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Du même auteur

Bernard Gagnon (dir.), Jacques Palard et Alain-G. Gagnon, Diversité et identités au Québec et dans les régions d’Europe, Bruxelles, Les Presses interuniversitaires européennes – Peter Lang, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006.

Bernard Gagnon (dir.) et Jacques Palard, La Région et ses territoires. Stratégies et acteurs du développement en Aquitaine, Bordeaux, Sciences Po Bordeaux, Éditions Confluences, 2006.

La Philosophie morale et politique de Charles Taylor, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2002.

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La Diversité québécoise en débatBouchard, Taylor et les autres

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :La diversité culturelle québécoise en débat : Bouchard, Taylor et les autres(Débats)Comprend des réf. bibliogr.ISBN 978-2-7644-0778-3 (Version imprimée)ISBN 978-2-7644-1008-0 (PDF)ISBN 978-2-7644-1955-7 (EPUB)1. Multiculturalisme - Québec (Province). 2. Accommodement raisonnable - Québec (Province). 3. Québec (Province). Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. 4. Nationalisme - Québec (Province). 5. Minorités - Québec (Province). I. Gagnon, Bernard. II. Collection: Débats (Éditions Québec Amérique).FC2926.9.M84D58 2010 306.44'609714 C2010-940554-4

Québec Amérique329, rue de la Commune Ouest, 3e étage Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Dépôt légal : 2e trimestre 2010Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Mise en pages : André Vallée – Atelier typo JaneRévision linguistique : Diane-Monique Daviau et Claude FrappierConception graphique : Nathalie Caron et Renaud Leclerc LatulippeEn couverture : Triptyque gris, Jean Paul Riopelle

© Succession Jean Paul Riopelle / SODRAC (2010).Au dos : détail de l’œuvre.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© 2010 Éditions Québec Amérique inc.www.quebec-amerique.com

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.

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Q U É B E C A M É R I Q U E

Sous la direction deBernard Gagnon

La Diversité québécoise en débatBouchard, Taylor et les autres

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La collection « Débats » est consacrée à des ouvrages faisant état des grands

enjeux culturels, politiques et sociaux au Québec et explore les questions

de citoyenneté, de diversité et d’identité qui traversent les sociétés pluri-

nationales. En collaboration avec la Chaire de recherche du Canada en études qué-

bécoises et canadiennes, cette collection est réalisée par les Éditions Québec

Amérique et dirigée par Alain-G. Gagnon, titulaire de la Chaire et professeur

titulaire au département de science politique de l’Université du Québec à

Montréal. Outre le présent ouvrage, la collection compte déjà 17 titres :

La Reconnaissance dans tous ses états. Repenser les politiques de pluralisme cultu-rel, sous la direction de Michel Seymour, 2009.

La Raison du plus fort. Plaidoyer pour le fédéralisme multinational, Alain-G. Gagnon, 2008. Prix JoseP Maria Vilaseca i Marcet, 2007.

Pluralisme et démocratie. Entre culture, droit et politique, sous la direction de Stéphane Vibert, 2007.

Les Nationalismes majoritaires contemporains : identité, mémoire, pouvoir, sous la direction d’Alain-G. Gagnon, André Lecours et Geneviève Nootens, 2007.

Le poids de la coopération. Les rapports France-Québec, Frédéric Bastien, 2006.

Le français, langue de la diversité québécoise, sous la direction de Pierre Georgeault et Michel Pagé, 2006.

Désenclaver la démocratie. Des huguenots à la paix des Braves, Geneviève Nootens, 2004.

Justice, démocratie et prospérité. L’avenir du modèle québécois, sous la direction de Michel Venne, 2003.

Critique de l’américanité. Mémoire et démocratie au Québec, Joseph Yvon Thériault, 2002. Prix richard-arès, 2003 et Prix de la Présidente de l’asseMblée nationale du Québec, 2003.

Québec : État et société, tome 2, sous la direction d’Alain-G. Gagnon, 2002.

Repères en mutation. Identité et citoyenneté dans le Québec contem porain, sous la direction de Jocelyn Maclure et Alain-G. Gagnon, 2001.

Récits identitaires. Le Québec à l’épreuve du pluralisme, Jocelyn Maclure, 2000.

Penser la nation québécoise, sous la direction de Michel Venne, 2000.

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Le Québec dans l’es pace américain, Louis Balthazar et Alfred O. Hero Jr, 1999. Prix richard-arès, 1999.

L’Ingratitude. Conversation sur notre temps, Alain Finkielkraut, avec Antoine Robitaille, 1999. Prix auJourd’hui, 1999.

Québec 18 septembre 2001. Le monde pour horizon, Claude Bariteau, 1998. Prix richard-arès, 1998.

Duplessis : Entre la Grande Noirceur et la société libérale, sous la direction d’Alain-G. Gagnon et Michel Sarra-Bournet, 1997.

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IntroDuCtIon

Bernard Gagnon

PArtIe I : Qu’est-Ce Que lA DIversItÉ ?

La notion de diversité comme lieu commun

Jacques Beauchemin

Le défi individualiste

Jean-François Lessard

Penser la diversité : entre monisme et dualisme

Geneviève Nootens

PArtIe II : le DÉBAt sur les ACCommoDements rAIsonnABles

Les rapports majorité / minorités au Québec :

question culturelle ou enjeu de pouvoir ?

Victor Armony

Penser la diversité religieuse au Québec

Martin Geoffroy

Diversité québécoise et tectonique des cultures juridiques

Pierre Langeron

tABle Des mAtIères

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PArtIe III : le rAPPort BouChArD-tAylor en QuestIon

La Commission Bouchard-Taylor et la place du Québec

dans la trajectoire de l'État-nation moderne

Guy Laforest

Entre républicanisme et multiculturalisme :

La Commission Bouchard-Taylor, une synthèse ratée

Joseph Yvon Thériault

Charles Taylor, la neutralité de l’État et la laïcité ouverte

Bernard Gagnon

PArtIe Iv : lA QuestIon nAtIonAle

L’interculturalisme comme modèle d’aménagement de la diversité :

compréhension et incompréhension dans l’espace public québécois

François Rocher et Micheline Labelle

En matière de reconnaissance du pluralisme ethnoculturel,

le Québec a-t-il les moyens de ses ambitions ?

Raffaele Iacovino

Une constitution interne comme remède

au malaise identitaire québécois

Michel Seymour

ConClusIon

La diversité et la place du Québec au sein de la fédération canadienne

Alain-G. Gagnon

Notes sur les auteurs

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IntroDuCtIon

Bernard Gagnon

Nous ne surprendrons personne en affirmant que le rapport Bouchard-Taylor a été reçu plutôt froidement par l’intelligentsia québécoise. Du côté politique, l’accueil du gouvernement libéral de Jean Charest ne fut guère plus enthousiaste. D’ailleurs, au prin-temps 2010, rien n’avait encore été entrepris pour mettre en marche les deux principales recommandations du rapport, soit une loi sur l’interculturalisme et un livre blanc sur la laïcité.

La Commission fut-elle mise sur pied uniquement à des fins partisanes ? Pour répondre à une crise ponctuelle, celle de 2006-2007 autour des « accommodements raisonnables », dont certains médias et l’Action démocratique du Québec (ADQ), alors en pleine ascension dans les sondages, avaient fait leurs choux gras ? L’essouf-flement de la controverse sur les accommodements, les modifications de l’échiquier politique1 et l’arrivée « inopinée » de la récession éco-nomique au cours de l’été 2008 auront mis un terme à l’idée de donner suite aux 37 recommandations du rapport, et ainsi justifié sa mise au rancart.

1. La baisse de popularité de l’ADQ s’est concrétisée à l’élection générale de décembre 2008, quand le parti est revenu à l’état de tiers parti (7 députés, 16 % des voix exprimées) après avoir sérieusement prétendu au pouvoir 15 mois plus tôt en mars 2007 (41 députés et 31 % des voix, deux points de pourcentage de moins seulement que le parti victorieux).

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Si ce portrait est juste, on ne peut alors que constater le décalage

entre une action politique en perte de vitesse et une réflexion collective

qui a réuni deux des plus éminents intellectuels québécois, soutenus

par une équipe d’experts aguerris, et qui a conduit à la participation de

nombreux citoyens et représentants des institutions publiques et des

organismes socioculturels lors de plus de 300 audiences publiques

tenues dans divers lieux du territoire québécois. Si elle fut parfois un

objet de risée, dû aux propos malhabiles ou disgracieux de certains

citoyens participant aux audiences, la Commission a néanmoins reçu

une attention soutenue dans les médias et fut loin de laisser la popula-

tion indifférente. Son rapport de plus de 300 pages ne fait pas l’unani-

mité, mais il constitue un ouvrage essentiel et porteur de balises dans

la poursuite du débat public sur les différences culturelles. Comment

alors expliquer le calme plat en matière d’action publique qui a suivi

le dépôt du rapport en mai 2008 ?

La conjoncture économique n’explique pas tout, l’inertie poli-

tique a sans doute sa part de responsabilité. La diversité touche des

enjeux fondamentaux tels que l’identité, le vivre-ensemble et l’avenir

de la nation québécoise, des questions sensibles vis-à-vis desquelles

le statu quo peut apparaître comme la solution politique la moins

risquée dans un contexte où les rapports intercommunautaires au

Québec se sont à nouveau normalisés et où de nouvelles crises iden-

titaires n’apparaissent pas à l’horizon. Mais sur le fond la question

demeure entière et, à ce jour, la Commission Bouchard-Taylor ne

semble guère avoir eu d’effets marqués sur les rapports des Québécois

à la diversité.

Les idées exprimées dans ce livre sont, dans l’ensemble, critiques

à l’endroit du rapport Bouchard-Taylor. Certains collaborateurs

font un constat sévère concernant le contenu du document et sa

capacité à se traduire en actions publiques concrètes, mais la majorité

d’entre eux est d’avis que le débat sur la diversité est loin d’être clos

et que le statu quo n’est pas une option politique. Le calme actuel

dans les rapports interculturels devrait être l’occasion de poursuivre

le débat et non de le mettre en veilleuse.

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1. la diversité, pour quoi faire ?

La question sur laquelle s’ouvre ce livre est celle de la signification de

la notion de diversité dans les sociétés modernes. L’une des critiques

adressées aux commissaires Bouchard et Taylor est celle d’avoir

adopté le postulat de la valeur intrinsèque de la diversité sans donner

les raisons justifiant ce choix pour le Québec. Mais qu’entend-on

par diversité ?

Nul ne peut mettre en doute que le Québec, à l’exemple des

démocraties libérales contemporaines, est une société pluraliste. Par

pluralisme, il faut entendre l’idée qu’il existe une pluralité de valeurs

et de croyances partagées par les membres de la société, parfois dif-

ficilement compatibles les unes avec les autres, mais qui peuvent

néanmoins coexister sous l’égide d’un État de droit. Une démo-

cratie pluraliste doit donc se doter de pratiques institutionnelles et

d’instruments juridiques permettant à chacun, dans les limites de la

liberté d’autrui et dans le respect des lois, de vivre selon ses valeurs

et ses croyances. Les chartes canadienne et québécoise des droits

fondamentaux et des libertés fondamentales, les politiques cana-

diennes du multiculturalisme et québécoise de l’interculturalisme,

les principes juridiques de l’accommodement raisonnable viennent

encadrer cette pratique du pluralisme au Québec et au Canada.

Mais la diversité n’est pas un synonyme du pluralisme. La

diversité va au-delà de ce dernier, elle porte avec elle l’idée d’une

valorisation des différences, et c’est une frontière que franchit le

rapport Bouchard-Taylor lorsqu’il soutient, en plus de l’idée selon

laquelle les différences identitaires, culturelles et religieuses doivent

être respectées et libres de s’exprimer, que la reconnaissance de la

diversité est nécessaire à la cohésion sociale et à la formation d’une

identité commune, selon le principe de l’unité grâce aux différences.

En d’autres mots, alors que le pluralisme requiert principalement

des transformations institutionnelles pour étendre de manière équi-

table les droits et libertés à tout un chacun, peu importe leur diffé-

rence, la diversité exige de repenser les fondements de l’appartenance

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collective ou de l’identité commune afin d’y inclure plus profondé-

ment les apports diversifiés des individus et des groupes.

Les postulats philosophiques de la diversité sont cependant loin

de faire l’unanimité, comme le révèle la discussion proposée entre

Jacques Beauchemin, Jean-François Lessard et Geneviève Nootens ;

des doutes sont émis concernant la compatibilité de ces postulats

avec les fondements démocratiques des sociétés modernes. Des trois

collaborateurs, seule Nootens se montre sympathique à l’endroit du

rapport Bouchard-Taylor. Lessard, sans aborder directement le

contenu du rapport, soulève néanmoins le caractère symptoma-

tique de la diversité, alors que Beauchemin critique sévèrement

l’approche retenue par les commissaires.

Selon Beauchemin, il est nécessaire de déconstruire l’idée de la

diversité aux fins d’en dégager ses véritables intentions philosophi-

ques et idéologiques. Cette notion est élevée aujourd’hui au rang des

valeurs premières et devrait, si l’on s’en tenait à cette idée, lui accor-

der la préséance sur les valeurs de l’unité d’ensemble, mais cette uto-

pie des temps postmodernes annonce-t-elle réellement un monde

meilleur ? Est-elle réellement porteuse de ce qu’elle prétend être : la

conciliation entre les cultures ? Ou n’est-elle qu’une idéologie dégui-

sée et une menace au bien commun ? Sur un ton plus philosophique

que sociologique, Jean-François Lessard poursuit cette interroga-

tion en se demandant si l’idéal proposé par la diversité est compati-

ble avec l’idée de l’unité telle que définie dans le projet de la

modernité. Inspiré par les écrits du philosophe Marcel Gauchet,

Lessard remet en question les liens possibles entre le phénomène de

la montée de l’individualisme, le surinvestissement dans la sphère

privée et les demandes actuelles pour une plus grande reconnais-

sance des différences. La question, pour lui, ne se limite pas à celle de

la légitimité juridique de ces revendications, mais à leur effet sur les

aptitudes collectives de penser l’unité et d’entrevoir un projet politi-

que commun. Au cœur de cette réflexion sur la diversité jaillit, selon

Beauchemin et Lessard, l’enjeu de l’autonomie et de notre capacité

d’émancipation collective, malgré ou avec les différences.

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Les propos de la politologue Geneviève Nootens offrent une

réplique « pluraliste » à ceux de Beauchemin et de Lessard. Selon

Nootens, l’idée d’une valorisation en soi de la différence telle que

proposée par une certaine représentation de la diversité n’est pas

une voie à suivre, et ce n’est pas celle qui est proposée par les

approches libérales du pluralisme. Il n’y a pas de lien de causalité ni

d’évidence sociologique, soutient-elle, entre la reconnaissance des

différences d’une part et la fragmentation sociale et politique d’autre

part. Si la réflexion sur la diversité est essentielle et pertinente, la

politologue se propose de faire un exercice similaire au sujet de

l’idée moderne d’unité. Devons-nous encore nous laisser guider par

une philosophie moniste qui postule l’unité comme le diapason de

tout ordre politique ? Tout comme ses deux prédécesseurs, la poli-

tologue interroge les capacités d’émancipation collective dans les

sociétés contemporaines, mais le lecteur constatera qu’elle en arrive

à des conclusions tout autres.

2. la crise, quelle crise ?

La « crise » des accommodements raisonnables fut une des raisons

invoquées par le premier ministre Jean Charest pour justifier la créa-

tion de la Commission Bouchard-Taylor à l’hiver 2007. Lors de leur

conférence de presse suivant le dépôt du rapport final, en mai 2008,

les coprésidents, Gérard Bouchard et Charles Taylor, ont soutenu

que les controverses autour des accommodements raisonnables

n’étaient pas le fait d’une crise profonde de société – la situation en

matière de rapports intercommunautaires est maîtrisée et le bilan

d’ensemble est positif – , mais il y a bel et bien eu une crise dans la

représentation que la population se fait de ces réalités, ce qui n’était pas

sans risque de dérapage ou de fracture dans les rapports entretenus

entre la majorité franco-québécoise et les minorités culturelles.

Des critiques ont été formulées à l’encontre de ce constat des

commissaires d’une crise « intangible » essentiellement due à l’in-

compréhension d’une majorité de Québécois francophones à

l’égard de la diversité culturelle. Pris sous cet angle, les objectifs des

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recommandations semblaient viser l’éducation de la majorité et non la

clarification des normes et des valeurs devant guider la politique

d’intégration des immigrants. À écouter les commissaires, le principal

danger qui guettait alors le Québec était celui de voir ressurgir les

vieux réflexes identitaires, l’esprit de clocher et la fermeture à la

différence, comme cela s’est produit dans plusieurs pays occiden-

taux aux prises avec une montée du chauvinisme conséquente à un

affaiblissement des repères traditionnels dans un environnement de

plus en plus cosmopolite.

Dans son texte, le sociologue Victor Armony remet en question

cette prémisse d’un Québec en perte de repères. La question est celle

de déterminer si la distinction « eux » / « nous » est sociologiquement

pertinente pour comprendre les difficultés liées à l’intégration des

minorités. Armony se demande si les commissaires n’ont pas erré

en construisant leur rapport sur cette distinction même si leurs

objectifs étaient louables et visaient la conciliation : on y présente

un Québec aux valeurs libérales, modernes, laïques auquel il est

demandé aux immigrants de s’intégrer et d’y adapter leurs valeurs.

Mais existe-t-il des preuves sociologiques démontrant l’existence d’un

conflit de valeurs entre les Québécois francophones et les Québécois

issus des minorités culturelles et de l’immigration ? En tablant sur

cette distinction, qu’advient-il alors, s’interroge le sociologue, de

l’autre aspect de la question, soit les obligations morales et politiques

de l’État d’assurer à tous les citoyens les mêmes droits et les mêmes

libertés ?

La distinction majorité / minorité est aussi l’objet des préoccupa-

tions de Martin Geoffroy. La crise des accommodements raisonnables

portait-elle réellement sur l’intégration des différences culturelles à

la société québécoise ? Selon Geoffroy, la crise mettait plutôt de

l’avant des considérations religieuses et non des considérations

ethniques, mais cette dimension du problème fut occultée dans un

débat public qui a maintenu, au-delà de toute considération empirique,

l’amalgame entre religion et ethnicité. Cela ne traduit-il pas un

malaise plus profond concernant la difficulté de penser la place de

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la religion dans la société québécoise – malaise révélé, entre autres,

par les positions ambivalentes des Québécois à l’endroit de la laïcité ?

Il revient au juriste français Pierre Langeron de clore cette section.

Il ne retient pas, de la crise qui a secoué le Québec, l’idée d’une quel-

conque régression identitaire des Québécois, mais plutôt celle selon

laquelle la crise traduit peut-être une fracture plus profonde dans la

culture juridique québécoise marquée par une dualité entre des

emprunts au droit anglais et des emprunts au droit français. Politi-

quement, cette dualité se traduit par la recherche d’un équilibre

entre le respect des libertés individuelles et du pluralisme, d’une part,

et la recherche d’un idéal commun, d’autre part. Mais le débat autour

des accommodements dévoile des tensions entre ces deux éléments

que Langeron situe dans le contexte des récentes décisions de la

Cour suprême du Canada en matière de multiculturalisme et leurs

conséquences sur le modèle juridique québécois. L’idéal québécois,

d’inspiration française, d’un consensus fort autour d’une certaine

idée de l’ordre public est-il remis en cause par l’hégémonie que tend

à prendre sa contrepartie anglo-saxonne, le respect des libertés indi-

viduelles, dans le paysage juridique canadien ?

3. un historien et un philosophe

La troisième partie de l’ouvrage s’intéresse aux fondements philo-

sophiques et politiques du rapport Bouchard-Taylor et aux réponses

de ce dernier aux défis sociopolitiques du Québec contemporain. La

rencontre entre l’historien Gérard Bouchard et le philosophe Charles

Taylor est significative à plusieurs points de vue : non seulement

réunit-elle deux visions opposées de la question nationale – le

premier souverainiste, le second fédéraliste –, mais aussi deux

représentants de disciplines universitaires à la fois distinctes et com-

plémentaires : l’une ancrée dans la réalité objective des faits histo-

riques et sociaux, l’autre assise sur leurs significations normatives.

Tout ce qu’il y a de mieux, sur le plan intellectuel, pour examiner de

près l’état présent de la société québécoise et proposer un modèle

permettant de répondre aux défis d’une société ouverte et pluraliste.

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Il ne s’agissait donc pas uniquement d’un mariage de convenance, mais du projet ambitieux de dégager « la voie à suivre » au-delà des tensions inhérentes à la nation québécoise.

Selon le politologue Guy Laforest, le rapport offre un constat dans l’ensemble optimiste face à la situation du Québec contemporain. Si certaines crispations identitaires sont perceptibles, aux yeux des commissaires, elles sont à situer dans le contexte plus général des nations occidentales en perte de repères identitaires devant les phéno-mènes de mondialisation et d’ouverture des frontières. La particu-larité de la nation québécoise est plutôt celle de devoir concilier le double statut de minoritaire en Amérique – une petite nation néces-sairement portée à la défense de son identité singulière – et de majo-ritaire au Québec, ce qui explique en partie l’importance qu’a pu prendre au cours des dernières années le thème de l’ouverture à la différence. Au-delà des constats, c’est au modèle national proposé par le rapport que s’intéresse le politologue. Selon lui, on peut y lire de nouveaux discours sur la nation québécoise et un projet de régéné-ration nationale dont les contours sont déterminés en partie par l’influence qu’ont pu y exercer Gérard Bouchard et Charles Taylor. Laforest s’interroge toutefois à savoir si ce projet national réussit véri-tablement à surmonter les tensions inhérentes au double statut du Québec, majoritaire d’une part, et minoritaire d’autre part.

Joseph Yvon Thériault, quant à lui, situe la rencontre entre Gérard Bouchard et Charles Taylor dans le contexte des débats contemporains au sujet de la modernité politique. La rencontre entre l’historien et le philosophe était loin d’être fortuite ; au contraire, elle annonçait, selon lui, une réconciliation possible entre universalité et tradition. Le grand défi des sociétés modernes devant la montée du pluralisme et de la différence est de redonner une profon-deur historique aux valeurs universelles – liberté, égalité, rationa-lité – portées par l’esprit des Lumières. Or, en formant le couple Bouchard / Taylor, la Commission réunissait à la fois la perspective universaliste, incarnée par l’historien (le souci de concilier les valeurs québécoises et celles de la modernité politique), et la perspective communautarienne, incarnée par le philosophe (l’importance de

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former une communauté de sens). Ainsi, le projet d’intercultura-

lisme pouvait-il se traduire comme la réponse québécoise au

dilemme moderne d’inscrire les idéaux abstraits de la modernité

dans une tradition politique particulière. Mais pour mener à bien

l’exercice, soutient Thériault, encore faut-il extirper, au-delà des

valeurs partagées de la modernité, celles dont le contenu serait plus

spécifiquement québécois, à défaut de quoi l’intégration demeure

sans repère historique et se dissout dans l’universel abstrait.

Dans mon propre texte, je m’interroge sur les affinités entre les

positions du « commissaire » Charles Taylor et celles du « philosophe »

Charles Taylor. Les recommandations du rapport dérogent peu des

positions, récentes et plus anciennes, du philosophe à l’endroit de la

neutralité de l’État et de la laïcité. L’autorité intellectuelle de Charles

Taylor teinte les constats du rapport, d’où l’importance à mon avis

de comprendre les filiations entre son travail au sein de la Commis-

sion et ses écrits philosophiques et politiques. La notion de commu-

nauté est un des points d’ancrage qui permet de rallier le commissaire

et le philosophe, mais contrairement à mon collègue Joseph Yvon

Thériault, je ne crois pas qu’il soit dans le projet philosophique de

Charles Taylor de doter la communauté politique d’une épaisseur

historique qui la placerait en amont des rapports sociaux et poli-

tiques. Selon la philosophie taylorienne, la communauté prend

forme dans les savoir-faire et les diverses interrelations citoyennes ;

elle est un processus dont le noyau repose sur des expériences

communes de vivre-ensemble et d’agir en commun. L’ouverture à la

différence, selon Taylor, s’inscrit donc dans un projet collectif de

« co-construction » nationale.

4. la question nationale, une absence remarquée

De l’avis de plusieurs des auteurs de ce livre, l’absence de considéra-

tions au sujet de la question nationale est un fait marquant du rapport

Bouchard-Taylor. Débattre des enjeux de l’intégration des immi-

grants et de l’ouverture à la diversité culturelle sans tenir compte de

la place du Québec dans la fédération canadienne, c’est, selon les

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textes réunis dans la quatrième partie, se voiler les yeux et se priver d’une compréhension globale de la question. Les commissaires s’en sont défendus, affirmant que l’analyse des rapports Québec / Canada ne figurait pas dans le mandat de la Commission. Néanmoins, la définition d’un modèle d’intégration typiquement québécois, exercice auquel se sont livrés les commissaires, nécessite une incursion dans les domaines de l’identité collective, de la citoyenneté et de la commu-nauté d’accueil, domaines qui sont l’objet de discordes entre le Québec et le Canada.

Selon François Rocher et Micheline Labelle, cette oblitération du contexte Québec / Canada a conduit les commissaires à cantonner la nation québécoise à sa dimension culturelle, omettant de ce fait les luttes politiques que se livrent l’État québécois et l’État canadien pour s’assurer l’allégeance des citoyens québécois, plus précisément celle des Néo-Québécois. Le modèle québécois de l’intercultura-lisme et le modèle canadien du multiculturalisme se chevauchent sur le territoire québécois, mais les commissaires ne se prononcent ni sur leur complémentarité ni sur leur rivalité. Selon Rocher et Labelle, une discussion approfondie sur une politique québécoise d’intégration ne peut se cantonner aux relations interculturelles ; la définition de la citoyenneté, des droits et des obligations des citoyens québécois et l’allégeance à la communauté d’accueil québécoise sont parties prenantes du débat et obligent à se prononcer plus clairement sur la signification politique de l’affirmation d’une citoyenneté qué-bécoise dans le contexte canadien. Si la continuité du noyau franco-phone demeure au cœur du problème, alors on ne peut faire abstraction des rapports Québec / Canada.

Raffaele Iacovino et Michel Seymour poursuivent sur le même ton. Selon le premier, l’idée de doter le Québec d’un modèle distinct d’intégration de la diversité culturelle – c’est-à-dire différent du multiculturalisme canadien – est dépendante de la réponse à une question préalable : la pleine reconnaissance du Québec comme communauté d’accueil. Les rapports entre la majorité franco-québécoise et les minorités culturelles doivent être situés dans un contexte politique dans lequel la communauté d’accueil qu’est le

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