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Les actes du colloque h G E E E E Q I X H d C à SupAgro Florac 9, 10 & 11 juillet 2012 International Éduquer au développement durable : nouveaux défis, nouvelles pratiques dans les territoires ? I nstitut d'éducation à l'agro-environnement COL LO QUE # 2012 SupAgro Florac organisé par Rencontres entre enseignants, acteurs de terrain et chercheurs Éducation au développement durable Éco

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Les actes du colloque

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Cà SupAgro Florac9, 10 & 11 juillet 2012

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Éduquer au développement durable : nouveaux défis, nouvelles pratiques dans les territoires ?

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COLLOQUE

# 2012

SupAgro Floracorganisé par

Rencontres entre enseignants,acteurs de terrainet chercheurs

Éducationau développement durable

Éco

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Actes réalisés sous la coordination de...

Orane Bischoff : formatrice de formateurs, coordinatrice de la Licence Professionnelle « Coordinateurs de projet en Éducation à l'Environnement et au Développement Durable et Réseaux » (LP CEEDDR), Institut d'éducation à l'agro-environnement, SupAgro Florac.

Loïc Braïda : formateur-chercheur, Institut d'éducation à l'agro-environnement, SupAgro Florac / Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation (LIRDEF, Université de Montpellier, EA 3749)

Bruno Righetti : formateur de formateurs, directeur adjoint de l'Institut d'éducation à l'agro-environnement, SupAgro Florac.

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Table des matières

Présentation..................................................................................................31. Introduction :......................................................................................................................................4

Le colloque :...........................................................................................................................................4Les actes du colloque :............................................................................................................................4

2. Finalités, objectifs et déroulement du colloque :................................................................................6Finalités et objectifs................................................................................................................................6Déroulement..........................................................................................................................................6

Conférences plénières....................................................................................91. Éduquer, enseigner, sensibiliser à l'EE, à l'EDD, au DD : convergences et controverses.....................10

Présentation.........................................................................................................................................10 Éducation, environnement, écocitoyenneté, mieux s’inscrire dans un monde en double tension - Conférence de Lucie Sauvé................................12

2. Éduquer au développement durable : quelles stratégies pour quels publics ? .................................30Présentation.........................................................................................................................................30Que choisir parmi les 36 et une configurations didactiques de l’éducation au développement durable ? - Conférence de Jean Simonneaux..................................32

3. Trajectoire de vie, trajectoire professionnelle : quelles contributions à nos pratiques d'EDD ?.........47Présentation.........................................................................................................................................47Trajets de professionnels et précarisation des « éducateurs » aux prises avec une pédagogie généralisée de gouvernement des conduites - Conférence de Dominique Bachelart..................................................................................................48Les métiers de la croissance verte : du contexte récent au métier de garde-nature - Conférence de Sandrine Chalvet...............................55

Ateliers........................................................................................................591. Les ateliers le verbe et la truelle :.....................................................................................................60

Présentation des ateliers - Le verbe et la truelle :.................................................................................60Atelier 1. Comment envisager la biodiversité comme un atout et non pas une contrainte?................61Atelier 2. Eau : quelles éducations pour quelles gestions ?..................................................................63Atelier 4. EE, EDD, et pédagogie ?.........................................................................................................65Atelier 5. Agriculture et alimentation : de la fourche à la fourchette, qui et comment éduquer ?.......67Atelier 6. Les modes de production durable ou comment éduquer à la complexité ?..........................68Atelier 7. L'accueil : diversités des publics, multiplicités des demandes, comment faire ?...................70Atelier 8. Éduquer ou convaincre, en quoi notre identité forge nos pratiques ?...................................71Atelier 9 et 10. Apprendre dehors, quels enjeux ?................................................................................72

2. Les ateliers découvertes : .................................................................................................................74Présentation.........................................................................................................................................74

Conclusion :..................................................................................................75

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Présentation

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1. Introduction :

Le colloque : Du 09 au 12 juillet 2012, à Florac, s'est tenu le 5ème colloque international de l'Institut d'éducation à l'agro-environnement, qui a réuni 120 acteurs de l'éducation au développement durable sur les territoires. Inscritsdans le territoire de la francophonie (Québec, Belgique, Suisse...), les professionnels présents, issus de larecherche, de l'enseignement, de la gestion et de la production ainsi que de l'animation sur les territoires sesont retrouvés pour travailler, échanger, réfléchir sur « Éduquer au développement durable : nouveauxdéfis, nouvelles pratiques dans les territoires ? ». Animé de manière collaborative afin de favoriserl’intelligence collective, les rencontres et la convivialité, cet eco-événement était articulé autour d’apportsthéoriques et de phases d’ateliers et de forums (paroles d’acteurs-praticiens, partages d’expériences etd’outils).

Les actes du colloque : Nous avons choisi de vous présenter les échanges issus de ces rencontres, sous format « papier » et sousformat informatique via le site internet : http://www.colloque-supagroflorac.fr/2012/

SupAgro Florac, Institut d'éducation à l'agro-environnement, existe depuis 2007. Anciennement Centred'Expérimentation Pédagogique de Florac, il appartient désormais au grand établissement deMontpellier SupAgro. Sous tutelle du ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt,Montpellier SupAgro est un grand établissement d'enseignement supérieur consacré à la formation et àla recherche en agronomie au niveau international. Des licences professionnelles aux masters, à laformation d'ingénieurs, aux formations continues pour les enseignants de lycées agricoles, MontpellierSupAgro agit autant à l'interface entre enseignement technique et enseignement supérieur, qu'entre lesacteurs professionnels de l'agronomie, le monde de la recherche et le monde de l'enseignement.Montpellier SupAgro est constitué du site principal de Montpellier, situé à l'emplacement de l'ancienENSAM, de l'Institut des Hautes Études de la Vigne et du Vin, de l'Institut des Régions Chaudes,également à Montpellier, du domaine du Merle, à Salon de Provence, et de SupAgro Florac en Lozère.Pour en savoir plus : www.supagro.fr

Les colloques de Florac répondent à une envie, une aspiration à voir différemment ces grandsévénements.D'abord il s'agit de favoriser le franchissement des frontières : ces colloques rassemblent desprofessionnels, des enseignants et des chercheurs. Mais il ne s'agit pas de se contenter de les mettrecôte à côte, chacun dans sa case à ronronner entre eux. Il s'agit de créer un bouillon de culture, que lescultures se mélangent, qu'on s'étonne de l'autre, qu'on aille le gratter là où ça le démange. C'est à cettecondition que se forme un terreau pour les idées nouvelles et les projets vraiment originaux. Pas facilede créer ces mélanges : il faut formaliser de l'informel et vice versa, inoculer de la conversation, puis dela contreversation, manier la traduction patiente, manigancer de discrets échanges de casquettes, oserde la contamination verbale, souffler sur la braise des envies de partage et de projet... et voilà des gensque rien ne rapproche a priori qui discutent, qui disputent, qui partagent, et il en sort parfois dessurprises, des graines d'idées qui germeront ici ou plus loin plus tard, d'étonnants projets, deschangements de posture...

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Ensuite il s'agit de favoriser la participation. Empêcher la passivité. Que chacun se sente un peu poussé àapporter à un moment ou un autre ses idées, sa créativité, ses efforts, ses humeurs, sa réflexion.Chercher l'émergence d'une intelligence collective. Le colloque est pensé comme ça et ça marche... oupas. Mais quand ça marche c'est vraiment bien.Ensuite il faut aussi que les participants se sentent bien. Oh, il n'est pas question de luxe loin de là. Non,se sentir bien, c'est se sentir accueilli, se sentir dans un lieu dont on se rappellera, avec des gens qui, audelà du partage des idées, sont désireux de partager leur musique, leurs contes, leurs tours de mainculinaires... Non pas un décor folklorique rural, non, plutôt quelque chose de l'ordre du partage et de lasensibilité.Et puis quoi ? Tous ça finalement ne paraît pas bien nouveau ni même original, ces ingrédients sontpartout, non ? Il suffit de...Quoi de plus banal finalement que le jaune d’œuf, l'huile et la moutarde... Mais la mayonnaise ! Ah, lamayonnaise !Pour en savoir plus sur les colloques de Florac : http://www.colloque-supagroflorac.fr/

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2. Finalités, objectifs et déroulement du colloque :

Finalités et objectifsConcilier les injonctions du développement durable et la nécessité de repenser nos modes de vie et dedéveloppement sur les territoires amène les gestionnaires d'espace, agents de développement, forestiers,agriculteurs, animateurs et éducateurs à sensibiliser, informer, voire former et éduquer (à la gestion durabledes ressources, à l'environnement, à la nature, au développement durable...). Ces missions vont prendre deplus en plus de place dans leur métier et nécessiter l'appropriation de méthodes et savoirs nouveaux. Dansce contexte, le colloque s'est posé comme finalité et objectifs de réunir et faire travailler ensemble troistypes d'acteurs de l'Éducation au Développement Durable (EDD) :

• ceux qui prennent part directement à la vie des territoires,• ceux qui agissent au niveau de la formation professionnelle et de l'enseignement (notamment

agricole),• ceux qui participent activement à la recherche scientifique, pour construire ensemble des réponses

adaptées aux problématiques mises en avant par les professionnels sur les territoires. Pour cela, nous avons souhaité :

• faire un point sur le cadre théorique de l'EDD et provoquer un dialogue inter-professionnel,• repérer les identités, pratiques et postures professionnelles sur les territoires des acteurs réalisant

de l'EDD sous diverses formes : animations, informations, formations...• identifier les évolutions et défis que relèvent les acteurs dans la pratique de l'EDD dans les

territoires. Dans cette perspective, il s'agit de mutualiser et valoriser les expériences et stratégiesinnovantes pour répondre à ces nouveaux défis,

• proposer des pistes d'actions/solutions pour les nouveaux défis et questions qui se posent auxacteurs sur le terrain.

Pour assurer le fil conducteur du colloque, deux grands témoins ont animé la réflexion : l'une, représentantun point de vue plus théorique provenant de la communauté scientifique, Lucie Sauvé, de la chaire derecherche de l'Université de Québec à Montréal (UQAM) en éducation relative à l'environnement. StéphaneNoirhomme, directeur de l'Institut d'Eco-pédagogie de Belgique, représentait quant à lui les praticiens deterrain, issus du milieu associatif.

DéroulementL'ensemble s'est articulé autour de quatre espaces de rencontres :• des plénières sous forme de conférences/discussions,• des ateliers « le verbe et la truelle », sur trois jours, permettant l'échange, la réflexion et la mise enperspective,• des ateliers «découvertes » offrant l'opportunité d'une analyse, prise de recul sur les posturesprofessionnelles,• un forum collaboratif des outils et projets pédagogiques de praticiens.

Les conférences plénières

Elles représentent des temps de questionnement et de discussion au cours desquels un dialogue peuts'organiser entre acteurs (chercheurs/enseignants/praticiens) à propos d'une notion, d'un concept, d'une

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communauté de pratique, d'une école de pensée. Afin d'ancrer les discussions dans un cadre théoriquevalidé par la recherche scientifique, nous avons sollicité l'intervention de chercheurs référents sur laquestion de l'EDD : Francine Pellaud (Université de Genève), Lucie Sauvé (UQAM), Jean Simonneaux (ENFAde Toulouse), Yves Girault (Museum National d’Histoire Naturelle), Dominique Bachelart (Université deTours).Les ateliers « le verbe et la truelle » en trois temps, sur trois jours, avec le même groupe, avaient pourobjectifs de faire un état des lieux des pratiques et leviers/obstacles/défis partagés par les professionnels.Les problématiques des ateliers ont interrogé l’EDD au travers des thèmes suivants : eau, paysage,biodiversité, dialogue territorial, EDD et formation, agriculture et alimentation, mode de productions,éduquer ou convaincre, être dehors pour apprendre, public rural/public urbain, passage de l’EE à l’EDD :continuité ou rupture.

Les ateliers « Découverte »

Ils étaient destinés à faire découvrir aux participants des outils d'analyse de leurs pratiquesprofessionnelles. Durant 1h30, les participants ont été sensibilisés à la démarche particulière de leur choix.Réfléchir et prendre du recul sur sa pratique permet de mettre des mots sur ses actions, de voir toutes lesinteractions qui peuvent se jouer et ainsi de faire évoluer sa pratique (ses activités, ses actions, son travail).Sept ateliers présentant sept approches différentes, se sont déroulés en parallèle, regroupant chacun entre10 et 15 participants. Ils ont permis de sensibiliser les participants à l'usage d'outils ou de démarchesd'analyse (de l'activité, de la pratique, de la posture) personnelle et/ou professionnelle, individuelle et/oucollective.

Le forum des outils pédagogiques

C'est un moment de partage, d'échange et de collaboration entre les participants au colloque. Un certainnombre de participants ont tenu un stand pour présenter des documents et/ou des projets et jeux de façoninteractive, dans un espace « forum » en fonctionnant sur le modèle des « barcamp1 ».Exemples de présentation :• Jeu de rôle sur le développement durable (à Madagascar),• Réseau d’animateurs en agro-écologie,• Faire sa veille sur l’EDD avec twitter,• CommuneEau (Jeu de rôle sur le partage de l'eau),• SylvoPast (Jeu de rôle sur le multi-usage en forêt),• La Boîte à Bâtir (Malle pédagogique sur l'éco-constructionet l'architecture écologique)• Projection d’un film réalisé lors d’une journée DéveloppementDurable dans un établissement agricole,• ArbreAPalabres (Jeu d'énigme sur la biodiversité fonctionnelledes arbres),• Lithops (jeu d'énigme sur la biodiversité spécifique).

Intelligence collective et outils collaboratifsRassembler nos forces, nos intelligences, nos idées, nos dynamismes pour co-élaborer, co-opérer, co-produire, co-construire. Démultiplier ainsi les possibles, ouvrir davantage les horizons, sont les cheminsempruntés et proposés par l'équipe de SupAgro Florac. Par l'utilisation des outils collaboratifs du web2.0, en favorisant l'usage des logiciels libres et des productions libres de droit, nous choisissons demettre davantage de liens entre les êtres humains « pour aller plus loin ensemble ».

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ConvivialitéLa dimension centrale voire fondamentale de nos actions, c'est la prise en compte de l'humain. Il est aucœur de nos missions. Ainsi nous mettons en place de multiples stratégies provoquant la rencontre,l'échange, le bien-être des personnes. Des temps festifs, ludiques, conviviaux s'articulent avec les tempsde réflexions, d'actions pour un « agir ensemble » en toute humanité !

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Conférences plénières

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1. Éduquer, enseigner, sensibiliser à l'EE, à l'EDD, au DD : convergences et controverses.

PrésentationPour introduire la thématique du colloque nous avons choisi deux intervenantes :

- Lucie Sauvé : Ph.D. Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et àl’écocitoyenneté - Université du Québec à Montréal

- Francine Pellaud : Docteur en sciences de l'éducation - Unité de recherche "Didactique des sciences etÉducation au développement durable" - Haute École de Pédagogie de Fribourg

« Éducation, environnement, écocitoyenneté, mieux s’inscrire dans un monde en double tension » par Lucie Sauvé.

La posture québécoise est critique concernant le vocable de développement durable. Selon Lucie Sauvé, leterme de développement durable porte en lui une idéologie issue du monde capitaliste où les oligarchiesont pris le pouvoir par rapport aux citoyens. L'éducation relative à l’environnement (ERE) a pour objectifd'apprendre à vivre ici ensemble. Elle s'inscrit dans la mouvance de la critique sociale. Il s'agit d'interrogerles inter-relations entre soi et soi (sphère de la construction de l'identité), soi et les autres (sphère de larelation, de l'altérité humaine), soi et le monde (l'être au monde, dans l'Oïkos1). Lucie souligne l'importancede l'engagement en tant que citoyen sur son territoire comme axe central de l'ERE. Dans ce cadre, il estnécessaire de développer des compétences d’ordre critique, éthique et politique. Ce qui ré-interroge lanotion de compétence : un savoir-agir en contexte.Une mobilisation de divers types de savoirs : savoirs/connaissances, savoir-faire, savoir-être. En somme,avec l'ERE, nous soulignons qu'« il nous faut construire un projet social basé sur une vision du monderéfléchie, clarifiée, discutée et partagée ».

Lucie Sauvé - professeure titulaire au département de didactique de l’Université du Québec à Montréal(UQAM). Elle est également directrice du Centre de recherche en éducation relative à l’environnement età l’écocitoyenneté, membre de l’Institut des sciences de l’environnement et de l’Institut Santé et Sociétéde l’UQAM. Elle est chercheure associée au réseau Dialog sur les questions autochtones. Elle dirige larevue internationale Éducation relative à l’environnement – Regards, Recherches, Réflexions et le comitéscientifique du Réseau international francophone de recherche en éducation relative à l’environnement(RefERE).

« Éduquer, enseigner, sensibiliser à l'EE, à l'EDD, au DD : convergences et controverses » par Francine Pellaud

Cette intervention était destinée à questionner les différences de postures et de pratiques entre enseignerle développement durable ou éduquer en vue d’un développement durable. Selon Francine Pellaud, ledéveloppement durable se définit beaucoup au travers des questions socialement vives et, dans cetteperspective, il importe d'initier les apprenants à la complexité du monde et au débat. Ainsi, « éduquer »serait un processus permettant le développement d'aptitudes favorisant l'expression de sa personnalité.

1 du grec ancien οἶκος, « maison »

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Pour cette chercheuse, il convient plutôt de parler d'éducation en vue d'un développement durable dans lamesure où s'impose, en préalable, l'instillation d'un changement d'état d'esprit pour « voir plus loin »,anticiper sur l'avenir, agir en conséquence...Elle préconise ainsi de « sortir de nos cages, de nos paradigmes,en se basant sur l'idée formulée par A. Einstein selon laquelle « on ne peut pas régler le problème avecl'état d'esprit qui l'a créé ». Cette démarche invite à « faire autrement » plutôt que de « faire mieux », àentrer dans une pensée prospective et créatrice. Pour cela, il semble nécessaire de sortir la tête des «matières », du morcellement disciplinaire et encourager une vision systémique afin de comprendre les liensdans le monde. L'information pure ne suffit pas pour faire évoluer les comportements et les attitudes. F.Pellaud nous invite alors à questionner les valeurs, nos valeurs, à ne pas les imposer... En développantl'esprit critique, la pensée critique et prospective, en glissant des valeurs individuelles aux valeurscollectives. C’est l'une des questions maîtresses de cette didacticienne, ancienne « élève » d'AndréGiordan : « Que faire pour bien faire ? Créer les conditions pour faire chercher les gens ! » Vers unparadigme éducatif ouvert sur la responsabilisation...

Francine Pellaud - Docteur en sciences de l'éducation - Unité de recherche "Didactique des sciences etÉducation au développement durable" - Haute École de Pédagogie de Fribourg (Suisse) Principale publication :Pellaud Francine, Pour une éducation au développement durable, éd. Quae, 2011

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Éducation, environnement, écocitoyenneté, mieux s’inscrire dans un monde en double tension - Conférence de Lucie SauvéJ’entends les participants à ce colloque parler de l’importance d’affirmer notre identité sur un territoire, dereprendre confiance en nos capacités, de nous engager dans l’action individuelle et collective. Je constateavec grand intérêt que nous modulons le même langage, chacun, chacune à sa façon et encomplémentarité… J’ai bien conscience que c’est une grande responsabilité d’ouvrir ce colloque avec ma collègue FrancinePellaud. En fait, ce qui est attendu de ma participation, et de celle de Francine, c’est d’apporter deséléments de discussion sur les fondements, sur le sens de notre action éducative, en fonction des différentscontextes dans lesquels nous intervenons et des différents cadres de référence que nous adoptons. Jepense que ce qui nous réunit tous aujourd’hui, c’est notre préoccupation pour une éducation vraimentpertinente dans la mouvance sociétale contemporaine. Nous œuvrons pour une éducation qui ne soit pastronquée, c'est-à-dire pour une éducation qui inclut le rapport à l’environnement, qui a été trop souvent,trop longtemps, le « tiers exclu » des programmes éducatifs. Et pourtant, l’environnement constitue lefondement de notre être au monde. En matière de développement, puisqu’il est question de «développement durable », nous sommes tous conscients de la nécessité de faire l’économie autrement, depromouvoir une économie écologique, d’inventer une éco-économie : en somme, d’écologiser l’économie.Quand on se parle entre nous de « développement durable », c’est finalement ce à quoi nous faisonsréférence.Dans cette perspective, je vais donc aborder avec vous des questions d’éducation, d’environnement et decitoyenneté.

Cela n’a rien de neuf, cela fait plus de 40 ans - depuis Stockholm en 1972- qu’on en parle… Mais rien n’estréglé, c’est pour cela que nous sommes encore ici ensemble, à tenter de créer des ponts entre éducation etenvironnement, à travers entre autres, l’écocitoyenneté. C’est tellement important d’aborder encore ettoujours ces questions-là, et de les situer dans le contexte de la mouvance sociétale contemporaine. Je

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choisirai d’aborder ces questions depuis la perspective de l’éducation relative à l’environnement, qui est unchamp de recherche, de formation et de pratiques bien constitué dans le cadre de notre centre derecherche à l’Université du Québec à Montréal – Le Centr’ERE. Vous constaterez donc qu’il y a un arrière-plan culturel et contextuel à mon propos – il faut reconnaître qu’il y a toujours ce type d’arrière plan dansnos propos et qu’il importe de le clarifier. L’éducation relative à l’environnement correspond pour nous à toute forme d’éducation qui a trait aurapport à l’environnement. Cela inclut entre autres l’éducation à l’écocitoyenneté et l’éducation au/ pour ledéveloppement durable, sans les confondre toutefois. Le mot « environnement » est ici considéré dans uneperspective écologique, celle de l’écologie politique, qui relie nature et société. L’environnement faitréférence à l’ensemble des réalités multiples et des si nombreuses questions d’ordre socio-écologique quinous interpellent. Le monde de l’« éducation » est également d’une infinie complexité et d’une exigencevertigineuse. De sorte que lorsqu’on associe éducation et environnement, on ouvre sur une galaxied’interactions et de questions vives qu’on peut tenter appréhender de milliers de façons. Dans cet exposé, àdéfaut de pouvoir tout aborder, je vais mettre l’accent sur le pôle « éducation » du rapport entre éducationet environnement. Je vais tenter d’esquisser une carte du territoire notionnel de l’éducation afin de mieuxexplorer sous un certain angle la « constellation » de l’éducation relative à l’environnement. Orane l’a biendit, nous sommes ici réunis autour d’une préoccupation fondamentalement éducative. Alors, puisqu’il est question d’éducation, il importe de situer d’abord celle-ci dans le contexte contemporain.Nous vivons actuellement, vous le savez bien, dans un monde aux multiples tensions …

La double tension la plus fondamentale, la plus vive, celle qui fracture de part en part nos sociétés d’ici etd’ailleurs, est celle qui s’accentue entre l’étau sans cesse resserré de l’oligarchie politico-économiquemondiale et la résistance de plus en plus active, de plus en plus organisée des groupes sociaux usurpés etindignés. On ne peut pas évacuer cette toile de fond de notre action éducative. On tente de nousconvaincre d’une crise économique globale que nous devons tous contribuer à résoudre. On nous exhorteà nous « serrer la ceinture », alors qu’en fait, il s’agit essentiellement d’une crise du politique, d’une crise dela gestion du bien commun. Au Québec, nous sommes particulièrement alertés, agités en ce sens depuisplus d’un an… Ces photos là témoignent de manifestations citoyennes au Québec. En particulier, celles desétudiants, avec le symbole du carré rouge, qui ont marché à travers la ville pendant des mois. Lemouvement étudiant et aussi celui des citoyens contre le gaz de schiste ont contribué à soulever unemouvance sociale encore plus grande. On dénonce une dynamique de gouvernance qui impose des choix

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de développement engendrant l’inégalité et l’iniquité. Dans le contexte actuel de gouvernance managérialede l’état, on se rend compte finalement que nos gouvernements prennent des décisions sous la pressiondes lobbys, qui achètent en toute légalité leurs droits d’influence. Nos gouvernements n’étudient pasadéquatement les dossiers, s’appuient sur certaines informations et une certaine science qui sert à justifierou à valider des choix qui sont déjà faits, des décisions prises a priori. Les instances gouvernementales, lesministères – Ressources naturelles, Environnement, Agriculture, Santé et autres – n’ont pas pour mission dedéfendre le bien commun mais d’exécuter les politiques, les plans et stratégies du gouvernement. On serend compte que dans un tel contexte, seule la société civile peut exercer une vigile critique, proposer etexiger les changements qui s’imposent. Le lourd fardeau de la preuve repose sur le dos des citoyens, ceuxqui sont conscients et qui s’accordent la liberté ou qui ont le courage de dénoncer, résister, créer. Lesespaces de consultation, de délibération formelle entre les « acteurs » ou « parties prenantes » sont le plussouvent trop étroits et instrumentalisés. L’information n’est pas toujours entièrement disponible,accessible, validée. La tâche citoyenne est d’une exigence démesurée. Au dernier Forum Mondial tenu à Rio en juin 2012, on a bien pu voir à l’œuvre cette double tension entre leSommet de la Terre et le Sommet des Peuples. L’« empereur » y a mis de nouveaux habits verts.

Le but de cette rencontre internationale (ONU) était de renforcer l’injonction du développement durable àl’échelle planétaire, en braquant encore davantage les projecteurs sur la dimension économique de cedéveloppement. On a mis en avant la promotion d’une économie verte. En fait, il s’agit de poursuivre ledéveloppement, la croissance encore et toujours, mais en utilisant cette fois l’or bleu, l’or vert, parce qu’ons’est rendu compte que l’or brun, celui des hydrocarbures, s’épuise. Alors l’économie verte est associée à lamarchandisation du vivant, à la monétarisation du droit de polluer. La nature devient une monnaied’échange. Ici, l’idée du développement durable est encore davantage exacerbée.

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Évidemment, il faut reconnaître que le développement durable a permis certaines avancées. Dans lesannées 80, cette proposition a été formulée à l’intention du monde de l’entreprise et de la gestion desaffaires publiques : en ce sens, comme premier pas vers une écologisation de l’économie. je pense que lastratégie du « développement durable » a permis de faire un bout de chemin. Mais il ne faut pas confondrecette stratégie politico-économique avec un projet de société, encore moins avec un projet éducatif. Enéducation, il nous faut rester critiques face à cette vision du monde qui extrait l’économie de la société -alors qu’il faut au contraire travailler à re-socialiser l’économie - et qui restreint l’environnement à unensemble de ressources à bien gérer, jusqu’à la limite de sa capacité de support, pour éviter les ruptures destocks. Dans une telle vision du monde, la société est réduite à un ensemble d’individus producteurs-consommateurs au service du développement. Le cadre de référence est ici essentiellementanthropocentriste : on le répète ad nauseam, c’est l’homme qui est au centre du développement durable,et ce développement continu est la finalité de notre humanité. De même, on a longtemps cru autrefois quela Terre était au centre du système solaire et de l’univers. Bien sûr, dans certains milieux, avec certains acteurs et pour certains objectifs, le «développement durable»peut s’avérer une stratégie porteuse, qui a eu - qui a encore - sa fonction dans le contexte sociétalcontemporain. Et à cet effet, il est certes utile d’apprendre à « jouer » du développement durable encontexte approprié. Mais je pense qu’en éducation, il est très important de garder une distance critique àl’égard de cette proposition qui n’a pas suffisamment d’envergure pour devenir un projet de société, etencore moins, un projet éducatif. C'est ainsi qu’au Sommet de la Terre, à Rio +20, s’est mise en place toute une dynamique pour l’instaurationd’un sommet parallèle, le Sommet des Peuples, et se sont organisés des groupes de discussion thématiquessur l’environnement, l’éducation, la santé, etc.

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En particulier, un groupe de travail sur l’éducation s’est formé, surtout composé de groupes féministes,d’associations, d’organisations d’éducation populaire et d’éducation des adultes, dont plusieurs enprovenance d’Amérique latine. Et voici le diagnostic qu’ont fait les acteurs de ce groupe sur l’éducationcontemporaine : « La crise mondiale est aussi une crise de l’éducation, de son contenu et de son sens. On anon seulement négligé la formation de personnes capables de penser aux importants problèmes politiques,environnementaux, économiques et sociaux d’ordre mondial, mais aussi l’éducation est dépouillée de soncontenu politique profond et en particulier de son potentiel pour former des citoyens et citoyennes capablesde penser un ordre économique et social différent».

C’est sûr, l’éducation est particulièrement interpellée face aux tensions multiples qui agitent et déchirentbien souvent nos sociétés. L’éducation a beaucoup à faire, a beaucoup à se réinventer dans un tel contexte.

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Parce que c’est à la société civile que revient en effet le fardeau de la preuve et de l’auto-défense, la charged’exercer une vigile critique sur les décisions relatives aux affaires publiques en matière d’énergies, deressources naturelles, d’alimentation, de santé par exemple, la charge de réclamer des espaces dedémocratie participative, de lutter pour, lutter contre… Il est important de faire reconnaître la légitimité detoutes ces résistances. C’est à la société civile que revient aussi le vaste chantier de l’innovation éco-socialevisant à transformer fondamentalement nos façons de vivre. Comment l’éducation peut-elle stimuler et soutenir une telle vigile critique, que ce soit dans les milieuxformels ou non formels ?

Dans la perspective d’une société éducative, d’une société apprenante, on reconnaît que la frontière entrel’éducation formelle et non formelle devrait s’atténuer de plus en plus. On a besoin des uns et des autres,des compétences développées tant dans les structures institutionnelles formelles, que dans les structuresorganisationnelles non formelles. Alors comment l’éducation peut-elle accompagner la dynamiqued’apprentissage social, d’apprentissage éco-social ? Comment peut-elle contribuer au développement decette formidable intelligence citoyenne qui émerge au creux de l’action sociale dans la mouvance actuelle ? Parce que finalement, peu importe comment on appelle cette forme d’éducation contemporaine centréesur les réalités socio-écologiques, la tâche qui nous incombe est celle de stimuler et d’accompagner ladynamique d’« apprendre à vivre ici ensemble ». On connaît bien l’expression « apprendre à vivreensemble », objet de l’éducation à la citoyenneté. Mais en ajoutant le mot ici, cela permet de mettre enrelief ce qui est caractéristique de l’écocitoyenneté. Nous sommes des êtres incarnés, situés,contextualisés… C’est ici que l’on vit ensemble, et on ne peut pas faire fi de ce contexte local ou bio-régionaldans lequel se structure notre existence sociale. Ensemble, cela veut dire entre nous les humains, avectoutes nos différences et complémentarités, mais cela veut dire aussi avec « l’autre qu’humain », c’est-à-dire les diverses formes et les différents systèmes de vie avec lesquels nous partageons un « oïkos »commun. Et puis « ensemble », c’est le mot clé de l’agir environnemental : tout seul on ne peut rien !

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J’aimerais maintenant explorer un peu avec vous ce réseau notionnel de l’éducation, puisqu’il est d’abordquestion d’éducation dans ce colloque. Une telle exploration pourrait aider à mieux analyser notre actionéducative et nous rendre compte que notre tâche, en tant qu’éducateurs, est multiple et complexe. Àdroite de ce réseau notionnel, on retrouve des stratégies : information, communication, interprétation,animation ; à gauche, des visées : visée de sensibilisation, de conscientisation, de mobilisation, deformation ; et au centre, l’éducation : qu’est-ce que l’éducation finalement? Nous ne pourrons pas aller trèsloin dans l’explicitation de chacune de ces composantes du réseau notionnel, mais on peut esquissercertaines caractéristiques de chacune. Prenons d’abord un petit moment pour reconnaître que les enjeux de l’information sont cruciaux. Onpourrait consacrer un programme entier avec des élèves, des étudiants, des citoyens, à se pencher surl’enjeu fondamental de l’information.

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C’est le « nerf de la guerre », une clé essentielle du pouvoir et de l’action environnementale. C’est grâce àune information solide, bien documentée et validée que les organisations citoyennes, les groupes d’action,acquièrent leur légitimité. On entend souvent « Oh, les citoyens, ce sont des gens émotifs, qui n’ont passuffisamment d’informations. Nous les entreprises, nous du gouvernement, on va les éduquer: ils vont enfincomprendre et accepter nos projets ». Mais en fait, il existe chez les citoyens une grande capacitéd’intelligence collective, qu’on peut qualifier d’« intelligence citoyenne » lorsqu’elle s’applique à des «choses publiques ». Au cœur d’une telle intelligence, il y a la capacité de s’informer. Il faut se pencher icisur l’idée de pouvoir associé au savoir : entre autres, on doit reconnaître que les types de savoirs valoriséspar les décideurs sont essentiellement d’ordre « scientifique » ou technologique. Il faut donc insister pourexiger une validation du savoir « admis » et pour que soit reconnue la légitimité des divers types de savoirs,dont les savoirs d’expérience et les savoirs de sens commun, et leurs apports dans les débats et la recherchede solutions. L’information est également liée à de multiples autres enjeux. Dans le cas du gaz du schiste parexemple, les compagnies sont autorisées à ne pas dévoiler le contenu des produits d’injection sous terre, cequi restreint l’accès à certaines informations pourtant essentielles. Par ailleurs, on doit reconnaître qu’enmatière d’environnement, l’information se crée au fil de l’événement, au fil des jours. L’information surl’environnement que l’on trouve en bibliothèque correspond à un savoir académique codifié ou à desarchives : c’est déjà l’environnement d’autrefois ! L’information relative à l’environnement se construit enréalité au fil des jours et nous sommes partie prenante de la construction de ce savoir-là.

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C’est en matière d’échange d’information qu’intervient la communication. Si l’information est l’unité debase de la communication, la communication est essentiellement une affaire de stratégie. Nous,éducateurs, enseignants ou animateurs, nous devons être conscients de l’énorme pouvoir des stratégies decommunication et reconnaître qu’essentiellement, à toute communication est liée une intention. Nousutilisons des stratégies de communication, et les élèves, les étudiants et autres publics avec lesquels nousinteragissons sont aussi invités à développer des compétences en communication. Ils doivent apprendre àanalyser les intentions des messages qui leur sont acheminés en lien avec la promotion d’un projet oud’une idée par exemple, ou encore dans le cadre d’un discours partisan. Mais ils doivent aussi développerdes compétences permettant d’exploiter diverses stratégies de communication pour faire valoir leurs pointsde vue, leurs projets. Les mouvements citoyens par exemple seraient restés confinés au fond des cuisinesdes campagnes ou des salles municipales s’ils n’avaient pas appris - s’ils n’apprenaient pas de façoncontinue - à maîtriser les outils de communication.

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La vulgarisation a pour objectif de rendre accessible un contenu scientifique ou un savoir complexe. Il y atellement d’enjeux liés à la vulgarisation : par exemple, risque de simplification à outrance, importance derelier les « îlots » de savoir et de dégager la signification de l’ensemble, adoption d’une perspective critiquedu savoir ainsi vulgarisé, etc. Malheureusement, le temps nous manque pour les aborder aujourd’hui.

En matière de communication, on ne peut pas éluder le fameux marketing social qui utilise les stratégies dela publicité pour vendre une idée. On retrouve là un gisement fabuleux de créativité, d’inventivité…Malheureusement, il s’agit parfois de nous vendre des idées moins avantageuses pour l’écodéveloppementde nos sociétés. Nous éducateurs et animateurs, de même que nos élèves et autres publics, aurionsavantage à maîtriser de telles habilités de communication, afin de pouvoir déconstruire les messages ainsivéhiculés et les mettre à distance critique, mais aussi, lorsque le contexte s’y prête, afin de mieux fairevaloir nos postures écosociales et nos initiatives.

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L’animation, c’est notre activité quotidienne à nous éducateurs. Finalement, on n’ enseigne pasl’environnement. On n’enseigne pas le rapport à l’environnement : on le vit dans le cadre des activités qu’onpropose aux divers publics, étudiants et autres. Il est important d’apprendre à mettre en place desconditions qui donnent envie d’apprendre, de stimuler l’engagement actif dans l’apprentissage et dansl’action ! Bien sûr, on peut animer pour le loisir, mais à travers le loisir, on peut aussi poursuivre des buts desensibilisation, de conscientisation, de mobilisation…

L’interprétation, c’est fabuleux ! C’est un champ de compétences développé par les animateurs dans lesparcs, dans les musées et dans les autres milieux d’éducation non formelle. On a tout à apprendre de cesstratégies créatives qui invitent non pas seulement à nommer, à observer des objets, mais à donner un sensaux réalités, à mettre en évidence tout l’univers des significations dans lesquelles ces objets s’insèrent. J’aime bien commencer un projet d’éducation à l’environnement par un itinéraire dans dans le quartier, levillage, la région … Cela permet de reconnaître que nous sommes des êtres incarnés, situés, contextualisés.

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Un itinéraire nous interroge sur le lieu où l’on vit, nous interroge aussi nous-mêmes en rapport avec ce lieu.Un itinéraire réflexif est susceptible de contribuer à la construction de notre identité écologique, de notreidentité environnementale. Une telle stratégie nous invite à nous relier : nous relier au milieu, nous relieraux autres avec lesquels on partage cet habitat, autres humains et autres qu’humains…

La sensibilisation correspond à une intention éducative. On ne se limite pas ici à transmettre del’information : on veut éveiller, toucher, susciter l’intérêt. On veut fournir des clés, pour faire en sorte que,lorsque l'on sera mis en contact avec d’autres indices d’un phénomène, d’une réalité, on soit désormaisattentif, que l'on possède certains ancrages pour comprendre. La sensibilisation va au-delà de

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l’information : elle situe cette information dans le cadre d’une problématique qu’elle invite à s’approprier. On entend souvent qu’ « éduquer à l’environnement, c’est sensibiliser les gens ». Bien sûr, mais cela nesuffit pas.

La conscientisation va plus loin : dans le mot conscience, on fait référence à l’éthique. Il s’agit de mobiliserla conscience et d’entrer dans un processus de jugement éthique. Et puis, ceux qui sont familiers avec la

théorie éducative de Paulo Freire en alphabétisation savent que pour ce pédagogue, la conscientisation faitréférence à la prise de conscience de notre identité, de notre espace de liberté, de nos aliénations, de notrecapacité d’émancipation. Un telle conscientisation permet de nous approprier un pouvoir d’expression etd’action. La conscientisation, c’est un premier pas vers l’engagement et l’action sociale. En ce sens, on ytrouve une dimension politique.

Un itinéraire dans le milieu de vie peut offrir également un contexte de conscientisation. On peut associer

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des questions critiques à l’observation des réalités. Pourquoi ces usines désaffectées dans le paysage ? D’oùproviennent les aliments du supermarché ? De quels matériaux sont fabriqués ces vêtements en solde surl’étal du marché ? Et surtout, en quoi cela me concerne-t-il ? Il s’agit de questionner les rapports de pouvoir,les ruptures, les dysfonctions qui s’y manifestent ou s’y dissimulent, d’observer l’appropriation inéquitablede l’espace et des ressources, l’hyperconsommation, le manque de solidarité, etc. On peut aussi saisir lessignes de transformation, de transition, s’il en est …Et finalement, l’aboutissement souhaité de nos efforts : la mobilisation ! La mobilisation fait surtout référence au passage à l’action. Mais attention à la théorie du petit grain desable isolé qui s’ajoute aux autres sur la dune et qui pourrait justifier la seule action individuelle. Certes, les« petits gestes » importent ; la vie en est faite. Mais la dune de petits grains ainsi accumulés peut-ellerésister à l’assaut des grandes marées ? Ce qui donne de la force à nos actions individuelles, ce qui ajoute leciment aux grains de la dune, c’est la signification politique. Et cette dimension politique, on la construitensemble ! Donc la mobilisation doit rejoindre aussi le collectif. Par ailleurs, en raison de la complexité et del’ampleur des problématiques, c’est ensemble qu’on peut réunir les ressources pour les affronter.

Il faut reconnaître toutefois, confirme Philippe Perrenoud, que mobiliser les connaissances, ne consiste pasuniquement à les mettre ensemble, mais à les transformer. Il s’agit de valoriser une forme de cognition «située », intégrée dans/par/pour une action contextualisée.

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Et qu’en est-il de la formation ? Dans un sens plus « américain » du terme, celle-ci vise l’atteinte d’objectifsd’apprentissage pré-déterminés, le développement de compétences en fonction de domaines spécifiques,dans le cadre d’un programme, d’un cours, d’un atelier, etc. Mais il existe aussi un autre sens, plusfondamental, de la formation : celui du déploiement de la « forme » d’une personne. C’est le sens adoptépar les artisans du courant de l’écoformation, qui met en évidence le lien étroit entre la genèse de l’être-au-monde et l’interaction avec l’environnement. On se rapproche ici beaucoup de l’idée d’éducation. Mais alors, qu’est ce que l’éducation ? L’éducation intègre tout cela : l'information, la communication, lasensibilisation, la conscientisation, la mobilisation, la formation, etc. Au bout du compte, l’éducation stimulele développement des capacités, des talents de chacun, des possibilités collectives. Elle rejoint toutes lesdimensions de l’être et de l’agir, et tout au long de la vie. L’éducation, c’est l’accompagnement du « projetd’être » de chacun. Elle accompagne le travail sans cesse inachevé de « venir au monde » depuis la toutepetite enfance, jusqu’aux maisons de retraite, où il y a encore tant de choses à apprendre ensemble. Voilà donc un trop bref tour d’horizon de ce réseau notionnel qui permet de distinguer les diversesstratégies et intentions relatives aux diverses propositions et pratiques pédagogiques, et d’analyser etmieux orienter notre propre action éducative.

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Je voudrais prendre encore quelques minutes pour situer l’éducation à l’environnement dans le paysageglobal de l’éducation, tel que nous venons de la définir.

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Nous savons que l’éducation consiste fondamentalement à apprendre à entrer en interaction. On ne sedéveloppe pas enfermé dans un placard ; on se développe à travers des processus complexes d’interactionqui prennent place dans chacune et dans l’ensemble des trois sphères inter-reliées à la base dudéveloppement personnel et social. D’abord, il y a l’interaction avec soi-même : c’est la sphère deconstruction de notre identité. Nous y apprenons à apprendre, à nous définir nous-même, à entrer eninteraction. Cette sphère de la construction de l’identité est en étroite relation avec la sphère de l’altéritéhumaine. Et cela, Albert Jacquard l’a bien mis en évidence: « Je ne peux dire « je » que si tu m’as dit« tu » ». Ici, on retrouve l’éducation à la citoyenneté, à la paix, aux droits humains, à la solidaritéinternationale, l’éducation intercuturelle, etc. Quant à l’éducation relative à l’environnement, elle seretrouve dans la troisième sphère d’interaction, celle qui demeure la grande oubliée des programmesd’éducation. Il s’agit de la sphère de relation avec oikos, notre maison de vie partagée, à laquelle nousappartenons. Cette troisième sphère d’interaction fait appel à une éducation éco-logique : apprendre àdéfinir sa niche écologique humaine dans l’ensemble de l’écosystème global et à combler cette niche defaçon responsable, et joyeuse aussi. Elle fait aussi référence à une éducation éco-nomique : apprendre àaménager, à utiliser, à gérer ensemble, à partager les ressources de la maison commune. Et puis, c’est le lieud’une éducation éco-sophique : apprendre à construire le sens de notre être au monde. C’est à cette sphèred’interaction relative à notre oïkos que fait référence l’éducation à l’environnement. Il s’agit d’unedimension fondamentale de l’éducation qui ne peut pas être subordonnée à un projet politico-économiqueimposé. Au contraire, on trouve ici une invitation à analyser et à questionner diverses propositions politico-économiques, à explorer différents cadres de référence éthique et politique afin de mieux choisir desrepères qui donnent un sens à notre trajectoire humaine et qui sont de nature à fonder notre actionéducative.

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Je ne reviendrai pas non plus sur les différentes représentations de l’environnement qui donnent lieu àdiverses façons de s’y relier, et à une diversité de courants théoriques et pratiques en éducation àl’environnement. Nous manquerons de temps aussi pour caractériser les différentes dimensions etfonctions de l’éducation à l’environnement : dimension ontogénique de la construction de l’être, quidemeure inachevée si on n’inclut pas le rapport à l’environnement.

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Il y a la dimension esthétique pour célébrer la beauté du monde… Je voudrais pour le moins soulignerl’importance des dimensions éthique, critique et politique. J’aurais aimé déployer chacune de cesdimensions et regarder avec vous quelles compétences clés nous devons développer avec nos différentspublics. À défaut de le faire, je vous inviter à consulter le site web de la revue Éducation relative àl’environnement : www.revue-ere.uqam.ca (accès libre). Les récents volumes de la revue sont consacrés àces dimensions. Je vais donc m’arrêter ici et vous remercier de votre attention et de votre tolérance à l’égard de cetteprécipitation … C’était pour moi un renoncement difficile que de limiter le choix des éléments à partageravec vous et de déployer trop rapidement des questions aussi fondamentales. J’espère pour le moins avoirmis en lumière la complexité et la richesse du croisement entre éducation et environnement. À plus tardpour la discussion !

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2. Éduquer au développement durable : quelles stratégies pour quels publics ?

Présentation

« Que choisir parmi les 36 et une configurations didactiques de l'EEDD ? » par Jean Simonneaux

A l'instar de sa collègue suisse, Jean Simonneaux nous invite à relativiser les modèles éducatifs actuels enpointant leurs visées actuelles tout particulièrement en ce qui concerne les enseignements scientifiques.Sur la base de son expérience de la formation à l'enseignement des questions scientifiques socialementvives (QSSV) et des questions socialement vives liées à l'environnement (QSVE), cet enseignant-chercheurnous propose une grille d'analyse des configurations didactiques archétypales questionnant les entréessuivantes : les attributs du savoir (universel, pluriel, engagé, contextualisé), les postures épistémologiques(scientiste, utilitariste, sceptique, relativiste), les stratégies didactiques (doctrinale, problématisante,critique, pragmatique). Cette grille d'analyse de l'activité éducative représente un outil favorisant laréflexivité des enseignants, des formateurs, des éducateurs sur leurs postures. Cette réflexivité est un gaged'ouverture d'esprit et une barrière face aux dérives des finalités de la science, qui, selon ce chercheur,aurait perdu son caractère neutre par rapport aux enjeux économiques de notre société. Ainsi, les QSSVdevraient faire leur entrée dans la sphère éducative, non pas pour apporter des solutions, mais pourfavoriser la construction de savoirs porteurs de risques, d'incertitudes et de controverses.

Jean Simonneaux - Professeur à l'Ecole Nationale de Formation Agronomique, Toulouse.Principales publications : - Simonneaux Jean, Simmoneaux Laurence, « Argumentations d’étudiants sur des questions SocialementVives Environnementales », in Formation et pratiques d'enseignement en question, 2011, CDHEP - Simonneaux Jean, « Pour aller au-delà des petits gestes », in Cahiers pédagogiques, n°478, 2010, p.13-15 - Simonneaux Jean, « Au croisement des progrès scientifiques et des choix sociopolitiques », in Cahierspédagogiques, n°477, 2010, p. 33-35

« Développement durable et gouvernance mondiale : entre utopie et réalité » par Yves Girault

Yves Girault nous a présenté quelques-unes des étapes de l'évolution des idées qui ont permis l'émergencedu concept de gouvernance mondiale et ses liens avec le concept de développement durable. L'objectif dece chercheur est de montrer les principales équivoques susceptibles de nous conduire à une impasse. Ilnous invite particulièrement à « déconstruire » le concept de « développement durable » afin decomprendre tous ses enjeux. Il analyse pour cela la controverse qui opposa, au début du 20ème siècle, JohnMuir (1838-1914, considéré comme l'un des premiers naturalistes modernes) et Gifford Pinchot (1865-1946, forestier américain ayant organisé l'aménagement et le développement des forêts américaines). Cettepartie de notre histoire permet d'illustrer l'évolution de nos regards et de nos rapports à l'environnementau cours du temps. De quelle façon les sociétés regardent la Nature ? Quelles conséquences en terme depriorités politiques ? Quelques-unes des questions qui apparaissent centrales pour accompagner notre

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réflexion sur nos rapports à la Nature. Ce cas précis d'opposition entre conservationnisme etprotectionnisme met en lumière l'ambivalence de nos positions, la nécessaire clarification de nos valeurs.Ce chercheur nous invite enfin à questionner les déterminants de notre attachement à l'environnement.

Yves Girault - Professeur d’Université, Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris. Il analyse, à partir des principaux types de musées et des principaux publics scolaires, dans un contexteinternational, la nature de l'offre des musées d'histoire naturelle dans le domaine culturel et éducatif etplus spécifiquement dans le cadre des problématiques environnementales. Ses recherches les plusrécentes portent sur la médiation muséale des interactions Sciences Techniques Sociétés.Quelques publications : - Girault Y., Lange J.M., Fortin Debart C., Delallande-Simonneaux L., Lebeaume J., « La formation desenseignants dans le cadre de l'éducation à l'environnement pour un développement durable : problèmesdidactiques », in Education Relative à l'Environnement : Regards, Recherches, Réflexions. Vol.5, 2007,UQAM - Viel A., Girault Y., « Nature mise en récits ». Pratiques No 133/134, 2007

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Que choisir parmi les 36 et une configurations didactiques de l’éducationau développement durable ? - Conférence de Jean Simonneaux J’ai proposé comme titre « que choisir parmi les 36 et une configurations didactiques de l’éducation audéveloppement durable ? » car il n’y a pas une mais bien plusieurs configurations possibles pourl’éducation au développement durable

Le choix s’effectue en fonction des finalités qu’on va s’assigner en tant qu’éducateurs sur notre activitééducative. Qu’est-ce qu’on poursuit comme objectifs en termes éducatifs ? En tant que didacticien,enseignant, qu’est ce qu’on transmet ? En tant que didacticien-chercheur, on dirait plutôt : « qu’est-ce quise construit dans l’activité éducative avec les élèves ? ». Le concept de questions socialement vives a été développé en didactique. Que recouvrent les questionssocialement vives ? En quoi ce concept peut-il éclairer ce qui se construit dans l’activité éducative ? Nous avons des exemples de questions socialement vives qui ont trait au développement durable. Lesquestions sociales socialement vives concernent par exemple la croissance, la décroissance, lamondialisation, la crise économique, le protectionnisme. Nous avons des objets d’enseignement qui sontcomplexes et qui peuvent être rattachés à cette notion de développement durable. Ce sont des questionssociales ou socio- économiques. On a également des questions environnementales, mais qui peuvent avoirun volet socio-économique, par exemple : les algues vertes, les changements climatiques, les disparitionsdes abeilles, les régimes alimentaires carnés, etc. Il y a une multiplicité de questions vives qui font leurentrée dans l’école et ces questions n’ont pas une solution unique.

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Ces questions sont porteuses de controverses et d’incertitudes à la fois dans le champ scientifique et à lafois dans la société, elles sont débattues dans les médias, dans des espaces comme le nôtre ici. Est-ce quec’est débattu à l’école ? Finalement ma posture serait de dire : « ces questions là devraient rentrer dans l’école ». Elles peuvent,elles doivent entrer dans l’école sans forcément annoncer la solution, puisqu’on ne s’accorde pas sur cettesolution. Donc l’intérêt, est de faire construire des savoirs autour de ces questions-là par l'enseignement. Jevais être un peu provocateur, mais… l’idée serait d’enseigner ce que l'on ne sait pas ! D’enseigner nosincertitudes et d’enseigner le risque plutôt que d’enseigner des choses dont nous sommes sûrs alors quefinalement nous ne le sommes pas. Un des enjeux de la société, c’est de faire rentrer ces questions dansl’école et de faire réfléchir les gens autour de ces questions. Voilà notre cadre de questionnement de départet voilà ce que nous appelons les questions socialement vives, avec l’idée que ces savoirs sont porteurs derisques, d’incertitudes et de controverses. Pourquoi ?

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Les rapports entre la science et la société évoluent. L’un des premiers à l’annoncer, c'est Ulrich Beck avecson ouvrage : La société du risque. Beck sort son livre au moment de l’accident de Tchernobyl en Allemagneet illustre ses propos sur le nucléaire, et sa position est de dire : les sciences et les techniques apportent denouveaux savoirs, font avancer les connaissances et en même temps produisent des risques. Je donne desexemples : Le mediator ou Fukushima sont les derniers exemples que nous avons. Je ne sais pas quel serale prochain. Tchernobyl, Bhopal, la question de l’amiante, la vache folle, on en a plein d'exemples commeça. Avec de nouvelles techniques, on produit de nouveaux risques. Il y a un autre élément de cette évolution du rapport science/société, c'est l'idée que la science, laproduction de savoirs, sont produits en dehors de toute contrainte sociale. Ne nous faisons pas d’illusion, ily a une forte imbrication de la production des savoirs avec les conditions sociales et les conditionséconomiques. Aujourd’hui dans l’élaboration d’un programme de recherche, pour aller chercher de l’argent, leschercheurs sont obligés d'en démontrer les applications : plus vous avez de brevets, de contrats avec lemonde économique, le monde industriel, plus vous avez de chances d'obtenir de l’argent ! C’est mêmetotalement nécessaire ! Il faut bien penser que la science n’est pas quelque chose qui se crée naturellementcomme ça pour comprendre le monde, c’est bien quelque chose qui est au service d’une finalité et quecelle-ci aujourd’hui est essentielle dans la production de savoirs. La science n’est pas quelque chose de neutre, elle est orientée au service d’un pouvoir et d’un pouvoiréconomique. Ce que nous disent d’autres gens sur ces rapports entre science et société, c’estqu'aujourd’hui, les logiques de recherche sont transdisciplinaires. L'exemple le plus significatif ce sont leslaboratoires de recherche sur les nanotechnologies. Deux laboratoires travaillent sur les nanotechnologies àToulouse, dans ces laboratoires, vous retrouvez des biologistes, des gens de médecine, des physiciens, deschimistes qui travaillent sur la mémoire, sur les matériaux. L’objet de recherche n’est pas une discipline maisun champ d’applications qui fait que les modes de connaissances ne sont plus construits, ne sont plusstructurés par disciplines. C’est ce que Gibbons appelle le mode 2 de production scientifique. Nous sommesbien rentrés dans une société au sein de laquelle les rapports de la science sont totalement imbriqués avecce qui se passe aujourd’hui dans notre société.

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Certains se questionnent sur la façon de prendre en compte ces incertitudes et ces risques. Ils se posent laquestion du statut de la preuve. Quand vous êtes dans une discipline et que vous changez de discipline, lapreuve n’est plus la même. Quand vous êtes en mathématiques, la preuve n’est pas la même qu'en biologie.Ce qui caractérise l’établissement des preuves selon Chateauraynaud c'est la tangibilité de la preuve. Cen’est pas l’idée de science qui est importante, c’est l’idée de preuve. Celle-ci est considérée commetangible, comme réelle quand elle résiste aux variations perceptuelles, instrumentales et argumentativesauxquelles la soumettent des acteurs dotés de représentations et d’intérêts divergents. Pour expliquer ça, ildonne un très bon exemple, celui de la disparition des abeilles. Les scientifiques n’arrivent pas à prouverque l’insecticide a un effet sur la mort des abeilles, mais la preuve pour les apiculteurs, c’est que leursabeilles disparaissent bien. Les questions seront : qu’est-ce qui nous amène la preuve ? Comment on peut arriver à se mettre d’accordpour admettre une preuve ? Le travail scientifique, c’est le travail du doute. C’est le travail d’analyse dessignaux faibles et des argumentations pour établir des preuves. Je donne quelques exemples qu’on pourrait tout à fait lier au champ du développement durable.Aujourd’hui voyons les arguments pour la croissance et pour la décroissance… Quelles sont les preuves deséconomistes, des hommes politiques ? Elles sont multiples, certaines totalement théoriques, d’autrestotalement empiriques. Quelles sont les preuves que l'augmentation des bas salaires va relancer lacroissance ? On a ainsi une multitude de questions. La question scientifique va être celle-ci : quelles sont les preuves et, derrière, les arguments à partirdesquels nous pouvons travailler ?A ces questions de construction de la science, de construction de la preuve, se pose la question del’expertise. De l’expertise et de la prise de décision. Un modèle d’expertise toujours très prégnant et qui est tout de même considéré comme un modèled’expertise dépassé, c’est que la décision sera bonne si le diagnostic scientifique est correct et approfondi.Appelons l’expert du développement durable il va nous dire ce qu’il faut faire et ce qui est bon. Voilà unmodèle d’expertise qui aujourd’hui ne semble plus suffisant dans cette évolution des rapports du savoir à lasociété. Il existe par ailleurs une contestation de l’expertise et de son indépendance. On a eu l'exemple du Médiatorrécemment qui a permis de voir que les experts médicaux étaient des gens payés par les laboratoirespharmaceutiques. Nous avons eu une contestation de l’indépendance de l’expertise, et de la non prise encompte d’éléments sociaux, culturels, des conditions de vie et des questions éthiques.

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L’expertise peut être contestée, elle n’est pas uniquement « scientifique ». Sur des questions ouvertes,notamment les questions d’environnement, il existe une forme d’expertise de ce qu’Isabelle Stengersappelle « l’homme de la rue ». Il y a un certain nombre de savoirs dits vernaculaires. Les épistémologues etles didacticiens se posent beaucoup de questions sur les origines des savoirs liés à la culture. Certainssavoirs sont qualifiés de savoirs naïfs. Quelle est leur validité ? Quel est leur intérêt ? Il y a des formesd’expertise qui sont porteuses de savoirs, qu’on appelle parfois alternatifs. Comment les prendre encompte ? La position que j’ai, c’est de dire que les sciences sont nécessaires mais non suffisantes. Attention,il n’est pas question de dire « le discours scientifique n’a aucun intérêt », de tomber dans un relativismeabsolu. Les sciences sont nécessaires, mais non suffisantes pour la décision. Dans le processus d’expertise,on doit se poser les questions de comment se déterminent les priorités, quelles sont les valeurs que nousportons. Et puis comment évaluer et prendre en compte les risques et les incertitudes sur ces objets desavoir. En termes didactiques, concernant la production de savoirs, Funtowicz et Ravetz ont développé l’idée d’unepost-normal science, c'est-à-dire de la place d’une communauté élargie, pour faire face à l’incertitude, surles questions scientifiques. Globalement, il s'agit de dépasser la frontière entre les producteurs de savoir etles savoirs. Dans cette perspective, il n'y a plus l’idée d’une science générale, d’une science appliquée et d’une sciencequi descend du haut vers le bas, (même si on nous met encore sur des estrades). Il faut changer cette idéedu savoir, de ce rapport et de la communauté scientifique. L’un des enjeux désormais est de savoircomment les apprenants vont devenir des membres actifs de cette communauté, voire comment ilsdeviennent producteurs de savoirs. Cela sous entend qu’ils sont porteurs aussi d'un esprit critique. C’est l’idée de pro-cognition – par opposition à une retro-cognition – et de construction des savoirs enregardant vers le futur. Il s'agit d'avoir une posture critique vis-à-vis des sciences.

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On enseigne quelque chose ainsi que ses limites, plutôt que de parler de vérité, il serait préférable de parlerde validité. Nos savoirs sont valides, à un moment donné, dans un contexte donné. On a cette oppositionentre rationalité critique et rationalité technique. Une rationalité critique va déconstruire le problème, alorsqu’une rationalité technique va questionner le comment, le type de solution à trouver.Au travers des configurations didactiques on questionne les caractéristiques du savoir. Il n’est pas suffisantde caractériser les savoirs d’après leur appartenance disciplinaire, et d’après les paradigmes des disciplines.

On peut caractériser les savoirs par d’autres attributs. Il y a des savoirs que l'on peut considérer commeuniversels, totalement stabilisés et reconnus partout. Il y a des savoirs pluriels… Je viens des sciences

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sociales, alors c’est vrai qu’en économie on est habitué à avoir une série de modèles qu’on applique. Enécologie, vous avez plusieurs modèles paradigmatiques et souvent on n’en enseigne qu’un seul. Dans cessavoirs pluriels, on peut avoir plusieurs définitions du développement durable, on peut avoir plusieursméthodes d’évaluation de la durabilité, on peut avoir une pluralité de modèles derrière. On peut aussi avoirdes savoirs engagés. Sur certains savoirs, on prend position en disant : « voilà, moi ce que je retiens… Ce queje retiens comme définition, c’est celle-là, et pour moi ce sera celle-là sur laquelle je m’appuie ». C’est l’idéeque les savoirs ne sont pas neutres. Derrière, il y a un certain nombre de valeurs. Nous avons aussi desattributs du savoir qui sont contextualisés, pour lesquels j’utilise des indicateurs, des outils, en fonction dutype d’entreprise, en fonction du type de territoire. Le savoir n’est valide que dans ce contexte-là.

Et puis, deuxième élément pour définir une configuration didactique : quelles sont les posturesépistémologiques ? Derrière les postures épistémologiques, c’est la question de quelles sont les fonctions que l’on va attribueraux sciences ? Ce que certains appellent le rapport aux sciences, le rapport au savoir, quelles sont lesfinalités, quel est le pouvoir que l’on va donner aux sciences ?Une posture scientiste : « Les nouvelles techniques vont nous permettre de résoudre nos problèmes ! ».Dans cette posture, la science va sauver la société. Posture utilitariste : ce qui compte dans le savoir, c’est : en quoi cela nous permet d’agir ? En quoi celapermet de changer des comportements ? Une posture sceptique, c’est : « je m’intéresse à ce savoir, mais qui a intérêt à promouvoir cette idée-là ?Qu’est-ce que cela recouvre ? Quelles sont les limites de validité du savoir ? » Cela veut dire qu’au momentoù j’ai un concept dont je veux m’emparer, je me pose les questions de ses limites, de son intérêt, et passimplement en disant « voilà j’ai trouvé le nouveau concept ! »Posture relativiste, c'est une position philosophique qui est difficilement tenable dans un enseignementscientifique, dans lequel tout discours est valide. Dans la perspective relativiste, le discours scientifiqueétant un discours parmi d’autres. Et donc « le développement durable est une idée à la mode parmid’autres ».

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Pour terminer ces configurations, je me pose les questions de : comment on s’y prend dans l’activitééducative ? Quelles sont les stratégies ? Quelles sont les finalités qui sont poursuivies ? Quels sont lesmodèles de communication ? Quels sont les modèles d’apprentissage ? J’identifie quatre stratégiesprincipales : Une stratégie doctrinale, c’est l’enseignement magistral. L’enseignant expose. C’est ce que je suis en train defaire. Il ne faut pas tout rejeter, parce que cela fonctionne aussi, cela dépend de la finalité et du contexte. Il y a une stratégie problématisante, dans laquelle on joue beaucoup plus sur l’interaction, avec l’idée dedonner du sens aux savoirs qui permettent de lire le monde. Comment les savoirs que l’on apprendpermettent de comprendre ?Une stratégie critique, c'est-à-dire de soumettre au doute les savoirs que l’on enseigne, On les met sur laplace puis on les déconstruit tous ensemble. Il y a une stratégie pragmatique, qui consiste à apprendre en faisant. Par exemple « la main à la pâte »adopte une stratégie pragmatique, et on en a de nombreux exemples. On réalise un diagnostic, on fait unhôtel à insectes, on fait un stage en milieu professionnel, etc. Et c’est l’idée qu’on apprend en faisant, enagissant. A partir de cela, la configuration didactique est définie par des modèles choisissant un certain nombred’attributs de savoirs, de postures épistémologiques et de stratégies didactiques.

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On peut repérer un certain nombre de configurations que j’appelle archétypiques car ce sont des modèlescaricaturaux : comme par exemple, une configuration hiérarchique : « le savoir il est valide, noncontestable, c’est la vérité. En plus la science va nous sauver, va sauver le monde. Et tout cela, je le déclamedepuis le haut de mon estrade… » Voilà ce que j’appelle une configuration hiérarchique.

Une configuration problématisante permet de voir les différentes acceptions du développement durable, oude l’environnement. On peut avoir une posture épistémologique sceptique en se posant une question :pourquoi ce concept s’est imposé ? Qui a intérêt à cette position ? Nous nous situons dans une stratégieéducative problématisante : comment ce concept se traduit pour analyser le monde ? Dans ce cas-là, lediscours produit par chacun des apprenants n’est pas une seule et bonne réponse.

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La configuration professionnalisante va se retrouver beaucoup dans l’enseignement agricole professionnel,avec des attributs de savoirs qui sont contextualisés. Exemple : des indicateurs de développement durableadaptés en l’entreprise agricole etc. Ils ne sont pas valides partout, mais ils sont opérationnels dans certainsendroits. Nous sommes dans une posture épistémologique utilitariste, c'est-à-dire que le savoir m’intéressecar il m’aide à décider et agir. La stratégie didactique est pragmatique : c’est l’étude de cas, l’application aulieu de stage… On fait faire en même temps, c'est-à-dire on ne se contente pas de donner l’outil, maisglobalement on fait un diagnostic avec les élèves. J’oserai proposer que cette configuration est une traditionde l’enseignement professionnel.

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Une configuration à développer, la configuration critique… : L’idée, c’est de former des acteurs qui vontpouvoir argumenter sur leurs propres choix… Et qu’on ne va pas amener forcément tout le monde à penserde la même manière. On n’est pas obligés d’amener tout le monde sur la même position finale, ou la mêmedécision. L’objectif n’est pas d’obtenir le consensus forcément.

Il y a une multiplicité de configurations mais il y a certaines configurations qui sont totalement improbablesou incohérentes, comme par exemple un attribut de savoir universel avec une posture sceptique. Dans lespossibilités de ce modèle, cela ferait 64 configurations possibles. Pourquoi j’ai dit 36 et une ? C’est pour dire

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effectivement qu’il n’y en a pas une unique configuration idéale. Nous avons essayé de regarder, à partir dece cadre d’analyse quelles sont les configurations que l’on peut rencontrer dans l’enseignement. Nous avons étudié trois situations :

Dans le cas de l’Agenda 21 scolaire, c’est une observation dans un lycée agricole. Les savoirs sontessentiellement contextualisés. Les questions environnementales et sociales se posent localement, avecune approche d’observation/ participation. On est engagés localement dans des actions locales. On a unestratégie pragmatique dans un premier temps. Il s'agit d'encourager et de changer le comportement. Ons’est aperçu, au bout d’un certain temps, après plus d’un an d’observation de cet Agenda 21 scolaire, qu'àpartir d'un certain moment il y a une stratégie critique. C'est-à-dire qu’au bout d’un certain temps, l’équipeenseignante se pose la question des indicateurs. Qu’est ce qu’on poursuit ? On repose les choses sur la tablecollectivement, y compris avec les délégués- élèves en s'interrogeant : finalement qu’est-ce qui nouspermet de juger que notre action est valide ? A partir de quoi ? Comment on peut l’évaluer ? Au bout d’uncertain temps, les critères d’évaluation étaient débattus entre eux. Dans ce sens-là, il y avait une stratégiecritique, mais qui n’apparaît que dans un deuxième temps… On a travaillé sur une autre situation, c’est une situation que nous avons construite, et que nous avonsappelée dérangement épistémologique, sur le thème de l'alimentation et de l'environnement. Il s'agitd'amener en classe un certain nombre de données sur l’alimentation. Il s'agit de bien faire adhérer lesélèves à ces données scientifiques, comme par exemple que l’agriculture est le principal producteur deméthane et de gaz à effet de serre, ce qui vient en même temps perturber un certain nombre dereprésentations initiales. La fois d’après on amène juste des contestations et des limites à ce savoir. Doncsans arrêt il y a eu des phases d’apport et de déstabilisation, avec des temps de débat ensuite A la fin, ladernière question est : qu’est-ce qui consomme le plus d’énergie entre une consommation de viande demouton local ou de viande de mouton néo-zélandais ? Tout cela à partir de données scientifiques. A cestade, les élèves répondent majoritairement « Spontanément on devrait dire qu'il vaut mieux consommerdu mouton local , mais finalement, si vous nous posez la question, c’est qu’il y a un piège ». Donc, il s'agissaitde les amener à ce que toute donnée scientifique soit requestionnée. Voilà ce que nous avons appelé ledérangement épistémologique. Dans ce cas-là, la posture est totalement sceptique. L’idée était deprovoquer du scepticisme sur les données scientifiques, avec une stratégie totalement critique. Enfin, on a utilisé ce cadre des configurations didactiques pour analyser les intentions des enseignants dansle cadre du rapport de stage sur l’épreuve 6 du bac professionnel. Qu’est-ce qui leur paraît important ?Quels outils mobilisent ils ? Comment ils organisent l’activité avec leurs élèves pour construire ce document

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écrit ? Je rappelle ici qu'il s'agit du rapport de stage. On a comparé trois filières professionnelles différentes.C’est un travail en cours, pas totalement finalisé, mais ce qui est sûr, c’est qu’on a trois configurations selonles filières professionnelles. On a la même épreuve terminale théoriquement, même si ce n’est pas tout àfait la même grille d’évaluation, avec toutefois des capacités assez proches à évaluer… et on a troisconfigurations différentes… parce que l’outillage scientifique est différent.

Dans le cas du CGEA (Conduite et Gestion de l’entreprise agricole) qui est la filière de production agricole,les enseignants identifient bien qu’il y a plusieurs outils de diagnostic possibles des exploitations agricoles,méthodes (IDEA, TRAME...). Nous avons donc bien des attributs de savoirs pluriels. Certains vont dans uneposture scientiste avec des bonnes pratiques, en disant « voilà la grille idéale, je la donne à mes élèves et ilsl’appliquent… », et d’autres qui disent à leurs élèves : « on peut prendre une grille, on peut en prendredeux » et même si ce sont des élèves de bac pro, on peut leur demander de sélectionner un certain nombred’indicateurs. Ils sont dans une posture beaucoup plus sceptique et associent, au moins partiellement, leursélèves à cette question : quels sont les indicateurs les plus valides ou les plus intéressants dans la situationde stage des élèves. On a cherché à identifier les stratégies didactiques qui sont associées. Ceux qui sontdans une posture scientiste, sont aussi dans une stratégie didactique dogmatique, c'est-à-dire : « J’ai mabonne grille, quelle qu’elle soit… mes élèves l’utilisent… Et donc je leur apprends à l’utiliser. » et « moij’enseigne et j’applique le modèle ». Puis, d’autres enseignants sont beaucoup plus dans l’idée de faire undiagnostic le plus valide possible, « d’où tu prends tes données ? », même si on n’utilise qu’une seule grille.Il y en a d’autres qui vont encore plus loin, ils ont une stratégie éducative problématisante. En quoi lesindicateurs permettent réellement de questionner la pratique de l’agriculteur ? Là on est dans une stratégieproblématisante.Dans la filière « aménagement paysager », les attributs de savoir sont ou universels ou contextualisés… Lenombre d’outils est visiblement faible… Certains n’identifient même pas des outils contextualisés, maisl’idée de développement durable global . C’est alors une posture scientiste lorsque l’attribut de savoir estuniversel ; une posture utilitariste le savoir est contextualisé. Il y a quand même des outils spécifiques pourl’aménagement paysager qui permettraient de faire un diagnostic valide, voire d’interroger certainespratiques.

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Dans la filière agro-équipement, il n’y a pas d’outils spécifiques concernant le développement durable dansce cadre là. L’enseignement du développement durable sur le lieu de stage, c’est faire le bon tri. On ne jettepas l’huile dans le caniveau. Je suis un peu provocateur, mais c’est pratiquement cela. Nous sommes alorsdans une posture scientiste, on enseigne simplement des bonnes pratiques, on ne va pas amener l’élève àêtre un acteur.

Troisième et dernier exemple que je donnerai à partir de ces configurations. Nous sommes en train decomparer les configurations didactiques dans les programmes de Seconde, sur trois modules de scienceshumaines et sociales. Dans les enseignements facultatifs ou au choix de sciences économiques et sociales, ily a un chapitre qui s’appelle : « la pollution : comment remédier aux limites du marché ? ». Le savoir estuniversel, on a quand même un certain nombre de savoirs de type universel dans les conceptséconomiques, (externalité, etc.). Grâce à cette approche, on va mettre des limites au marché. Dans certainscas, à certains endroits, on a une posture critique. Par exemple, en présentant le greenwashing dans lesmanuels. C'est une stratégie didactique clairement problématisante, voire critique : Est-ce que finalementce développement durable, avec le greenwashing, n’est pas récupéré ? Quand la posture critique existe (ellen’existe pas toujours, soyons clairs) on s’aperçoit souvent que cette posture est absente au moment del’évaluation car l’évaluation légitime des savoirs stabilisés.

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Dans ces configurations-là quelle idée on donne du savoir ? Quelle finalité on poursuit ? La posture critiquen’est certainement pas une posture qui est tenable à longueur de temps, mais elle parait indispensable àcertains moments pour préparer réellement des acteurs qui vont être des acteurs dans une communautéde producteurs de savoirs. Il faut préparer les élèves à s’engager. Voilà, je vais m’arrêter là, merci bien !

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3. Trajectoire de vie, trajectoire professionnelle : quelles contributions à nos pratiques d'EDD ?

Présentation

« Analyse de nos postures vis à vis du développement durable » par Dominique Bachelart

Quatre postures sont identifiées : la posture acritique (les prescriptions institutionnelles sont des balisesorientant l'action éducative), la posture "faire avec" (posture stratégique, rarement par conviction initiale),la posture du "faire ailleurs" (ERE vs DD) et celle de résistance (très critique).

Outre les postures, nous pouvons nous intéresser au parcours de vie des éducateurs et formateurs (dusecteur non-formel) en EDD. Existe-t-il un groupe professionnel ? Sa morphologie est mal connue(trajectoires objectivées, vécues ou négociées). Les trajectoires professionnelles et personnelles des métiersde l'EEDD sont à explorer. Les questions d'engagement, de valeurs, comment en fait-on son métier ?Comment se passe la transmission des savoirs ? Quelles places pour les jeunes ?

Dominique Bachelart - maître de conférence en sciences de l’éducation - Université de Tours. - Berger transhumant en formation, Pour une tradition d’avenir, éditions L'Harmattan. - Habiter la terre, Ecoformation terrestre pour une conscience planétaire, éditions L'Harmattan - Le biographique, La réflexivité et les temporalités, Articuler langues, cultures et formation, éditionsL'Harmattan

"Les métiers de la croissance verte" issus du pacte de solidarité écologique du grenelle de l'environnement 2007" par Sandrine Chalvet

Il s'agit d'analyser ces différents métiers de la croissance verte. Ceux-ci sont répartis en 3 grands groupes et11 filières (dont filière biodiversité et service écologique) Il y a les métiers verts et les métiers verdissants.

La filière « métiers de la biodiversité et des services écologiques » représente 22000 emplois actuellement.Dans des métiers verts et verdissants, il y a des métiers qui contribuent au maintien de la biodiversité etceux qui y contribuent indirectement.

Comment sont impactés les métiers « verts » actuels suite au grenelle ?

Sandrine Chalvet - chargée de la formation continue au sein de l' Atelier Technique des EspacesNaturels, Montpellier, sur la question de l'EEDD.

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Trajets de professionnels et précarisation des « éducateurs » aux prises avec une pédagogie généralisée de gouvernement des conduites - Conférence de Dominique Bachelart

Voici un titre qui tente d'expliquer la focale que je vais prendre pour cette intervention. Je souhaite regarderla manière dont le terme « pédagogie » a été utilisé dans le sens de la maîtrise des conduites des gens. C'està dire vers la gouvernance ou le gouvernement de leurs comportements. Nous verrons quelles questionsque cela peut poser aux éducateurs.Nous allons élargir la discussion sémantique, engagée dans ce colloque sur le « développement durable » :économie verte, emplois verts, verdissants, transition écologique. Les injonctions, les préconisations, lesprescriptions induites par le discours sur le développement durable ou l'éducation à l'environnementcréent des incitations mais aussi beaucoup de résistances.Le « développement durable » est devenu un mot d’ordre, mais il faut encore le mettre en travail et lediscuter dans sa conception et dans ses mises en pratique.

Diapo 1 :

Remettre l'implicite de nos postures face au DD sur la table

La posture acritique consiste à adopter les prescriptions institutionnelles comme des balises qui orientent l'action éducative.

La posture « faire avec » se développe chez les acteur rarement par conviction initiale mais plutôt par stratégie, « les mots n'ont pas d'importance ».

La posture de résistance regroupe ceux qui cherchent à déconstruire le concept amenant à dénoncer une vision du monde liée à une économie exogène réduisant l'environnement à un ensemblede ressources à exploiter.

La posture du « faire ailleur » représente les acteurs qui contournant le concept de développement durable poursuivent et construisent un autre discours (éducation à l'écocitoyenneté,éducation relaative à l'environnement.Girault Y., Sauvé L., 2008 p17)

Lorsque le « développement durable » est apparu, je n’en ai pas adopté immédiatement ni le jargon ni lesenjeux. J'ai longtemps eu la posture du « faire ailleurs », en m’intéressant à l’éco-formation, aux rapportsfondamentaux du développement de l’enfant en lien avec la nature. Actuellement j'oscille entre cetteposition du « faire ailleurs » qui reste ma posture dans mes recherches, et une posture critique lorsquej’enseigne. Les étudiants de 25 ans, sont tellement imprégnés de cette culture qu’ils refusent presque d’endébattre les fondements et d’en examiner les enjeux. J’essaye de démonter avec eux les allants de soi qu’ilsadoptent avec beaucoup de générosité et de confusion. Je suis aussi, à certains moments dans une posture d’accepter le « faire avec ». Cela signifie que je suis prêteà « faire avec » des acteurs comme j’en ai rencontrés ici. J’ai discuté à table avec des gens qui sontpassionnés, qui prennent des initiatives intéressantes au niveau de leur territoire, de leur établissement, deleur enseignement. Dans mon territoire de vie, avec le Parc Naturel Loire-Anjou-Touraine, avec le CPIE, avecdes enseignants, je suis prête à « faire avec ». Pour autant que les gens soient prêts à discuter de la notion,à en voir les enjeux, à réfléchir aux effets pédagogiques de l’action qu’ils entreprennent. Donc j’oscille entreces trois postures.

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La commande pour cette contribution était autour de trajectoires de vie, trajectoires professionnelles, enlien avec les évolutions des pratiques de l’ERE, EEDD, EDD. Ce n'est pas mon sujet de recherche. Ce seradonc des propositions, des interrogations, des choses à mettre en débat avec vous, plus qu’un travail delongue haleine. Je vais m’interroger à partir du secteur de l’éducation non formelle (donc horsenseignement et hors enseignement agricole). Cela concerne des animateurs, des éducateurs, desmédiateurs. Je vais plutôt interroger ceux qui ont entièrement comme métier de remplir cette fonction. Est-ce qu’il y a un ou plusieurs groupes professionnels ? Est-ce que les gens ont transité de l’éducation relative àl’environnement vers l’EDD ? Ont-ils muté ou se sont-ils convertis ou transformés ? Sont-ils métissésdevenant des animateurs « ERE//EEDD/EDD » avec une palette d’intervention adaptative en fonction de lacommande publique ? Quelles sont les trajectoires des personnes ? Voilà ce que je me propose d’interrogeravec vous.A t-on des hybrides ? Ou est-ce que nous avons des groupes professionnels qui restent distincts ? Est-ceque seulement il y a des groupes professionnels ? C'est-à-dire un groupe qui affirme une identité de métier,des savoirs de référence, qui essaie de contrôler le monopole de son activité, qui se situe par rapport àd’autres professions. J’ai plutôt une lecture un peu pessimiste du groupe professionnel des animateurs-médiateurs commegroupe constitué et stable. Je le vois plutôt dans une situation de précarité, mais cela fait partie des débatsque l’on peut avoir par la suite. Dans tous les cas, la morphologie de ces métiers est mal connue ! J'ai identifié trois sources pour comprendre les trajectoires des professionnels qui travaillent dans ce champ.Il y a les trajectoires vécues, les trajectoires objectivées, et les trajectoires négociées. Trajectoires de vie, trajectoire professionnelle ? Les trajectoires vécues sont les trajectoires telles qu’elles se racontent du point de vue singulier, ducheminement individuel. Elles peuvent nous informer sur des trajets de vie, et la manière dont les gens ontconstruit leurs itinéraires.

Diapo 2 :

Morphologie méconnue d'un (ou plusieurs) groupe professionnel à la merci des aléas budgétaires

Trajectoire objectivée : l'analyse de l'action publique, l'engagement, les carrières, l'expertise professionnelle, le langage, les temporalités...

• Des éléments généraux sur les animateurs socioculturels : les animateurs socio-culturels, Lebon F., 2009. La Découverte. De CURRAIZE Y. et LEBON F., Les trajectoires d’emploi des animateurs socioculturels, 2008 Document de travail INJEP.

• « L'éducation à l'environnement entre critique et adaptation » chap. 11 Environnement et société, Aspé C., Jaqué M., 2012, Ed. Quae

• Etude de faisabilité de la mise en œuvre d'un état des lieux national de l'éducation à l'environnement et au développement durable : « Entre vastitude et concept flou » Cottereau D. ; Le Goff Y., 2012, impulsée par Espace National de Concertation

Trajectoire vécues• Des études ciblées : Troterat F., Sociologie des professions et recherche biographique

l'exemple des animateurs-environnement, 2010• Des fragments dans quelques revues sous forme de témoignages

Trajectoires négociées : conventions collectives et classifications, les statuts, les formations de références, compétences reconnues, syndicats professionnels...

Sur les trajectoires objectivées, on repère des travaux assez généraux sur les animateurs socio-culturels, quisont la branche surplombante dans laquelle les éducateurs, animateurs, médiateurs s’inscrivent. Si on

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prend les conventions collectives de référence, une grande partie d’entre eux sont affiliés à la conventioncollective de l’animation socio-culturelle. Qui est un grand fourre-tout. Les travaux de Francis Lebon, permettent d'avoir des grilles de lecture sur la précarité, les approches genre.Ce sont des grilles qui peuvent nous donner des indications, qui pointent la fragilité du secteur associatifaujourd’hui… 26 000 emplois de perdus ces dernières années, c’est un secteur qui est en difficulté. Autre étude, j’y reviendrai, qui m’a parue tout à fait intéressante, c'est le livre de Chantal Aspe et de MarieJacqué, : Environnement et société. Elles consacrent leur chapitre 7 à « l’ éducation à l’environnement,entre critiques et adaptation », en interrogeant principalement le réseau des CPIE et les réseaux École etNature. En tant que sociologues sur ce secteur, elles les distinguent en relevant un certain nombre deparadoxes, en montrant des grandes tendances. Signalons également l’étude de faisabilité menée par Dominique Cottereau sur un nécessaire état des lieuxdu secteur. Cette étude a été réalisée à la demande de ministères et à l’initiative de l’Espace national deconcertation. Le CFEEDD a impulsé cette étude sur l’éducation à l’environnement et au développementdurable et D. Cottereau pourra nous dire si cette étude a une chance de sortir et de produire des donnéessur le champ. Je fais l’hypothèse que cela ne sortira pas, parce que cela supposerait l’appui à lastructuration d’un groupe professionnel, et que ce n’est pas l’enjeu du moment. Vous voyez : on fait uneétude pour savoir si c’est faisable de faire un état des lieux !Sur la dimension « trajectoires vécues », peu de travaux en sociologie de la profession on été conduits.Notons l’étude de Frédéric Torterat2 sur la singularité des trajets de plusieurs éducateurs à l’environnementdans un CPIE. Il en extrait un certain nombre de questions dont je vous ferai part. Par ailleurs, il y a 3 ans, nous avions monté un groupe au sein du GRAINE Poitou-Charente pour effectuerune relecture systématique de toutes les revues des GRAINE de France. Il s'agissait de voir ce qui étaitproduit. De tout relire, nous a pris un an et demi. On trouve dans ces revues de temps en temps desitinéraires qui sont décrits : pourquoi je suis devenu éducateur nature ? Pourquoi je suis devenu animateurenvironnement ? Donc là on a des témoignages plus individualisés de trajets qu’il faudrait recueillir si onveux voir comment le champ professionnel a évolué et comment les différentes générations parlent deleurs activités. Les recueils de toute cette mémoire reste à faire.« Quitte à être mal payé autant être mal payé dans un truc qu’on aime bien faire »Les trajectoires négociées, ce sont les statuts. Le secteur est très flottant sur les termes des métiers, mêmesi le réseau École et nature a essayé de clarifier la différence entre animateur, éducateur, coordinateur. Iln’y a rien de vraiment stabilisé. Lorsque l'on regarde le répertoire opérationnel des métiers, il n’y a pas defiche sur ces métiers inclus dans le secteur vaste de l’animation socio-culturelle. On voit une petite ligneanimateur-nature, éducateur à l’environnement, en sous-catégorie mais le métier n’est pas identifié commetel. Il y a un certain nombre de formations qui préparent à ces emplois. La morphologie du champ est à lafois proliférante et incertaine… Les grands principes de façade cachent la réalité des bricolages et lesdifficultés quotidiennes avec parfois des sorties précoces sauf pour les cadres responsables de structuremais pour lesquelles on observe un manque criant de données et de recherche malgré l’amorce dequelques recherches–action. Les parcours sont souvent atypiques et les éducateurs formés par l’expériencese trouvent maintenant en concurrence avec des diplômés de masters universitaires disciplinaires. Lesfrontières sont également poreuses avec d’autres métiers

• Les métiers de la responsabilité sociale des entreprises • Les métiers de l'environnement et des éco-industries• Les métiers de l'agriculture biologique et durable• Les métiers de l'aménagement du territoire et de l'amélioration du cadre de vie• Les métiers de l'éco-construction et des énergies renouvelables• Les métiers de la qualité et de la sécurité• Les métiers du commerce équitable et de l'écotourisme• les métiers de l’enseignement et de la formation continue

2 Frédéric TORTERAT Université de Nice (EA 4080, URE 03)« Sociologie des professions et recherche biographique:l'exemple des animateurs de l'environnement »

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Sur l’aspect « trajectoires personnelles », Frédéric Torterat, dans ce qu’il a rassemblé des récits de vieconcernant des professionnels de CPIE, pointe l’importance d’un choix et d’une orientation personnelleavant même l’engagement dans le métier, celui-ci étant relié à une opportunité professionnelle, qui auraitpu amener les personnes à d’autres types de positions, d’autres types d’engagements. Il fait l’hypothèse dece qu’il a appelé un Ethos, une sensibilité, une manière de vivre, des choses communes, qui est l’aspectvocationnel.Cela nous oblige à faire un certain nombre d’hypothèses, parce que cet auteur ne clarifie pas cettesensibilité commune : de quoi s’agit-il ? A quoi les éducateurs sont-ils sensibles ? Est-ce qu’ils sont« aconsommateurs » ? Frugaux ? Est-ce qu’ils prennent le temps de vivre ? Est-ce qu’ils trient (leursdéchets) ? Enfin : de quoi parle-t-on quand on parle de cet Ethos ? Comment pourrait-on voir des élémentsassez fondamentaux dans les stratégies d’engagement des personnes ? Ces dernières années, nous avons pu observer qu'au cours des rencontres des réseaux dans plusieursrégions, la question de la cohérence entre vie personnelle et vie professionnelle était posée. Avec l’enjeude se mettre au clair sur sa trajectoire de vie et sa trajectoire professionnelle. Comme s’il y avait un effetmiroir entre les deux. Je fais l’hypothèse, mais ce serait à vérifier, qu’il y a une posture d’impeccabiliténécessaire pour l’éducateur environnement par rapport à ses préconisations, prescriptions, injonctions àl’égard du public. A travers un Ethos qui devrait être tout à fait conforme à un idéal souvent peu explicitéd’une des conceptions du développement durable… Les travaux de F. Lebon montrent des stratégies. Il identifie à propos des animateurs socio-culturels, desstratégies non tubulaires. Trajectoire n’est pas un mot tout à fait juste, il faudrait plutôt dire « trajet », avecdes entrées, des sorties, des bifurcations, des changements. Le terme trajectoire a un aspect « carrière » quiprobablement ne traduit pas les mutations vécues en cours de ces vies professionnelles. Des animateursdeviennent agriculteurs biologiques, d’autres finissent par passer le concours d’enseignant. Autant deglissements de professions sur lesquels on n’a pas de visibilité dans le champ de l’éducation àl’environnement mais qui sont pointés dans le champ de l’animation socio-culturelle.La faible mise en patrimoine de l’évolution du secteur de l’éducation à l’environnement Je relève quelques éléments qui pourraient faire débat et qui sont liés à des témoignages de professionnelsrencontrés. Certains expriment un sentiment de menace concernant leur autonomie professionnelle, parrapport à des politiques publiques qui deviennent injonctives sur le contenu, les stratégies, les attentes, lesévaluations de ce qui est à faire dans le champ. Cela a pu créer des dilemmes et des fuites du secteur. Despersonnes qui se sont trouvées en porte-à-faux en ayant le sentiment d’être mises au service d’unprogramme, ce qui n’était pas le sens originel de leur engagement vocationnel. D’autres ont eu des stratégies d’adaptation. Dans un premier temps, la montée en puissance du discours dudéveloppement durable a, de mon point de vue, « centrifugé l’éducation nature ». C'est-à-dire qu'elle s’estretrouvée aux marges, à l’extérieur… Et un certain nombre d’animateurs, d’éducateurs, ont transformé leurdiscours et sont passés d’ « éducation nature » à « éducation à la biodiversité ». Ils ont dû/su recycler,parfois sans trop de différences dans les pratiques, leurs interventions, en changeant un peu le moule, sansnécessairement transformer leurs orientations. J’ai une interrogation : est-ce que cela génère des souffrances professionnelles et si oui comment semanifestent-elles ? Y a-t-il des interruptions de trajets ? Vous pouvez peut être répondre, on en discuteraensuite… En tous cas, ce que j’observe, c’est qu’il y a une rupture générationnelle dans les mises enpatrimoine des savoirs et des compétences, et qu’il y a une sorte de disqualification des anciens. Les genssont considérés comme périmés… De mon point de vue, on perd là tout un capital d’histoire.Il y a des animateurs qui continuent de dire : « mais c’est très important ce qu’on a fait et ce qu’on fait »,mais dans l’ensemble, il y a peu d’écrits, un peu de littérature grise, pas beaucoup de capitalisation. C’estun secteur qui n’a pas produit d’histoire réflexive sur son trajet. La mise en culture de ce patrimoine àtravers les générations me parait être à une phase clé, parce que l’histoire de la profession qui a 30, 40 ans,fait que les pionniers sont partis ou en train de partir à la retraite, en train de jeter leurs archives. Celan’intéresse plus personne et on va perdre ainsi quelque chose qu’il serait important de regarder de plusprès.

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Marie Jacqué et chantal Aspe ont analysé le secteur de l’éducation à l’environnement, et retracent uncertain nombre d’éléments que vous connaissez bien, qui remettent un peu en perspective les évolutions.Les auteures montrent comment progressivement les associations, souvent contestataires à l’origine, quiportaient une critique de la société et un projet alternatif, ont été arraisonnées aux politiques publiques etsont devenues des prestataires de services dans des politiques de gestion de l’environnement, perdantl’autonomie militante et la force de contestation, pour pouvoir survivre. Elles pointent en effet un moment, que nous avons un peu oublié, qui est celui des emplois jeunes. Cedispositif a beaucoup compté en France pour impulser des changements de pratiques qui étaient portés àl’origine par des enseignants, des militants, des agriculteurs, des gens qui étaient innovants, et qui ont étéremplacés peu à peu par des « professionnels ». Cette montée en puissance du nombre de professionnelsdate de l’arrivée des emplois jeunes, qui ont permis à de nombreuses associations d’embaucher. Les auteurs soulignent le paradoxe auquel ont été confrontés un certain nombre de ces professionnels,portés par des associations critiques à l’égard de l’école et du secteur formel, des formes de pédagogie, del’enfermement dans les murs et d’une pédagogie transmissive, passive. Celles-ci ont fini par devenir desprestataires de services, à côté ou pour l’école… parfois en intégrant la forme scolaire comme formeprégnante, perdant en ce sens une partie de l’apport qui était leur spécificité pédagogique. Les « militants »ont été remplacés par des « intervenants scolaires » », de plus en plus précaires, intervenant peu de temps.Les acquis de ce secteur autour de la pédagogie de projet sont aujourd’hui mis à mal par des interventionsréduites, à une demi journée par ci par là, ce qui empêche la mise en place de pédagogies intéressantes etun peu innovantes autour de ces questions de développement durable.Les auteures identifient une troisième génération, qui est celle que nous retrouvons dans nos licences àFlorac ou à Tours. Cette génération est diplômée de l’Université et vient avec cette idée que l’actionpédagogique c’est « communiquer » pour inciter les gens à changer leurs pratiques et à adopter des bonnesconduites. Aujourd’hui, nous observons ce passage des revendications environnementales à la prestation deservices, le resserrement sur des aspects comportementaux, et une tendance à développer un rapport àl’environnement marqué par la culpabilité et l’attente de réparation. Ces secteurs se sont largementdépolitisés. Cette écologisation de la société concerne de nombreux métiers à la fois dans les métiers éducatifs et dansde nouveaux métiers verts ou à travers le verdissement de métiers existants. Dans le champ éducatif, les réseaux de la culture scientifique et ceux de l’éducation populaire se sontégalement investis sur les questions environnementales, et ont une action très diversifiée auprès despublics. La question environnementale est devenue un thème tellement récurrent, porté dans la société,intéressant tellement les jeunes publics que cela fait partie de leurs interventions. Le secteur de l’éducationpopulaire est aussi actif dans ces domaines avec les sciences participatives, par des débats science/ société,des questions vives dans la société. Écologisation de la société : les adeptes de l’endoctrinement bienfaiteur Il y a au nom du développement durable beaucoup d’adeptes de l’endoctrinement bienfaiteur. Les jeunesque nous voyons sont au départ toujours plus intéressés par ces métiers de protection de la nature. Lemarché du travail environnemental et l’offre de formation sont dynamiques. Mais l’on observe uneinadéquation avec l’emploi réel. Des filières de l’eau, des déchets par exemple, sont en déficit de jeunes quiperçoivent ses métiers comme pénibles, sales, avec une image dégradante3. Ils se positionnent plusvolontiers en sauveurs de la planète, en continuant de privilégier la protection du patrimoine naturel, enétant spontanément adeptes d’un endoctrinement bienfaiteur. Ils sont tout à fait prêts à s'embarquer surles injonctions qui ont été faites dans le cadre des politiques publiques nationales, d’impulsion avecl'impératif « pédagogique » qui s’est généralisé de changer les conduites et les comportements. On peut observer un déplacement de la sphère de l’éducation des enfants à la sphère de la « pédagogie »pour les adultes. Je dis « pédagogie » entre guillemets parce que c’est quand même toujours surprenantque l’on utilise ce terme quand on parle des adultes. A ce propos, je vous invite à lire l’article d’Eric Potard 4

3 Les jeunes en formation ou en recherche d’emploi face aux métiers verts -Thèse MBA, Elise Thérard-Henry, 2010

4 « L’impératif pédagogique dans la rhétorique politique. Le cas des politiques environnementales », Eric Pautard,

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qui a examiné 115 000 discours gouvernementaux, pour voir le nombre de fois où « pédagogie » étaitassociée à « environnement ». Il en sort une courbe, que je n’ai pas reprise ici, mais qui est extrêmementforte avec l’arrivée du Grenelle, où on va de plus en plus associer « pédagogie » avec « environnement » et« bonnes conduites », etc. Il s’agit de faire de la pédagogie pour que les gens adhèrent aux politiquespubliques, comprennent son intérêt. La posture critique de E. Potard consiste à comprendre quels sont lesleviers et les enjeux qu’il peut y avoir autour de cette « pédagogie ». Il relève un certain nombred’éléments : - faire adhérer la population de manière progressive, - expliquer pour imposer une vision deschoses unique, sous entendue la « bonne »,- adopter une pédagogie du « faire (ex : économies d’énergieavec des campagnes didactiques basées à la fois sur des arguments de rationalité économique et sur laculpabilité). Ces interventions s’appuient sur la notoriété qu’ont eu ces dernières années, les apports de lapsychologie sociale sur l’engagement reprenant les méthodes utilisées par le marketing sur la soumissionlibrement consentie. Il y a eu une adoption peu réflexive, critique ou éthique de l'idée que si on manipuleles gens pour une bonne cause, tout va bien.

Diapo 3 :

Ecologisation des métiers et gouvernement des conduites : Des nouvelles formes du produire, du manger et du consommer dans le cadre de la « révolutionécologique » ainsi que que celles du construire et de l'habiter, de se soigner mais également de semouvoir, de travailler, se cultiver de faire famille, communauté et cité.... Quelles sont les innovations, la créativité, l'audace dans les démarches ? Comment les réseaux traitent-ils les transformations de pratiques et d'identité professionnelle.Quelles tensions cela génère-t-il dans les équipes ? Avec les C.A ? Evaluer les « success stories » et leur retour de boomerang dans des domaines d'ores et déjà biendocumentés comme celui des déchets, du recyclage et des énergies renouvelables les jeux d'alliances, les tensions et rivalités entre groupes professionnels que fait naître cette« écologisation » des pratiques et des discours.

Aujourd’hui on aurait des besoins d’évaluer ces programmes. On commence à avoir un peu de recul sur lamodification des comportements des gens et les éventuels retournements de situation. Des études ontobservé des familles qui étaient strictement économes et des familles non économes, et montrent que lesgains par rapport à la charge mentale, à la pression à l’égard des routines installées et aux conflits sociauxgénérés à l’intérieur de la famille, sont minimes. Donc peut-être faut-il quand même regarder de plus prèstout ce discours sur les bonnes conduites qui ont un impact très faible collectivement, sauf à être généréessur l’ensemble de la population, ce qui est quand même un mythe transformateur. Et qu’il est plus efficacede changer sa chaudière et d’isoler sa maison que de changer complètement ses routines, ses gestesquotidiens… Il y a donc quand même un peu à réfléchir et regarder ce qu’ont produit toutes ces pratiques.Face à cette injonction un peu généralisée qui prend cette forme de gouvernement des conduites, il mesemble qu’au moins dans le champ de l’éducation à l’environnement, on a besoin de réfléchir à ce que celaproduit et pas seulement en prenant le contre pied des experts par des pratiques subjectives et affectives.Ce travail de balisage des savoirs et des comportements par les politiques publiques, entend délimiterl’interprétation citoyenne de l’action publique. L’éducation à l’environnement en tant que processus dediffusion d’une morale écologique, accompagne l’approche gestionnaire et technique de l’environnementdans laquelle la dimension contestataire ne subsiste que dans la méthode pédagogique elle-même. Sousl’apparence d’une rupture forte, l’individu aliéné est seulement sommé de changer ses pratiquesindividuelles, de devenir cet éco-citoyen dépolitisé et capable de gestes réparateurs pour un environnement

communication au Colloque international des 1er et 2 février 2012 Sociologie des approches critiques dudéveloppement et de la ville durable

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abîmé. Survient alors le paradoxe de l’écocitoyenneté où le désir de changement est canalisé dans lemaintien et le renforcement (par la création de nouveaux marchés par exemple) du système de production-consommation. Ces « recommandations » interviennent dans la sphère domestique, dans la sphère dufoyer, ce qui est une forme, pour les pouvoirs publics, d’encadrement à distance des gens, avec des propossimplifiés, et parfois des campagnes qui relèvent plus de la propagande que de la réflexion. Une de mes interrogations est la suivante : existe t-il un nouveau métier qu’on appellerait « contrôleur deconduites » ? Le DD. sème le trouble dans les discours émancipateurs prenant parfois les atours d’undiscours contestataire alors que les individus sont amenés à proroger le système qu’ils dénoncent.Comment est-on passés d’une vision contestataire de la société à une posture de contrôleurs de conduite ?Est-ce que l’économie comportementale remplace l’éducation ? Et aujourd’hui comment ceux qui font lemétier d’éduquer font avec cette injonction à cette économie comportementale ? Merci !

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Les métiers de la croissance verte : du contexte récent au métier de garde-nature - Conférence de Sandrine ChalvetJe vais vous donner des informations sur les métiers de la croissance verte. J'ai axé mon propos autour de deux parties : d'une part, le cadre et les définitions de ce que l’on entend parcroissance verte (activités, filières, métiers verts, etc.), d'autre part, je vais poser le contexte des gardes-natures, que je connais mieux, parce que c’est avec eux que je travaille, à travers notamment l’évolution deleur métier. Nous allons voir que ce contexte peut avoir des incidences sur leurs pratiques, notamment entermes d’éducation à l’environnement. Je vais adopter la technique de l’entonnoir. En haut, on va avoir la croissance verte, et en dessous, le métierde garde-nature.Un petit historique pour savoir d’où vient tout cela. Il y a le Grenelle, en 2007, avec notamment son pactede solidarité écologique, pilier social du Grenelle Environnement, qui repose sur 5 programmes : « lesmétiers de la croissance verte », « l’engagement national contre la précarité énergétique », « les modes devie », « les territoires » et « la citoyenneté ». Cela a été un des premiers chantiers du Grenelle, avec en 2009un plan de mobilisation en faveur des métiers de l’économie verte, et la création, en 2010 de l’observatoirenational des emplois et métiers liés à la croissance verte. C’est d’ailleurs de plusieurs ouvrages émanant decet observatoire que j’ai tiré toutes les informations dont je vais vous parler ici.J'ai d’abord été voir le site du Ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie pour voir ceque l’on disait sur ce pacte de solidarité écologique et ce que l'on y mettait derrière. Le pacte de solidaritéécologique est un projet en 10 objectifs.Tout d'abord, concernant la solidarité, « le développement durable est créateur d’emploi, c’est de l’emploipour tous, à tous les niveaux de qualification, et pour l’essentiel non délocalisables », « 600 000 emplois encréation ou transformation », « plus de 12 millions d’actifs concernés et formés au développementdurable ». Donc Messieurs, Dames, il y a du boulot ! Pour tout le monde, et ce n’est pas pour rien qu’il y a lecolloque en ce moment. Concernant la croissance verte, je vais vous en parler sous deux aspects : l’aspect « activités » - qu’est-cequi caractérise les aspects de la croissance verte ?- et l'aspect « métiers ».On caractérise deux types d’activités. Les éco-activités, qui produisent des biens ou services ayant pourfinalité la protection de l’environnement ou la gestion des ressources naturelles. Il s’agit du périmètreretenu par Eurostat pour les emplois à long terme dans le domaine environnemental au niveauinternational. Les deuxièmes types d’activités, ce sont les « autres activités vertes », qui produisent des biens et desservices favorables, au sens d’une meilleure qualité environnementale. Au centre de mon schéma, nous retrouvons les éco-activités. On parle d’emplois : environ 450 000, lesautres activités, sont estimées aujourd’hui, à peu près au même nombre, 428 000 emplois. Dans les autresactivités, on va retrouver tout ce qui va être fabrication/installation de chaudières à condensation,production/ distribution d’eau, gestion des déchets, fabrication de matériel ferroviaire, etc. Ces activitéssont regroupées sous onze filières, qui appartiennent à trois grands axes : les économies d’énergie, lapréservation de la ressource, en qualité et en quantité, et la diminution des gaz à effet de serre. Les onze filières sont : transport, automobile, énergies renouvelables, métiers du bâtiment, eau,assainissement, déchets, air, mer, raffinage/ carburants/ chimie verte et la filière qui va nous intéresser ici,sur laquelle je vais revenir juste après, c’est la filière biodiversité et services écologiques. Nous venons de faire l’entrée par filières et par activités, maintenant, nous allons faire l’entrée par métiers.Pour les métiers c’est pareil, il y a une dichotomie entre deux types de métiers. Les métiers « verts » : doncon va retrouver des métiers « verts » dans les différentes filières et dans les différents types d’activités quel’on a vu tout à l’heure. Ce sont des métiers dont la finalité et les compétences mises en œuvre contribuentà mesurer, prévenir, maîtriser, corriger, les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement. 136 000personnes, ce sont des chiffres de 2008, cela a peut être légèrement augmenté. Un exemple, c’est l’agent de

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parc national.Et puis on a les métiers « verdissants » dont la finalité n’est pas environnementale « mais qui intègrent denouvelles briques de compétences pour prendre en compte de façon significative et quantifiable ladimension environnementale dans le geste métier ». Là, ce sont des chiffres de 2008 toujours : 3,6 millionspersonnes. On peut retrouver par exemple les agents d’entretien des parcs et jardins, un agriculteur qui estdevenu agriculteur bio… ce sont des exemples. Si je fais un petit résumé, nous avons des activités, représentant 900 000 emplois : éco-activités et activitéspériphériques, qui sont réparties dans des filières et de l’autre, nous avons les métiers verts, métiersverdissants, qui se répartissent à l’intérieur de ces différentes filières, et au sein de ces deux activités. Ontrouve en fait des métiers verts et des métiers verdissants dans l’ensemble des filières. Je vais réduire et avancer dans mon entonnoir. Je vais prendre la filière qui va nous intéresser ici, qui est lafilière « métiers de la biodiversité et des services écologiques». Aujourd’hui c’est une filière qui compte àpeu près 22 000 emplois, dont on espère 40 000 en 2020. Et en 2010, le Ministère a confié à l’ATEN5 et àl’AFPA6 une étude sur les métiers, dont l’objectif était de quantifier et d’établir un répertoire des métiers decette filière. Il s'agit d'une sorte de dictionnaire des compétences avec un recensement des formations etune analyse en termes de prospective. Mes collègues et les collègues de l’AFPA ont épluché plus de 800fiches métiers issus de différents référentiels, référentiel ROME7, RIME8, CNFPT9. Ils ont établi quelque chosed’important au niveau de cette filière, c’est une structuration nécessaire, un problème de lisibilité, et unproblème de valorisation.Ils ont établi deux catégories principales de métiers, les métiers au cœur de la biodiversité, et les métierscontribuant à la préservation. Ces deux catégories de métiers sont des métiers dont la finalité principale estde contribuer au bon état de fonctionnement des écosystèmes, pour qu’ils assurent les servicesécologiques. Ils se rencontrent essentiellement dans l’ensemble des activités de gestion, valorisation,restauration, aménagement, dans le secteur des espaces naturels et dans l’ensemble des autres secteurséconomiques. On peut en retrouver à la fois dans des métiers verts, mais aussi dans des métiersverdissants. Les métiers au cœur de la biodiversité, par exemple comme l’accompagnateur de montagne. Lafinalité et les compétences sont la préservation du bon fonctionnement des écosystèmes. Puis il y a ceuxqui contribuent à la préservation, ce sont ceux dont la finalité n’est pas la préservation, mais qui intègrentdes activités ou des compétences qui vont y participer, comme par exemple un enseignant Sciences et Viede la Terre…L’étude a permit d'établir 6 familles professionnelles et 41 fiches métiers. Parmi les 6 famillesprofessionnelles, on va retrouver « administration et soutien », « aménagement et restauration desmilieux », « information et éducation ». C’est dans ce dernier que nous allons trouver tous nos éducateursnature, ce qui concerne la préservation du patrimoine, la production agricole et forestière, et le champs« recherche et connaissances ». Je vais faire un zoom à l’intérieur de la famille « préservation dupatrimoine ». C’est là que l'on retrouve notre garde nature.Le garde-nature exerce son activité autour de deux axes, la préservation et valorisation de la biodiversité,l’information, la sensibilisation du public sur la biodiversité.Donc vous voyez que toutes les missions d’information, de sensibilisation, d’éducation, ne sont pas soncorps de métier, mais sont une de ses missions. Je vais faire un zoom maintenant sur les événements, les évolutions qui ont entraîné des changements, desmodifications à la fois dans les postures, dans les compétences que l’on attend et dans la manière deconsidérer son métier. Je vais vous les exposer ici. Cela émane en partie d’une étude que mon collègue surles métiers a menée en 2008, en préalable à l’étude du Ministère. Il a questionné plusieurs agents, gardes,de la façon suivante : « aujourd’hui d’après vous quelles sont les évolutions qui vous ont marqués, dansvotre métier ? Quelles sont les différences aujourd’hui ? ».

5 ATEN : Atelier technique des espaces naturels6 AFPA : Association nationale pour la formation professionnelle des adultes 7 Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois (ROME)8 Répertoire Interministériel des Métiers de l'État (RIME)9 Le répertoire des métiers de la fonction publique territoriale (CNFPT)

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Une évolution importante, c’est l’intérêt sociétal pour la protection de la nature, notamment avec toutes lesévolutions législatives, toutes les institutions qui ont été créées (cela va du Ministère de l’Ecologie enpassant en 2006 par l'établissement Parcs Nationaux de France, l’Office National de l’Eau et des MilieuxAquatiques) et toutes les lois environnementales (loi sur l’eau, loi déchets, loi sur l’air, protection de lanature, etc.). On a les institutions, et on a les corps. Il y a eu, notamment dans l’administration uneimportance qui a été donnée à la reconnaissance de ces corps, avec une structuration, des gestions descarrières. Cela a été très important, parce qu’il y a eu le sentiment de reconnaissance de la fonction degarde : « on a besoin de nous, on nous reconnaît », « ah oui c’est important, tu travailles dansl’environnement ? C’est bien ! ». Un phénomène important qui a touché beaucoup, beaucoup de gens, c’est la culture du résultat. On a vuune augmentation des tâches administratives, puisque maintenant il faut rendre des bilans, des évaluations,des suivis, des comptes-rendus, des tableaux. L’augmentation de ces tâches administratives s’est faite audétriment du temps que nous passons sur le terrain, avec une forme de réduction de l'autonomie. Puisquel'on doit rendre des comptes, cela donne le sentiment que l'on est suivi. La réduction du temps de travail,c’est un progrès social, personnel, mais ajouté à tout ce que je viens de dire (perte de souplesse dansl’organisation du temps), cela a contribué aussi à une rupture avec la façon de s’engager dans des métiersqui étaient un peu des métiers « sacerdoce », c'est-à-dire des métiers comme mode de vie. Ce n'était pasun métier, c’était un mode de vie ! On est garde-nature, on est garde d’un parc, et maintenant c’est uneprofession ! C’est un métier, j’ai un temps de travail, je badge ou je ne badge pas. Avant nous étions tous lesjours garde-nature ! Il n’y avait pas de week-ends, il n’y avait pas de mercredis. Cela a été quelque chose defort, dans la manière de considérer son travail. Il y a d’autres changements, évolutions, comme la spécialisation des tâches. Les gens deviennent de plus enplus spécialisés et nous avons une dilution des interlocuteurs, et parfois un manque de coordination. On vaavoir quelqu'un d'hyper spécialisé, hyper pointu sur…je ne sais pas, les orchidées, ou les mammifèresmarins… et si on veut traiter ou discuter d’un autre sujet, il faut changer d’interlocuteur.On a une montée en puissance des procédures participatives que j’ai couplée avec ce que j’appellel’évolution culturelle. C'est-à-dire que nous sommes passés d’un mode de protection réglementaire dur, oùon met sous cloche, (par exemple les parcs nationaux dans les années 80), à une protection beaucoup pluscontractuelle, beaucoup plus engageante, notamment avec la loi de 2006 sur les parcs nationaux.Maintenant chacun fait des chartes, chacun s’engage à respecter les espèces protégées, à faire des actionsensemble. Nous ne sommes plus dans l’objectif de mettre sous cloche et de protéger complètement. Ducoup, cela va aussi pour Natura 2000. Et ça, ça modifie les comportements, parce qu'avant nous étionsplutôt dans une posture de police, de protection, et maintenant, on est dans une culture de la négociation,de la médiation. Il y a bien sûr les évolutions technologiques, avec l’utilisation de nouveaux outils, notamment, nous levoyons sur ce colloque, l'utilisation de Twitter, Internet. Du coup, il y a le développement de cultures enréseaux, notamment parce que comme on s’est spécialisés, et que nous sommes dans des nouvellesprocédures, il y a un besoin d’échanger avec les autres, de trouver son homologue quelque part. Tout ça, aboutit à l’apparition d’un nouveau métier, mon collègue m’a dit « si, si, ça c’est très important ! »,c’est le métier de médiateur-animateur, qui fait à lui seul l’objet d’une fiche métier. J’ai été chercher surwikipédia la définition de médiateur c’est « une personne physique qui intervient pour faciliter unecommunication, rétablir une relation ou transmettre une doléance, transférer un savoir ou uneconnaissance ». Dans les espaces naturels, il y a plusieurs formes. Il y a eu tout d’abord les médiateurs enOutre- -mer sur les parcs pour mettre en place et installer un parc national, discuter avec les habitants duterritoire : « à quoi ça sert un parc ? Pourquoi on vient le faire chez vous ? ». Pour porter un peu la bonneparole, il y a le médiateur qui va faire prendre conscience de l’impact de l’incivilité. C'est-à-dire que nous nesommes plus dans la répression pure et dure directe, mais dans la médiation plutôt que : « c’est pas bien »,« ce serait bien que… », « attention… ». Il y a aussi le médiateur du patrimoine, au sens muséographique duterme, qui va permettre une interaction entre l’objet du patrimoine et le public. Ça c’est un métier qu’ontrouve notamment dans les grands sites de France par exemple. Donc il y a de nouveaux métiers porteursd'une nouvelle vision, de nouveaux outils, mais les questions que cela pose c’est : « comment faire de la

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sensibilisation, animation, éducation quand ce n’est pas mon cœur de métier ? Quand ce n’est pas mamission principale ? Quand, des fois, ma formation initiale ne m’a pas complètement formé à ça ? Quand jesuis amené dans mon activité à avoir différentes postures… ».Je vais faire de la police, je vais faire de l’éducation, je vais faire de la négociation, je vais faire de la gestion…C’est compliqué… Cela pose la question aujourd’hui de savoir : va-t-on continuer à avoir des gardes-naturequi font tout ? Est-ce qu’on ne va pas avoir des gardes qui font de la police, et qui continuent à s’appelergardes, et est-ce qu’on n’a pas des animateurs, qui ne font pas de la police, et qui ne font que del’animation, de l’accueil, voire de la gestion. Quels dérives cela peut-il amener ?En terme de formation, les choix que nous avons fait à l’ATEN, c’est celui de formations orientées surl’ouverture à des publics. Des publics sur lesquels nous n'avons pas l’habitude d’aller, comme par exemplela petite enfance, le handicap, l’adolescence. Des publics dont on ne connaît pas les comportements àl’avance, et surtout des publics pour lesquels on ne va pas pouvoir faire passer un message clair, en termede connaissances par exemple. Un des grands choix également est de travailler sur ces postures avec desformations sur différentes approches pédagogiques beaucoup plus orientées sur le sensible, le conte, l'artet nature, l’approche symbolique, la nuit, etc. Des formations qui interrogent les valeurs, lesfondamentaux… Quelle est ma place ? Où est ce que je vais ? Finalement avec mon collègue, quand on a réfléchi à ça, on s’est dit « mais… en terme de prospective…est-ce que l’animateur nature de demain, finalement…sera quand même obligé d’aller dehors ? »

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Ateliers

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1. Les ateliers le verbe et la truelle : Les professionnels partagent, s’interrogent, analysent et posent des jalons pour demain...

Ces ateliers sont construits autour d'une problématique et sur un thème. Il s'agira de regarderles pratiques d'acteurs, et les défis/leviers/obstacles, durant trois fois deux heures d'ateliershebdomadaires. L'atelier est guidé par un « animateur-accompagnateur » garant du bonfonctionnement général du groupe et d'un « animateur- témoin » qui guide le questionnementdu groupe par des éclairages ponctuels puisés dans sa propre expérience.La dynamique de l'atelier pourra être lancée par un acteur de terrain qui fait vivre ou présenteune animation réalisée habituellement dans le cadre de son activité professionnelle.

Présentation des ateliers - Le verbe et la truelle :

Objectifs

• Témoigner de pratiques professionnelles en lien avec la problématique du thème• Questionner et répondre à la problématique/faire l'état des lieux des pratiques• Partager les défis, les obstacles et les leviers pour exercer son métier/poser des perspectives.

Les ateliers ont été répartis autour de 10 thématiques :

1. Comment envisager la biodiversité comme un atout et non pas une contrainte ?2. Eau : quelles éducations pour quelles gestions ?3. Jardins, espaces verts et paysages : quelles perspectives en EDD ?4. L'EDD dans le cadre de la formation : quelles pédagogies mettre en oeuvre ?5. Le passage de l'EE à l'EDD : une continuité ou une rupture ?6. Agriculture et alimentation : de la fourche à la fourchette, qui et comment éduquer ?7. Les modes de production durable ou comment éduquer à la complexité ?8. L'accueil : diversités des publics, multiplicités des demandes, comment faire ?9. Éduquer ou convaincre, en quoi notre identité forge nos pratiques ?10. Apprendre dehors, quels enjeux ?

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Atelier 1. Comment envisager la biodiversité comme un atout et non pas une contrainte?Animatrice : Aurélie Javelle (SupAgroFlorac)Témoin éclairé : Yves Girault (MNHN)Professionnel : Hervé Coquillart, directeur (CEN-RH)Référent prise de notes : Roger Brouet (DGER)

Vous avez dit biodiversité ?

La définition de la biodiversité semble a priori constituer une pierre d’achoppement si on pense qu'il s'agitlà d'un préalable nécessaire. Mais en éducation ce n'est pas vraiment le cas : au contraire confronter desreprésentations différentes constitue une richesse en soi. Il n'empêche que dans le processus d'éducation àla biodiversité, on peut construire des références communes, partager des définitions, comme on peut êtreamené à le faire en travaillant avec des acteurs. Tout l'intérêt de cette démarche est de faire participer lepublic pour amener une prise de conscience des enjeux sur la biodiversité. Il ne s'agit donc plus de définir labiodiversité mais de poser des enjeux au travers de situations problèmes, pour introduire une possibilité dedébats, d'échanges.

Biodiversité et territoires

Le travail qu'on peut mener avec des acteurs dans une perspective d'éducation à la biodiversité ne peutguère se concevoir de manière pertinente et efficace s'il n'est pas mené dans le cadre d'un projet partagé.On ne peut pas faire l'économie du temps du projet qui peut être long. S'adapter aux acteurs et aux réalitéslocales, développer l'écoute, en vue d'une co-construction et réaliser des ajustements progressifs, sontautant de conditions de réussite.Ces qualités d'adapation et de souplesse permettront que la biodiversité soit abordée dans le dialogue etnon pas imposée de façon agressive.L'éducation à la biodiversité devrait trouver naturellement sa place dans l'animation de la réflexionterritoriale. Pourtant on constate souvent que la protection de la biodiversité est déconnectée despréoccupations locales de nombreux acteurs. Il y a donc un enjeu à imaginer l'éducation à la biodiversitépar l'action, ancrée dans la réalité quotidienne, l'usage. Or, si on a le plus souvent les connaissancessuffisantes pour aborder la biodiversité sur un territoire, il manque ce lien avec l'environnement perçu etvécu par les acteurs. Cela questionne plus généralement notre lien avec la nature, souvent utilitariste.

Quelle relation au vivant ?

La relation au vivant constitue donc une base incontournable pour construire une éducation à labiodiversité. S'il y a un besoin d'éducation au vivant, on ne peut la concevoir sans un fort lien avec leterritoire. Ce qui important c'est l'ancrage au territoire ; ce sont les spécificités de ce territoire qui vontdonner un contexte, et donc une réalité à la biodiversité. Pour cela on doit se confronter au territoire, fairedes lectures de paysage, provoquer des rencontres avec des agriculteurs. Nous pouvons interroger ceterritoire et ses acteurs sur les géo-symboles partagés (parfois utilisés à des fins économiques ettouristiques). Ce n'est qu'à cette condition que la biodiversité cesse de devenir une notion lointaine pourdevenir une composante identitaire du territoire, et donc de ses acteurs.

Entre sciences exactes et sciences humaines

Concernant l'enseignement ou l'éducation à la biodiversité, nous savons qu'il s'agit d'un concept et d'unsavoir non stabilisé, qui met en jeu la dynamique des espèces, les interactions avec l'Homme, la complexité

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des systèmes et de leurs interactions, des questions de valeurs patrimoniales, etc. Cela implique pourl'éducateur de savoir manier l'incertitude, ouvrir les débats, les échanges. Il sera amené à toucher auxvaleurs, aux questions d'identité, aux parcours personnels (des éducateurs eux même notamment). C'estbien là une évolution des métiers d'éducation à la biodiversité : les concepts ne peuvent donc plus êtreseulement abordés du point de vue scientifique, il faut aussi s'interroger sur les aspects socio-culturels.

Symbole choisi par le groupe : La parole : Difficulté de s'entendre, d'échanger. Échanges et expression desreprésentations. En même temps, possibilité de créer des savoirs hybrides, de partager des cultures, depermettre la construction sociale et l'action.

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Atelier 2. Eau : quelles éducations pour quelles gestions ?

Animateurs : Bruno Righetti (SupAgro Florac), Dominique Dalbin (réseau national gestion et protection de l'eau de l'enseignement agricole)Référent prise de notes : Flavien Cambon, diplômé SupAgro FloracTémoin éclairé : Dominique Dalbin Témoins professionnels : David Meyrueis, technicien de rivière, Sofie Aublin (réseau national EDD de l'enseignement agricole) concernant les classes d'eau.

Savoir être à l'écoute

L'écoute des usagers constitue une compétence clé du métier de technicien en ce qui concerne l'eau et lesrivières. Partir de l'expérience du public c'est valider son regard, non pas comme une réalité mais commeun regard qui mérite attention à ce titre. Cette posture nécessite un constant aller-retour entre discourstechnique et empathie. Pour cela il est important d'adapter ses postures au public voir à la personne, ouplus exactement en partant de la réalité telle qu'elle est perçue par la personne. Il vaut mieux donc en règlegénérale partir de la problématique locale pour pouvoir ensuite aborder plus globalement les choses.

L'expertise technique au service du savoir-faire de médiateur...

Il n'y a pas contradiction entre la position d'expert et celle de médiateur. Par exemple, dans la discussion enmatière de développement durable, il est difficile d'argumenter contre la perception qu'avant "on n'avaitpas tout ça et tout allait bien", "ça ne changeait pas". La seule issue est d'utiliser des données mesurables(photos aériennes, par exemple...) et faire preuve d'une grande connaissance du terrain. Le discoursmilitant, de conviction, renforce le dogmatisme des partis. Or il faut au contraire sortir du dogmatisme pourcréer du lien. A un certain niveau tout le monde porte une certaine expertise. Pourtant il est nécessaire dedésamorcer les préjugés des riverains, et pour cela le technicien doit montrer son expérience et sacompétence technique. Le métier de technicien de rivière met donc clairement en évidence la nécessité deposséder des compétences techniques d'une part et d'écoute et de communication avec le public, lesriverains, les élus... de l'autre. Il faut trouver la complémentarité entre ces deux postures a prioriparadoxales et essayer de favoriser le "regard commun" sur une situation. Les compétences indispensables pour cela concernent donc la résolution de problèmes et la subtilecombinaison de compétences techniques et relationnelles. On doit souligner l'importance d'une formationcontinue pluridisciplinaire (droit, scientifique, culturel, etc...) qui prenne en compte la difficulté des jeuxd'acteurs.

La complexité ça coule de source

Le domaine de l'eau est particulièrement complexe. Complexité des systèmes naturels, des publics, de lalégislation, etc. Dans ce contexte systémique il est important de savoir se fixer des objectifs sous peine dese sentir perdu. Il existe une grande quantité d'outils et de ressources sur l'eau, à tel point que la difficultéest de les connaître et de choisir ceux qui conviennent. En revanche se fait sentir le besoin de nouveauxoutils plus méthodologiques, permettant d'aborder cette complexité. En termes d'éducation, l'eau constitueainsi une entrée privilégiée pour aborder la complexité, mais il ne faut pas que celle-ci inhibe le travail surces thématiques. Pour les éducateurs et les enseignants, il faut savoir s'appuyer sur les acteurs de terrain,travailler en réseau, développer des partenariats. Il faut aussi savoir prendre le risque de l'erreur.

Cette complexité n'est-elle pas une des caractéristiques du monde d'aujourd'hui en général ? L'eau,élément qui concerne tout être humain à plusieurs titres, peut constituer un véritable levier pour

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repositionner l'individu en tant qu'acteur dans le Monde, lui faire prendre conscience de son pouvoir.

Symbole choisi par le groupe : le bâton rongé par les deux bouts par un castor, poli par l'eau et vrillé par unchèvrefeuille : le bâton de parole (médiation), la vis-sans-fin, la spirale ascendante (et non descendante), lebâton de berger (pour guider sur le chemin encore long), la simple branche inattendue, devenue complexe,forme ondulatoire, la baguette du magicien ?...et un peu assommante (le bâton pour se faire battre) !!!

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Atelier 4. EE, EDD, et pédagogie ?

Animateurs : Christian Peltier (réseau national EDD de l'enseignement agricole) et Francine Randi(Inspectrice de l'enseignement agricole)

Un glissement sémantique ?

Nous nous posons dans un premier temps la question du glissement sémantique de l'éducation àl'environnement (EE) vers une éducation au développement durable (EDD) et des changements dans lespratiques pédagogiques. Des changements de pratiques touchent autant les enseignants dans leurs savoirs,postures que les éducateurs/ animateurs environnement. Mais est-ce un glissement sémantique ou biensimplement un angle de vue qui est différent ?

Dynamique de projet et problématisation

Dans une situation d'enseignement classique, l'EDD peut être appréhendée par une question clé, unproblème. Il s'agit de voir ensuite comment les disciplines peuvent contribuer au traitement de la question.Cela questionne les objectifs d'apprentissage et la construction/clarification des concepts, la posture del'enseignant/formateur et le métier d'élève.

Dans une dynamique de projet, en groupe, on peut davantage faire des liens avec les démarches globales(comme démarche DD d'établissements, ex. A21).On pourra travailler les représentations, les obstacles, lesvaleurs et donc une culture commune/partagée. Cela veut dire s'organiser collectivement, en réseau,développer la posture réflexive et le temps de formation/co-formation (formation continue), sortir du courtterme et voir comment nos métiers sont ré-interpellés et quels sont les enjeux actuels.

L'EDD pour agir et penser en liberté ?

Dans cette perspective, il est intéressant de tisser des liens entre le milieu de l'éducation formelle et lemilieu de l'éducation non formelle et aussi de solliciter les pédagogies actives notamment pour les élèvesen difficulté. Sortir des savoirs scolaires et des méthodes classiques redonne de la motivation et de l'envienotamment pour les élèves en difficulté. L'EDD est une opportunité pour s'intégrer dans une approchesystémique, transversale, transdisciplinaire, éventuellement problématisée. Il s'agit de mettre en œuvre dessituations pédagogiques dans lesquelles les élèves peuvent agir et penser en liberté.

Cela permet de traiter des valeurs et d'oser prendre des risques (pédagogiques!). On peut alterner lespédagogies en fonction des objectifs. Enfin l'esprit critique est mobilisé au travers d'une formation aujugement, à l'analyse, à la prise de recul. La mise en perspective et la créativité sont aussi des éléments clés.Alors se poseront les questions du consensus et du compromis, de la citoyenneté, voire d'une nouvellecitoyenneté ?

Comment l'EDD induit des changements professionnels ?

L'EDD (comme l'environnement) impose une vision/approche systémique. Cette approche qui nécessite latrans/pluridisciplinarité, nécessite également une vision claire des concepts/ notions en jeux.

L'EDD invite à la souplesse, aux allers -retours, aux entres-deux. Cela nécessite d'avoir des « cartes » et des« boussoles » pour se repérer dans la diversité des approches et des possibles. L'enseignant/éducateur estaussi apprenant. Il faut naviguer entre différentes échelles spatiales (local, global, ici et ailleurs...) ettemporelles. Cela veut dire se former, faire évoluer les pratiques pédagogiques, éducatives, s'approprier des

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nouveaux outils, de nouveaux cadres, de nouvelles démarches, revoir sa posture d'éducateur (enseignants,formateurs, animateurs) et se professionnaliser. Cela peut se faire notamment par l'usage de l'analyse depratiques professionnelles. Le temps de la réflexivité (de la conscientisation) de ses pratiques doit être pris.

Les démarches de développement durable de structures (type Agenda 21) sont de fait aussi des terrainsd'EDD. En effet cette dynamique impulse une évolution professionnelle en entraînant le décloisonnemententre disciplines, entre corps de métiers. On y voit émerger de la solidarité entre acteurs, de lacomplémentarité des approches et des postures (enseignants/associations).

De façon plus large, l'EDD permet de revoir les marges de liberté au sein des cadres institutionnels etformels et d'agir pour les faire évoluer. Cela implique une ouverture vers l'extérieur, sur les territoires(ancrage territoriale nécessaire), à la pluralité, à la question du sens (pour nos publics, dans nos valeurs...).Cette nouvelle posture demande de l'accompagnement, des outils de médiation/communication.Finalement, il faut savoir d'où l'on parle : en ancrant ses pratiques dans les courants issus de la recherche,en s'interrogeant sur l'éthique, l'engagement, en partant des représentations, en prenant en compte lepoint de vue de l'apprenant, voire des familles.

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Atelier 5. Agriculture et alimentation : de la fourche à la fourchette, qui et comment éduquer ?

Animatrice : Nathalie Bletterie (SupAgro Florac)Référent prise de notes : Jean Simonneaux (ENFA)

L'alimentation un champ socioculturel

L'éducation à l'alimentation présente de nombreux intérêts, tant du point de vue des enjeux sociétaux quesur le plan éducatif. En effet la nourriture a une fonction culturelle et sociale. C'est pourquoi il est délicat dedire à des enfants de changer leur alimentation car c'est parfois un des liens forts qui les ramène à leurculture pour ne pas dire le seul. Si tout est nouveau, le changement est trop important, il faut changerseulement une partie du repas et faire progressivement. L'accompagnement est primordial. Cela nécessitede sensibiliser les élèves et les parents pour préparer le changement d'habitude. Il faut agir en amont duchangement. Il est nécessaire de travailler sur le goût, la convivialité. Le travail sur le bio prend place dansun deuxième temps seulement.

L'importance du projet

Lorsqu'on aborde l'alimentation aux travers de réponses/actions trop ponctuelles, morcelées, il en ressortun manque de lisibilité et de cohérence. C'est pourquoi il apparaît important de fonctionner au moins àmoyen terme pour travailler en dynamique de projet. Les projets autour de l'alimentation permettentd'innover. En dehors des grands projets, on peut mettre en place des ateliers en travaillant sur le goût, lacouleur, l’olfactif, les aliments du terroir. On peut réaliser des lectures d'étiquettes pour connaître laprovenance des produits. Il existe aussi des animations dans les fermes pédagogiques, auprès d'artisans-boulangers, permettant aux jeunes de mettre « la main à la pâte ».

Mettre en place de bonnes conditions

Travailler sur l'alimentation, c'est souvent se confronter aux préjugés. Un travail sur les représentations estnécessaire pour déconstruire les idées reçues et repartir sur du concret, du vécu. Il est nécessaire d'inclureles parents, les gestionnaires, les chefs cuisiniers, les différents participants dans le projet. On essaye demettre en place des outils de sensibilisation en recentrant sur l'origine de l'aliment (saison, prix, terroirs)mais aussi en sensibilisant sur le volet social. Il s'agit de mettre en place un dispositif centré avant tout surle local, plus que sur le durable.

Il y a parfois des difficultés dans les établissements scolaires de l'enseignement agricole, en terme demoyens et de motivation. Bien sûr ça marche mieux quand les cuisiniers sont motivés, par exemple quand ilest nécessaire d'équiper les cuisines pour stocker du frais, et quand on propose aux cuisiniers de se formeraux légumeries. Cela veut dire de se réapproprier un savoir-faire qui est astreignant en terme d'hygiène etde travail.

Du côté animation, on se trouve souvent confronté à la tension entre être agriculteur/boulanger (vivre deson métier) et avoir une activité d'animation, d'accueil pédagogique.

Symbole choisi par le groupe : foulard de soie qui symbolise le travail commun, aller au delà de "soi",symbolise le champ, le pont ...

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Atelier 6. Les modes de production durable ou comment éduquer à la complexité ?

Animateur : Philippe Prévost (Montpellier SupAgro)Témoin éclairé : Michel Etienne (INRA)

Quelle posture éducative ?

Cet atelier représente une opportunité de croiser les regards d'agriculteurs et d'enseignants del'enseignement agricole. La problématique proposée concerne toute personne impliquée dans un mode deproduction agricole.

La problématique posée vient interroger le dispositif d'enseignement agricole pour faire émerger lesmarges de manœuvre susceptibles d'être explorées pour faire évoluer les objectifs, les modalités... Enfonction des leviers et obstacles existants.

Aborder les espaces et outils de production de manière complexe suppose une posture singulière. Or, celle-ci ne se déclare pas et peut être développée par la formation. Les échanges noués lors de cet atelier ontpermis de décentrer les regards des enseignants et de questionner leurs pratiques pédagogiques etéducatives.

Comment faire pour travailler avec des personnes qui ont des visions et des façons de faire différentes ?Comment valoriser les savoirs des plus anciens et les concilier avec des approches davantage systémiques ?Peut-on parler d'obstacle générationnel ?

Il ne suffit pas de parler la même langue pour partager le même langage. Les mots ont une grandeimportance... Ainsi, de nombreux obstacles potentiels sont liés à la sémantique. Il faut égalementconsidérer : le temps disponible pour des pédagogies de projet, actives, les difficultés liées aux évolutionsde postures et les conséquences sur l'identité professionnelle que se forge chacun, les modalités decontrôle des connaissances tel qu'il se pratique dans l'enseignement...

Leviers et outils

Les leviers potentiels se situent dans le travail de groupe et la confrontation des idées (notamment entre lesjeunes), la clarification et l'utilisation du vocabulaire (langage commun, partagé, co-construit), le fait deprésenter différents modes de production et des outils proposant au jeune de rentrer dans un autre modèle(par exemple jeu de rôle)...

Il semble important d'accompagner l'appropriation d'outils professionnels par les enseignants pouréduquer les jeunes à la complexité. Des outils et méthodes de diagnostic d'exploitations intégrant desdémarches systémiques existent, notamment concernant la prise en compte de l'interface recherche-terrain(travaux de Michel ETIENNE).

Un autre levier consiste à mettre en place et pérenniser des groupes réguliers d'analyse de pratiques pouraider les enseignants à prendre du recul et analyser leurs façons d'aborder la complexité.

La PAC peut être une opportunité, du fait de son double statut : obstacle, en ce qui concerne l'agriculturedurable et les difficultés de communication et de compréhension mutuelle ; levier, car l'analyse de sesmodalités de mise en œuvre implique une approche systémique (les différentes échelles de temps etd'espace à prendre en compte).

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Pour accompagner le changement et faire évoluer le dispositif pédagogique il est nécessaire que chacunpuisse construire du sens à ses démarches. Se pose alors la question du « retour sur investissement », avoirdes projets et des outils "gagnant-gagnant". On peut, pour cela, s'appuyer sur de nombreux témoignages depersonnes "faisant autrement" et choisir des exemples pertinents.

Symbole choisi par le groupe : plusieurs idées : gouvernail, boussole, pour équiper la personne qui naviguesur un milieu instable. La pomme, comme tout simplement le fruit de notre atelier (exercice premier joursur le verger de pommiers durable), comme quelque chose de fragile, (elle peut périr), mais aussinourricière et donc essentielle pour nous, … Nous avons parlé de diversité, nous aurions pu aborder lesquestions de symbolique... Mais là ! où s'arrête-t on ? Notre phrase d'accompagnement ? Quelques notes,pom, pom, pom, pom !

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Atelier 7. L'accueil : diversités des publics, multiplicités des demandes, comment faire ?

Animatrice : Marie Sylvie Auffret (La Bergerie Nationale)Témoin éclairé : Sylvia Pelissier (CIVAM Racines)Témoin professionnel : Jean-Christophe Barthes (Agriculteur en bio qui accueille à la ferme)

Des échanges de pratique à favoriser

Travailler avec du public revient, nécessairement, à faire l'expérience de la diversité, de l'hétérogénéité. Auniveau des parcs nationaux, des enquêtes sont réalisées régulièrement pour connaître les profils desvisiteurs, leurs attentes ... Afin d'adapter la réponse à cette réalité-là. Soigner l'accueil pour aiguiller lepublic permet d'identifier et de canaliser la diversité des demandes.

Toutefois, l'idée de ne pas satisfaire tout le monde est-elle acceptable ? Dans la négative, commentmutualiser les pratiques sur l'accueil des publics ?

L'objet de cet atelier est d'explorer, d'échanger autour des pratiques favorisant la prise en compte desdiversités.

Ainsi, ont été abordés les dispositifs favorisant la collaboration entre générations et/ou le coaching entreparticipants, l'échange de pratiques ou encore la co-formation permettent de faciliter les dynamiques degroupe.

D'autre part, à l'échelle d'une structure, le travail en réseau, en collectif pour faire face à la multiplicité desdemandes permet d'apporter des réponses adaptées.

La fonction d'accueil peut être partagée (« accueil partagé » : chaque animateur assure la fonction d'accueilà tour de rôle).

L'accueil, une interface capitale

Quelque soit la structure, le personnel dédiant une partie de son activité à l'accueil est capital. Or, il s'agitsouvent de postes peu valorisés, avec des personnels aux statuts précaires à qui est confiée cette missiond'accueil. La question de l'accueil est donc également une question de formation et de statut.

En résumé, la diversité des publics nécessite des stratégies soulignant l'importance du réseau, du collectif,l'importance de l'accueil ("aiguillage") et du travail collaboratif.

Les obstacles au développement d'un accueil de qualité sont les suivants : méconnaissance des spécificitésde ce public, peu d'intérêt pour les enjeux du développement durable (centré sur des préoccupationspersonnelles), difficulté pour les enseignants à sortir de leur classe (financement, temps, responsabilité),question du principe de précaution (risque zéro), judiciarisation des comportements.

A contrario, les leviers sont l'identification du niveau de participation qu'on envisage (anticipation),l'établissement d'un lien de confiance en créant des moments de convivialité, les démarches permettant demobiliser et rendre acteurs les publics, la soif d'apprentissage des jeunes et moins jeunes, la curiosité, lequestionnement, la démarche expérimentale...

Mettre « en musique » ces dispositifs n'est pas à négliger. L'accueil est une interface capitale... Il setravaille !!

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Atelier 8. Éduquer ou convaincre, en quoi notre identité forge nos pratiques ?

Animateur : Michel VidalTémoins éclairés : Marie Romanens (psychothérapeute) et Patrick Guérin (psychologue)

De quoi devons-nous convaincre ?

Comment jouons-nous entre le papier cadeau et le contenu ? Dans l'idée de convaincre, il y a la notion demanipulation. Nous sommes un système vivant qui réfléchit, qui pense. Nous avons besoin de sécurité pouraccepter un message, c'est indispensable. Lorsque nous ne ne nous sentons pas respectés, nous nousbloquons. Dans certains cas, pour faire passer un message, on utilise la souffrance, on se pose dans un rôlede missionnaire. Il est alors important de poser un contexte d’alter-ego. Avec un enfant, nous sommes dansune relation d'accompagnement, pas dans la conviction. De quoi devons-nous convaincre ? A quoi éduque-t-on ? De quoi devons-nous convaincre ?

Si on impose sa vision du monde, ces convictions peuvent potentiellement créer de la résistance.

Comment convaincre la personne de réfléchir avec d'autres, de l'amener à se questionner ? Il est importantd'accepter que nous ayons envie de convaincre. Nous sommes limités sur le fait d'accepter la liberté del'autre. Il s'agit d'être dans une autre posture, d'« inviter l'autre ». Faire attention aux messages nonverbaux. Être vigilant sur le conflit verbal/non verbal représente une clé importante pour unecommunication de qualité.

Concernant la situation actuelle et la crise écologique, comment faire vivre, ressentir que la nature existepour elle même ? La distinction Homme/Nature est perturbante. Pourtant, l''Homme ne fait-il pas partie dela Nature ?

« Pour agir, agissons d'abord sur nous »

Un travail sur nos angoisses est nécessaire, afin d'identifier et de lever les obstacles, ne pas être manipuléspar la peur. Notre contexte émotionnel (interne et externe), notre rapport à la nature et notre posture vontinfluer sur notre manière de transmettre l'information et ce sentiment de Nature. Si on est en paix avec laNature, on pourra la transmettre en douceur. Installer un dialogue entre convaincre et éduquer semblenécessaire. Notamment, s'exprimer en « je » permet de ne duper personne... Nous sommes conscients denotre « non neutralité ». L'exprimer prévient la partialité. Dans l'accompagnement de la personne, offrir desespaces de cheminement représente une façon de ne pas imposer une trajectoire et facilite le passage del'information « endoctrinement » à la prise de conscience de notre manière d'être et de faire.

Symbole choisi par le groupe : le panier représente la fragilité : la brindille d'osier est fragile en soi etpuissante une fois entrelacée. Rassembler correctement des expériences et des choix possibles.Au marché des idées, je remplis mon panier : les idées trop minces passent à travers les mailles et tropd'idées pesantes cassent le panier.

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Atelier 9 et 10. Apprendre dehors, quels enjeux ?

Animateurs : Emmanuel Redoutey (animateur nature et accompagnateur en montagne ), Dominique Cottereau (Consultante formatrice)Témoin éclairé : Arnaud Rosinach (Le Merlet)

Apprendre hors de l'école, pourquoi ?

Il est nécessaire d'en faire la distinction (dehors / hors école). Aussi quand on est habitué à vivre dans unenvironnement de béton, se trouver dans un contexte naturel peut être violent. La relation avecl'environnement est une réelle question. Est-ce que « le dehors » facilite ou fait obstacle, est-ce quecertaines tâches sont à organiser obligatoirement dehors ou plutôt dedans? Quelles sont les différencesd'apprentissages entre dehors et dedans ? Lequel est le plus favorable pour l'apprenant ?

« Si j'ai le choix entre rencontrer le berger et parler moi même en tant que pédagogue de ce métier, jepréfère organiser la rencontre avec le berger. C'est un échange avec le personnage en réel. Abstraire c'estretirer de la matière sur le concret. »

C'est important de favoriser un contact avec le réel (environnement), susciter l'envie du public ou desapprenants, leur permettre de découvrir l'environnement proche pour leur permettre de sortir du virtuel.Apprendre dehors mais pourquoi faire? Accroître une sensibilité à l'environnement, être dans le concretd'un métier...

Les enjeux, les freins

Dehors ou dedans : les enjeux et les freins sont différents. Dans le défi d'apprendre dehors, on sollicite unemémoire visuelle, dont la mémoire associative. On utilise un panel de manières de mémoriser que l'onn'aurait pas en classe : « ils ont retenu ça car ils ont vu ça en même temps ». Dehors, on multiplie lesapproches et les chances de toucher un plus grand nombre d'individus par rapport au travail en classe.

Il existe une dynamique appelée "Sortir !" réunissant des acteurs du réseau « École et Nature ». Ils sequestionnent sur les difficultés pour faire sortir les publics dehors. Parmi les freins identifiés : le risque zéro.Il est intéressant de consulter les films d'archives pour constater ce qu'on faisait faire aux enfants il y a 20ou 30 ans !! Cette question des freins pour aller dehors interroge également nos représentationsrespectives de ce « dehors », de la nature.

Conditions pour apprendre « dehors »

Finalement, apprendre dehors permet la rencontre (entre apprenants et avec un acteur de terrain), d'êtreen prise directe avec le vécu, le réel. Le concret, permet des continuités en salle pour échanger sur lesensible, le réel, le contexte ressenti. Le territoire peut être un médiateur (notion d'écoformation).

Ce qui peut y faire obstacle ce sont le manque de temps, les conditions météorologiques ouorganisationnelles, la place du pédagogue (perte de maîtrise, nouvelles postures), les peurs, le sentiment dedispersion, les contraintes réglementaires et financières, le manque de connaissance des bienfaits dudehors, les difficultés de concentration, la taille du groupe, le confort de l'apprentissage.

Le groupe a repéré quatre points de vigilances/ de questionnement pour « apprendre dehors » :

- la qualité du public : comportements des apprenants, apprenants acteurs ?

- la question organisationnelle : temps de préparation, la nécessité du « temps passé dehors ».

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- le processus pédagogique et le cycle d'apprentissage expérientiel : restitution, passage àl'abstraction, ergonomie cognitive

- le contexte sociétal : analyse des tendances de la société, société marquée par le virtuel, normes,codes d'apprentissages, coupure avec le terrain..

Symbole choisi par le groupe : motte de terre dans son cellophane. "Sortez couverts"

Le cellophane, c'est l'idée d'être enfermé et tous les obstacles qui se posent au fait d'aller dehors. La terrec'est le côté matériel de construction des apprentissages et des personnes, symbole de nature, côté durableet renouvelable, côté fertilité, côté nourricier, matrice, la vie. "Matière de construction des apprentissageset des personnes à cultiver!..ça nous emballe!.. Sortez couverts"

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2. Les ateliers découvertes: Les professionnels explorent des démarches, découvrent des outils, pour leur permettre de prendre de la hauteur et/ou du recul sur leurs pratiques, sur leurs métiers.

PrésentationCes ateliers sont destinés à faire découvrir aux participants des outils d'analyse de leurs pratiquesprofessionnelles. Durant 1h30 les participants sont sensibilisés à la démarche particulière de leur choix. Réfléchir et prendre du recul sur sa pratique permet de mettre des mots sur ses actions, de voir toutes lesinteractions qui peuvent se jouer et ainsi de faire évoluer ses postures, ses activités, ses actions, sontravail... Très concrètement, il s'agit de « descendre de son vélo pour se regarder pédaler tout en expliquantcomment on pédale au mieux ». Ce détour réflexif amène les participants à poser un regard, nouveau et/ou différent, critique et constructifsur leurs activités afin de participer à la production de savoirs, à la professionnalisation des acteurs qu'ilssont et à l'évolution de leurs pratiques. Ainsi, les outils présentés, dont la diversité s'adresse aux différentessensibilités, permettent de partir en exploration « à la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel »(Schön, 1993).La dynamique de ces ateliers est assurée par le tissage d'un lien étroit avec les réalités professionnelles despersonnes présentes.

Objectifs

• Partager des expériences et des réflexions sur ces expériences ; • Découvrir un outil, une démarche destinée à favoriser une analyse de sa propre pratique ; • Découvrir une façon différente de poser son regard sur sa propre pratique ; • Discuter de l'intérêt de ces démarches pour développer et renforcer sa professionnalisation.

Quels ateliers, quelles approches ?

1. Interroger notre propre éducation : les démarches d'autobiographie environnementale...Animatrices : Dominique Bachelart et Marie-Laure Girault

2. L'entretien d'explicitation : un récit professionnel... Animateur : Michel Vidal3. Analyse de l'activité : le film de votre vie professionnelle ! Animateurs : Loïc Braïda et Madeleine

Blanchar4. Le geste juste : à l'écoute de son corps...Animateur : Marie Claude Ozanne5. Jeux d'écriture. Animateurs : Orane Bischoff et Alain Manuel6. Groupe d'Entraînement à l'Analyse de Situations Educatives (GEASE) / Groupe d'Analyse de

Pratiques Professionnelles (GAPP). Animateur : David Kumurdjian7. Groupe de parole. Animateur : Emmanuel Guyot

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Conclusion :

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Ce colloque est cofinancépar l’Union européenne

I n s t i t u t d' é d u c a t i o nà l'agro-environnement

Éduquer au développement durable : nouveaux défis, nouvelles pratiques dans les territoires ?

Du 09 au 12 juillet 2012, à Florac, s'est tenu le 5ème colloque international de l'Institut d'éducation à l'agro-environnement, qui a réuni 120 acteurs de l'éducation au développement durable sur les territoires. Inscrits dans le territoire de la francophonie (Québec, Belgique, Suisse...), les professionnels présents, issus de la recherche, de l'enseignement, de la gestion et de la production ainsi que de l'animation sur les territoires se sont retrouvés pour travailler, échanger, ré�échir sur « Eduquer au développement durable : nouveaux dé�s, nouvelles pratiques dans les territoires ? ». Animé de manière collaborative a�n de favoriser l’intelligence collective, les rencontres et la convivialité, cet éco-évènement était articulé autour d’apports théoriques et de phases d’ateliers et de forums (paroles d’acteurs-praticiens, partages d’expériences et d’outils).

Nous avons choisis de vous présenter les échanges issus de ces rencontres, sous format papier et sous format informatique via le site internet : les productions sont en ligne sur le site :

http://www.colloque-supagro�orac.fr/2012/

SupAgro Florac9, rue Célestin FreinetBP 35 - 48400+33(0)4 66 65 65 65www.supagro.fr/�orac

Page 81: Éduquer au développement durable - educagri.fr...1. Introduction : Le colloque : Du 09 au 12 juillet 2012, à Florac, s'est tenu le 5ème colloque international de l'Institut d'éducation

Les questions de vocabulaire et de vigilance sémantique auront tout de même été évoquées toutau long des trois jours de colloque, tout en invitant à la bienveillance, et au dépassement desclivages historiques EDD et EEDD. Il s'agit de regarder ensemble dans la direction d'un nouveauparadigme qui sort de l'unique logique économique pour remettre l'humain, le sens, la relation aucentre du projet de société. Pour cela, les grands témoins ont invité les participants à formuler desvœux, pour l'EEDD, pour l'avenir. L'EDD prend désormais sa place. Une culture partagée de l'EDDémerge. Aujourd'hui, il semble admis par un grand nombre d’éducateurs que, lorsque nous faisonsde l’EEDD ou de l'EDD, il est nécessaire d’éduquer à une approche systémique et complexe dumonde, à l'esprit critique, à l’engagement citoyen et à l’incertitude... C'est une nouvelleperspective sociétale qui bouleverse les postures et pratiques professionnelles et qui nécessite denouvelles compétences afin d'adapter son geste professionnel en fonction du contexte dans lequelil s'applique, pour agir en professionnel citoyen « éclairé ». Pour cela, des outils de professionnalisation sont à mettre à disposition des acteurs, commel'analyse de pratique, par exemple. C'est un des chantiers actuels de l'enseignement agricole quisouhaite professionnaliser les acteurs au cœur des métiers de l'agriculture, des territoires, de lanature et de l'environnement.

SupAgro Florac – 9, 10, 11 juillet 2012 - ColloqueÉduquer au développement durable : nouveaux défis, nouvelles pratiques dans les territoires ?

www.colloque-supagroflorac.fr/2012

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