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Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie Du train à vapeur au TGV: sociologie du travail d'organisation by Gilbert de Terssac; Karine Lalande Review by: Catherine Paradeise Revue française de sociologie, Vol. 45, No. 3 (Jul. - Sep., 2004), pp. 603-606 Published by: Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3323099 . Accessed: 02/10/2013 12:31 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue française de sociologie. http://www.jstor.org This content downloaded from 138.26.31.3 on Wed, 2 Oct 2013 12:31:17 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Du train a vapeur au TGV: sociologie du travail d'organisation

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Éditions OPHRYS et Association Revue Française de Sociologie

Du train à vapeur au TGV: sociologie du travail d'organisation by Gilbert de Terssac; KarineLalandeReview by: Catherine ParadeiseRevue française de sociologie, Vol. 45, No. 3 (Jul. - Sep., 2004), pp. 603-606Published by: Éditions OPHRYS et Association Revue Française de SociologieStable URL: http://www.jstor.org/stable/3323099 .

Accessed: 02/10/2013 12:31

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Les livres

l'importance qui peut etre conferee a tel ou tel evenement emergeant au sein d'une situation de travail ne peut etre d6con- nectee du sens susceptible de lui etre donn6 par les travailleurs qui y sont confront6s (chap. 8). Le chapitre 7 consiste en une remise en question du concept d'<< intellectualit6 pure >> - cette intellectualit& que l'on pr6sumerait, a tort, depourvue de tout affect ou subjecti- vit6 - et dont l'inaccessibilit6 qu'elle constituerait pour les femmes, comme le laisse supposer le sens commun, en ferait l'une des sources majeures de la domina- tion masculine. Enfin, P. Zarifian 6met une critique forte des concepts de << societ6 de la connaissance >> ou de << soci6t6 de service>> en pr6cisant que leur utilisation aujourd'hui v6hicule tout un ensemble de mythes. C'est pourquoi il leur prefere le concept de << rapport social >>, davantage en prise avec la realit6 sociale selon lui (chap. 10).

Au final, c'est donc bien une critique de toutes les rationalisations du travail - passees et presentes - qui nieraient les salaries en tant que sujets de l'acte de travail dont il s'agit ici en filigrane. L'utilite du travail, via son objectivation, ne peut se r6duire a l'unique maximisa- tion du profit. Le contenu meme du travail, ce qu'il repr6sente aux yeux des salaries et les biens et services qu'il produit demeurent pr6pond6rants. Et si l'approche du chercheur se veut r6solu- ment critique, P. Zarifian ne se limite pas a la pure analyse ou au simple constat mais aspire 6galement '& mettre des propositions alternatives. C'est par exemple le cas lorsqu'il fournit une d6fi- nition du << temps devenir>> ou 61abore une conception nouvelle de la producti- vit& qui comptent parmi les idees fonda- mentales de l'ouvrage. Une interrogation pourrait subsister en ce qui concerne le constat de l'6mergence du controle au sein des systemes disciplinaires tradition- nels, ces derniers faisant des lors l'objet d'une lente alteration: n'assisterions nous pas plutot a l'instauration de nouvelles formes de disciplines du travail

avec l'apparition de modes d'imposition inedits de regles et de normes dans les organisations productives ? Ainsi par exemple, a l'heure oi' de nombreuses grandes entreprises se placent sous la coupe des soci6t6s d'actionnaires, ne faut-il pas voir dans les r6quisits de comp6titivit& et de rentabilit6 du capital investi un puissant dispositif de disci- pline salariale comme le laisse entendre Fr6deric Lordon (1) dans son dernier ouvrage ?

Gacitan Flocco Centre Pierre Naville - Universite d'Evry

(1) Voir Et la vertu sauvera le monde... Apres la debdcle financiere, le salut par l'< ethique ) ? Paris, Raisons d'agir, 2003.

Terssac (Gilbert de), Lalande (Karine). - Du train a vapeur au TGV: sociologie du travail d'organisation. Paris, Presses Universitaires de France (Le travail humain), 2002, vii-228 p., 23 E.

Gilbert de Terssac et Karine Lalande nous proposent avec cet ouvrage de cons- truire un concept de << travail d'organisa- tion >>, prenant le terme d'organisation au sens actif << d'action d'organiser >> plut6t qu'au sens passif << d'etat de ce qui est organis6 >>. La direction des Materiels de la SNCF, 6tudi~e de 1950 & 1990, fournit le support empirique de la r6flexion. Une commande de l'entreprise a donn6 acces a de multiples traces 6crites (documents d'organisation, actes des congres du Materiel, articles de dirigeants, proc6- dures de travail, tracts syndicaux) et a permis d'interroger en profondeur un ensemble d'acteurs (121) qui travaillaient << au Materiel >> durant la p6riode consi- deree par l'enquete. Ces sources permet- tent de suivre la transformation des rbgles et des acteurs de l'organisation, qui accompagne et permet d'int6grer effica- cement les consid6rables changements technologiques que connait l'entreprise,

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Revue frangaise de sociologie

de la fin de la traction a vapeur (encore largement dominante en 1950) a la gene- ralisation de la traction &lectrique et aux multiples modernisations techniques dont le TGV est devenu le plus recent emblkme.

Les trois chapitres centraux de l'ouvrage, qui decrivent les trois moments de la transformation des regles, sont encadres par une breve introduction qui situe l'enquite, apres une interessante preface de Jean-Daniel Reynaud, et par un chapitre qui revient sur ses enseigne- ments th6oriques. Chacune des periodes degagees par le travail de terrain fait apparaitre un moment du travail d'organi- sation, << phase experimentale >> des annees cinquante (arrivee des premieres machines monophasees en 1954), << phase de generalisation >> des annees soixante- dix, << phase de differenciation >>

' partir

des annees quatre-vingt. Si ce travail est sans fin, c'est qu'il vise a chaque fois un agencement different des ressources pour repondre a un probleme specifique touchant l'efficacite et a la legitimite de l'organisation productive. II concerne toutes les composantes de l'activit& professionnelle (division du travail, regles hierarchiques, procedures de travail, formation, identites collectives). 11 comporte une triple dynamique des connaissances, des apprentissages, des jeux de pouvoir, toujours impulsee par la direction du Materiel, qui en cherche les promoteurs sur le terrain, deplagant ainsi les jeux de pouvoir, recomposant les echanges sociaux au sein des etablisse- ments, reseaux, regions, directions, et redefinissant par 1 meme l'acteur productif collectif.

La premiere phase remet en cause << l'organisation vapeur >>, qui concede aux compagnons la propriet& d'un savoir- faire peu specialise, acquis sur le tas, dont les secrets jalousement gardes permettent de maitriser une large zone d'incertitude cantonne dans un strict r6le d'exrcution. Sur le r~seau oil il est exp'- rimente, le travail d'organisation porte sur la construction et la formalisation de

nouveaux savoirs capables d'integrer la dynamique de l'innovation, permettant de rationaliser leur transmission, leur usage, leurs relations aux evolutions de carribre. II promeut un ref6rentiel fond& sur la competence et la professionnalit& des compagnons (<< le paradigme du compa- gnon >>), qui, associds a quelques chefs d'6tablissements, constituent le groupe tres minoritaire des << inventeurs >>, qui acceptent le pari d'une reorganisation apparemment porteuse des benefices futurs du projet et d'avantages immediats de carriere. Le travail d'organisation deplace ainsi le lieu de formulation des regles vers le niveau local. II est mis au service de la concentration et de la specialisation des dep6ts, de la speciali- sation interne des &quipes et de la respon- sabilisation des ouvriers sur la qualit& de leur travail.

La phase de generalisation etend la rationalisation depuis le site pilote jusqu'& l'ensemble de la direction Mate- riel. Elle elargit le groupe des << inven- teurs >> en un acteur collectif plus nombreux, le groupe des << innovateurs >>, promoteurs de la << doctrine >> &labor6e sur la base du ref6rentiel precedent comme outil de normalisation visant a r'duire l'emiettement des manibres de voir et de faire dans la mosai'que << des esprits des reseaux >>. La doctrine, elabor'e dans le cadre d'une regulation centralisee, encourage l'initiative decen- tralisee. La mission de porter ce projet sur le terrain est confide a divers agents (instructeurs, rapporteurs, binomes), charges de propager cette innovation organisationnelle par la formation, l'animation, I'6laboration de documents proc'duraux en cooperation avec les compagnons. La << doctrine >> construite et diffusee en particulier a partir des << Congrbs du Materiel >> sert de point d'appui cognitif a une reforme structu- relle qui accroit l'emprise de la direction sur les entites locales en creant un niveau regional visant a contester la forte auto- nomie traditionnelle des reseaux. Cela lui << rend la main>> sur l'allocation des

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Les livres

ressources, lui permet le cas 6cheant d'operer un controle direct sur des realites en cours de normalisation par la doctrine. Cela lui permet 6galement de construire une vision de moyen terme pour l'entreprise et ses membres qui, adherant mieux aux realites d'un terrain plus homogene en termes de normes d'organisation, permet d son tour aux innovateurs d'ancrer leurs anticipations personnelles de carriere dans des repre- sentations credibles et positives du devenir de l'entreprise, opposables aux chefs de service conservateurs et autres opposants ou sceptiques. En combinant une regulation centralisee heteronome avec une regulation locale autonome, le centre propose un cadre d'interpretation et d'organisation permettant la coordina- tion et la mobilit6 sans exiger une solu- tion unique ou optimale a la regulation locale.

En mettant en place une organisation par projets, la troisieme epoque engage un processus de diff6renciation a partir du dispositif anterieur qu'ont rigidifie les << derapages >> d'(ex)-innovateurs. Oublieux du fait que la souplesse et l'adaptabilit6 du dispositif organisa- tionnel reposaient sur le necessaire decouplage entre des regles d'organisa- tion centralisees et des regles pratiques construites par interpretation locale, ils se sont muds en bureaucrates. La phase de generalisation a donc vu se creuser un ecart croissant entre deux ensembles d'acteurs, d'un c6t6 la direction et les (ex)-innovateurs verrouillant les regles, de l'autre l'encadrement, les compa- gnons, les syndicats nationaux revendi- quant plus d'autonomie d'action, au detriment de l'efficacit6 et de l'adaptabi- lite. La periode de diff6renciation vise a ouvrir le jeu, pour briser ces rigidites et creer un potentiel permettant & un nouvel acteur collectif d'6merger. La recomposi- tion des regles et des savoirs prend argu- ment de l'arrivee de nouveaux materiels pour developper diff6renciation et modu- larisation de la maintenance, et pour mieux integrer conception et mainte-

nance, contrant ainsi les << rgles moyennes )) imposees par les bureau- crates, et encourageant une meilleure coordination entre les acteurs sur le terrain. La diff6renciation rend l'initia- tive a qui veut la prendre, restitue aux compagnons une position-cl6 dans l'inno- vation normative et leur ouvre un espace de n6gociation avec l'encadrement autour des modes d'exercice de l'autorit6. Leur adhesion & ce projet permet d'assouplir les regulations de controle, de faire battre en retraite les bureaucrates, de neutraliser les syndicats. Au final, elle ouvre le champ & la constitution d'un nouvel acteur collectif coordonne autour du primat des regles autonomes inscrites dans le cadre d'un projet qui apparait comme l'outil organisationnel d'une rela- tion plus harmonieuse entre le local et le centre.

Le quatribme chapitre consacre le concept de travail d'organisation, en revendiquant tres explicitement la filia- tion de Jean-Daniel Reynaud sur la r6gu- lation sociale, les affinit6s avec les travaux d'Erhard Friedberg sur l'action organis6e et de Bruno Latour sur les dispositifs socio-techniques. Le travail d'organisation d6signe les processus de quasi-n6gociation et d'appropriation des regles par apprentissage, visant a refonder l'efficacit6 et la 16gitimit6 de l'organisation en promouvant de nouvelles manieres de voir et de faire, de nouvelles identit6s et de nouvelles valeurs. II s'impose dans toutes les circonstances oui la routinisation des pratiques, des representations, des acteurs, des lieux affecte la performance et la 16gitimit6 des formes et des acteurs organisationnels, c'est-a-dire chaque fois que la regle ne regle plus les problkmes d'efficacit6, de contrdle, de coop6ration entre acteurs. Autrement dit, la valeur des regles tient a leur capacit6 d'entretenir un 6change social satisfaisant ou incontour- nable pour les acteurs, 6change dont les caract6ristiques changent d'un moment a l'autre du processus d'organisation, selon la maniere dont se redistribue le pouvoir

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Revue frangaise de sociologie

entre les divers groupes composant l'organisation. C'est ainsi par exemple que les regles de maintenance 6laborees du temps de la vapeur, devenues contre performantes avec les machines 6lectri- ques, perdent leur lkgitimit6 et peuvent etre renversees par le groupe social << minoritaire >> des inventeurs. Le conflit interne a la direction ne peut pas &tre ici decrit comme << un rapport de forces >>, mais comme une << concurrence de lkgiti- mite >>, s'appuyant sur un jugement ext&- rieur quant a la meilleure fagon d'assurer le devenir de l'ensemble de la mainte- nance et de l'entreprise. Les &changes sociaux et leurs evolutions ne peuvent donc s'interpreter de fagon strictement utilitariste, en invoquant les calculs d'interet individuels de court terme. Autrement dit, les acteurs collectifs ne sont pas de simples coalitions d'interets et l'echange social ne relkve pas de la categorie du marchandage. Ce qui cons- truit et porte les acteurs collectifs, c'est d'abord le partage de savoirs et de valeurs regules par l'&change social, qui stabilise leur << pretention aux regles >> sur un horizon de moyen terme.

II faut saluer cet ouvrage dont la reus- site tient la fois a son ambition et sa modestie. Ambition des enjeux th6ori- ques qu'il affronte a mon sens avec succes, en combinant les registres des sociologies des organisations, des rela- tions professionnelles et du travail, Modestie d'une posture efficace de reve- rence envers la pensee de Jean-Daniel Reynaud, pour ancrer la question des ordres et des dynamiques organisation- nelles dans la theorie de la regulation

sociale. Deux regrets cependant. En premier lieu, il est dommage que manque une presentation synthetique d'informa- tions essentielles a la demonstration d'un ouvrage au demeurant construit avec une rigueur exemplaire. Quelques organi- grammes auraient permis de mieux posi- tionner le Materiel dans l'organisation SNCF et d'identifier clairement les lignes hierarchiques qui lient la direction aux etablissements, reseaux, regions, dep6ts, ateliers a chaque moment de l'histoire qui nous est contee; une sociographie plus systematique des inventeurs, innovateurs, conservateurs, etc., qui s'allient ou s'opposent au cours des diverses phases, aurait mieux 6clair6 le positionnement du jeu des acteurs. Un retour sur le probable chevauchement des periodes dans le deroulement de sequences ici decoupees au rasoir aurait pu mettre au jour des developpements asynchrones permettant d'expliquer telle ou telle limite des projets propres a chaque periode. En second lieu, les auteurs ne sont-ils pas portes a une vision trop irenique de la regulation sociale, comme celle que proposent des discours d'organisation au demeurant tres en phase avec les modes manageriales de leurs temps, pref6rant par exemple les interpretations du blocage de l'innovation par les << dera- pages organisationnels >> a des visions plus cyniques qui feraient du verrouillage de la regulation locale la verit6 pratique d'un discours managerial sur le decou- plage necessaire des regulations ?

Catherine Paradeise ENS de Cachan

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