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RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2011 164 Les analystes se demandent toujours comment les accords commerciaux préférentiels (ACPr) influent sur le système commercial multilatéral. L’essor du régionalisme compromet-il la coopération commerciale multilatérale ? Faut-il considérer ces approches différentes comme complémentaires ou comme concurrentes ? Existe-t-il des synergies ou des conflits inévitables ? Ces questions sont examinées dans cette dernière section du rapport, à la lumière de l’analyse faite précédemment. E. Le système commercial multilatéral et les accords commerciaux préférentiels

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Les analystes se demandent toujours comment les accords commerciaux préférentiels (ACPr) influent sur le système commercial multilatéral. L’essor du régionalisme compromet-il la coopération commerciale multilatérale ? Faut-il considérer ces approches différentes comme complémentaires ou comme concurrentes ? Existe-t-il des synergies ou des conflits inévitables ? Ces questions sont examinées dans cette dernière section du rapport, à la lumière de l’analyse faite précédemment.

e. Le système commercial multilatéral et les accords commerciaux préférentiels

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Sommaire 1. Effetssystémiquesdelalibéralisationtarifairepréférentielle 166

2. LesACPrprofondsetlesystèmecommercialmultilatéral 168

3. Lerégionalismeetl’OMC:perspectivehistorique 182

4. RelationentrelesACPretl’OMC 187

Quelques faits saillants et constatations importantes

• L’intégration profonde est souvent de nature non discriminatoire.

• Les réseaux de production mondiaux peuvent amener à inclure dans

les ACPr des mesures tarifaires et non tarifaires qui sont plus

conformes aux principes du système commercial multilatéral.

• De nombreux différends entre des parties à des ACPr sont portés

devant le système de règlement des différends de l’OMC. En

moyenne, environ 30 pour cent de ces différends opposent des

Membres qui sont parties au même ACPr.

• Il pourrait être nécessaire d’adopter à l’OMC une approche de la

prise de décisions fondée sur la masse critique, du moins à court

terme, pour promouvoir un programme qui assure une plus grande

cohérence entre les ACPr et le système commercial multilatéral.

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1. Effetssystémiquesdelalibéralisationtarifairepréférentielle

À lafindesannées1980etaudébutdesannées1990,uneséried’événementsontconduitlesanalystesàs’intéresserauxeffetssystémiquesdel’intégrationrégionale(Baldwin,2009).1Le régionalisme s’est développé en Amérique du Nord, oùl’ACPr entre le Canada et les États-Unis a ouvert la voie à lanégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain(ALENA). Il a aussi été ravivé en Europe par l’initiative duMarché unique européen et par la désintégration de l’Unionsoviétique.Àl’époque,lesperspectivesd’uneconclusionrapideetcomplèteduCycled’Uruguayétaienttrèsincertaines.

L’existence possible d’un lien de causalité entre l’essor durégionalisme et la difficulté de conclure les négociationsmultilatérales ne pouvait être ignorée. C’est pourquoi ledébat sur le régionalisme a pris une dimension systémique.Cettesectiondonneunaperçude la littératuresur lesujet,en s’appuyant sur plusieurs études publiées récemment:Baldwin(2009),FreundetOrnelas(2010)etWinters(2011).

Ces études s’intéressent en gros à la relation entrelibéralisation tarifaire discriminatoire et non discriminatoire.L’approche classique consiste à examiner si les réductionstarifaires préférentielles entraînent une réduction ou uneaugmentation du droit de la nation la plus favorisée (droitNPF) que les Membres de l’OMC appliquent sur une basenondiscriminatoire.Commenous l’avonsvudans lasectionC, les données disponibles à ce jour ne permettent pas detirerdesconclusions.Certainesétudestraitentcependantdel’effet de la libéralisation tarifaire préférentielle sur lalibéralisationtarifairenondiscriminatoire2.

En raison du manque de données adéquates, les étudesempiriques probantes sont rares. La littérature est doncessentiellementthéoriqueetsesprédictionsnesontsouventétayéesquepardesélémentsanecdotiques.

(a) LesACPrfavorisent-ilsouentravent-ilslesréductionstarifairesmultilatérales?

On a identifié plusieurs mécanismes par lesquels les ACPrpeuvent favoriser ou entraver l’ouverture commercialemultilatérale.

Comme nous l’avons vu dans la section C, le théorème deKemp-Wan est une référence théorique qui montre que lesACPr n’ont pas nécessairement des effets négatifs sur lesréductionstarifairesmultilatérales.Àpartird’unesituationoùtous lespaysontdesdroitsNPF, lespayspeuvent toujoursaugmenter leur prospérité collective en formant un bloccommercial. L’élargissement progressif du bloc augmenteralebien-êtredesesmembres,et lebien-êtremaximumseraatteint lorsque tous lespays ferontpartiedubloc (KempetWan, 1976). Ce résultat théorique repose sur deuxhypothèses fortes. Premièrement, les membres de l’ACPrdoivent fixer leurs tarifs extérieurs à un niveau qui bloqueleurséchangesaveclerestedumonde.Deuxièmement,destransferts forfaitaires entre les membres leur assurent deretireràtousdesavantagesdel’ACPr.3

La crainte de l’érosion des préférences est un aspectimportantdelarelationentrelalibéralisationpréférentielleettarifaire multilatérale.4 Dans un monde où tous les paysauraientintérêtàcequelecommercesoitplusouvert,maisoù les pays qui craignent l’érosion de leurs préférences s’yopposent, le régionalisme peut contribuer à l’ouverturecommerciale globale. Baldwin (2009) illustre cet argumentpar un exemple dans lequel le pays Home signe des ACPrdistinctsaveclePartenaire1etlePartenaire2,formantainsiun système en étoile. Ce système place Home dans unepositionavantageusecarilcombinel’ouverturecommercialeducôtédes importationsetdesdroitspréférentielsducôtédesexportations. Il est vraisemblablequeHome,quiestaucentre du système, s’opposera à des négociations à l’OMCvisant à ouvrir davantage le commerce par crainte del’érosiondesespréférences.Malgrécela,Homeetsesdeuxpartenaires peuvent parvenir à une ouverture commercialeglobale,nonparlebiaisdesnégociationsmultilatérales,maisaumoyend’unACPrentrelesdeuxpartenairespériphériques.CommelemontreBaldwin, lesdeuxpartenairespréféreronttoujours une ouverture commerciale globale au système enétoile.

La crainte de l’érosion des préférences peut toutefoisconstituerunepuissanteforcederésistanceauxréductionstarifaires multilatérales. La littérature économique montreque deux pays ou plus peuvent conclure un ACPr quiaugmente leurbien-êtreaudétrimentdespaystiers.L’ACPrfera obstacle à l’ouverture commerciale multilatérale parceque ses membres s’opposeront à sa suppression,précisément pour éviter l’érosion des préférences. Cela estvrai non seulement si les membres de l’ACPr augmententleurstarifsNPFextérieurs,maisaussisilestarifsextérieurssontgelés.Baldwin(2009)donneunexempledanslequel,siletarifinitialestsuffisammentbas,lesavantagesdumaintiend’un ACPr qui réduit le bien-être des pays tiers sontsupérieurs aux avantages courants de l’ouverturecommercialeglobale.5

Les pays en développement bénéficiant d’un accèspréférentiel sans réciprocité aux marchés des paysdéveloppés sont particulièrement préoccupés par l’érosiondespréférences,notammentsi ladiminutiondesavantagesliés aux droits préférentiels n’est pas compensée par lesgains d’accès aux marchés découlant des réductionstarifaires pour les marchandises qui ne font pas l’objet depréférences.6

Des facteurs d’économie politique peuvent aussi influer surlerythmeauqueldesdroitspréférentielssontappliquésauxpays non membres sur une base NPF. Si les ACPr sontcréateursd’échanges,ilsaugmenterontlatailledessecteursd’exportationetréduirontcelledessecteursenconcurrenceaveclesimportations.Silepouvoirpolitiqueestproportionnelà la taille du secteur, l’ACPr augmentera le soutien àl’ouverture commerciale.7 En particulier, il peut êtrepolitiquement optimal pour un gouvernement d’abaisser lesdroitsNPFàdesniveauxquin’auraientpasétésouhaitablesenl’absenced’ACPr.8

Danslemêmeordred’idées,silessalariéssontmalinformésdes effets que l’ouverture commerciale aura sur eux, ilss’opposeront, dans un premier temps, à l’ouverturecommercialeglobalemaisaccepterontunACPr,quiestune

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formeintermédiairederéductiondesobstaclesaucommerce(Frankel et al., 1995). L’ACPr leur permettra de savoircomment ils seront affectés par l’ouverture commercialeglobaleetrendrauneapprocheNPFpolitiquementfaisable.

Lesmodèlesd’économiepolitiqueexaminésdanslasectionC(GrossmanetHelpman,1995; Krishna,1998),apportentcependant quelques éclaircissements sur les raisons pourlesquelleslesACPrpeuvententraverlesréductionstarifairesmultilatérales. D’après ces modèles, les groupes d’intérêtspeuvent préférer les ACPr qui détournent les échanges,c’est-à-dire qui procurent une protection accrue.9 Dans lemodèle de Krishna, l’importance du détournementd’échanges détermine le degré d’opposition politique à unaccord multilatéral qui recevrait un soutien en l’absence del’ACPr. Intuitivement, on peut dire que, s’il n’y a pas oupresquepasdedétournementd’échanges,lesentreprisesdechaquepaysmembreobtiennentdespartsdemarché(etdesbénéfices)plus importantesdans l’autrepaysmembremaisperdent des bénéfices sur le marché intérieur, l’effet globalsurlesbénéficesnetsétantfaible.Toutefois,sil’ACPrpermetauxentreprisesdublocd’évincercellesdespaysexclussurlemarchédesmembres, il accroît à coupsûr lesbénéficesdetouteslesentreprisesaudétrimentdespaystiers(FreundetOrnelas,2010).10

Levy (1997) parvient aussi, dans un modèle avec électeurmédian, au résultat selon lequel des groupes d’intérêtsparticuliers peuvent s’opposer à l’ouverture commercialemultilatéralequi recevraitunsoutienen l’absenced’ACPr. Ilmontre qu’un ACPr bilatéral peut procurer aux principauxagentsd’unpaysdesavantagesdisproportionnésquine lesinciteront pas à soutenir un accord multilatéral, lequel seradonc bloqué. Cela pourrait être le cas, par exemple, si ladotationenfacteurdesdeuxpaysestcomparable,desorteque les échanges dans le cadre de l’ACPr sont en grandepartie des échanges intra-industriels, avec peu d’effetsredistributifs.Uneouverturemultilatéralemodifieraitlesprixdes facteurs, cequi ferait desgagnantset desperdantsetn’apporterait que des avantages modestes du fait d’unediversité ou d’une spécialisation accrues sur la base del’avantage comparatif. Dans ce cas, l’électeur médians’opposerait à l’ouverture commerciale multilatérale, àlaquellel’ACPrferaitobstacle.

Les ACPr sont parfois conclus pour des raisons autresqu’économiques, comme l’entente et la réconciliation entred’anciens ennemis (la France et l’Allemagne, par exemple),ou entre des pays ayant eu des liens coloniaux (Schiff etWinters, 1998). Comme nous l’avons vu à la section C,certains auteurs ont fait valoir que ces objectifs nonéconomiques pouvaient amener les pays membres às’opposer à toute nouvelle ouverture multilatérale ducommerce. Selon un modèle de Limão (2007), les ACPrpermettent aux pays partenaires de coopérer sur lesquestions non commerciales en utilisant les droitspréférentielscommemonnaied’échange.Laperspectivedeperdre cette possibilité par une ouverture commercialemultilatérale peut rendre les pays moins favorables à uneapprocheglobale.11

Les ACPr peuvent aussi augmenter les coûts d’ajustementliés à l’ouverture commerciale multilatérale lorsque lesentreprises doivent réaliser des investissements

irrécupérablesdanscertainssecteurspourpouvoirproduire.CommelemontreMcLaren(2002),danscecas,lesgainsexpostprocuréspardesréductionsmultilatéralespeuventêtreréduits par rapport aux gains découlant de l’ouverturecommerciale préférentielle, lesquels apparaissent ensituation d’équilibre. La raison est la suivante: si lesentreprisess’attendentàuneouverturecommercialeglobale,ellesinvestissentdanslessecteursoùellesontunavantagecomparatif,desortequechaquepaysdevienttrèsspécialisé.Dans ce cas, les gains ex ante de l’ouverture commercialemultilatéraleseconcrétisent,etl’ouvertureadeschancesdese produire. Si, toutefois, les entreprises s’attendent à lasignatured’unACPr,elles investirontdans lesproduitspourlesquels les pays exclus ont un avantage comparatif parceque le tarifextérieur rendracesproduitscoûteux.Pourdesraisonssimilaires,lesentreprisesdespaysexclusinvestirontdanslesproduitspourlesquelslesmembresdel’ACProntunavantage comparatif. À mesure que les pays de l’ACPr sespécialiseront lesunspar rapportauxautresetdeviendrontmoins spécialisés par rapport aux pays tiers, les gains del’ouverture commerciale globale diminueront. McLaren(2002) explique que le régionalisme en résultant est«insidieux»parcequec’estunrésultatinférieurpourtouslesparticipants, et qu’il apparaît seulement parce qu’il suscitedes investissements à fonds perdus qui réduisent la valeurdel’ouverturecommercialemultilatérale.

Enfin, l’opposition à une plus grande ouverture tarifairemultilatéraledesmembresd’unACPrpourraitvenirdespaysexclus. Le raisonnement est le suivant: si les membres del’ACPr réduisent leurs tarifs extérieurs pour des raisonsd’économiepolitiqueaprèsavoir signéunaccord, celapeutentraîner une pure création d’échanges. Comme le ditOrnelas (2005b), les non-membres tirent avantage de cesACPrenobtenantunpluslargeaccèsauxmarchésdespaysmembressansavoiràréduireleursdroits,commel’exigeraitun accord multilatéral. Les non-membres peuvent doncs’opposer à l’ouverture commerciale multilatérale qu’ilssoutiendraientenl’absencedel’ACPr.12

L’examen de la littérature laisse donc penser que l’effet durégionalisme sur les perspectives d’ouverture commercialemultilatéraledépenddeplusieursfacteurs.Lesrésultatssontfonctiondesgainsqu’unACPrprocureraauxmembresetauxnon-membres,despertesqu’ilssubiraientencasd’ouverturecommerciale multilatérale, de l’importance desconsidérations d’économie politique dans l’élaboration despolitiques et de l’ampleur de l’effet de verrouillage d’unaccordcommercialpréférentiel.Lesrésultatsdépendent,enoutre,ducaractèreouvertounondurégionalisme(Yi,1996);desdifférencesdedotationen facteursoudecoûts (Saggiet Yildiz, 2009); des règles du système commercialmultilatéral (Bagwell et Staiger, 1999; Saggi et Yildiz,2009); etdescontraintesformellesenmatièred’exécution(BagwelletStaiger,1997a:1997b).

(b) Donnéesempiriquessurleseffetssystémiquesdurégionalisme

Lorsque la théorien’est pas concluante, on se tourne toutnaturellement vers les données empiriques. Un premiercourant de la littérature examine si les droits NPF et lesdroits préférentiels sont complémentaires ousubstituables.13Commenous l’avons vudans la sectionC,

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lesrésultatssontdifférentspourlespaysendéveloppementetpour lespaysdéveloppés.Si,dans lepremiergroupedepays,lesaccordscommerciauxpréférentielssemblentfairebaisser les tarifs extérieurs, ils semblent les augmenterdans le second. La plupart des études ne font pas dedistinction entre les droits NPF négociés au niveaumultilatéral et les réductions tarifaires unilatérales.14 LesexceptionsnotablessontlestravauxdeLimão(2006)etdeKaracaovali etLimão (2008), qui examinentexpressémentl’effet de l’ouverture commerciale préférentielle surl’ouverture commerciale multilatérale dans le cadre duCycle d’Uruguay, respectivement aux États-Unis et dansl’Unioneuropéenne.15

Undeuxièmecourantdelalittératureexaminelacorrélationentrelaformationd’ACPretlemultilatéralisme.Unexemplesouvent cité de régionalisme contribuant à l’ouverturecommerciale multilatérale est celui des États-Unis qui,après avoir préconisé le multilatéralisme pendant denombreuses années, se sont convertis au régionalismedans lesannées1990, relançantainsi lesnégociationsduCycled’Uruguay(BergstenetSchott,1997).16MansfieldetReinhardt (2003)observentquec’est lorsdenégociationsmultilatérales que sont conclus le plus d’ACPr. Ilsconsidèrent que ce résultat est la preuve que lemultilatéralisme peut encourager la conclusion d’ACPrcommeunmoyend’avoirunpouvoirdenégociationdanslesystèmemultilatéral (en faisantpression sur lespays tierspour qu’ils ouvrent leurs marchés ou en échappant aux«passagersclandestins»).

Leproblèmegénéral quepose le fait d’établir un lienentreles ACPr et les cycles de négociations commercialesmultilatérales est problématique car ces cycles sont rares.De plus, dans les cycles multilatéraux, les pays négocientuneouverturecommercialeplusoumoinsambitieuse,aulieud’opterpouruneouverturecomplèteetpourpasd’ouverturemultilatérale. C’est pourquoi il est impossible de vérifierdirectementsilesACPrrendentmoinsprobablelaconclusiond’accordscommerciauxmultilatéraux(OMC,2007).

Certainesdonnéesempiriquesétayentaussibien l’idéequeles ACPr facilitent l’ouverture commerciale multilatérale etl’idée qu’ils l’entravent.17 D’une part, certaines donnéesindiquentquelesACPrrenforcentl’incitationdespaysexclusà agir au niveau multilatéral pour éviter un détournementd’échanges. Il a été dit notamment que les trois dernierscycles de négociations commerciales multilatérales ontcoïncidé avec des initiatives importantes en faveur del’intégration régionale, ce qui est parfois considéré commeune preuve de la relation constructive entre ces deuxprocessus.Parailleurs,lecoûtduchevauchementdesACPrincite à rationaliser le système, comme dans le cas dusystème de cumul paneuropéen, ou à recourir au systèmemultilatéral,commedanslecasdel’Accorddel’OMCsurlestechnologiesdel’information.18

Par ailleurs, il a été dit que la crainte de l’érosion despréférences contribuait à la paralysie des négociationsmultilatérales et se traduisait effectivement par unemoindre ouverture commerciale multilatérale (voir, parexemple,CurtisetVastine,1971).Onconstateenoutrequelaparticipationàdesnégociationsrégionalespeutbloquer

le processus d’ouverture commerciale multilatérale endétournant les ressources des négociations multilatérales(OMC,2007).

2. LesACPrprofondsetlesystèmecommercialmultilatéral

Lalittératuresurleseffetssystémiquesdesdroitspréférentielsestabondantemais, jusqu’àprésent, iln’yaguèreeud’étudessur les effets systémiques des autres mesures d’intégration«profonde».Lesrésultatsdontondispose indiquentque,danscertainsdomainesd’intégrationprofondecommelesobstaclestechniquesaucommerce(OTC),laréglementationmultilatéralen’estpeut-êtrepaséconomiquementoptimalenipolitiquementfaisable. Comme l’intégration profonde est souvent de natureNPF, il se peut qu’une réglementation de ce type soit moinsnécessaire.En fait, la littératureamisenévidenceuncertainnombre de mécanismes par lesquels l’intégration profondecontribue«automatiquement»àuneplusgrandeouverture,oudu moins n’a pas d’effets statiques négatifs sur le systèmecommercialmultilatéral.

(a) L’intégrationprofondeestsouventnondiscriminatoireparnature

De par leur nature même, certaines dispositions prévoyantune intégrationprofondesontappliquéesde facto auxpaystiers parce qu’elles sont inscrites dans des cadresréglementairesplusvastesqui s’appliquentà tous.Celaestillustré, par exemple, par l’ouverture du commerce desservices. Les obstacles au commerce des services sontgénéralementdesmesuresréglementairesprisesàl’intérieurdes frontières. Même si, dans certains cas, ces obstaclespeuventêtreappliquésdemanièredifférenciéeen fonctiondu pays d’origine des fournisseurs (comme les restrictionsconcernant le mouvement des personnes, la participationétrangère ou les investissements étrangers directs), ons’attend généralement à ce qu’une mesure supprimée ouassouplie dans le cadre d’un ACPr soit appliquée de facto auxtiercesparties.C’estaussilameilleuresolutiondupointde vue économique, et cela peut limiter les distorsionsrésultantdesACPrrelatifsauxservices.19

Les faits indiquent que, dans certains cas, les parties à unACPr bénéficient d’un traitement préférentiel, mais il estdifficile d’analyser cela avec précision faute de donnéesdétailléessurletraitementappliquéparlespaysauxserviceset aux fournisseurs de leurs partenaires commerciaux. Ladifficultéestaccentuéeparlefaitquel’analysedutraitementnon discriminatoire dans le domaine des services devraittenircomptenonseulementdutraitementprévupar les loiset règlements, mais aussi du traitement de facto – parexemple, quels fournisseurs reçoivent une licenced’exploitation, lenombrede licencesétantparfois limité.Enoutre,comptetenudel’importancedel’avantagedupionnierpourlesfournisseursdansuncertainnombredesecteursdeservices20, ilest importantdesavoirsitouslesfournisseursde différentes origines auront droit à un traitement nonpréférentiel à partir du moment où intervient l’ouverturecommerciale.Ilsepeutquecesoitlecaslaplupartdutemps,maisonmanquededonnéesàcesujet.

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Lefaitquelesengagementsconcernantlesservicesdanslecadre des ACPr peuvent être non discriminatoires permetaussi de penser que les obstacles techniques ouéconomiques à l’élargissement multilatéral de cesengagements dans le cadre du Cycle de Doha seraientlimités.Ilfautespérerquelesengagementspréférentielsprispar plusieurs Membres de l’OMC seront repris dans leursoffres conditionnelles et donneront une impulsion auxnégociations de Doha sur les services. Ce n’est pas le casavec les offres qui sont actuellement sur la table, dont laplupartontétéprésentéesen2005,cequidonneàpenserqued’autresfacteurssontenjeu,soitdanslesnégociationsdeDoha, soit à l’intérieur despays.Unde ces facteursestpeut-êtreque,vulamultiplicationdesaccordscommerciauxpréférentiels au cours des dernières années, certains payssouhaitent conserver un moyen de pression dans lanégociationd’ACPr,danslesquellesdesengagementsallantau-delà de l’Accord général sur le commerce des services(engagementsAGCS+)sontéchangésentrelesparties(parexemple,contreunaccèspréférentielpourlesmarchandises),même si, au final, le résultat global est moins importantéconomiquement que ce que pourrait donner le Cycle deDoha,ycomprispourcespartiesàdesACPr.

Unautrefacteuràprendreenconsidérationestquepourlesservices, lesrèglesd’originen’ontpaslemêmepotentieldedistorsionquepourlesmarchandises.DanslesACPrsurlesservices, les règles d’origine sont généralement libérales,dans l’esprit de l’article V:6) de l’AGCS21, à quelquesexceptions près22, ce qui réduit l’effet «bol de spaghettis»(voirlasectionC).

Pour le mode 1 (fourniture transfrontières), les ACPr sontgénéralement axés sur la présence du fournisseur sur leterritoire plutôt que sur sa nationalité ou sur l’origine duservice, et le caractère originaire est accordé aux servicesfournispardesentités implantéesdansunpaysmembredel’ACPr. Pour le mode 2 (consommation à l’étranger), lanationalitédufournisseurn’estpas importantenonplus;cequicompte,c’est le territoiresur lequel leserviceest fourniet consommé. Pour le mode 3 (présence commerciale), lesrègles d’origine accordent généralement le caractèreoriginaire aux entreprises ayant des «opérationscommerciales substantielles» dans la région de l’ACPr,indépendamment de la nationalité des entrepreneurs. End’autres termes, laseuleexigenceest l’établissementd’uneprésence juridique avec un certain niveau d’activitécommercialedansl’undespaysmembresdel’ACPr.23

Dans d’autres domaines, comme les accords dereconnaissance mutuels (ARM) concernant les essais, lesrèglesd’originesontabsentes.Sideuxpays (lesÉtats-Uniset Singapour, par exemple) signent un accord aux termesduquellesÉtats-Unisacceptentlesproduitstestésdansleslaboratoires de Singapour, quelle que soit leur origine,Singapourpeutdevenirunpôlerégionalspécialisédans lesessais et l’évaluation de la conformité. Les pays voisins yenverront leursproduits pour les faire certifier avant de lesexporter vers les États-Unis. L’absence de règles d’origineentraîne automatiquement la multilatéralisation de l’ARMbilatéral sur les essais, ce qui réduit l’effet «bol despaghettis»(Baldwinet al.,1999).

Les dispositions des ACPr relatives à la politique de laconcurrencesontaussiessentiellementnondiscriminatoires(Teh, 2009; Dawar et Holmes, 2010). Les disciplines enmatière de concurrence s’appliquent généralement par lebiaisdelaréglementationintérieure.S’iln’estpasimpossibled’adapter la réglementation de manière à favoriser lesentreprises originaires des pays partenaires dans le cadred’unACPr,celapeutêtrecoûteuxetc’estencoreplusdifficilesi le pays est signataire de nombreux ACPr. Les règles detransparence,et,enparticulier,l’obligationdepublierlesloisqui favorisent la concurrence amènent à fournir desrenseignementsquisontmis(simultanément)àladispositiondesmembresdel’ACPretdesnon-membres.

Les obligations de fond énoncées dans les chapitres desACPr relatifs à la politique de la concurrence portentgénéralement sur l’application d’une loi sur la concurrenceou la création d’une autorité chargée de la concurrence.Dans lamesureoù l’applicationd’une loisur laconcurrencedans un pays réduit la puissance commerciale desentreprises en place, les entreprises étrangères, qu’ellessoient d’un pays membre de l’ACPr ou non, voient leursperspectives s’améliorer. Le respect des obligations enmatière de concurrence donne aussi la possibilité auxentreprisesétrangères(depaysmembresounonmembres)qui veulent entrer sur le marché de concurrencer lesentreprisesnationales.

Les dispositions relatives à la concurrence ont aussi deseffets positifs, surtout si elles sont inscrites dans desaccords régionaux (Dawar et Holmes, 2010). La créationd’une autorité régionale chargée de la concurrence peutprocurer des économies d’échelle. Même en l’absenced’autorité centralisée, l’échange d’information et lacoopération entre les autorités nationales peuvent êtreavantageux.Lefaitquel’autoritédelaconcurrenced’unpaysmembre de l’ACPr sanctionne un comportementanticoncurrentiel peut avoir un effet de démonstration pourlesautrespays.Enfindecompte,l’élaborationdenormesetdepratiquescommunesenmatièredeconcurrenceauseindel’ACPrempêcheral’arbitrageréglementaire,parlequellesentreprisess’implantentdanslepaysmembreoùlapolitiquedelaconcurrenceestlaplussouple.

Enfin, les ACPr peuvent faire directement référence auxrègles de l’OMC. Selon Lesser (2007), la majorité desdispositionsrelativesauxobstaclestechniquesaucommerce(OTC)figurantdanslesACPrconclusaprès1995réaffirmentlesdroitsetobligationsdespartiesautitredel’AccordOTCdel’OMCetfontréférenceàsesobjectifs.

En outre, la plupart des obligations de transparenceénoncées dans les ACPr ressemblent à celles qui figurentdansl’AccordOTC.Enfin,lesdispositionsquiexigentquelesparties fournissent une explication lorsqu’elles nereconnaissentpas lesmesuresou lesmécanismes liésauxnormessur lesquels repose lacoopérationentre lesparties(assistancetechnique,normalisationcommune...)peuventenfaitsouteniretaméliorerlamiseenœuvredel’AccordOTC,consolidantainsilesystèmecommercialmultilatéral.

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L’ouvertureprogressive de l’investissement étrangerdirect (IED) est unprocessus àplusieurs niveaux, combinant uneouvertureNPFautonome,desengagementsprisdanslecontexted’accordsd’investissementbilatéraux(plusde2700àcejour)24et,depuispeu,desengagementsprisdanslecadred’ACPr.Malgrélaprogressiondesdispositionsrelativesàl’investissementdanslesACPr,l’investissementresterégiessentiellementparlesaccordsd’investissementbilatéraux.

LesdispositionsdesACPrrelativesàl’investissementvisentgénéralementàencouragerlesfluxd’investissemententrelespaysmembres.Certainesvisentclairementàprotégerlesinvestisseurs,sansaccroîtrelesobstaclesàl’investissementdespaystiers(BaccinietDür,2010).LeschapitresdesACPrrelatifsàl’investissementénoncentengénéraldesnormesde traitementabsoluesquiassurentaux investisseursunminimumdeprotection.Biensouvent, ils reflètent l’étatde lalégislation nationale sur l’IED et les engagements pris dans de précédents accords d’investissement bilatéraux. Lesdispositionsrelativesàlaprotectiondesinvestissementssontsoitinclusesdirectementdansletextedel’accord,commedanslecasdesaccordssignésparlesÉtats-Unis,soitmentionnéesindirectement, lesaccordsdisposantalorsquelesinvestisseursdoiventêtretraitésconformémentaudroitinternationalcoutumier(Kotschwar,2009).

Onanotécependantquelaconclusiond’unACPrpeutêtresourcedediscriminationàl’égarddesinvestisseursdespaystiers qui sont désavantagés par rapport aux investisseurs des pays membres. Cela peut se produire de deux façons,directement ou indirectement (Baccini et Dür, 2010). Premièrement, la discrimination peut résulter directement del’inclusiondedispositionsouvrantcertainssecteursàl’investissementsurunebaseexclusivementpréférentielle.TouslesACPrcontiennentdesnormesdetraitementrelatives,àsavoir letraitementNPFet letraitementnational.25LaplupartdesACPrrécents,notammentceuxdesÉtats-Unisoudespaysasiatiques,prévoientgénéralementletraitementNPFetle traitement national dans toutes les phases de l’investissement (avant et après l’établissement).26 Les normes detraitementrelativespeuventconférerunavantagecompétitifauxinvestisseursdespaysmembresparrapportàceuxdespaystiers,enparticulierdanslesecteurdesservices.L’ACPrentrel’AustralieetlesÉtats-Unis,parexemple,assouplitlesprescriptions concernant l’examen par le gouvernement des IED des entreprises américaines en Australie (Baccini etDür,2010).

Deuxièmement,ladiscriminationenmatièred’investissementpeutrésulterindirectementdelaréductiondiscriminatoiredesdroitsdedouane.SupposonsquedesentreprisesdespaysAetBréalisentdesinvestissementsdeprospectiondanslepaysC.EllesachètentdesintrantsdansleurpaysetlesimportentdanslepaysCautarifNPFτC.UnACPrentreAetC, qui supprime lesdroits dedouanesur lesproduits intermédiairesprovenantdupaysA, établit unediscriminationàl’égard des investisseurs du pays B, qui sont désavantagés. Il y a cependant très peu de données empiriques surl’incidenceréelledecettediscrimination.

L’ampleurde ladiscriminationpotentielleenmatièred’investissementdépendaussides règlesd’origine inclusesdansl’ACPr.Des règlesd’origine libéralesdans lesecteurdesservices,parexemple, réduisent lesaspectsdiscriminatoiresdesdispositions relativesà l’investissementpour les fournisseursde services.Mais, la rigueurdes règlesd’origineenmatièred’investissementvarieconsidérablementselonlesACPr(BaccinietDür,2010).Deplus,ilfauttenircomptedelarelationentrelesdispositionsdesACPretcellesdesaccordsd’investissementbilatéraux.

Ces accords visent généralement à protéger les investissements déjà établis dans le pays d’accueil (DiMascio etPauwelyn,2008)engarantissantundédommagementencasd’expropriationetlerapatriementdesbénéfices.Danslespremiers accords signés, ce qui importait pour les gouvernements des pays d’accueil c’était de pouvoir faire unedistinction entre les investissements nationaux et les investissements étrangers, plutôt qu’entre les investisseursétrangers. Néanmoins, le pays d’accueil pouvait vouloir exercer un contrôle sélectif sur l’admission et les conditionsd’admissiondesinvestisseursétrangersdanslecadredesapolitiquedepromotiondesinvestissementsnationaux.Parexemple, il pouvait vouloir n’offrir des incitations qu’à certains investisseurs étrangers, sur une base discriminatoire.Malgrél’améliorationdesnormesdetraitementabsoluesdanslesaccordsd’investissementbilatérauxrécents,laplupartnecouvrenttoujourspaslepréétablissementoul’entréedesinvestissements, letraitementnationalet/ouletraitementNPF n’étant accordés qu’après l’entrée des investissements dans le pays. Pour cette raison, et aussi parce que cesaccords ne traitent pas des réductions tarifaires, Baccini et Dür (2010) font valoir qu’il est très peu probable qu’ilsréduisentladiscriminationenmatièred’investissementpouvantrésulterdesACPr

Ilconvientdenoterqueladiscriminationenmatièred’investissementn’entraînepasnécessairementuneréductiondesfluxd’IEDentrelespaysexclusetlespaysmembres.Ladiscriminationtarifairepeutamenerlesinvestisseursàcontournerlesdroitsdedouaneenétablissantuneinstallationdeproductiondansunpaysmembre,parlebiaisdel’IED,afind’éviterundroitdedouane.LesétudesquimontrentquelesACPrpeuventattirerl’IEDdespaystiers,commecelledeVeldeetBezemer (2006), ne fournissentdoncaucunélément indiquant que lesACPrne sontpas sourcedediscriminationenmatièred’investissement.

EncadréE.1:les dispositions des accords internationaux relatives à l’investissement peuvent-elles être discriminatoires à l’égard des tiers ?

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(b) LesACPrcontiennentplusieursmécanismesfavorablesàunelibéralisationpluspoussée

Premièrement, les ACPr contiennent parfois des clausesNPF pour les pays tiers. Ces clauses prévoient l’extensionaux partenaires de l’ACPr des préférences ou desconcessions que les pays membres ont accordées dans lepasséoupourraientaccorderdansl’aveniràdespaystiers.27Dans le cas des services et des marchés publics, parexemple,desdispositionsdecegenrevisentàfaireensortequelespartenairesbénéficientdesengagementsfutursplusavantageuxquiseraientprisenversdespaystierspartenaires(Fink et Molinuevo, 2008). Les dispositions de nombreuxACPr relatives aux marchés publics exigent des garantiesNPF des pays tiers pour éviter que des ACPr conclusultérieurementaillentàl’encontredesmarchéspréférentiels(Baldwinet al. ,2009).28

Deuxièmement, les ACPr ont tendance à reproduire lesmêmes règlesd’ouverturecommerciale car ils sont souventétablis sur la base de modèles. La disposition relative à laconcurrence dans les télécommunications, inspirée del’ALENAenestunexemple.SelonBaldwinet al. (2009), legrand nombre de pays qui ont repris cette disposition dansdesACPrporteàcroirequ’elledevientpeuàpeuunenorme.Ces auteurs avancent aussi que l’harmonisation avec unrégime réglementaire unique comportant un ensemblecommun de règles que les gouvernements appliquent auxentreprises privées dans de nombreux pays a tendance àfavoriserlaconcurrenceetlecommerceetcelanepeutpasêtreconsidérécommeunrégimepréférentiel.

Lesdispositionsde l’ALENA relativesà l’investissement,enparticulier les obligations de résultat, en sont un autreexemple. Ces dispositions se sont répandues en Amériquelatine et ailleurs. Quinze pays ont décidé de ne jamaisimposerd’obligationsderésultatauxinvestisseursétrangersde quelque pays qu’ils soient. Trente six autres se sontengagés à ne pas le faire, mais seulement à l’égard desinvestisseurs du Canada et des États-Unis (Baldwin et al.,2009).

Danslemêmeordred’idées,Andersonet al.(2010,page73)affirment que «les dispositions des ACPr relatives auxmarchés publics ont rendu possible l’augmentationimportantedunombredepartiesàl’Accordsurlesmarchéspublics(AMP),lorsquelespaysdécidentd’yadhérer».

Troisièmement, les dispositions d’intégration profondepourraient aussi avoir un effet dominos (Baldwin, 1993)allant dans le sens d’une extension progressive de l’accèspréférentielauxmarchés.Prenonsl’exempledel’AMP.Aprèsl’élargissement de l’UE de 15 à 25 membres, les parties àl’AMPnonmembresdel’UEontcommencéàrencontreruneplusforteconcurrencedansledomainedesmarchéspublicsdansles15Étatsdéjàmembres(delapartdesdixnouveauxvenus)etdanslesdixnouveauxmembres(delapartdes15anciens membres). Face à cette forme de détournementd’échanges,lespartiesàl’AMPnonmembresdel’UEontfaitpression sur les nouveaux membres de l’UE pour qu’ilsaccèdentà l’AMP.29Onobserveuneffetdominosanaloguedanstouslescasoùdespaysexclusd’unACPrsontamenésà adopter des dispositions semblables à celles qu’ont

adoptées les pays membres de l’ACPr pour éviter undétournement d’échanges. L’application, par les pays del’Associationeuropéennedelibre-échange(AELE),derèglesde concurrence calquées sur celles des pays de l’UE peutêtreconsidéréecommeunmoyende faireensorteque lesentreprisesdespaysdel’AELEnesoientpasdésavantagéespar rapport à celles de l’Union européenne (Baldwin et al. ,2009).

(c) Leseffetsdupartagemondialdelaproduction

La fragmentation internationale de la production peutmodifier les forces d’économie politique dans un sensfavorableà l’adoptiondemesurestarifairesetnontarifairesmoinsdiscriminatoiresetpluscompatiblesaveclesprincipesdu système commercial multilatéral. Le raisonnementsous-jacent peut être illustré par l’exemple du système decumulpaneuropéendel’origine(Baldwinet al.,2009).

Dès lesannées1990, lesentreprisesdespaysde l’UEontcommencéàdélocaliserlesstadesdeproductionnécessitantune main-d’œuvre abondante dans les pays voisins à bassalaires.Enmême temps, l’Unioneuropéenne a concludesaccordsbilatérauxavecplusieurspaysd’Europecentraleetorientale et du sud de la Méditerranée. Ces accordscontenaient des règles d’origine non harmonisées, ce qui aproduit un «enchevêtrement des règles» qui empêchait lesentreprises de se procurer des biens intermédiaires auprèsdesfournisseurslesmoinschers(Gasioreket al.,2009).

En outre, la réduction des activités de production dansl’Unioneuropéenne,égalementdueàlaconcurrencedepaysémergentsd’AsietelsquelaChine,aentraînéunediminutiondu nombre et de l’influence politique des producteurseuropéensdebiensintermédiairesquibénéficiaientdel’effetprotectionniste de l’enchevêtrement de règles. Les forcesd’économie politique sont alors devenues favorables àl’harmonisationdesrèglesd’originedans lecadredesACPrpour éviter le coût lié à la multiplicité des prescriptionsadministratives, et pour permettre le cumul diagonal (grâceauquel les producteurs de produits finis de l’UE peuvents’approvisionner en intrants dans un plus grand nombre depayssanscraindredeperdrelestatutdeproduitoriginaire).C’est ce qu’a permis l’adoption du système de cumulpaneuropéenen1997.30

La fragmentation internationalede laproductionpeutaussiencouragerl’intégrationprofondeetl’extensionmultilatéraledes dispositions profondes. Les obstacles techniques aucommerce (OTC), l’ouverture des marchés de services et laprésence de mesures contingentes dans les engagementscommerciaux en donnent des exemples (Baldwin et al., 2009).Danslecasdesobstaclestechniquesaucommerce,le morcellement de la production peut expliquer en partiel’adoption de normes internationales, du moins pour lespiècesetlescomposants,danslessecteurscaractérisésparun approvisionnement mondial (électronique, par exemple).Encequi concerne l’ouverturedesmarchésde services, ladélocalisation peut inciter les pays à appliquer des normesinternationales pour améliorer la compétitivité de leursexportateurs et rendre leurs marchés de services plusattractifspourlesinvestisseursétrangers.

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Enfin, lemorcellementdelaproductionpeutinciteràétablirde nouvelles règles multilatérales concernant les mesurescontingentes telles que les mesures de sauvegarde, lesmesures antidumping et les mesures compensatoires dansles engagements commerciaux. Lorsque les entreprisesexternalisent, elles préfèrent les mesures qui dissuadentd’imposer des mesures contingentes dans le plus grandnombrepossiblederelationscommercialesbilatérales,plutôtque dans une relation particulière. C’est pourquoi lesproducteurs sont favorables à l’adoption d’un ensemble derèglescommunesousemblablesconcernantl’applicationdemesurescontingentes(Baldwinet al.,2009).

(d) Relationentrelessystèmesderèglementdesdifférendsdel’OMCetdesACPr

Comme on l’a vu dans la section D, la plupart des ACPrprévoient un mécanisme de règlement des différends.Porges(2010)étudiecesmécanismesqu’elleclasseentroiscatégories: i) les mécanismes diplomatiques ou politiques(Associationlatino-américained’intégration–ALADI);ii)lestribunaux permanents (Union européenne, Communautéandine);et iii) lesprocéduresdegroupesspéciaux(ALENAetautresALEsignésparlesÉtats-Unis,ALEdel’UEavecleChili, la République de Corée et le Mexique, mécanisme

renforcé de règlement des différends de l’Association desNations d’Asie du Sud-Est, Marché commun du Sud– MERCOSUR). L’étude montre que le renvoie à un groupespécialestlemodèledominantdemécanismederèglementdes différends dans le cadre des ACPr. Ramirez Robles(2006) utilise un classement légèrement différent quidistingue: i) les mécanismes diplomatiques; ii) lesmécanismes quasi juridictionnels; et iii) les mécanismeshybrides (ayant des caractéristiques des deux autresmodèles).

La relation entre les mécanismes de règlement desdifférends de l’OMC et des ACPr a reçu une attentionconsidérabledanslalittératuresurlecommerce,etcertainscommentateursontévoquélesrisquesquepeutcomporterlacoexistence à différents niveaux (multilatéral, régional etbilatéral) de mécanismes de règlement des différends dontles compétences peuvent se chevaucher. Dans cettesous-section, nous décrirons d’abord les chevauchementspossiblesentrelessystèmesderèglementdesdifférendsdel’OMC et des ACPr. Puis nous examinerons lespréoccupations qui ont été exprimées à ce sujet et lesrecommandationsquiontétéfaitespourréduire lesrisquesde conflit. Nous passerons ensuite en revue les quelquesaffairesportéesdevantl’OMCdanslesquelleslaquestiondela relationentre lesystèmede règlementdesdifférendsde

Encadré E.2: Comment rendre les règles d’origine plus compatibles avec le système commercial multilatéral

Ilaétédit,danscerapport,quelesrèglesd’originepeuventrenforcer l’effet«boldespaghettis»desACPr.Faceàceteffet indésirable, divers commentateurs ont plaidé pour une réforme des règles d’origine qui les rendraient plustransparentesetpluscompatiblesaveclesprincipesdusystèmecommercialmultilatéral(voir,parexemple,CadotetdeMelo, 2007).31 Dans cet encadré, nous examinons le système de «plafonnement et de convergence» proposé parEstervadeordal et al. (2009a) et soutenu par Baldwin et Thornton (2008), fondé sur les deux concepts de«multilatéralisation»etde«convergence».

La«multilatéralisation»desrèglesd’originesignifiel’établissementderèglesmultilatéraleslimitantlecaractèrerestrictifet la complexité des règles d’origine dans les ACPr (Estevadeordal et al., 2009a). Selon les auteurs, de telles règlespermettraientdefaireensorte«qu’aumoinslesméthodesdeproductionadmisesdansunsecteurdonnérestentassezsemblablessur tous lesmarchésd’exportation».L’idéal, seloneux, serait que lamultilatéralisationailledepair avec la«convergence», c’est-à-dire «l’unificationdesmultiplesACPrqui sechevauchentenuneseule zonedecumulavecunnouvelensembleuniquederèglesd’origine»,commedanslesystèmedecumulpaneuropéen.

Lesystèmeproposéde«plafonnementetdeconvergence»amélioreraitlatransparence(undesprincipesfondamentauxdusystèmecommercialmultilatéral).Ilpourraitaussiêtresoumisauxdisciplinesdel’OMC.Estevadeordalet al.(2009a)suggèrent que les règles d’origine non préférentielles négociées actuellement à l’OMC pourraient être le point deréférencemondialpourcomparerlecaractèrerestrictifglobaldesrèglesd’origined’unACPrdonné.Ledispositifseraitanalogue à la prescription de l’article XXIV de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) quiplafonne letarifextérieurd’uneuniondouanièreà lamoyennedesdroitsappliquésavantpar lesmembres(BaldwinetThornton, 2008). Cela donne une autre bonne raison de conclure les négociations de longue haleine sur les règlesd’originenonpréférentiellesàl’OMC.

Lecouplagedelaconvergenceetduplafonnementestjustifiéparlefaitquel’élargissementdeszonesdecumulaccroîtleséchanges,enparticulierentrelespaysquisontactuellementàlapériphériedusystèmeenétoile(voirlasectionC).Toutefois, le caractère restrictif observé des règles d’origine est corrélé positivement à la taille de la zone de cumul,mesuréeparlePIBcombinédesmembres(Estevadeordalet al.,2009b).Deszonesdecumulpluslargespourraientdoncimpliquer à terme des règles d’origine très restrictives qui serviraient à isoler la production dans chaque zone etaugmenteraient ainsi le détournement d’échanges tout en réduisant l’efficience globale. Le détournement d’échangesjustifie, pour les pays tiers, la participation de l’OMC aux efforts de multilatéralisation visant à limiter le caractèreglobalementrestrictifdesrèglesd’originedansunezonedecumuldonnée.

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l’OMC et celui d’un ACPr a été soulevée. Enfin, nousprésenterons des données sur l’utilisation du système derèglementdesdifférendsdel’OMCparlesMembresquisontpartiesàunACPr.

(i) Chevauchement des compétences

L’article23:1duMémorandumd’accordsurlerèglementdesdifférends de l’OMC dispose que «(l)orsque des Membreschercheront à obtenir réparation en cas de violationd’obligations ou d’annulation ou de réduction d’avantagesrésultantdesaccordsvisés,oud’entraveàlaréalisationd’unobjectifdesditsaccords,ilsaurontrecoursetseconformerontauxrèglesetprocéduresduprésentmémorandumd’accord».L’Organe d’appel a expliqué que «l’article 23:1 énoncel’obligation fondamentale pour les Membres de l’OMC derecourirauxrèglesetprocéduresduMémorandumd’accordlorsqu’ils cherchent àobtenir réparationen casde violationdesaccordsvisés»et«disposequelesystèmederèglementdes différends de l’OMC constitue le cadre exclusif derèglementdecesdifférends».32(Rapportdel’Organed’appelÉtats-Unis/Canada – Maintien de la suspension d’obligations ,paragraphe371).

Le recours au système de règlement des différends del’OMC est possible lorsqu’un Membre considère qu’unavantagerésultantpourluidirectementouindirectementdesAccordsdel’OMCestcompromispardesmesuresprisesparunautreMembre.Ainsi,enprincipe,unMembredel’OMCnepeutpasrecourirausystèmederèglementdesdifférendsdel’OMCpouruneviolationalléguéed’uneobligationdécoulantd’unACPr.33Lerisquedechevauchementapparaîtlorsqu’unequestionrelèveàlafoisdel’OMCetdel’ACPr.Porges(2010)faitobserverque«presque tous lesACProntdesélémentscommuns avec l’Accord sur l’OMC, puisque dans les deuxcas, le traitement national est exigé et les restrictionsquantitatives du commerce sont interdites. En fait, denombreux ACPr incorporent simplement par référence lesdispositionsdesarticlesIIIetXIduGATT».

LesACPrréglemententdemanièredifférentelarelationentreleur propre systèmede règlementdesdifférendset celui del’OMC. Porges (2010) distingue quatre approches. La plusfréquenteestcellede la«bifurcation»,quipermetà lapartiequiengagelaprocéduredechoisirentrelecadremultilatéralet le cadre régional. Mais une fois que la procédure estengagéedevantuneinstance,iln’estpluspossibledechoisirl’autre option, que ce soit le mécanisme de l’ACPr ou lemécanismemultilatéral(voir,parexemple,l’ALENAetl’accordentre laColombieet l’UE).L’ALENAcontientunedisposition(article2005(4))quipermetaudéfendeurdedemanderqu’undifférend relatif à l’environnement soit examiné au niveaurégional, même si la partie plaignante a choisi, au départ, lemécanisme multilatéral. Cet article fait actuellement l’objetd’un différend entre les États-Unis et le Mexique (qui seraexaminéplus loin).Une troisièmeapproche,beaucoupmoinsutilisée dans les ACPr, consiste à faire du mécanisme del’ACPr la seule instance compétente pour examiner lesquestions relevant de l’accord. Les ACPr entre l’UE et leMexiqueetentrel’UEetleChiliontadoptél’approcheinverse,exigeant que les différends portant sur une violation d’uneobligation découlant de l’ACPr qui est en substanceéquivalenteàuneobligationauregarddel’OMCsoientportésdevantl’OMC(Porges2010).

De nombreux facteurs influent sur la décision d’un pays desaisir une instance plutôt qu’une autre lorsqu’il a le choix.HorlicketPiérola(2007)examinentlesfacteursquipeuventêtre pertinents, tels que: le type de mesure contestée, ledroit applicable, les questions de représentativité, la duréedes procédures, les mesures correctives possibles et lapossibilité que d’autres pays participent à la procédure entant que tierces parties. Selon ces auteurs, «le prudentprocessus de décision conduisant au choix de l’instanceappropriée veut que tous ces facteurs soient soupesés etmis en balance en fonction des besoins et des objectifsultimesduplaignant».

(ii) Préoccupations concernant la coexistence du système de règlement des différends de l’OMC et des mécanismes de règlement des différends des ACPr

Lespréoccupationsexpriméesausujetdelacoexistencedusystème de règlement des différends de l’OMC et desnombreux mécanismes de règlement des différends desACPr tournent autour de deux séries de questions. Lapremière découle de l’idée que la prolifération desmécanismesderèglementdesdifférendsdesACPrpourraitaffaiblirlesystèmederèglementdesdifférendsdel’OMCentantquebienpublic.Les tenantsdecetteopinionestimentquelesystèmederèglementdesdifférendsdel’OMCadesexternalités positives pour les Membres qui ne sont paspartiesàundifférend.

Drahos (2005), par exemple, note que l’interprétation desAccords de l’OMC confère une plus grande certitude auxrègles de l’OMC. Il note aussi que lorsqu’un Membredéfendeur met une mesure contraire aux règles enconformité avec ses obligations, tous les Membres enprofitent en vertu du principe NPF. C’est pourquoi l’auteurpropose que, lorsqu’un différend porte sur une questionrelevantà la foisde l’OMCetde l’ACPr, il soitportédevantl’OMC. Davey et Sapir (2009) ont, eux, une approchedifférente et proposent que l’OMC demande que sesMembresquinesontpaspartiesàunACPrsoientautorisésà participer en tant que tierces parties au règlement desdifférendsdanslecadredesACPr.

Lasecondesériedequestionsatraitàl’idéequ’undifférendpeut être soumis à la fois au mécanisme de règlement desdifférends de l’OMC et à celui d’un ACPr. Cette possibilitéfaitcraindreunmanqued’efficacitédûaufaitdejugerdeuxfoisdesaffairessemblableset,surtout,unmanqued’équitévis-à-vis de la partie défenderesse qui devrait se défendredevant deux instances (voir Kwak et Marceau, 2006). Onpeut craindre aussi une situation extrême dans laquelle lesinstancesdel’OMCetdel’ACPrrendraientparallèlementousuccessivement des décisions contradictoires. Pour réduirece risque il faut inscrire dans les ACPr des clausesjuridictionnellesplusstrictesafind’empêcherqu’undifférendsoit soumis aux deux instances à la fois ou qu’un différendportantsurunequestionrelevantd’unACPrsoitportédevantl’OMC (Marceau et Wyatt, 2010). On peut toutefois sedemander dans quelle mesure ces clauses s’imposeraientauxorganesderèglementdesdifférendsdel’OMC.

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À l’autre extrême, il y a le risque de voir la juridiction del’OMC progressivement exclue. Il semble, pour le moment,quepeud’ACPrexcluenttotalementlerecoursaumécanismederèglementdesdifférendsdel’OMC,lechoixdel’instanceétant généralement laissé à la partie plaignante. Lesdonnées examinées ci-après montrent qu’un nombreimportant de différends entre Membres de l’OMC qui sontparties à un ACPr sont toujours soumis au système derèglement des différends de l’OMC. Certains pourraientaussidemanderdemodifier leMémorandumd’accordsur lerèglement des différends de l’OMC pour réglementer larelation avec les mécanismes de règlement des différendsdes ACPr. Mais cette approche n’a pas été retenue par lesMembres de l’OMC dans les négociations menéesactuellementpouraméliorerleMémorandumd’accord.

La littérature théorique examine d’autres dispositifs pluscomplexessusceptiblesderéduire le risquedeconflitetdepromouvoir une plus grande cohérence entre le systèmemultilatéralde règlementdesdifférendset lesmécanismesdes ACPr. Il a été question, par exemple, d’exiger que lesprocédures de règlement des différends d’un ACPr soientépuiséesavantqu’uneprocédurepuisseêtreengagéedevantl’OMC(voirKwaketMarceau,2006). Ilaétésuggéréaussidecréerundispositifpermettantlerenvoipréliminaireparlemécanisme de règlement des ACPr devant l’OMC desaffaires qui concernent l’interprétation des dispositions desAccordsdel’OMC(Kuijper,2010).

Les commentateurs se réfèrent aussi à plusieurs principesdudroitinternationalauxquelsilpourraitêtrefaitappelpouréviterourésoudrelesconflitsdecompétences.34Leprincipede la chose jugée (res judicata) ou de la finalité signifiequ’une question tranchée par une instance juridictionnellecompétente ne peut pas faire l’objet d’une nouvelleprocédure. Le principe de litige pendant (lis alibi pendens),quantà lui, fait référenceauxprocéduresparallèleset veutqu’un différend en instance devant une juridiction ne peutpas être porté devant une autre juridiction. Toutefois, pourque ces principes s’appliquent, il doit exister un «lienindissociable» entre les procédures, ce qui signifiegénéralement, qu’il doit y avoir identité des parties et desquestions (Shany, 2005). Par conséquent, l’application deces principes peut être évitée dans certainescirconstances.35

Selonleprincipedecourtoisie,ouforum non conveniens ,uneinstance juridictionnelle peut ne pas vouloir se saisir d’uneaffaire si elle estime qu’il serait plus approprié qu’un autretribunals’ensaisisse. Ilyaunvifdébatsur l’applicabilitédecesprincipespourréglerunéventuelconflitdecompétenceentrelesystèmederèglementdesdifférendsdel’OMCetlemécanisme de règlement des différends d’un ACPr (voirKwak et Marceau, 2006). Les Membres de l’OMC peuventrecourir, de plein droit, au système de règlement desdifférendsde l’OMC; ils n’ont pasbesoindedemanderuneautorisationpourengageruneprocédureenvertudesrèglesactuelles. C’est pourquoi certains considèrent quel’applicationdecesprincipesneseraitpossiblequ’avecunemodificationdesrègles.

Comme nous le verrons plus loin, la question de la relationentre le système de règlement des différends de l’OMC et

les mécanismes de règlement des différends des ACPr n’aété soulevée que dans quelques affaires portées devantl’OMC. Jusqu’à présent, le risque de conflit ne s’est pasréalisé comme certains le craignaient.36 Cela ne veut pasdirequ’il n’estpas importantde réfléchirauxquestionsqueposelacoexistencedusystèmederèglementmultilatéraletdesmécanismesderèglementdesACPr.

(iii) Questions relatives au règlement des différends dans le cadre des ACPr soulevées dans des différends portés devant l’OMC

Commenous l’avonsvuprécédemment, ilaétéquestiondela relationentre lemécanismede règlementdesdifférendsde l’OMC et des ACPr dans quelques différends soumis àl’OMC. Dans l’affaire Argentine – Viande de volaille, l’Argentine a fait valoir que le Brésil était empêché par leprincipe de «l’estoppel» d’engager une procédure devantl’OMC parce qu’il avait déjà contesté les mesuresantidumping dans le cadre du MERCOSUR. Le Groupespécialarejetécetargument,disantqu’il«n’y[avait]dansledossier aucun élément de preuve indiquant que le Brésil[avait]faitunexposéexprèsselonlequel iln’engageraitpasuneprocédurederèglementdesdifférendsàl’OMCausujetde mesures précédemment contestées dans le cadre duMERCOSUR».Deplus,legroupespécialafaitlaconstatationsuivante:

«En particulier, le fait que le Brésil a choisi dene pas exercer ses droits en matière derèglement des différends à l’OMC à l’issue deprocédures de règlement des différendsengagées précédemment dans le cadre duMERCOSURnesignifiepas,selonnous,que leBrésil a implicitement renoncé à ses droits autitre du Mémorandum d’accord. Cela tientspécialement au fait que le Protocole deBrasilia, au titreduquel lesaffairesavaientétéprécédemment soumises par le Brésil dans lecadre du MERCOSUR, n’impose aucunerestriction quant au droit du Brésil d’engagerultérieurementuneprocédurederèglementdesdifférendsàl’OMCausujetdelamêmemesure.Nousnotonsque leBrésil asigné leProtocoled’Olivos en février 2002. L’article premier duProtocole d’Olivos dispose qu’une fois qu’unepartie a décidé de déposer un recours devantl’instance de règlement des différends duMERCOSURoucellede l’OMC,cettepartienepeut pas déposer ultérieurement un recoursconcernant le même objet devant l’autreinstance. Le Protocole d’Olivos, toutefois, nemodifie pas notre évaluation, étant donné qu’iln’estpasencoreentréenvigueuretqu’en toutétat de cause, il ne s’applique pas pour ce quiestdesdifférendsdéjàréglésconformémentauProtocole de Brasilia établi dans le cadre duMERCOSUR.Eneffet, lefaitquelespartiesauMERCOSUR ont ressenti la nécessitéd’introduire le Protocole d’Olivos nous donne àpenser qu’elles ont reconnu que (en l’absenced’untelprotocole)uneprocédurederèglement

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des différends dans le cadre du MERCOSURpouvait être suivie d’une procédure derèglementdesdifférendsàl’OMCausujetdelamême mesure.» (rapport du Groupe spécialArgentine – Viande de volaille, paragraphe7.38)

L’ArgentineafaitvaloiràtitresubsidiairequesileBrésilétaiten droit d’engager la procédure à l’OMC, «alors le Groupespécial [était] lié par la décision antérieure du MERCOSURconcernant la mesure en cause en l’espèce», puisque «ladécisionantérieureduMERCOSUR [faisait]partieducadrenormatif qui [devait] être appliqué par le Groupe spécialconformémentàl’article31.3c)delaConvention de Vienne».Cet argument a aussi été rejeté par le Groupe spécial, quis’enestexpliquédelafaçonsuivante:

«Au lieu de s’intéresser à l’interprétation desAccords de l’OMC, l’Argentine fait en réalitévaloirque ladécisionantérieureduTribunalduMERCOSUR nous oblige à nous prononcerd’une façon particulière. En d’autres termes,l’Argentine voudrait nous faire appliquer lesdispositions pertinentes de l’OMC d’une façonparticulière et non nous les faire interpréterd’une façon particulière. Toutefois, il n’y a riendans l’article 3:2 du Mémorandum d’accord, nidans aucune autre disposition, qui laisseentendre que nous sommes tenus de nousprononcer d’une façon particulière oud’appliquer les dispositions pertinentes del’OMC d’une façon particulière. Nous notonsquenousnesommesmêmepastenusdesuivreles décisions figurant dans les rapports degroupesspéciauxdel’OMCquiontétéadoptés,aussinousnevoyonspasdutoutpourquoinousdevrionsêtreliéspar lesdécisionsrenduespardesorganesderèglementdesdifférendsquinerelèvent pas de l’OMC.» (rapport du Groupespécial Argentine – Viande de volaille,paragraphe7.41)

LerapportduGroupespécialdanscetteaffairen’apasfaitl’objetd’unappel.

Laquestions’estaussiposéedans l’affaireMexique – Taxes sur les boissons sans alcool, dans laquelle les États-Uniscontestaient certaines mesures fiscales et prescriptions enmatière de comptabilité appliquées par le Mexique auxboissons sans alcool et autres boissons contenant desédulcorantsautresque lesucredecanne.LeMexiquea faitvaloirqueledifférendsoumisàl’OMCétait«indissociablementlié à un différend plus large concernant l’accès du sucremexicainaumarchédesÉtats-Unisenvertudel’ALENA».Ilademandé au Groupe spécial de décliner l’exercice de sacompétencedanscedifférend.SelonleMexique,lesgroupesspéciaux de l’OMC ont «certains pouvoirs juridictionnelsimplicites», et cespouvoirs incluent «lepouvoirdes’abstenird’exercersacompétencesur le fonddansdescirconstancesoù «les éléments essentiels ou prédominants d’un différendrésultentderèglesdudroit internationalautitredesquellesiln’est pas possible de donner un effet juridictionnel à desallégationsdanslecadredel’OMC,tellesquelesdispositionsde l’ALENA»oubien «lorsque l’unedespartiesaudifférendrefusedeporterlaquestiondevantl’instanceappropriée»».

L’Organed’appelaconfirmélaconstatationduGroupespécialselon laquelle, en vertu du Mémorandum d’accord sur lerèglement des différends, il n’avait pas le pouvoirdiscrétionnairededécliner l’exercicedesacompétencedanscetteaffaire.Mais,avantd’arriveràcetteconclusion,l’Organed’appelanotéqueleMexiquen’avaitpasfaitvaloirquel’objetet les positions respectives des parties étaient identiquesdanslesdifférendsportésdevantl’ALENAetdevantl’OMC,etque le Mexique n’avait pas déterminé le fondement juridiquequi lui permettrait de soulever, dans une procédure derèglement des différends relevant de l’OMC, les allégationsrelativesà l’accèsaumarchéqu’il faisait valoirdans lecadrede l’ALENA. D’autre part, personne ne contestait qu’aucungroupe spécial de l’ALENA n’avait jusque-là tranché le«différendpluslarge»auquelleMexiquefaisaitallusion,etleMexique avait expressément reconnu que la «claused’exclusion» de l’article 2005(6) de l’ALENA n’avait pas étéappliquée. Ainsi, l’Organe d’appel «[n’exprimait] aucuneopinionsurlepointdesavoirs’ilexisteraitunobstaclejuridiqueàl’exercicedelacompétenced’ungroupespécialenprésenced’éléments tels que ceux qui [étaient] exposés ci-dessus»(rapportdel’Organed’appelMexique – Taxes sur les boissons sans alcool,paragraphes44à57)

Uneautreaffaireexaminéedanslalittératureestledifférendentre le Canada et les États-Unis sur l’imposition par cesderniersdedroitsantidumpingetdedroitscompensateurssurles importationsdeboisd’œuvre résineuxenprovenanceduCanada.Différentsaspectsdecedifférendontétéportésàlafoisdevantl’OMCetdevantl’ALENA.Àunmomentdonné,ungroupespécialde l’ALENAaestiméque ladéterminationdel’existenced’undommageétablieparl’autoritédesÉtats-Unischargée de l’enquête laissait à désirer, alors que le groupespécial de l’OMC l’a confirmée. Ce conflit a finalement étéréglé quand la décision du groupe spécial de l’OMC a étéinfirméeparl’Organed’appel(Hillman,2009).37

Laquestiondelarelationentrelesmécanismesderèglementdesdifférendsdel’ALENAetdel’OMCarefaitsurfacedansun différend plus récent opposant le Mexique et lesÉtats-Unis. En 2009, le Mexique a demandé qu’un groupespécial de l’OMC examine la compatibilité de certainesprescriptions concernant l’étiquetage « dolphin safe » desproduitsduthonauxÉtats-Unis(WT/DS381/4).Enréponse,les États-Unis ont invoqué l’article 2005(4) de l’ALENA quiexige, selon eux, que dans certains différends, si la partiedéfenderesseenfaitlademande,l’ALENAsoitleseulcadrepossiblepourlerèglementdudifférend,àl’exclusiondetoutautre.LesÉtats-Unisontengagéuneprocédureau titredel’ALENA, contestant la décision du Mexique de ne pasrenvoyer le différend de l’OMC à l’ALENA, comme ils ledemandaient (Représentant des États-Unis pour lesquestionscommercialesinternationales–USTR,2010).Lesdeuxprocéduressuiventactuellementleurcours.

(iv) Différends entre Membres de l’OMC parties à des ACPr

Danscettesection,onexaminera lesdonnées relativesauxdifférends entre Membres de l’OMC qui sont parties à unACPr. Les chiffres concernant le nombre de différendscorrespondent aux demandes de consultations, qui sont lapremièreétapedelaprocédurederèglementdesdifférends

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à l’OMC. Ilsportent sur laparticipationdecesMembresentant que plaignants ou défendeurs, mais non en tant quetierces parties. En outre, seule la procédure de règlementdesdifférendsdel’OMCestpriseenconsidérationetonnecherche pas à savoir si ces différends auraient pu êtreexaminés dans le cadre du mécanisme de règlement del’ACPr. Une analyse plus complète aurait certes exigél’examen de ce point, mais les données fournissent quandmêmedesindicationsutiles.

Ellesmontrent,premièrement,quelesMembresdel’OMCpartiesàdesACPrcontinuentderecourirfréquemmentausystèmederèglement des différends de l’OMC pour résoudre leursdifférendscommerciaux(laméthodeemployéedanslestableauxE.1àE.3etdanslafigureE.1estexpliquéedansl’encadréE.3).

Commel’indiqueletableauE.1,82des443différendssoumisàl’OMC jusqu’en 2010 opposaient des Membres (plaignants etdéfendeurs) qui étaient parties à l’époque à un ACPr. LesdifférendsentrepartiesàdesACPrreprésentent19pourcentdunombretotaldedifférends.Laproportionestplusélevéelorsqueleplaignantestunpaysendéveloppement (28pourcent)quelorsqu’ils’agitd’unpaysdéveloppé(13pourcent).Celas’expliqueprobablementparlefaitquelesÉtats-Unis,l’Unioneuropéenne,leJaponet laChinen’ontpasconclud’ACPrentreeuxetqu’ilsontétépartiesàdenombreuxdifférends.

La plupart des différends entre parties des ACPr portésdevantl’OMCl’ontétépardespartiesàl’ALENA,maisaussi,comme l’indique la figure E.1, par des Membres de l’OMCpartiesàd’autresACPr.

TableauE.1:Fréquence des demandes de consultations, selon le niveau de développement et l'existence d'aCPr en vigueur entre les parties, 1995-2010 (NombretotaldepairesdeMembres/pairesayantunACPrenvigueur)

PlaiGNaNT

Pays développés Pays en développement

PMa TOTal

FE

ND

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Paysdéveloppés 154/24 115/10 0/0 269/34

Paysendéveloppement

102/8 71/39 1/1 174/48

PMA 0/0 0/0 0/0 0/0

TOTal 256/32 186/49 1/1 443/82

Source :Secrétariatdel'OMCd'aprèslabasededonnéesdelaDivisiondesaffairesjuridiquesetlabasededonnéessurlesACPr.Letableautientcomptedes419demandesdeconsultationsprésentéesdanslesdocumentsdelasérieWT/DSau31décembre2010,quicorrespondentàuntotalde443pairesdeMembres(plaignantdéfendeur).Voirl'encadréE.3.

FigureE.1: aCPr en vigueur au moment de la demande de consultations, 1995-2010

Source :Secrétariatdel'OMC.

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Comme l’indique le tableau E.2, la proportion de différendsentre Membres de l’OMC parties à des ACPr n’a cesséd’augmenter depuis 1995 pour atteindre un pic de 50 pourcenten2005.Elles’estensuiteétablieàenviron30pourcent,mais elle était bien inférieure en 2009. L’augmentationcontinue de la proportion de différends entre parties à desACPrpeuts’expliquerenpartieparlanégociationdenouveauxACPr, mais elle est sans doute due davantage à ladiversification des parties qui recourent au système derèglementdesdifférendsdel’OMC.Unaspectintéressantquiressort du tableau E.2 est que la proportion de différendsentre parties à des ACPr allant jusqu’au stade du groupespécial(45pourcent)esttrèsprochedelamoyennegénérale,cequiindiquequ’undifférendentrepartiesàunACPraautantde chances d’être réglé au stade des consultations qu’undifférendentredespaysnonpartiesàunACPr.

Le tableau E.3 compare le nombre de fois où un accord del’OMCafaitl’objetd’undifférendentrepartiesàunACPretlenombre de fois où il a été invoqué dans l’ensemble desdifférends.Pourcertainsaccords,ladifférenceestimportante,maisilestsouventdifficiled’entirerdesconclusionsenraisondupetitnombrededifférendsrelatifsàcertainsaccords.Lesaccords les plus fréquemment invoqués dans les différendsentre parties à des ACPr sont le GATT de 1994, l’Accordantidumping, l’Accord sur les subventions et les mesurescompensatoires (SMC), l’Accord sur les sauvegardes etl’Accord sur l’agriculture. Il est intéressant de noter que lesdifférends concernant les subventions et les sauvegardesreprésentent une part plus importante des différends entreparties à un ACPr (intra-ACPr) que de l’ensemble desdifférends,tandisquelesdifférendsintra-ACPrconcernantleGATTde1994enreprésententunepartplusfaible.

TableauE.2:demandes de consultations, par année et selon la procédure qui a suivi, 1995-2010

Annéedelademandedeconsultations

demande de consultations établissement d'un groupe spécial

Nombretotaldedemandesdeconsultations

Nombretotaldepairesde

Membres

PairesliéesparunACPr Nombretotaldegroupes

spéciauxétablis

Nombretotaldepairesde

Membres

PairesliéesparunACPr

Nombre Part(%) Nombre Part(%)

1995 22 25 1 4.0 12 12 0 0.0

1996 42 50 3 6.0 19 24 1 4.2

1997 47 47 2 4.3 20 20 1 5.0

1998 43 43 3 7.0 15 15 1 6.7

1999 31 35 4 11.4 17 17 1 5.9

2000 30 30 7 23.3 11 11 3 27.3

2001 27 36 12 33.3 11 20 7 35.0

2002 34 34 7 20.6 23 23 5 21.7

2003 28 28 9 32.1 16 16 4 25.0

2004 20 20 5 25.0 9 9 1 11.1

2005 12 12 6 50.0 5 5 1 20.0

2006 18 18 6 33.3 13 13 4 30.8

2007 15 15 5 33.3 7 7 4 57.1

2008 17 17 4 23.5 10 10 4 40.0

20091 16 16 2 12.5 n.a. n.a. n.a. n.a.

20101 17 17 6 37.5 n.a. n.a. n.a. n.a.

TOTal 419 443 82 18.5 188 202 37 18.3

Note :Pourchaqueligneprésentée,leschiffrescorrespondentàl'annéedanslaquellelademandedeconsultationsaétéprésentée(c'est-à-dire qu'ils se rapportent toujoursaumêmegroupededemandesdeconsultations faites cetteannée làet nonaunombredegroupesspéciauxétablisdansuneannéeparticulière).

1Leschiffrescorrespondantaunombredegroupesspéciauxétablispendantlapériode20092010,n'ontpasétéprisencomptecarilsnesontpascomparables(enraisondesprocéduresencours).

Source :Secrétariatde l'OMCd'après labasededonnéesde laDivisiondesaffaires juridiqueset labasedeconnéessur lesACPr.Voirl'encadréE.3.

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TableauE.3: accords de l'OMC invoqués dans les demandes de consultations, 1995-2010

Accorddel'OMC

Nombre de références aux accords1

dans les demandes où la paire de Membres a un aCPr en vigueur

NombrePart

(pourcentage)Nombre

Partdunombrederéférencesdansles

différendsentrepartiesàunACPR

(pourcentage)

Partdunombretotalderéférences(pourcentage)

GATT de 1994 (ajusté)2 227 31.0 31 23.7 13.7

SMC 86 11.7 16 12.2 18.6

Antidumping 84 11.5 27 20.6 32.1

Agriculture 66 9.0 12 9.2 18.2

OTC 41 5.6 7 5.3 17.1

Sauvegardes 38 5.2 15 11.5 39.5

SPS 37 5.0 6 4.6 16.2

Licencesd'importation 34 4.6 4 3.1 11.8

ADPIC 29 4.0 1 0.8 3.4

MIC 27 3.7 1 0.8 3.7

AGCS 22 3.0 3 2.3 13.6

ATV 16 2.2 1 0.8 6.3

Évaluationendouane 15 2.0 5 3.8 33.3

Règlesd'origine 7 1.0 2 1.5 28.6

Marchéspublics 4 0.5 0 0.0 0.0

TOTal 733 100 131 100 17.9

1LesréférencesauMémorandumd'accordsurlerèglementdesdifférendsetàl'AccorddeMarrakechinstituantl'OMCn'ontpasétéprisesencompte.

2Voirl'encadréE.3pourunedescriptiondelaméthoded'ajustement.

Source :Secrétariatdel'OMC.

Porges(2010)avanceplusieursraisonspourexpliquerlefaitquelespartiesàunACPrcontinuentàutiliserlesystèmederèglement des différends de l’OMC: le «caractère familierdes institutions»de l’OMCet le fait quesesprocéduresderèglement des différends ne peuvent pas être bloquées; lapossibilité de suspendre les droits NPF et d’autresobligations au regard de l’OMC (en particulier lorsque lamargedepréférencesdel’ACPrestfaible);laneutralitédesmembres des groupes spéciaux; le champ plus vaste del’OMC;lapossibilitédeformerdesalliances;lapossibilitédebénéficier de l’assistance du Centre consultatif sur lalégislation de l’OMC; le processus de surveillancemultilatéral; le cadre institutionnalisé pour l’adoption decontre-mesures et le fait que le coût du règlement desdifférends à l’OMC est inclus dans la contribution annuelledes Membres, tandis que, dans la plupart des ACPr, lespartiesdoiventrétribuerlesmembresdesgroupesspéciauxoupayerlesfraisdeprocédure.

(e) Mise en garde : mécanismes générant des effets systémiques négatifs

Certaines dispositions profondes des ACPr de nouvellegénérationpeuventcomporterdesaspectsdiscriminatoires,créantune tensionavec lesystèmecommercialmultilatéral.C’estsurtoutlecasdesmesurescontingentes(antidumpingetsauvegardes).

(i) Aspects discriminatoires des règles antidumping des ACPr

Il ressort d’études récentes que le risque de détournementd’échangespeutallerau-delàdesdroitsdedouane.PrusaetTeh (2010) décèlent, dans le domaine de l’antidumping, cequ’ilsappellentuneprotectionanalogueàl’effetdecréation/de détournement d’échanges des ACPr. Les dispositions

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a sources des donnéesLestableauxetgraphiquesdecettesectionsontétablissurlabased’unesériededonnéesspécialiséesélaboréed’aprèsla base de données de la Division des affaires juridiques de l’OMC et la base de données de l’Unité des accordscommerciauxrégionaux.Cettesériecouvreautotal419demandesdeconsultationsprésentéesau31décembre2010danslesdocumentsWT/DS.

b « Paires » de Membres (plaignant-défendeur)Septdemandesdeconsultationsémanaientdeplusd’unplaignant(DS16,DS27,DS35,DS58,DS158,DS217etDS234),desortequ’iln’apasétépossiblededéterminersiunACPrétaitenvigueurentrelesPartiessansfausserleschiffres.C’estpourquoiles419demandesdeconsultationsenregistréesau31décembre2010ontétéramenéesà443pairesdeplaignants/défendeurs.Leschiffresrelatifsàl’existenced’unACPraumomentdudépôtdelademandedeconsultationsontétéétablissurcettebase.

C ajustement des références au GaTT de 1994SantanaetJackson(2011)ontsoulignéque,commelesplaignantsonttendanceàciterungrandnombred’accordsetdedispositionsdansleursdemandesdeconsultationsautitreduMémorandumd’accordsurlerèglementdesdifférends,lecalcul de la fréquence des dispositions citées a tendance à surestimer l’importance du GATT de 1994. Cela tientprincipalementàceque lesréférencesàcertainsarticlesduGATTontuncaractèresubsidiaire lorsqu’ellescoïncidentavecdesréférencesàd’autresaccords“spécialisés”oumêmeàd’autresarticlesduGATT.Parexemple,dansuneaffaireantidumping classique, le plaignant affirmera en règle générale que le défendeur a violé les dispositions de l’Accordantidumping et de l’article VI du GATT et que le droit antidumping imposé est incompatible avec le droit consolidé(articleII:1b)duGATT)etaveclaclauseNPF(articlepremierduGATT).

Malgrél’invocationdesquatrearticles,leGATTjouenormalementunrôlesecondairedanscesdifférends.Demême,unedemandedeconsultationscitantlesarticlesIIetXIXduGATTportepresqueàcoupsûrsurdesmesuresdesauvegardeetnonsurdesconsolidations tarifaires.Pour réduireautantquepossible l’incidencedeces référencessecondairesetsuivant le principe de la lex specialis, Santana et Jackson ont proposé une méthode qui ne tient pas compte desréférences à certains articles du GATT de 1994 lorsqu’ils sont cités en même temps que d’autres dispositions. Lesajustementssontlessuivants:

1. L’articlepremierestexclulorsqu’ilestfaitréférencedanslemêmedifférendàl’Accordantidumping,àl’Accordsurlessauvegardes,àl’AccordsSMC(pourlesdroitscompensateurs),àl’Accordsurlesmesuressanitairesetphytosanitaires(SPS)ouàl’Accordsurlesobstaclestechniquesaucommerce(OTC)oulorsqu’ilestfaitréférenceàl’articleVIduGATT(droitscompensateursouantidumping).

2. L’articleIIestexclulorsqu’ilestfaitréférencedanslemêmedifférendàl’Accordantidumping,àl’Accordsurl’évaluationen douane, à l’Accord sur les sauvegardes ou à l’Accord SMC (pour les droits compensateurs) ou à des mesures derétorsionautitredel’article22duMémorandumd’accordsurlerèglementdesdifférends.Ilestégalementexclulorsqu’ilestfaitréférenceàl’articleVI(droitscompensateursouantidumping)ouàl’articleXIX(sauvegardes)duGATT.

3. L’articleIIIestexclulorsqu’ilestfaitréférencedanslemêmedifférendàl’AccordSPSouàl’AccordOTC.

4. L’article VI est exclu lorsqu’il est fait référence dans le même différend aux Accords antidumping ou SMC (droitscompensateurs).

5. L’articleXIestexclu lorsqu’ilest fait référencedans lemêmedifférendà l’Accordsur lessauvegardes,auxAccordsSPSouOTCainsiqu’auxarticlesXIIetXIXduGATT.

6. L’articleXVIestexclulorsqu’ilestfaitréférencedanslemêmedifférendàl’AccordSMC(subventions)ouauxarticles3et6à11del’Accordsurl’agriculture.

7. L’articleXIXestexclulorsqu’ilestfaitréférencedanslemêmedifférendàl’Accordsurlessauvegardes.

Sur la base d’une série de données ajustées, un accord est considéré comme “cité” lorsqu’une ou plusieurs de sesdispositionssontmentionnéesdansunedemandedeconsultations.

EncadréE.3:Méthodologie

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antidumping des ACPr ont pour effet d’éviter à leursmembres d’être visés par des actions antidumping(«réductiondeprotection»),tandisquelespaysnonmembressontexposésàunexamenantidumpingencorepluspoussé(«détournementdeprotection»).

L’idéeque lesACPrpeuventavoirun teleffetdedistorsionn’estpasnouvelle.Dansuneséried’études,Bhagwati(1992:1993) et Bhagwati et Panagariya (1996) formulentl’hypothèse qu’en raison de leur caractère «élastique» etsélectif, les dispositions antidumping peuvent accroître lerisque de détournement de protection lié aux ACPr. Seloneux, les mesures contingentes sont déterminées par levolumedesimportations.Lacibledesrequêtesantidumpingdépendentièrementdelabranchedeproductionnationale.

Si les dispositions antidumping rendent plus difficile desanctionnerlesmembresd’unACPr,labranchedeproductionnationalecibleratoutsimplementd’autressources.Onpourraitainsi voir une augmentation de la protection antidumpingcontrelesnon-membresalorsqu’enfaitledommagecauséàla branche de production nationale est imputableessentiellement aux importations en provenance des autresparties à l’ACPr.38 Les travaux de Prusa et Teh (2010)apportent la première confirmation empirique de cettehypothèse.39 Leurs conclusions sont particulièrementpertinentes compte tenu de l’importance de l’antidumpingdans la politique commerciale. Les droits antidumping sontdepuislongtempslamesurecontingentelaplusutiliséeetleurimportance s’est accrue au cours des deux dernièresdécennies.Lenombredepaysayant recoursàdesmesuresantidumpingaquintupléetlenombred’enquêtesantidumpingouverteschaqueannéeaplusquedoublé(Prusa,2005).

La figure E.2 montre qu’il y a une différence sensible dansles activités antidumping des pays avant et après leur

adhésion à un ACPr. Si l’on mesure le temps par rapport àl’année d’entrée en vigueur d’un ACPr, l’année zéro estl’année où l’ACPr aétéétabli, l’année t-1 désignant l’annéeprécédenteetl’annéet+1l’annéesuivante,etc.Onnoteque,pendant les années précédant l’établissement de l’ACPr,l’activitéantidumpingdesfuturspaysmembresaugmente.Lenombre d’enquêtes antidumping ouvertes dans l’année oùl’ACPr est établi (t=0) chute sensiblement et reste trèsinférieur, lesannéessuivantes,àcequ’ilétaitavantsamiseen œuvre. En moyenne, au cours des dix années quiprécèdent l’établissement de l’ACPr, il y avait 29,5 affairesantidumping par an contre seulement 23,6 dans les dixannéesquiontsuivi.

On peut montrer d’une autre manière commentl’appartenance à un ACPr modifie l’activité antidumping. Letableau E.4 indique le nombre d’enquêtes antidumpingouvertes selon que les pays i) sont membres d’un ACPr ouii) n’en sont pas membres, une distinction étant faite entreles années précédant et les années suivant l’établissementde l’ACPr. Comme on le voit, environ 58 pour cent desaffairesantidumpingontétéengagéesà l’encontredepays

FigureE.2: Ouverture d'enquêtes antidumping intra-aCPr

Source:PrusaetTeh(2010).

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29,5 affaires par an 23,6 affaires par an

Année par rapport à la date d'entrée en vigueur de l'ACPr

Entrée en vigueur de l'ACPr

-10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Tableau E.4: Nombre d'enquêtes antidumping ouvertes en fonction de l'appartenance à un aCPr

Pays visés

Nonpartiesàl'ACPr Partiesàl'ACPr

Avantl'ACPr 506 370

58% 42%

Aprèsl'ACPr 3'554 375

90% 10%

Source :PrusaetTeh(2010).

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non membres avant l’entrée en vigueur de l’ACPr mais90pourcentaprèscelle-ci.Làencore,leschiffresindiquentclairementquelesACPrmodifientleschémadeprotection.

Ces résultats sont parlants, mais sont-ils statistiquementsignificatifs(nondusauhasard)?Enoutre,lesACPrpeuventcontenir d’autres dispositions qui pourraient expliquer leschéma des données antidumping. Souvent les ACPrlibéralisent l’investissement, ce qui augmente les flux d’IEDentrelespartenaires.Ladiminutiondel’activitéantidumpingentremembresd’unACPrpeutdoncêtredueaufaitquelesimportationsproviennentdefilialesmultinationales.Ilsepeutaussiquelesrésultatsdépendententièrementdesprincipauxutilisateurs de mesures antidumping (Union européenne etÉtats-Unis)oudesprincipauxpaysvisés(Chine).

L’analyse économétrique (méthode appelée régression dedifférenceenladifférence)révèlequelesschémasobservésne sont pas dus simplement au hasard.40 Les auteursconstatent en outre que les ACPr peuvent entraîner unediminution de pas moins de 60 pour cent du nombre dedifférends antidumping entre leurs membres. Ce résultatn’estpasimputableexclusivementauxACPrquiontabolilesmesures antidumping (éliminant pratiquement toute activitéantidumpingentreleursmembres).EnneconsidérantquelesACPrquiontadoptédesrèglesantidumpingspécifiques, ilsconstatentune réductionde33à55pourcentde l’activitéantidumping intra-ACPr. Ils n’observent aucun changementsignificatifdel’activitéantidumpingdanslecasdesACPrquinecomportentpasderèglesantidumpingspécifiques.

Leurs estimations économétriques indiquent aussi que lesACPrentraînentuneaugmentationde10à30pourcentdunombre d’actions antidumping à l’encontre des non-membres.Considérantensemble leseffetsderéductionetde détournement de la protection, les auteurs constatentque la réduction de l’activité intra-ACPr est largementcompenséepar l’augmentationde l’activité à l’encontredel’ensemble beaucoup plus vase des non-membres. Ilsestiment que, globalement, l’augmentation du nombred’actionsantidumpingdueauxACPrpeutatteindre10pourcent.

Ces résultats semblent être extrêmement stables. Même sil’onexclutde l’analyse l’UE, l’ALENAet laChine, ils restentpratiquement inchangés. Pour tenir compte des effetséventuels d’autres dispositions des ACPr, les auteurs ontinclus les flux d’IED et une mesure de la libéralisation del’investissementdanslecadredechaqueACPr,ensefondantsur les travaux de Dee et al. (2006) et Dee (2008). Ilsconstatentque,bienquelesdispositionsdesACPrrelativesà l’investissement réduisent la fréquence des différendsantidumping,lesrèglesantidumpingconstituenttoujoursuneexplication indépendante importante de la diminution dunombred’affairesantidumpingintra-ACPr.

(ii) Aspects discriminatoires des règles des ACPr en matière de sauvegardes

Deux typesdemesuresdesauvegardesontgénéralementprévues dans les ACPr: les mesures «bilatérales» et lesmesures «globales».41 Les mesures de sauvegardebilatérales sont censées ne s’appliquer qu’au commerce

desautresmembresdel’ACPr.Ellesdonnentauxmembresun moyen de protection temporaire lorsque, du fait desengagements pris dans l’accord, l’accroissement desimportationsenprovenancedesautresmembrescauseundommagegraveà labranchedeproductionnationale.Lesmesuresdesauvegardeglobales,quantàelles,sontprisesau titre de l’article XIX du GATT (Mesures d’urgenceconcernant l’importation de produits particuliers) et del’Accord sur les sauvegardes. Les règles multilatéralesveulentquetoutemesuredesauvegardedoitêtreappliquéede manière non discriminatoire. Généralement, lesdispositionsdesACPrrelativesauxmesuresdesauvegardeglobales précisent les conditions dans lesquelles lespartenaires peuvent être exclus de l’application desmesures de sauvegarde multilatérales prises par unmembre.

La plupart des ACPr précisent que leurs dispositions enmatière de sauvegardes sont conformes aux droits etobligationsdespartiesautitredesaccordsmultilatérauxounelesaffectentpas,maisbeaucoupexcluentdel’applicationdes mesures de sauvegarde globales les importations enprovenancedespartenaires.42

Ces importations peuvent être exclues si elles nereprésentent pas une part substantielle des importationstotales et si elles ne contribuent pas au dommage gravecauséà labranchedeproductionnationaleouà lamenaced’undommagegrave.43

L’Accord sur les sauvegardes exige que les mesures desauvegardesoientappliquéesàtouteslesimportationsquellequ’en soit la provenance (non-discrimination). De ce fait, lanon-applicationd’unemesuredesauvegardeauxpartiesàunACPrpeutêtresourcedeconflitentrelesrèglesrégionalesetlesrèglesmultilatérales.Cepointaétéabordédansuncertainnombre de différends portés devant l’OMC (Argentine – Chaussures, États-Unis – Gluten de froment, États-Unis – Tubes et tuyaux de canalisation et États-Unis – Acier). Dansces affaires, les autorités chargées d’enquêter avaient tenucompte des importations de toutes provenances pourdéterminer que les produits étaient importés en quantitéstellement accrues qu’ils causaient un dommage grave à labranche de production nationale. Mais, au lieu d’appliquer lamesuredesauvegardeàtoutes les importationsquellequ’ensoitlaprovenance,lepaysinvoquantlamesureavaitexclusespartenaires au sein d’un ACPr.44 Dans les quatre affaires,l’Organed’appeladonné tortauMembrede l’OMCquiavaitinclussespartenairesmembresd’unACPrdansl’enquêteenmatièredesauvegardesmais lesavaitexclusde l’applicationdelamesuredesauvegarde.

Le«parallélisme»estleconceptcléquisous-tendtoutescesaffaires.45Enbref,leparallélismeinterdittoutedifférentiationdans l’application de mesures de sauvegarde.46 Dans le casdes ACPr, le parallélisme signifie que, lorsqu’un Membre del’OMCatenucomptedesimportationsdetoutesprovenancesdansuneenquêteenmatièredesauvegardes, ilnepeutpasensuite,sansanalysecomplémentaire,excluredel’applicationdelamesuredesauvegardequienrésultelesimportationsenprovenance de ses partenaires au sein d’un ACPr. Pour qu’ilpuisse le faire, il faudrait que l’autorité chargée de l’enquêteétablisse expressément que seules les importations en

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provenancedespaysquinesontpaspartiesàl’ACPrcausentou menacent de causer un dommage grave à la branche deproduction nationale. Elle devrait aussi, dans son analyse duliendecausalité,s’assurerqueleseffetsdesimportationsenprovenance des pays partenaires ne sont pas imputés auximportationsviséesparlamesuredesauvegarde.

L’élaborationparl’Organed’appelduprincipedeparallélismedans ces quatre affaires a clarifié un point, mais lajurisprudence de l’OMC n’indique pas de manière définitivedansquellemesurel’articleXXIVduGATTpeutêtreinvoquépar un Membre de l’OMC pour exclure ses partenaires ausein d’un ACPr de l’application d’une mesure desauvegarde.47 Les dispositions qui excluent les membresd’un ACPr de l’application de mesures de sauvegardeglobalesfontcraindreunediscriminationaccrueàl’encontredes non-membres et un détournement d’échanges. Lesgroupesspéciauxdel’OMCsesontcertesprononcéscontrel’exclusiondespartenairesauseind’unACPrdel’applicationdes mesures de sauvegarde si les importations enprovenance de ces partenaires ont été prises en comptedans l’enquête,mais ilssemblent l’avoir faitpouruneraisontrès restreinte: l’absence de parallélisme dans l’applicationdesmesuresdesauvegarde.Àce jour, l’Organed’appeln’apas statué sur la question de savoir si une telle exclusionpouvaitêtre justifiéeau regardde l’articleXXIVduGATT. Ilest concevable que, dans des circonstances différentes, lanon-application de mesures de sauvegarde aux partenairesauseind’unACPrsoitadmissible.

(iii) Autres mécanismes

Lecaractèrenondiscriminatoiredesdispositionsprofondespeut en principe avoir des effets systémiques négatifs etpeut provoquer des résistances à la poursuite de lalibéralisationmultilatéraledelapartdesforceséconomiqueset despays tiers.Si la libéralisationpréférentielle n’est pasdiscriminatoire, lesforceséconomiquespeuvents’yopposercar l’accroissementdespartsdemarché (etdesbénéfices)surlemarchédel’autremembrepeutêtrecontrebalancéparla perte de bénéfices sur le marché intérieur vis-à-vis desentreprisesdespartenairesetdesnon-membres.48

Deuxièmement, le caractère non discriminatoire desdispositions profondes peut dissuader les pays endéveloppement d’engager des négociations multilatéralesavec les pays développés pour échanger des engagementsréglementairesprofondscontreunaccèsauxmarchéspourleursmarchandises(ChauffouretMaur,2011).Celatientàcequ’il se produit inévitablement une érosion des tarifspréférentiels avec le temps, alors que les engagementsréglementaires sont à la fois permanents et NPF et nepeuventdoncpasservirdemonnaied’échangeàlongtermeetenversdifférentspays.

Troisièmement, il a été dit que l’effet de verrouillage del’harmonisationréglementairedans lecadred’unACPrpeutavoir des effets systémiques négatifs (OMC, 2007). DesACPrconcurrentscomportantdesstructuresetdesnormesréglementairesincompatiblespeuventconstitueruneentravepour leurs membres. Cela peut être une menace pour lesystème commercial multilatéral pour deux raisons. Lapremière est que cela va à l’encontre des principes de

transparenceetdeprévisibilitédesrégimesréglementaires.La seconde est que cela peut entraver la poursuite de lalibéralisationmultilatérale.Uneétuderécente(PiermartinietBudetta,2009)constatequ’ilexistedes«familles»distinctesd’ACPrayantdesrèglesdifférentesconcernantlesobstaclestechniquesaucommerce.Cetteétudemontrequ’uncertainnombre d’accords régionaux, dont l’UE est le centre,comportentdesdispositionsvisantàharmoniserlesnormesdespartenairessatellitesaveccellesdel’UE.Danslamesureoù l’alignement sur les normes européennes nécessite desinvestissements,cesdispositionspeuventempêcherlespaysde s’écarter de l’accord régional, rendant la libéralisationmultilatéralepluscoûteuse.

Enfin, il a été dit précédemment que les clauses NPF àl’égard des pays tiers peuvent réduire le caractèrediscriminatoire des accords préférentiels. Or, de nombreuxACPrnecontiennentpasdeclausesNPFpourlespaystiers(par exemple, l’accord entre la Chine et l’ASEAN). Dans cecas,lesdispositionsdel’accordétablissentunediscriminationeffective à l’égard des pays tiers et il y a un risque detraitementdiscriminatoireentrelespartiesàdifférentsACPrsignés par un même pays (Houde et al., 2007). Dans leurschapitressur lesserviceset l’investissement,d’autresACPrprévoient des exceptions sectorielles à l’extensionautomatiquedutraitementNPFauxpaystiers.Lessecteursexclus ne bénéficient donc pas automatiquement dutraitement amélioré offerts par les accords futurs.Cependant, comme l’indiquent Houde et al., très peu desecteurssontconcernés.

En outre, comme l’indiquent Adlung et Morrison (2010), uncertainnombred’accordsexcluentdel’obligationNPFenverslespaystierscertainstypesd’interventionsquipeuventavoirdeseffetsdedistorsiontrèsprononcés(parexemple,toutesles subventions sont exclues de l’Accord de libre-échangeentrel’AustralieetlesÉtats-Unis).Lesaccordsdepartenariatéconomiquequel’UEaconclusaveclespaysd’Afrique,desCaraïbes et du Pacifique (ACP) contiennent des clausesNPF qui stipulent que si un pays ACP conclut ensuite unACPr avec une grande puissance commerciale autre quel’UE, telle que les États-Unis ou le Brésil, l’UE bénéficieraautomatiquement des avantages concédés dans cet ACPr.Commel’indiquePauwelyn(2009),l’inclusiondecetteclausedans les accords de partenariat économique récents estcontroversée.Ellepourraitenfaitavoiruneffetdissuasifsurles pays tiers considérés comme des «grandes puissancescommerciales»,quiétaientintéressésparlaconclusiond’unACPravecdespaysACP.

3. Lerégionalismeetl’OMC:perspectivehistorique

Le principe NPF est au cœur du système commercialmultilatéral.Mais,dèsledébut,lespaysMembresonteuunecertainelatitudepours’accordermutuellementuntraitementpréférentiel dans le cadre de zones de libre-échange oud’unions douanières. Comme l’a dit un commentateur, «levéritable objectif du GATT était de contrôler et limiter ladiscrimination, non de l’éliminer» Hudec (1990). Les règlesapplicables aux zones de libre-échange et aux unionsdouanières en vertu de l’article XXIV du GATT ont étéincorporéespresquesanschangementdanscellesdel’OMC

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etlesnombreusesquestionsd’interprétationquesoulèvecetarticle continuent de faire l’objet de débats intenses.49 Denombreux observateurs souhaitent toujours que les règlessoient clarifiées et renforcées, mais les efforts récents ontétéaxéssurl’améliorationdelatransparence.

(a) LesoriginesduGATT

Les arrangements commerciaux préférentiels étaient l’unedesprincipalespréoccupationsdecertainsdespaysquiontparticipé aux négociations en vue de l’établissement d’uneorganisation internationale du commerce (OIC), qui ontfinalement été à l’origine du GATT. En particulier, certainspays voyaient dans ces négociations l’occasion dedémanteler certains arrangements préférentiels existants,tels que les préférences entre les territoires duCommonwealth britannique, mais les Britanniques nesemblaientdisposerà le faireques’ilsobtenaientunaccèseffectif à d’autres marchés, en particulier celui desÉtats-Unis (Hudec, 1990). En fait, selon plusieurscommentateurs,c’étaitunobjectif importantdesÉtats-Unis,qui avaient proposé de n’autoriser les préférences qu’entreles territoires faisant partie d’une union douanière et quiavaient ensuite accepté des arrangements provisoires quiallaientconduireàuneuniondouanière.Ungroupedepaysen développement, comprenant la Syrie et plusieurs payslatino-américains, ont tenté d’étendre cette exception auxzonesdelibre-échange.

Le libellé adopté à la Conférence de La Havane de1947-1948,quiaétéplustardreprisdansleGATT,autorisaitles zones de libre-échange et les unions douanières, ainsique les arrangements provisoires conduisant à leurformation.Plusieursraisonsontétéavancéespourexpliquerle fait que les préférences dans le cadre des zones delibre-échange ont finalement été acceptées, en particulierparlesÉtats-Unisquis’yopposaientaudépart.

Dans une étude historique récente, Chase (2006) résumelesraisonscitéeshabituellementpourexpliquerl’acceptationdes zones de libre-échange dans le cadre du GATT:nécessitédetrouveruncompromispourparveniràunaccord(Viner, 1950); volonté de décourager le renforcement despréférencesduCommonwealth(OdelletEichengreen,1998);volonté d’encourager l’intégration européenne (Bhagwati,1991),(OdelletEichengreen,1998);oupressionsexercéesparcertainspaysendéveloppement(Haight,1972),(Mathis,2002), (OMC,1995).Chase (2006) rejettecesexplicationset, se fondant sur l’étude des archives, laisse entendre queles États-Unis et le Canada négociaient secrètement unaccord de libre-échange bilatéral et que les États-Unis ontmodifié leurpositionsur les zonesde libre-échangeen vuede cette éventualité. Selon Chase (2006), les États-Unisn’ont pas eu à faire une nouvelle proposition, car ils ont vuune occasion à saisir dans la proposition du Liban et de laSyrievisantàautoriserleszonesdelibre-échange.

L’article XXIV du GATT reconnaît «qu’il est désirabled’augmenter la liberté du commerce en développant, par lemoyen d’accords librement conclus, une intégration plusétroite», mais il souligne que «l’établissement d’une uniondouanière ou d’une zone de libre-échange doit avoir pourobjetdefaciliterlecommerceentrelesterritoiresconstitutifs

et non d’opposer des obstacles au commerce d’autresparties contractantes avec ces territoires». L’articleXXIV:5stipulequelesdispositionsduGATT«neferontpasobstacle,entre les territoires des parties contractantes, àl’établissement d’une union douanière ou d’une zone delibre-échange ou à l’adoption d’un accord provisoirenécessaire pour l’établissement d’une union douanière oud’unezonedelibre-échange».

Auxfinsdel’articleXXIV,onentendparuniondouanière«lasubstitutiond’unseulterritoiredouanieràdeuxouplusieursterritoires douaniers, lorsque cette substitution a pourconséquence i) que les droits de douane et les autresréglementations commerciales restrictives (à l’exception,dans la mesure où cela serait nécessaire, des restrictionsapportéesauxtermesdesarticlesXI,XII,XIII,XIV,XVetXX)sont éliminés pour l’essentiel des échanges commerciauxentre les territoiresconstitutifsde l’union,ou toutaumoinspour l’essentiel des échanges commerciaux portant sur lesproduitsoriginairesdeces territoireset ii)que…lesdroitsde douane et les autres réglementations appliqués parchacun des membres de l’union au commerce avec lesterritoires qui ne sont pas compris dans celle-ci sontidentiques en substance». On entend par zone delibre-échange «un groupe de deux ou plusieurs territoiresdouaniers entre lesquels les droits de douane et les autresréglementations commerciales restrictives (à l’exception,dans la mesure où cela serait nécessaire, des restrictionsapportéesauxtermesdesarticlesXI,XII,XIII,XIV,XVetXX)sont éliminés pour l’essentiel des échanges commerciauxportantsurlesproduitsoriginairesdesterritoiresconstitutifsdelazonedelibre-échange».

L’articleXXIVénonced’autresconditionsauxquellesdoiventsatisfaire les unions douanières et les zones delibre-échange. D’une manière générale, dans les deux cas,les droits de douane ne doivent pas être plus élevés ni lesautres réglementations plus rigoureuses qu’avant leurétablissement.Danslecasdesunionsdouanières,lesdroitsde douane ne doivent pas avoir une «incidence générale»plusélevéeque lesdroitset réglementationscommercialesen vigueur auparavant dans les territoires constitutifs. Lesaccords provisoires en vue de l’établissement d’une uniondouanière ou d’une zone de libre-échange doiventcomprendreun«planetunprogramme»pourl’établissement,«dans un délai raisonnable», de l’union douanière ou de lazonedelibre-échange.L’articleXXIVénonceaussicertainesobligations de notification. En outre, il contient desdispositionsconcernantletraficfrontalier(articleXXIV:3)etle respect des obligations découlant du GATT par lesgouvernements et administrations régionaux et locaux(article XXIV:12). L’article premier du GATT prévoit parailleursdesexceptionsspécifiquespour lespréférencesenvigueur entre certains pays voisins (par exemple, Liban etSyrie,Belgique-Luxembourg-Pays-Bas).

(b) Évolutionsàl’époqueduGATT

La création de la Communauté économique européenne(CEE)etsesaccordsd’associationontété leprincipalsujetdes discussions relatives à l’article XXIV pendant lespremièresannéesduGATT.D’aprèslescommentateurs,ilyaeu des débats intenses entre les parties contractantes du

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GATTsurlacompatibilitédelaCEEaveclesprescriptionsdel’article XXIV. La question de la compatibilité du Traité deRomeavec l’articleXXIVn’apasétérésoluepar lespartiescontractantes. Comme le souligne Ladreit de Lacharrière(1987), elles considéraient, en 1958, qu’»il serait plus utilede porter l’attention sur les problèmes spécifiques etpratiquesenlaissantdecôtépourl’instant...lesdébatssurlacompatibilitéduTraitédeRome»avecleGATT.50

Finalement,lespartiescontractantesontdécidéderésoudrecertaines des questions tarifaires liées à la création de laCEEdanslecadreduCycleDillon(Hoda,2001).Lesaccordsd’association de la CEE avec d’autres pays ont égalementfait l’objet de débats intenses. Les préoccupations avaienttrait à l’absence d’engagement clair en faveur d’unelibéralisation complète ou d’une adhésion pleine et entière.Lacréationde l’AELEaégalementsuscitédesdiscussions,notamment parce qu’elle excluait l’agriculture et la pêche(Hudec, 1990). Un autre accord notifié à l’époque,l’Association latino-américaine de libre-échange (ALALE),réunissant plusieurs pays d’Amérique latine, a suscité despréoccupations du fait du caractère ambitieux de sonprogrammedelibéralisationetdesonobjectifdepromotiondesindustriesnaissantes51(Hudec,1990).

Il n’y avait pas alors d’organe permanent du GATT chargéd’examiner lesaccordsnotifiésau titrede l’articleXXIV.Cesaccords étaient examinés par différents groupes de travail.Lespartiescontractantesn’adoptaientpasderapportdéfinitifconcernant ces accords. La plupart des commentateursconviennentque,malgrélesnombreusesquestionssoulevéesparcertainespartiescontractantesausujetdesACPrnotifiés,il s’estdéveloppéen faitunepolitiquede toléranceà l’égarddecesaccords.Jackson(1969)notequ’engénéral,lapratiquedu GATT a été caractérisée par «une grande tolérance àl’égard de nombreux accords régionaux». Il reconnaîtcependantque«lesdiscussions juridiquessur lescritèresdel’article XXIV et les consultations ont peut-être permis auxpartiesqui n’étaientpasmembresdecesaccords régionauxdelesinfluencerd’unemanièrequiaréduitleurimpactnégatifsurlecommercedesnon-membres».

L’adoptiondelaDécisionconcernantletraitementdifférenciéet plus favorable, la réciprocité et la participation pluscomplètedespaysenvoiededéveloppement,généralementappelée «Clause d’habilitation», a été un autre évènementimportant à l’époqueduGATT.Non seulement cette clausesertdebaseà l’octroidepréférences tarifairesunilatéralesaux pays en développement, mais encore elle prévoit uneexemptiondel’obligationNPFénoncéeàl’articlepremierduGATT pour les «arrangements régionaux ou mondiauxconclusentrepartiescontractantespeudéveloppéesenvuede la réduction ou de l’élimination de droits de douane surune base mutuelle et, conformément aux critères ou auxconditions qui pourraient être prescrits par les PARTIESCONTRACTANTES,envuedelaréductionoudel’élimination,sur une base mutuelle, de mesures non tarifaires, frappantdes produits que ces parties contractantes importent enprovenancelesunesdesautres».

Autotal,124accordsontéténotifiésauGATTentre1948et1994. Sur ce nombre, 38 seulement étaient encore envigueur en 1995 lorsque l’OMC a été créée. Commel’explique un rapport du Secrétariat de l’OMC, cela reflète

«danslaplupartdescasl’évolutiondesaccordseux-mêmes,quiontétéremplacéspardesaccordsplusmodernesentreles mêmes signataires (poussant la plupart du tempsl’intégration plus loin) ou qui ont été incorporés dans desgroupementspluslarges»(CrawfordetFiorentino,2005).

Le traitement discriminatoire dans le cadre des ACPr estdevenuaufildesannéesunsujetdepréoccupationdeplusenplusimportant.En1983,leDirecteurgénéralduGATTaétabli un groupe indépendant composé de sept personneséminentes et chargé d’étudier les problèmes auxquels étaitconfronté le système commercial international et de fairerapport à ce sujet. Legroupeapublié son rapport enmars1985. Généralement appelé «Rapport Leutwiler», cedocumentarrivaitnotammentàlaconclusionque«lesrèglesautorisant les unions douanières et les zones delibre-échange [avaient] été faussées et utiliséesabusivement» et que «pour éviter une nouvelle érosion dusystème commercial multilatéral, il fallait les clarifier et lesrenforcer».

Le rapport indiquait que, si la Communauté européenne etl’AELEremplissaientlesconditionsénoncéesàl’articleXXIV,cen’étaitpaslecasde«nombreuxaccordsprésentésautitrede ces règles, y compris certains accords entre laCommunauté et ses associés». Il soulignait que «lesexceptions et les ambiguïtés qui ont été admises [avaient]gravementaffaiblilesrèglescommercialesetrend[aient]trèsdifficile le règlement des différends justiciables del’article XXIV». En conséquence, le rapport proposait que«lesrèglesduGATTconcernantlesunionsdouanièresetleszones de libre-échange [soient] réexaminées, redéfinies demanière à obvier à toute ambiguïté et plus strictementappliquées,afinqueseulspuissents’enprévaloirlespaysquis’en serviront vraiment pour instaurer entre eux l’intégralitédulibre-échange»(Leutwiler,1985).

(c) LesACPrdansleCycled’Uruguay

Pendant le Cycle d’Uruguay, un groupe de pays (Australie,Inde,Japon,Nouvelle-ZélandeetRépubliquedeCorée)s’estprononcé en faveur du renforcement des disciplines del’article XXIV. Le Japon, en particulier, a proposé, entreautres, d’améliorer les consultations avant et après laconclusiondetelsaccords,enfixantundélaifermepourles«accordsprovisoires»,pour faireensorteque lesMembress’acheminent véritablement vers un commerce ouvert, endéfinissant clairement «l’incidence générale» des droits dedouaneetdesautresréglementationsetenlimitantlecréditauquel pouvait prétendre une nouvelle union douanière sil’incidence générale des droits et réglementations étaiteffectivement plus faible qu’avant. L’Inde, quant à elle, aproposéderéexaminerladispositionexigeantquelesdroitsde douane et les autres réglementations restrictives soientéliminéspourl’«essentieldeséchangescommerciaux»entrelespartiesàunACPr(Croome,1995).

Dans une autre série de propositions, le Japon a demandéque les procédures d’examen des ACPr, soient améliorées,suggérantd’établirdesprocéduresspéciales,distinctesdesprocédures de règlement des différends du GATT, pourévaluer les dommages que les accords préférentielscausaientaucommercedespaysnonmembresetenvisagerunecompensation.Certainsdespaysquiétaientopposésà

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cettepropositionont suggéréque la surveillancedesACPrsoitassuréedanslecadredunouveauMécanismed’examendespolitiquescommerciales(Croome,1995).

L’obligationénoncéeàl’articleXXIV:12concernantlesÉtatsfédéraux a également été discutée pendant le Cycled’Uruguay en rapport avec les ACPr. Cette question a étésoulevéeinitialementparl’Inde,puiselleaétérepriseparlaCommunauté européenne, qui a proposé de renforcerl’article XXIV:12 en affirmant que les Membres du GATTétaient pleinement responsables des mesures prises parleursgouvernementsouadministrationsrégionauxoulocaux(Croome,1995).

En fin de compte, la discussion s’est cristallisée autour del’idée de négocier un mémorandum d’accord surl’interprétation de l’article XXIV, qui mettrait l’accent sur lecalcul du niveau des droits de douane avant et aprèsl’établissement d’une union douanière, réaffirmeraitl’obligation de compensation, énoncerait des prescriptionsconcernant les accords provisoires, limiterait à dix ans la«période de transition raisonnable» sauf autorisationdifférente, et reconnaîtrait que les questions soulevées autitredel’articleXXIVpourraientfairel’objetd’uneprocédurederèglementdesdifférends.

Malgré l’opposition initiale de la Communauté européenne(qui voulait plus de crédit dans les négociations sur lacompensation des réductions tarifaires consenties par sesmembres et qui n’était pas satisfaite du libellé del’articleXXIV:12),del’Inde(quiconsidéraitqueletexteétaitexcessivement faible) et de la Yougoslavie (qui critiquait letexte de l’article XXIV:12), le Mémorandum d’accord surl’interprétation de l’article XXIV a été adopté et fait partiedesaccordsduCycled’Uruguay(Croome,1995).

L’inclusion dans l’AGCS d’une disposition sur les accordspréférentiels relatifs au commerce des services a été unautrefaitimportantpendantleCycled’Uruguay.52

(d) Évolutionàl’OMC

(i) Comité des accords commerciaux régionaux

Le Comité des accords commerciaux régionaux (CACR) del’OMC a été établi par le Conseil général en 1996(WT/L/127). Il était prévu initialement que le Comité seraitchargé de l’examen des accords commerciaux régionaux(ACR)notifiésàl’OMCetreprendraitainsilesfonctionsdesdifférentsgroupesdetravailduGATT.MalgrélacréationduCACR, l’examen des ACR n’a pas avancé. Entre 1996 et2001, le Comité n’a adopté aucun rapport d’examen, enraison notamment de désaccords persistants au sujet desambiguïtés inhérentes à l’article XXIV du GATT, del’insuffisancedesrenseignementsfournisparlespartiesauxACRetdufaitquelacompatibilitédevaitêtredéterminéepartous les Membres de l’OMC, y compris ceux dont les ACRétaientexaminés.

Endécembre2006,lesMembresdel’OMContadoptéàtitreprovisoireunnouveaumécanismepour la transparencedesaccordscommerciauxrégionaux(WT/L/671).53Cenouveau

mécanisme prévoit l’«annonce préalable» par les MembresdeleurparticipationàdesnégociationsvisantàconclureunACR,exigequ’ilsnotifientsansdélaitoutACRnouvellementconclu et fixe un calendrier pour l’examen des nouveauxaccordsparlesMembresdel’OMC.54Ilprévoitquel’examendesaccordscommerciauxrégionauxnotifiésdoitêtreachevédans l’année qui suit la date de notification.À cette fin, lespartiessonttenuesdecommuniquerauSecrétariatdel’OMCcertainesdonnées, tellesque lesconcessionstarifaires, lesdroits NPF, les règles d’origine et les statistiques desimportations.

Sur labasedeces renseignements, du textede l’accordetderenseignementsprovenantd’autressources,leSecrétariatde l’OMC établit une présentation factuelle pour aider lesMembres dans l’examen de chaque ACR notifié. LesMembres de l’OMC sont en train d’examiner le Mécanismepour la transparence en vue de le rendre permanent. LeMécanisme met l’accent sur la «considération des ACR» etnon sur leur «examen», ce qui peut être interprété parcertains comme la reconnaissance tacite par les Membresque leurs intérêts seraient mieux servis s’ils donnaient laprioritéàl’améliorationdelatransparence.

DanslecadreduCycledeDoha,lesMembresdel’OMContaussi engagé des négociations visant «à clarifier et àaméliorer les disciplines et procédures prévues par lesdispositionsexistantesdel’OMCquis’appliquentauxaccordscommerciaux régionaux». Les négociations doivent tenir«compte des aspects des accords commerciaux régionauxrelatifsaudéveloppement»;ellessedéroulentdanslecadreduGroupedenégociationsurlesrègles.55

Le Comité des accords commerciaux régionaux a indiquéqu’au 1er novembre 2010, 479 ACR avaient été notifiés auGATT/àl’OMC(lesnotificationsconcernantlesmarchandisesetlesservicesétantcomptéesséparément),dont288étaienttoujours en vigueur.56 Ces chiffres correspondent à375 accords «physiques», dont 197 étaient en vigueur(117pourlesmarchandises,unpourlesserviceset79pourlesmarchandiseset lesservices).Sur les288notifications,174avaientétéprésentéesautitredel’articleXXIVduGATT,31 au titre de la Clause d’habilitation et 83 au titre del’articleVdel’AGCS.Autotal,92ACRontétéexaminésdansle cadre du Mécanisme pour la transparence depuis sonadoptionendécembre2006.57

(ii) Règlement des différends

Malgré les préoccupations exprimées par de nombreuxobservateurs quant à la compatibilité de nombreux ACRnotifiésavec l’articleXXIVduGATT, lesquestions relativesaux ACR n’ont pas occupé une place importante dans lerèglement des différends à l’OMC. La principale questionsoulevée était celle de savoir si la compatibilité d’un ACRavec l’article XXIV pouvait être examinée dans le cadre dumécanisme de règlement des différends de l’OMC. Dansl’affaireTurquie – Textiles,l’Organed’appelaestiméquelesgroupes spéciaux étaient habilités à examiner si un ACRremplitlesconditionsdel’articleXXIV.IlincombeauMembredéfendeur d’établir que l’accord régional satisfait auxprescriptions de l’article XXIV s’il invoque l’accord pourjustifierunemesurediscriminatoire.

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Lapossibilité de recourir aumécanismede règlementdesdifférends de l’OMC pour contester des accordscommerciauxrégionauxasuscitédesréactionsdiversesdelapartdescommentateurs.Roessler(2000)aexpliquéquel’examendelacompatibilitédesACRauraitdûêtreréservéexclusivement aux organes politiques de l’OMC et enparticulierauComitédesaccordscommerciaux régionaux.Par contre, Davey (2011) a suggéré que le système derèglementdesdifférendsdel’OMCpouvaitêtreutilisépourclarifier les disciplines de l’article XXIV. À ce jour, lesMembres de l’OMC ont hésité à utiliser le système derèglement des différends pour faire respecter lesobligations énoncées à l’article XXIV du GATT et àl’articleVdel’AGCS.

Des questions concernant la relation entre le système derèglementdesdifférendsdel’OMCetceluidesACProntétéexaminées dans le cadre de quelques différends soumis àl’OMC.Cesdifférendssontévoquésdanslasous-sectionE.2.Nous parlerons ici des quelques différends dans lesquelsl’articleXXIVaétéexpressémentcité.

Comme on l’a dit précédemment, c’est dans l’affaireTurquie – Textilesqu’ilaétéquestionleplusdirectementdesprescriptions de l’article XXIV. Dans cette affaire, l’Organed’appel a examiné les prescriptions applicables aux unionsdouanières au titre du paragraphe 5 de l’article XXIV et aexpliqué qu’une partie qui invoque cette disposition pourjustifierunemesureparailleursincompatibleavecl’OMCdoitétablirquedeuxconditionssontremplies.Elledoitdémontrerpremièrement que «la mesure en cause est adoptée aumoment de l’établissement d’une union douanière quisatisfaitpleinementauxprescriptionsdesparagraphes8a)et5a)del’articleXXIV»et,deuxièmement,«qu’ilseraitfaitobstacle à l’établissement de ladite union douanière si ellen’étaitpasautoriséeàadopterlamesureencause».(rapportdel’Organed’appel,Turquie – Textiles ,paragraphe58)

L’article XXIV a également été invoqué dans le cadre deplusieursaffairesportantsurdesmesuresdesauvegarde,oùla question était de savoir si un Membre de l’OMC peutexclurede l’applicationd’unemesuredesauvegarde l’undeses partenaires au sein d’un ACPr contrairement à ce queprévoit l’article 2.2 de l’Accord sur les sauvegardes. CesaffairesontétéévoquéesdanslasectionE.2.

Unemesurepriseenapplicationd’unACPraétéexaminéedans un différend dans lequel le Brésil a invoqué lesexceptions générales prévues à l’article XX du GATT pourjustifier l’interdictiond’importerdespneumatiquesrechapésetusagéspourdesraisonsdesantépublique.Envertud’unedécisiond’un tribunalduMERCOSUR, cette interdictionn’apas été appliquée aux importations de pneumatiquesremoulésenprovenancedespaysmembresduMERCOSUR.

Le Groupe spécial a constaté que «l’exception concernantles pneumatiques remoulés originaires du MERCOSUR nesembledoncpasêtremotivéepardesraisonsfantaisistesouimprévisibles» et que «dans la mesure où l’existence d’unecertaine discrimination favorisant d’autres membres d’uneuniondouanièrefaitensoipartiedufonctionnementdecetteunion, la possibilité qu’une telle discrimination puisse seproduire entre les membres du MERCOSUR et les autres

Membresdel’OMCparsuitedelamiseenœuvredel’Accordinstituant le MERCOSUR n’est pas, selon nous, a prioridéraisonnable».

Ilacependantsoulignéque«lefaitquenousprenonsdûmenten considération l’existence des engagements contractéspar le Brésil dans le cadre du MERCOSUR dans notreévaluation ne signifie pas que l’exemption doitnécessairement être justifiée. Il nous faut plutôt examinermaintenant la manière dont l’interdiction d’importer estappliquée,comptetenude l’existenced’uneexemptionpourles membres du MERCOSUR, afin de déterminer si ladiscrimination découlant de l’exemption concernant leMERCOSUR est arbitraire ou injustifiable». Ayant constatéque«levolumedesimportationsdepneumatiquesrechapéseffectuéesenvertudel’exemptionn’étaitpasimportant», leGroupe spécial a conclu que «la capacité de la mesure deremplir son objectif ne semble pas avoir été notablementcompromise par les importations en provenance d’autressources,mêmeenprésenced’uneexemptionconcernantlesimportationsduMERCOSUR».

Le Groupe spécial a conclu en conséquence que «lefonctionnement de l’exemption concernant le MERCOSURn’avait pas fait que la mesure était appliquée de façon àconstituer une discrimination arbitraire ou injustifiable». Sefondant sur son analyse du volume des importations, il aégalementconcluquel’exemptionconcernantleMERCOSURn’avaitpaspoureffetdefairedel’interdictiond’importerunerestriction déguisée au commerce international (rapport duGroupe spécial, Brésil – Pneumatiques rechapés ,paragraphes7.272à7.289et7.354et7.355).

L’Organed’appelaréfutélaconstatationduGroupespécial,estimant que la décision rendue par le tribunal arbitral duMERCOSUR n’était pas une justification acceptable de ladiscrimination, parce qu’elle n’avait aucun rapport avec laprotectiondelasantépubliquequiétaitl’objectiflégitimedel’interdiction d’importer au sens de l’article XX b), «voire[allait]àl’encontredecetobjectif,mêmedansunetrèsfaiblemesure». L’Organe d’appel a estimé «que l’exemptionconcernantleMERCOSURafaitquel’interdictiond’importerétait appliquée de façon à constituer une discriminationarbitraireouinjustifiable».

Enoutre, l’Organed’appelacontesté l’examendesvolumesd’importationseffectuéparleGroupespécial.Selonl’Organed’appel,pouranalysersiunediscriminationest«injustifiable»,il faut généralement procéder à une analyse portantessentiellement sur la cause ou la raison d’être de ladiscrimination, et ne dépendant pas de «l’impact quantitatifde cette discrimination sur la réalisation de l’objectif de lamesure considérée». Pour la même raison, il a infirmé laconstatation du Groupe spécial selon laquelle l’interdictiond’importer n’était pas appliquée de façon à constituer unerestriction déguisée au commerce international (rapport del’Organed’appel, Brésil – Pneus rechapés ,paragraphes228et229).

L’Organe d’appel a souligné que «devant le tribunal arbitralétabli dans le cadre du MERCOSUR, le Brésil aurait puchercher à justifier l’interdiction d’importer contestée pourdes motifs de protection de la santé des personnes et des

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animaux ou de préservation des végétaux au titre del’article 50 d) du Traité de Montevideo». Le Brésil acependantdécidédenepaslefaire.L’Organed’appelanotéque«l’article50d)duTraitédeMontevideo, toutcomme lefait que le Brésil aurait pu invoquer ce moyen de défensedans la procédure arbitrale du MERCOSUR, montrent, ànotre avis, que la discrimination associée à l’exemptionconcernant le MERCOSUR ne résulte pas nécessairementd’un conflit entre les dispositions dans le cadre duMERCOSUR et le GATT de 1994». (rapport de l’Organed’appel,Brésil – Pneus rechapés ,paragraphe234)

4. RelationentrelesACPretl’OMC

(a) Cohérencedelagouvernanceducommerceinternational

La recherche de cohérence entre régionalisme etmultilatéralisme n’a rien de nouveau. Au début du systèmecommercial multilatéral, la pensée économique mettaitl’accent sur les effets de bien-être des ACPr. Comme celaestexpliquédanslasectionC, laprincipaleconclusionétaitque ces effets étaient ambigus pour leurs membres etgénéralement négatifs pour les tierces parties. Comme lesACPrportaientessentiellementsur lesréductionstarifaires,l’ouverture multilatérale des marchés qui réduit ladiscrimination, même si elle n’implique pas un commercetotalementouvert,étaitconsidéréecommesupérieureàuneouverture préférentielle.58 Dans ce contexte, assurer lacohérence signifiait que l’on acceptait que les ACPr et lesystème multilatéral soient complémentaires tout enimposantdesdisciplinesvisantàlimiter leséventuelseffetsnégatifsdesACPr.

Commeonl’aditplushaut,danslesannées1990,l’essordurégionalisme a ramené au premier plan la question de lacohérence.Denombreuxanalystesontréexaminélarelationentre lesdeuxapproches,enmettantcettefois l’accentsurles effets systémiques de l’intégration régionale. Ils ontmontré que les ACPr pouvaient être des pierres angulairesou des pierres d’achoppement sur la voie de l’ouverturemultilatéraledesmarchés.Mais cesouvragesnedonnaientguèred’indicationssurlafaçond’améliorerlacohérence.

Qu’ilsconsidèrentquelesystèmecommercialmultilatéraletles ACPr sont complémentaires ou qu’ils pensent que lemultilatéralisme est tout simplement supérieur à l’approcherégionale, lesobservateursconviennentgénéralement«qu’ilrestetoutàfaitjustifiédechercherdesmoyensderenforcerlacapacitéde l’OMCd’influenceretdiscipliner lesACProudu moins d’en atténuer les aspects qui ont le plus d’effetsd’exclusion et de distorsion» (Low, 2008).59 Dans lasection 3, on a montré comment, depuis sa création, lesystèmemultilatéralafaituneplaceauxACPr.LesMembresdu GATT/de l’OMC ont généralement adopté une approcheconciliante.Leseffortsfaitspouraméliorerlacohérenceontporté principalement sur les faiblesses des disciplinesmultilatérales et sur la manière d’y remédier. Cette sectionrésume ce débat et examine brièvement les principalespropositions. Il semble que la faisabilité est la principalequestionetquel’économiepolitiqueestlaclé.

L’évolution récente de l’activité dans le domaine des ACPrpourrait bien modifier le point de vue sur la cohérence.Commeonl’avudanslasectionB,laconclusiond’ACPrs’estsensiblement accélérée depuis 1990. En 1995, le nombred’ACPr avait plus que doublé et, en 2010, il avait plus quequadruplé, si bienqu’actuellement, il y aprèsde300ACPrenvigueur.Commeonl’aditplushaut,lesnouveauxACPr–ou du moins certains d’entre eux – sont qualitativementdifférentsdesanciens.L’activitérécenteaconsistéenpartieà consolider et rationaliser les accords bilatéraux, mais onobserve aussi une tendance, dans le monde entier, à laconclusion de nouveaux accords bilatéraux. Depuis 1995,l’activitétranscendedeplusenpluslesfrontièresrégionales.Lechampd’applicationdesACPrentermesdedomainesetdeproduitss’estaussiélargietapprofondiavecletemps.

Cela a amené certains observateurs à penser que lerégionalisme est entré dans une «ère nouvelle», danslaquelle le cadre analytique ancien n’est plus valable et larecherche de la cohérence ne passe plus simplement parl’imposition de disciplines multilatérales contre ladiscrimination.Ainsi,Baldwin(2010)considèrequelesACPrrécents fournissent le cadre nécessaire pour étayer le«dégroupage de la production» qui caractérise une partcroissanteducommercemondial.Àsonavis,lerégionalismeduXXIesiècleviseplusàréduirelesobstaclesaucommerceet les coûts de transaction et à éliminer les obstaclesinternes à l’entrée qu’à accorder des préférences tarifaires.Étant donné que les accords préférentiels portant sur lesmesures prises à l’intérieur des frontières n’entraînentgénéralement pas de détournement des échanges, on nepeutpasanalyserleursimplicationssystémiquesenutilisantle cadre traditionnel de la pierre d’achoppement ou de lapierreangulaire(voirlasectionC).

L’économiepolitiquedesACPrplusrécentsvaaussibienau-delà des tarifs préférentiels. Premièrement, selon Baldwin(2010),seulsquelquespayspeuventjouerunrôledepremierplan dans ces accords. On peut considérer que les ACPrmotivéspar lepartagede laproduction,enparticulierentrepaysdéveloppésetpaysendéveloppement,consistentenunéchange d’usines pour réduire les obstacles internes etdonnerauxentreprisesquidélocalisentl’assurancequeleursinvestissements et leurs droits de propriété intellectuelleseront en sécurité. De l’avis de Baldwin, peu de payspossèdent legenred’usinespouvantêtreéchangéescontreune réforme profonde des mesures prises à l’intérieur desfrontières.

Deuxièmement,lanégociationàl’OMCd’uneréformedecesmesures peut ne pas encourager directement les fluxd’investissements entrants. Troisièmement, la nature desmesures à l’intérieur des frontières rend difficile lamultilatéralisation des ACPr. Par exemple, le principe desubsidiarité (voir plus loin) peut s’appliquer dans la mesureoù, dans certains domaines, il est plus facile d’imposer desdisciplinesauniveaurégionaloubilatéral.Cesconsidérationsont amené Baldwin (2010) à conclure qu’il «est possible etmêmeprobableque lesnouvellesdisciplinesconstituentunsystèmedegouvernance indépendantsans lienoupresqueaveclesrèglesdeMarrakech».S’ilenestainsi, leproblèmedecohérenceposépar lestendancesrécentesdesaccordsrégionaux peut être très différent de celui qui découle des

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réductions tarifaires discriminatoires. Il se peut que denouvelles règles commerciales internationales soientnégociéesetconvenuesendehorsdel’OMC,dansuncadreoù les asymétries de pouvoir sont plus marquées et enl’absencedesprincipesfondamentauxdenon-discriminationetderéciprocité.60

La question est donc de savoir si et comment ce nouveauproblèmedoitêtreabordé.Desrecherchessupplémentairesseront nécessaires pour mieux comprendre les effetssystémiques d’une intégration profonde. Il pourrait êtrenécessaired’examinerdeplusprèsleseffetsdesasymétriesde pouvoir et les options possibles pour les atténuer. Parailleurs, comme on l’a déjà dit, le principe de subsidiaritépourrait être appliqué pour déterminer si les mesuresconvenues au niveau bilatéral ou régional doivent êtresoumisesàdesdisciplinesmultilatérales.61,62Envertudeceprincipe, «les mesures nécessaires pour atteindre desobjectifs convenus doivent être prises au niveau dugouvernementleplusbascapabledetraiterefficacementleproblèmeconsidéré»(SauvéetBeviglia-Zampetti,2000).Dufaitquelespaysontdesgoûts,descultures,desressourcesou des institutions différents, leurs choix sociaux diffèrent.Dans lemême temps, lescritèresd’efficacité indiquentqueles régimes réglementaires devraient s’appliquer à desensemblesaussivastesquepossible.

Étant donné cet arbitrage, le principe de subsidiarité veutque la détermination des régimes réglementaires soit aussidécentralisée que possible, sauf si une mesure prise dansune juridiction a un impact (des retombées) dans d’autresjuridictions, entraînant des effets externes transfrontières(externalités) ou la création d’économies d’échelle ou debienspublics,auquelcasces juridictionsdoiventégalementêtre consultées. En d’autres termes, «s’il n’y a pas deretombées importantes, il n’y a pas de raison, en termesd’efficience, d’imposer un seul ensemble de normes dansdifférents domaines réglementaires» (Rollo et Winters,2000).

Lacoopération internationaleenmatièrede réglementationestjustifiéeparlefaitqu’ilpeutêtrecoûteuxdeseconformerà des normes différentes. Il existe probablement, dans laréglementation,deséconomiesd’échelle(entrepays)etdeséconomiesdechamp (entrequestions). Il peut cependant yavoir des conflits d’intérêts entre les pays dont laréglementationestsoupleetceuxquiontuneréglementationstricte,cequirendlacoordinationmultilatéraleplusdifficileet peut-être parfois indésirable. Si ces facteurs sontsuffisamment importants, la reconnaissance mutuelle etl’harmonisation des normes de produits et des essaispeuventêtreplusefficacesauniveaubilatéraletplurilatéral(entrepaysrelativementsimilaires)qu’auniveaumultilatéral.On peut certes craindre que des normes communes oureconnues mutuellement et une évaluation conjointe de laconformitédanslecadredesACPraientdeseffetsnégatifssur lespaystiers,maislesfaitsmontrentqueleprogrammedemarchéuniquedel’UEaaccruaumoinsautantl’accèsaumarché des entreprises des pays tiers (Mayer et Zignago,2005).63

Enfin, le fait que les ACPr dans lesquels les tarifspréférentiels occupent encore une place importante n’ontpas disparu signifie qu’il faut s’attaquer simultanément aux

problèmesdecohérencenouveauxetanciens.Ilressortdelasection D que parmi les nouveaux ACPr, quelques-unsseulement excluent totalement ou presque la question destarifs préférentiels et beaucoup prévoient encore despréférencestarifaires.Lasous-sectionsuivanteprésenteunbref résumé du débat sur les disciplines multilatéralesexistantes. Cet aperçu est suivi d’une analyse de certainesdes principales options qui s’offrent pour améliorer lacohérence.

(b) Lesdisciplinesmultilatéralesenmatièred’ACPr

Commeonl’avudanslasection3, lesystèmemultilatéralaétabli trois dispositions essentielles concernant lerégionalisme. La première est l’article XXIV du GATT, quipermet de déroger au principe NPF pour les unionsdouanièreset les zonesde libre-échange.LeMémorandumd’accordsurl’interprétationdel’articleXXIVduGATT,adoptélors du Cycle d’Uruguay, vise à clarifier les critères et lesprocéduresd’évaluationdesaccordsnouveauxouélargisetàenaméliorer latransparence.Ladeuxièmedispositionestla «Clause d’habilitation», qui assouplit certaines desdispositions du GATT relatives aux ACPr pour les pays endéveloppementaunomdu«traitementspécialetdifférencié»enfaveurdecespays.Latroisièmedispositionestl’articleVdel’AGCS,quiénoncelesrèglesapplicablesauxACPrdansle domaine des services. Comme on l’a vu plus haut, lesMembres de l’OMC ont aussi adopté récemment, à titreprovisoire,unmécanismepour la transparencedesaccordscommerciauxrégionaux.

Aufildesannées,uncertainnombredepréoccupationsontété exprimées au sujet de l’efficacité de la surveillancemultilatérale des accords régionaux (Davey, 2011), (Low,2008). Premièrement, il a été dit que certaines desdispositions de l’article XXIV du GATT défient touteinterprétation juridique incontestée et, d’une manière plusgénérale, comportent des lacunes.64 Le débat a été centrésurl’interprétation:

• desalinéasa)etb)duparagraphe5del’articleXXIV,oùilest dit que «les droits et les réglementationscommerciales»imposésauxpaystiersneserontpas,dansleurensemble,d’uneincidencegénéraleplusélevéeouneserontpasplusrigoureuxquelesdroitsetréglementationsenvigueuravantlaconclusiond’unACPr65;

• desalinéasa)etb)duparagraphe8del’articleXXIV,oùilest dit que les droits de douane et les autresréglementations commerciales restrictives doivent êtreéliminés pour «l’essentiel des échanges commerciaux»entre les territoires constitutifs, et de l’alinéa a) duparagraphe1de l’articleVde l’AGCS, où il est dit qu’unACPrdoitcouvrir«unnombresubstantieldesecteurs»;

• du paragraphe 3 du Mémorandum d’accord surl’interprétationdel’articleXXIVduGATT,oùilestditquele «délai raisonnable» pour l’établissementd’unACPrnedevraitdépasserdixansquedansdescasexceptionnels.

Deuxièmement,plusieurslacunesontétéidentifiéesdanslecadre juridique et institutionnel du GATT/de l’OMC. En

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particulier, l’absence de disciplines concernant les règlesd’originedans lesaccordsde libre-échangeestdevenueunproblème avec la multiplication de ces accords etl’enchevêtrementd’accordsquienrésulte(qualifiéde«boldespaghettis»). De même, rien n’indique comment lescontingents tarifairesagricolesdoiventêtre traitésdans lesaccords préférentiels, ni si leurs membres sont autorisés àexclure leurs partenaires de l’application de mesurescontingentes visant le commerce de pays tiers, ou s’ilspeuventappliquerounondesmesuresdesauvegardedansleurs échanges mutuels. La question est aussi savoir si lesdispositions relatives au traitement spécial et différenciépour les ACPr entre pays en développement doivent êtreélargiesau-delàdecellesdelaClaused’habilitation.66

Troisièmement,ilsepeutquelalégislationduGATT/del’OMCait influencé les négociations d’ACPr, mais dans la pratique,elle n’a jamais été utilisée pour imposer des disciplines auxaccords commerciaux réciproques discriminatoires (Davey,2011),(Low,2008).Lesgouvernementsn’ontpresquejamaisdéterminé,danslecadredesprocéduresétablies,siunACPrdonné est conforme aux règles multilatérales. Lesprescriptionsprocédurales, commecellesqui concernent lesnotifications,n’ontétéobservéesaumieuxquepartiellementet les constatations faites dans le cadre du règlement desdifférends n’ont pas permis de remédier aux faiblesses desdisciplines.

Pour certains observateurs, il est révélateur que leMécanisme pour la transparencedes accords commerciauxrégionauxsoit leseulrésultatdesnégociationsduCycledeDoha qui ait pu voir le jour indépendamment des résultatsdans tous les autres domaines du Cycle.67 Cela sembleindiquer que les Membres de l’OMC sont conscients de lanécessitédemieuxcomprendre lanaturedesACRetqu’ilscontinuentdeprivilégieruneapprocheprudente(Low,2008).D’autres vont encore plus loin et considèrent que leMécanismepourlatransparenceremplaceavantageusementl’»ancien» mécanisme d’examen (Mavroidis, 2010). Étantdonnéque ledétournementd’échangesaété réduitpar lesréductions tarifaires multilatérales, que les ACPr semblentaméliorerlebien-êtreetqu’ilsabordentuncertainnombredequestions qui ne sont pas traitées par l’OMC, on considèreque les règles existantes ont une pertinence limitée.Mavroidis (2010) estime que le Mécanisme pour latransparence devrait devenir de jure le nouveau cadre pourl’examen des ACPr au sein du système commercialmultilatéral.68

(c) Possibilitésd’améliorerlacohérence

Onaexaminédanslerapport,l’idéequ’ilpourraitêtrejustifiédemaintenirdesrégimesdistinctspourlacoopérationrégionaleetpour la coopération multilatérale. Ce serait le cas lorsquecertains types de coopération sont mieux gérés au niveaurégionalqu’auniveaumultilatéral.Deplus, ilyadesquestionsquinepeuventpasêtretraitéesdemanièreadéquateauniveaurégional.Entrelesdeux,seposelaquestiondelacohérence.Ils’agitpour l’essentieldedéterminercequepeutapporteruneplus grande cohérence entre les ACPr et entre ceux-ci et lesystèmecommercialmultilatéral.

On a proposé différentes approches pour améliorer lacohérence entre les ACPr et le système commercial

multilatéral(Davey,2011),(Low,2008),(RapportSutherland,2004), (Commission Warwick, 2007), (OMC, 2003). Cespropositions sont examinées ici sous quatre rubriques:i)accélérationdel’ouverturemultilatéraleducommerce,ii)lacorrection des lacunes du cadre juridique de l’OMC,iii) l’adoptiond’uneapprocheplussoupleencomplémentducadre juridique existant et iv) la multilatéralisation durégionalisme.Cesapprochesnes’excluentpasmutuellement.Elles visent toutes à renforcer la compatibilité et lacohérence, c’est-à-dire à faire en sorte que les ACPrcontribuent à la coopération et à l’ouverture commercialesd’une manière fondamentalement non discriminatoire. Ellesdiffèrentessentiellementparcequ’ellesconsidèrentcommeune stratégie politiquement applicable pour atteindre cetobjectif.

L’abaissement des droits NPF réduirait la discrimination etréduirait ainsi les effets négatifs des ACPr. Le RapportSutherland a recommandé, par exemple, que les paysdéveloppésMembresdel’OMCconsolidenttousleursdroitsdedouaneàzérodansleurslistesd’engagementsàunedateultérieureàconvenir.La réductionà zérode tous lesdroitsdes pays développés sur les produits industriels ne semblepas impossibleàréaliserdansunavenirassezproche,maisles négociations du Cycle de Doha montrent que cela nepeutpassefairesansunecertaineréciprocitédelapartdespays émergents. L’élimination de tous les droits sur lesproduits agricoles, quant à elle, ne semble pas possiblepolitiquement dans le contexte actuel. Par ailleurs, laconsolidation de tous les droits à zéro pourrait régler laquestiondudétournementd’échangesinduitparlesdroitsdedouane, mais elle n’éliminerait pas tous les effetspotentiellement négatifs de mesures d’intégration plusprofondes.

Pourcequiestdecorrigerleslacunesducadrejuridiquedel’OMC, il est prévu, dans le Cycle de Doha, de mener desnégociationsvisant«àclarifieretàaméliorer lesdisciplineset procédures prévues par les dispositions existantes del’OMCquis’appliquentauxaccordscommerciauxrégionaux».Les négociations ont été menées dans deux directions.D’une part, les Membres ont examiné les questions deprocédurerelativesàlatransparencedesACPr.D’autrepart,ils ont tenté d’identifier les questions à négocier, y comprislesquestionsde fond, tellesque lesquestionssystémiqueset juridiques.69 Comme on l’a déjà dit, les négociations surles questions de procédure ont abouti à l’adoption, à titreprovisoire, d’un nouveau mécanisme pour la transparencedes accords commerciaux régionaux (WT/L/671). Lesnégociations sur les questions de fond ont amené certainsMembresàprésenterdespropositionsvisantessentiellementà clarifier les dispositions de l’article XXIV du GATT. Cespropositions contribuent utilement au débat, mais elles nesemblentpasavoiraboutiàunquelconqueconsensussurlesréformespossiblesdesrègles.70

Cela n’est pas vraiment surprenant, étant donné que lesdiscussionsantérieuresn’ontguèrepermisdeprogressersurles questions de fond.71 Cette absence de progrès peuts’expliquerparlefaitquelesMembresquiontadhéréàdesACPr dans le passé hésitent peut-être à approuver desclarificationsdes règlesquipourraient laisserentendrequelesACPrauxquels ilssontpartiesnesontpasconformesàl’article XXIV (Davey, 2011). Étant donné que les efforts

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visant à clarifier des notions telles que «l’essentiel deséchanges», «les autres réglementations commercialesrestrictives», etc., n’ont eu jusqu’ici qu’un succès limité, ilsemblepeuprobablequelasecondeoptionmentionnéeplushaut(clarificationetrenforcementdesrèglesexistantes)soitviable.

Enoutre,lesMembresdel’OMCsesontmontréspeuenclinsàutiliser le système de règlement desdifférendsde l’OMCpour clarifier les règles existantes et il semble improbablequ’ils changent d’attitude dans un proche avenir. Cela nesignifiepasquedesrèglesréviséesetamélioréesneferontpas un jour partie de réels progrès vers une plus grandecohérence, mais ce n’est apparemment pas un point dedépart prometteur. Dans ce contexte, l’analyse économiquepeut aider à renforcer les dispositions existantes. Ellemontre, par exemple, que la condition énoncée àl’articleXXIVduGATT,selonlaquellelaprotectionapplicableauxpaystiersnedoitpasaugmenteravecl’établissementoul’élargissementd’unACPr,neprotègerapasnécessairementcesderniersd’unepertedebien-être.72

La troisième option mentionnée plus haut consisterait àadopter une approche fondée sur un «droit souple» pourcompléterledroit«impératif»etlemécanismederèglementdesdifférends.Iln’yapasd’accord,danslalittérature,surladéfinition du «droit souple», mais les juristes semblentsouventdéfinirledroitimpératifcommeundroitcontraignantet ledroitsouplecommeundroitnoncontraignant (ShafferetPollack,2010).Onpourraitcitercommeexemplededroitsouple le Code de pratique pour l’élaboration, l’adoption etl’applicationdesnormes,annexéàl’Accorddel’OMCsurlesobstaclestechniquesaucommerce.L’applicationdececodeest facultative pour les Membres de l’OMC et il n’est pasprévuderecoursaumécanismederèglementdesdifférendspourlefairerespecter.Onpeutciteraussicommeexemplelecode de bonnes pratiques de l’APEC pour les accords delibre-échange et les accords commerciaux régionaux.73L’approche fondée sur un droit souple permettrait auxMembres de l’OMC de mieux comprendre leurs priorités etleurs intérêts respectifs dans le but d’avancer à terme versune interprétation juridique de dispositions particulières quigarantiraientlacohérence.

L’approchefondéesurundroitsouplen’estpassansrisque.Comme le soulignent Shaffer et Pollack (2010), le droitsouple et le droit impératif peuvent devenir antagonistes siles conditions sous-jacentesd’unecoopérationnesontpasréunies. Low (2008) fait valoir qu’une perception communedesobjectifsetdelanaturedupassageàundroitimpératifaugmenteraitleschancesdevoirledroitsouplecontribueràlareconstructiondudroitimpératif.C’estpourquoiilproposeune approche en trois étapes. La première consisterait àaccroîtrelatransparenceetl’échanged’informationsdanslecadre du nouveau Mécanisme pour la transparence. Cetéchange de vues renforcé ouvrirait la voie à l’élaborationprogressivedansundeuxièmetemps,d’undroitsouplesouslaformed’uncodedebonnespratiques.Enfin,latroisièmeetdernièreétapeconsisteraitàengagerdesnégociationspouraméliorer lesdispositionsdudroit impératifunefoisquelesgouvernementssontàl’aiseavecledroitsouple.

La quatrième proposition est la multilatéralisation durégionalisme (Baldwin, 2006; Baldwin et Thornton, 2008).

Baldwin (2009) définit le processus de multilatéralisationcommel’extensionnondiscriminatoireàd’autrespartiesdesarrangements préférentiels existants ou la fusion desdifférents ACPr. L’idée est que, du fait du partage de laproductionmondiale,lesforceséconomiquesàl’originedelaprolifération des ACPr et de la création de ce que l’on aappelé le «bol de spaghettis» se sont affaiblies et sontprogressivement remplacées par de nouvelles forcesfavorables à la multilatéralisation des préférences. Cela setraduit par diverses initiatives de multilatéralisation tant auniveaurégionalquemultilatéral.

Parmi les initiatives régionales visant à réduirel’enchevêtrement d’ACPr, on peut citer le code de bonnespratiquesde l’APECpour lesACProu leSystèmedecumulpaneuropéen, qui a réduit les distorsions de la productionéconomique internationale dans la zone par l’harmonisationdesrèglesd’origineetlecumuldiagonal.Commeexempledemultilatéralisation au niveau multilatéral, on peut citerl’Accordsurlestechnologiesdel’information,quiaétabliunmécanismepourl’éliminationdesdroitsNPFsurlesproduitsdes technologies de l’information et qui a ainsi renduinopéranteslesrèglesd’origineetlesrèglesdecumul.

Desétudesrécentesontmisenévidencelecoûtpotentieldel’enchevêtrement d’ACPr et de la complexité des règlesd’origine actuelles dans un monde où les chaînes deproductionsontgéographiquementfragmentées(Baldwinet al. ,2009).L’OMCpeutavoirunrôleàjouerdanslaréductionde ces coûts de transaction en servant de cadre pour lacoordination/la normalisation/l’harmonisation des règlesd’originepréférentielles.74Unautremoyend’assureruneplusgrande cohérence, évoqué précédemment, consiste àidentifierles«meilleurespratiques»suiviesdanslesACPr.75Commeonl’aditdanslasectionD,ledébatsepoursuitsurlaquestiondesavoirsilesmesuresd’intégrationprofondedanslecadredesACPrpeuventavoiruneffet«boldespaghettis»,comme les préférences tarifaires.Baldwin et al. (2009) ontcherché à déterminer, dans six domaines différents, si lesACPr ont créé un «bol de spaghettis» et de quelle façonleursdispositionsontétéoupourraientêtremultilatéralisées.

Une dernière remarque sur la multilatéralisation des ACPrconcerne les procédures de prise de décisions. Plusieursauteurs (Lawrence, 2006), (VanGrasstek et Sauvé, 2006),(Cottier, 2009), (Elsig, 2009), (Low, 2011) ont examiné lapossibilitéd’élaboreruneapprochemultilatéraled’unerègleduconsensusmodifiée, souvent appeléeprisededécisionsfondée sur la masse critique. L’approche proposée par Low(2011)esttrèssemblableàl’approcheditedu«code»,quiestapparue dans les Accords du Tokyo Round concernant lesmesures non tarifaires et qui a ensuite été remplacée parl’«engagementunique»(selonlequelrienn’estconvenutantquetoutn’estpasconvenu), lorsdelacréationdel’OMCen1995. L’approche fondée sur la masse critique a refaitsurface après le Cycle d’Uruguay avec les accords sur lesservices de télécommunication de base, sur les servicesfinanciers et sur les produits des technologies del’information.

L’adoption d’une approche fondée sur la masse critiquepermettrait de «multilatéraliser» les règles commercialessans impliquer l’ensemble des Membres de l’OMC,proposition qui peut paraître attrayante lorsqu’il est justifié

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d’avoiruneapprocheréglementaireducommercelargementpartagée mais pas nécessairement mondiale. On peut direqu’il existe une masse critique lorsqu’un ensemblesuffisamment important de Membres accepte de coopérersouslesauspicesdel’OMC.Unecaractéristiqueimportantede cette approche est que les accords n’entraînent aucunediscriminationàl’égarddespaysnonsignataires.

Des sauvegardes convenablement choisies sur le plan desinstitutions et des procédures permettraient de protéger lesystèmecontrelerisquedefragmentationetdedilutiondelabase multilatérale de la coopération commerciale. Pourdéfinir lamassecritique,uneméthodesimplemaisefficacepourraitêtre,parexemple,delalaissersedéfinirelle-même.Ilyauraitunemassecritiquequandceuxquisontdisposésàallerdel’avantavecunaccordconsidèrentquelesoutienetl’engagement des Membres est suffisant. Ceux quiresteraientendehorsseraientalorsconsidéréscommetrop

peu nombreux pour affaiblir l’accord et il n’y aurait aucuneraison de ne pas appliquer la règle NPF à tous lesnon-signatairespourl’ensembledesavantages.

Une autre question importante est de savoir si et quand ilserait nécessaire de prendre des décisions par consensusdans le cas d’initiatives fondées sur la masse critique. Enl’absence de participation multilatérale sur la base duconsensus, on risque de voir une partie des Membresélaborer des règles qui leur profitent, au détriment desMembres qui ne font pas partie de la masse critique. Pouréviter cela, il est proposé que les accords fondés sur lamasse critique soient approuvés par consensus avantd’entrerenvigueur.Celapermettraitnonseulementd’éviterde nuire aux intérêts des Membres n’appartenant pas à lamasse critique, mais aussi de maintenir les accords fondéssurlamassecritiquedanslecadredusystèmemultilatéral.

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1 Auxfinsduprésentrapport,les«effetssystémiques»s’entendentdeseffetsstatiquesetdynamiquesdesACPrsurlesystèmecommercialmultilatéral.Leseffetsstatiquessont,parexemple,l’existenceéventuellederèglesconflictuelles,concernantnotammentlesmesurescommercialescorrectives.Leseffetsdynamiquessont,entreautres,l’impactdesACPrsurlaprobabilitéquelespaysengagentdenouvellesnégociationsmultilatérales.

2 Certainstravauxthéoriquesetempiriquesexaminentlaquestioninverse,quiestdesavoirsilemultilatéralismeencouragelaproliférationdesACPr.Ethier(1998)etFreund(2000)construisentdesmodèlesthéoriquesdanslesquelslaformationd’ACPrestuneréponseendogèneausystèmecommercialmultilatéral.Àpartirdedonnéessurlesréductionstarifairesmultilatéralesetl’octroidel’accèsenfranchisededroitsconsentisparlesÉtats-Unisauniveaudeslignestarifaires,FugazzaetRobert-Nicoud(2010)trouventdesélémentsempiriquesétayantlathèseselonlaquellel’ouvertureNPFouvrelavoieàuneouverturepréférentielle.

3 Cetteargumentationposedesproblèmespratiques.Premièrement,iln’estpeut-êtrepasréalistedesupposerl’existencedetransfertsforfaitairesinternationaux,et,enleurabsence,ilsepeutquecertainsmembresdublocs’opposent,àunmomentdonné,àunnouvelélargissement.Deuxièmement,rienn’obligelesmembresdel’ACPràfixerleurstarifsextérieursdelamanièresupposéeparKempetWan,etilspeuventmêmeavoirdesraisonsdelesfixerautrement(voirlasectionC.1).

4 Par«érosiondespréférences»,onentendladiminutiondelamargedepréférencesdontbénéficientcertainsexportateurssurlesmarchésétrangersparsuited’untraitementcommercialpréférentiel.Celapeutseproduirelorsquelespartenairessupprimentlespréférences,augmententlenombredebénéficiairesdespréférencesouabaissentleursdroitsNPFsansabaisserproportionnellementleursdroitspréférentiels(AlexandrakietLankes,2004).

5 Lespaysexclussontpénalisésparl’ACPrparcequeleprixàlafrontièrepourleursexportateursbaisse.Dupointdevuedespaysmembres,lesavantagesdulibre-échangeglobalsontunmeilleuraccèsauxmarchésdespaystiersetunelibéralisationaccruedeleursmarchésd’importation.Toutefois,cesavantagessontfaiblessilestarifsinitiauxsontbas,desortequelespaysmembresdel’ACPrneserontguèreincitésàopterpourdesréductionstarifairesmultilatérales.

6 Cependant,AmitietRomalis(2007)fontvaloirque,pourdenombreuxpaysendéveloppement,l’accèspréférentieleffectifestmoinsgénéreuxqu’iln’yparaîtenraisondunombrelimitédeproduitsvisésoudelacomplexitédesrèglesd’origine.Parconséquent,l’abaissementdesdroitsdedouaneauniveaumultilatéral(CycledeDoha),etplusparticulièrementdestarifsagricoles,estsusceptibled’entraîneruneaugmentationnettedel’accèsauxmarchéspourbonnombredecespays.

7 C’estcequel’onappellel’effet«rouleaucompresseur»(BaldwinetRobert-Nicoud,2008).

8 Onnoteraqueceteffetpourraitêtreinversésil’ACPraugmentaitlaprotectiondusecteurnationalenconcurrenceaveclesimportations.Danscecas,l’ACPriraitàl’encontredumultilatéralisme,commenousleverronsplusloin.

9 Uneprotectionaccrueestobtenuelorsquelesproducteursdumembrequiauntarif(extérieur)faiblepeuventexportertouteleurproductionverslemembrequiauntarifélevésansaffecterlesprixdanscepays.Danscecas,lesproducteursdusecondpaysnesontpaspénalisésetceuxdupremierbénéficientd’unerentedeprotectionplusimportante(FreundetOrnelas,2010).

10 Commeonl’avudanslasectionC,Ornelas(2005b;2005a)nuancel’argumentdanslesmodèlesdanslesquelsletarifextérieurestendogène.LapossibilitédeconcluredesACPrquidétournentleséchangesestpluslimitée,maisnepeutêtreexclue.

11 SchiffetWinters(1998)estimentcependantquelesACPrfondéssurdetelsfacteursontdeschancesd’êtreprovisoires,carlespréférencescommercialesoptimalesonttendanceàs’amenuiseravecletemps.Dansleurmodèle,lapolitiquecommercialeextérieuredel’ACPrdevientdeplusenplusouverteaufildutemps.

12 Onnoteraquecerésultatestindépendantdel’existencedemotifsd’économiepolitiquedanslespaysexclus.Si,toutefois,lesgouvernementsdespaysnonmembresaccordentuneimportancedisproportionnéeauxbénéficesdesproducteurs,ilyaencoreplusdechancesqu’ilssoientopposésàl’ouverturecommercialeglobale.

13 Étantdonnéqu’iln’estpaspossibledeconnaîtreledegrédelibéralisationmultilatéralesurlequelunpaysmembred’unACPrseseraitengagéenl’absencedecetaccord,cesétudesempiriquesdoivents’appuyersurlesdifférencesentrelesscénariosdelibéralisationdansletemps,entrepaysouentresecteurs,cequirendplusdifficilelamiseenévidencedel’effetdecausalitédel’ACPr.

14 SelonlaBanquemondiale(2005),lesréductionstarifairesunilatéralesontreprésentélesdeuxtiersdelaréductionde21pointsdepourcentagedesdroitspondérésmoyensdetouslespaysendéveloppemententre1983et2003.LesréductionstarifairesassociéesauxengagementsmultilatérauxprisdansleCycled’Uruguayreprésentaientenviron25pourcentetlesaccordsrégionauxenontreprésentéenviron10pourcent.

15 LesdeuxétudesmontrentquelalibéralisationdanslecadreduCycled’Uruguayaétémoindrepourlesproduitsbénéficiantdepréférences.

16 Cetteinterprétationesttrèscritiquéeparuncertainnombred’analystes(Baldwin,2009).D’aprèsBaldwin(2009),c’estlechangementdepositionduCanadaetduMexiquequiadéclenchél’essordurégionalismeenAmériqueduNord.

17 Ceparagrapheetlesuivants’appuientsurOMC(2007).

18 Commecelaestexpliquéplusloin,lesystèmedecumulpaneuropéenaétéétabliparcequelecommercedesproduitsindustrielsétaitquasimentexemptédedroitsenEurope,maisétaitsoumisàdesrèglesd’origineetdecumulcomplexes.Lecommercedesproduitsdestechnologiesdel’informationétaitluiaussipratiquementexemptédedroits,maislesmultiplesarrangementspréférentielsnuisaientàl’efficience,cequiapoussélesgouvernementsàsimplifiercesarrangements–d’oùl’adoptiondel’ATI.

19 Cetargumentneconcernepasseulementlalibéralisationdesservices.Ils’appliqueaussi,parexemple,auxmesuresderéductionoud’éliminationdesobstaclestechniquesaucommerce(OTC)parl’harmonisationoulareconnaissancemutuelledesréglementations.Desdonnéesempiriqueslaissentpenserquelemarchéuniquedel’UE(fondéengrandepartiesuruneréglementationnondiscriminatoire)aélargil’accèsaumoinsautantpourlesentreprisesdespaystiersquepourcellesdesÉtatsmembresdel’UE(MayeretZignago,2005).

20 L’avantagedupionnierestl’avantagedurabledontbénéficielefournisseurquiarrivelepremiersurlemarché,mêmesid’autresfournisseurspeuventyentrerparlasuite.VoirMattooetFink(2004)etManger(2008).

21 L’articleV:6)del’AGCSprescritl’établissementderèglesd’originelibéralespourlesACPrauxquelsparticipentdespaysdéveloppés.Ildisposecequisuit:«Un fournisseur de services de tout autre Membre qui est une personne morale constituée conformément à la législation d’une partie [...] aura droit au traitement accordé en vertu dudit accord, à condition qu’il effectue des opérations commerciales substantielles sur le territoire des parties audit accord.»L’articleV:3b)disposequelesACPrauxquelsparticipentseulementdespaysendéveloppementpeuventlimiterlespréférencescommercialesauxfournisseursdeservices«détenusoucontrôléspardespersonnesphysiquesdesparties».Pourtant,laplupartdes

Notes

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ACPrentrepaysendéveloppementn’ontpastirépartidecetteoption.Parmilesraisonspourlesquelleslespaysontdécidéd’incluredesrèglesd’originelibéralesdansl’AGCSetdenepasfaireusagedelaclausedetraitementspécialetdifférenciémentionnéeci-dessus,FinketJansen(2009)mentionnent:i)lefaitquelesfournisseursdeservicesétablissurleterritoired’unepartiesontconsidéréscommefaisantpartiedel’économieintérieure;ii)lefaitque,enprésenced’économiesenréseau,ilestplusefficacepourlesfournisseursdeservicesdedesservirsimultanémentplusieursmarchés,cequiestfacilitépardesrèglesd’originesouples;iii)lefaitquelaparticipationàdesréseauxdeproductionmondiauxinciteàabandonnerlesnormesdeservicesparticulièrespouraccroîtrelacompétitivitédesexportateursetattirerlesIED.

22 Parexemple,lesaccordsderapprochementéconomiqueentrelaChineetHongKongChine,etentrelaChineetMacaoChine,suiventdetrèsprèslelibellédel’articleV:6)del’AGCS.Toutefois,Emch(2006)faitvaloirquelanécessitédeseconformersimultanémentàsixprescriptions(natureetportéedel’activité;annéesd’exercice;paiementdestaxes;locauxprofessionnels;emploidepersonnel;exclusiondesservicesintra-groupe)poursatisfaireaucritèredes«opérationscommercialessubstantielles»peutsignifier,de facto,quel’accèsn’estaccordéqu’àquelquesfournisseursdeservices,demanièresélective.

23 Ilconvientdenoterquel’articleV:6)del’AGCSnereconnaîtquelesintérêtsdespersonnesmorales,etnondespersonnesphysiquesdespaystiersquifournissentdesservicessuivantlemode4surleterritoiredel’undespaysmembresdel’ACPr.Parexemple,unressortissantjaponaisdiplôméd’uneuniversitéfrançaiseetayantunelicencepourexercerenFrancen’auraitpasdroit,s’ilvoulaittravaillerenAllemagne,autraitementaccordéauxressortissantsdel’UE.

24 SelonlaCNUCED(2009),2676accordsd’investissementbilatérauxétaientenplaceàlafinde2008,82ontétésignésen2009etsixdanslescinqpremiersmoisde2010(ConférencedesNationsUniessurlecommerceetledéveloppement,2010).

25 Danslecontextedel’investissement,letraitementNPFsignifiequetouslesinvestisseursdespaysmembresdel’ACPrreçoiventletraitementleplusfavorableaccordéàtoutautreinvestisseurétranger.Letraitementnationalsignifiequelesinvestisseursdespaysmembresdel’ACPrsonttraitésdelamêmemanièrequelesinvestisseursnationaux.

26 Lesaccordsbaséssurl’ALENAaccordentleplusavantageuxdutraitementNPFoudutraitementnational.VoirKotschwar(2009),etl’analysedesdispositionsrelativesàl’investissementdanslasectionD.

27 LesaccordsbilatérauxquisesontmultipliésenEuropeaumilieuduXIXesièclejusqu’àlaPremièreGuerremondialecomportaientdetellesclausesdenon-discriminationinconditionnelle.Celaaaboutiàunelibéralisationnondiscriminatoiremultilatérale de facto(Lampe,2009).

28 IlyacependantuncertainnombrederéservesquilimitentlerôledecesclausesNPFcommefacteurdemultilatéralisationautomatique.CesréservessontexaminéesplusloindanslasectionE.2e).

29 VoirBaldwinet al. (2009)pourplusdedétails.

30 Leseffetssurlecommercedusystèmedecumulpaneuropéensontexaminésdansl’encadréC.4delasectionC.Voirl’encadréE.2pouruneanalysedeseffetsdela«multilatéralisation»desrèglesd’originesurlesystèmecommercialmultilatéral.

31 Lasolutionradicaleseraitd’éliminerlesdroitsNPFsurlesproduitsindustriels,cequirendraitlesrèglesd’origineinutiles.Maisc’estàl’évidenceunemesurepolitiquementinacceptable.

32 L’article23:2duMémorandumd’accord«prohibecertainesactionsunilatéralesdelapartd’unMembredel’OMC».Plusprécisément,envertudecetarticle,«unMembrenepeutpasunilatéralement:i)déterminerqu’ilyaeuviolation,quedesavantagesontétéannulésoucompromis,ouquelaréalisationd’unobjectifdesaccordsvisésaétéentravée;ii)déterminerla

duréedudélairaisonnablepourlamiseenœuvre;ouiii)déciderdesuspendredesconcessionsetendéterminerleniveau».(Rapportdel’Organed’appelÉtats-Unis/Canada – Maintien de la suspension d’obligations ,paragraphe371).

33 VoirladécisionduGATTÉtats-Unis – Marges de préférence, IBDD II/11.

34 Pourunexamendétaillédelacompétencedesorganesderèglementdesdifférendsinternationauxetdesdoctrinesenquestion,voirShany(2005).

35 C’estlecas,parexemple,lorsquelapartieplaignantedevantuneinstanceestungouvernementtandisquelapartieplaignantedevantl’autreinstanceestunepersonneprivée.

36 Pourlepointdevueopposé,voirKuijper(2010).

37 Ilfautpréciserquecen’estpasl’existencededécisionscontradictoiresquiaamenél’Organed’appelàinfirmerlaconclusionduGroupespécialdel’OMC.

38 Onnoteracependantqueleseffetssurlebien-êtredecettediscriminationaccruenesontpasclairs,carilpeutyavoirsimultanémentcréationd’échangesdanslecadredel’ACPretdétournementd’échangesaudétrimentdessourcesd’importationsmoinschèresdespaysnonmembres.

39 Tehet al.(2009)etPrusaetTeh(2010)ontrecensélesdispositionsantidumpingd’environ80ACPrcouvrantprèsdelamoitiédesexportationsmondiales.Lerecoursauxmesuresantidumpingétantrégiparl’Accordantidumpingdel’OMC,ilsestimentque,silesrèglesdesACProntuneffet,ellesservirontàrendreplusdifficilel’applicationdedroitsantidumpingauxmembresdesACPr.Celapeutprendrediversesformes.CertainsACPrrelèventleseuilrequispourappliquerdesdroitsantidumpingou,siunteldroitestappliqué,ilsleramènentàunniveauinférieuràlamargededumpingouilsenraccourcissentladuréed’application.D’autresACPrconfientàdesorganismesrégionauxlaconduitedesenquêteset/oul’examendesdéterminationsfinalesdesautoritésnationales.

40 Pourexpliquerlaméthode,imaginonsquel’onobservel’activitéantidumpingàl’encontrededeuxgroupesdepays(membresetnonmembresd’unACPr)pourdeuxpériodesdistinctes(avantetaprèsl’établissementdel’ACPr).Lespaysmembresdel’ACPrfontl’objetdequelquesrèglesantidumpingsupplémentairesquipeuventaffecterl’activitéantidumpingaprèsl’établissementdel’ACPr,maispasavant.Lespaysnonmembresnefontpasl’objetdetellesrèglesdansaucunedesdeuxpériodes.Decefait,toutedifférenceobservéedansl’activitéantidumpingentrelesdeuxgroupesdepayspeutêtreimputéeauxrèglesantidumping.

41 L’analysesuiticideprèsPrusaetTeh(2010).

42 LesACPrquiexcluentlespartiesdel’applicationdesmesuresglobalessontlessuivants:Australie-Thaïlande,Australie-États-Unis,Canada-Chili,Canada-Israël,UE-Chili,GroupedesTrois,Mexique-Chili,Mexique-Israël,Mexique-Nicaragua,Mexique-TriangleNord,Mexique-Uruguay,ALENA,États-Unis-ZLEAC-RD,États-Unis-JordanieetÉtats-Unis-Singapour.

43 LaplupartdesACPrprécisentcequesignifientlesexpressions«partsubstantielledesimportationstotales»et«contribuentdemanièreimportanteaudommagegrave».DanscertainsACPr,l’expression«nereprésententpasunepartsubstantielledesimportationstotales»signifiequelepartenairen’apasfiguréparmilescinqprincipauxfournisseursaucoursdestroisdernièresannées.L’expression«necontribuentpasdemanièreimportanteaudommagegraveouàlamenacededommagegrave»signifiequeletauxdecroissancedesimportationsenprovenancedupartenaireestsensiblementinférieurautauxdecroissancedesimportationstotalesdetoutesprovenances.

44 Dansl’affaireArgentine – Chaussures ,l’ArgentineaincluslesimportationsenprovenanceduMERCOSURdansl’analysedesfacteurscontribuantaudommagecauséàsabranchedeproductionnationale,maiselleaexclulespaysduMERCOSURdel’applicationdelamesuredesauvegarde.Dansl’affaireÉtats-Unis – Gluten de froment,lesÉtats-Unisontexclule

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RappORT suR Le COMMeRCe MOndIaL 2011

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Canadadel’applicationdelamesuredesauvegarde,bienqu’ilsaienttenucomptedesimportationsdeglutenenprovenancedecepaysdansleurenquête.Dansl’affaireÉtats-Unis – Tubes et tuyaux de canalisation,lesÉtats-Unisontexcludel’applicationdelamesuredesauvegardelesimportationsenprovenancedeleurspartenairesdel’ALENA,maisenonttenucomptedansl’analysedesfacteurscontribuantaudommage.Etdansl’affaireÉtats-Unis – Acier,ilsontinclustouteslessourcesd’importationsdansleuranalysedel’accroissementdesimportations,dudommagegraveetduliendecausalité,maisilsontexcluleurspartenairesdel’ALENA,IsraëletlaJordaniedel’applicationdelamesuredesauvegarde.

45 Bienqueletermeparallélismenefigurepasdansletextedel’Accordsurlessauvegardes,l’Organed’appelaconsidéréquecetteexigencedécoulaitdulibellédesdeuxpremiersparagraphesdel’article2del’Accordsurlessauvegardes.Voirlerapportdel’Organed’appelÉtats-Unis – Acier, paragraphe439.

46 Pourunecritiquedel’applicationdeceprincipeparl’Organed’appel,voirPauwelyn(2004).

47 Cepointaétéabordédansl’affaireÉtats-Unis – Tubes et tuyaux de canalisation (entrelesÉtats-UnisetlaRépubliquedeCorée).Danscetteaffaire,lesÉtats-Unisontfaitvaloirquel’articleXXIVduGATTleurpermettaitdenepasappliquerlamesuredesauvegardeàleurspartenairesdel’ALENA.LeGroupespécialaadmisl’argumentdesÉtats-Unisselonlequellanon-applicationdelamesuredesauvegardeàleurspartenairesfaisaitpartiedel’éliminationdesréglementationscommercialesrestrictivespour«l’essentieldeséchangescommerciaux»entrelesmembresd’unezonedelibre-échange,prescriteparl’articleXXIVduGATT.LaRépubliquedeCoréeaensuitefaitappeldeladécisionduGroupespécial.L’Organed’appeladéclaréqueladécisionduGroupespécialconcernantl’articleXXIVétaitdiscutableetn’avaitpasd’effetjuridique.Laquestiondesavoirsil’articleXXIVduGATTde1994permetd’exempterdel’applicationd’unemesuredesauvegardelesimportationsenprovenanced’unpayspartenairesauseind’unACPrn’estpertinentequedansdeuxcas.Premièrement,danslecasoùlesimportationsenprovenancedesmembresd’unACPrn’ontpasétéprisesencomptedansl’enquêteenmatièredesauvegardes.Etdeuxièmement,danslecasoùlesimportationsenprovenancedesmembresd’unACProntétéprisesencomptedansl’enquête,maisilaétéexpressémentétabliquelesimportationsenprovenancedesourcesextérieuresàlazonedelibre-échangejustifiaientàellesseulesl’applicationd’unemesuredesauvegarde.Commeaucunedecesdeuxconditionsn’étaientrempliesdansl’affaireÉtats-Unis – Tubes et tuyaux de canalisation,laquestionn’étaitpaspertinente.L’Organed’appelaprissoincependantdesoulignerque,enprenantcettedécisionilnestatuaitpassurlaquestiondesavoirsil’articleXXIVduGATTde1994permetd’exempterd’unemesuredesauvegardelesimportationsenprovenanced’unmembred’unezonedelibre-échange.Cettedécisionlaissedoncentièrementouvertelaquestiond’unrecoursàl’articleXXIVduGATT.

48 Toutefois,Baldwinet al.(2009),fontvaloirqueledégroupagedelaproductionpeutréduirel’oppositionpolitiqueauxdispositionsprofondesnondiscriminatoires.VoirlasectionE.2e).

49 Deuxmodificationsmineuresontétéapportéesàl’articleXXIVduGATTen1955-1957.L’expression«territoiresconstitutifs»aétéremplacéepar«parties»etlemot«inclus»par«prévu»(Jackson,1969).

50 CertainesmesuresliéesàlaconstitutiondelaCEEouàsonélargissementontétécontestéesdanslecadredusystèmederèglementdesdifférendsduGATT.(Voir,parexemple,l’actiondesÉtats-Unisautitredel’articleXXIII(guerredupoulet)etlespréférencesdelaCEEconcernantlesagrumes(etlesaccordsd’association)).Enmêmetemps,commelesouligneHudec(1990),lacréationdelaCEEasignifiéquelesdifférendsentresesmembresneseraientplussoumisauGATT.Hudecnoteaussique,pendantuncertaintemps,laCEEahésitéàsouleverdesdifférendscontred’autrespartiescontractantes,craignantquecelalesinciteàcontestersesmesures.

51 Hudec(1971)estimequel’articleXXIVn’asansdoutepasétérédigéenpensantauxpaysendéveloppement.Selonlui,bienqueleGATTreconnaisseledroitd’érigerdesobstaclesaucommerceauxfinsdudéveloppementindustriel,c’est-à-direpourpromouvoirlesindustriesnaissantes,lesdispositionsdel’articleXXIVpeuventlimitercettepossibilitépuisqu’ellesdemandentl’éliminationdesobstaclesinternesetlemaintiendustatu quo antepourlesobstaclesexternes.

52 Pourl’historiquedecettedisposition,voirQuestions systémiques en rapport avec l’expression«l’essentiel des échanges commerciaux»,Noted’informationduSecrétariat(Révision),WT/REG/W/21/Rev.1,5février1998.L’AccordsurlesADPICnecomporteparcontreaucunedispositionrelativeauxaccordscommerciauxpréférentiels.

53 Le14décembre2010,leConseilgénéralaadoptéuneDécisionrelativeàunmécanismepourlatransparencedesarrangementscommerciauxpréférentiels(WT/L/806),quiaétérédigéeconformémentaumandatqu’ilavaitdonnéen2006auComitéducommerceetdudéveloppement.Cemécanismecouvre:lesACPrrelevantduparagraphe2delaClaused’habilitation,àl’exceptiondesaccordscommerciauxrégionauxvisésauparagraphe2c);lesACPrprenantlaformed’untraitementpréférentielaccordéparunMembreauxproduitsdespayslesmoinsavancésettoutautretraitementpréférentielnonréciproqueautorisédanslecadredel’Accordsurl’OMC.Leparagraphe2c)delaClaused’habilitationfaitréférenceaux«arrangementsrégionauxoumondiauxconclusentrepartiescontractantespeudéveloppéesenvuedelaréductionoudel’éliminationdedroitsdedouanesurunebasemutuelleet,conformémentauxcritèresouauxconditionsquipourraientêtreprescritsparlesPARTIESCONTRACTANTES,envuedelaréductionoudel’élimination,surunebasemutuelle,demesuresnontarifaires,frappantdesproduitsquecespartiescontractantesimportentenprovenancelesunesdesautres».

54 Lesaccordsnotifiésautitredel’articleXXIVduGATTetdel’articleVdel’AGCSsontexaminésparleCACRtandisquelesaccordsnotifiésautitredelaClaused’habilitationsontexaminésparleComitéducommerceetdudéveloppement.

55 ÀlademandeduGroupedenégociationsurlesrègles,leSecrétariatdel’OMCaétabliuninventairedesquestionsrelativesauxACPrsoulevéesjusqu’en2002danslecadredestravauxduComitédesaccordscommerciauxrégionauxetdesdébatsd’autresorganesdel’OMC(voirInventaire des questions relatives aux accords commerciaux régionaux,Noted’informationduSecrétariat,TN/RL/W/8/Rev.1,1eraoût2002).

56 CeschiffrescorrespondentauxnotificationsdenouveauxACRetd’accessionsàdesACRexistants.

57 Quatre-vingt-huitACRontétéexaminésparleComitédesaccordscommerciauxrégionauxetquatreparleComitéducommerceetdudéveloppement.

58 Onconsidèreaussiquelemultilatéralismeestsupérieuraurégionalismeparcequelesgrandspayspeuventsecomporterdemanièreplushégémoniquelorsqu’ilsnégocientbilatéralementavecdespayspluspetits.

59 VoiraussiDavey(2011).

60 BrownetStern(2011)ontunraisonnementanalogue.

61 Lathéorieclassiquedesaccordscommerciauxmetl’accentsurleseffetssurlestermesdel’échange.D’aprèslathéoriedestermesdel’échange,lamotivationd’unpayspouradhéreràdesaccordscommerciauxdépenddel’influencequ’ilpeutexercersurleprixdesesimportationsàtraverssapolitiquecommerciale.Sideuxgrandspaysparticipentàunaccordcommercialpouréchapperaudilemmeduprisonnier,cetaccorddevraêtremultilatéralplutôtquepréférentiel.Celatientàceque,s’ilsn’étendentlebénéficedeleuraccordbilatéralàunpaystiersparuneformedetraitementNPF,l’unoul’autrepourrapratiquerun«opportunismebilatéral»enconcluantunaccordavecunpaystiersquiexclutl’autregrandpayspartenaire(OMC,2007).

62 LasectionCprésentelethéorèmedeladécentralisationdeOates,quiconstituelefondementéconomiqueduprincipedesubsidiarité.

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ii – l’OMC eT les aCCOrds COMMerCiaux PréFéreNTiels

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63 Voirl’analysedesengagementsrelatifsauxOTCdanslesACPrdansBaldwin et al.(2009).

64 VoirDavey(2011),demêmequelasynthèsedudébatfigurantdansleRapport sur le commerce mondialdel’OMC(2007)etMarceauetReiman(2001).

65 Ladéfinitiondel’expression«autresréglementationscommerciales»etlaprescriptionselonlaquellelesACRnedoiventpasavoirpoureffetd’opposerdesobstaclesplusélevésauxpaystiersontfaitl’objetd’intensesdébats.

66 Lesquestionsdeprocédureconcernantàl’administrationdesdispositionsdelaClaused’habilitationrelativesauxACProntétéexaminéesdanslecadreduMécanismepourlatransparencedesaccordscommerciauxrégionaux.

67 Onnoteraqu’endécembre2010,leConseilgénéraldel’OMCaadoptéunMécanismepourlatransparencedesarrangementscommerciauxpréférentiels(documentWT/L/806),quienétendauxpréférencesnonréciproquesl’applicationduMécanismepourlatransparencedesACR.

68 Evenett(2009)souligneque,dansladécisionduConseilgénéraldel’OMCétablissantleMécanismepourlatransparenceprovisoire(WT/L/671),ilestquestion,enanglais,de«consideration»etnonde«examining»ou«evaluation»,cequisembleindiquer,selonlui,quel’ensembledesMembresdel’OMCnesouhaitentpasquecenouveaumécanismesoitréellementefficace.

69 Onnoteraquecertainesquestions,commecellesquionttraitàlacohérenceinternedesdispositionsdel’OMCs’appliquantauxACPr,sontàlafoisdesquestionsdeprocédureetdefondoudesquestionsjuridiques.

70 VoirDavey(2011).Ilsemblequecesquestionsn’ontpasreçubeaucoupd’attentionaucoursdesdernièresannées,maisunenouvellepropositionaétéprésentéeetlesdiscussionsontrepris.Ilresteàvoirsiellesporterontsurlefond.

71 VoirlerésumédesdiscussionsétabliparleSecrétariatdel’OMC(TN/RL/W/8/Rev.1).

72 Pouruneanalyseéconomiqueplusdétailléedespropositions,voirleRapport sur le commerce mondial 2007(OMC,2007).

73 VoirMarceau(2007).

74 Pourlamultilatéralisationdesrèglesd’origine,voiraussil’encadréE.2.

75 Lanotionde«meilleurespratiques»aaussiétédéfiniecommeunerèglepermettantlaconvergenceversuncritèremultilatéral.Pouruneapprochepossible,voirPlummer(2006).