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Droits de l’enfant au Sénégal De la Convention à la réalité

Droits de l’enfant au Sénégal De la Convention à la réalité sont les limites et les contraintes constatées dans la mise en ... Depuis, des progrès notables ont été enregistrés,

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Droits de l’enfant au SénégalDe la Convention à la réalité

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Nos remerciements vont à l’endroit des différentes institutions de l’Etat et autres acteurs qui ont accepté de rencontrer les enfants enquêteurs, à l’équipe de facilitation et aux accompagnateurs, aux organisations membres de la CONAFE qui les ont mobilisés et à l’équipe de la CONAFE qui a coordonné l’enquête , et notamment l'organisation EDEN pour son encadrement. Cette initiative a été rendue possible grâce à l’appui technique et financier de Plan et Save the Children.

Son nom complet est la “Convention

des Nations Unies relative aux Droits de

l’Enfant“. Mais c’est plus simple d’utiliser

son abréviation, la “CDE“. C’est la première

convention internationale qui considère

l’enfant comme un titulaire de droits et

non comme un “objet“ à protéger.

Aujourd’hui, tous les pays africains ont

ratifié la CDE, sauf la Somalie. La CDE

comprend des droits civils et politiques,

des droits économiques, sociaux et

culturels, ainsi que des droits de solidarité

sociale. Elle comporte 54 articles qui sont

tous interdépendants.

La CONAFE Sénégal est une organisation faîtière regroupant plus de 200 organisations et associations intervenant dans le domaine de l’enfance. Créée en 2004, elle œuvre essentiellement à promouvoir les droits de l’enfant, avec une présence sur l’ensemble du territoire national.

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Plus de vingt ans après la ratification de la CDE par le Sénégal, cette enquête inédite vise, pour la première fois, à prendre le pouls du niveau de connaissance et de perception des uns et des autres sur ce traité international et sa mise en œuvre. Comment les adultes et les enfants apprécient-ils les avancées accomplies en matière de promotion et de protection des droits de l’enfant? Quelles sont les limites et les contraintes constatées dans la mise en œuvre de la CDE au Sénégal plus de 20 ans après sa ratification? La qualité des programmes entrepris en faveur des enfants ainsi que le degré de participation de ces derniers sont-ils jugés satisfaisants?

Pourquoi réaliser une enquêtesur les droits de l’enfant?

Cela s’est passé il y a presque 22 ans. Un événement allait changer radicalement la manière dont le monde voit et traite les enfants. Le 20 novembre 1989, la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) était adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies. En la ratifiant l’année suivante, l’Etat du Sénégal s’engageait à la mettre en œuvre. Depuis, des progrès notables ont été enregistrés, mais de nombreux obstacles persistent.

Pourtant, ces vingt dernières années, on a rarement demandé aux citoyens du Sénégal leur avis sur les droits de leurs enfants. C’est de ce constat qu’est née l’idée d’une enquête nationale sur les droits de l’enfant… réalisée par les enfants eux-mêmes et pilotée par la Coalition Nationale des Associations et ONG en Faveur de l’Enfance (CONAFE Sénégal) et ses membres.

Cette étude ne prétend donc pas dresser un diagnostic exhaustif de la situation réelle des enfants au Sénégal. Il s’agit plutôt de refléter le regard que les parents, les acteurs de la société civile, les autorités étatiques et bien sûr les enfants portent sur les droits de l’enfant et leur application. Sur la base des préoccupations majeures apparues lors de l’enquête, les enfants eux-mêmes ainsi que la CONAFE ont par ailleurs formulé des propositions de mesures prioritaires.

Cette mine d’informations devrait intéresser tous ceux et celles qui travaillent en faveur des enfants au Sénégal. Tant les institutions gouvernementales que les associations locales ou les ONG internationales peuvent utiliser les résultats de cette enquête inédite pour orienter leurs programmes et redéfinir leurs priorités d’action. Mieux savoir ce que les Sénégalais(es) pensent des droits de l’enfant devrait nous aider à relever ensemble les défis d’une meilleure mise en œuvre de la CDE.

... pour mieux savoir comment protéger nos enfants ensemble

ecouter ce que les sénégalais(es) disentdes droits de l’enfant...

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Que penses-tu de la CDE ?C’est une Convention qui n’existe pas bien au Sénégal. Pourtant, je pense que c’est une bonne Convention.

Pourquoi dis-tu que la Convention n’existe pas bien au Sénégal ?Parce qu’en pratique, son application se limite souvent seulement à Dakar. Dans les autres régions plus loin comme par exemple Kolda et Matam, elle n’est pas mise en pratique. C’est ce que nous ont dit les enfants venant de ces deux localités.

Quel est ton rôle dans l’enquête sur la Convention des Droits de l’Enfant ?Je vais enquêter et faire savoir aux autres enfants leurs droits. En même temps, je vais parler des enfants talibés.

A quoi servirait une enquête sur les droits de l’enfant au Sénégal… sans les enfants eux-mêmes? Que ceux-ci soient interviewés était normal; mais qu'ils aient l’opportunité de participer activement tout au long de ce processus semblait tout aussi important. Trente cinq enfants formés et encadrés par des adultes ont recueilli les informations sur le terrain. Et des dizaines d’autres ont été impliqués dans le traitement, l’analyse et la validation des données. Voici les témoignages de quelques-uns des “enfants enquêteurs“ membres de la CONAFE…

Qui a mené l’enquête?

serigne fall, 15 ans

khadidiatou diallo, 16 ans

Quel est ton rôle dans l’enquête ?Je f ais des interviews pour s avoir s’il y a beaucoup de gens qui connaissent l a CDE. Nous allons voir l es parents, l es autorités religieuses et le chef du gouvernement.

Que va-t-on faire des résultats de l’enquête?Cette enquête nous permet de mieux savoir s’il y a beaucoup de gens qui connaissent ce dont parle la CDE. Les résultats sont envoyés à l’Etat pour qu’il sache ce dont les enfants ont besoin.

Que penses-tu de l’application des droits de l’enfant au Sénégal ?

Le grand changement c’est du côté de la scolarisation des filles. Avant, il n’y avait pas beaucoup de filles à l’école. Maintenant on peut voir des cases des tout-petits presque partout à Dakar.

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Qu’est-ce qui se serait passé si la CDE n’existait pas ?Si elle n’existait pas, je pense que les enfants seraient toujours dans des conditions misérables. On voit toujours des enfants maltraités. Je dis que les parents et l’Etat en sont responsables et il y a des gens qui ne comprennent pas ce que c’est la CDE. Selon moi, la CDE n’est pas bien intégrée par les Sénégalais.

Comment convaincre les gens que la CDE est utile?Il faut organiser des journées de sensibilisation pour leur parler de la Convention relative aux droits de l’Enfant. L’accent doit être mis sur l’aide apportée aux talibés, aux enfants de la rue et autres enfants abandonnés sur la base des textes de la CDE.

Quel est ton rôle dans l’enquête ?

Je s uis enquêteur. Nous descendons dans les quartiers particulièrement dans mon quartier à Guédiawaye pour l’enquête auprès des enfants, des parents et des autorités de la localité.

Quel est un de tes droits qui a été le moins respecté dans ta vie en tant qu’enfant?C’est le droit à l’éducation parce que je suis entré tardivement à l’école à l’âge de 8 ans. J’étais au village et là-bas, il n’y avait pas d’école. En plus là-bas, on laisse les enfants faire ce qu’ils veulent, ils ne sont pas bien protégés et ils jouent même dans les ordures.

madia lo, 15 ans

Que penses-tu de la CDE?Grâce à l a CDE, l es enfants savent mieux l eurs devoirs et l eurs droits. Il y avait un enfant qui habitait à côté de chez moi, qui était marginalisé et à qui on faisait faire tout, même les travaux les plus durs pour son âge. Aujourd’hui, il est avec moi et il est arrivé à

faire cesser tout cela. C’est pourquoi je dis que la Convention est une bonne chose.

Qu’est ce que la CDE a fait concrètement pour les enfants ?La CDE lutte pour les droits de l’enfant, par exemple la scolarisation des enfants. Avant on disait que les filles ne devaient pas aller à l’école mais plutôt rester à la maison pour les travaux ménagers. Avec la CDE, les parents savent maintenant que les filles ont leur place à l’école tout comme les garçons.

Si quelqu’un te disait que la CDE n’est pas importante, que lui répondrais-tu ?Je pense que les gens qui disent cela ne savent pas ce que fait la CDE ni sa raison d’être. L’enquête va nous permettre de voir les points forts et les points faibles des droits de l’enfant.

fatou gueye, 17 ans

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Diourbel134

Dakar80

Fatick172

Matam241

Tambacounda80

Sédhiou145

Ziguinchor133

Parents215

Autorités127

Organisationsde la société civile119

Enfants524

L’enquête a été réalisée de manière participative et décentralisée. C’est ce qui en fait toute son originalité. • Pas moins de 7 régions du pays ont été couvertes, de Tambacounda à Matam

en passant par Fatick. • Au total, près de 1.000 personnes ont été interviewées dont la moitié sont

des enfants. • Les avis des enfants scolarisés ont été recueillis. Mais on a aussi demandé

l’opinion d’autres enfants d’habitude « oubliés » et qui ne vont pas à l’école, tels que les enfants talibés ou les enfants travailleurs.

• Ce sont les enfants eux-mêmes qui ont sillonné le pays pour mener l’enquête pendant plus de 6 mois, de décembre 2009 à mai 2010.

Comment l’enquête a-t-elle été menée?

Autres6%

Talibés13%

Elèves64%

Enfantstravailleurs

17%

qui a été interrogé?

quels types d’enfants ont été consultés?

Nombre de personnes interrogées par régionTotal de 985 personnes

où l’enquête a-t-elle été menée?

Nombre de personnes interrogées par profil Total de 985 personnes

Qu’ils aillent à l’école ou travaillent, plusieurs catégories d’enfants ont donné leurs avis.

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Environ 35 enfants et leurs accompagnateurs venant des 7 régions ciblées participent à un atelier national de production d’outils. Ensemble ils élaborent le questionnaire et le guide d’entretien qui leur permettront de collecter l’information durant l’enquête.

Les 5 étapes du processus de réalisation de l’enquête

Des rencontres et des séances de travail sont tenues afin que tous les acteurs jouant un rôle dans l’enquête puissent se mettre au même niveau d’information. Les objectifs sont clarifiés. Les

documents sont partagés. Les responsabilités sont réparties.

Les informations recueillies sur le terrain par les enfants sont triées, analysées et exploitées. Les données collectées localement sont ensuite rassemblées et restituées lors des séances de partage au niveau régional.

Avec les autorités, les acteurs de la société civile et les parents, les enfants enquêteurs effectuent des entretiens individuels. Pour les enfants, ce sont des discussions de groupes qui sont organisées. Lors de l’enquête de terrain, les enfants sont

accompagnés par des encadreurs adultes.

Un rapport provisoire est soumis aux enfants avant d’être modifié puis validé lors d’un atelier national. Les enfants issus des différentes régions du Sénégal partagent les problèmes auxquels ils sont confrontés et les solutions qu’ils mettent en

oeuvre dans leurs localités.

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Que savent-ils de la CDE? Quel niveau de connaissance ont-ils des droits de l’enfant? Le niveau de réalisation de ceux-ci est-il jugé satisfaisant? Comment apprécient-ils le degré de participation des enfants? Ces mêmes questions ont été posées à chacunedes quatre catégories de personnes interrogées dans sept régions du Sénégal.Voici les tendances qui se sont dégagées de l’enquête sur le plan national.

1. la cde est-elle connue ?

• Par les enfants

Moins d’1 enfant sur 2 (44 %) a entendu parler de la CDE.

Seulement 1 enfant sur 8 (13 %) considère que la CDE protège les enfants.

Environ 1 élève sur 10 (11%) démontre un niveau de connaissance satisfaisant de la CDE.Pourtant, même s’ils ne connaissent pas la Convention, beaucoup d’enfants parviennent à citer certains de leurs droits, principalement ceux liés à l’éducation, la santé et la famille.

• Par les Parents

Presque 3 parents sur 5 ignorent le contenu et la portée réelle de la CDE.Seulement 41% d’entre eux parviennent à définir la convention comme un moyen de lutte pour le respect des droits de l’enfant, un instrument qui aide à améliorer la situation des enfants.Toutefois, la plupart des parents interrogés reconnaissent que les enfants ont des droits et citent plus particulièrement les droits de l’enfant à la santé, à l’éducation, à la protection, à l’expression, aux loisirs, à une famille, à la paix et à la nourriture.

Quelques résultats saillantsde l’enquête

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• Par les acteurs de la société civile

Seulement 3 acteurs de la société civile sur 4 (76%) connaissent l’existence de la CDE.C'est un chiffre encourageant mais tous ceux et celles qui disent connaître la CDE l'utilisent-ils pour sous-tendre et guider leurs orientations stratégiques en matière de plaidoyer et de programmes?

• Par les autorités étatiques

Plus d’1 représentant des autorités étatiques sur 4 (27%) ignore l’existence la CDE.Ce taux assez positif indique que la majorité des élus locaux, des autorités administratives et des agents de l'Etat connaissent les droits de l'enfant. Pourtant, n'est-il pas inquiétant que même une minorité d'entre eux n'ait jamais entendu parler de la CDE alors qu'ils sont supposés la mettre en oeuvre?

Plus de la moitié de ceux qui disent la connaître la définissent comme un cadre de référence permettant de prendre en compte les droits de l’enfant et d’assurer le suivi et la protection des enfants.

par quel moyen les personnes interrogées ont-elles appris l’existence de la cde ?

Acteurs Sources d’information

Enfants scolarisésEcoleClub ou associationTélévision

Parents Médias

Membres de la société civileFormation sur le terrainLecture ou recherche personnelle

AutoritésEcole Formation continueRecherche

En résumé, la CDE demeure largement méconnue ou mal connue par les personnes interrogées, toutes catégories confondues.

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2. les droits de l’enfant sont-ils respectés en pratique ?

• d’aPrès les enfants

Environ 3 enfants sur 4 (73%) se disent peu ou pas satisfaits du degré d’application de leurs droits.

Seul 1 enfant sur 6 (16 %) estime être satisfait en raison des efforts dans les domaines de l’éducation (par exemple, la construction de cases des tout petits) et de la santé.L’existence d’un ministère chargé de l’enfant et du parlement des enfants est également appréciée.

Pourquoi les enfants sont insatisfaits? • " Les parents ont démissionné " ;• " Les adultes ne nous écoutent pas " ;• " Les talibés vivent dans des conditions très difficiles, sont exploités, et ce n’est pas normal " ;• " Beaucoup d’enfants ne vont pas toujours à l’école " ;• " Les enfants subissent trop de violences; on les frappe à l’école et il y a beaucoup de viols ";• " Les actions sont concentrées à Dakar alors que les enfants souffrent beaucoup à l’intérieur du pays " ;• " Les enfants de familles pauvres ne sont pas soignés " ;• " Les enfants vivant avec un handicap sont laissés en rade " ;• " Il y a peu d’émissions sur nos droits dans les médias ".

• d’aPrès les Parents

Plus d’1 parent sur 2 (54%) se déclare insatisfait par le niveau de concrétisation des droits de l’enfant. Parmi les raisons de l’insatisfaction invoquées :• " Il y a encore beaucoup d’enfants dans la rue et des talibés, sans aucune prise en charge de

l’Etat ";• " On ne sent les droits de l’enfant qu’à Dakar, les enfants des autres régions et surtout du monde

rural sont vraiment discriminés " ; • " Les enfants qui abandonnent l’école ne sont pas suivis, l’Etat nous les retourne " ;• " La pauvreté nous empêche de respecter les droits de nos enfants et l’Etat ne nous aide pas ".

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• d’aPrès les acteurs de la société civile

Environ 2 acteurs de la société civile sur 3 (67%) se déclarent insatisfaits en justifiant que les droits de l’enfant sont souvent violés, qu’ils subissent beaucoup de violences et d’abus sexuels en milieu familial, scolaire et communautaire. Selon les représentants de la société civile, les enfants ne sont pas écoutés, sont encore exploités dans le cadre du travail, les enfants talibés sont maltraités, les enfants en situation de handicap sont laissés en rade, les mariages précoces et forcés constituent encore des pratiques quotidiennes, beaucoup d’enfants ne sont pas enregistrés à l’état civil.Ils considèrent également que beaucoup de lois votées ne sont pas appliquées, les ressources mobilisées pour les enfants sont insuffisantes, il y a beaucoup de projets et programmes de l’Etat qui font des choses similaires avec peu d’impact.

• d’aPrès les autorités étatiques

Plus de 3 autorités sur 5 (64%) soutiennent être peu satisfaites du degré d’application des droits de l’enfant.Selon elles, beaucoup d’efforts restent à faire en matière d’éducation et d’encadrement surtout en milieu rural ; mais aussi dans les domaines de la protection des filles contre les violences et de la prise en charge des victimes. A cela s’ajoute l’absence de mesures d’accompagnement et l’insuffisance des moyens pour des actions concrètes et durables.

Des progrès reconnus mais par une minorité seulement

Seule une minorité des différentes catégories de personnes se dit satisfaite par la manière dont les droits de l’enfant sont respectés (16 % des enfants, 17 % des autorités, 14 % des parents, et 16 % des acteurs de la société civile). Ceux-ci reconnaissent certains efforts réalisés en faveur des droits de l’enfant :• " Il y a une volonté politique manifeste en faveur des droits de l’enfant ".• " Beaucoup de lois existent pour protéger les enfants ".• " L’Etat a mis en place beaucoup de projets pour mettre en œuvre les droits de l’enfant, dans

divers secteurs ".• " L’éducation pour tous est un objectif clairement affirmé, fortement porté par l’Etat et

soutenu par les partenaires et la société civile ".• " La case des tout petits est une excellente initiative du Président de la République et doit être

généralisée au niveau de tous les villages du pays ".

En résumé, la majorité des personnes interrogées jugent peu ou pas satisfaisant le degré de réalisation des droits de l’enfant. Cependant, les efforts consentis sont reconnus, notamment ceux fournis par l’Etat dans le domaine de l’éducation.

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3. les enfants sont-ils pris en compte dans la prise de décision ?

• d’aPrès les enfants

Près de 3 enfants sur 5 (62%) considèrent que leur participation est encore très faible car leur opinion n’est pas prise en compte bien qu’ils aient des choses à dire.

Moins d’1 enfant sur 7 (15 %) estime que son opinion est parfois prise en compte à travers différentes associations, clubs de droits de l’enfant et les gouvernements scolaires animés par les enfants.

• d’aPrès les Parents

Plus de 2 parents sur 5 (43 %) considèrent que les enfants ne sont pas écoutés et n’ont pas droit à la parole dans la famille et la communauté.Voici comment ils l’expliquent :• “Leur avis ne compte pas“ ;• “L’enfant doit obéir aux décisions de ses parents“ ; • “Dans la communauté, il y a certains qui font peur aux enfants“.

Pourquoi les enfants ne sont-ils pas suffisamment pris en compte ?

Selon les enfants eux-mêmes, plusieurs facteurs l’expliquent:• “On donne la parole aux grands et non aux enfants“. “Les adultes pensent que nous sommes trop

petits pour décider“;• “Même si les enfants sont présents, les adultes monopolisent la parole lors des réunions et

rencontres“;• “On nous invite souvent que lors des manifestations sans nous donner les informations nécessaires“;• ”Les enfants ne participent pas à l’élaboration des programmes et ne reçoivent pas l’information sur

les financements“;• “L’Etat n’appuie pas directement les initiatives des enfants et les organisations d’enfants“;• “Le parlement des enfants n’est pas renouvelé, alors que la plupart des membres ont plus de 18 ans;

il n’a ni locaux, ni moyens, ni activités propres“.

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• d’aPrès les acteurs de la société civile

Presque 3 acteurs de la société civile sur 4 (73%) estiment que l’opinion des enfants est prise en compte dans leurs projets, notamment en matière d’éducation, de santé préventive et de formation.Une minorité d’entre eux reconnaît néanmoins que l’opinion des enfants n’est ni demandée ni prise en compte, pour les raisons suivantes :• “On est là pour eux et nous savons leurs besoins, même si on ne les implique pas directement“;• “Les projets sont trop techniques pour les enfants“• “Manque de projets impliquant directement les enfants“ ;• “L’implication des enfants n’est pas une chose facile“.

• d’aPrès les autorités étatiques

Environ 3 autorités sur 4 (76%) affirment que l’opinion des enfants n’est pas prise en compte au niveau de la communauté.“La parole est souvent réservée aux adultes“.“Les parents prennent toutes les décisions sans l’avis des enfants“.“L’implication des enfants ne fait pas partie de nos missions et activités.““Les enfants vivent sous tutelle ; donc, leur opinion ne compte pas.““On demande parfois à l’enfant ce qu’il veut mais on lui impose ce qu’il doit faire.“ “Le poids de la tradition et de la culture freinent la participation des enfants.“

Comment les enfants sont-ils impliqués dans les activités ? • La convocation des enfants aux réunions.

• La création de clubs d’enfants où ils se réunissent et proposent des activités.

• Le choix des thèmes de formation par les enfants.

Quels sont les principaux “points faibles“ pour mieux mettre en œuvre les droits de l’enfant le plus souvent cités par les acteurs ?

• Non respect des règles adoptées ou l’inapplication des lois ;• L’impunité des auteurs de violation des droits de l’enfant ;• Méconnaissance des droits de l’enfant par les familles, les enfants surtout non scolarisés ou travailleurs ;• Manque de couverture sanitaire en milieu rural et discrimination à l’égard des enfants issus de familles

démunies qui ne sont pas correctement soignés ;• Insuffisance d’infrastructures scolaires en milieu rural et déperdition scolaire surtout des filles, notamment

dans les régions;• Non respect des talibés et des enfants dans la rue ; • Les violences faites aux enfants, notamment les abus sexuels et la pédophilie. Absence de prise en charge

psycho-sanitaire des enfants victimes de violences sexuelles ;• Les mariages et grossesses précoces;• L’exode et le travail précoces des filles ;• Problème de réinsertion des enfants déscolarisés et des talibés ayant terminé leur formation coranique ;• Lutter contre la pauvreté ;• Manque de communication entre parents et enfants ;• Manque de coopération entre ONG et Association surtout à Dakar ;• Faiblesse des ressources et utilisation peu rationnelle des moyens existants.

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Plus de 2 personnes interrogées sur 3 (69 %), surtout au niveau communautaire, considèrent que les droits de l’enfant sont contraires à leur culture.

• “Les droits de l’enfant viennent de la modernisation qui est contraire à nos cultures“.• “Les droits ne sont pas conformes à nos réalités sénégalaises“.• “La Convention s’oppose à nos valeurs culturelles et sera ainsi

difficilement applicable“.• “Le droit de l’enfant d’exercer la religion de son choix n’est pas concevable“.• “Les autorités religieuses et coutumières sont contre cette convention“.

Environ 1 personne interrogée sur 7 (14 %) affirme néanmoins qu’il n’y a pas de contradiction entre les droits de l’enfant et la culture.

• “Quelle que soit la culture, l’enfant doit être protégé, éduqué et nourri“.

• “La Convention ne vise que le bien-être de l’enfant, ce qui est le vœu le plus cher de tout parent“.

• “C’est l’ignorance des droits de l’enfant qui favorise souvent leur violation par les parents et la communauté“.

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Si les enfants ne font que réciter leurs droits sans y croire, ils ne sont pas pris au sérieux. Pour réussir à convaincre d’autres enfants et les adultes, ils doivent savoir comment faire passer un message, comme faire usage des techniques de communication traditionnelles telles que le théâtre mais aussi la vidéo ou la radio. Il est donc nécessaire d’encourager les enfants à développer de nouvelles compétences.

Pour que la voix des enfants puisse être entendue, il faut qu’ils s’organisent collectivement en associations ou en clubs. Pourtant, tant le gouvernement que les ONG internationales hésitent souvent à soutenir ce genre de groupements dans leurs activités après leur mise sur pied. C’est dommage parce que les enfants gagneraient à apprendre comment élaborer un budget, gérer un programme et planifier des dépenses.

former et accompagner les enfants dans

la promotion de leurs droits

Ce que les enfants recommandentà l’Etat

faire du plaidoyer pour la subvention

des associations d’enfants

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Souvent, il s’avère que les gens qui s’opposent à la CDE ne la connaissent pas vraiment. Ceux et celles qui sont en contact avec des enfants à l’école, à la mosquée, à l’église ou à la police la voient comme une contrainte imposée à l’Afrique plutôt que comme un outil à leur disposition. Au lieu de leur forcer la main, il faut donc prendre le temps de leur expliquer comment la CDE peut les aider dans leur travail.

Quand un enfant est victime d’abus sexuel, il n’est pas rare que l’on remette sa parole en doute face à l’adulte ou qu’il soit montré du doigt au sein de sa propre famille, école ou communauté. En vue de surmonter ces craintes, il est important que l’enfant soit rapidement orienté vers un spécialiste qui puisse le mettre en confiance et fournir des conseils juridiques. C’est sans doute une des manières de s’assurer que les agresseurs soient traduits en justice et que l’impunité cesse.

sensibiliser les parents, des leaders religieux, des

enseignants, des maîtres coraniques, des policiers,

des gendarmes sur les droits de l’enfant

Mettre en Place un systèMe d’assistance

psychologique et judiciaire pour les enfants

victimes d’abus sexuels

3

4

Sur le papier, les enfants du Sénégal sont très bien protégés par la législation en vigueur. En réalité, l’application de la loi fait régulièrement défaut. C’est surtout le cas dans les régions plus reculées du pays où les institutions de l’Etat sont généralement plus faibles. Du policier de quartier qui reçoit les plaintes aux juges qui rend le verdict, tout est question de volonté et de moyens pour agir efficacement. C’est pourquoi il faut assortir la législation de ressources nécessaires permettant leur mise en œuvre sur le terrain.

5 veiller à l’application effective de la loi

et decentraliser les activites dans les regions

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Ce que la CONAFE Sénégal propose

Il existe de très bonnes lois au Sénégal. Mais trop souvent elles se contredisent, par exemple en ce qui concerne l’âge de l’enfant qui varie selon les différents codes (famille, pénal, etc.). L’adoption d’un Code de l’Enfant au Sénégal permettrait d’éviter toute confusion et d’assurer une meilleure protection des enfants.

Recommandation : que le Ministre de la Justice accélère le processus d’élaboration et d’adoption du Code de l’Enfant.

Où tous ceux et celles qui travaillent en faveur des enfants pourraient-ils se rencontrer? Où les organisations de la société civile et les acteurs étatiques pourraient-ils échanger leurs pratiques en matière de l’enfance? Cette institution idéale, c’est un Comité National de l’Enfant qui permettrait de faire un suivi permanent de la réalisation des droits de l’enfant.

Recommandation : que le Ministère de la Petite Enfance et de l’Enfance redynamise ledit comité.

adopter un code de l’enfant

redynamiser le comité national de l’enfant

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En appui aux propositions d’actions formulées par les enfants, la CONAFE Sénégal adresse aux différentes institutions de l’Etat les recommandations complémentaires suivantes :

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Pourtant reconnue comme une priorité nationale, la protection de l’enfant représente moins d’un pour cent du budget de l’Etat sénégalais. Et rarement les enfants sont consultés dans le choix des programmes qui leur sont destinés. Allouer plus de ressources aux priorités de l’enfance, c’est bien. Les gérer avec les enfants eux-mêmes, c’est mieux.

Recommandation : que le Ministre des Finances, le Ministre des Collectivités Locales et les collectivités locales octroient un budget à l’enfance qui reflète la priorité qui lui est accordée.

Les droits de l’enfant demeurent largement méconnus au Sénégal. Mais ceux et celles qui disent les connaître en ont souvent une perception erronée. Pour preuve, près de 70% des personnes interrogées affirment que les droits de l’enfant sont contraires à la culture sénégalaise. Si diffuser la CDE est nécessaire, il faut donc surtout la faire connaître pour que les Sénégalais(es) l’apprécient à sa juste valeur.

Recommandation : que le Ministère de l’Education intègre les droits de l’enfant dans le cursus scolaire et que tous les agents de l’Etat soient sensibilisés aux droits de l’enfant.

allouer davantage de ressources

en consultant les enfants

promouvoir l’éducation aux droits de l’enfant

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Comment les enfants peuvent-ils eux-mêmes s’exprimer sur les questions qui les concernent? Au Sénégal, des efforts ont été consentis pour favoriser leur participation, comme en témoigne la création du parlement des enfants. Mais ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui, il est important d’ouvrir de nouveaux espaces permettant de consulter plus largement les enfants, par exemple en facilitant leur accès aux médias de manière organisée et systématique.

Recommandation : que le Ministre de l’Information et les patrons de presse réservent des grilles de programmes réalisés par et pour les enfants, notamment au sein des radios communautaires.

5 encourager l’expression des opinions des enfants

Page 20: Droits de l’enfant au Sénégal De la Convention à la réalité sont les limites et les contraintes constatées dans la mise en ... Depuis, des progrès notables ont été enregistrés,

Au Sénégal, qui connaît la Convention des Nations Unies relative

aux Droits de l’Enfant? Qu’en savons-nous exactement? Qui

pense que les droits de l’enfant sont respectés? Les enfants se

sentent-ils suffisamment impliqués dans les prises de décision?

Quelles mesures proposent-ils concrètement pour améliorer

leur bien-être?

Pour la première fois, plus de 1.000 personnes ont été interrogées

dans 7 régions du Sénégal. Des parents, des représentants des

autorités locales, des membres de la société civile et bien sûr

beaucoup d’enfants ont exprimé leur perception de la situation

des droits de l’enfant à travers le pays.

Pour la première fois, ce sont les enfants eux-mêmes qui,

accompagnés de spécialistes, ont mené l’enquête auprès des

citoyens aux quatre coins du territoire. Découvrez ce qui est

ressorti de cette première enquête nationale sur les droits

de l’enfant au Sénégal réalisée par les enfants à l’initiative de

la Coalition Nationale des Associations et ONG en Faveur de

l’Enfant (CONAFE Sénégal) et avec l’appui de Plan et Save the

Children.

Avec le soutien de

Rédaction: Evelyne Sadio, Aminata Sow, Justine Liaison, Laurent DuvillierCoordination : Evelyne SadioConception graphique : Jenny GatienPhotos : CONAFE Sénégal (p. 5) et Laurent Duvillier/Save the ChildrenImpression : Imprimerie du Centre

Novembre 2011 © Droits d’auteurs - CONAFE Sénégal et Save the Children Cette publication peut être reproduite, en tout ou en partie et par quelque moyen que ce soit, sans frais ni permission mais à condition de mentionner la source.