 1993) ; elle s’applique à tous les traités conclus parla Belgique à partir du 1er octobre 1992.

  • Outre le contexte, il sera tenu compte d’accords et pratiques ulté-rieurs appliquant ou interprétant le traité.

    En revanche, il ne pourra être recouru à des moyens complémen-taires d’interprétation, tels que les travaux préparatoires ou les cir-constances dans lesquelles le traité a été conclu, que si l’interprétationreste ambiguë ou obscure ou conduit à un résultat absurde ou dérai-sonnable (art. 32).

    Lorsqu’un traité existe en plusieurs langues et qu’une différence desens apparaît dans les textes authentiques, l’on adoptera, à défautd’une interprétation satisfaisante, le sens qui, compte tenu de l’objetet du but du traité, concilie le mieux les textes (art. 33).

    Les traités préventifs de la double imposition en matière d’impôtssur le revenu et la fortune, conclus selon le modèle de l’OCDE,contiennent toutefois une clause particulière selon laquelle, « pourl’application de la convention par un État contractant, toute expres-sion qui n’y est pas définie a le sens que lui attribue le droit de cetÉtat concernant les impôts auxquels s’applique la convention, àmoins que le contexte n’exige une interprétation différente » (1).

    La principale question que pose cette disposition est de savoir s’ilfaut se référer, pour l’interprétation du traité, à la législation interneen vigueur lors de la signature du traité (interprétation statique ouhistorique) ou s’il faut tenir compte des modifications ultérieures dudroit interne des États contractants (interprétation évolutive).

    Certains auteurs tiennent pour une interprétation strictement histo-rique. Ils se fondent souvent sur l’arrêt rendu par la Cour suprêmedu Canada, en cause Melford (2). Une loi canadienne postérieure àla convention germano-canadienne avait inclu parmi les intérêts sou-mis à retenue à la source les commissions de garantie. La Coursuprême, tout en admettant le pouvoir du Parlement de modifier uneloi introduisant un traité dans l’ordre juridique interne, a considéréque seule une loi dérogeant expressément à la convention internatio-

    introduction 35

    (1) Modèle OCDE, art. 3.2., version 1977. La version 1963 se référait au sens attri-bué aux termes par la « législation » de l’État. Shannon, « United States income taxtreaties : References to domestic law for the meaning of undefined terms », Intertax,1989, p. 453. Sur le modèle 1992, cfr van Reaad , « 1992 additions to articles 3 (2)(interpretation) and 24 (non-discrimination) of the 1992 OECD model and commen-tary », Intertax, 1992, p. 671.

    (2) The Queen v. Melford Developments Inc., 1982, DTC 6281 ; Boidman,« Canada : Supreme Court interprets Canada-Germany tax treaty » Intertax, 1983,p. 17 ; Langbein, « The overriding of tax treaties by national legislation or : the Mel-ford case revisited — A German view », Intertax, 1987, p. 4.

  • nale pouvait être interprétée dans le sens souhaité par l’administra-tion. Interprétant la disposition du traité renvoyant au droit interne,la Cour a estimé que les dispositions comprenant une nouvelle défini-tion des procédures et mécanismes de taxation concernant un revenunon taxable aux termes du traité n’étaient pas comprises dans le droitinterne tel que visé par celui-ci. La Cour a ajouté que l’interprétationcontraire reviendrait à autoriser la modification unilatérale du traitépar chaque pays. Cette motivation peut se lire autrement que commepar une simple référence à l’interprétation historique des dispositionslégales en vigueur à l’époque du traité.

    Quoi qu’il en soit, la décision a été suivie d’une loi canadienneadoptant l’interprétation évolutive sous réserve du recours aucontexte du traité.

    La règle d’interprétation historique a été très clairement définie parM. Leenaerts : « In België [...] moet elke latere wijziging, hoe duide-lijk ook, van een nationale rechtsterm geïncorporeerd in een dubbelbelastingverdrag, buiten toepassing blijven m.b.t. de werking van ditverdrag : de historische intepretatie die in het licht van voorwerp endoel van het dubbel belastinverdrag als enig aanvaardbare moet wor-den weerhouden geniet na de receptie van het verdrag in de Belgischerechtsorde absolute voorrang totdat het verdrag op de daarinbepaalde wijze wordt beëindigd » (1).

    La majorité des commentateurs se rallie à une interprétation évolu-tive des dispositions de droit interne dans le cadre de l’article 3.2. dela Convention modèle de l’OCDE. Les termes non définis par letraité seront pris dans le sens que leur donne la loi interne à l’époqueoù l’interprétation est nécessaire et non à l’époque de la signature dutraité, sous une double réserve, expresse et implicite. D’après lestermes du traité même, l’interprétation donnée par le droit internepeut être contraire au contexte de la convention, si celui-ci exige uneinterprétation différente. On y ajoute généralement une limitationimplicite, selon laquelle une modification du droit interne ne pourraitaltérer l’équilibre ou la substance du traité ou encore, comme certainstraités le prévoient, lors du renvoi à un régime interne de crédit d’im-pôt, affecter le principe général qu’on souhaite appliquer. Il s’agiraitdonc, même en l’absence de textes, d’une interprétation évolutivelimitée. Il est probable que, dans toutes les conventions qui limitent

    droit fiscal international36

    (1) Leenaerts, « De voorrang van de verdragen bij fiscale normenconflicten. Tref-zeker uitgangspunt of toevallige uitkomst ? », Fiskofoon, 1984, p. 78.

  • le recours au droit interne par les existences du contexte, une limita-tion de l’interprétation évolutive peut se déduire d’une clause expressesans recours à une restriction implicite (1).

    La pratique démontre que l’application concrète de ces règles d’in-terprétation demeure extrêmement difficile. On en verra plus loinquelques exemples empruntés notamment aux modifications de lalégislation belge.

    Nous examinerons ci-après :— la définition de la résidence des personnes physiques et des

    sociétés ;— l’imposition des différentes catégories de revenus lorsqu’ils sont

    soit d’origine étrangère, soit attribués à des non-résidents.À cette occasion, les règles de source propres à chaque catégorie de

    revenus seront évoquées, ainsi que le mode de prévention de ladouble imposition généralement appliqué à ces revenus.

    Compte tenu de l’œuvre commune qui résulte de l’application géné-ralisée des conventions modèles, les principes de ces conventionsseront exposés en premier lieu. Le droit interne de la Belgique seraexaminé par une comparaison avec ces principes.

    Des éléments de droit comparé seront ensuite évoqués.

    introduction 37

    (1) Dans le sens de l’interprétation évolutive, cfr l’étude approfondie d’Avery Joneset al., « The interpretation of tax treaties with particular reference to article 3.2. of theOECD model », British Tax Review, 1984, p. 13, à laquelle ont participé pour le Bene-lux, MM. Depret et Ellis ; Avery Jones, « Article 3 (2) of the OECD Model Conven-tion and the Commentary to it : Treaty Interpretation », Eur. tax., 1993, p. 252 ; dansle même sens, Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 3.67, pp. 138-139 ; Gestet Tixier, Droit fiscal international, 2e éd., 1990, p. 105 ; van Raad , « Interpretatie vanbelastingverdragen », MBB, 1978, p. 49 ; Peeters, « De interpretatie van dubbelbelas-tingovereenkomsten », T.F.R., 1993, pp. 188-190.

  • PREMIÈRE PARTIE

    CONCEPTSJURIDICTIONNELS

  • TITRE PREMIER

    RÉSIDENCE

    SOUS-TITRE PREMIER

    DROIT CONVENTIONNELGÉNÉRAL

    CHAPITRE PREMIER. — PERSONNESPHYSIQUES

    § 1er. — Critère principal

    La Convention OCDE renvoie en principe au droit interne desÉtats contractants pour définir la notion de résidence.

    Le résident d’un État sera celui qui y est assujetti à l’impôt en rai-son de son domicile, de sa résidence ou d’un autre critère de natureanalogue. Il y est assujetti intégralement à l’impôt, en raison d’un lienpersonnel avec l’État concerné.

    Appliquant un critère analogue, un État pourrait par exemple assu-jettir à l’impôt celui qui y séjourne pendant un certain temps. Ladouble imposition naîtra de la coexistence de définitions différentesde la résidence ou d’interprétations concurrentes de la même notion.

    Le Traité modèle américain ajoute à ces critères la nationalité (1).La Convention OCDE exclut des résidents d’un État les personnes

    qui n’y sont assujetties à l’impôt que sur les revenus trouvant leurssource dans le pays. Tel sera parfois le cas des agents diplomatiqueset consulaires étrangers.

    (1) La nationalité est parfois utilisée comme critère anti-abus. Un citoyen néerlan-dais déplaçant son foyer d’habitation permanent dans la zone frontalière belge, maistravaillant dans la zone frontalière néerlandaise reste imposable aux Pays-Bas sur sesrémunérations (Protocole à la convention belgo-néerlandaise, point XI modalisant l’ar-ticle 15, § 3, 1o). Il n’y a là ni discrimination arbitraire, ni violation du principe d’éga-lité (C.A., 16 octobre 1991, FJF, no 91/211).

  • La Convention ONU ne reprend pas cette limitation, voulantconserver la qualité de résident aux contribuables d’un État lorsquecelui-ci impose uniquement les revenus de source interne.

    § 2. — Critères subsidiaires : préventionde la double résidence

    La double résidence sera évitée par l’application de critères subsi-diaires l’un par rapport à l’autre (tie-breakers) (1) :— la disposition d’un foyer d’habitation permanent, c’est-à-dire amé-

    nagé de façon durable ;— la localisation du centre des intérêts vitaux, caractérisé par l’exis-

    tence des liens personnels et économiques les plus étroits : rela-tions familiales et sociales, occupations, activités politiques etculturelles, siège des affaires ; ce critère s’appliquera à la personnequi a un foyer d’habitation dans les deux États ;

    — le lieu du séjour habituel : ce critère s’appliquera :● à la personne qui a un foyer d’habitation dans deux États et

    dont on ne peut déterminer le centre des intérêts vitaux ;● au double résident qui n’a de foyer d’habitation dans aucun des

    deux États ;— la nationalité.

    Si le double résident a la nationalité des deux États ou n’a la natio-nalité d’aucun d’eux, sa résidence sera déterminée par la voie de laprocédure amiable.

    droit fiscal international42

    (1) Avery Jones, « Dual residence of individuals : the meaning of the expression inthe OECD model convention », British Tax Review, 1981, pp. 15 et 104 ; id., « Ladouble résidence des personnes physiques : l’interprétation de cette notion dans laconvention modèle de l’OCDE », Fiscalité européenne Revue, 1981, no 6 et 1982, no 1 ;van Raad , « International : Dual Residence », Eur. Tax., 1988, p. 241.

  • CHAPITRE II. — PERSONNES MORALESET GROUPEMENTS SANS PERSONNALITÉ

    JURIDIQUE

    § 1er. — Critère principal

    La Convention OCDE incluant parmi les « personnes » les per-sonnes physiques, les sociétés et tous autres groupements de per-sonnes, la résidence de ces deux derniers types de contribuables seradéterminée par leur assujettissement à l’impôt sur base de leur siègede direction ou d’un critère analogue.

    Les États-Unis notamment y ajoutèrent le lieu d’enregistrement(place of incorporation).

    § 2. — Critères subsidiaires

    La Convention OCDE résout le conflit de résidence des personnesmorales et groupements en faveur du pays du siège de direction effec-tive (1).

    Le Traité modèle américain lui préfère le pays d’enregistrement.Les conventions fiscales internationales recourent à trois concepts.Le terme « personne » comprend les personnes physiques, les

    sociétés et autres groupements de personnes (2).Le terme « société » désigne toute personne morale ou toute entité

    qui est considérée comme une personne morale aux fins d’imposi-tion (3).

    Le terme « résident d’un État contractant » désigne, en dehors despersonnes physiques, toute personne qui, en vertu de la législation de

    (1) Voy. Rivier , Rapport général, XLIe Congrès international de droit financier etfiscal, Bruxelles, 1987, « La résidence fiscale des sociétés », Cah. dr. fisc. int., 1987,vol. LXXIIa, pp. 38-39 ; van Gennep , « Dual-Resident Companies : The Second Sen-tence of Article 4(1) of the OECD Model Convention of 1977 », Eur. Tax, 1991,p. 141 ; Ebenroth et Daiber , « Germany (Federal Republic) : Dual-Resident Compa-nies under German Law », Eur. Tax., 1990, p. 175 ; id., « Germany (Federal Repu-blic) : The ‘Real Seat Theory’ Revisited », ibid., p. 323 ; Betten, « Netherlands : Dual-Resident Companies and the Netherlands Dividend Tax Again », ibid., p. 257.

    (2) Convention OCDE, art. 3.1.a.(3) Convention OCDE, art. 3.1.b.

  • cet État, y est assujettie à l’impôt en raison de son siège de directionou d’un critère de nature analogue (1).

    La question de savoir si une entité ou un groupement est un sujetd’impôt distinct doit être résolue selon le droit interne de chaqueÉtat (2).

    Que se passe-t-il quand un groupement est considéré comme unsujet d’impôt distinct dans un État et pas dans l’autre ?

    S’il est sujet d’impôt dans le pays de son siège, mais que l’État dela source impose les associés directement, l’État de la source devrareconnaître aux associés le bénéfice du traité conclu avec le pays dusiège, à peine de vider de sens le droit du groupement d’invoquer letraité (3).

    Si le groupement est sujet d’impôt dans le pays de la source, maisnon dans celui de son siège, l’application du traité ne pourrait êtreécartée au motif que le groupement ne serait pas résident du pays deson siège. À peine de ne donner aucun effet à la reconnaissance dugroupement comme personne, il faut considérer comme résident toutgroupement qui, s’il était imposable, serait imposable sur l’ensemblede ses revenus (4).

    Cette interprétation audacieuse permettrait à une association belgesans personnalité juridique de revendiquer l’application d’uneconvention conclue par la Belgique avec un pays où elle serait traitée,pour son imposition à la source, comme un sujet d’impôt.

    § 3. — Exclusions

    Parfois, afin de contrecarrer l’évasion fiscale, certaines sociétés rési-dentes de l’État cocontractant sont exclues du bénéfice de la conven-tion ou des réductions de retenue à la source :

    — les holdings luxembourgeoises ;

    droit fiscal international44

    (1) Convention OCDE, art. 4.1.(2) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1/23, pp. 65-66.(3) Vogel, op. cit., art. 1/24, p. 67. Vogel estime que, si les associés résident dans

    un autre pays lié par un traité au pays de la source, ils pourront invoquer le traité leplus favorable. Nous ne pouvons le suivre sur ce terrain. L’application juridiquementjustifiée du traité conclu avec le pays du siège écarte la possibilité d’appliquer le traitéconclu avec le pays des associés, si les deux traités sont rédigés en termes identiques.

    (4) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1/25, pp. 67-68.

  • — certaines sociétés suisses contrôlées par des personnes ne résidantpas en Suisse (1).

    concepts juridictionnels 45

    (1) Convention belgo-suisse, art. 22, conforme d’ailleurs à la législation internesuisse visant à prévenir l’abus des conventions.

  • SOUS-TITRE II

    DROIT BELGE

    CHAPITRE PREMIER. — PERSONNESPHYSIQUES

    Section 1. — Droit interne

    § 1er. — Définitions

    En droit interne belge, sont considérées comme habitants duroyaume les personnes physiques qui ont établi en Belgique leurdomicile ou le siège de leur fortune (1).

    Sont soumis à l’impôt des non-résidents et non à l’impôt des per-sonnes physiques ceux qui n’ont établi en Belgique ni leur domicileni le siège de leur fortune.

    La même définition est donnée par l’article 1er du Code des droitsde succession (2). Elle correspond à celle qui était donnée par l’ar-ticle 37, § 2, des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenuspour l’application de l’impôt complémentaire personnel, issu lui-même de l’arrêté royal du 22 février 1935 (3). L’exposé des motifsprécise, sub article 37, que les non-habitants du royaume sont ceuxqui n’ont pas établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur for-tune (4).

    MM. Schreuder (5) et Donnay (6) notamment ont démontré quecette définition trouvait son origine dans la loi du 27 décembre 1817sur les droits de succession, adoptée sous le régime hollandais. Unepremière version de la loi voulait imposer la succession de l’habitantdu royaume « sans distinction s’il est établi depuis peu ou depuis

    (1) C.I.R., art. 3.(2) A.R. 31 mars 1936.(3) Exposé des motifs de la loi de réforme fiscale, sub art. 2, Pasin., 1962, p. 1321.(4) Id., Pasin., 1962, p. 1345.(5) « L’habitant du royaume », Ann. not. enr., 1967, pp. 6-33.(6) Succession (Droit de), « L’habitant du royaume », Rec. gén., 1975, no 21936,

    p. 223.

  • longtemps sur le territoire du royaume, ni s’il a en même temps undomicile fixe en pays étranger ».

    Ce texte fut repoussé par crainte de voir réapparaître l’ancien droitd’aubaine, susceptible d’attirer les représailles de pays étrangers. Unenouvelle définition fut cherchée dans un arrêté royal du 25 juin 1817sur la milice, composant celle-ci des habitants du royaume, c’est-à-dire de ceux « qui ont établi dans le royaume leur domicile et le siègede leur fortune ». Le législation fiscal substitua toutefois à la conjonc-tion « et » la conjonction « ou ».

    Cette définition a été appliquée par l’arrêt de la Cour de cassationdu 7 septembre 1965 en cause Derks (1). Le pourvoi était dirigécontre un arrêt de la Cour d’appel de Liège qui avait relevé que lerequérant, résidant à Monaco, était propriétaire d’immeubles situésen Belgique et de la quasi-totalité des titres de sociétés belges, étantl’administrateur-président de l’une de ces sociétés. La Cour de cassa-tion rejeta le pourvoi, estimant :

    « Que l’arrêt déduit légalement de ces constatations souveraines en fait que ledemandeur, bien qu’ayant pris domicile à l’étranger, a le siège de sa fortune enBelgique ;

    Qu’ainsi, par la constatation de l’existence de l’une des conditions alternative-ment prévue par l’article 37, § 2, des lois coordonnées, l’arrêt justifie légalement laqualité d’habitant du royaume du demandeur ».

    Si l’unité du domicile fiscal est ainsi remise en cause (2), on ne peuttoutefois identifier le siège de la fortune à la situation matérielle desbiens, mais au lieu où ils sont administrés. Ce dernier coïncidera, saufcas exceptionnels, avec le domicile.

    Un arrêt plus récent de la Cour de cassation le démontre (3). Unredevable avait été considéré comme habitant du royaume aux seulsmotifs qu’il y avait gardé une domiciliation administrative et unimmeuble où résidaient sa femme et ses enfants, aux besoins desquelsil subvenait par un compte en banque belge.

    La Cour de cassation accueillit le pourvoi, considérant que :« Aux termes de l’article 3 du Code des impôts sur les revenus, est

    un habitant du royaume celui qui a établi en Belgique son domicileou le siège de sa fortune ;

    droit fiscal international48

    (1) Pas. 1966, I, 34, J.P.D.F., 1965, p. 327, obs. Baltus, Rec. gén., 1966, no 20972,p. 354, obs. M.D.

    (2) Baltus, note sub arrêt précité, J.P.D.F., p. 331.(3) Cass., 7 février 1979, Prade, Pas., I, 673, J.D.F., 1979, p. 411. Comp. Garabe-

    dian, « L’impôt successoral belge et l’extranéité », in Verwilghen et De Valkeneer(éd.), Relations familiales internationales, 1993, p. 391.

  • Que si les éléments de fait permettant de déterminer l’existence decette situation relèvent de l’appréciation souveraine du juge du fond,en revanche, leur qualification s’effectue sous le contrôle de la Cour ;

    Que, au sens de la loi fiscale, le domicile est un domicile de fait,caractérisé nécessairement par une certaine permanence ou conti-nuité, et le siège de la fortune, l’endroit, caractérisé naturellement parune certaine unité, d’où elle est gérée ;

    Que les motifs que le moyen reproduit et sur lesquels l’arrêt sefonde pour affirmer la qualité d’habitant du royaume dans le chef dudemandeur, ne justifient pas légalement cette décision ».

    Cette position rejoint celle des juridictions de fond.

    Une ancienne décision considérait déjà que « des absences tempo-raires plus ou moins longues d’un lieu déterminé ne sont pas exclu-sives de la conservation du domicile fiscal en ce lieu » et que « leBelge qui, pour une durée limitée, prend du service dans la Colonie,tout en gardant en Belgique sa demeure où il laisse sa femme et sesenfants, doit être considéré comme momentanément absent de sondomicile belge » (1).

    La Cour d’appel de Bruxelles eut à connaître du recours de l’em-ployé d’une société belge, radié des registres belges de la population,mais propriétaire d’un appartement qui restait à sa disposition lors deses retours de mission et titulaire d’un compte belge où ses fondsétaient déposés. Lorsqu’il n’était pas en mission, il exerçait ses fonc-tions en Belgique pour le même employeur. Pour la cour, « il faut enconclure que le requérant n’a jamais manifesté l’intention ou lavolonté de transférer son domicile et le siège de sa fortune à l’étran-ger et qu’il a conservé en Belgique le centre de ses intérêts et y aconservé son domicile » (2).

    De même, celui qui est envoyé par la société Solvay faire un séjourde formation de dix mois aux États-Unis sans rupture de son contratd’emploi et alors que la société prend en charge ses frais de voyageet d’inscription aux cours et lui alloue une indemnité forfaitaire resteun habitant du royaume :

    « Le requérant n’a pas eu l’intention de transporter à l’étranger lesiège principal de ses affaires ;

    concepts juridictionnels 49

    (1) Déc. 12 décembre 1914, Rec. gén., 1920, no 15608, p. 19 ; Donnay , Succession(Droit de), « L’habitant du royaume », Rec. gén.,1975, no 21936, p. 241, no 9.

    (2) Bruxelles, 21 octobre 1976, J.D.F., 1977, p. 260.

  • Son séjour essentiellement temporaire aux États-Unis ne peut êtreconsidéré comme une installation permanente dans ce pays ;

    Le siège de ses affaires est resté situé en Belgique » (1).

    La notion de domicile fiscal a été l’objet de développements juris-prudentiels et doctrinaux récents.

    Traditionnellement, le domicile d’une personne physique est le lieuoù elle habite d’une manière effective et continue, où elle établit sonfoyer familial, ainsi que le siège de ses activités professionnelles et deses intérêts patrimoniaux.

    Face aux situations de plus en plus fréquentes où ces divers élé-ments constitutifs ne convergent pas vers un seul endroit, il s’estavéré nécessaire de leur octroyer une pondération selon leur impor-tance relative afin de déterminer l’appartenance de la personne à uneseule juridiction fiscale.

    Ainsi l’habitation permanente est-elle un élément prépondérant :« Le domicile fiscal est un domicile de fait caractérisé par une cer-taine permanence ou continuité » (2).

    La notion de permanence n’est cependant pas clairement définie.

    La loi prévoit en effet qu’une personne peut être traitée commenon résidente alors qu’elle séjourne en Belgique pendant toute unepériode imposable (3).

    L’examen de la jurisprudence ne permet pas de déterminer le tempsque doit durer un séjour afin de répondre à l’exigence de permanencede l’habitation.

    La Cour d’appel de Bruxelles a en effet conclu dans certains casrécents à la qualité de non-habitant du royaume pour des Belgesayant exercé une activité professionnelle à l’étranger pendant despériodes de deux à huit ans (4).

    Il a par ailleurs été décidé qu’un séjour professionnel de trois ansà l’étranger n’avait pas suffi à faire d’une personne un non-rési-dent (5). Le pourvoi contre cette dernière décision a été rejeté parl’arrêt précité du 15 novembre 1990 de la Cour de cassation.

    droit fiscal international50

    (1) Liège, 2 mai 1972, Rec. gén., 1974, no 21774, p. 100.(2) Cass., 30 juin 1983, Pas., I, 1226, F.J.F., no 83/189 ; Cass., 15 novembre 1990,

    Pas., 1991, I, 280, R.G.F., 1991, p. 218.(3) C.I.R., art. 244.(4) Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et 25 septembre 1990, R.G.F., 1991,

    pp. 216 et s.(5) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., no 89/167.

  • Le critère de la situation du foyer familial doit également être prisen considération.

    À cet égard, s’il est à présent admis que la qualité d’habitant duroyaume est déterminée pour les époux ut singuli et non plus demanière globale et commune, il convient d’examiner, au regard d’élé-ments de fait, si, quoiqu’ils aient des lieux d’habitation séparés, lesépoux n’en ont pas moins un domicile ou foyer familial commun.

    Ainsi, lorsque la séparation s’explique par le fait que chacund’entre eux exerce une profession ou par des raisons de santé oud’éducation des enfants, il est admis qu’il n’y ait pas de foyer familialet, partant, que l’un des époux soit habitant du royaume et l’autrenon (1).

    Lorsque la séparation n’est pas ainsi justifiée, les deux épouxseront rattachés à un domicile commun considéré comme leur foyerfamilial, nonobstant le fait que l’un d’entre eux habite effectivementà l’étranger (2).

    Ainsi, si l’habitation effective, à condition qu’elle soit réellementdurable et qu’elle n’apparaisse pas comme un séjour limité à unecourte durée, forme un critère suffisant, le poids du foyer familialdevient plus important dans l’appréciation du domicile de fait lorsquela durée de l’habitation personnelle dans une juridiction fiscale dis-tincte diminue (3).

    Le siège de la fortune apparaît dans le texte de la définition légaled’habitant du royaume comme un critère alternatif à celui de domi-cile. Cette notion ne désigne pas la situation matérielle des biens,mais plutôt le lieu d’où ils sont gérés, ce dernier coïncidant souventavec le lieu de l’habitation effective et du foyer familial (4).

    Dans l’état actuel de la jurisprudence, le siège de la fortune estretenu comme un élément suffisant en soi, indépendamment desautres critères évoqués ci-dessus.

    Cette interprétation du texte légal est toutefois vivement critiquée.

    concepts juridictionnels 51

    (1) Mons, 14 mars 1984, F.J.F., no 84/189 ; Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et25 septembre 1990, R.G.F., 1991, pp. 216 et s. ; Mons, 10 avril 1992, R.G.F., 1993,p. 29, obs. L. Hinnekens .

    (2) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., no 89/167 ; cass., 15 juillet 1990, R.G.F., 1991,p. 218.

    (3) L. Hinnekens , « Nouvelles tendances de la jurisprudence relative à la notiond’habitant du royaume », R.G.F., 1991, p. 211.

    (4) Cass., 28 octobre 1982, F.J.F., no 83/41 ; cass., 30 juin 1983, F.J.F., no 83/189 ;cass., 15 novembre 1990, Pas., 1991, I, 280, R.G.F., 1991, p. 218.

  • M. Hinnekens (1) considère notamment que le siège de la fortunene peut conférer la qualité d’habitant du royaume que lorsque il estnon seulement distinct, mais d’une importance telle qu’il doit néces-sairement prévaloir sur le domicile effectif et le foyer familial.

    L’inscription au registre national ne constitue qu’une présomptionde qualité d’habitant du royaume qui peut être renversée par des élé-ments de fait, comme dit ci-dessus.

    La nouvelle réglementation relative à l’inscription au registre de lapopulation, qui prévoit que les administrations locales doivent véri-fier le bien-fondé des demandes d’établissement d’une résidence prin-cipale, devra emporter une certaine unification de la notion de domi-cile en droit civil et en droit fiscal. La loi du 19 juillet 1991 relativeaux registres de la population (2) définit la résidence civile principalecomme étant « le lieu où vivent habituellement les membres d’unménage composé de plusieurs personnes unies ou non par des liensde parenté » (3). L’arrêté royal d’exécution du 16 juillet 1992 (4) pré-cise, quant à lui, en son article 16, § 1er, que « la détermination de larésidence principale se fonde sur une situation de fait, c’est-à-dire laconstatation d’un séjour effectif dans une commune pendant la plusgrande partie de l’année.

    »Cette constatation s’effectue sur la base de différents éléments,notamment le lieu que rejoint l’intéressé après ses occupations profes-sionnelles, le lieu de fréquentation scolaire des enfants, le lieu de tra-vail, les consommations énergétiques et les frais de téléphone, leséjour habituel du conjoint ou des autres membres du ménage ».

    Il apparaît donc que la qualité d’habitant du royaume doit être éta-blie au moyen d’une pondération des différents éléments constitutifs(domicile de fait, foyer familial, siège de la fortune, registre national)en accordant une préférence à l’habitation individuelle, à conditionqu’elle soit suffisamment durable.

    § 2. — Présomption légale

    La loi a introduit une présomption, selon laquelle sont considérésavoir établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur fortune ceux

    droit fiscal international52

    (1) L. Hinnekens , « Nouvelles tendances de la jurisprudence relative à la notiond’habitant du royaume », R.G.F., 1991, p. 214.

    (2) M.B., 3 septembre 1991.(3) Art. 3.(4) M.B., 15 août 1992.

  • qui sont inscrits au registre national des personnes physiques (1). Ceregistre reproduit les données figurant au registre de la population etau registre des étrangers tenus dans chaque commune ainsi que dansles registres tenus dans les missions diplomatiques et les consulatsbelges à l’étranger (2).

    Cette présomption peut être renversée. La tâche de l’administrationsera simplifiée, puisque celui qui affirme être non-résident, bienqu’inscrit au registre, devra communiquer à l’administration les cir-constances de fait propres à son cas.

    Le Conseil d’Etat est sans compétence pour se prononcer sur lacontestation concernant la détermination du domicile fiscal. Commece dernier a une influence sur le montant de l’impôt, le contribuabledoit suivre la voie de la réclamation portée devant le directeur descontributions (3).

    § 3. — Agents diplomatiques et consulaires

    Les agents diplomatiques et consulaires belges accrédités à l’étran-ger sont considérés comme ayant la qualité d’habitants du royaumeet sont donc soumis également à l’impôt des personnes physiques.

    Sont exclus du champ d’application de l’impôt des personnes phy-siques et inclus dès lors, sous réserve des exonérations applicables,dans celui de l’impôt des non-résidents :

    1o les diplomates et consuls de carrière étrangers accrédités en Bel-gique ;

    2o sous condition de réciprocité, les autres membres du personnel decarrière de la mission diplomatique ou consulaire étrangère et s’ilsne sont pas Belges, les membres de leur famille vivant à leurfoyer ;

    3o sous condition de réciprocité, les agents d’États étrangers, de leurssubdivisions et d’établissements publics étrangers, s’ils ne sont pasBelges et n’exercent pas leur fonction dans le cadre d’une activitéindustrielle ou commerciale (4).

    concepts juridictionnels 53

    (1) C.I.R., art. 3, § 2.(2) Loi du 8 août 1983 sur le registre national des personnes physiques, art. 2.(3) Cons. Ét., 11 septembre 1985, no 25.605, F.J.F., no 86/39.(4) C.I.R., art. 4. Cfr Van den Einde, « Aperçu des privilèges diplomatiques,

    consulaires et internationaux en matière d’impôts sur les revenus et de taxe de circula-tion », Bull. contr., 1988, 1re partie : no 677 spécial, p. 1 et 2e partie : no 688 spécial,p. 147.

  • Ces règles sont l’application des conventions internationales sur lesrelations diplomatiques et consulaires et d’autres conventions sur lesprivilèges et immunités.

    Le législateur semble avoir oublié d’exclure les épouses et membresde la famille des diplomates et consuls eux-même