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Collège des Enseignants de Pneumologie Référentiel pour la préparation de l’ECN Dr Sitbon (Paris), Pr Brambilla (Grenoble) Pr Pison (Grenoble), Dr Burgel (Paris) Dernière mise à jour : Août 2010 DYSPNEE AIGUË ET CHRONIQUE ITEM 198 Objectifs d’enseignements tels que définis dans le programme de l’ECN : Diagnostiquer une dyspnée aiguë et chronique Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge Objectifs pédagogiques terminaux définis par le Collège des Enseignants de Pneumologie 1. Identifier les signes de gravité imposant des décisions thérapeutiques immédiates 2. Face à une dyspnée aiguë, savoir proposer un arbre diagnostique décisionnel tenant compte des données épidémiologiques essentielles, des comorbidités, des signes cliniques associés et des résultats des principales investigations paracliniques disponibles dans le cadre de l’urgence. 3. Décrire les mesures à mettre en œuvre en situation d’urgence: gestes et manœuvres éventuels, mesures de surveillance immédiate, orientation du patient. 4. Savoir coter la sévérité d’une dyspnée chronique 5. Connaître les éléments d’orientation diagnostique face à une dyspnée chronique

DYSPNEE AIGUË ET CHRONIQUE ITEM 198 - medecine.ups-tlse.fr College Enseign... · 3/15 La dyspnée est un motif de consultation fréquent, souvent banalisé par le patient ou le médecin,

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Collège des Enseignants de PneumologieRéférentiel pour la préparation de l’ECNDr Sitbon (Paris), Pr Brambilla (Grenoble)

Pr Pison (Grenoble), Dr Burgel (Paris)

Dernière mise à jour : Août 2010

DYSPNEE AIGUË ET CHRONIQUE

ITEM 198

Objectifs d’enseignements tels que définis dans le programme de l’ECN :

Diagnostiquer une dyspnée aiguë et chronique

Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Objectifs pédagogiques terminaux définis par le Collège des Enseignants de Pneumologie

1. Identifier les signes de gravité imposant des décisions thérapeutiques immédiates

2. Face à une dyspnée aiguë, savoir proposer un arbre diagnostique décisionnel tenant

compte des données épidémiologiques essentielles, des comorbidités, des signes

cliniques associés et des résultats des principales investigations paracliniques

disponibles dans le cadre de l’urgence.

3. Décrire les mesures à mettre en œuvre en situation d’urgence: gestes et

manœuvres éventuels, mesures de surveillance immédiate, orientation du patient.

4. Savoir coter la sévérité d’une dyspnée chronique

5. Connaître les éléments d’orientation diagnostique face à une dyspnée chronique

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Points clés :

1. La dyspnée est un motif de consultation fréquent, dont il est important de réaliser une

analyse et une interprétation rigoureuses.

2. Une dyspnée n’est jamais anodine et ne doit jamais être banalisée.

3. L’interrogatoire et l’examen clinique sont essentiels dans l’analyse sémiologique d’une

dyspnée. La prescription d’examens complémentaires dépend avant tout du contexte

clinique.

4. Les causes de dyspnée sont multiples et variées : en premier lieu respiratoires et cardio-

vasculaires, mais aussi neurologiques, musculaires, métaboliques.

5. Devant une dyspnée aiguë, la recherche de signe de gravité et la mise en œuvre de gestes

d’urgence doivent être entreprises avant toute investigation à visée étiologique

6. Trois examens complémentaires sont indispensables devant une dyspnée aiguë : une

radiographie thoracique de face, un électrocardiogramme (ECG), et une mesure de la

gazométrie artérielle.

7. Face à une dyspnée chronique, la radio de thorax, l’exploration fonctionnelle respiratoire

(EFR) et l’échographie cardiaque sont les examens d’orientation diagnostique clés pour les

affections pulmonaires et cardiaques chroniques

8. Une dyspnée d’effort progressive inexpliquée (radio de thorax et EFR normales) doit faire

suspecter une hypertension pulmonaire et conduire au minimum à la réalisation d’une

échographie cardiaque

9. Les dyspnées psychogènes sont des diagnostics d’élimination

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La dyspnée est un motif de consultation fréquent, souvent banalisé par le patient ou le médecin,

en tous les cas jamais anodin. Il importe de la rechercher, de l'analyser pour en faire

l'interprétation avec le reste de l'examen clinique, et de proposer un traitement. C'est un des

symptômes majeurs des pathologies respiratoires et cardiaques mais d’autres causes sont

parfois à considérer (neurologiques, musculaires, métaboliques).

I. DEFINITION DE LA DYSPNEE

La dyspnée correspond à la perception anormale et désagréable de la respiration.

Il s'agit donc d'une gêne respiratoire subjective dont se plaint le sujet ou que l'interrogatoire met

en évidence avec une terminologie variée : essoufflement, souffle court ou coupé, soif d’air,

blocage, oppression, difficulté ou mal à respirer.

Il s'agit d'une sensation plus ou moins angoissante ou interviennent des perturbations

physiologiques, mais également des réactions psychologiques du sujet.

Elle est considérée comme anormale, lorsqu'elle survient au repos, ou pour un niveau d'activité

physique relativement réduit.

En pratique, le terme de dyspnée possède une certaine ambiguïté, dans la mesure où il

désigne indifféremment deux composantes cliniques : d'une part une composante subjective,

représentée par la gêne éprouvée par le patient, et d'autre part une composante objective, qui

est une anomalie ventilatoire observée par le médecin.

II. PRINCIPAUX DETERMINANTS DE LA DYSPNEE

Ils sont complexes, mettant en jeu des afférences nerveuses prenant origine au niveau des

mécanorécepteurs thoraciques (sensibles à la pression) et des chémorécepteurs centraux et

périphériques (sensibles au pH sanguin ou au contenu artériel en oxygène).

Ces stimuli atteignent les centres respiratoires situés dans le tronc cérébral qui assurent la

commande de la mécanique ventilatoire via les muscles respiratoires.

La dyspnée dépend donc de trois principaux facteurs :

pression intrathoracique (mécanorécepteurs),

contenu artériel en oxygène (chémorécepteurs)

pH sanguin (chémorécepteurs)

II.1. La pression intrathoracique

Les mécanorécepteurs sont situés dans la paroi thoracique, les muscles respiratoires, les

bronches et les poumons.

Ils jouent un rôle majeur dans la chaine d’événements neuro-psychologiques conduisant à la

dyspnée. Ils détectent les déformations mécaniques et sont sensibles aux modifications de

volume, de débit et de pression thoracique qui surviennent notamment en cas d’obstacle au

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passage de l’air (obstruction proximale ou distale responsable d’une distension thoracique),

défaut de compliance thoracique, amputation des volumes pulmonaires ou atteinte musculaire.

II.2. Le contenu artériel en oxygène

Il est fonction du taux d’hémoglobine, de la saturation en oxygène de l’hémoglobine (SaO2) et

du débit cardiaque. Les chémorécepteurs carotidiens sont sensibles à la PaCO2. Ceux situés

sur l’aorte sont en plus sensibles à la baisse de l’hémoglobine (anémie) et du débit cardiaque.

Toute modification d’un de ces trois paramètres (hémoglobine, saturation en oxygène, débit

cardiaque) va, via la stimulation de ces chémorécepteurs, entraîner des réponses motrices au

niveau de la commande de l’appareil respiratoire mais ne vont pas systématiquement

provoquer une sensation de dyspnée.

II.3. Le pH sanguin

Les chémorécepteurs du pH sont situés dans le système nerveux central. L’acidose entraîne

généralement une acidification du LCR qui induit alors une augmentation de la ventilation

minute afin de faire baisser la PaCO2.

Les chémorécepteurs carotidiens sont également sensibles au pH sanguin.

III. ANALYSE SEMIOLOGIQUE DE LA DYSPNEE

L’analyse sémiologique de la dyspnée s’appuie sur différents critères : le caractère aigu ou

chronique de la dyspnée, les modifications du mode ventilatoire, les circonstances de survenue,

et les signes associés.

L’interrogatoire et l’examen clinique sont essentiels

La prescription d’examens complémentaires n’est pas systématique et dépend du contexte

clinique. Dans tous les cas, il ne faut rien attendre de ces examens avant l’analyse rigoureuse

du contexte clinique.

III.1. Dyspnée aiguë - dyspnée chronique

La dyspnée aiguë : phénomène récent, d’apparition brutale, et souvent d’aggravation rapide.

La dyspnée chronique : phénomène plus ancien, généralement d’apparition progressive

et d’aggravation lente

III.2. Caractérisation de la dyspnée

La respiration normale comporte une inspiration (I) active et une expiration (E) passive d’une

durée un peu plus longue que l’inspiration (rapport I/E d’environ ½). La fréquence respiratoire

normale est d’environ 12 à 16 cycles par minute.

En fonction de la fréquence respiratoire, on distingue la tachypnée (> 25 cycles/min) et la

bradypnée (< 15 cycles/min).

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En fonction de la ventilation minute, on distingue la polypnée (augmentation) et l’hypopnée

(diminution de la ventilation minute).

En fonction de la partie du cycle respiratoire concerné, on distingue les dyspnées à

prédominance inspiratoire et les dyspnées à prédominance expiratoire

Dyspnée inspiratoire :

− caractérisée par une augmentation du temps inspiratoire.

− marquée par la mise en jeu des muscles inspiratoires accessoires, ce qui se traduit

par un tirage inspiratoire (sus-claviculaire, sus-sternal, intercostal, basithoracique)

− signe la présence d’un obstacle extrathoracique (pharyngé, laryngé) ou trachéal.

Dyspnée expiratoire :

− caractérisée par un allongement du temps expiratoire

− traduit l’existence d’un rétrécissement du calibre bronchique

− fréquemment associée à des sifflements intrathoraciques

− peut être accompagnée par la contraction des muscles abdominaux lors de

l’expiration (qui est donc dans ce cas active).

Les dysrythmies respiratoires : ce sont des dyspnées à rythme particulier

dyspnée de Küssmaul

− souvent liée à une acidose métabolique

− comporte 4 temps : une inspiration profonde suivie d’une pause respiratoire, puis

une expiration profonde à nouveau suivie d’une pause.

dyspnée de Cheyne-Stokes

− dyspnée anarchique faite de mouvements respiratoires de plus en plus amples et

rapides, souvent suivis d’une pause prolongée.

− souvent le fait d’affections neurologiques sévères impliquant les centres respiratoires

bulbaires, mais elle peut également se rencontrer dans l’insuffisance cardiaque

grave.

III.3. Circonstances de survenue de la dyspnée

Dyspnée de repos ou d’effort, qu’il est nécessaire de quantifier (voir « Echelles de dyspnée »).

Modifications en fonction de la position du patient :

aggravation par la position couchée = orthopnée (insuffisance cardiaque gauche, mais

pas uniquement)

majoration par la position assise ou debout = platypnée (malformations artério-

veineuses intra-parenchymateuses responsables de shunt intra-pulmonaire ; syndrome

hépato-pulmonaire).

Horaire de la dyspnée : dyspnée plus volontiers nocturne dans l’asthme (fin de nuit) ou

l’insuffisance cardiaque (du fait de l’orthopnée).

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Existence d’éventuels facteurs déclenchant : exposition aux allergènes dans l’asthme, écart de

régime désodé dans l’insuffisance cardiaque, rôle du tabac, exposition professionnelle, prise

médicamenteuse…

III.4. Analyse des signes associés à la dyspnée

Cette étape constitue un élément essentiel pour orienter le diagnostic de dyspnée.

Auscultation pulmonaire : murmure vésiculaire normal ou diminué, symétrique ou non,

présence de bruits surajoutés (sibilants, crépitants, ronchi)

Examen cardio-vasculaire : fréquence cardiaque, pression artérielle, présence de signes

d’insuffisance cardiaque droite (turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire,

hépatomégalie douloureuse, signe de Harzer, œdèmes des membres inférieurs…) ou

d’insuffisance cardiaque gauche.

Signes extra-respiratoires : fièvre, signes cutanés, articulaires, digestifs,

neurologiques…

III.5. Les examens complémentaires au cours d’une dyspnée aiguë

Trois examens complémentaires sont indispensables devant une dyspnée aiguë :

radiographie thoracique de face

électrocardiogramme

gazométrie artérielle.

Les autres examens ne doivent être envisagés qu’en fonction du contexte clinique : scanner

thoracique, échocardiographie, marqueurs biologiques (D-dimères, NT pro-BNP), fibroscopie

bronchique…

IV. QUANTIFICATION DE LA DYSPNEE : LES ECHELLES DE DYSPNEE

Il existe des moyens simples mais peu précis pour quantifier rapidement une dyspnée :

dyspnée d’effort quantifiée en nombres d’étages ou de marches, dyspnée de décubitus

appréciée en nombre d’oreillers que le patient place derrière son dos pendant la nuit…

Un certain nombre d’échelles de dyspnée ont été développées pour mesurer de façon directe

ou indirecte la dyspnée et/ou son retentissement sur l’activité physique quotidienne. Elles

s’appliquent surtout pour évaluer les dyspnées chroniques.

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IV.1. Echelle visuelle analogique (EVA)

Il s’agit de la méthode la plus simple. L’EVA est généralement représentée sur une petite

réglette de 10 cm de long, munie d’un curseur, dont une extrémité porte la mention « pas du

tout d’essoufflement » et l’autre « essoufflement maximal ».

Figure 1 : évaluation d’une dyspnée à l’aide d’une EVA. Le patient évalue son essoufflement

en plaçant le curseur au niveau souhaité (il ne voit pas les graduations lorsqu’il

place le curseur). La lecture s’effectue par l’examinateur qui voit le dos de la

réglette et qui note le nombre de millimètres atteints.

IV.2. Echelle de dyspnée de Borg

Elle est très utile pour apprécier une dyspnée aiguë ou bien quantifier la dyspnée après

réalisation d’un exercice prédéterminé (Test de marche de 6 minutes par exemple), est une

échelle simple et reproductible fondée sur les descriptions verbales de la dyspnée. Des

équivalents chiffrés sont établis pour chaque palier.

Evaluation Intensité de la sensation0 Nulle

0,5 Très, très légère (à peine perceptible)1 Très légère2 Légère3 Modérée4 Un peu forte5 Forte67 Très forte89 Très, très forte

10 Maximale

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IV.3. Classes fonctionnelles de la New York Heart Association (NYHA)

L’évaluation de la classe de la NYHA est fréquemment utilisée en cardiologie et pour les

maladies vasculaires pulmonaires. Elle permet d’évaluer le retentissement fonctionnel de

l’activité physique. On distingue 4 classes (et non stades) de la NYHA :

Classe I : Aucune limitation d’activité; capacité d’effort normale pour l’âge. Les patientsne souffrent d’aucun symptôme au cours des activités ordinaires. Des effortsphysiques inhabituels peuvent cependant être responsables d’unessoufflement.

Class II : Limitation d’activité légère à modérée. Pas de limitation au repos maisapparaissant pour des activités normales pour l’âge.

Classe III : Limitation d’activité marquée. Pas de limitation au repos mais apparaissantpour des activités inférieures à la normale pour l’âge.

Classe IV : Limitation au moindre effort et/ou au repos.

Avantages de la classification de la NYHA :

échelle la plus ancienne

la plus utilisée en cardiologie (toutes les études sur insuffisance cardiaque) et dans les

maladies vasculaires pulmonaires (à la base des indications de traitement dans les

hypertensions artérielles pulmonaires ; intérêt pronostique)

maniement facile.

Inconvénients de la classification de la NYHA :

problème de subjectivité dans les réponses du patient et dans la façon d’interroger le

patient selon les médecins

peu reproductible (variabilité d’environ 50 % d’un médecin à un autre).

IV.4. L’échelle du Medical Research Council (MRC scale)

L’échelle du MRC évalue les effets de la dyspnée sur les activités quotidiennes.

Basée sur les difficultés à marcher ou à monter les escaliers.

Bien corrélée à la distance parcourue au test de marche de 6 minutes.

Très utilisée dans le suivi des pathologies respiratoires.

échelle de dyspnée du Medical Research Council (MRC) :

Stade 0 : dyspnée pour des efforts soutenus (montée 2 étages) ;

Stade 1 : dyspnée lors de la marche rapide ou en pente ;

Stade 2 : dyspnée à la marche sur terrain plat en suivant quelqu’un de son âge ;

Stade 3 : dyspnée obligeant à s'arrêter pour reprendre son souffle après quelquesminutes ou une centaine de mètres sur terrain plat ;

Stade 4 : dyspnée au moindre effort.

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V. ORIENTATION DIAGNOSTIQUE ET CONDUITE A TENIR DEVANT UNE DYSPNEE

AIGUË

La dyspnée aiguë est une urgence. L’examen clinique a un rôle primordial pour rechercher en

premier lieu des signes de gravité et pour orienter le diagnostic.

Devant une dyspnée aiguë, il faut sans attendre :

apprécier la gravité (cf item 193 détresse respiratoire aiguë)

pratiquer les gestes en urgence que réclame l’état clinique du patient (cf item 193

détresse respiratoire aiguë)

établir un diagnostic étiologique et proposer un traitement : il est assez pratique de

distinguer deux situations en fonction de la présence ou non d’anomalies constatées à

l’auscultation pulmonaire

V.1. orientation étiologique d’une dyspnée aiguë avec anomalies de l’auscultation

V.1.1. Dyspnées aiguës inspiratoires ou mixtes

Traduisent la présence d’un obstacle à la pénétration de l’air dans les voies aériennes.

d’origine laryngée ou trachéale haute

habituellement de bradypnées auxquelles s’associent un cornage et parfois une

dysphonie lorsque les cordes vocales sont atteintes par le processus pathologique.

Les étiologies sont :

Tumorale : (chez l’adulte)

− tumeurs pharyngées et laryngées (contexte alcoolo-tabagique +++)

− goitres thyroïdien à développement intrathoracique comprimant la trachée.

Infectieuse (chez l’enfant surtout)

− Epiglottite aiguë (souvent à Haemophilus influenzae)

− laryngite aiguë virale (syndrome infectieux souvent marqué)

Allergique :

− Œdème glottique suraigu secondaire à une prise médicamenteuse, à une allergie

alimentaire ou une piqûre d’hyménoptère (Œdème de Quincke), pouvant s’intégrer

dans un contexte de choc anaphylactique avec lésions cutanées urticariennes

associées (cf item 211).

Inhalation de corps étranger :

− chez l’enfant et parfois chez l’adulte

− accès de dyspnée suraiguë avec toux et cyanose = syndrome de pénétration (cf item

193)

Dysfonction aiguë des cordes vocales :

− crises de dyspnée aiguë, inspiratoires ou mixtes, récidivantes

− généralement diurnes

− à début et à fin brutaux, associées fréquemment à une dysphonie

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− Facteurs déclenchant (stress, activité physique, toux…).

− Mime souvent une crise d’asthme.

− Diagnostic par laryngoscopie qui objective une fermeture paradoxale des cordes

vocales à l'inspiration.

V.1.2. Dyspnées aiguës avec râles sibilants

La présence de râles sibilants témoigne d’une limitation des débits aériens et relève de 3

étiologies principales :

Asthme aigu (ou bronchiolite chez l’enfant) : patient souvent jeune, terrain allergique

+++

Exacerbation aiguë de BPCO : tabagisme +++, toux chronique, infection bactérienne ou

virale favorisante.

Insuffisance cardiaque gauche (« asthme cardiaque ») : patient âgé, râles crépitants

souvent associés. Hypertension artérielle, cardiopathie ischémique, cardiomégalie,

œdème interstitiel sur la radiographie pulmonaire…

V.1.3.Dyspnées aiguës avec râles crépitants

Insuffisance cardiaque gauche : Facteurs de risque vasculaires, HTA, cardiopathie

ischémique, tableau clinique d’œdème aigu du poumon+++

Pneumopathies infectieuses aiguës : syndrome infectieux ++, terrain favorisant (âge,

alcoolisme, immunodépression), râles crépitants en foyer, souffle tubaire en regard de la

condensation pulmonaire.

Pneumopathies d’hypersensibilité : poumon de fermier, maladie des éleveurs d’oiseaux,

rarement à l’origine de dyspnée aiguë.

Pneumopathies médicamenteuses aiguës : plusieurs dizaines de médicaments

potentiellement responsables (www.pneumotox.com). Rechercher l’introduction récente

d’un médicament (interrogatoire ++).

Hémorragies intra-alvéolaires au cours des vascularites (cf item 116)

V.1.4. Dyspnées aiguës avec asymétrie auscultatoire

Les dyspnées avec asymétrie auscultatoire peuvent s’observer dans deux situations : présence

d’un épanchement pleural liquidien ou gazeux, ou bien présence d’une atélectasie aigüe. Dans

tous les cas, le murmure vésiculaire est aboli du côté atteint.

Epanchement pleural gazeux (pneumothorax) : cf item 276

Epanchement pleural liquidien (pleurésie) : dyspnée plutôt subaiguë survenant dans un

contexte infectieux (pleurésie purulente, épanchement pleural para-pneumonique),

tumoral (altération état général, antécédents néoplasiques, tabagisme…), ou

traumatique (hémothorax) (cf item 312)

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Atélectasie aiguë : le plus souvent chez l’enfant, inhalation d’un corps étranger (voir plus

haut : « syndrome de pénétration »).

V.2. orientation étiologique d’une dyspnée aiguë avec auscultation normale

V.2.1. Dyspnées aiguës d’origine cardio-vasculaire

Embolie pulmonaire +++ : présence de facteurs de risque de maladie thromboembolique

(alitement, maladie néoplasique, période post opératoire…) ; examen clinique, ECG et

radiographie thoracique le plus souvent normaux (en dehors de l’embolie massive avec

signes de gravité : hypotension, signes d’insuffisance cardiaque droite…) ; effet shunt

sur les gaz du sang (aucune spécificité).

Trouble du rythme cardiaque aigu (arythmie par fibrillation auriculaire, flutter,

tachysystolie ou éventuellement tachycardie ventriculaire), cause fréquente et

rapidement identifiable de dyspnée aiguë.

Epanchement péricardique aigu : le plus souvent bénin (origine virale, sujet jeune,

contexte infectieux ORL récent) ou d’origine néoplasique. Grave si abondant

(tamponnade péricardique).

V.2.2. Dyspnées aiguës d’origine métabolique

Anémies aiguës :

− hémorragies aigües

− hémolyses aiguës (d’origine bactérienne [mycoplasme], parasitaire [paludisme],

toxique, immuno-allergique, auto-immune, ou mécanique).

Acidoses métaboliques aigües :

− l’acidose induit une hyperventilation alvéolaire par stimulation des chémorécepteurs

carotidiens, centrobulbaires et des centres respiratoires

− dans les acidoses métaboliques, on observe fréquemment une dyspnée de

Küssmaul.

− Les étiologies les plus fréquentes sont: l’acidocétose diabétique, les acidoses

lactiques, l’insuffisance rénale aiguë, les acidoses par pertes de bicarbonates par

voie digestives (diarrhées aiguës importantes)

V.2.3. Dyspnées aiguës d’origine neurologiques

Accident vasculaire cérébral (dyspnée de Cheynes-Stokes).

Neuropathie périphérique et notamment syndrome de Guillain Barré.

Atteintes de la jonction neuro-musculaire: crise aiguë myasthénique.

V.2.4. Dyspnées aiguës psychogènes

Il s’agit dans tous les cas d’un diagnostic d’élimination +++

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VI. ORIENTATION DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE DYSPNEE CHRONIQUE

Comme devant une dyspnée aiguë, l’interrogatoire et l’examen clinique sont déterminants et

permettent d’orienter les investigations complémentaires éventuelles.

L’étiologie d’une dyspnée chronique peut être facilement identifiée quand il s’agit de maladies

respiratoires chroniques au cours desquelles la dyspnée est un signe évolutif attendu : BPCO,

emphysème, pneumopathies infiltrantes diffuses, insuffisance cardiaque… Le diagnostic peut

être plus difficile lorsqu’il s’agit d’une dyspnée chronique isolée.

Devant une dyspnée chronique isolée, le bilan paraclinique doit comporter au minimum

un dosage de l’hémoglobine

une radiographie thoracique

des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR)

un ECG

et éventuellement une échocardiographie.

Les autres investigations ne doivent être entreprises qu’en fonction du contexte clinique.

Devant une dyspnée chronique, les cinq grands cadres nosologiques sont :

Les maladies pulmonaires chroniques : bronchopathies chroniques, pneumopathies

interstitielles diffuses

Les maladies cardiaques chroniques : insuffisance cardiaque, valvulopathies

Les hypertensions pulmonaires

Les anomalies du transport de l’oxygène

Les dyspnées psychogènes

VI.1. Maladies pulmonaires chroniques

L’analyse des résultats des EFR permet de distinguer :

Les dyspnées chroniques associées un trouble ventilatoire obstructif (TVO)

Les dyspnées chroniques associées un trouble ventilatoire restrictif (TVR)

VI.1.1. Dyspnées chroniques associées à un TVO

Deux grandes étiologies doivent être envisagées :

Asthme

− éléments cliniques : terrain atopique, le début tôt dans la vie, l’absence de

tabagisme, les antécédents d’accès paroxystiques aigus, l’identification éventuelle

d’un ou de plusieurs allergènes

− éléments fonctionnels (EFR) : caractère au moins partiellement réversible de

l’obstruction bronchique

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BPCO

− éléments cliniques : fumeurs ou anciens fumeurs, chez qui la dyspnée est apparue

progressivement et s’est majorée avec le temps. L’association à une bronchite

chronique (toux et expectoration chroniques) est possible mais inconstante

− éléments fonctionnels (EFR) : TVO peu réversible sous bronchodilatateurs et

souvent aussi distension thoracique.

VI.1.2. Dyspnées chroniques associées à un TVR

Quand la dyspnée chronique s’associe à un TVR, celle-ci peut être liée à (cf item 254):

une atteinte de la pompe ventilatoire ou de la commande centrale

− hypoventilation d’origine pariétale : Atteinte anatomique de la paroi thoracique

cyphoscolioses, syndrome obésité-hypoventilation (grandes obésités)

− pathologies neuro-musculaires : lésions spinales, myopathies, sclérose latérale

amyotrophique, hypoventilation alvéolaire d’origine centrale

− la gazométrie artérielle objective une hypoventilation alvéolaire (hypercapnie ±

hypoxémie)

Une pneumopathie intertitielle diffuse (PID) : cf item 120

− la gazométrie artérielle objective une atteinte de l’échangeur (hypoxémie ±

hypocapnie)

VI.2. Les maladies cardiaques chroniques

La dyspnée d’origine cardiaque est très fréquente.

L’insuffisance cardiaque, quelle que soit sa cause (cardiopathie ischémique ou hypertensive,

myocardiopathies restrictives…), les cardiopathies valvulaires (rétrécissement mitral +++,

insuffisance aortique…), les péricardites constrictives s’accompagne habituellement d’une

dyspnée chronique, avec le plus souvent une orthopnée.

L’examen clinique et l’échocardiographie rendent en général aisé le diagnostic étiologique de

dyspnée dans ce contexte.

VI.3. Les hypertensions pulmonaires

L’hypertension pulmonaire est caractérisée par une atteinte de la paroi des artères pulmonaires

de petit calibre responsable d’un obstacle à l’écoulement du sang dans la circulation

pulmonaire.

Cette augmentation progressive des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) va entrainer

une élévation de la pression artérielle pulmonaire (PAP) et par voie de conséquence une

hypertrophie puis une dilatation des cavités cardiaques droites, avec à terme un tableau

d’insuffisance cardiaque droite.

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On parle d’hypertension pulmonaire quand la PAP moyenne, mesurée par cathétérisme

cardiaque droit, est ≥ 25 mmHg (normale toujours < 20 mmHg)

On distingue :

des hypertensions pulmonaires post-capillaires (hypertensions pulmonaires des

cardiopathies gauches).

les HT pulmonaires précapillaires (les autres)

La classification diagnostique des HT pulmonaires est donnée à titre indicatif1

Les signes d’appel sont peu spécifiques :

dyspnée d’effort progressive inexpliquée (le plus fréquent)

douleurs thoraciques, malaises voire des syncopes d’effort (signes de gravité)

L’examen physique peut montrer

un éclat du deuxième bruit au foyer pulmonaire

un souffle d’insuffisance tricuspide

ou des signes d’insuffisance cardiaque droite à un stade plus tardif).

L’échocardiographie est un bon outil de dépistage des HT pulmonaires mais seul le

cathétérisme cardiaque droit permet d’affirmer le diagnostic avec certitude.

VI.4. Les anomalies du transport de l’oxygène

Anomalies quantitatives

toutes les anémies chroniques, quelle que soit leur cause (saignement occulte,

hémolyse chronique), peuvent être responsable de dyspnée d’effort.

1

Légende : ALK1 = activin receptor-like kinase-1 ; BMPR2 = Bone morphogenetic protein receptor, type II ; BPCO =bronchopneumopathie chronique obstructive ; HCP : hémangiomatose capillaire pulmonaire ; HL = histiocytoselangerhansienne ; HTP = hypertension pulmonaire ; IRC : insuffisance rénale chronique ; LAM :lymphangioléiomyomatose ; MVOP = maladie veino-occlusive pulmonaire.

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Anomalies qualitatives :

Taux élevé de carboxyhémoglobine (HbCO) dans les intoxications à l’oxyde de carbone

(CO).

Méthémoglobinémies (oxydation du sel ferreux de l'Hb en sel ferrique ne possédant pas

la capacité de transporter l'O2) acquises (intoxication aux nitrates et nitrites, engrais

azotés) ou congénitales (déficit enzymatique)

Sulfhémoglobinémies, toujours acquises (toxiques).

VI.5. Les dyspnées chroniques psychogènes

Il s’agit toujours d’un diagnostic d’élimination +++.

A part, le syndrome d’hyperventilation :

patients, souvent de sexe féminin, jeunes (entre 30 et 40 ans), se plaignant d’une

dyspnée majeure.

toutes les investigations paracliniques sont négatives, mais le contexte psychologique

(anxiété avec attaques de panique, « sensation de ne pouvoir respirer à fond »), la

présence de pauses, de soupirs répétés, l’alcalose respiratoire constatée sur la

gazométrie artérielle permettent d’évoquer ce diagnostic difficile.

traitement : rééducation respiratoire par des kinésithérapeutes spécialisés.