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DIRECTION RÉGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ET DE LA COHÉSION SOCIALE MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLÔME D’ÉTAT DE MASSEUR KINÉSITHÉRAPEUTE 2015 Prise en charge d’un patient suite à des complications d’une fracture fémorale bilatérale : Quand la volonté d’atténuer l’apparence de son handicap est sa priorité Stage temps plein du 03 mars au 11 avril 2014 BALÈS Morgane

d’une fracture fémorale bilatérale

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Page 1: d’une fracture fémorale bilatérale

DIRECTION RÉGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS

ET DE LA COHÉSION SOCIALE

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLÔME D’ÉTAT

DE

MASSEUR KINÉSITHÉRAPEUTE

2015

Prise en charge d’un patient suite à des complications

d’une fracture fémorale bilatérale :

Quand la volonté d’atténuer l’apparence de son handicap est sa priorité

Stage temps plein du 03 mars au 11 avril 2014 BALÈS Morgane

Page 2: d’une fracture fémorale bilatérale

RÉSUMÉ

Monsieur P est un patient de 27 ans, victime d’un accident de la voie publique en deux

roues. Il est hospitalisé pour fracture diaphysaire fémorale bilatérale et bénéficie en

urgence d’une intervention chirurgicale : réduction des fractures et enclouage

centromédullaire verrouillé diaphysaire fémoral bilatéral. Suite à cette intervention, un

syndrome des loges bilatéral de cuisse est traité en urgence par aponévrotomie. Ce

syndrome des loges bilatéral a engendré une compression au niveau du nerf sciatique

entrainant d’importants troubles sensitifs et moteurs.

Au début de la prise en charge, 9 mois après l’intervention chirurgicale, Monsieur

P présente des troubles moteurs et sensitifs des nerfs fibulaires commun et tibial à gauche.

Lors des bilans, des déficits articulaires et musculaires ont été relevés entraînant des

perturbations fonctionnelles.

Au cours de la rééducation, Monsieur P portait énormément d’importance sur

l’apparence de son handicap, dans sa manière de se déplacer et dans certaines activités. Il

souhaitait que celui-ci soit moins « visible ».

Je me suis alors demandée de quelles manières je pouvais agir pour répondre à la demande

de Monsieur P. Est-il possible de rendre ce handicap moins « visible » ? Puis-je agir sur

cette apparence auquel le patient porte tant d’importance lors de ma prise en charge ?

Mots clés Keywords

- Fracture fémorale bilatérale - Bilateral femur fracture

- Syndrome des loges bilatéral - Bilateral compartment syndrome

- Nerf Sciatique - Sciatic Nerve

- Marche - Walking

- Handicap - Handicap

Page 3: d’une fracture fémorale bilatérale

SOMMAIRE

Page

I. INTRODUCTION ................................................................................................. 1

II. ANAMNÈSE ET DOSSIER MÉDICAL ............................................................. 2

II.1 Présentation du patient ................................................................................ 2

II.2 Histoire de la maladie .................................................................................. 2

II.3 Antécédents ................................................................................................. 4

II.4 Traitements médicaux.................................................................................. 4

II.5 Profil psychologique et attentes du patient .................................................. 4

III. BILANS KINÉSITHÉRAPIQUES ...................................................................... 4

III.1 Bilan algique ................................................................................................ 5

III.2 Bilan cutané, trophique, vasculaire.............................................................. 5

III.3 Bilan articulaire ........................................................................................... 6

III.4 Bilan neurologique ...................................................................................... 6

III.5 Bilan musculaire .......................................................................................... 8

III.6 Bilan fonctionnel ......................................................................................... 9

III.7 Bilans finaux ................................................................................................ 10

IV. DIAGNOSTIC MASSO-KINÉSITHÉRAPIQUE .............................................. 11

V. OBJECTIFS ET PRINCIPES DE LA PRISE EN CHARGE ........................... 13

VI. MOYENS KINÉSITHÉRAPIQUES .................................................................... 14

VI.1 Dominante articulaire et étirements musculo-tendineux ............................. 14

VI.2 Dominante musculaire ................................................................................. 16

VI.3 Dominante sensitive .................................................................................... 19

VI.3 Dominante fonctionnelle : travail de la marche et de l’équilibre ................ 19

VI.4 Prise en charge des douleurs lombaires ....................................................... 21

VII. DISCUSSION ......................................................................................................... 22

VII.1 La notion de handicap.................................................................................. 22

VII.2 Actions sur la clinique ................................................................................. 25

VII.3 Les obstacles rencontrés .............................................................................. 28

VIII. CONCLUSION ...................................................................................................... 30

RÉFÉRENCES

ANNEXES

Page 4: d’une fracture fémorale bilatérale

1

I. INTRODUCTION

Le 4 mars 2013, Monsieur P est victime d’un accident de la voie publique en deux

roues. Il est ainsi hospitalisé pour fracture diaphysaire fémorale bilatérale et bénéficie en

urgence d’une intervention chirurgicale.

La fracture de la diaphyse fémorale est fréquemment retrouvée chez des patients

masculins dont l’âge varie entre 15 et 24 ans. Dans 75% des cas, elle fait suite à un

traumatisme à haute énergie, notamment dans les accidents de la voie publique. En

revanche, l’atteinte des deux diaphyses fémorales est bien moins fréquente, cela ne

représente que 4,6% des cas [1].

Quelques heures après l’intervention chirurgicale, Monsieur P développe un syndrome

des loges aigu bilatéral de cuisse. Le syndrome des loges est une des complications

secondaires pouvant survenir à la suite d’un traumatisme grave. Il s’agit de l’augmentation

de la pression intracompartimentale d’une ou plusieurs loges musculaires déclenchée par

l’augmentation du volume du contenu de la loge ou par la diminution de la compliance du

contenant [2]. Cette augmentation peut être responsable d’une ischémie musculaire et de

compressions nerveuses graves. Cela engendre une souffrance neuromusculaire pouvant

aller jusqu'à la nécrose.

Il existe deux types de syndrome des loges : aigu et chronique. Les formes chroniques

sont dues à une augmentation excessive et pathologique du volume musculaire [2]. Les

formes aiguës sont cliniquement plus graves et constituent une urgence chirurgicale. Ces

complications sont le plus souvent secondaires à un traumatisme de l’avant-bras ou de la

jambe mais rarement au niveau de la cuisse. Plus exceptionnel, il peut faire suite à des

interventions chirurgicales par enclouage centromédullaire de fémur [3].

Cliniquement, le syndrome des loges aigu se caractérise par d’importantes douleurs au

niveau du membre touché. Nous constatons un aspect inflammatoire localisé et une

augmentation de volume du membre concerné. Le patient peut présenter des signes de

compression nerveuse : paresthésies (pouvant être décrites comme des « fourmillements »),

hypoesthésie ou anesthésie au niveau des mains ou des pieds selon l’atteinte ; mais aussi

une apparition de déficits musculaires plus ou moins importants aux extrémités et dans le

territoire du nerf comprimé. La mesure des pressions intramusculaire (PIM) est alors mise

en place pour confirmer le diagnostic [2].

Page 5: d’une fracture fémorale bilatérale

2

Lorsqu’un nerf est comprimé, l’atteinte est d’abord sensitive, puis motrice. En premier

lieu, ce sont les troncs nerveux qui sont touchés. Dans un second, les muscles comprimés

et non vascularisés peuvent se rétracter voir se nécroser [3]. A noter que selon l’importance

de la compression exercée et sa durée, les troubles présents seront plus ou moins

réversibles.

Ainsi, dans le cas d’un syndrome des loges aigu, un traitement chirurgical par

aponévrotomie de décompression doit être effectué en urgence pour limiter les séquelles.

En effet, les lésions musculaires et nerveuses peuvent devenir irréversibles et entraîner

d’importants troubles fonctionnels chez le patient. Si le délai de la décompression dépasse

12 heures, il y a de faibles chances de récupération fonctionnelle et elle va s’accompagner

d’un taux élevé de complications [4].

Suite au traumatisme et aux différentes complications survenues, le patient présente des

troubles fonctionnels. Ces déficits se traduisent lors de la marche par des boiteries. La

rééducation aura pour but d’améliorer la marche et de palier aux déficits constatés lors des

bilans. Néanmoins, tout au long de la prise en charge, Monsieur P portait énormément

d’importance à aténuer l’apparence de son handicap. Je me suis alors demandée de quelles

manières je pouvais agir pour répondre à sa demande. Est-il possible de rendre ce handicap

moins « visible » ? Ainsi, dans ma réflexion, j’aborderai : la notion de handicap, comment

je peux agir et quels sont les obstacles rencontrés.

II. ANAMNÈSE ET DOSSIER MÉDICAL

II.1. Présentation du patient

Monsieur P est âgé de 27 ans. Il mesure 1 mètre 82 pour 100 kilogrammes et son indice

de masse corporelle est de 30,2 (d’après l’Organisation Mondiale de la Santé). Il vit avec

son épouse, enceinte de 5 mois dans un appartement avec ascenseur. Il est gérant d’une

agence immobilière, dont il a repris l’activité depuis quelques mois. Avant son accident, il

pratiquait l’équitation et essaie de reprendre cette activité depuis quelques semaines.

II.2. Histoire de la maladie

Le 4 mars 2013, Monsieur P est victime d’un accident de la voie publique en deux

roues. Il est alors hospitalisé et bénéficie en urgence d’une intervention chirurgicale le 5

Page 6: d’une fracture fémorale bilatérale

3

mars : réduction des fractures (Annexe I) et enclouage centromédullaire verrouillé

diaphysaire fémoral bilatéral (Compte rendu opératoire (CRO) : Annexe II).

Monsieur P va présenter de nombreuses complications post-opératoires :

- 18 heures après l’intervention, il est de nouveau opéré en urgence : un syndrome

des loges bilatéral comprime ses deux sciatiques entraînant des paralysies, des

aréflexies et des anesthésies des deux jambes et des deux pieds.

Une aponévrotomie bilatérale des loges antérieures et postérieures de cuisse est

alors réalisée (CRO : Annexe II) ;

- Monsieur P est ensuite traité pour une infection des aponévrotomies due à une

bactérie : l’Escherichia Coli résistant ;

- À J3, il est anesthésié pour réfection de pansement ;

- Quelques jours plus tard, une nécrose à la face médiale de la cuisse gauche, ainsi

qu’une désunion de la cicatrice au niveau latéral sont découvertes. Il y a donc

nécrosectomie et reprise de la cicatrice à gauche à J13 ;

- Le 11 juin, c’est-à-dire à J115 de l’intervention chirurgicale, un retard de

consolidation à droite avec aspect en distraction du foyer distal justifie la reprise

chirurgicale avec greffe osseuse (crête coxale droite).

Figure 2 : Radiographie du fémur droit après Figure 3 : Radiographie du fémur

intervention chirurgicale gauche (24/06/13)

du 11 juin (24/06/13)

Page 7: d’une fracture fémorale bilatérale

4

II.3. Antécédents

Monsieur P ne présente aucun antécédent chirurgical et médical. En revanche, au niveau

psychologique il est noté des antécédents :

- D’agoraphobie,

- De dépression,

- D’insomnie.

II.4. Traitements médicaux

Lors de la prise en charge du 03 mars au 11 avril 2014, Monsieur P suivait un traitement

médical comprenant des Anxiolytiques : Seroplex® (10 milligrammes) et Lexomil® (2 par

jour) et un somnifère : Atarax® (100 milligrammes).

Ces traitements lourds entraînent un état de fatigue général et une certaine somnolence

pouvant perturber par moments le bon déroulement des séances de rééducation.

II.5. Profil psychologique et attentes du patient

Monsieur P souhaite atténuer l’apparence de son handicap. De plus, il aimerait

reprendre l’équitation en pratiquant cette activité plus régulièrement comme auparavant,

avant son accident.

Le patient montre une certaine motivation en début de séance. Néanmoins, il se fatigue

rapidement et présente plus de difficultés à se concentrer en fin de séance.

III. BILANS KINÉSITHÉRAPIQUES

Les bilans ont été effectués lors du stage du 03 mars au 11 avril 2014, c'est-à-dire 9

mois après la dernière intervention chirurgicale et 1 an après l’accident.

Page 8: d’une fracture fémorale bilatérale

5

III.1. Bilan algique

Monsieur P présente plusieurs types de douleurs :

- Neuropathiques : celles-ci seront décrites dans le bilan neurologique ;

- Douleurs lombaires : provoquées par une hypertonie des muscles para-vertébraux de

la région lombaire et majorées à gauche : carré des lombes et érecteurs du rachis

lombaire. Celle-ci est évaluée à 1/10 sur l’échelle visuelle analogique (EVA).

III.2. Bilan cutané trophique vasculaire

Cutané

Nous observons plusieurs cicatrices des suites opératoires :

- Sur les faces latérales des cuisses droite et gauche : cicatrices larges de 43

centimètres ;

- Sur les faces latérales du genou droit et gauche de 5 centimètres ;

- Prélèvement de la greffe : cicatrice horizontale de 9 centimètres au niveau de la

crête coxale ;

- Sur l’articulation métatarso-phalangienne du 5e orteil gauche (5 sur 2,5

centimètres) : cicatrice d’une escarre apparue par la compression d’une attelle anti-

équin en présence de troubles de la sensibilité superficielle lors de la prise en

charge du patient à l’hôpital.

Les cicatrices sont blanches et non adhérentes à la palpation.

Trophique

Suite à une comparaison visuelle et à la palpation des muscles au niveau des deux

membres inférieurs, il est noté une amyotrophie des releveurs de la talo-crurale gauche par

rapport au côté opposé. De plus, on observe un contexte d’amyotrophie générale chez le

patient.

Page 9: d’une fracture fémorale bilatérale

6

Circulatoire

Il n’y pas de signe de phlébite, ni de syndrome douloureux régional complexe (SDRC).

Présence d’un léger empâtement du cul de sac sous-quadricipital droit mesuré à l’aide d’un

mètre ruban (Annexe III). La différence de périmètre de la cuisse droite par rapport au côté

opposé est faible (de 1 à 2 centimètres), le quadriceps gauche étant plus volumineux que le

droit.

III.3. Bilan articulaire

Les amplitudes articulaires ont été mesurées passivement à l’aide d’un goniomètre

(Annexe IV). Les mesures montrent :

- Un flexum 5 degrés au genou gauche.

- Une attitude des pieds en léger varus équin expliquée par l’hypoextensibilité des

triceps et les raideurs articulaires.

- De manière bilatérale, la flexion dorsale de cheville est de 0° lorsque le genou est

fléchi et de -10° lorsqu’il est en rectitude.

Les mobilités longitudinale et transversale de la patella gauche sont diminuées de 25%

par rapport au côté opposé.

Aucun mouvement anormal, ni de désaxassions au niveau des genoux et des

articulations talo-crurales ne sont observés.

III.4. Bilan neurologique

Sensitif

Présence de paresthésies au niveau du pied droit sur le territoire du nerf tibial. Elles se

traduisent par des brûlures, des « picotements ». Celles-ci sont permanentes. Elles sont

évaluées à 2/10 sur l’échelle visuelle analogique (EVA) et peuvent aller jusqu’à 4/10. Les

paresthésies sont augmentées à la mobilisation de la cheville et du pied.

Au niveau du pied gauche, il y a anesthésie sur le territoire du nerf fibulaire commun.

La sensibilité superficielle a été testée par le test du « pique-touche » dans les différents

territoires nerveux à l’aide d’une épingle à nourrice. Ce test nous informe sur la sensibilité

Page 10: d’une fracture fémorale bilatérale

7

Nerf sural -

de protection/algique. Lors d’un déficit de la sensibilité superficielle, la sensibilité de

protection (toucher, température) est la première à réapparaître chez un patient, la

sensibilité discriminative est plus tardive [5].

Les résultats obtenus sont (Annexe V) :

- À gauche : déficit complet du nerf fibulaire commun et incomplet du nerf tibial.

- À droite : pas de déficit.

Lorsque le patient à la capacité de « sentir », il peut faire la différence entre le « touché » et

le « piqué ». Une augmentation des paresthésies du membre droit est observée par le

« piqué ». Celles-ci sont plus importantes dans le territoire du nerf plantaire médial.

Légende :

+ Test positif

- Test négatif

Figure 4 : Schémas récapitulatifs de la sensibilité du membre inférieur gauche

Moteur

Déficit du nerf fibulaire commun et du nerf tibial incomplet à gauche.

Les réflexes ostéo-tendineux quadricipital et tricipital sont présents.

Nerf saphène +

Nerf fibulaire

superficiel -

Nerf fibulaire

profond -

Nerf cutané sural latéral -

Territoires du nerf tibial :

Nerf plantaire médial -

Nerf plantaire latéral +

Branche calcanéenne -

Nerf sural -

Page 11: d’une fracture fémorale bilatérale

8

III.5. Bilan musculaire

Qualitatif

Il a été noté dans le bilan cutané, trophique, vasculaire, un contexte d’amyotrophie

général et une amyotrophie des muscles de la talo-crurale gauche.

Les muscles polyarticulaires droit fémoral droit, triceps sural et ischio-jambiers des

deux membres inférieurs sont hypoextensibles. En effet, des différences d’amplitude ont

été mesurées lors du bilan articulaire (Annexe VI) :

- Extension de hanche droite : 10° genou fléchi et 0° genou en rectitude,

- Flexion dorsale de cheville : 0° lorsque le genou est fléchi et -10° lorsqu’il est en

rectitude,

- Flexion de hanche genou fléchi puis genou en rectitude : 110° → 80° à droite et

100 → 50° à gauche, diminution de 30° à droite et de 50° à gauche.

De plus, à la palpation, les muscles carrés des lombes ont une tonicité importante, en

particulier celui de gauche.

Quantitatif

L’évaluation analytique de la force musculaire des principaux muscles des membres

inférieurs a été réalisée manuellement d’après le Testing musculaire selon Lacôte (Annexe

VI).

Tableau 1 : Extrait du tableau comparatif des valeurs retrouvées au Testing musculaire

Muscle Membre inférieur droit Membre inférieur gauche

Tibial antérieur 4- 1

Long extenseur des orteils 3+ 2-

Long extenseur de l’hallux 4- 1

Page 12: d’une fracture fémorale bilatérale

9

Nous notons ainsi :

- Une faiblesse des muscles du membre inférieur gauche : tibial antérieur, long

extenseur des orteils et long extenseur de l’hallux à gauche sont cotés

respectivement à 1, 2- et 1.

- Les triceps sont côtés à 3 : Monsieur P ne peut pas monter sur la pointe des pieds.

III.6. Bilan fonctionnel

Les observations ont été faites pieds nus puis avec les chaussures.

Morpho-statique

Lorsque Monsieur P est debout sans chaussures, son talon droit est décollé d’environ 4

centimètres. En effet, le membre droit, mesuré en décubitus dorsal à l’aide d’un mètre

ruban est plus court d’environ 2 centimètres (cette différence de longueur faisant suite à

une réduction de la fracture diaphysaire plus importante à droite) auquel s’ajoute une

élévation de l’hémi-bassin droit de 2 centimètres. Cette élévation soulage les douleurs

lombaires gauches observées au bilan algique.

Le patient possède des chaussures orthopédiques et une orthèse :

- une attelle pour les releveurs de cheville à gauche (mise en place lors des dernières

semaines de stage). Appareillage ayant pour but d’améliorer l’appui.

- 1,5 centimètre ajouté à la semelle de la chaussure droite.

L’équilibre a ensuite été évalué, pieds à plat avec ses chaussures entre les barres

parallèles en unipodal. Celui-ci est précaire : le patient tient environ 2 secondes en

unipodal gauche et 5 secondes en unipodal droit.

Dynamique

Avant son arrivée au centre de rééducation, Monsieur P se déplaçait en fauteuil roulant

puis en déambulateur lorsque la récupération nerveuse du nerf sciatique droit a évoluée

favorablement. Au début de sa rééducation au centre en novembre dernier, il utilisait deux

cannes anglaises. A mon arrivée, il se déplaçait avec une canne en T à droite.

Page 13: d’une fracture fémorale bilatérale

10

Bilan de la marche effectué avec les chaussures orthopédiques et sans canne :

- Steppage, élévation de l’hémi-bassin et diminution du déroulement du pas à

gauche ;

- Augmentation du polygone de sustentation ;

- Esquive de l’appui gauche ;

- Périmètre de marche : 100 m ;

- Les pivots se font en plusieurs petits pas.

Ce même bilan a été effectué pieds nus. Il a été observé une augmentation de la boiterie

avec un polygone de sustentation plus grand d’environ 15 centimètres qu’avec les

chaussures. Cette augmentation est due à la différence de longueur des membres inférieurs.

La monté et la descente des escalier sont possibles avec l’aide d’une rampe.

III.7. Bilans finaux (10/04/2014)

Monsieur P présente une pathologie neurologique. Les résultats obtenus à la fin du stage

ne sont pas assez significatifs pour effectuer de nouveaux bilans détaillés. En effet, il s’agit

d’un contexte de récupération nerveuse suite à une compression. Celle-ci peut être très

longue, de 1 à 2 ans [6].

En revanche, au niveau fonctionnel, on note une diminution de la boiterie et du

polygone de sustentation. Monsieur P a un meilleur schéma de marche. Il se fatigue moins

vite lors des séances.

Le patient était plus investi dans la rééducation à la fin de ma prise en charge. Il

présente une amélioration de son état général. Il a notamment diminué son traitement pour

la dépression.

Page 14: d’une fracture fémorale bilatérale

11

IV. DIAGNOSTIC MASSO-KINÉSITHÉRAPIQUE

Monsieur P présente plusieurs séquelles suite à un syndrome des loges bilatéral, et

d’autres complications survenues après une ostéosynthèse bilatérale par enclouage

centromédullaire des diaphyses fémorales.

Lors de l’ostéosynthèse bilatérale, la réduction de la fracture diaphysaire est plus

importante à droite amenant une différence de longueur des membres inférieurs de 2

centimètres. Le syndrome des loges bilatéral de cuisse a engendré une compression au

niveau du Nerf Sciatique entraînant une atteinte importante des nerfs fibulaire commun et

tibial.

Au début de la prise en charge, 9 mois après l’opération chirurgicale, les bilans masso-

kinésithérapiques ont permis de mettre en évidence certains déficits :

Neurologique :

Les principales atteintes sont retrouvées au niveau du membre inférieur gauche :

- Déficit sensitif complet du nerf fibulaire commun et incomplet du nerf tibial,

- Déficit moteur incomplet pour ces deux nerfs.

Musculaire :

Il en découle quelques déficits musculaires :

- particulièrement au niveau des releveurs de la talo-crurale gauches (tibial antérieur,

extenseurs de l’hallux et extenseur des orteils) qui sont très faibles ;

- Contexte d’amyotrophie générale ;

- Faiblesse du triceps sural de manière bilatérale.

De plus, une hypoextensibilité des muscles triceps sural et ischio-jambiers de manière

bilatérale.

Articulaire :

Au niveau articulaire, on retrouve :

- un flexum de genou d’environ 5 degrés sûrement entretenu par la différence de

longueur entre les deux membres inférieurs : la jambe gauche étant plus longue de

1,5 centimètre ;

Page 15: d’une fracture fémorale bilatérale

12

- Une attitude des pieds en léger varus équin a été relevée lors des bilans avec un

déficit d’amplitude articulaire de la Talo-Crurale : 0° de flexion dorsale genou fléchi

et -10° genou en rectitude ;

- La mobilisation transversale et longitudinale de la patella gauche est diminuée de

25% par rapport au côté opposé.

Des déficits fonctionnels découlent de ces différentes atteintes imposant la mise en

place d’une aide à la marche, d’une orthèse et de chaussures orthopédiques.

Un schéma de marche avec boiteries est observé : steppage, diminution du déroulement du

pas et esquive de l’appui à gauche, augmentation du polygone de sustentation et périmètre

de marche de 100 mètres environ. De plus, l’équilibre bilatéral unipodal est précaire et il

est impossible pour Monsieur P de se mettre sur les pointes des pieds.

Des compensations chez le patient qui ont pour conséquence des douleurs : en particulier

au niveau lombaire gauche, par élévation de l’hémi bassin.

Monsieur P est autonome dans les activités de la vie quotidienne mais les activités

sportives sont restreintes.

Il est noté une fatigue générale non négligeable et des difficultés de concentration en fin de

séances.

Page 16: d’une fracture fémorale bilatérale

13

V. OBJECTIFS ET PRINCIPES DE LA PRISE EN CHARGE

Les objectifs de la prise en charge sont :

- Sédation des douleurs du genou droit et du dos,

- Stimulation active des muscles releveurs de la talo-crurale et des autres muscles de la

cheville et du pied à gauche,

- Entretien et gain des amplitudes articulaires : diminution du flexum de genou et du

varus équin,

- Etirement des muscles hypoextensibles dont les triceps et les ischio-jambiers,

- Renforcement musculaire du membre inférieur droit,

- Améliorer l’équilibre lors de la marche,

- Diminution des troubles de la marche.

Les principes sont :

- Stimulations actives des muscles de la cheville et du pied gauche de courte durée pour

bénéficier de la plus grande concentration du patient,

- Rééducation au calme,

- Rééducation infra douloureuse,

- Séances quotidiennes,

- Rendre le patient acteur de sa rééducation.

Page 17: d’une fracture fémorale bilatérale

14

VI. MOYENS KINÉSITHÉRAPIQUES

La rééducation a été effectuée en centre de rééducation, 2 à 3 séances par semaine.

V.1. Dominante articulaire et étirements musculo-tendineux

La séance débute par l’entretien des différentes mobilités articulaires. Ce sont des

mobilisations passives et analytiques du segment distal par rapport au segment proximal.

Elles doivent être infra-douloureuses. Les mobilisations passives simples vont permettre

d’entretenir la mobilité articulaire et donc des plans de glissement péri-articulaire [7]. Les

mobilisations articulaires spécifiques sont nécessaires pour récupérer de la mobilité. Cela

lutte contre les rétractions capsulo-ligamentaires de ces articulations et permet d’amorcer

le travail musculaire à suivre.

Cheville et pied gauches

Dans un premier temps, le patient est installé en décubitus dorsal sur la table de

rééducation. Le dossier de la table étant incliné et un coussin est préalablement placé sous

les genoux du patient.

Le massage est une manœuvre sur les tissus mous qui va précéder et faciliter les

mobilisations articulaires, les étirements et tout travail musculaire [8].

Il débute par des pressions glissées superficielles de la zone de la cheville et du pied

gauches, suivi de pressions glissées au niveau du pied, en particulier sur la plante dans le

sens de la circulation de retour. Ensuite, il est effectué un pétrissage du Triceps Sural. Cette

manœuvre est lente et profonde, ayant un effet circulatoire et décontracturant du muscle.

Enfin, ce massage se termine de nouveau par un effleurage.

Ensuite, l’entretien de la mobilité articulaire de la cheville et du pied ainsi que de celle

de la tibio-fibulaire supérieure et inférieure est réalisé.

Sont donc effectuées :

- Des mobilisations spécifiques de la tibio-fibulaire inférieure et supérieure par des

glissements antéro-postérieurs pour lutter contre les déficits en flexion dorsale [9].

Page 18: d’une fracture fémorale bilatérale

15

- Des mobilisations de la talo-crurale en flexion dorsale et plantaire ainsi que des

mobilisations spécifiques en glissements postérieurs du talus par rapport à la pince

bi-malléolaire pour un gain d’amplitude en flexion dorsale [9].

- Des mobilisations de la sub-talaire en flexion/extension, valgus/varus et en

abduction/adduction.

- Des mobilisations en bâillement, glissement et torsion des interlignes de Chopart et

Lisfranc.

- Des mobilisations des articulations inter-métatarsiennes, métatarso-phalangiennes

et inter-phalangiennes proximales et distales.

Des postures de 20 minutes de la talo-crurale en flexion dorsale sont également mises

en place pour pallier aux raideurs articulaires [10].

Cette partie, associée aux étirements du muscle triceps sural, est importante en vue des

stimulations musculaires qui vont suivre. La contraction doit se faire dans la plus grande

amplitude possible.

Les articulations de la cheville et du pied droits sont aussi mobilisées.

De plus, le patient mobilise régulièrement la cheville vers la flexion dorsale à l’aide d’un

élastique genou fléchi puis tendu.

Genou gauche

Le membre inférieur est placé en extension, permettant des mobilisations de la patella

de manière longitudinale et transversale associées à un massage du cul de sac sous-

quadricipital. Elles seront suivies par des mobilisations de l’articulation fémoro-tibiale en

flexion et en extension. Des techniques de gain d’amplitude en extension sont effectuées

pour limiter le flexum de 5 degrés : par des postures de 20 minutes ou par une technique

activo-passive du contracté-relâché.

Etirements musculo-tendineux

Ces mobilisations sont suivies d’étirements musculo-tendineux des muscles triceps

sural, ischio-jambiers et droit fémoral de manière bilatérale. En effet, ces muscles ont été

Page 19: d’une fracture fémorale bilatérale

16

notés hypoextensibles lors du bilan. Le membre est amené lentement dans la position

d’étirement. Elle est maintenue une dizaine de secondes.

L’étirement du muscle droit fémoral est effectué par une flexion de genou et une

extension de hanche, et celui du triceps sural par une flexion dorsale de la talo-crurale

genou en extension.

La mise en tension du plan postérieur se fait en décubitus strict, membres inférieurs en

extensions. L’un des membres est progressivement amené vers la verticale, genou tendu.

Une contre prise va être placée sur le membre opposé pour éviter son élévation et entraîner

le bassin. Le groupe musculaire étant proche de son étirement maximal, une flexion

dorsale de la talo-crurale va être associée afin de mettre en tension le triceps sural en plus

des ischio-jambiers. La position est maintenue quelques secondes puis répétée 4-5 fois.

Les ischio-jambiers sont aussi étirés à partir d’une flexion de hanche à 90 degrés. Le

segment jambier est amené vers l’extension de genou, permettant la mise en tension du

groupe musculaire. Cette méthode permet de comparer l’extensibilité des Ischio-Jambiers

d’une séance à l’autre par la mesure de l’angle poplité.

Les étirements sont importants pour retrouver des amplitudes articulaires

physiologiques. Lutter contre l’hypoextensibilité des triceps permet d’augmenter

l’amplitude articulaire en flexion dorsale et ainsi de limiter l’attitude du pied en équin due

au déséquilibre musculaire.

V.2. Dominante musculaire

Prise en charge du membre inférieur gauche

La stimulation et la facilitions de la contraction des muscles faibles du membre inférieur

gauche sont recherchées. Cette stimulation se fait manuellement. Le travail musculaire qui

va être demandé impose une grande concentration au patient. Il est fatiguant et ne

dépassera donc pas 20 minutes.

Page 20: d’une fracture fémorale bilatérale

17

Monsieur P est installé sur une table de rééducation en décubitus avec le dossier incliné

et un coussin sous la tête lui permettant de voir et de se concentrer sur les exercices

demandés. La contraction musculaire va être facilitée par le contrôle visuel.

- Travail musculaire analytique :

Travail analytique manuel des muscles faibles de la talo-crurale gauche auquel est

associée une sollicitation extéroceptive (par des percussions et des pressions glissées

légères et rapides) pour stimuler le reflexe idiomusculaire [5]. Toute compensation par la

contraction d’autres muscles est évitée.

L’exercice se fait dans un premier temps avec participation du membre sain droit pour

que Monsieur P comprenne le mouvement demandé. On résiste légèrement au mouvement

du côté sain et le kinésithérapeute aide du côté lésé. Puis on effectue le même exercice

mais cette fois-ci sans participation du membre sain.

L’exercice débute par les muscles : tibial antérieur, fibulaires, extenseur commun des

orteils et extenseur propre de l’hallux. Le travail musculaire se fait en actif aidé.

Il se termine par les muscles : tibial postérieur, fléchisseurs des orteils et de l’hallux ainsi

que du triceps sural. Cette fois-ci le travail musculaire est libre.

Ces derniers sont moins stimulés afin d’éviter un déséquilibre musculaire. Cela renforcerait

l’attitude du pied en varus équin. Il s’agit surtout d’entretenir la tonicité et la contractilité

de ces muscles.

- Travail musculaire global :

Cette fois-ci, la méthode de sollicitation musculaire est globale. On utilise les chaînes

musculaires facilitatrices pour stimuler la contraction des muscles faibles.

Pour les releveurs du pied et en particulier le muscle tibial antérieur, deux types de

chaînes sont utilisés :

- Une chaîne musculaire parallèle en triple flexion : de la hanche, du genou stimulant

ainsi la flexion dorsale de la cheville.

- Une chaîne musculaire antérieure : un coussin en forme de cylindre est placé sous

le genou gauche, une extension maximale de genou avec décollement du pied de la

Page 21: d’une fracture fémorale bilatérale

18

table est demandée, la contraction maximale du quadriceps induit une contraction

des releveurs du pied.

Pour les muscles fibulaires, une chaîne musculaire latérale mettant en jeu le moyen

fessier est utilisée. L’abduction est résistée, ce qui va faciliter la contraction de ces

muscles.

Le travail musculaire analytique est privilégié. Le patient doit mémoriser le bon schéma

moteur avec le moins de compensation possible. La participation du membre sain ne se fait

que dans un premier temps pour la compréhension du mouvement demandé. Les méthodes

de sollicitations musculaires globales permettent de faciliter la contraction musculaire.

Mais chaque muscle doit être ensuite stimulé analytiquement. A partir de la cotation 0 à 1

au Testing, musculaire, les stimulations musculaires sont principalement analytiques.

Ensuite lorsque le muscle atteint une cotation à 2, il s’agit du travail musculaire global qui

est primordial [11].

Prise en charge du membre inférieur droit

Le renforcement des muscles de la cheville du membre inférieur droit et en particulier

des releveurs de la talo-crurale est recherché dans le but d’améliorer l’équilibre et la

stabilité de l’appui unipodal.

L’exercice débute par un renforcement des muscles par des résistances manuelles dans

différents modes de contraction : statique, concentrique et excentrique. Il est composé de

répétitions par cadrant et par mode de contraction musculaire.

Le travail excentrique sera ciblé pour les muscles fibulaires. En effet, ces muscles sont plus

freinateurs de l’inversion qu’éverseurs [12]. C’est dans ce mode de contraction qu’ils sont

le plus sollicités lors de la marche. La contraction excentrique des muscles fibulaires

permet de travailler leur « capacité de réaction » en plus de la force [13]. Les résistances

seront dans un premier temps à vitesse lente puis plus rapide. L’intensité de ces résistances

est augmentée progressivement.

Monsieur P est ensuite assis sur une chaise. On place sous son pied droit un plateau de

Freeman (une barre est fixée au milieu). Une flexion dorsale puis plantaire est demandée

au patient. Le kinésithérapeute met une résistance manuelle au mouvement en plaçant ses

Page 22: d’une fracture fémorale bilatérale

19

mains sur le plateau : postérieure pour la flexion plantaire et antérieure pour la flexion

dorsale. Nous nous s’intéressons ensuite aux mouvements de valgisation et de varisation.

Ce sont les muscles court et long fibulaires qui sont ciblés par une résistance manuelle

externe par rapport au pied. Puis le muscle tibial postérieur par une résistance interne.

Le renforcement du triceps est effectué par des répétitions de décollements du talon en

montant sur la pointe du pied droit. Il se fait face à un espalier pour permettre au patient de

s’aider. Cela sera pratiqué sans aide lorsque la force du triceps sera suffisante.

La séance peut être complétée par l’utilisation de la presse. Les muscles quadriceps et

ischio-jambiers vont travailler en co-contraction en chaîne fermée. Au départ le patient est

en décubitus, hanche et genou en flexion. A partir de cette position, le patient doit faire une

extension de genou. Puis de revenir à la position de départ en freinant le mouvement de

retour. L’utilisation de la presse permet une posture des chevilles et empêche le

positionnement des pieds en équin.

V.3. Dominante sensitive

Les territoires du nerf fibulaire commun et du nerf tibial (anesthésies) sont stimulés par

différentes sollicitations extéroceptives : mousse, main du kinésithérapeute, riz [11].

En l’absence de sensibilité de protection, il est indispensable d’apprendre au patient à la

compenser. Celui doit protéger son pied lors de la marche pour éviter les blessures et

vérifier régulièrement l’état de sa peau en s’assurant qu’il n’y pas de changement d’aspect

(blessures, rougeurs…) [5].

V.4. Dominante fonctionnelle : travail de marche et de l’équilibre

Travail de l’équilibre

Monsieur P porte ses chaussures orthopédiques et son orthèse à gauche.

Dans un premier temps, le travail de l’équilibre se fait en bipodal entre les barres

parallèles, les genoux étant légèrement fléchis. Le praticien effectue des déstabilisations

par la ceinture scapulaire. Elles sont d’abord lentes puis rapides. Lorsque cela est acquis, il

est demandé au patient de fermer les yeux, les mêmes déstabilisations sont alors effectuées.

Page 23: d’une fracture fémorale bilatérale

20

La difficulté est augmentée soit en plaçant un carré de mousse sous les pieds, soit par

l’envoi d’objets.

Dans un deuxième temps, l’exercice demandé se fait en appui unipodal droit. Il est

important de retrouver une bonne stabilité. Par exemple, elle est primordiale lors de la

phase d’appui de la marche. Monsieur P doit tenir une dizaine de secondes sur 4-5

répétitions. Lorsque cet exercice est maîtrisé et afin d’augmenter la difficulté, il est

demandé au patient de fermer les yeux, ou un carré de mousse lui est placé sous son pied

droit.

Travail de la marche

La marche est constituée d’une activité alternée des membres inférieurs, de la

succession de doubles appuis et d’appuis unilatéraux [14].

Celle-ci est travaillée dans le but de corriger les boiteries observées lors du bilan et

permettre l’apprentissage d’un bon schéma de marche par Monsieur P avec l’orthèse :

l’attelle des releveurs de la cheville gauche et le port de ses chaussures orthopédiques.

Attelle que le patient a reçu au cours de la prise en charge.

Des bandes antidérapantes sont déposées au sol à distances égales entre les barres

parallèles. Le patient doit marcher en alternant les pas avec une longueur de pas équilibrée

ainsi que des temps d’appui égaux. Il s’aide en prenant appui sur la barre de droite lors de

la phase oscillante du membre inférieur droit. Monsieur P doit corriger l’élévation de

l’hémi bassin gauche lors de la phase oscillante de ce membre. Il doit aussi diminuer la

boiterie en steppage qui se définit par une flexion de genou et de hanche excessive.

Ensuite, la difficulté est augmentée en plaçant quelques obstacles (briques, barres…).

L’appui sur la barre sera de moins en moins important.

Par la suite, la marche va être travaillée en dehors des barres parallèles avec la canne en

T. Il est rappelé à Monsieur P que celle-ci doit être tenue du côté droit et que la marche se

fait en deux temps : le membre inférieur gauche et la canne en premier, suivis du membre

inférieur droit. L’utilisation de la canne du côté controlatéral permet de respecter le jeu

alterné des ceintures lors de la marche [15]. La longueur des pas doit être équilibrée et les

Page 24: d’une fracture fémorale bilatérale

21

temps d’appui égaux. Comme lors de l’exercice entre les barres parallèles, le patient doit

corriger la boiterie.

L’amélioration du schéma moteur est recherchée, ainsi que la bonne utilisation de la

canne en T permettant la diminution des boiteries. Au cours des séances de rééducation, le

périmètre de marche est augmenté.

Figure 6 : Orthèse de releveur de pied Figure 7 : Releveur élastique

V.5. Prise en charge des douleurs lombaires

Les douleurs de Monsieur P sont dues à une hypertonie musculaire. Ainsi, le patient est

installé en procubitus sur la table de rééducation, un coussin étant placé au niveau des

épines iliaques pour éviter l’augmentation de la lordose. Un massage décontracturant de la

région lombaire et des levers de tension des muscles paravertébraux sont effectués en fin

de séance.

Puis, elle peut se terminer par de la thermothérapie avec la pose d’un « hot pack » au

niveau lombaire d’une durée de 10 à 20 minutes. Cela aura un effet antalgique et de

détente.

Page 25: d’une fracture fémorale bilatérale

22

VII. DISCUSSION

Lors de mon stage, au cours de la rééducation, Monsieur P portait énormément

d’importance à l’apparence de son handicap. Il ne souhaitait pas que sa manière de se

déplacer révèle qu’il avait eu un accident, notamment dans le cadre de son milieu

professionnel. Pour cela, il a pris la décision d’arrêter d’utiliser sa canne en T. En se

déplaçant sans cette canne, il pensait rendre son handicap moins visible. Néanmoins elle

lui est nécessaire puisqu’en son absence les boiteries et son risque de chute étaient

augmentés lorsqu’il ne l’utilise pas.

Je me suis alors demandée de quelles manières je pouvais agir pour répondre à la

demande de Monsieur P. Est-il possible de rendre ce handicap moins « visible » ?

Dans une première partie, je vais aborder la notion de handicap, ce qu’elle désigne et

comment elle est représentée chez ce patient.

Ensuite, j’évoquerai de quelle manière je peux agir. Ce qui permettrait une éventuelle

diminution des séquelles et un amoindrissement du handicap.

Dans une dernière partie, j’exposerai certaines limites auxquelles j’ai été confrontée au

cours de la rééducation du patient.

VII.1. La notion de handicap

Il existe plusieurs définitions sur le handicap, il est donc difficile d’en donner une

précise. Nous allons présenter celle décrite dans la loi française, dans la Classification

Internationale du Fonctionnement du handicap (CIF) et de la santé et enfin celle du

Système d’Identification et de Mesure du Handicap (SIMH). La mise en parallèle de ces

définitions permettra d’extraire une vision plus globale du handicap et de ses composantes.

Quelques définitions

Tout d’abord, dans la loi française nous retrouvons la définition suivante : « constitue

un handicap, […] toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en

société subie dans son environnement d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles,

Page 26: d’une fracture fémorale bilatérale

23

mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé

invalidant » [16].

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publie en 2001 la Classification

Internationale du Fonctionnement du handicap et de la santé [17]. Celle-ci est composée de

cinq niveaux :

- Les Fonctions organiques : elles « désignent les fonctions physiologiques des

systèmes organiques ».

- Les Structures anatomiques : elles « désignent les parties du corps humain telles

que les organes, les membres et leurs composantes ».

- Les Activités : cela « signifie l’exécution d’une tâche ou le fait pour une personne

de faire quelque chose ».

- La Participation : elle « signifie l’implication dans une situation de la vie réelle ».

- Les Facteurs environnementaux : ils « constituent l’environnement physique,

social et attitudinal dans lequel les gens vivent et mènent leur vie ».

- Les Facteurs personnels : « ils représentent le cadre de vie d’une personne,

composés de caractéristiques de la personne qui ne font pas partie d’un problème

de santé ou d’un des états de santé. » [17]

Le Système d’Identification et de Mesure du Handicap (SIMH) quant à lui définit le

handicap sous quatre niveaux dont il donne les définitions suivantes :

- « Le corps : ce niveau comporte tous les aspects biologiques du corps humain, avec

ces particularités morphologiques, anatomiques, histologiques, physiologiques, et

génétiques. Certaines modifications […] peuvent entraîner des limitations des

capacités. […]

- Les capacités : ce niveau comporte les fonctions physiques et mentales (actuelles

ou potentielles) de l’être humain, compte tenu de son âge et de son sexe,

indépendamment de l’environnement où il se trouve. Les limitations des capacités

[…] peuvent survenir à la suite de modifications du corps mais, aussi, du fait

d’altération de sa subjectivité.

- La situation de vie : ce niveau comporte la confrontation (concrète ou non) entre

une personne et la réalité d’un environnement physique, social et culturel. […]

- La subjectivité : ce niveau comporte le point de vue de la personne, incluant son

histoire personnelle, sur son état de santé et son statut social. Il concerne tous les

Page 27: d’une fracture fémorale bilatérale

24

éléments subjectifs qui viennent compromettre ou supprimer l’équilibre de vie de la

personne. Il représente le vécu émotionnel des évènements traumatisants :

circonstance d’apparition et d’évolution, annonce et prise de conscience de la

réalité des faits et acceptation de vivre avec sa nouvelle condition. » [18].

Le handicap repose sur plusieurs notions. Chacune de ces définitions aborde la notion

d’altération d’une fonction ou d’une structure. Elles évoquent la restriction de participation

et la limitation dans les activités que cela engendre. Les facteurs environnementaux vont

influencer de manière positive ou négative la réalisation des activités et dans la

participation de la vie sociale [19]. Les notions d’environnement et de situation de vie sont

importantes, des adaptations peuvent être mises en place pour limiter certaines restrictions.

Enfin, la SIMH aborde le terme de subjectivité. Cela correspond au point de vue du patient

[20], comment il vit les évènements faisant suite à son accident et à son handicap.

Le handicap de monsieur P

Monsieur P est un jeune patient de 27 ans. Suite au traumatisme, il ne pouvait plus

marcher et se déplaçait en fauteuil roulant manuel. De plus, après à son accident, le patient

présentait d’importants troubles moteurs et sensitifs engendrés par la compression

bilatérale du nerf sciatique. Ces évènements sont traumatisants et difficiles à accepter.

Finalement, quelques semaines plus tard, des signes de récupération nerveuse sont

apparus. La récupération du nerf sciatique droit a évolué favorablement et Monsieur P a

retrouvé la marche. Il s’est alors déplacé en déambulateur puis à l’aide de deux cannes

anglaises. Ainsi, à mon arrivée, la récupération nerveuse était complète à droite et débutait

à gauche. Le patient se déplaçait avec une canne en T.

Monsieur P fonde beaucoup d’espoir à retrouver une vie « normale », comme celle qui

précédait son accident. C’est-à-dire en exerçant les activités qu’il pratiquait auparavant et

en se déplaçant sans aide technique. Il souhaite que cet épisode soit derrière lui et porte une

importance à que cela ne se voit plus.

C’est pourquoi, au début de cette période de stage, il n’utilisait plus sa canne en T bien que

cela augmentait les boiteries. De plus, à ce moment-là, le patient ne possédait pas encore

d’orthèse pour les releveurs du pied mais seulement d’un releveur élastique (Figures 6 et

Page 28: d’une fracture fémorale bilatérale

25

7). Le pied ne bénéficiait pas de la stabilité latérale qu’apporte l’attelle. La cheville était

alors instable, ce qui augmentait de manière importante le risque de chute.

Les différentes notions du handicap sont retrouvées. Les altérations des nerfs tibial et

fibulaire commun ont entraîné des troubles moteurs et sensitifs. Cela a un impact sur

certaines des activités sportives de Monsieur P, ainsi que pour se déplacer. La notion de

subjectivité est importante. Le traumatisme suivi du syndrome des loges entraîne des

séquelles visibles auquel le patient porte une attention particulière. Rappelons que

Monsieur P présente des antécédents de dépression et qu’il était sous traitement lors de la

prise en charge.

Puis-je agir sur cette apparence auquel le patient porte tant d’importante lors de ma

prise en charge ?

VII.2. Actions sur la clinique

Il a été vu dans une partie précédente la rééducation traitant de la récupération nerveuse,

du travail articulaire et du travail musculaire. Ces parties de la rééducation sont

indispensables pour s’intéresser par la suite à la dominante fonctionnelle de la séance.

Cette dominante correspond à la partie « visible » du handicap pour le patient, qui se

manifeste par des boiteries au moment de la marche.

Je vais donc m’intéresser au membre inférieur de Monsieur P et plus particulièrement

au mouvement du pied et de la cheville lors de la marche dans le but de limiter au

maximum ses boiteries.

La marche « normale »

La marche est une activité automatisée. Elle est constituée d’une activité alternée des

deux membres inférieurs. On retrouve une succession de doubles appuis et d’appuis

unilatéraux [14]. Le cycle de marche est divisé en deux phases : une phase d’appui et une

phase oscillante. Ce cycle commence par l’attaque du talon au sol et se termine lorsque

celui-ci l’attaque de nouveau.

Page 29: d’une fracture fémorale bilatérale

26

Voici l’étude du pied et de la cheville lors du cycle de la marche avec les pourcentages

des différentes phases [21]:

Phase d’appui (de 0% à 60% du cycle) :

- Phase taligrade (de 0% à 3% du cycle) : il y d’abord l’attaque du talon (3%) où la

cheville est retrouvé en position neutre et le pied en légère supination par l’action

du tibial antérieur. Celle-ci se fait au niveau de la partie postéro-externe du talon.

- Phase de mise en charge (de 3% à 10% du cycle) : passage de la phase taligrade à

la phase plantigrade. Dans cette phase, les muscles releveurs de la talo-crurale ont

une contraction excentrique. En effet, les muscles tibial antérieur, long extenseur de

l’hallux et long extenseur des orteils freinent le rabattement du pied au sol [21].

D’une position neutre, la cheville se retrouve ainsi en flexion plantaire de 10

degrés. On a une mise en charge sur ce membre avec décollement du pied opposé.

- Phase Plantigrade (de 10% à 50% du cycle) : L’appui est unipodal, le membre

opposé est phase oscillante. Par une inversion de point fixe, la cheville passe de la

flexion plantaire à une flexion dorsale de 10 degrés. Les muscles long et court

fibulaires interviennent pour stabiliser la cheville lors du déplacement du centre de

gravité sur le membre inférieur portant. Ils ont une contraction excentrique pour

s’opposer à l’action du tibial postérieur [22]. Cette phase se termine par l’attaque

du talon du pied opposé et donc au retour à un appui bipodal. (limitation avec

déficit d’amplitude articulaire).

- Phase digitigrade (de 50 à 60 % du cycle) : le poids du corps se situe au niveau de

l’avant pied. Il y a décollement du talon par une flexion plantaire de la cheville (de

10-15 degrés) et des orteils. Les muscles court et long fibulaires ont un rôle

important lors de cette phase. Par leur contraction, ils s’opposent à la composante

d’inversion du muscle triceps sural.

Page 30: d’une fracture fémorale bilatérale

27

Phase oscillante (de 60% à 100% du cycle) :

- Phase d’avancée du membre ou du pas postérieur (de 60% à 75% du cycle) : Elle

débute lorsque le pied quitte le sol, permettant l’appui unipodal sur le membre

opposé. La contraction concentrique des muscles tibial antérieur (associée à celle

des muscles long extenseur de l’hallux et long extenseur des orteils) amène la

cheville en Flexion dorsale (10-15 degrés).

- Phase d’allongement du membre (de 75% à 100% du cycle) : la cheville est en

position neutre pour débuter le cycle suivant avec l’attaque du talon. Les muscles

releveurs de la talo-crurale ont une contraction excentrique. Il y aura de nouveau un

double appui.

Pour que la marche soit fonctionnelle et afin d’éviter la chute, une bonne stabilité est

primordiale. Il faut donc que les muscles travaillent en synergie dans les différents plans de

la cheville. Un déséquilibre musculaire entraînerait une instabilité. Ainsi, la stabilisation

transversale est assurée par le tibial postérieur, le court et long fibulaires ; la stabilisation

sagittale par le triceps sural, les fléchisseurs plantaires et des orteils, le tibial antérieur, le

long extenseur de l’hallux et le long extenseur des orteils. La stabilité rotatoire est, quant à

elle, assurée par tous les muscles péri articulaires [23].

La marche de Monsieur P

Le déroulement de la marche « normale » ne peut se faire qu’avec une certaine force

musculaire et des amplitudes articulaires fonctionnelles permettant le mouvement, ainsi

qu’un contrôle musculaire efficace pour la stabilité du pied et de la cheville [21].

Monsieur P présente un déficit important des muscles releveurs de la talo-crurale. Cette

insuffisance musculaire se traduit par un steppage : flexion de genou et de la hanche plus

importante lors de la phase oscillante, il s’agit d’une compensation à la chute du pied en

équin [24]. Elle permet d’éviter le frottement de la pointe du pied au sol. Cela a une

incidence sur le cycle de marche. Il n’y a plus d’attaque du pied par le talon, la cheville ne

pouvant être maintenue en position neutre. Le pied frappe donc le sol par la plante. Il n’y a

plus de phase taligrade, cela raccourcit le cycle de marche. Le patient accentuait son

steppage par l’élévation de l’hémi bassin gauche. De plus, ce déficit musculaire entraîne

Page 31: d’une fracture fémorale bilatérale

28

une instabilité latérale lors de l’appui unipodal (phase plantigrade). Le patient esquive

l’appui.

Lors des bilans, des déficits articulaires ont été relevés. L’amplitude de la cheville en

flexion dorsale (0 degré) n’est pas suffisante pour permettre la marche fonctionnelle qui

nécessite 10-15 degrés. Le pied prend une position en équin. Celle-ci est entretenue par

l’hypoextensibilité du triceps sural.

La rééducation va permettre de palier à ces déficits. Il est nécessaire de retrouver des

amplitudes articulaires fonctionnelles et de stimuler les muscles faibles afin de récupérer

une certaine force musculaire. Lorsque cette force sera suffisante, la reprogrammation

neuromotrice de la cheville deviendra primordiale afin d’améliorer la stabilité lors de la

marche ou de toutes autres activités.

Le schéma de marche de Monsieur P s’est amélioré au cours des séances de

rééducation. La récupération de la marche n’est pas complète et nécessite des adaptations.

En effet, le port de l’orthèse (reçue au cours du stage) apporte une stabilité de l’arrière pied

que la bande élastique ne permettait pas. Ainsi, elle permet de diminuer les boiteries et le

polygone de sustentation, et d’augmenter le périmètre de marche et le temps d’appui

unipodal. L’attaque du pied se fait de nouveau par le talon et la cheville présente une

certaine stabilité grâce à l’attelle. De plus, l’élévation de l’hémi bassin gauche n’est plus

observée.

VII.3. Les obstacles rencontrés

Je me retrouve alors limitée dans la progression de ma rééducation. En effet, plusieurs

facteurs freinent l’évolution et la récupération de la marche « normale » de Monsieur P.

Les principaux facteurs sont les séquelles de la compression nerveuse et la différence de

longueur entre les membres inférieurs.

Page 32: d’une fracture fémorale bilatérale

29

Compression du nerf sciatique

Lors de la compression, le nerf Sciatique a subi une altération de sa vascularité

intraneuronale. D’importantes anomalies de la sensibilité et de la motricité ont été relevées,

ce qui traduit l’altération d’un certain nombre d’axones. Les fibres nerveuses atteintes de

ce nerf n’ont pas le même stade lésionnel [6]. Ainsi, la récupération peut prendre 1 à 2 ans.

De plus, il n’y a pas d’échanges entre les fibres nerveuses du nerf tibial et celle du nerf

fibulaire commun au sein du nerf sciatique [25]. C’est pour cela que les déficits retrouvés

au niveau de ces deux nerfs sont différents chez Monsieur P au cours des bilans. Il y a eu

une atteinte plus importante des fibres du nerf fibulaire commun.

Une bonne récupération nerveuse, en particulier au niveau des fibres motrices du nerf

fibulaire commun permettrait à Monsieur P de retrouver des muscles releveurs de la talo-

crurale fonctionnels. L’orthèse ne serait donc plus utile et pourrait être retirée. Ainsi le

déroulement du pied, de l’attaque au décollement du talon serait de nouveau possible au

cours de la phase d’appui.

De plus, le patient retrouverait une stabilité lors des phases d’appui unipodal et la canne

serait retirée.

La période de ma prise en charge est trop courte par rapport au temps de récupération

nerveuse et ne me permet pas d’en observer l’évolution, la possibilité d’une récupération

complète ou non. Le schéma de marche est bien meilleur que celui du premier jour de la

prise en charge. Néanmoins, les déficits musculaires imposent le port d’une attelle pour les

muscles releveurs du pied. L’utilisation de la canne sera toujours vivement conseillée,

l’instabilité latérale de la cheville lors de l’appui pourrait entraîner un déséquilibre et un

risque de chute. Ainsi, à ce niveau-là, le handicap de Monsieur P ne peut pas être rendu

moins « visible », pour le moment.

La différence de longueur des membres inférieurs

La différence de longueur des membres inférieurs engendre une boiterie systématique

lorsque le patient se déplace sans ses chaussures orthopédiques. Le kinésithérapeute n’a

aucun mode d’action sur cette différence. Il peut diminuer les boiteries par la rééducation

mais ne peut pas les supprimer. Son rôle sera donc d’orienter le patient, si celui-ci le

demande, vers un professionnel de santé adapté (chirurgien, podologue).

Page 33: d’une fracture fémorale bilatérale

30

VIII. CONCLUSION

La notion de handicap comprend plusieurs éléments. Il y a une interaction entre les

différentes fonctions ou structures du corps, l’environnement, la situation de vie et la

subjectivité.

L’environnement était décrit comme un facteur important dans la notion du handicap. Il

influence de manière positive ou négative la réalisation des activités et la participation de

la vie sociale. Les adaptations à l’environnement sont primordiales pour limiter le handicap

d’une personne. Il peut engendrer ou majorer ce handicap. Prenons un exemple, une

personne ne présentant aucun problème de vue serait en situation de handicap si elle devait

se déplacer dans le noir. Le handicap ne se définit pas que par un déficit ou une altération,

mais aussi par une situation de l’environnement dans laquelle une personne est placée,

ainsi que son point de vue par rapport à cette situation.

Ainsi, la rééducation et l’adaptation dans l’environnement permettent de palier à certaines

limitations et atténuer l’apparence du handicap de Monsieur P. Tout est mis en place pour

adapter et limiter au mieux les déficits présents et permettre la fonction des membres

inférieurs : chaussures orthopédiques, attelle de releveurs du pied, canne en T. Le

kinésithérapeute, à l’aide d’autres professionnels de santé permet de palier à certains

déficits et d’améliorer la fonction d’un ou plusieurs membres.

La rééducation de Monsieur P a néanmoins rencontrée quelques obstacles : une prise en

charge longue, présentant une incertitude au niveau d’une récupération nerveuse complète

et une différence de longueur des membres inférieurs. Cela implique chez le patient une

certaine manière de vivre ce handicap. La notion de subjectivité est retrouvée. La

« visibilité » du handicap peut être amoindri mais reste à l’heure actuelle toujours présente.

L’ensemble des éléments du handicap doivent donc être pris en compte pour mener et

adapter au mieux la rééducation. Cela permettra l’implication du patient dans sa

rééducation et le masseur-kinésithérapeute pourra répondre au mieux à ses attentes.

Page 34: d’une fracture fémorale bilatérale

RÉFÉRENCES

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Page 37: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXES

ANNEXE I : Imagerie du traumatisme au niveau du fémur gauche

ANNEXE II : Comptes rendus opératoires

ANNEXE III : Tableau comparatif des mesures du périmètre à différentes localisations des

membres inférieurs

ANNEXE IV : Tableau comparatif des principales amplitudes articulaires des membres

inférieurs

ANNEXE V : Tableau récapitulatif du test de la sensibilité « pique-touche»

ANNEXE VI : Tableau comparatif des valeurs retrouvées au Testing musculaire selon

Lacôte

Page 38: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXE I

Imagerie du traumatisme au niveau du fémur gauche :

Page 39: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXE II

Comptes rendus opératoires :

Page 40: d’une fracture fémorale bilatérale
Page 41: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXE III

Tableau comparatif des mesures du périmètre à différentes localisations des membres

inférieurs :

Localisation Membre droit Membre gauche Différence

Pointe de la patella 42 cm 42 cm

Base de la patella 47 cm 47cm

+ 5 cm 51 cm 49 cm 2 cm

+ 10 cm 56 cm 55 cm 1 cm

+ 15 cm 61 cm 60 cm 1 cm

+ 20 cm 65 cm 65 cm

-10 cm 44 cm 44 cm

Le périmètre de la cuisse ou de la jambe a été mesuré à l’aide d’un mètre ruban. Les

valeurs trouvées en centimètres (cm) sont retranscrites dans ce tableau comparatif.

Légende :

+ : Mesures prises au-dessus de la base de la patella.

- : Mesures prises en dessous de la pointe de la patella.

Page 42: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXE IV

Tableau comparatif des principales amplitudes articulaires des membres inférieurs :

Articulation Mouvement À droite À gauche

Hanche Flexion (GT) 80° 50°

Flexion (GF) 110° 100°

Extension (GT) 10° 20°

Extension (GF) 0-5° 10°

Rotation Latérale 30° 40°

Rotation médiale 40° 30°

Abduction 45° 45°

Adduction 30° 30°

Genou Flexion (HF) 130° 130°

Flexion (HT) 130° 125°

Extension 0° -5°

Cheville Flexion dorsale (GT) -10° -10°

Flexion dorsale (GF) 0 0

Flexion plantaire 50° 50°

Les amplitudes articulaires ont été mesurées à l’aide d’un goniomètre en degrés (°).

Légende :

GT : Genou en rectitude

GF : Genou fléchi

HT : Hanche en rectitude

HF : Hanche fléchie

Page 43: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXE V

Tableau récapitulatif du test de la sensibilité « pique-touche» :

Territoire Membre

inférieur droit

Douleur des

paresthésies du

membre droit

Membre

inférieur gauche

Nerf saphène Oui

Oui

Nerf fibulaire

superficiel et profond Oui 1/10 Non

Nerf cutané sural latéral Oui

Non

Nerf cutané sural médial Oui

Oui

Nerf sural caudal Oui 02/10 Non

Nerf tibial (talon) Oui

Non

Nerf plantaire médial Oui 04/10 Oui

Nerf plantaire latéral Oui

Non

Les douleurs ressenties des paresthésies ont été évaluées par l’échelle visuelle

analogique (EVA).

Légende :

Oui : le patient sent

Non : la patient ne sent pas

Page 44: d’une fracture fémorale bilatérale

ANNEXE VI

Tableau comparatif des valeurs retrouvées au Testing musculaire selon Lacôte :

Muscle Membre inférieur droit Membre inférieur gauche

Moyen fessier 4+ 4

Grand fessier 4- 5

Ischio-jambiers 4+ 5

Quadriceps 4 5

Tibial antérieur 4- 1

Long extenseur des orteils 3+ 2-

Long extenseur de l’hallux 4- 1

Long et court fibulaires 4 3+

Tibial postérieur 4+ 4

Triceps sural 3 3

Fléchisseur des orteils 4+ 5

Fléchisseur de l’hallux 4+ 2+

Testing musculaire : Technique manuelle analytique d’évaluation de la force d’un

muscle, en vue de lui attribuer une cotation de 0 à 5.

- Cotation 0 : aucune contraction visible ou palpable ;

- Cotation 1 : contraction visible et palpable déplacement du segment ;

- Cotation 2 : mouvement effectué dans l’amplitude complète sans pesanteur ;

- Cotation 3 : mouvement effectué dans l’amplitude complète contre pesanteur ;

- Cotation 4 : mouvement effectué dans l’amplitude complète contre pesanteur et

contre une résistance modérée ;

- Cotation 5 : mouvement effectué dans l’amplitude complète contre pesanteur et

contre une résistance importante et pouvant être répété au moins 5 fois.