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EAU, AIR, TERRE, LUMIÈRE ET PLANTES VERTES Guy Rumelhard Ce numéro est l'occasion de faire le point sur quinze ans de travaux de recherche en didactique concernant un ensemble de questions de physiologie végétale étroitement interdépen- dantes : nutrition, respiration, photosynthèse. Ces ques- nutrition, tions posées principalement au niveau des végétaux verts respiration. sont, en effet, partie obligée des programmes d'enseigne- photosynthèse, ment depuis le plus jeune âge étant donné leur importance partie obligée théorique et pratique pour la vie humaine. Mais l'impor- des programmes tance biologique des phénomènes ne les rend pas pour autant plus aisés à comprendre. Bien au contraire. Et c'est donc très logiquement que de nombreux travaux se sont attachés à en rendre l'assimilation plus facile. La revue ASTER publiait, dans sa première parution en 1985 un article portant sur "Quelques représentations apro- pos de la photosynthèse''. Il faisait la synthèse de travaux effectués à l'Institut National de Recherche Pédagogique à partir de 1976 et qui figuraient parmi les premiers travaux méthodiques sur ce thème. Bien entendu, de nombreuses innovations avaient eu lieu auparavant et ont continué depuis. Elle portent principalement sur des montages expé- rimentaux et des activités à réaliser de manière pratique en classe. Dans ce numéro l'article de Pedro Canal de Leon permet de faire une synthèse approfondie des travaux actuels, et il comprend ainsi quarante trois références correspondant à quarante auteurs de plusieurs pays différents. Ces travaux concernent, il est vrai, essentiellement les élèves du niveau École ou Collège. Les études concernant le niveau Lycée et les étudiants de l'Université sont rares dans ce domaine. Pour mieux situer les analyses présentées dans les diffé- rents articles il faut rappeler que les quinze années écoulées correspondent à une période d'évolution, d'organisation et de structuration des travaux de didactique. Tout en conser- vant une aspect "engagé" ou "impliqué" inhérent à tout tra- vail réalisé en partie au moins "en classe", les travaux ten- une dent à dégager une problématique plus théorique et des problématique comparaisons méthodiques utilisant des techniques d'obser- plus théorique vation et d'enquête. Plusieurs thèmes se dégagent des cinq articles réunis ici sur le thème de la photosynthèse. Nous pouvons particulière- ment souligner deux ensembles d'idées qui traversent plu- sieurs articles. Eau, terre, air, lumière, plantes vertes sont des termes du langage courant qui marquent à la fois les "connaissances" une synthèse approfondie des travaux actuels ASTER 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts, INRP. 29, rue d'Ulm. 75230 Paris Cedex 05

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EAU, AIR, TERRE, LUMIÈRE ET PLANTES VERTES

Guy Rumelhard

Ce numéro est l'occasion de faire le point sur quinze ans de travaux de recherche en didactique concernant un ensemble de questions de physiologie végétale étroitement interdépen­dantes : nutrition, respiration, photosynthèse. Ces ques-

nutrition, tions posées principalement au niveau des végétaux verts respiration. sont, en effet, partie obligée des programmes d'enseigne-photosynthèse, ment depuis le plus jeune âge étant donné leur importance partie obligée théorique et pratique pour la vie humaine. Mais l'impor-des programmes tance biologique des phénomènes ne les rend pas pour

autant plus aisés à comprendre. Bien au contraire. Et c'est donc très logiquement que de nombreux travaux se sont attachés à en rendre l'assimilation plus facile. La revue ASTER publiait, dans sa première parution en 1985 un article portant sur "Quelques représentations apro­pos de la photosynthèse''. Il faisait la synthèse de travaux effectués à l'Institut National de Recherche Pédagogique à partir de 1976 et qui figuraient parmi les premiers travaux méthodiques sur ce thème. Bien entendu, de nombreuses innovations avaient eu lieu auparavant et ont continué depuis. Elle portent principalement sur des montages expé­rimentaux et des activités à réaliser de manière pratique en classe.

Dans ce numéro l'article de Pedro Canal de Leon permet de faire une synthèse approfondie des travaux actuels, et il comprend ainsi quarante trois références correspondant à quarante auteurs de plusieurs pays différents. Ces travaux concernent, il est vrai, essentiellement les élèves du niveau École ou Collège. Les études concernant le niveau Lycée et les étudiants de l'Université sont rares dans ce domaine. Pour mieux situer les analyses présentées dans les diffé­rents articles il faut rappeler que les quinze années écoulées correspondent à une période d'évolution, d'organisation et de structuration des travaux de didactique. Tout en conser­vant une aspect "engagé" ou "impliqué" inhérent à tout tra­vail réalisé en partie au moins "en classe", les travaux ten-

une dent à dégager une problématique plus théorique et des problématique comparaisons méthodiques utilisant des techniques d'obser-plus théorique vation et d'enquête.

Plusieurs thèmes se dégagent des cinq articles réunis ici sur le thème de la photosynthèse. Nous pouvons particulière­ment souligner deux ensembles d'idées qui traversent plu­sieurs articles. Eau, terre, air, lumière, plantes vertes sont des termes du langage courant qui marquent à la fois les "connaissances"

une synthèse approfondie des travaux actuels

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts, INRP. 29, rue d'Ulm. 75230 Paris Cedex 05

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réduire la terre, l'air et l'eau en leurs composants, enrichir la lumière d'une fonction énergétique

les animaux, sources d'analogies à rectifier par la suite

que les élèves possèdent et dont on peut partir pour ensei­gner, et en même temps, les obstacles à surmonter, les pro­grès cognitifs à faire. Certains termes se présentent de manière syncrétique pour les élèves, c'est-à-dire comme des "tout" indécomposables : la terre, l'air sont des entités. La recherche de ce qui est "élémentaire", des "parties" qui, par composition vont constituer les corps qui nous entourent, fait partie de la pensée commune. Une analogie serait à faire avec les travaux d'Aristote qui a bien souvent mis en forme scientifique des opinions communes antérieures. Il pensait ainsi décrire les constituants "élémentaires" de la nature sous la forme : eau, air, terre et feu. Le progrès cognitif consiste dont à réduire la terre et l'eau en leurs composants. Tandis que la lumière, par contre, doit s'enri­chir d'une fonction énergétique qu'elle n'a pas dans la représentation commune, sauf sous forme de chaleur. C'est ce caractère élémentaire qui est discuté dès l'époque de Van Helmont. Par ailleurs, dans ce domaine de la biologie comme dans les autres, les explications font appel à des analogies et à des modèles. Le choix de ces modèles dépend de la culture des élèves auxquels on s'adresse à un moment donné, tout autant que de la pertinence scientifique de comparaisons. Ainsi, les animaux sont plus "proches" des élèves par leur mobilité et par les relations affectives qu'ils suscitent, que les végétaux. Ils constituent donc une source d'analogies sur lesquelles il est possible de s'appuyer, dans une pre­mière étape, malgré les ambiguïtés des comparaisons. Ces analogies devront être, par la suite, rectifiées.

Les différents articles proposent ainsi des analyses des contenus et des démarches de construction du savoir scien­tifique, des choix raisonnes de contenu à enseigner, des propositions de situations d'enseignement à partir d'une conception constructiviste de l'apprentissage.

En biologie, les travaux de physiologie ne sont pas sépa-rables de l 'é tude des maladies et de la recherche de

un exemple de remèdes. La physiologie végétale est étroitement reliée à relation avec l'agronomie et à la production agricole. C'est une caractéris-l'agronomie tique de l'enseignement biologique d'associer ces deux types

de savoir. L'article de Philippe Ledere, Jacques Besançon, Isabelle Nizet marque donc, ici, cette liaison.

L'article de Michelle Dupont prolonge la réflexion développée dans le précédent numéro d'ASTER et qui, bien évidemment reste ouverte à tous les prolongements et à toutes les reprises.

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Un enseignement scientifique ne saurait être constitué uni­quement d'un ensemble de résultats. Une réflexion métho­dologique sur les raisonnements, les obstacles, les condi­t ions de poss ib i l i té d ' une concep tua l i s a t i on , e s t indispensable pour que l'enseignement de la biologie consti­tue une pièce d'une culture scientifique. C'est ce que tente de montrer le dernier article.

Guy RUMELHARD Lycée Condorcet - Paris 9e

Université Paris 7 Équipe de d idac t ique des sc i ences expérimentales de l'INRP

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QUEL ENSEIGNEMENT SUR LA NUTRITION DES PLANTES EN ÉDUCATION "DE BASE" ?

PROPOSITION DIDACTIQUE

Pedro Cariai de Leon

L'un des problèmes les plus urgents en didactique des sciences consiste à sélectionner des buts et des contenus informatifs les plus appropriés dans tel domaine de connaissances que l'on décide d'enseigner. Dans cet article on aborde le cas de l'enseignement "de base" à propos de la nutrition des plantes vertes, en essayant de fournir quelques éléments qui permettront d'effectuer une transposition didactique bien fondée et qui puisse contribuer à améliorer l'enseignement et les apprentissages scolaires dans ce domaine.

Cette étude fait partie d'une recherche plus développée (Canal 1990), dans laquelle on a fait une revue complète des problèmes concernant l'enseignement de la nutrition des plantes vertes en éducation "de base" (six à treize ans), en essayant surtout de : - caractériser les déficiences et les difficultés les plus fré­

quentes dans ce domaine, - proposer des explications sur l'origine de celles-ci, - mettre au point et expérimenter des stratégies et des

matériels didactiques d'aide qui puissent contribuer à diminuer la fréquence de ces difficultés.

Le principal centre d'intérêt dans la nutrition des plantes vertes, correspond à l'étude des "idées" des élèves. Ce thème d'études a débuté il y a plus de quinze ans , et il garde aujourd'hui toute son importance. Piaget avait fait, il y a de nombreuses années, quelques incursions dans le monde des

étudier les représentations enfantines, mais il s'intéressait principale-représentations ment à l'étude des processus de développement cognitif, à la des élèves... cons t ruc t i on des s t r u c t u r e s opé ra to i r e s de p e n s é e .

Cependant les études sur l'enseignement et l'apprentissage qui s 'appuient sur les perspectives piagétiennes ou sur d'autres courants de la psychologie cognitive ont attiré l 'attention sur un fait qui, jusqu 'a lors , n'avait pas été constaté et suffisamment valorisé : il existe, chez les enfants, une construction spontanée des connaissances relatives à la réalité socio-naturelle avant toute instruction scolaire. En ce moment les travaux d'Ausubel (1978) acquièrent une grande importance, en soulignant l'incidence des connais­sances préalables des élèves sur l'apprentissage scolaire. Sa phrase célèbre a influencé de manière décisive l'orientation de la recherche sur l'enseignement des sciences :

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et en tenir compte

ce qui détermine les représentations

un concept de grande difficulté...

"si je devais réduire toute la psychologie éducative à un prin­cipe unique, je dirais : le facteur le plus important qui inßuence l'apprentissage est ce que l'élève connaît. Connaissez-le et enseignez en conséquence''. Il faut cependant reconnaître que ce principe est d'une sim­plicité trompeuse. On dirait que le problème le plus impor­tant de l'enseignement consiste à repérer les connaissances de départ des élèves. Mais il est clair que les problèmes se posent quand on essaie d'appliquer la deuxième partie du principe : "connaissez-le et enseignez en conséquence''. Le développement des études autour des conceptions des élèves suit un chemin qui part d'une détermination des idées préalables des élèves pour éclaircir la question finale : que faire avec ces conceptions ? Cette étude sur la nutrition des plantes vertes suivra donc ce chemin. Après avoir décrit la pensée des élèves, l'atten­tion se centre sur l'analyse de l'origine de ces idées, puis, finalement, sur leur utilisation dans l'enseignement. Les difficultés sont ici particulièrement grandes, plus peut-être que pour d'autres chapitres enseignés dans les pro­grammes scolaires, et elles peuvent constituer un défi et une pierre de touche pour la didactique et la mise au point de stratégies d'enseignement. Différents chercheurs se sont intéressés à la détermination du degré de difficulté des concepts les plus communs de la biologie tels que les étudiants et les professeurs se les représentent. Johnstone et Mahmood (1980) ont étudié les domaines perçus comme les plus difficiles, par un échan­tillon d'étudiants et de professeurs anglais du secondaire et de l'université, parmi les quinze qui leur étaient proposés. Les réponses semblables concernaient :

- les mouvements de l'eau dans les organismes (osmose, potentiel hydrique, etc.),

- la conversion énergétique dans la photosynthèse et la res­piration,

- les concepts de la génétique. Test et Wewards (1980) parlent de la photosynthèse comme d'un concept de grande difficulté didactique, et Finley et al. (1982) en interrogeant des professeurs trouvent que la pho­tosynthèse est sélectionnée comme le domaine le plus diffi­cile. Même résultat pour Stewart (1982), cité par Lawson (1988), et ceci est cohérent avec les appréciations de Shayer etAdey(1981). Peut-être stimulés par ces remarques concernant la diffi­culté à obtenir des résultats satisfaisants dans le domaine de la nutrition des plantes, des chercheurs ont entrepris des travaux visant à éclaircir les fondements de ces difficul­tés et la façon d'en venir à bout . Simpson et Arnold (1982 a), par exemple parlent du caractère paradigmatique

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qui peut servir de modèle

de ce domaine. Ils pensent ainsi que son étude pourra servir de modèle général et permettra d'apporter une stratégie conduisant à minimiser les difficultés d'apprentissage. Le but est proche de celui qui est à la base des travaux de Bell et Brook (1984), Smith et Anderson (1984), Gêné (1987), Stavy et al. (1987) et bien d'autres, ainsi que de notre travail (Canal 1990). La difficulté de l'enseignement-apprentissage concernant la nutrition des plantes vertes est bien visible quand on étudie les conceptions des élèves. Nous nous centrerons sur les élèves de six à treize ans.

1. ANALYSE DES CONCEPTIONS DES ÉLÈVES DE L'ENSEIGNEMENT DE BASE

trois aspects étroitement liés

On trouve peu d'études sur l'enseignement de ce domaine à des élèves des classes primaires, peut-être parce qu'on considère que cette thématique est peu accessible à ce niveau d'enseignement. Cependant la nutrition des plantes vertes est un phénomène qui, d'une manière ou d'une autre, est présent dans les classes primaires et il génère des idées qui auront une incidence sur la construction scolaire de ce domaine conceptuel. Pour des raisons de clarté on divisera la description des conceptions des élèves en trois parties : alimentation, photo­synthèse, respiration, même si ces trois aspects sont intime­ment liés dans la pensée des élèves.

le modèle animal projeté sur les végétaux

1.1. Al imentat ion

Une première contribution provient de l'équipe de l'INRP de Paris (Host 1976). Le texte de cette étude souligne une idée très générale : les élèves voient l'alimentation des plantes comme un processus qui se développe en puisant des sub­stances du sol par les racines. Les aliments des plantes sont alors réduits à ceux qui se trouvent dans le sol. Des résul­tats identiques sont obtenus par Simpson et Arnold (1982 a) avec des enfants écossais dont les idées sur l'alimentation de plantes peuvent être résumées par celle-ci : "les plantes obtiennent leur aliment dans le sol par les racines". Les auteurs pensent que cette idée est en relation avec le fait que les élèves appliquent le schéma caractérist ique de l'ingestion des aliments par les animaux au cas des végé­taux, en assimilant les racines à la bouche ou au lieu par où la plante mange. Dans une autre étude Simpson et Arnold (1982 b) constatent que les élèves de primaire étaient capables d'employer le mot aliment, quand ils parlaient des a l iments h u m a i n s , en p rodu i san t s p o n t a n é m e n t des exemples adéquats (niveaux 1 et 2 selon la définition de la maîtrise d'un concept de Klausmeier 1976). Ils trouvaient

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puiser la terre dans le sol

que l'exemple le plus diffìcile dans la liste proposée était effectivement l'un de ceux qui, selon lui, occupe une place principale dans la photosynthèse, le cas de l'amidon. Wandersee (1983) pose une question inspirée de la célèbre étude de Van Helmont su r la croissance d'un saule. Il constate que la plupart des élèves Jeunes (dix ans), de diffé­rents États des États-Unis pensent que la terre du pot va perdre du poids. L'une des raisons pour expliquer cette perte consiste à penser que la plante mange la terre : "parce que la terre c'est l'aliment de la plante, sans elle la plante ne peut pas vivre". Dans l'étude de Smith et Anderson (1984), et dans celle de Barker (1985 b), on retrouve l'idée que l'aliment des plantes vertes consiste en des matériaux que celles-ci puisent dans leur environnement proche, et non pas de maté r iaux qu'elles utilisent pour obtenir de l'énergie et croître. Tous les matériaux provenant de n'importe quelle source - l'eau, la terre ou les cotylédons - sont considérés comme des ali­ments. Les rapports dont on peut disposer concordent donc pour signaler une tendance générale chez les élèves du primaire. Ils considèrent que les plantes s'alimentent d'une façon ana­logue à celle des animaux en prenant des aliments à l'exté­rieur. Ceci se ferait par les racines, en mangeant de la terre (ou les produits qui forment le sol).

difficultés avant l'âge de douze ans

1.2. Photosynthèse

Des données apportées par l'équipe de l'INRP de Paris (Host 1976) on peut retenir qu'ils estiment impossible de com­mencer l'apprentissage des processus de la photosynthèse avant l'âge de douze ans environ, âge auquel une première approximation cohérente pourrait être développée. Dans l'enseignement primaire il serait plus convenable de com­mencer l'idée de nutrition des plantes vertes comme incor­poration d'une solution diluée de sels par les racines. Dans les entretiens réalisés par Simpson et Arnold (1982 a, b) avec des enfants du primaire, la plupart soutiennent les idées suivantes : - "les plantes n'utilisent pas l'air'', - "elles obtiennent l'énergie de ce qu'elles mangent dans le

sol", - le carbone ou les carbohydrates sont des gaz.

Tout cela nous indique qu'ils sont très loin de pouvoir abor­der, en ces circonstances-là, la compréhension d'un phéno­mène comme la photosynthèse, même avec une formulation très élémentaire. Près de la moitié des élèves interrogés par Wandersee (1983) ne pensaient pas que le travail principal de la feuille est de fabriquer de la nourriture. Cependant, une grande propor­tion pense que le gaz carbonique entre dans les feuilles

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plusieurs (62 %), tandis que 51 % ont sélectionné la bonne réponse méconnaissances s u r i a sortie de l'oxygène pendant la photosynthèse. L'idée

du besoin de lumière solaire pour la bonne croissance des plantes et surtout pour la photosynthèse est très générali­sée, mais le rôle de la chlorophylle est totalement méconnu. Même méconnaissance pour le rôle du gaz carbonique comme "aliment" de la plante (les guillemets sont dans la réponse). L'étude de Smith et Anderson (1984) est très significative dans cette perspective, car elle analyse les efforts d'une ins­titutrice pour enseigner certains aspects de la photosyn­thèse à des élèves de onze ans aux États-Unis, et comment les élèves, malgré ses efforts, conservent leurs conceptions sur l'alimentation des plantes comme incorporation de sub­stances de l'extérieur, tandis qu'ils attribuent à la lumière une action d'amélioration de la santé de la plante. Alors que pour l'institutrice, les plantes situées à l'obscurité ne peu­vent pas disposer de la nourriture et meurent de faim, pour

les les élèves, les plantes privées de lumière sont, simplement représentations moins saines. Dans le travail de Barker (1985 c) on souligne des enfants qu'il est peu probable que les élèves du primaire qui n'ont

pas reçu d'enseignement sur la photosynthèse, aient des conceptions sur celle-ci, consti tuant une partie de leur "science des enfants". Giordan (1990) dit que plus de 80 % des élèves de dix à douze ans ont entendu parler de l'oxygène qui se dégage des plantes, 20 % croient que la lumière est nécessaire pour les plantes, mais comme un élément qui fortifie celles-ci, les assimilant à une vitamine ou un fortifiant. Le mot chloro­phylle est connu par la plupart des élèves, mais ils ne l'associent pas à la nutrition. En liaison avec la publicité, il s'agit plutôt de dépollution, de décontamination de l'atmo­sphère.

1.3. Respiration

Le processus de la respiration des plantes n'est pas quelque chose de très clair avec des signes externes simples à obser­ver comme chez les animaux. D'un autre côté, les élèves du primaire ont un degré de connaissance sur la nature des gaz

méconnaissance e t leurs propriétés, très limité. Ceci peut expliquer les diffi-desgaz cultes de compréhension des processus qu'impliquent les

échanges gazeux et encore plus de ceux dans lesquels on retrouve des transferts énergétiques. Dans le cas des élèves du primaire étudiés par Simpson et Arnold (1982 a), l'idée que les plantes n'utilisent pas l'air ou le font dans un "sens opposé aux animaux", est très répan­due. En tous cas, la respiration est comprise comme un échange gazeux. Ces auteurs nous montrent les difficultés que rencontrent les élèves du primaire dans l'étude des concepts de gaz et d'énergie. L'étude de Wandersee (1983) montre que la moitié des élèves de dix ans interrogés lors de l'enquête, ont des difficultés à décider si l'oxygène entre ou

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sort de la feuille pendant la photosynthèse. Pour Barker (1985 a) des enfants, dès le jeune âge, pensent que les plantes respirent à l'inverse des humains, considérant respi­ration uniquement comme un échange gazeux, indépendant des autres processus des plantes. Giordan (1990) dit que 30 % des élèves du primaire (dix-douze ans) connaissent l'existence d'échanges gazeux chez les plantes, mais les englobent dans la respiration. Ils pen­sent que les échanges photosynthétiques sont une respira­tion spéciale aux plantes, différente de celle des animaux.

Quant â nous (Canal 1990), nous avons pu constater la pré­sence de quatre niveaux de construction dans ce domaine conceptuel en considérant simultanément l'alimentation, la respiration et la photosynthèse pour des élèves de neuf à treize ans.

• Premier niveau

On constate une absence presque totale de définition per­sonnelle de l'alimentation, de la photosynthèse, et de la res­piration des plantes. On voit seulement certaine proximité avec l'idée "d'alimentation externe simple" (alimentation comme captation de substances du sol).

• Deuxième niveau

Il consiste en l'adoption d'un schéma général sur les rela­tions de la plante avec son milieu, selon lequel tous les échanges se produisent par la racine, qu'ils soient alimen­taires ou respiratoires (ce qui nous rappelle la conception historique de la racine comme bouche de la plante).

• Troisième niveau

On admet l'incorporation de substances à la plante par les racines et par les feuilles, et une transformation interne de celles-ci. Cependant photosynthèse et respiration sont des concepts étroitement liés car la photosynthèse est conçue surtout comme une forme de respiration particulière des plantes qui se fait le jour, prenant du C0 2 et rejetant de l'02, au contraire de ce qui a lieu la nuit. Le fait que l'on puisse dire ceci est lié au manque de conception adéquate sur la signification de la photosynthèse et de la respiration.

• Quatrième niveau

Il semble constituer le plafond qui peut être atteint par des élèves du primaire. C'est l'idée que les plantes vertes pren­nent des substances de l'extérieur par les racines et les feuilles, ces substances étant l'objet de transformations internes lors de la photosynthèse. La photosynthèse est conçue comme un processus dirigé vers la fabrication des aliments de la plante. La respiration de jour est la façon de

confusion avec la respiration

quatre niveaux de construction

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capter le COu dont elle a besoin pour faire la photosynthèse, et pendant la nuit la respiration est normale, prenant de l '02 et dégageant CO„, sans qu'on ne voie d'autre significa­tion que le simple échange gazeux qui doit obligatoirement

origine de ces ê t r e f a i t P ° u r n e P*8 mourir. conceptions Quelle est l'origine de ces conceptions ? Cette question est

cruciale pour aborder la possibilité d'améliorer l'enseigne­ment.

2. CAUSES POSSIBLES DE LA FORMATION DES CONCEPTIONS DES ÉLÈVES SUR LA NUTRITION DES PLANTES VERTES

L'étude de l'INRP (Host 1976) nous donne quelques indica­tions centrées sur l'analyse de la structure cognitive des élèves étudiés, en suggérant que ceux-ci ne dominent pas la distinction élément-composant, ce qui les empêche de com­prendre la présence de carbone dans le gaz carbonique ou d'azote dans les sels minéraux. D'autre part il est proposé, dans une perspective piagétienne, que chez les élèves inter­rogés, le principe de conservation de la matière n'est pas opératoire, surtout en ce qui concerne les échanges avec l'atmosphère. Ceci est, de manière évidente, à l'origine des difficultés pour traiter l'information sur la photosynthèse et la respiration. L'hypothèse de Simpson et Arnold (1982 a) consiste à pen­ser que l'apprentissage de l'enfant dans un domaine de connaissances donné, n'est pas seulement affecté par son niveau de développement opératoire ou conceptuel, mais

présence également par la présence d'apprentissages préalables qui d'apprentissages vont interférer avec l'acquisition des idées et des habiletés préalables que l'on veut enseigner, selon qu'ils ont été correctement

acquis ou non. Ils soulignent d'autre part que la photosyn­thèse est un domaine de connaissances difficile en soi, et que sa maîtrise exige la compréhension de multiples faits, relations et concepts. Ils nous font voir finalement que la persistance d'une conception de la nutrition végétale sem­blable au modèle de la nutrition des animaux crée des diffi­cultés énormes dans ce domaine. Ces auteurs montrent également l'existence de grandes déficiences dans l'appren­tissage de toute une série de concepts de base qui consti­tuent, selon eux, des conditions préalables à tout apprentis­sage. D'une liste importante on peut détacher les quatre concepts suivants : être vivant, aliment, gaz, et énergie, en suggérant que, dans le cas de "aliments", les problèmes se situent aussi au niveau de la formulation scientifique de ce concept.

De leur côté Astudillo et Gêné (1982), en enquêtant sur les conceptions des étudiants de l'École Normale concluent que la cause fondamentale des erreurs qu'ils ont détectées,

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devait être reliée au type d'enseignement reçu sur la nutri­tion des plantes vertes. D'autre part ils trouvent que, dans

rôle des livres les livres que les élèves utilisent, il existe fréquemment des erreurs conceptuelles, ils sont peu clairs, et ce sont des ins­truments destinés à l'apprentissage individuel par répéti­tion/mémorisation. Pour Wandersee (1983), en considérant la structure cogni­tive qui se dégage de son analyse, la plupart des étudiants ne possèdent pas les concepts nécessaires pour incorporer cette nouvelle signification. Il parle également de la ten­dance à l'anthropomorphisation de la nutrition végétale, c'est-à-dire que, en tant qu'humain nous privilégions l'hété-rotrophie, et nous avons une difficulté à imaginer une nutri­tion autotrophe. Ceci est renforcé par la publicité, la famille et la société en général. Il suggère que, dans certains cas, les professeurs et les livres expriment, directement ou non, des conceptions inadéquates en n ' ins is tant pas sur la "réconciliation integratrice" des connaissances. Il suggère aussi qu'il serait très utile de faire une étude des concep­tions sous-jacentes qui comme le dit Novak, constituent une condition préalable à l'apprentissage. Bell et Brook (1984) mentionnent également l'existence de significations antagonistes pour le concept d'aliment, ce qui est une source de difficultés pour l'enseignement, et ils recommandent de développer chez les élèves la capacité à bien distinguer les significations quotidiennes et scienti­fiques du mot selon les contextes. Ils pensent qu'une partie des difficultés de compréhension de certains aspects de la photosynthèse, tient aux idées des étudiants sur certains

conditions concepts-clés qui sont des conditions préalables à l'appren-préalables tissage, tels que ceux liés à la nature et à la structure de la

matière ou aux aspects de la conversion et de la conserva­tion de l'énergie. Finalement, ils recommandent de planifier le curriculum de façon que les idées sur la nutrition végétale soient mises en relation avec d'autres domaines : transfert d'énergie, nutrition animale, réactions chimiques, etc. pen­sant ainsi que l'une des difficultés d'apprentissage se situe dans la structuration du curriculum. Le travail de Smith et Anderson (1984) est planifié comme une étude de cas sur l'enseignement de la nutrition végétale situé à la base d'une unité nommée "communautés" dans le projet curriculaire SCIIS. Les auteurs essaient d'interpréter ce qui, de leur point de vue, fut l'échec d'une tentative d'enseignement, si l'on prend en compte les idées initiales des élèves et les efforts de l'institutrice pour développer une conception scientifique élémentaire de la photosynthèse. Ils suggèrent que les raisons de l'échec sont principalement les suivantes :

- les conceptions épistémologiques empiristes/ingénues de l'institutrice sur la nature de la construction des connais­sances et une méthode didactique proche de l'apprentis­sage par la découverte,

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les raisons de l'échec

l'absence d'interdisciplinarité

constituer des paires antagonistes

- des déficiences dans le guidage du professeur, des aspects fondamentaux étant peu soulignés et apparaissant comme une information marginale, ne rentrant pas dans le tissu de la partie la plus substantielle,

- des insuffisances plus générales dans la formation des professeurs concernant les grandes lignes de la pensée et de la pratique didactique actuelle.

Dans l'étude de cas que Bell (1985 b) fait pour tester l'effica­cité des nouveaux projets curriculaires concernant l'ensei­gnement de la nutr i t ion végétale, on trouve différents aspects qui, de son point de vue, peuvent expliquer cer­taines difficultés : - les idées "alternatives" des étudiants sur le sujet, ne sont

pas réellement "activées" par le travail en classe, et, de ce fait, restent ignorées ;

- différents obstacles de communication empêchent que les élèves emploient leurs "idées" et que les professeurs y aient accès ;

- les routines scolaires et les habitudes rendent difficiles le développement de nouvelles stratégies : les professeurs et aussi les élèves "retombent" dans des stratégies qu'on souhaite éviter ;

- certaines idées sur la nutrition des plantes vertes sont vraiment très compliquées pour les élèves, surtout si l'on prend en compte les déficiences accumulées su r les concepts-clés qui sont des conditions préalables.

Rumelhard (1985) propose également des causes supplé­mentaires de difficultés. Par exemple, les élèves pensent que n'importe quel être vivant doit respirer, mais rien ne leur montre l'existence d'un besoin en azote ou en gaz carbo­nique. De plus, tous croient savoir que ce dernier est un gaz dangereux et qui ne peut donc constituer une nourriture. Il souligne la présence et la prégnance du modèle animal, d'éléments de pensée vitaliste et anthropomorphique, et d'un autre côté, l'absence d'interdisciplinarité, c'est-à-dire d'application et de transfert de connaissances d'un domaine à l'autre. Il considère qu'on passe peu de temps à la forma­tion des concepts, et beaucoup à l'établissement de "faits" expérimentaux, mais avec des expériences pseudo-démons­tratives mal reliées au sujet de l'étude.

Canal et Rasilla (1986) soutiennent la thèse qu'une grande partie des conceptions erronées qu'on détecte, résultent d'un processus de déformation des contenus scolaires, dû à l'excès d'informations apportées en vue d'une mémorisation pour les examens. Dans cette situation l'élève essaie de dis­tinguer et de caractériser ce qu'il estime le plus criant, et de simplifier. L'une des façons de faire dans ce genre de cir­constances, consiste à établir des paires de caractères anta­gonistes : par exemple la photosynthèse se fait le jour et la respiration la nuit. Ceci va jouer le rôle de "béquille" pour la mémoire en soulignant les différences et en oubliant les similitudes.

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autres origines des obstacles

Stavy, Eisen et Yakobi (1987) soulignent encore des défi­ciences dans les apprentissages préalables des concepts qui sont reliés à la nutrition, et des problèmes sémantiques avec le mot aliment. Ils associent d'autre part l'origine des diffi­cultés des élèves à deux types de facteurs : psychologiques et curriculaires. En tant que facteurs psychologiques, ils mentionnent la résistance à abandonner des conceptions

vitalisme vitalistes pour aller vers des conceptions de type naturaliste anthropomor- (conception du corps comme système chimique), la tendance phisme anthropocentrique à considérer que les plantes ont besoin

de l'homme pour survivre, alors que c'est le contraire, un excès d'informations sur les aspects concrets de la photo­s y n t h è s e , ma i s une a b s e n c e de vis ion significative d'ensemble. Concernant les facteurs curriculaires, les auteurs se demandent s'il ne faudrait pas abandonner l'idée d'enseigner ce sujet, mais comme ils le jugent nécessaire, ils concluent qu'il faut continuer à tenter d'améliorer l'ensei­gnement de ce domaine en luttant contre les problèmes détectés. Battinger et al. (1988) en soulignant la qualité médiocre des apprentissages préalables des étudiants, étudient la nature et l'origine des obstacles détectés en les caractérisant de la façon suivante : - ceux liés aux connaissances quotidiennes : l'air n'a pas de

poids, comment peut-il produire de la matière ? Comment une plante va-t-elle pouvoir se nourrir à partir d'air ? Le modèle de la nutrition animale domine ;

- ceux liés aux méthodes d'enseignement : mauvaise défini­tion des mots employés, mauvaise organisation du cours (activités, séquences , espace pour la réflexion, ...), manque d'insistance sur les notions les plus fondamen­tales.

Barker et Carr (1989 a) analysent trois stratégies d'ensei­gnement/apprentissage sur la nutrition des plantes vertes, en les évaluant d'après la cohérence avec le sujet à ensei­gner, et l'attention portée aux connaissances des élèves. Ces stratégies sont : - découverte dirigée,

évaluer trois - approfondissement de la composition des éléments de la méthodes matière vivante et de la nourriture,

- approfondissement de la signification du mot aliment dans le cas des plantes.

Ils concluent en pensant qu'aucune des trois stratégies ne permet d'accéder à une connaissance satisfaisante et propo­sent une nouvelle stratégie d'enseignement (Barker et Carr 1989 b) basée su r le modèle d 'apprentissage génératif d'Osborne et Wittrock (1983, 1985) et orientée vers une conception de la photosynthèse comme processus de pro­duction de carbohydrates. Ils proposent finalement une réorientation générale de l'enseignement de ce domaine en fonction des stratégies didactiques générales et du sens des connaissances scolaires sur la photosynthèse.

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De notre côté (Canal 1990), en essayant d'apporter une perspective globale sur l'origine des déficiences et difficultés dans l'enseignement sur la nutrition des êtres vivants, nous avons constaté l'incidence de facteurs très différents qui sont en relation systémique.

Déficiences dans la concep­tualisation scientifique du champ conceptuel

Déficience dans la formation initiale et continue du profes­seur

Déficiences dans les connaissances rela­tives à la nutrition des plantes vertes

Difficultés du champ conceptuel

Déficiences des matériaux de la classe : livres de texte, films, etc.

Manque de maté­riel de ressource didactique spéci­fique du contenu

Déf ic iences dans la prépara­tion didactique du professeur

Déficiences et difficultés dans le schéma déve­loppé et résultats de l'en­seignement sur la nutri­tion des plantes vertes

Déficiences dans les conditions de travail et profes­sionnelles des pro­fesseurs

Déficiences dans l 'organisation scolaire

Influence du contexte socio-culturel quoti­dien

Figure 1. Réseau des facteurs en cause dans l'enseignement de la nutrition des plantes vertes

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Parmi tous les facteurs détectés par notre étude et par les recherches mentionnées, on peut souligner l ' insistance concordante su r l'analyse des conceptions scientifiques actuelles et sur leur transposition didactique.

3 . ANALYSE DES CONCEPTIONS SCIENTIFIQUES ACTUELLES SUR CERTAINES IDÉES CENTRALES DE CE CHAMP CONCEPTUEL, EN RELATION AVEC L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE "DE BASE**

La nutrition végétale ne peut pas être considérée comme un concept simple. Ce domaine conceptuel vaste et interdisci­plinaire met en relation des concepts fondamentaux de la biologie, de la chimie et de la physique, mais aussi des sciences plus spécifiques comme l'écologie, l'édaphologie ou la physiologie végétale. Dans cette perspective on va analyser certains concepts qui occupent une place importante dans ce domaine conceptuel et qui présentent quelques problèmes de caractérisation quand on les étudie d'un point de vue scientifique : ce sont ceux de nutrition, nourriture, alimentation, aliment, nutri­tion au to t rophe , nu t r i t ion hé téro t rophe , p roduc teur , consommateur et décomposeur.

3.1. Le concept de nutrition

Selon Weisz (1974, 1987), la nutrition est le processus qui apporte les matériaux de base de la vie, la nourriture qui est constituée par les aliments et par d 'autres subs tances nécessaires telles que l'eau et les sels minéraux. Pour cet auteur, la nutrition fait référence au processus d'incorpora­tion de la nourriture, et pas à l'usage postérieur de ces sub­stances. Cette conception apparaît clairement quand il ajoute que la nutrition, ainsi que la respiration et la syn­thèse, constituent le métabolisme des êtres vivants. Sur la relation entre les concepts de nourriture et d'aliment, il considère que la nourriture correspond à toutes les sub­s tances utilisées par l 'organisme dans le métabolisme, qu'elles soient organiques (aliments) ou non organiques. Cet auteur penche alors pour réserver le mot aliment pour la nourriture organique des êtres vivants, de telle façon que les êtres vivants hétérotrophes prennent dans leur milieu de la nourriture organique et non organique, tandis que les auto-trophes incorporent seulement de la nourriture non orga­nique, synthétisant les aliments (nourriture organique) à l'intérieur, par photosynthèse. Les phénomènes de respira­tion et de synthèse sont alors exclus de la nutrition qui est ainsi réduite à la prise de matières premières organiques ou non et à la distribution interne de celles-ci.

plusieurs concepts posent problème

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le point de vue des nutritionnistes

éviter les incohérences

Pour un autre auteur (Hadorn 1977), la nutrition fait réfé­rence au phénomène d'échange constant de matière et d'énergie que les êtres vivants réalisent avec leur milieu. Cet échange inclut l'admission de substances fluides ou solides (alimentation), les échanges gazeux (respiration), le trans­port de substances (circulation), leur transformation, chi­mique (métabolisme intermédiaire) et l'expulsion des sub­stances (excrétion). Dans ce cas-là, la nutrition est vue comme le processus global de l'organisme qui regroupe tous les phénomènes associés au flux de la matière et de l'énergie dans un être vivant. Comme dans le cas antérieur, et cela est assez fréquent chez les biologistes, le mot aliment sera appliqué seulement à la nourriture organique, riche en éner­gie métabolique. On trouve la même idée chez Frings et Frings (1970), Griffin (1968), Baker et Allen (1967), Medina (1981) etc. Mais il existe une autre façon de concevoir la nutrition. C'est celle des médecins et des professionnels spécialisés en nutr i t ion. Pour Grande Covian (1981) la nutr i t ion est l'ensemble des processus par lesquels l'organisme utilise, transforme et incorpore à ses tissus un certain nombre de substances qui doivent remplir les fonctions suivantes : - apporter l'énergie nécessaire pour maintenir l'intégrité des

structures corporelles, - proportionner les matériaux nécessaires pour réguler le

métabolisme. Un autre aspect intéressant, dans cette perspective consiste à considérer le mot aliment dans un sens "naturel" comme désignant une substance qui existe dans le milieu, et que l'être vivant incorpore à son corps. Les aliments sont compo­sés de différentes substances, les unes étant utiles pour la nutrition et d'autres ne l'étant pas. Dans cette perspective l'eau, le riz ou la viande de poulet peuvent être considérés comme des aliments pour certains êtres vivants, car ils les nourrissent. Pour notre part, dans la perspective d'une transposition didactique plus adéquate on adoptera une conception de la nutrition qui essaie d'éviter les incohérences internes à la logique de la biologie. Dans cette optique on adopte la défi­nition de la nutrition comme flux de matière et d'énergie dans l'organisme en vue de satisfaire les besoins vitaux de celui-ci (croissance, réparation, développement, reproduc­tion, homéostasie, etc.). Cela peut inclure les processus sui­vants : prise des aliments, libération et /ou production de nourri ture, t ransport de cette nourr i ture, obtention de l'énergie, synthèse et dégradation des s t ruc tures orga­niques, ainsi que la sortie des substances et de l'énergie.

Dans la nutrition, quand on la conçoit de cette façon, l'ali­mentation est le processus de prise des aliments et de pré­paration de ceux-ci, quand c'est nécessaire pour rendre pos­sible le passage dans le milieu interne de la nourriture qu'ils apportent. On considère comme aliment toute sorte de sub-

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stance, énergétique ou pas, qu'un être vivant utilise comme source de nourriture. D'accord avec Grande Covian (1981), on considère la nourr i ture comme l'ensemble des sub­stances chimiquement définies qu'on obtient à partir des aliments et qui jouent un certain rôle dans la nutrition. Des mécanismes assurent le transport de la nourri ture depuis les lieux ou les structures de réception vers les cel­lules ; ils ont également une fonction primordiale dans les échanges intercellulaires et dans l'expulsion des déchets provenant du catabolisme.

comment définir auto et hétérotrophie

comment définir producteur et

3.2. Les concepts de nutrition autotrophe et nutrition hétérotrophe

Il ne semble pas très heureux de caractériser la nutrition autotrophe comme celle que possèdent les organismes capables de produire leurs aliments, car le mot aliment ne semble pas adéquat quand on fait référence à la nourriture cellulaire. Mais aussi parce que la capacité de se nourrir avec les substances produites par les cellules n'est pas exclusive des autotrophes, n'existe-t-elle pas aussi chez tous les hétérotrophes ? En accord avec notre schéma sur la nutrition, nous défini­rons la nutrition autotrophe comme celle des êtres vivants qui ont la capacité de synthétiser des substances orga­niques en partant de nourriture non organique et de l'éner­gie solaire, ou d'une autre source énergétique alternative. On considère comme hétérotrophe la nutrition qui est réali­sée par les organismes qui, étant incapables de synthétiser des substances organiques en partant de nourriture non organique, les produisent en partant de nourriture orga­nique présente dans leurs aliments. Ils prélèvent également, bien entendu, la nourri ture non organique dont ils ont besoin. Mais on doit considérer aussi que les organismes auto­t r o p h e s et h é t é r o t r o p h e s ont u n e a u t r e source de nourriture : leur propre structure corporelle. La dégrada­tion des structures cellulaires complexes produit la nourri­ture de base et l'énergie nécessaire pour réaliser les nou­veaux processus de synthèse en é tant à l'origine d 'un recyclage interne.

3.3. Les concepts de producteur et de consommateur

Dans une perspective d'analyse écologique, on établit fré­quemment la correspondance suivante : autotrophe hétérotrophe

producteur - • consommateur

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Même si cette relation est correcte en principe, elle est accompagnée d'incohérences et d'ambiguïtés à éclaircir. Quelquefois on fait référence aux an imaux herbivores comme des producteurs secondaires d'un écosystème, et aux plantes vertes comme des producteurs primaires. Il est vrai qu'ils produisent de la matière organique dans le sens qu'ils augmentent la matière organique existant dans leur organisme. Mais les différences soulignées précédemment nous incitent à réserver la dénomination de producteur pour les organismes capables d'élaborer de la matière orga­nique nouvelle en partant uniquement de nourriture non organique et d'une source d'énergie qui n'est pas organique : c'est le cas des autotrophes.

D'autre part on pourrait aussi dire que les végétaux et les animaux sont des consommateurs, car tous les deux sont capables d'employer les substances qui forment leur orga­nisme comme source de nourriture, en les consommant. Ce qui différencie les consommateurs, dans le sens biologique strict sera l'emploi, comme source de nourriture organique, d'aliments énergétiques (substances prises dans le milieu externe). Finalement il faut souligner une incohérence assez fré­quente : la différenciation d'un troisième groupe d'orga­nismes, les décomposeurs, indépendants des producteurs et des consommateurs, alors qu'il est évident que les décompo­seurs, par leur type de nutrition, forment un sous-groupe de consommateurs.

3.4. Proposition d'un schéma conceptuel alternatif sur la nutrition des plantes vertes

Nous pensons que les concepts fondamentaux de la nutri­tion des plantes vertes peuvent se structurer d'une façon plus adéquate en suivant les propositions ci-dessous comme cadre théorique, ce qui permettra une meilleure transposi­tion didactique. On considère que les plantes vertes ont besoin du milieu extérieur comme source d'aliments simples non organiques. Ces aliments sont : - l'air d'où ils peuvent puiser de l'oxygène et du gaz carbo­

nique, - l'eau naturelle qui fournit de l'eau, différents ions et des

gaz tels le gaz carbonique et l'oxygène. La nourriture non organique est transportée vers les diffé­rentes parties vertes et non vertes de la plante. Dans les parties où l'on trouve de la chlorophylle se fait la photosyn­thèse de la nourriture organique de base, en partant de l'eau, du gaz carbonique et des sels minéraux, et aussi de l'énergie lumineuse. Cette nourriture organique de base sera distribuée par tout l'organisme. À partir d'elle et d'autres composants de caractère non organique, fondamentalement

une proposition conceptuelle

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de l'eau et des sels minéraux, va se développer dans les dif­férents tissus, grâce à l'énergie fournie par les processus respiratoires cellulaires, le reste des réactions métaboliques nécessaires pour la croissance, le développement et l'entre­tien de l'organisme. Les différences fondamentales entre le processus de la nutrition des plantes vertes et celui des animaux correspon­dent aux aspects suivants. a) Les types d'aliments Ils sont énergétiques et non énergétiques chez les animaux, et fondamentalement non énergétiques chez les plantes. b) Les procédés pour la prise des aliments Ils sont complexes dans le cas des animaux, étant donnés la distribution non homogène des aliments énergétiques dans le milieu, ce qui implique l'emploi de structures neuro­motrices pour la localisation et l'ingestion de ceux-ci. Chez les végétaux photosynthétiques, pour des raisons opposées, c'est-à-dire en liaison avec la distribution relative­ment homogène des aliments (eau naturelle, air atmosphé­rique), il n'existe pas de procédés complexes pour la capta­tion des aliments, sauf en ce qui concerne le développement des systèmes de racines de prospection, et des structures stomatiques. Dans les cas particuliers de défauts d'ali­ments, on trouve des procédés plus spécialisés pour l'obten­tion, par exemple, d'aliments riches en azote (plantes insec­tivores) de l'eau de pluie (feuilles en forme d'entonnoir) ou d'air (racines respiratoires des mangliers). c) Les processus d'obtention de nourriture en partant des

aliments En général les animaux peuvent obtenir la nourriture non organique comme les végétaux, c'est-à-dire à partir de l'eau et de l'air. Mais il est assez fréquent qu'ils puissent obtenu-une partie d'entre elle, telle l'eau et les sels minéraux, en partant de leurs aliments énergétiques naturels (produits d'origine animale ou végétale selon les cas). La nourriture

des actions non organique entre dans le milieu intérieur de l'animal par mécaniques et diffusion simple ou par transport actif, avec une dépense chimiques énergétique. L'obtention de la nourriture organique se réa­

lise généralement par digestion des aliments énergétiques, à la suite d'actions mécaniques et chimiques permettant de libérer des molécules organiques de base qui correspondent à la nourriture des cellules. Les animaux obtiennent aussi de la nourriture organique par la digestion interne des sub­stances complexes qui font partie de leur propre corps. Dans le cas des végétaux, la nourriture non organique est obtenue par simple diffusion ou par transport actif en par­tant de leurs aliments, l'eau naturelle et l'air atmosphé­rique. En ce qui concerne la nourriture organique de base, elle est produite par la photosynthèse dans les feuilles et les autres parties vertes. La nourriture organique et non orga­nique peut être obtenue à partir des substances qui forment le corps du végétal.

la prise des aliments

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En accord avec la caractérisation proposée, il faut souligner un parallélisme fonctionnel entre le processus de digestion des aliments, effectué par les animaux, et la photosynthèse des plantes, car tous deux fournissent la nourriture orga­nique de base pour le métabolisme cellulaire. d) Autres aspects Les autres aspects des processus métaboliques des nutri­tions animale et végétale peuvent être considérés comme semblables dans les grandes lignes. En ce qui concerne la sélection et le rejet des déchets, il y a une plus grande diffé­renciation et diversité de structures chez les animaux.

Un schéma d'ensemble du flux de la matière et de l'énergie dans une plante verte, selon les idées exposées précédem­ment peut se représenter de la façon suivante :

Captation des aliments non orga­niques à partir de l'eau naturelle et de l'air : ALIMENTATION

{

Énergie de la lumière solaire

i Production d'aliments organiques de base : PHOTOSYNTHÈSE

1 Aliments organiques et non organiques à disposi­tion de toutes les cellules de la plante verte

1 Synthèse de substances organiques complexes caractéristiques de la structure et du métabolisme cellulaire

y r

4 ÉNERGIE DE LIAISON

t Dégradation de substances organiques complexes : RESPIRATION et processus cataboliques

i Libération de matière :

EXCRÉTION

i Libération d'énergie

calorifique

Figure 2. Schéma simplifié du processus de nutrition des plantes vertes, conçu comme un flux d'énergie et de matière à travers la plante.

un parallélisme fonctionnel

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4 . LA QUESTION DE LA TRANSPOSITION DIDACTIQUE

Éclairer et définir d'une façon plus adéquate un champ conceptuel sélectionné parmi d'autres, pour son intérêt pour la formation scientifique de base des élèves, constitue un premier pas dans le processus de transposition didactique des connaissances scientifiques en connaissances scolaires. Dans un premier temps nous avons sélectionné certains aspects et certaines perspectives scientifiques pour faire d'eux, les axes de référence d'une transposition qu'on ne doit pas concevoir comme une simplification du savoir scientifique, mais comme une réélaboration originale de ce savoir (Martinand 1986, Astolfi, Develay 1989). Mais l'autre point fondamental de la transposition didactique concerne l'élève et les processus de construction du savoir scolaire par lui-même, c'est-à-dire l'epistemologie scolaire. Les études faites sur les conceptions des élèves et les obstacles détectés de façon réitérative dans renseignement-apprentis­sage de certaines connaissances, et celles réalisées sur les stratégies d'enseignement peuvent être utiles pour surmon­ter ces obstacles, elles nous donnent des critères pour avan­cer vers une transposition didactique plus adéquate, et, finalement, vers une meilleure définition du savoir scolaire de référence.

Dans notre cas les analyses effectuées sur la conceptualisa­tion scientifique de la nutri t ion des plantes vertes, les conceptions des élèves et la genèse de celles-ci, nous ont permis de fonder une prise de décision sur le contenu d'un enseignement sur la nutrition des plantes vertes et sur des propositions curriculaires expérimentales pour l'enseigne­ment "de base". Même si cette phase de notre étude n'en est qu'à son début, nous pouvons présenter comme exemple les réseaux conceptuels et les formulations de référence adop­tées dans le projet de deux unités didactiques destinées à deux niveaux scolaires différents.

4.1. Premier cas (élèves de neuf/dix ans)

• Réseau conceptuel de référence

D'après les considérations antérieures, les objectifs concep­tuels de l'unité peuvent être centrés sur l'amélioration de la formulation de la série de concepts reliés entre eux et qui forment le réseau suivant.

la transposition

propositions pour deux unités didactiques

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LUMIÈRE

TIGE

CROISSANCE

FEUILLE MATIÈRE ORGANIQUE

RACINE

SUBSTANCES MINÉRALES

MATIÈRE NON ORGANIQUE

ALIMENT

EAU

GAZ CARBONIQUE

ALIMENTATION

DISSOLUTION

RESPIRATION

PLANTE VERTE

PLANTE

AIR

OXYGÈNE

ENERGIE - 1

ANIMAL

ÊTRE VIVANT

Figure 3. Réseau conceptuel de référence (9-10 ans)

• Propositions de formulations de référence

L'enseignement sera dirigé vers des formulations de réfé­rence qui, dans notre cas seront les suivantes. - Les plantes vertes s'alimentent en eau, avec des sub­

stances minérales en solution, et de l'air. - Elles prennent l'eau dans le sol par les racines. - Elles y prennent également les substances minérales qui

entrent dans la plante en solution dans l'eau. - Elles prennent l'air par la "peau" de la plante (racines,

tiges, feuilles). - L'air est formé par différents gaz. La plante prend dans

l'air les gaz dont elle a besoin pour vivre : l'oxygène et le gaz carbonique.

- Avec l'eau, les minéraux et le gaz carbonique la plante peut fabriquer des substances dont son corps est formé et

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c'est ainsi qu'elle peut croître. Les substances qu'elle fabrique sont nommées substances organiques.

- L'eau et les substances en solution entrent dans la plante par les racines et circulent par de petits tuyaux jusqu'aux feuilles. Là, elles se mêlent avec le gaz carbonique, de telle façon que, dans la feuille s 'assemblent les trois sub­stances (l'eau, les minéraux et le gaz carbonique) dont la

des formulations plante a besoin pour fabriquer les substances organiques de référence indispensables pour sa vie. pour le niveau _ Avec l'eau, les minéraux et le gaz carbonique, il faut aussi neuf/dix ans... qU e j e s plantes prennent de l'énergie pour les fabrications,

et cette énergie provient de la lumière du soleil. C'est pour cela qu'elles ne peuvent pas vivre sans lumière car elles ne pourraient pas fabriquer les substances organiques dont elles ont besoin.

- Tous les êtres vivants respirent constamment, le jour et la nuit. S'ils arrêtent de respirer ils meurent. Ceci est valable pour tous les êtres vivants, animaux et végétaux.

- Les animaux et les plantes respirent toujours de la même façon. Ils prennent de l'oxygène de l'air et le transportent dans leur corps jusqu'aux endroits où se trouve la matière organique à "brûler". Quand l'oxygène se joint à la matière organique, celle-ci "brûle" et cela produit de l'énergie en grande quantité. Les plantes et les animaux ont besoin de cette énergie pour vivre (croître, bouger, s'alimenter, se reproduire, etc.). C'est pour cela que, quand ils n'ont pas d'oxygène ils meurent rapidement.

4.2. Deuxième cas (élèves de douze/treize ans)

Dans ce deuxième cas, l'unité didactique est en relation avec l'étude des écosystèmes, et les connaissances prennent une nouvelle dimension.

• Réseau conceptuel

Le réseau conceptuel suivant est proposé.

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Homme/contamination

Énergie chimique

Flux d'énergie

Équilibre

ÉCOSYSTÈME cycle de

la matière

Structure

Énergie

Producteurs

Photosynthèse

Alimentation auxotrophe

Respiration

Matière org/hon org.

Éléments inertes

Éléments vivants

Consom­mateurs

Alimentation hétérotrophe

Réseau trophique

Composants des êtres vivants

Lumière

Air

Sol

Décomposeurs

Figure 4 . Réseau conceptuel de référence (12-13 ans)

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• Formulations de référence

On peut tendre vers les formulations suivantes. - Un écosystème est formé d'êtres vivants et d'éléments non

vivants du milieu (sol, air, climat, etc.) qui sont en relation d'interdépendance.

- Dans un écosystème la matière ne se consomme pas, mais suit un parcours cyclique, en passant du milieu inerte aux êtres vivants et de ceux-ci, de nouveau au milieu non vivant (cycle de la matière).

- Dans un écosystème la matière circule entre les espèces par le moyen de l'alimentation (réseau alimentaire).

- Les écosystèmes ont tendance à changer très lentement, en gardant l'équilibre dans leur structure et leur fonction­nement. Quelques activités humaines sont les causes principales de déséquilibre et de destruction des écosys­tèmes.

- Un producteur c'est un être vivant d 'un écosystème capable de vivre en s'alimentant seulement de certaines substances non organiques du milieu et en captant de l'énergie solaire. Les plantes vertes sont des producteurs.

- Un consommateur c'est un être vivant d'un écosystème qui a besoin, pour vivre, de s'alimenter de substances non

et celles pour le organiques du milieu et aussi de substances organiques niveau qu'il obtient d'autres êtres vivants. Les animaux sont des douze/treize consommateurs , mais également les champignons et ans... d'autres plantes sans chlorophylle.

- Un décomposeur est une sorte de consommateur qui est caractérisé par le fait qu'il décompose la matière orga­nique en produits non organiques, en bouclant le cycle de la matière. Les champignons et certains types de bactéries sont des décomposeurs.

- L'alimentation autotrophe est celle réalisée par les produc­teurs (les plantes avec chlorophylle). Dans l'alimentation autotrophe, la plante verte prend des aliments non orga­niques du milieu extérieur, et de l'énergie du soleil et, par la photosynthèse, elle fabrique les substances organiques dont elle a besoin pour croître et pour réaliser ses fonc­tions vitales.

- L'alimentation hétérotrophe est celle réalisée par les consommateurs (les animaux et les plantes sans chloro­phylle). Dans l'alimentation hétérotrophe l'être vivant puise des substances non organiques du milieu extérieur et des substances organique d'autres êtres vivants et, en partant de celles-ci il fabrique des substances du type organique dont il a besoin pour croître et pour réaliser toutes ses fonctions vitales.

- La photosynthèse est le processus le plus caractéristique de l'alimentation autotrophe. Par la photosynthèse les plantes vertes fabriquent les substances organiques dont elles ont besoin pour vivre et croître, en utilisant comme

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matière première certaines substances non organiques (le gaz carbonique, qu'elles puisent dans l'air, l'eau et les sels minéraux qu'elles prennent dans le sol) et comme source d'énergie la lumière du soleil, captée par la chlorophylle.

- La respiration est un processus que tous les êtres vivants (animaux et plantes) réalisent pour obtenir de l'énergie. Respirer consiste à obtenir de l'énergie en "brûlant" de la matière organique avec l'oxygène de l'air. Les êtres vivants ont besoin d'énergie à tous moments, et respirent donc constamment, le jour et la nuit.

- L'énergie permet aux êtres vivants de se déplacer, bouger, fabriquer des substances, les transporter dans leur corps, chauffer celui-ci et, en général, rester vivant et se repro­duire. Les plantes vertes sont capables de capter l'énergie du soleil, et elles obtiennent aussi de l'énergie par la respi­ration, en "brûlant" des substances organiques fabriquées par photosynthèse. Les animaux ne peuvent obtenir de l'énergie que par la respiration.

- Les substances organiques sont des substances riches en énergie et caractéristiques des êtres vivants. Les animaux et les plantes fabriquent les substances organiques qui forment les muscles, les organes internes, les poils, le sang, le bois, les fleurs, les fruits, etc. Le sucre, l'amidon, la cellulose, les protéines, les graisses, etc. sont des sub­stances organiques.

- Les subs tances non organiques sont des subs tances pauvres en énergie par comparaison, et elles ne sont pas spécifiques des êtres vivants car on les trouve aussi dans le milieu inerte. Quelques-unes d'entre elles, comme l'eau, l'oxygène, le gaz carbonique sont très importantes pour les animaux et les plantes.

- Les composants des êtres vivants sont des substances organiques et non organiques. Notre corps, par exemple, a une grande quantité d'eau avec des sels minéraux et il a besoin d'oxygène, mais il est composé aussi de protéines, de carbohydrates, de graisses, etc. Dans le corps d'un végétal, par exemple un arbre, on trouve aussi une grande proportion d'eau et de sels minéraux, et il a besoin de les puiser à l'extérieur avec le gaz carbonique et l'oxygène, mais il y a aussi des substances organiques, telles que : la cellulose qui forme le bois, l'amidon des zones de réserve, les sucres des fruits etc.

en relation étroite avec des stratégies

La formulation de ces objectifs a été faite selon le schéma théorique exposé auparavan t , et, en même temps , en essayant de respecter la perspective commune entre les élèves et les obstacles qu'ils rencontrent fréquemment dans ces apprentissages. Le développement expérimental d'unités didactiques recevant cette formulation, ou bien d'autres for­mulations alternatives du savoir scolaire concernant la nutrition des plantes vertes va certainement contribuer à

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l'amélioration de l'éducation scientifique. Mais on ne doit pas oublier que la formulation et la sélection des objectifs n'est qu'un des aspects à considérer. Il est en relation étroite avec la formulation des stratégies didactiques, le but des activités, les aides matérielles etc. Tous ces aspects doi­vent s'intégrer de manière harmonieuse avec les buts fixés à l'enseignement.

Pedro CANAL DE LEON Département de didactique des Sciences Université de Seville (Espagne)

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METACOGNITION, EPISTEMOLOGIE ET ÉDUCATION SCIENTIFIQUE

Anne Vérin

une réflexion sur sa pensée

apprendre à apprendre

en classe de sciences expérimentales

Ce numéro d'ASTER est centré sur le thème de l'élève épistémologue. L'expression s'inspire de celle de Seymour Paperi qui, dans «Le jaillissement de l'esprit» fait référence à l'intérêt de développer des pratiques qui mettent en jeu une analyse reflexive par les enfants de leurs démarches et de leur fonctionnement intellectuel. Papert s'est intéressé à la pro­grammation informatique et a montré que, dans ce cadre, cette réflexion est rendue nécessaire pour la réussite même de l'action. La réflexion épistémologique que les enfants déploient pour surmonter les obstacles ponctuels contribue à développer des outils de pensée plus généraux. L'idée rejoint par certains aspects les propositions d'un courant pédagogique qui se développe actuellement en reprenant les finalités d'apprendre à apprendre et en les renouvelant autour des idées d'évaluation formatrice (Nunziati, Vial), de métaco-gnition (Barth), d'introspection (La Garanderie), d'enrichisse­ment mental (Feuerstein). Traversant des formalisations comme des propositions pédagogiques certes très différentes, on peut retrouver un certain nombre de postulats communs chez ces auteurs. Ainsi les différentes façons d'apprendre deviennent sujet d'intérêt, car le savoir n'est pas transparent : il devient reconnu en classe et pour les élèves que pour se l'approprier il faut une activité d'apprentissage, que cette activité n'est pas simple (que plusieurs démarches sont possibles), qu'elle n'est pas linéaire (qu'elle inclut des erreurs et des remodelages). L'élève qui apprend, dans sa démarche singulière, est sujet d'intérêt : l'enseignement s'appuie sur l'énergie affective de l'investissement personnel dans l'apprentissage, qui a place dans le temps pédagogique. C'est l'ensemble de la démarche d'apprentissage qui est envisagé, avec son insertion dans un projet, des temps d'orientation vers la tâche, de mobilisation des connaissances utiles, de réalisation avec réajustements par rapport au but : c'est la conduite consciente d'une démarche complexe qui est en jeu. L'élève organisateur de son appren­tissage gagne à prendre conscience de ses démarches de pensée pour mieux les maîtriser.

Dans le domaine des sciences expérimentales, parallèlement, des tentatives analogues se mettent en place, qui explorent les possibilités précoces de développement des réflexions épistémologiques et les conditions qui favorisent ce dévelop­pement. Les élèves sont mis en situation de réfléchir sur la façon dont ils s'y prennent dans des activités de construction ou d'appropriation de connaissances scientifiques, de résolu­tion d'un problème, d'application à une situation nouvelle de connaissances acquises.

ASTER N°12. 1991. L'êliève épistémologue, INRP. 29. rue dUlm. 75230. Paris Cedex 05.

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Points de vue philosophiques et psychologiques

réflexion sur la science

et réflexion sur ses propres démarches cognitives

métacognition : connaissances spéculatives et actions cognitives

Que construisent-ils à partir de cette réflexion ? Peut-on parler d'une epistemologie de l'élève ? À travers le panorama possible que dresse Anne-Marie Drouin, on voit que dans certains cas l'accent peut être mis sur les concepts et les méthodes pro­prement scientifiques, dans la lignée de l'epistemologie des philosophes ou des scientifiques. Dans d'autres cas, Ü s'agit d'une réflexion sur les démarches cognitives des élèves eux-mêmes ; il serait plus approprié de parler là de métacognition. La projet peut paraître trop ambitieux. Cependant l'éducation scientifique à l'école ne vise pas la maîtrise des connaissances les plus actuelles ni la participation à la création de connais­sances nouvelles et significatives pour la société scientifique, mais l'appropriation d'un réseau de concepts à des niveaux de formulations adaptés aux possibilités des élèves (et déterminés par des processus de transposition didactique). On peut de la même façon que pour les connaissances scientifiques, envisager la construction de compétences méthodologiques et de con­naissances épistémologiques et métacognitives dès l'école pri­maire, avec des ambitions appropriées à l'âge des élèves et à leurs possibilités cognitives.

Nancy Bell propose une analyse critique des travaux en psy­chologie sur la métacognition et situe le débat introspection-niste, repris actuellement en psychologie sociale. Elle signale que si les auteurs s'accordent en général pour reconnaître l'existence de capacités de régulation et de contrôle de la pensée, et le développement de ces capacités avec l'âge, ils emploient le mot «métacognition» dans des sens en réalité assez différents, allant de la conceptualisation de l'activité cognitive au contrôle conscient de ses propres processus mentaux W. Elle fait une synthèse critique des travaux portant sur les facteurs facilitant la métacognition (parmi lesquels on peut relever entre autres la nouveauté de l'apprentissage et l'erreur, ce qui nous intéressera particulièrement) et ouvre de nouvelles questions : la signification du contexte et le rôle de l'interaction sociale semblent importants et sont encore peu étudiés.

un modèle pédagogique théorique

Des dispositifs pédagogiques Les articles qui suivent sont issus de plusieurs recherches conduites à l'Institut National de Recherche Pédagogique à Paris. Ils se réfèrent à un projet d'enseignement constructîviste de méthodes et d'attitudes, défini par rapport à un cadre conceptuel que Ton trouvera exposé de façon plus détaillée dans l'article de Brigitte Peterfalvi.

(1) Bernadette Noël (1991) propose une clarification intéressante de ce concept de métacognition à travers une revue de la littérature sur la question.

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oriente la construction de situations didactiques

les élèves acquièrent

des connaissances sur les processus de construction du savoir en sciences

une maîtrise de la gestion de leurs activités cognitives pour apprendre les sciences

Les articles de Jean-Claude Genzling, Martine Szterenbarg et Pierre Fillon analysent le fonctionnement de dispositifs péda­gogiques qu'ils ont mis au point pour développer une réflexion sur les caractéristiques et les procédures de la pensée scienti­fique, en physique ou en biologie. Les élèves construisent des connaissances sur ce qu'est un raisonnement expérimental, les relations entre le réel et la théorie, la façon dont on imagine des hypothèses et dont on les valide ou les infirme, le rôle de la modélisation pour rendre compte de phénomènes, le caractère provisoire des théories, le caractère moteur du conflit cognitif dans l'avancée des connaissances. Dans les dispositifs définis par Camille Durnerin et Alain Robert, ainsi que par Jean Veslin, l'accent est mis sur l'analyse des démarches conduites par les élèves eux-mêmes, en classe de physique ou de biologie, de la façon dont ils s'y prennent pour produire une explication par exemple, des productions des différents élèves par rapport à ce qu'on peut définir comme réussite pour un texte scientifique. Cette analyse reflexive conduit à la production d'outils destinés à enrichir les procé­dures des élèves et à faciliter le contrôle conscient de sa démarche par chaque élève, de façon à obtenir une meilleure adéquation entre l'action cognitive et son but. Dans ces groupes d'articles, la pensée des élèves est d'abord mise en mouvement avant qu'elle ne soit analysée ; dans les deux cas elle est référée à la pensée scientifique. Mais les connaissances et les compétences construites diffèrent sensi­blement et s'insèrent dans un projet particulier : - on pourrait parler de construction de connaissances

épistémologiques dans le premier cas. Le projet est de cons­truire avec les élèves une image de la science comme une invention humaine qui rend compte de la façon la plus satisfaisante possible de la réalité mais n'en rendra jamais totalement compte, une science conceptuelle, problématisée et en mouvement - et non comme une accumulation de connaissances qui se complète petit à petit :

- dans le deuxième cas, c'est de connaissances métacognitives qu'il s'agirait. Le projet est de faire acquérir aux élèves des connaissances sur le fonctionnement cognitif général et sur leur propre fonctionnement cognitif particulier, dans des tâches d'apprentissage scientifique. Ces connaissances mé­tacognitives sont mises au service d'une meilleure régulation par les élèves de leurs démarches cognitives.

un ensemble de situations didactiques est analysé

Caractéristiques des situations favorisant la réflexion épistémologique et métacognitive Brigitte Peterfalvi entreprend une réflexion comparative sur un ensemble de dispositifs pédagogiques, qui ont été produits pour explorer les apports possibles d'une réflexion distanciée des élèves sur leurs propres démarches dans l'apprentissage de compétences méthodologiques en sciences expérimentales.

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epistemologie et métacognition intéressent les didacticiens

le raisonnement scientifique est étudié de différents points de vue en didactique des sciences

ici sont analysées des situations où l'élève est épistémologue

Elle différencie les différents projets d'acquisitions de compé­tences et analyse les caractéristiques des situations qui cons­tituent des conditions de facilitation de l'activité reflexive. Les limites et les dérives de ce type de travail sont discutées.

Place de ces contributions dans le champ de la recherche en didactique La perspective adoptée dans ce type de recherche est de produire un modèle théorique de l'enseignement scientifique, de construire un ensemble de pratiques pédagogiques orientées par ce modèle, et de prendre ces pratiques pédagogiques comme objet d'analyse. Progressivement le modèle théorique se modifie, se complexifie. L'idée de développer les raisonnements épistémologiques et de caractériser les conditions d'enseignement qui les favorisent est explorée par d'autres didacticiens des sciences expéri­mentales, comme Clothilde Pontecorvo ou Maria Arca, Silvia Caravita, Franscesco Tonnucci, ainsi que par des didacticiens des mathématiques et du français. La formation au raisonnement scientifique a donné lieu à de très nombreux travaux en didactique des sciences expéri­mentales, dont la perspective est différente et complémentaire de celle qui est adoptée ici. Certains analysent le raisonnement spontané des élèves, son évolution avec l'âge. D'autres construisent des situations d'apprentissage du rai­sonnement expérimental, de la modélisation, et centrent leur analyse sur le raisonnement des différents élèves et ses modi­fications au cours de ces situations. D'autres enfin caractérisent les raisonnements mis enjeu chez les élèves dans différentes pédagogies et l'image de la science que ces pédagogies véhiculent ainsi implicitement. L'apport spécifique des travaux présentés ici est d'explorer en premier lieu les possibilités qu'apporte une pédagogie engageant les élèves dans une réflexion sur leurs propres procédures pour l'apprentissage des méthodes scientifiques, en centrant l'analyse sur les caractéristiques des situations d'enseignement.

Anne VÉRIN Équipe de didactique des sciences expérimentales, INRP

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UTILISATION DES ASPECTS HISTORIQUES DANS L'ENSEIGNEMENT DE LA PHOTOSYNTHÈSE

SouadKassou Christian Souchon

On invoque souvent l'utilisation de l'histoire des sciences dans l'enseignement des sciences en général, de la biologie en particulier. Cet article propose d'étudier la relation à l'histoire des sciences dans l'enseignement de la photosynthèse ; ceci essentiellement à travers l'analyse d'ouvrages universitaires et scolaires. Quelle présentation est faite de cette histoire ? Quelle transformation subissent certaines expériences historiques à travers la transposition didactique ? Quel statut est donné à ces expériences ? Quelle démarche expérimentale est présentée aux élèves ?

Ce qui est enseigné en matière de science appartient tou­jours au passé, donc avec une référence à l'histoire des sciences, mais qui n'est cependant pas toujours explicite. La transposition didactique de la science vers la science ensei­gnée suppose des choix d'époque et de résultats ; puisera-t­on dans l'ancien pour faire simple, ou essaiera-t-on au

quels choix pour contraire d'être moderne, proche de la science qui se fait ? une éducation En outre, dans une véritable éducation scientifique ces scientifique ? choix devraient être dûment justifiés : dans quels buts de

formation, de culture, voire de préparation à une future mobilisation des savoirs ? L'essentiel serait, selon nous, d'envisager à propos d'un sujet donné, en quoi on peut faire péné t re r l ' app renan t d a n s la démarche scient i f ique. Resteront alors le choix du sujet et la justification de ce choix. Sur ce dernier point en ce qui concerne la photosynthèse, il suffit de noter le caractère fondamental pour la vie de ce mécanisme nourricier de base de notre écosphère et par là même de l'espèce humaine. Sur le plan de la culture scienti­fique, c'est l'occasion de répondre à la question que les maîtres posent souvent aux élèves " Comment les plantes se nourrissent-elles ? " ("elles ne se nourrissent pas , parce qu'elles n'ont pas de bouche'' pouvant être une première r éponse !) ou u n e a u t r e ques t ion moins f réquente : "Comment se fabrique la matière des plantes ? ".

Sur le thème de la photosynthèse un travail (1) a été entre­pris afin d'examiner dans un premier temps quelle était la relation de l 'enseignement scientifique à l 'histoire des

(1) Thèse de Doctorat en cours de S. Kassou sous la direction de C. Souchon. UF Didactique. Université Paris 7.

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts, INRP, 29. rue dTJlm, 75230 Paris Cedex 05

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sciences, ceci essentiellement à partir du contenu des manuels scolaires.

problématique La problématique développée a été orientée selon deux axes. L'un se référant à la notion de transposition didactique : "Comment passe-t-on du savoir savant des chercheurs d'une époque (savoir d'origine) au savoir pour l'élève (savoir enseigné) ? ". L'autre cherchant à identifier les présentations de la construction de la science (ce qui est aussi un des élé­ments de la transposition didactique). Suivant en cela Y. Chevallard (1985) (2) dans sa présenta­tion de la chaîne didactique qui assure la transposition, nous avons été conduits à nous placer dans une perspective d'analyse et d'utilisation des différents maillons de cette chaîne qui comprend :

- les textes d'origine (savoir savant) ; - les ouvrages spécialisés (savoir universitaire) qui sou­

vent servent de source ou de référence aux auteurs de manuels ;

- les m a n u e l s scolai res (savoir enseigné) , don t le contenu concrétise l'une des formes de contact entre l'élève et la science. Nous avons laissé de côté l'ensei­gnement réel donné en classe, ce qui nécessiterait une autre étude que nous ne pouvons pas mener ici.

Figurel. Eléments de la chaîne de transposition didactique

transposition didactique...

image de la science

Les vecteurs des savoirs

Texte d'origine Publication des chercheurs

Ouvrages spécialisés jvrages universitaires

Manuels scolaires

Elèves

Les niveaux de savoir

Savoir savant

Savoir universitaire

Savoir à enseigner

(2) Y. CHEVALLARD. La transposition didactique, du savoir savant au savoir enseigné. Grenoble. La Pensée sauvage. 1985.

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1. PRÉSENTATION DBS HISTORIQUES DE LA PHOTOSYNTHÈSE DANS LES OUVRAGES SPÉCIALISES

les historiques des manuels se réfèrent plutôt à des ouvrages de physiologie qu'à des ouvrages d'histoire des sciences

homogénéité dans la présentation des historiques...

Les historiques de la photosynthèse présentés dans les ouvrages spécialisés constituent la source évidente pour les auteurs de manuels et les professeurs. Dans certains livrets pédagogiques destinés aux enseignants, en complément au manuel, lorsque les sources sont signalées, celles-ci font le plus souvent référence plutôt à des ouvrages de physiologie récents, comme ceux de R. Heller (3) et de P. Mazliak (4), qu'à des ouvrages d'histoire des sciences. Notre analyse de différents historiques de la photosynthèse (5) a été facilitée par le travail déjà réalisé par J.Ontsira (1988, manuscrit, UF Didactique, Université Paris 7) qui a consigné dans un tableau une liste des auteurs liés à l'his­torique de la photosynthèse et qui résume ce qu'apportent les travaux de chacun des chercheurs qui ont contribué à cette découverte de la photosynthèse. L'examen de ce travail fait ressortir une relative homogé­néité (6) des présentations dans les historiques qui compor­tent schématiquement : - une liste de noms connus de savants avec les décou­

vertes qu'ils ont faites : un " consensus" est établi sur la notoriété et sur le caractère incontournable des travaux de quatre savants : J . Priestley, J. Ingen-Housz, J . Senebier, N.T. de Saussure qui sont toujours tous cités ;

- une succession chronologique de faits scientifiques s'inscrivant dans la liste précédente : les auteurs (des dif­férents historiques) ont opéré une sélection de faits scien­tifiques, qu'ils ont jugé a posteriori utiles et essentiels dans la découverte de la photosynthèse.

(3) (4) (5)

(6)

R. HELLER. Abrégé de physiologie végétale. Paris. Masson. 1977. P. MAZLIAK. Physiologie végétale. Paris. Hermann. 1974. Parmi les différents historiques analysés on peut citer : D.O. HALL et R.K. RAO. Photosynthèse. Paris. Vuibert. 1978. H.S. REED "Chemical studies wich led to the discovery of photo­synthesis". Chronica botanica, vol XI. 1947. pp 295. W.E. LOOMIS." Historical introduction", Encyclopedia of plant physiology, vol 1. Berlin. Springer Verlag. 1960. pp 85-114. Il semble que la plupart de ces historiques ont leur source dans l'ouvrage de J.V. SACHS : "Histoire de la botanique du XVIème siècle à 1860". (1892). Cela expliquerait leur relative homogénéité.

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Figure 2 : Liste des "découvreurs" et découvertes de la photosynthèse, d'après J. Ontsira (1988) ; modifié et simplifié.

J.B. Van Helmont (1577-1644)

M. Malpighi (1628-1694)

S. Haies (1677-1761)

C. Bonnet (1720-1793)

J. Priestley (1733-1804)

J. Ingen-Housz (1730-1799)

J. Senebier (1742-1809)

N.T. de Saussure (1767-1845)

J. Caventou (1795-1877) et J. Pelletier (1788-1842)

J.R. Mayer (1814-1878)

J.V. Sachs (1832-1897)

J.B. Boussingault (1802-1887)

T.W. Engelmann (1843-1908)

C. Bernard (1813-1878) et Garreau (1812-1892)

L. Mangin (1852-1937) et G. Bonnier (1853-1922)

Expérience du saule : les plantes se nourrissent d'eau seulement

Description des stomates. Importance des feuilles : lieu de transformation de la matière brute.

Les plantes tirent une partie de leur nourriture de l'air.

Expérience avec un rameau de vigne : les feuilles pla­cées sous l'eau et en plein soleil se couvrent de bulles d'air.

Découverte du rejet d'oxygène. Les plantes purifient l'air par un processus inverse de la respiration des animaux.

La production d'air déphlogistiqué (oxygène) n'a lieu qu'au soleil et seulement par les parties vertes des plantes.

Importance de l'air fixe(C02). Les plantes ne produisent l'air déphlogistiqué qu'en présence de lumière et d'air fixe(C02).

L'assimilation du carbone s'accompagne d 'une consommation d'eau.

Isolement de la substance verte des feuilles appelée chlorophylle.

Transformation de l'énergie lumineuse en énergie chi­mique.

Relation entre la synthèse d'amidon et l'activité chloro­phyllienne à la lumière.

Q (C02) consommée = Q (Coproduite.

L'activité photosynthétique varie en fonction des radia­tions lumineuses.

Distinction entre la respiration et assimilation chloro­phyllienne.

Séparation des échanges chlorophylliens et des échanges respiratoires.

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un aspect linéaire...

pas de vision globale

comment ? pourquoi ? éludés

les points de départ des historiques diffèrent

La sélection de ces faits scientifiques isolés d'un contexte complexe de recherche donne un aspect linéaire aux histo­riques. Mais ce type de reconstitution rétrospective simpli­fiée reste purement descriptif dans la mesure où il ne per­met p a s de c o m p r e n d r e comment s ' es t effectuée la construction du concept de photosynthèse. De plus cette présentation ne permet pas d'avoir une vision globale des principales découvertes réalisées par différents savants à une période donnée. Cette attitude générale qui présente une sorte de chemine­ment unique et inéluctable est éminemment contestable. On peut se reporter à E. Mayr (1982) (7) qui définit l'histoire des sciences comme étant d'abord "...l'histoire des problèmes auxquels elle s'est attaquée et des solutions ou des tentatives de solutions qu'elle a proposées....mais c'est aussi l'histoire des principes fondamentaux quiforment sa charpente concep­tuelle...''. Pour lui, tout auteur d'histoire des sciences dési­rant rendre compte des progrès scientifiques d'une manière critique et approfondie doit répondre à six quest ions : "Qui ? Quand ? Où ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ?". Dans la plupart des historiques de la photosynthèse des ouvrages spécialisés et universitaires analysés, les auteurs répondent aux quatre premières questions, les deux der­nières "comment ?" et "pourquoi ? " ne sont pratiquement pas retenues. De même dans les historiques, le choix des points de départ n'est nullement justifié. Ainsi la découverte de la photosyn­thèse suivant les auteurs, débute : - soit par un problème de nutrition, avec selon les histo­

r iques , une référence aux t ravaux de Van Helmont (exemple : W.E. Loomis, 1960) (8) ;

- soit par un problème d'échanges gazeux avec les travaux de Priestley (exemple : R. Heller, 1977).

Pourquoi ces points de départ diffèrent-ils dans la teneur des travaux présentés et en ce qui concerne les époques ? Par ailleurs, parmi les questions non soulevées et donc res­tées sans réponse devraient figurer celles-ci : quelle était la problématique des différent savants ? de quels outi ls conceptuels et matériels disposaient-il ? quels étaient les problèmes scientifiques de l'époque ? Il n'est pas fréquent que les auteurs se posent ce genre de question, cependant D.R Hershey (1991) (9), à propos de Van Helmont et de son expérience sur la croissance du Saule, explique comment a procédé Van Helmont, pourquoi il a réalisé cette expérience et dans quel contexte. Il pense

(7) E. MAYR. L'évolution. Paris. Belin. 1982. (8) W.E. LOOMIS." Historical introduction", Encyclopedia of plant

physiology, vol 1. Berlin. Springer Verlag. 1960. pp 85-114. (9) D.R. HERSHEY " Digging Deeper into Helmont's Famous Willow

Tree Experiment". The American Biology Teacher, vol 53. n° 8. november/decemberl991. pp 458-460.

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qu'on pourrait utiliser cette expérience dans une perspective d'analyse des aspects concrets de la pratique scientifique.

histoire des théories gagnantes...

la théorie de l'humus...

débat Hassenfratz-Ingen-Housz

Dans ces historiques linéaires la science apparaît comme un continuum de réussites sans rupture ni débat, il y a priorité à l'histoire des théories gagnantes. Les auteurs ont éliminé de leur exposé les théories erronées, les controverses qu'elles ont suscitées. Dans le cas précis qui nous intéresse, on rencontre un exemple tout à fait pertinent et sûrement très important de ce type d'oubli, de démarche, qui par la présentation linéaire écarte l'existence des doutes et débats, c'est l'occultation de la controverse entre les tenants de la théorie de l'humus et ceux qui la dénoncèrent en faveur d'une théorie minérale de la nutrition et du prélèvement du carbone dans le C0 2 de l'atmosphère. Il convient de rappeler ce qu'est la théorie de l'humus. Cette théorie aurait ses "racines" dans la conception d'Aristote sur la nutrition des plantes selon laquelle la nutri t ion des plantes est réduite aux fonctions des racines : la matière organique de la plante ne peut provenir que de matière pré­existante, l'humus du sol. J . Boulaine (1989) (10) situe la période de maturité de la théorie de l'humus à la moitié du 18ème siècle avec les tra­vaux de Wallerius en 1761. Parmi les défenseurs de cette théorie on trouve ensuite un grand nombre d'agronomes dont J . Hassenfratz (1792) et Thaer (1802) qui vulgarisa le mot humus. L.K. Nash (1952) (11) dans un ouvrage spécialisé d'histoire des sciences, rappelle de façon presque incidente un débat entre Hassenfratz et Ingen-Housz sur l'origine du carbone, sans d'ailleurs montrer en quoi il s'agit d'un débat scienti­fique, car il s'attache seulement à identifier certains types de raisonnement chez les deux protagonistes, dont celui de Ingen-Housz qu'il juge téléologique''. En 1792, Hassenfratz (12) publiait en effet dans les Annales de Chimie un texte dans lequel il tentait de démontrer que le carbone des végétaux provient du sol (de l'humus du sol) et qu'il est absorbé par les racines. Son argument était que là où il y a du fumier, donc du "charbon" en dissolution dans l 'eau du sol (ou du carbone, mais probablement pour Hassenfratz de l'humus, le mot n'ayant été vulgarisé qu'un peu plus tard, en 1802 par Thaer), la végétation est plus "forte" et plus" vigoureuse" : "... de toutes les manières d'expliquer l'accroissement du carbone dans les plantes par

(10) J. BOULAINE. Histoire des pédologues et de la science des sols. Paris. BMRA. 1989.

(11) L.K. NASH. "Plants and the atmosphere". Harvard Case Histories in Experimental Science, vol 2. Harvard. University Press. Cambridge (Mass.). 1957.

(12) J. HASSENFRATZ. "Sur la nutrition des végétaux, troisième mémoire". Annales de chimie. Tome quatorzième. 1792. pp 55-64.

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comment expliquer qu'un grand arbre trouve pendant des siècles sa nourriture au même endroit ?

l'acte de la végétation, celle qui a un rapport plus direct avec les engrais, celle qui s'accorde le mieux avec tous les faits connus, est la dissolution du charbon dans Veau, sucé ensuite par les racines et déposé dans l'intérieur des plantes ; qu'ainsi le charbon dissous dans l'eau est une des substances nutritives des plantes...". Ce texte d'Hassenfratz venait en contradiction avec les écrits d'Ingen-Housz de 1782 qui concluait à ce qu'on appellerait maintenant l'utilisation du gaz carbonique de l'air par les végétaux. En 1796, en réaction au texte d'Hassenfratz sur l'absorption par les racines du carbone, Ingen-Housz (13) rappelle ses t ravaux antérieurs : "...Dans l'été 1779, je découvris que les végétaux étaient incessamment occupés à décomposer l'air avec lequel ils étaient en contact, qu'ils en changeaient une grande partie en air fixe, qu'on appellerait aujourd'hui acide carbonique (14)... Je trouvai que les racines, lesfieurs et lesjruits étaient continuellement occupés à cette décomposition même lorsqu'ils étaient exposés au soleil ; mais que les feuilles et les tiges vertes cessaient cette opération, lorsque le soleil ou un jour clair brillait sur elles, moment pendant lequel elles produisaient une quantité consi­dérable de l'air le plus pur et de plus rendaient l'air atmo­sphérique avec lequel elles étalent en contact plus pur ou plus approchant de l'air vital...".

Ingen-Housz oppose pa r a i l l eu r s a u x a r g u m e n t s d'Hassenfratz la difficulté qu'il y a à expliquer comment un arbre de grande dimension peut tirer du même sol et durant des siècles les substances nutritives dont il a besoin et notamment du carbone : "...Un grand arbre trouve pendant des siècles entiers, sa nourriture au même endroit. Comment expliquer ce fait dans le système de M. Hassenfratz, qui sup­pose que le principal aliment des plantes est le charbon et que ce charbon n'est pas tiré de l'acide carbonique, dont il constitue suivant Lavoisier à peu près le tiers (28/100). Ce physicien admet comme bien fondé ma découverte que les plantes, dans l'obscurité, produisent de l'acide carbonique, et que les racines toujours privées de lumière sont par consé­quent toujours occupées à cette production. Il y a partout, dans le sol de l'air atmosphérique. Or cet air seul, comme je l'ai prouvé, fournit de l'acide carbonique même sans le minis­tère des plantes. Cette vérité nous indique quelle est la source de ce carbone, et elle nous explique comment les plus grands arbres trouvent pendant des siècles cette immense quantité d'alimens dont Üs ont besoin pour vivre, croître et produire constamment et des fleurs et des jruits ; alimens dont sans doute ils puisent une partie dans le sol, mais qu'ils

(13) J. INGEN-HOUSZ "Essai sur l'aliment des plantes et sur la rénova­tion des sols". Annales d'agriculture française. Tome 6. An 9. pp 170-203 et 365-401. 1796.

(14) "Acide carbonique" est, aux 18ème et 19ème siècles, le nom donné au dioxyde de carbone.

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Lavoisier : "pas d'acide carbonique dans l'air...*

fin du 19ème siècle, la théorie de l'humus subsiste...

tirent, je crois, principalement de l'atmosphère par le moyen de leurs feuilles, qui absorbent et décomposent Voir avec lequel ils sont en contact.,.''. On notera qu'Ingen-Housz n'affirme pas que les plantes tirent la totalité de leur carbone du gaz carbonique de l'air, mais seulement une 'partie'', "principalement''. Poursuivant sa démonstration à rencontre d'Hassenfratz, Ingen-Housz pose ensuite le problème de la faible teneur en gaz carbonique de l'air, et il y répond d'ailleurs avec un rela­tif embarras : "...M. Hassenfratz paraît croire que les plantes ne tirent pas le carbone (qui suivant lui, est leur principal ali­ment) de l'acide carbonique, mais le trouvent tout préparé dans le fumier; il me semble plus probable qu'elles le tirent principalement de l'acide carbonique, une substance qui se décompose facilement en reproduisant les deux ingrédients qui la constituent, à savoir l'oxygène et le carbone. Le fumier comme tous les engrais, produit une grande quantité d'acide carbonique, soit par lui-même, soit en décomposant l'air avec lequel il est en contact. Mais ici semble s'élever une difficulté, on demandera comment une plante ou les engrais peuvent tirer l'acide carbonique de l'air atmosphérique qui n'en contient, suivant les nouveaux systèmes, seulement 1/100 ; et, suivant M. Lavoisier point du tout. Quoique dans ces prin­cipes on ne put donner du fait une explication théorique, je crois qu'on ne peut nier son existence, et qu'il est prouvé, par des observations suffisantes, que l'air commun fournit par lui-même tous les ingrédients nécessaires à la composition de l'acide carbonique ainsi qu'on le verra ci-après. Ces faits incontestables indiquent ces quelques erreurs dans la nou­veau système. C'est ce que je laisse à résoudre à de meilleurs

juges..."

Nash dans son historique présenté comme une histoire des échanges gazeux, semble admettre que le débat sur la théo­rie de l 'humus est clos après cette passe d'armes entre Ingen-Housz et Hassenfratz à la fin du 18ème siècle. Sachs (1892) et Boulaine (1989) attribuent pourtant seulement à Liebig le mérite d'avoir ruiné en 1840 la théorie de l'humus : d'une part, J . Liebig (15) établit que la végétation produit de l'humus au lieu de le détruire, et d'autre part il montre, par des calculs fondés sur des expériences eudiométriques que la quantité d'acide carbonique contenue dans l'atmosphère peut suffire pour la synthèse de matière organique de la végétation du globe entier.

Cependant, à la fin du 19ème siècle (soit plus de cinquante ans après les travaux de Liebig), on voit de nouveau soulevé cette question de la nutrition organique, alors que l'on aurait pu la croire un instant définitivement résolue. L'idée que l'on n'a pas de "preuve expérimentale absolue" que le carbone ne peut provenir d'une source autre que le C 0 2

(15) J. LIEBIG. Chimie appliquée à la physiologie et à Vagriculture. Paris. 1844.

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1903. Laurent : des matières organiques solubles puisées par les racines

1952 : le C02 peut aussi être absorbé par les racines

atmosphérique (C02 du sol , ou des sustances organiques) existe encore à cette époque. C'est ainsi, qu'au début du 20ème siècle, un certain nombre de chercheurs se sont orientés vers l'étude de l'absorption par les racines de substances organiques. On peut citer les travaux de M.J. Laurent (16) (1903) dont les recherches sur le rôle des matières organiques dans la nutrition des végé­taux, ont été entreprises à l'aide de cultures en milieux liquides stérilisés. Laurent étudia par diverses méthodes l'absorption de divers substances, glucose, amidon, glycé­rine, humus... et leur mode d'utilisation par la plante. Les conclusions de Laurent ont été les suivantes : "... Les racines des plantes vertes peuvent puiser directement dans le milieu extérieur un certain nombre de matières organiques solubles : les unes, directement assimilables, comme le glu­cose, sont immédiatement utilisées ; d'autres comme la glycé­rine, sont en partie mises en réserve sous forme d'amidon qui est digéré ultérieurement à l'intérieur des tissus... quant à l'humus, dont le rôle comme aliment a été si discuté, j'ai véri­fié son absorption directe par le maïs et établi qu'à l'état d'humate de potassium, il facilite l'assimilation du carbone et se comporte ainsi à la façon d'un sel minéral... ". (Les expériences de Laurent consistaient à cultiver de jeunes plants de mais dans un milieu contenant de l'eau distillée et un poids connu de glucose (par exemple). Après quelques jours il pratiquait le dosage du glucose à l'aide de la liqueur de Fehling).

En 1912, M. Molliard (17), d a n s u n compte r e n d u à l'Académie des sciences, pose encore la question : " L'humus est-Ü une source directe de carbone pour les plantes vertes supérieures ?". En 1952 trois russes Kursanov, Krjukova et Vartapetjan(18) étudient l'absorption par les racines de carbonate marqué avec du 14C radioactif. Ils placent des racines de jeunes plants de Haricot dans un milieu contenant une solution de carbonate marquée au 14C, ou dans une enceinte contenant du C0 2 . Les mesures effectuées, indiquent la possibilité d 'une absorption assez importante , par les racines de dioxyde de carbone (ou du bicarbonate) pour la photosyn­thèse des feuilles, et spécialement pour les tiges vertes.

(16) M.J. LAURENT. "Recherches sur la nutrition carbonée des plantes vertes à l'aide de matières organiques". Revue générale de bota­nique. T XVI. 1904. pp 14-48 et pp 66-240.

(17) M. MOLLIARD. Œuvres scientifiques : la plante et son milieu.. réédité par les soins d'un groupe d'élèves et d'amis. 1936.

(18) KURSANOV, KRJUKOVA, VARTAPETJAN. "L'apport de C02 par les racines". Comptes rendus de l'académie des sciences d'URSS. T 85, n° 4.1952. pp 913-916.

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L'analyse de ces différents historiques montre un certain nombre de difficultés. La première est de se repérer dans un ensemble de productions souvent très spécialisées et très pointues, et de tenir compte des aspects controversés. Vient ensuite le problème de savoir à partir de quelle ques­tion on écrit l'histoire? Dans le cas qui nous intéresse ici les

à partie de historiques débutent le plus souvent par une histoire de la quelle question nutrition des plantes. Pour Van Helmont la question est écrit-on bien de savoir de quoi se nourrit la plante et à quoi est due l'histoire ? son augmentation de poids. Puis après, avec les travaux

d'Haies, de Priestley, Ingen-Housz et Senebier on passe à une histoire des échanges gazeux, avec une étude du com­portement des plantes par rapport à l 'atmosphère. On revient à une histoire de la nutrition mais cette fois-ci à pro­pos de la nutrition minérale avec de Saussure, Liebig et Sachs ; puis on passe à une histoire du rôle de la chloro­phylle ; ensuite en s'intéressant notamment à l'action de la lumière et au rôle qu'elle joue, on se tourne vers une his­toire énergétique de la photosynthèse.

2 . LA PLACE DE LA DIMENSION HISTORIQUE DANS L'ÉTUDE DE LA PHOTOSYNTHÈSE AU NIVEAU DES MANUELS SCOLAIRES

dans les manuels scolaires...

... une place infime est accordée à l'histoire des sciences...

2.1. La référence à l'histoire dans les manuels scolaires

Notre objectif, ici, est d 'analyser la manière dont les manuels de biologie de l'enseignement secondaire présen­tent les épisodes de l'histoire des sciences, dans le cas pré­cis qui nous intéresse : l'étude de la photosynthèse. Nous avons étudié une vingtaine de manuels scolaires édités à des périodes différentes (le plus ancien date de 1881, le plus récent de 1988), et donc rédigés par des auteurs différents, ceci dans le but d'établir une évolution, des différences selon les époques, de l'importance accordée à l'histoire des sciences.

De tout temps, les auteurs de manuels scolaires n'accordent qu'une place infime à l'histoire dans l'étude de la photosyn­thèse ; on pourrait même dire de moins en moins car les manuels les plus récents (1988) (19) ne font référence à cette histoire que par des noms de savants isolés (les auteurs suivent en cela l'esprit des nouveaux programmes qui se prononcent plutôt pour "une approche actualisée" des contenus scientifiques) (20). Lorsqu'il y a évocation historique, celle-ci peut généralement être schématisée selon plusieurs formes dominantes.

(19) Collection Tavernier. Biologie-Géologie. 1ère S. Bordas. 1988. Collection Escalier. Biologie-Géologie. 1ère S. Nathan. 1988.

(20) Instructions officielles pour le second cycle. CNDP. Paris. 1986.

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... sans aborder véritablement la construction historique des savoirs

- Soit on a un aperçu historique en introduction au cours : enumeration de savants isolés, de dates et des concepts que ces scientifiques sont censés avoir établis ou "décou­ver ts" (on retrouve d a n s ces ape rçus h is tor iques la conception de l'histoire des ouvrages universitaires, his­toire linéaire des idées, décontextualisée).

- Soit une présentation d'"expériences historiques" est faite dans la partie documentaire précédant le cours (ou dans l'exposé du cours ou dans la partie exercice en fin de cha­pitre). Ces expériences sont introduites soit sous forme d'extraits (rarement), soit racontées par les auteurs de manuels (le plus souvent).

- Soit il y a une évocation du nom de savants cités en réfé­rence à un procédé technique (méthode de C. Bernard dite des anesthésiques, méthode de Tswett de séparation des pigments de chlorophylle), ou à des liquides physiolo­giques (liquide de Knop et liquide de Sachs), ou à l'établis­sement de "lois" (Blacman et la loi du minimum).

Les manuels n'abordent pas la question de la construction historique des savoirs sur la photosynthèse, dans la mesure où l 'enseignement es t presque exclusivement organisé autour de l'énoncé des résultats de la science, qui présente les concepts tout construits et comme ne relevant pas d'une histoire et de ses péripéties. Dans l'enseignement des sciences biologiques, on met en avant la formation de l'esprit scientifique, or les apports dans ce sens mériteraient d'être examinés avec soin. Suffit-il d'une référence à "La Méthode Expérimentale" ou d'exercices demandant d'analyser, de montrer, d'interpréter, pour faire comprendre quelles peuvent être les bases concrètes de la démarche scientifique ? Dans une telle perspective, le rôle donné dans l'enseignement, aux expériences est essentiel. Nous essaierons d'examiner ici le statut implicite des "expé­riences historiques" présentées dans les manuels.

quel est le statut des expériences "historiques" ?

2.2. Le statut des expériences historiques et l'apport à l'enseignement de la démarche scientifique

L'analyse de l'utilisation de certaines expériences histo­riques, dans l'exposé du cours des auteurs de manuel, per­met une certaine réflexion sur le statut donné à ces expé­r iences . Le pr inc ipa l obs tac le pour un appor t réel à l'enseignement de la démarche scientifique réside, selon nous, dans la rédaction d'exposés qui se veulent démonstra­tifs a posteriori . Le plus souvent, la problématique dans laquelle les auteurs de manuel situent de telles expériences, n'a aucune ressemblance avec celle pour laquelle elles ont été conçues. Nous illustrerons nos propos à l'aide d 'un exemple : la présentation et l'utilisation des "expériences "de Priestley.

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• Problématique et experienced) d'origine

Priestley (21) travaillait sur les modifications de la qualité de l'air en rapport avec la respiration, dans le cadre de la théo­rie du phlogistique. Lors d'une expérience sur les végétaux, il établit que les plantes ont la capacité de "...rétablir l'air vicié par la respiration des animaux ou par la combustion d'une chandelle...'', alors qu'au départ il pensait que les végétaux comme les animaux viciaient l'air environnant. Il explique le rétablissement de la qualité de l'air permettant la vie, par l'absorption par les plantes du phlogistique dont l'air est surchargé par la combustion des corps inflam­mables. Dans son expérimentation Priestley utilise une technique assez simple : croissance d'une plante dans un milieu à air confiné sous l'eau. Il constate un changement qualitatif de l'air opéré par la plante, inverse de celui produit par les ani­maux. L'analyse qualitative de l'air sera faite par le "test" de la souris et de la chandelle :

- la souris placée dans cet air ne meurt pas, - la chandelle s'allume.

C'est cette série d'expériences qui apparaît dans les manuels scolaires.

• Présentation dans les manuels scolaires:

Nous avons analysé et comparé la présentation des travaux de Priestley dans deux manuels différents édités à près de cent ans d'intervalle : la conception des auteurs sur l'his­toire des sciences et sur la démarche expérimentale n' a guère changé !

Problématique (question posée)

Conclusion

Transposition

P. Bert 1881, Ed. Colin

Absorption de l'aci­de carbonique de l'air.

"La plante a repris l'acide carboni­que" .

Escalier, 1988, Ed. Nathan

Origine du carbone de la matière orga­nique.

"La plante a utilisé leC02".

Approche initiale

Priestley, 1772

Comportement des plantes par rapport à l'atmosphère.

"Les plantes bien loin d'affecter l'air de la même maniè­re que la respira­tion animale pro­duisaient des effets contraires et ten­daient à conserver l'atmosphère douce et salubre".

(21) J. PRIESTLEY. Expériences et observations sur différentes espèces d'air, voll. Paris. 1780.

l'expérience de Priestley dans le cadre de la théorie du phlogistique

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dans les manuels l'expérience de Priestley...

... une expérience illustrative

Comme on peut le constater dans le tableau ci-dessus, les travaux de Priestley sont présentés un siècle et deux siècles plus tard dans le cadre d'une problématique différente de la problématique d'origine. Les questions auxquelles on fait répondre l'expérience, ne sont pas les mêmes. Pour P. Bert la question est "...y a-t-ü absorption de l'acide carbonique de l'air...", et la réponse est "La plante a repris l'acide carbonique...''. Pour Escalier la question porte sur "L'origine du carbone de la matière organique'', et la réponse est "... La plante a utilisé le C02". Dans son dernier paragraphe P. Bert explique clairement que l'interprétation des expériences anciennes doit se faire à la lumière des connaissances d'aujourd'hui. Chez Escalier la méthode pédagogique est plus contestable, l'expérience de Priestley est présentée sous forme de citation tout à fait digne de figurer dans une rubrique historique, mais ensuite l'interprétation est entièrement déconnectée de tout contexte historique. Que peut en effet réellement démontrer une telle expé­rience ? Elle ne permet certainement pas de mettre en évi­dence l'absorption de C02 , encore moins son utilisation par la plante. En fait cette expérience permet juste de noter un changement qualitatif de l'air sous la cloche (ce qui est d'ailleurs la conclusion de Priestley). L'expérience, dans les deux cas présentés ici dans les manuels, n'apporte rien, elle est seulement "illustrative", sans approche réelle de l'expéri­mentation et de la démarche expérimentale d'un point de vue historique. Une interprétation moderne se trouve pla­quée artificiellement et de façon péremptoire.

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IV. L'origine du carbone de la matière organique

A. LES PLANTES UTILISENT LE DIOXYDE DE CARBONE

1. Historique

g. Expérience

Après plusieurs observations, Priestley décrit ainsi l'expérience qu'il réalise : « Le 17 Août 1771. je mis un pied de Menthe dans un volume d'air où une bougie avait cessé de brûler ; je trouvai que le 27 du même mois, une autre bougie pouvait y brûler parfaitement bien. Je répétai cette expérience sans la moindre variation dans le résul­tat, jusqu'à 8 ou 10 fois pendant le reste de l'été. »

Jb. Conclusion

Si la bougie avait cessé de brûler, il ne devait plus y avoir beaucoup d'oxygène mais du C0 2 avait dû s'accumuler. Le mélange gazeux présent après la combustion semble convenir à la plante. Lorsque la Menthe est restée un certain temps dans ce mélange gazeux, une autre bougie peut brûler à son tour donc il y a eu augmentation de la quantité d'02 et des dosages précis montreraient une dimi­nution de la quantité de C02 . La plante a utilisé le C02 .

Biologie Géologie 1ère S, Collection Jacques Escalier, Nathan, 1988, p. 18.

3 . INTÉRÊT DE L* UTILISATION DE L'HISTOIRE DES SCIENCES DANS L'ENSEIGNEMENT

3 . 1 . Pourquoi l 'histoire des s c i e n c e s ?

Un enseignement presque exclusivement organisé autour de la présentation des résultats de la science engendre une situation pédagogique qui produit une représentation défor­mée de la pratique scientifique. On peut toutefois introduire des mesures ré-équilibrantes. En se tournant vers l'histoire

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aborder la réalité concrète des démarches scientifiques

essai de démarche pluridisciplinaire

des sciences et en étudiant un cas particulier en détail, les élèves pourraient être amenés à apprécier un problème de recherche, son développement et son éventuelle transforma­tion. L'accent pour ra i t no t ammen t ê t re mis , s u r la réali té concrète des démarches scientifiques, rôle du matériel espé-rimental, problème de sa conception, statut des expériences etc. Par ailleurs, l'étude des contextes (histoire des débats, difficultés, retours en arrière éventuels etc.) permettrait de replacer les méthodologies dans les perspectives théoriques. Il est certain que seul un nombre limité de questions peu­vent ainsi être abordées, et qu'un travail de transposition didactique et de production d'aides didactiques, doit être effectué au préalable, pour fournir au maître de réelles pos­sibilités d'utilisation d'une telle approche. Le récent ouvrage d'Audigier et Fillon (22) montre cepen­dant, la difficulté de fixer des objectifs à l'utilisation de l'his­toire des sciences. Ceux-ci peuvent être extrêmement variés et, le risque d'interprétation implicite de faits historiques à la lumière d'acquis postérieurs est toujours présent. Par ailleurs, malgré les efforts présentés dans cet ouvrage, il semble bien que l'approche pluridisciplinaire reste davan­tage dans le domaine de la "juxtaposition" que dans celui de la comparaison, ou même que dans celui de la remise en s i tuat ion de découverte scientifique, d a n s le contexte culturel général de l'époque. Les essais d'établissement de trames conceptuelles paraissent cependant une méthode permettant d'éviter de tels écueils.

l'expérience de VanHelmont...

3 . 2 . Comment ?

Une des façons d'utiliser l'histoire des sciences est de partir, comme le propose Canguilhem(1968) (23), d'une question importante, mais en se resituant à son époque avec le savoir qui est en amont et, qui lui est contemporain. Dans le cas précis qui nous intéresse, une des approches possibles est de débuter l'étude de la photosynthèse par un problème de nutrition : "... On partirait de documents bruts, pour en déga­ger les problèmes et en tirer des concepts d'abord grossiers, puis de plus en plus fins..." Gohau (1987) (24).

L'expérience de Van Helmont (expérience "boudée" par les auteurs de manuel, très peu y font référence) constitue pour cela un exemple intéressant pour poser la problématique de départ, ceci à condition de la situer dans le cadre de son contexte de création : en désaccord avec la théorie des quatre éléments d'Aristote. Van Helmont ne se réfère plus

(22) F. AUDIGIER et P. FILLON. Enseigner l'histoire des sciences et des techniques, une approche pluridisciplinaire. Paris. INRP.1991.

(23) G. CANGUILHEM. Etude d'histoire et de philosophie des sciences. Paris. Vrin. 1968. rééd. 1983.

(24) G. GOHAU. 'Difficultés d'une pédagogie de la découverte dans l'enseignement des sciences". ASTER n° 5. INRP. 1987.

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qu'à l'existence de deux éléments, l'air et l'eau qui ne seraient pas transformables l'un dans l'autre, et l'augmenta­tion des matières résulterait de l'eau seule. La conclusion de Van Helmont est alors inévitablement celle qu'il donne "Veau se transforme et donne la matière du saule''. L'inter­prétation moderne de l'augmentation de masse du végétal e s t autre aujourd'hui , m a i s u n e expér ience des t inée à mettre en évidence la formation de la biomasse resterait la même.

Les quelques auteurs de manuels qui présentent cette expé­rience du saule, ponctuent leurs commentaires de jugement de valeur sur les conclusions " erronées " de Van Helmont.

... pourquoi ? Pourquoi ne pas se placer dans une autre optique, et voir, comment Isa comme l'a fait Hershey (1991), pourquoi et comment Van conclusion ? Helmont est arrivé à cette conclusion ?

Cette expérience peut être ensuite intégrée dans un schéma d'ensemble où l'on considérerait l'intérieur de la plante comme une "boîte noire" et où l'on pourrait faire un bilan global des entrées, d e s sorties et des facteurs ag i s sants (Rumelhard, 1985) (25). Suivant en cela cet auteur n o u s proposons, afin de donner aux enseignants et à des élèves de 15 à 17 ans environ (niveau première S), une vue synthé­tique des concept ions sur la "photosynthèse" à diverses époques, une série de schémas simplifiés (figure 3).

Figure 3. Schémas synthétiques de la découverte de la photosynthèse.

Aristote Van Helmont

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(25) G. RUMELHARD. "Quelques représentations à propos de la photo­synthèse". ASTER n° 1. INRP. 1985.

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Par ailleurs de courts exposés sur les contextes à une époque donnée et sur les débats et controverses, pourraient compléter cette première approche : voir par exemple le pro­fit que l'on pourrait tirer de la référence au très long débat sur "la théorie de l'humus". Enfin des aides didactiques concrètes à propos de certaines expériences mériteraient d'être pensées avec soin, exemple : aide 1.

AIDE 1: L'expérience de Van Helmont

L' utilisation, d'un point de vue pédagogique, de cette expérience pourrait revê­tir un intérêt pour les élèves dans la mesure où l'analyse de cette expérience leur permettrait une réflexion critique de la pratique scientifique.

1/ Présentation aux élèves du texte traduit rie texte d'origine est écrit en latin) de Van Helmont Ce texte peut être l'occasion d'interroger les élèves sur certains aspects de la démarche scientifique comme repérage de la problématique de Van Helmont, ses hypothèses, le protocole expérimental utilisé, les interpréta­tions et conclusions de Van Helmont.

2/ Discussion sur un ensemble de points précis - Adéquation entre la problématique et le choix de l'expérimentation. - Faiblesses de l'expérience par rapport à certains critères actuels de l'expé­

rimentation : . importance de témoins dans une expérience, . répétition de l'expérience.

- Techniques utilisées par Van Helmont pour faire son expérience.

CONCLUSION

L'examen des exposés de "l'histoire de la photosynthèse" montre que le façon dont est rendue cette histoire sur le plan didactique, notamment au niveau des manuels sco­laires, est insatisfaisante. L'histoire ainsi rendue ne semble pas avoir une utilité pédagogique optimale. C'est une his­toire linéaire, d'individus isolés, qui ne peut que véhiculer une image déformée de la construction du savoir. Le proces­sus de développement de la science paraît être alors une croissance continue et stable par additions successives jusqu'à la connaissance de notre époque. Beaucoup de raisons peuvent être invoquées pour utiliser

utiliser l'histoire l'histoire des sciences dans l'enseignement des sciences, ce des sciences... qui nous intéresse avant tout ici c'est l'aspect didactique de

cette utilisation. Si l'on souhaite intégrer certains aspects historiques dans la construction d'une question ou d'un concept donné, dans notre cas celui de photosynthèse, il faudrait tenir compte d'un certain nombre de points.

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... sans la tronquer, pour une approche rigoureuse et concrète de la démarche scientifique

- Il y a plusieurs façons de traiter une question en tenant compte d'un ensemble de sous-questions, sous-questions qui d'ailleurs peuvent changer selon les époques. Par exemple l'histoire de la photosynthèse a d'abord été une histoire de la nutrition, puis une histoire des échanges gazeux etc.

- Il est important de ne pas négliger les débats et contro­verses et d'essayer par ailleurs d'utiliser sans erreur et sans biais l'interprétation de certaines expériences pour montrer la démarche scientifique concrète. On doit égale­ment s'interroger sur l'interprétation moderne des expé­riences anciennes : rôle du vocabulaire (phlogistique, air fixe, air commun .. .) , spécificités et potentialités des méthodes qui évoluent selon les époques...

On pourrait alors aboutir à la conception d'aides didac­tiques adaptées, susceptibles d'être utilisées avec des élèves assez âgés (15 à 17 ans par exemple) et axées sur une vision plus réelle de la progression de la Science sur une question donnée.

Souad KASSOU Christian SOUCHON U.F. Didactique, Université Paris 7

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LES EXPÉRIENCES DE RUBEN ET KAMEN (1941) À TRAVERS LES MANUELS SCOLAIRES

Babacar Gueye

Les expériences de Ruben et Kamen sont évoquées dans la plupart des manuels de biologie des classes de Première et de Terminale. À partir d'une étude de la présentation et de l'exploitation de celles-ci à des ßns didactiques, nous soulevons les erreurs de contenu et de raisonnement avant de discuter à travers cet exemple d'une meilleure utilisation de l'histoire des sciences dans l'enseignement de la biologie.

l'usage des traceurs est très répandu en biologie

pour l'étude de la photosynthèse 180 a été utilisé

cependant il y a des incohérences dans les manuels

Dans l'étude des processus chimiques fondamentaux de la vie, les scientifiques utilisent depuis très longtemps les iso­topes radioactifs ou stables de certains éléments pour mar­quer des substances qu'ils suivent à la trace. Cette tech­nique a permis de conna î t re le lieu de syn thèse , les différents intermédiaires et les mécanismes de production de beaucoup de substances d'origine animale ou végétale. C'est ainsi que pour étudier la provenance de l'oxygène dégagé par les plantes vertes duran t la photosynthèse Ruben et Kamen ont utilisé l'oxygène 18 O^O) en tant que marqueur de différentes substances susceptibles d'être à l'origine de ce dégagement. Ce sont leurs célèbres expé­riences que nous retrouvons dans bien des manuels qui abordent le chapitre de la photosynthèse. Les erreurs et les incohérences que nous avons relevées à travers les manuels, nous ont amené à effectuer un travail de fond pour s i tuer les responsabili tés et voir en quoi l'exploitation didactique qui est faite de telles expériences, incomplè tement r appor t ées , cont r ibue ou non à u n e meilleure formation de l'esprit scientifique chez les élèves.

1. LES FAITS

180 est un isotope lourd

Document 1 : VINCENT - Biologie Géologie 1ère S -Vuibert - 1982 - P. 56

"9. Si l'on fournit à la plante du CO„ dont l'oxygène est de l'oxygène lourd wO, l'oxygène dégage au cours de la photo­synthèse est de l'oxygène léger 160 (Ruben 1941). Si l'on fournit à la plante de l'eau dont l'oxygène est de l'oxy­gène lourd, l'oxygène dégagé au cours de la photosynthèse est de l'oxygène lourd.

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts, INRP. 29. rue dTJlm. 75230 Paris Cedex 05

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Que nous apprennent ces expériences quant au mécanisme de la photosynthèse et que faut-ü penser de cette définition relevée dans un livre d'autrefois : "L'assimilation chlorophyl­lienne est le phénomène par lequel la plante absorbe le gaz carbonique, retient le carbone et rejette l'oxygène'' ?"

Document 2 : GOURLAOUEN - Sciences naturelles 1ère S- Hachette - 1982 - P. 38

ieO est un isotope lourd

"b. Les expériences de Ruben et Kamen (1941) EXERCICE Des Algues unicellulatres vertes (Chlorelles) sont mises à la lumière en présence d'eau enrichie en eau à oxygène lourd H2

180 (par exemple à 0,85 96 de cette dernière) et alimentées par contre en dioxyde de carbone à oxygène léger C1602 (en fait, en CO^')- On analyse l'oxygène dégagé par la culture : il contient ae l'oxygène lourd dans une proportion très voisine de celle de H2

180 dans l'eau fournie initialement, bien diffé­rente de celle existant dans l'oxygène atmosphérique normal (0,20 % de 18Q).

• Que peut-on en conclure ? Pour vérifier cette interprétation, la contre-expérience a été réalisée : des Chlorelles alimentées en H2

wO et en Cï802 libè­rent de l'oxygène qui contient la même proportion de 180 que Veaufournie. C'est donc que l'oxygène libéré par les végétaux chlorophyl­liens à la lumière et en présence de C02 provient de l'eau. "

180 est un isotope radioactif

Document 3 : DÉSIRÉ - Biologie Terminale C -Armand Colin - 1983 - P. 162

"Expérience 2. On donne à des Chlorelles de l'eau addition­née de C02. Ce dernier contient l'isotope 180 de l'oxygène. L'oxygène dégagé n'est pas radioactif, mais la radioactivité se retrouve dans des molécules organiques. L'oxygène dégagé au cours de la photosynthèse ne provient donc pas de C02. Par contre, l'oxygène de la molécule de C02 est incorporé dans les molécules organiques. Expérience 3. les Chlorelles sont placées dans de l'eau additionnée de CO» ; H20 contient l'isotope 180. L'oxygène rejeté est radioactif, mais pas les glucides fabriqués : cette expérience prouve bien que Voxygène rejeté est issu de H20. On peut donc écrire la réaction globale suivante :

C02 + H20 glucides + — 02

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180 est un isotope radioactif

Document 4 : TAVERNIER - Biologie Terminale C -Bordas - 1983 - P. 252

"B. PREMIÈRE EXPÉRIENCE La suspension d'algues, fortement éclairée, est placée dans une eau marquée par l'oxygène radioactif (H2

180). On constate que l'oxygène est dégagé uniquement pendant l'éclairement et qu'il contient de l'oxygène radioactif (180) dans une proportion voisine de celle de l'eau fournie initiale­ment (expérience de Ruben et Kamen, 1940). Ce dégagement d'oxygène dépend uniquement de la lumière reçue. "

2 . ANALYSE DES FAITS

d'un livre à un autre, 180 passe de lourd â radioactif ce qui n'est pas la même chose

Les observations suivantes se dégagent des données extrai­tes des manuels scolaires. - Dans tous les cas on demande de tirer une conclusion

définitive. - Selon les auteurs l'oxygène 18 (180) est tantôt un isotope

lourd (doc. 1 et 2) tantôt un isotope radioactif (doc. 3 et 4). - L'oxygène 18 (180) isotope lourd en 1982, en classe de

Première dans les exercices d'évaluation, devient radioactif l'année suivante en 1983, en classe de Terminale dans les mêmes expériences évoquées en apprentissage.

On serait alors tenté de croire que "lourd" signifie la même chose que "radioactif ou que l'oxygène lourd est devenu radioactif. Or les auteurs font souvent référence à Ruben et Kamen, ce qui en aucun cas ne devrait laisser planer le doute ou la confusion. Se pose donc un problème de rigueur dans la démarche de préparation des manuels scolaires, problème qui dans ce cas précis, interpelle l'histoire des sciences, d'où la nécessité d'un retour aux sources.

le texte original des savants dit que 180 est un isotope lourd

3 . RETOUR AUX SOURCES

La publication des savants (Ruben et al., 1941) apporte une réponse très nette. En effet l'article a pour titre : "L'utilisa­tion de l'oxygène lourd (180) en tant que marqueur dans l'étude de la photosynthèse" (voir annexe). La preuve est ainsi faite que les auteurs des documents 3 et 4 n'ont pas consulté l'article auquel ils font référence dans leurs livres. Nous avons jugé par la suite, utile d'apporter les précisions suivantes concernant l'oxygène. 1 80 est en fait un isotope non radioactif de l'oxygène : "l'oxygène atmosphérique est un mélange des trois isotopes 160, 170 et 180 dont les concentrations moyennes sont respec­tivement égales à 99,758 96, 0,0374 % et 0,203 96.

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Ces concentrations varient d'ailleurs suivant la provenance des échantillons. L'isotope 180 peut être obtenu assez difficile­ment par distillation fractionnée (c'est la technique utilisée par Ruben et Kamen) ou par reactions d'échanges.'' Il reste cependant vrai qu'il existe des isotopes radioactifs de l'oxygène qui ont été obtenus par synthèse : ce sont 1 4 0 , 1 5 0, 1 90 (Creuse, 1985).

4 . DISCUSSION

dans les manuels les données scientifiques sont souvent tronquées...

le quantitatif est très vite gommé

il faudrait une reproduction complète des textes originaux pour éviter les erreurs et omissions car...

dans cet exemple l'analyse du texte scientifique original est très riche d'enseignement sur la démarche

Dans les différents manuels étudiés, le discours se borne à faire réfléchir sur l'aspect qualitatif des expériences aussi bien en apprentissage qu'en évaluation. Même si le raison­nement demandé à l'élève semble possible et logique, il est trop rapide et basé sur des données scientifiques insuffi­santes dans tous les cas et scientifiquement inexactes dans certains cas. Le problème qui se pose ici est celui du gommage des don­nées quantitatives lors de la transposition didactique. En relatant ces expériences les auteurs ont non seulement fait table rase de la problématique et de la démarche mais également des arguments scientifiques chiffrés. Or qui dit sciences expérimentales dit quantifier c'est-à-dire mesurer, compter, peser etc. C'est le quantitatif qui permet de préciser le raisonnement. Pour remédier à cette situation de carence nous pensons qu'il faudrait bannir des livres scolaires cette histoire allu­sive et opportuniste qui permet seulement de poser des rai­sonnements en ignorant la réalité scientifique. L'étude détaillée de l'article de Kamen et Ruben (Ruben et al. 1941) qui du reste n'est pas long, nous paraît beaucoup plus féconde et intéressante sur le plan didactique. Non seulement la reproduction du texte original donnerait moins prise à des modifications et à des manipulations mal­heureuses, mais permettrait aussi de ne pas trop "désmcar-ner les connaissances et les méthodes scientifiques et de ne pas leur faire perdre toute valeur formatrice en oubliant d'enseigner les conditions de leur naissance, les questions auxquelles elles prétendent répondre, les fonctions pour les­quelles les concepts et les méthodes de la science ont été créés" (Giordan, 1976). En effet l'analyse de l'article permet d'en savoir beaucoup sur la technique expérimentale : sur les précautions prises du fait de la délicatesse des différentes opérations ; sur la rigueur et la démarche prudente des savants qui, malgré la pertinence des résultats de leurs expériences (Tableau I), terminent ainsi leur exposé "il paraît raisonnable de conclure que l'oxygène provient seulement de l'eau''.

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TABLEAU I (extrait de l'article de Ruben et al. 1941)

Pourcentage d'isotope dans l'oxygène produit lors de la photosynthèse par Chlorella0

Exp.06

1

2

3

Substrat

0.09 M KHC03

+ 0.09 M K2C03

0.14 M KHCO3 + 0.06 M K.C03

0.06 M KHCO3 + 0.14 M

Temps entre la dissolution

KHCO3+

KjCC^ et le début du

recueil d'02

(minutes)

0 45

110 225

0 40

110

0 10 50

Temps à la fin du

recueil d '02

(minutes)

110 225 350

110 185

50 165

Pourcentage de 180 dans

1 1 1 HCO:

3 + H20 CO3 0 2

0.85 0.20 .85 .41* 0.84 .85 .55* .85 .85 .61 .86

.20

.20 .50 .20

.20 .40 .20

.20 .68

.20 .21

.20 .57 .20

a. Le volume de l'oxygène produit était grand comparé à celui de l'oxygène atmosphérique présent au début de l'expérience.

b. Ces valeurs sont calculées.

Ils ajoutent aussitôt ceci : "Bien que cette conclusion puisse permettre de rejeter \a plupart des suppositions faites dans le passé, eile ne permet pas de faire un choix entre les hypo­thèses les plus récentes''. C'est ainsi qu'ils signalent que ces résultats sont intéressants par rapport à l'hypothèse de Van Niel qui suggérait que l'oxygène puisse provenir d 'une déshydrogénation de l'eau. La leçon qui se dégage de tout ceci est qu'en sciences expé­rimentales il est plus facile de réfuter une hypothèse que de la confirmer. Au lieu de tomber dans le triomphalisme qui semble être l'apanage des au teurs de manuels , Ruben et Kamen se posent à nouveau des questions plus que pertinentes car si elles recevaient des réponses affirmatives elles viendraient à remettre en cause la conclusion précédente. Il s'agit de savoir si oui ou non, d'une part, le dégagement d'oxygène pendant la photosynthèse était réversible ? D'autre part, si les réactions d'oxydation respiratoire utilisant l'oxygène étaient, elles aussi, réversibles ?

notamment sur la prudence dans les conclusions...

le statut des hypothèses..

les questions après expérience et les hypothèses ad h o c ,

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Il est clair que la réversibilité de l'une ou l'autre de ces réac­tions enlèverait toute signification aux mesures déjà effec­tuées. Toutes les expériences nécessaires ont été effectuées et sont exposées dans l'article. D'où la seconde leçon qui est celle de la rigueur expérimen­tale i observer en direction des hypothèses ad hoc qu'il faut battre en brèche pour pouvoir continuer à mainte­nir l'hypothèse première. La troisième leçon qui découle de cette analyse est que châ­

les contre- cune des expériences de Ruben et Kamen est accompa-expériences etc. gnée d'une contre-expérience. C'est ainsi par exemple que

dans un premier temps "Déjeunes cellules vivantes de chlo-relles sont mises en suspension dans Veau à oxygène lourd (180) contenant du bicarbonate de potassium et du carbonate ordinaire et dans un deuxième temps les algues sont ame­nées à effectuer la photosynthèse dans de l'eau ordinaire contenant du bicarbonate de potassium et du carbonate à oxygène lourd'' (Ruben et al., 1941). Sans doute n'avons-nous pas tiré toutes les leçons qui se dégagent de l'analyse de l'article de Ruben et Kamen, mais ce que nous venons de montrer et qu'il est tout à fait pos­sible de faire avec des élèves, nous semble très formateur dans la mesure où cela aide à "réduire l'écart entre le savoir savant et le savoir enseigné et à orienter les élèves vers une appropriation progressive de méthodes et de savoirs qui ne défigurent pas le savoir et les méthodes des savants" (Drouin, 1985).

CONCLUSION

les manuels scolaires contiennent des erreurs

d'où la nécessité de faire attention, de vérifier parfois à la source...

mieux, d'aborder l'histoire des sciences d'une autre manière dans les manuels scolaires

L'un des premiers éléments qui se dégage de cette étude, et qui n'est pas le moindre, est que tout ce qui est écrit dans un manuel imprimé, n'est pas nécessairement vrai. Il y a des erreurs dans les manuels scolaires et il est bon d'en être conscient. Nous avons également montré que "remonter aux sources c'est clartßer les idées, aider la science au lieu de la paraly­ser'' (Langevin, 1931) ; c'est aussi un moyen de combattre cette forme dogmatique de l'enseignement qui, malgré les apparences, est encore dominante dans les livres, du fait de ces bribes d'expériences décontextualisées qu'on y trouve exposées, et à partir desquelles on demande de faire un rai­sonnement rapide et définitif. Même si l'étude de l'histoire des sciences n'est pas la pana­cée en matière d'initiation à la démarche expérimentale, elle peut y contribuer grandement de par le transfert de mode de questionnement et de raisonnement qui en résulte. Cependant l'avènement d'une telle démarche historique dans l'enseignement mérite quelques préalables :

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- une meilleure formation des professeurs dans laquelle l'étude de l'histoire de la discipline prendrait toute sa place à travers l 'analyse des mémoires originaux des savants, ce qui permettrait sans doute aux futurs ensei­gnants de mieux se rendre compte de "l'extrême richesse au niveau des modes de pensée de la démarche expérimen­tale qui conduit à valoriser pensée inductive, deductive, dia­lectique, divergente et analogique'' (Develay, 1988) ;

- une autre conception des manuels scolaires dans laquelle l'histoire des sciences ne sera plus escamotée ;

- un allégement des programmes, surtout dans les classes d'examen où les professeurs croulent sous le poids des connaissances, et sont obligés d'être de simples narra­teurs des résultats de la science, au lieu d'être les initia­teurs de la démarche expérimentale chez les élèves.

Nous pensons que les programmes doivent être redéfinis en terme de concepts-clés, de mode de pensée et de savoir-faire clairement spécifiés pour chaque domaine de connais­sances. En fait ce sont les programmes qui constituent la nouvelle bastille à prendre ce qui nécessite comme chacun le sait une révolution.

Babacar GUEYE École Normale Supérieure de Dakar (Sénégal)

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CREUSE R. (1985). "Oxygène" in Encyclopaedia Universalis Corpus 13, pp. 844-849.

DÉSIRÉ C. (1983). Biologie - Géologie - Terminale C, Paris, A. Colin, p. 162.

DEVELAY M. (1988). "Sur la méthode expérimentale" in ASTER n° 8, pp. 1-15.

DROUDSf A.M. (1985). "Sur la notion de contrat didactique" in ASTER n° 1, pp. 29-56.

GIORDAN A. (1976). "Présentation de la commission 'Initiation expérimentale' " in Bulletin de liaison des C.E.S. expérimentaux n° 12, INRP, p. 17.

GOURLAOUEN J. (1982). Sciences Naturelles 1ère S., Paris, Hachette, p. 38.

KAMEN M.D. (1951). Radioactive tracers in Biology, 2nd ed., New York, Academic Press, 429 p.

LANGEVIN P. (1931). La pensée et l'action, Paris, Éditions sociales, p. 200.

PRIVAULT D. (1958). "Rôle des livres dans l'enseignement des Sciences naturelles" m Bulletin de VUD.N. n° 3, pp. 183-191.

ce qui demande quelques changements...

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RUBEN S., RANDALL M., KAMEN M et HYDE J.L. (1941). "Heavy oxygen (180) as a tracer in the study of photosynthesis" in Journal of the American Chemical society n° 63, pp. 877-879 (Cf. traduction en annexe ci-dessous).

TAVERNTER, R. (1983). Biologie - Terminale C, Paris, Bordas, p. 252.

VINCENT P. (1982). Biologie - Géologie 1ère S, Paris, Vuibert, p. 56.

ANNEXE Traduction de l'article paru dans le Journal of the American chemical society (mars 1941), pp. 877-879

L'util isation de l 'oxygène lourd 1 8 0 c o m m e marqueur dans l 'étude de la p h o t o s y n t h è s e

PAR SAMUEL RUBEN. MERLE RANDALL, MARTIN KAMEN ET JAMES LOGAN HYDE

Il est généralement admis que le bilan de la photosynthèse chez les plantes vertes peut être représenté par cette équation :

chlorophylle C0 2 + RjO + hv • 0 2 + (1/n) (CHpJn

et également que nous savons peu de choses du mécanisme-même. Il serait intéressant de savoir comment et à partir de quelle substance l'oxygène est produit. En utilisant 1 80 comme marqueur nous avons découvert que l'oxy­gène qui se dégage lors de la photosynthèse provient plutôt de l'eau que de dioxyde de carbone. L'eau à oxygène lourd utilisée dans ces expériences a été préparée par distilla­tion fractionnée, puis raffinée à partir de permanganate alcalin avant d'être employée. La quantité d'oxygène isotopique a été déterminée par la méthode de Cohn et Urey qui utilise le dioxyde de carbone et un spectromètre de masse. Du carbonate à oxygène lourd a été préparé en permettant à une solution de carbonate acide de potassium (KHCOJ dans de l'eau à oxygène lourd d'arriver à un équilibre isotopique approximatif, en ajoutant une quantité presque égale d'hydroxyde de potassium et en éliminant l'eau puis finalement en séchant au four à 120°. L'analyse isotopique de ce carbonate seul ou en solution a été effectuée en rendant la solution suffisamment alcaline pour empêcher tout échange et en précipitant le carbonate de calcium. Le carbonate de calcium après avoir été filtré, lavé et séché à 120° est chauffé au rouge dans un ballon de platine vide, relié au système de transmission de gaz du spectromètre de masse, et le dioxyde de carbone dégagé analysé quant à son taux d'oxygène lourd.

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De jeunes cellules vivantes de Chlorelïes sont mises en suspension dans l'eau à oxygène lourd (0,85 % de 180), contenant du bicarbonate de potassium ordi­naire et du carbonate. Dans ces conditions l'échange d'oxygène entre l'eau et l'ion bicarbonate est lent et facilement mesurable. Le pourcentage isotopique de l'oxygène dégagé est mesuré avec un spectromètre de masse. Dans d'autres expériences les algues sont amenées à effectuer la photosynthèse dans de l'eau ordinaire contenant du bicarbonate de potassium à oxygène lourd et du carbo­nate. Les résultats de ces expériences sont résumées dans le tableau I*. Il est clair que la proportion de 1 8 0 / 1 6 0 de l'oxygène dégagé est identique à celle de l'eau. Puisque l'oxygène des groupements OH, COOH, O-O, C=C\ etc., n'échange que très lentement avec l'eau à la température ambiante et à un pH modéré, il paraît raisonnable de conclure que l'oxygène provient seulement de l'eau. Bien que cette conclusion puisse permettre de rejeter la plupart des supposi­tions faites dans le passé, elle ne permet pas de faire un choix entre les diffé­rentes hypothèses les plus récentes. Cependant il est intéressant de noter que Van Niel a précisément suggéré que l'oxygène puisse provenir d'une déshydro-génation de l'eau. Nous avons aussi essayé de vérifier si le dégagement d'oxygène était une réac­tion réversible. Les algues sont mises en suspension dans une solution de bicarbonate de potassium ordinaire et de carbonate, et amenées à faire la pho­tosynthèse en présence d'oxygène lourd. Dans d'autres expériences les algues ont dégagé de l'oxygène lourd en présence d'oxygène léger. Les résultats sont montrés par le tableau II.

TABLEAU II Pourcentage d'isotope dans l'oxygène produit lors de la photosynthèse par Chlorella

en présence d'oxygène

0 2 présent dans l'espace gazeux au début (ml)

2.29 (180 = 0,20 %) 3.64 (180 = 0,20 %) 1.44 (180 = 0,85%) 4.81 (180 = 0,85%)

0 2 produit lors de la photosynthèse

par 200 mm3 d'algues (ml)

1.55 (180 = 0,85%) 1.18 (180 = 0,85%) 0.73 (180 = 0,20 %) 1.22 (180 = 0,20%)

Pourcentage d'02 à la fin de l'expérience

observé

0,43 0,34 0,59 0,69

pour aucun échange

0,46 0,36 0,62 0,71

Il n'y a aucun signe de réactions d'échange impliquant de l'oxygène. Les erreurs expérimentales sont telles qu'un échange incorporant moins de 5 .10 8 moles d'oxygène par ml de solution d'algues ne ne serait pas détecté.

* tableau présenté dans l'article page 79.

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Des expériences similaires avec des Chlorelles et des levures ont été effectuées afin de voir si les réactions d'oxydation (respiration) utilisant l'oxygène étaient réversibles. Les résultats sont résumés dans le tableau III.

TABLEAU III Pourcentage d'oxygène isotopique dans la respiration avec Chlorella et levure

Système respirant

Cellules de Chlorella dans le noir pendant

90 minutes

Cellules de levure pendant 60 minutes

O2(18O = 0,85%) présent au début de l'expérience

(ml)

0,82

4,5

0 2 utilisé dans la respiration

(ml)

0,11

2,4

Pourcentage d'180 dans 0 2 à la fin de

l'expérience pour aucun

observé échange

0,85 0,85

0,84 0,85

Ici aussi il n'y a pas d'indications quant à une réaction d'échange impliquant l'oxygène moléculaire.

CHEMICAL LABORATORY, AND RADIATION LABORATORY UNIVERSITY OF CALIFORNIA BERKELEY, CALIFORNIA Reçu le 23 janvier 1941

Traduction par Babacar Gueye La nomenclature de l'époque a été conservée.

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SORTIR DE LA LOGIQUE DE VAN HELMONT

Pierre Campestrini

L'expérience de Van Helmont souvent présentée en classe, est ici le sujet d'un exercice proposé à des élèves de Seconde : son objectif central est de faire discuter la conclusion de l'expérimentateur : "cent-soixante-neuf livres de bois, écorce et racines avaient donc été produites à partir de l'eau seule. " L'analyse détaillée des réponses des élèves confrontés à cette conclusion paradoxale, révèle une dialectique de la "qualité'' et de la "quantité'' : la "qualité" qui est ici la "matérialité", semble fonder plus souvent le raisonnement que la "quantité".

la conclusion de Van Helmont. un paradoxe pour les élèves...

L'expérience de Van Helmont (1) offre aux élèves de classe de Seconde une conclusion difficilement acceptable et tout aussi difficile à dépasser : paradoxe qui marque un conflit cognitif. L'étude suivante, initiée par la lecture d'un travail de Guy Rumelhard "Quelques représentations à propos de la photo­synthèse" (2) propose une analyse de stratégies suivies par des élèves afin de dénoncer ce paradoxe. Ces démarches révèlent une dialectique de la "quantité" et de la "qualité" (ici la qualité est la "matérialité", dans le sens où la terre des alchimistes est l'essence des matières solides) ; dans cette dialectique, la "matérialité" écrase de tout son poids primor­dial la "quantité" dont Piaget a montré la genèse tardive et progressive chez l'enfant.

1. CONTEXTE DE L'ENQUÊTE

...sujet d'un exercice pour introduire la nécessité du dioxyde de carbone...

L'exercice analysé ici est proposé après l'étude de "la pro­duction primaire dans deux milieux, naturel et cultivé", au cours de l'étude des "conditions de la production primaire" : les facteurs thermiques, lumineux, l'alimentation hydrique et minérale ont déjà été détaillés. L'exercice est utilisé afin d'introduire la nécessité d'un facteur minéral impalpable, le dioxyde de carbone. Cet exercice n'est donc pas un test ou une évaluation ; il est utilisé du fait de l'impossibilité qu'ont les élèves de le résoudre avec leurs catégories afin d'en souligner les limites, afin de les dépasser ensuite.

(1) La traduction française et d'époque du texte original de Van Helmont est donnée en annexe à la fin de cet article.

(2) ASTER, 1, "Apprendre les sciences". 1985. p. 37-66.

ASTER N° 15. 1992. lumières sur les végétaux verts, INRP. 29. rue dTJlm, 75230 Paris Cedex 05

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Ce travail fut soumis à la réflexion de quatre-vingt-neuf élèves de trois classes de Seconde, disposant d'un horaire complet d'enseignement de la biologie, enseignement effec­tué par le même professeur et respectant la même progres­sion. Si l'évaluation globale du niveau d'une classe a un sens, ces trois classes étaient "réputées" être l'une de niveau moyen, les deux autres de niveau faible. Le texte proposé aux élèves est issu du livre "Biologie, classe de Seconde'', collection Tavernier, Bordas, 1987, p. 109. Ce texte a été modifié par l'ajout de la première question dont la fonction est d'inciter les élèves à une lecture attentive de l'expérience.

Texte de l'exercice

L'EXPÉRIENCE DE VAN HELMONT

Au début du 17e siècle, J.-B. Van Helmont relate une de ses expériences de la façon suivante

"J'avais pris un pot de terre cuite. J'y avais placé 200 livres de terre, séchée dans un four, arrosée d'eau ensuite, et j'y avais planté une bouture de saule pesant 5 livres.

Cinq ans après, l'arbre qu'elle était devenue pesait 169 livres et 3 onces. Mais le pot n'était constamment humidifié que par la pluie ou, quand c'était nécessaire, par de l'eau distillée...

Je n'ai pas relevé le poids des feuilles tombées lors des quatre automnes. Finalement, je séchai à nouveau la terre du pot, je trouvai qu'elle pesait 200 livres moins 2 onces : 169 livres de bois, écorce et racines, avaient donc été produites à partir de l'eau seule."

1°- Vous voulez refaire cette expérience, dressez la liste des actes (= proto­cole) que vous devrez réaliser.

2°- Quelle(s) hypothèse(s), Van Helmont cherchait-il à tester par cette expé­rience ?

3°- Discuter l'affirmation exprimée dans la dernière phrase du texte de Van Helmont.

Il est précisé aux élèves qu'une livre contient 16 onces et pèse entre 380 et 552 grammes selon les régions (données fournies par le dictionnaire Littré), (la livre parisienne au 17ème siècle devait peser 489,5 g.). La valeur d'une once est donc comprise entre 23,75 g. et 34,5 g. (30,6 g. à Paris).

... posé à quatre-vingt-neuf élèves de Seconde

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2. LES RÉPONSES DES ÉLÈVES

Comme la question essentielle de cet exercice, ("Discutez l'affirmation exprimée dans la dernière phrase du texte") est une question "ouverte", l'analyse des réponses demande une part d'interprétation.

un tableau-bilan Après lecture des réponses des élèves, une typologie des axé sur les a t t i t udes adoptées vis-à-vis de la conclus ion de Van attitudes... Helmont fut établie : "acceptation", "interrogation", "refus",

sont les trois pôles de cette classification et apparaissent donc dans les t i t res des colonnes du tab leau su ivant (page 92). Les justifications de ces attitudes, listées et classées, consti­tuent le deuxième axe du tableau où est reporté le nombre de réponses de chaque type. Si les élèves n ' adop ten t qu ' une seule "a t t i tude" (non

...et sur leurs réponse, acceptation, doute, refus), ils peuvent fournir plu-justifications s ieurs "justifications", parfois contradictoires. Ainsi le

tableau contient-il 104 couples "attitude -justification" pour 89 élèves interrogés. Le tableau est suivi d'exemples de réponses d'élèves illus­trant les types de justifications retenues.

2 . 1 . Treize é lèves n'ont pas répondu à la ques t ion o u ont avoué leur incapacité

"Je ne pense rien. " "Je ne comprends pas ce qu'A y a à discuter dans cette affir­mation.'' Incidemment on ne sera pas étonné de constater que les deux classes les plus faibles fournissent dix des treize "non réponses" et que les deux redoublants n'ayant pas répondu appartiennent à la classe de niveau moyen.

2.2. Neuf élèves acceptent la conclusion de Van Helmont

"Comme la terre qui était sèche pesait 200 livres et la terre que l'on pèse à la fin fait 200 livres moins 2 onces et que la terre a été arrosée chaque jour il faut bien aue l'eau ait été quelque part. De plus l'arbre qui pesait 5 livres au départ pèse maintenant 169 livres et 3 onces donc je pense que l'eau a bien produit le bois. " Dépassant ce constat, le savoir scolaire est même utilisé pour renforcer la conclusion : "Parce qu'en utilisant de Veau distillée ou de l'eau de pluie il utilise de l'eau vraiment pure, c'est-à-dire sans et vraiment sans minéraux. Malgré cette eau, l'arbre a quand même poussé. Donc, c'est une preuve de ce qu'U. affirme.''

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Tableau - Bilan de l'analyse des réponses

\ v Attitudes

Justification ^ ^ \ ^

aucune justification

eau survalorisée

eau nourrissante

eau porteuse de sels minéraux

nécessité de la terre ou des sels minéraux

nécessité de la lumière (et de la chaleur)

le bois produit provient de la bouture

autres facteurs non précisés

le bois n'est pas de l'eau un liquide ne peut don­ner un solide

l'eau n'est pas un aliment

recyclage, des sels minéraux des feuilles mortes apport de sels minéraux par le vent ou les ani­maux

"température, lumière, et sels minéraux"

tout est relatif

photosynthèse

nombre d'élèves =

Pourcentage du total des élèves

non réponse

13 dont 2 redoublants

13

14,6 %

acceptation

2

4

2

8

9%

doute

2

1

8

1

12

13,5 %

refus

13

13

9

1

4

2

1

7

1

15

1

4 dont 3 redoublants

56

62,9 %

nombre de "citations"

17

5

15

21

10

1

4

2

1

7

1

15

1

4

" \ Total TotaN004 = RQ \

Total = 100%

pourcen­tage du total des citations

16,3%

4,8%

14,4%

20,1 %

9,6%

0,9%

3,8%

1,9%

0,9%

6,7%

0,9%

14,4 %

0,9%

3,8%

Total = 99,4%

Les chiffres soulignés correspondent aux citations impliquant la terre ou les sels minéraux, soit un total de 44 citations. J'ai écarté de ce décompte les 15 citations "lumière, température, sels minéraux", où le rôle des sels minéraux n'est jamais clarifié ; ces citations sont des récitations inertes !

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L'eau n'est-elle pas un corps survalorisé ? "On constate que plus de la moitié du poids de l'arbre a été produite qu'à partir de l'eau seule. L'eau a donc une action primordiale sur l'arbre. " "V.H. dit que l'eau produit l'arbre car l'arbre a besoin d'eau." "Discutez l'affirmation. C'est que sans eau, pas d'arbre, pas de vie végétale.'' ... survalorisation justifiant le rejet du savoir scolaire déjà acquis : "R a donc voulu nous montrer que les autres facteurs (sels minéraux, lumière...) n'étaient pas indispensables.'' Pour trois élèves, l'eau est nourrissante - soit par elle-même : "Peut-être que selon Van Helmont l'eau est-elle plus nourris­sante que la terre ?" - soit par les sels minéraux, qu'elle contient (!) : "Les apports de l'eau seule suffisent à la production de l'arbre car elle contient les éléments nécessaires à sa survie eau •=> sels minéraux. " "Le bois, écorce et racines ont été produits à partir de l'eau car la pluie nourrit la plante car elle contient des sels miné­raux." Cette explication de l'invraisemblable conclusion sera, nous le verrons, également utilisée par un bon nombre de parti­sans du refus, au mépris du savoir scolaire, ce qui nécessi­tera une interprétation.

2.3. Dix élèves, dans des formulations souvent proches des précédentes expriment leur étonnement, leur doute, sans pour autant oser le refus

"Cela peut être possible bien que étonnant. "

• Mais cet étonnement, ce doute a une même origine pour huit de ces dix élèves : la terre.

Ces élèves expriment leur doute selon trois procédés diffé­rents (la paraphrase, la question, le "oui, mais...") mais en invoquant toujours la terre. - La paraphrase : "La terre séchée avec les racines pèse moins que la terre du début" "L'arbre a besoin de la terre, pour y grandir mais il n'en prend pas." - La question : "La question primordiale est donc l'arbre peut-il grandir sans terre ?"

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L'élève peut même attribuer sa question à Van Helmont : "V. Helmont se demande comment rien qu'avec de l'eau, cet arbre a pu produire le bois aussi important. " - Le "oui, mais..." : Si l'argument peut avoir une apparence logique : "Je suis d'accord avec l'affirmation de Van Helmont car la plante a besoin de nourriture pour croître. Mais comme la masse de la terre a diminué un peu nous pouvons penser que l'arbre a puisé un, petit peu dans la terre donc il n'aurait tout de même pas tout puisé dans Veau distillée. " ... il repose en fait sur une survalorisation de la terre : "Finalement la matière végétale est produite à partir de l'eau servie mais aussi de la terre, les deux sont indissociables.'' "L'expérience prouve que le bois n'est produit que par de l'eau mais cela paraît invraisemblable. On aurait plutôt cru que c'était la terre aidée de l'eau qui l'aurait produite.'' ... survalorisation de la terre ou des "sels minéraux", c'est tout un ! "C'est vrai mais l'apport de sels minéraux est important.''

• Un seul élève, marquant son doute par une question, n'invoque pas la terre mais la lumière.

"L'arbre n'a poussé qu'avec de l'eau, et non de la lumière. L'arbre a-t-Û été exposé à la lumière ?" Ce n'est pas l'introduction de la photosynthèse dans le rai­sonnement, mais, comme le montreront les justifications des refus, la récitation, ici très partielle, des conclusions d'un cours précédent.

2.4. Cinquante-six élèves refusent explicitement les conclusions de Van Helmont

Leurs justifications se révèlent plus variées que celles des élèves dociles, plus variées mais relevant de démarches de pensées très proches, le plus souvent, et de ce fait tout aussi indifférentes aux données, au "bon sens" ou à la signi­fication du "savoir scolaire" qu'ils sont pour la plupart capables de réciter.

• Four une élève la matière de l'arbre provient de la bou­ture :

"Cette affirmation veut peut-être dire que la bouture a poussé avec très peu d'eau. R s'est trompé en disant que c'était à partir de l'eau seule. À mon avis c'est à partir de la bouture que 169 livres de bois, écorce et racines ont été produites et peut-être avec très peu d'eau. " La croissance par soi-même ! Ne pas rire, car c'est une vision qui réapparaîtra dans la suite de ce travail.

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• Quatre élèves refusent la conclusion mais en expli­quant la croissance par l'évocation de facteur indéter­minés :

"Van Helmont conclut que la plus grande partie de l'arbre est produite à partir de l'eau. L'eau est importante pour le saule mais pas déterminante. D'autres facteurs permettent au saule de pousser. " Deux de ces quatre élèves complètent leur justification du refus par des arguments de "bon sens" : - l'eau n'est pas nourrissante, d'abord : "Les livres de bois, l'écorce et les racines ne peuvent pas avoir été produites que par l'eau seule. L'arbre lui-même ne produit pas d'eau. L'eau n'est pas un aliment elle a besoin d'autres apports pour se développer. " - Le bois n'est pas de l'eau, ensuite : "Selon Van Helmont, l'eau seule serait capable de produire du bois, l'écorce et racines. Le bois est donc de l'eau, ce qui n'est pas vrai R doit exister un autre. "

• L'imprécision laissée par ces quatre élèves va être levée par la majorité des refuseurs. L'évidence ci-dessus (l'eau n'est pas du bois et inversement), la disparition de deux onces invitent les élèves à l'invocation de la terre (ou des sels minéraux, ce qui est équivalent pour eux, les sels minéraux étant une terre invisible).

"Van Helmont ne s'est pas demandé si d'autres facteurs (cités ci-dessus) auraient pu intervenir. Il ne s'est pas posé la question comme quoi l'eau ne pouvait se transformer en une matière solide : l'arbre. Les moins 2 onces : que sont-ils deve­nus ? Le pot en terre cuite avait-il un trou au fond ou non ?" Treize élèves vont ainsi expliquer la croissance. Si six d'entre eux complètent leur remarque "quantitative" ainsi : "La dernière phrase prouve que l'arbre a besoin quand même de la terre. Car il manque un peu de terre. Donc, l'arbre a dû prendre les sels minéraux de la terre que l'arbre ne trouve pas dans l'eau de pluie, ni dans l'eau distillée." l'un s'interroge : "Y a-t-il des sels minéraux dans l'eau de pluie ?" ma i s u n de rn i e r affirme que l ' eau a p p o r t e d e s se l s minéraux : "Van Helmont affirme que l'arbre se serait nourri uniquement de l'eau et des sels minéraux qu'elle contient. Ce qui est vrai en partie seulement car la terre, au début de l'expérience, pesait 200 livres et à la fin, elle pèse 200 livres moins 2 onces. Que sont devenues les 2 onces ? Elles ont été absorbées par l'arbre. L'arbre s'est nourri des sels minéraux de la terre aussi (les 2 onces). "

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• Comme ce dernier , douze é l è v e s expl iquent , mais conjointement à d'autres types de justifications, la crois­sance du saule par l'apport de sels minéraux par l'eau.

La plupart de ces douze élèves n'envisagent un apport d'élé­m e n t s miné raux que par l 'eau de pluie (ce qui est , d'ailleurs, chimiquement possible mais qualitativement et quantitativement insuffisant) : "On peut croire à cette expérience car Veau a des sels miné­raux nécessaires à la croissance qui sont retenus dans la terre. Mais le problème est que dans l'eau distillée, il n'y a pas de sels minéraux." Par contre deux élèves sont plus imprécis et ne distinguent pas eau de pluie et eau distillée : "L'eau n'est pas du bois mais l'eau peut contenir des sels minéraux et elle aide au développement de la plante. " Deux élèves affirment même, au mépris du cours de chimie : "Van Helmont dit que le saule n'a besoin que d'eau pour pousser. Mais dans Veau qui lui est apportée par la pluie et par l'eau distillée, il y a aussi des sels minéraux.'' "L'eau de pluie n'est pas de l'eau pure, donc l'eau n'est pas la seule source de production. Seule l'eau distillée est à peu près convenable. " Qu'est-ce que "l'eau pure" ? Enfin le dernier de ces douze élèves transmute la matière : "L'eau absorbée par la terre a produit des sels minéraux en plus de ceux de la terre. "

• Un autre argument est avancé, qui met aussi en jeu les sels minéraux : le recyclage des feuilles de l'arbre.

Sept élèves évoquent cette possibilité, comme cet élève-ci : "Je ne suis pas d'accord avec Van Helmont quand û dit que "169 livres de bois, écorce et racines, avaient donc été pro­duites à partir de l'eau seule" car l'arbre a besoin aussi de sels minéraux qui se trouvent dans la terre. Ce qui explique que la terre ait le même poids au début de l'expérience qu'à la fin, c'est que les feuilles tombées lors des automnes ont restitué la majorité des sels minéraux pris par l'arbre durant Vannée. De plus. Veau de pluie contient des sels minéraux. Si bien que le reste de sels minéraux manquant pour que la terre se "renouvelle" entièrement est comblé par les sels minéraux contenus par l'eau de pluie. "

Un seul élève évoque les apports éventuels par les ani­maux ou le vent : "Les animaux ont peut-être pu intervenir sur cette expérience (si le pot était dehors). Certains animaux peuvent en détruire certains autres, nuisibles à l'arbre. Les déchets d'animaux peuvent peut-être constituer un engrais pour l'arbre. Le vent a pu déposer des choses dans le pot. "

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• Par contre q u i n z e é l è v e s r é c i t e n t f i d è l e m e n t le cours déjà appris, sans tenir compte des données de l'exercice.

"J'en conclus donc que Van Hélmont s'est trompé en affir­mant que seule l'eau suffisait à l'arbre et en ignorant ces autres facteurs qui sont la chaleur, la lumière et les sels minéraux qui sont indispensables à la survie des végétaux.'' L'argumentation est absente de leur justification de refus, refus qui semble dû plus à leur "bon sens" (le bois n'est pas de l'eau) qu'à une réflexion sur l'adéquation des facteurs cités. D'ailleurs, neuf élèves ne citent que la lumière (et parfois la température) comme adjuvant de l'eau dans la croissance du saule : "Pour Van Hélmont l'eau est un élément indispensable à une plante. Si la plante n'a pas d'eau elle ne peut pas se dévelop­per. Un'y a pas que l'eau seule qui a produit la plante mais aussi de la lumière puisqu'elle se trouvait dehors. " "Comment l'eau seule, a-t-elle pu produire du bois, des écorces et racines ? N'y a-t-il pas d'autre phénomène, comme le soleil, la température ?" L'"oubli" des sels minéraux dans ces citations est tout à fait étonnant ; l'un des neuf élèves le souligne d'ailleurs : "Je ne suis pas d'accord, car il y a eu automatiquement le

facteur de la lumière puisque la bouture se trouvait à l'exté­rieur. Ry a eu aussi le facteur température car s'il avait gelé la bou­ture serait morte, et n'aurait pu se développer. On arrive à la conclusion que seuls les sels minéraux ne sont pas intervenus dans cette expérience. " En effet la lumière n'est-elle pas l'immatériel même, contrairement aux sels minéraux ? L'un des élèves, déjà cité, conclut sa justification de refus ainsi : "De plus une expérience n'est jamais parfaite, tout est relatif. Toutes les mesures sont imprécises.'' Seul à l'écrire, était-il le seul à le penser ?

• Enfin j 'ai mis à part quatre élèves (dont trois sont des redoublants) qui justifient leur refus par la "photosyn­thèse'*. Mais que recouvre ce mot pour ces élèves ?

- Pour le premier redoublant : "Van Hélmont n'a pas entièrement tort mais Ü cite un facteur parmi 4 qui sont essentiels. Sachant que le saule est un végé­tal chlorophyllien, il a besoin de lumière, d'eau, température et sels minéraux. Donc le saule, même dans des conditions artificielles, a besoin de lumière qu'il ne cite pas dans son expérience car la plante ne pourrait pas faire sa photosyn­thèse donc produire sa matière organique à partir des miné­raux puisés dans le sol et dans l'eau donc il ne pourrait pas croître.''

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La production de matière attachée à la photosynthèse n'est due qu'à la matérialité des sels minéraux dont l'eau n'est que le vecteur. Pour lui, l'eau n'est pas investie d'une maté­rialité suffisante pour participer à la constitution d 'un solide. - Pour le deuxième redoublant : "Ceci me semble impossible car les plantes en général ont besoin de la lumière, plus les ions minéraux pour produire de la matière vivante par photosynthèse, et de plus üfaut qu'il y ait des échanges gazeux. " L'eau est oubliée, les gaz ne sont évoqués que par ajout ; leur rôle dans la constitution de la matière solide n'est pas imaginable. Ici encore la matérialité repose sur les ions minéraux. - Le troisième redoublant cite les gaz mais ne les fait pas

participer à la constitution de la matière organique : "La lumière agit par photosynthèse, c'est-à-dire que la lumière est captée par les feuilles ainsi que le C02, l'02... La lumière est ensuite répartie dans toute la plante. La plante se nourrit donc par elle-même (par photosynthèse). La plante capte les sels minéraux du sol et non pas la terre. Les sels minéraux du sol et de la lumière se transforment ensuite en sève brute et alimentent la plante de haut en bas.'' - Pour finir, voici ce qu'écrit l'élève non redoublant : "Je pense que sa dernière affirmation est fausse : le fait que la terre pèse 2 onces de moins qu'au début de son expé­rience, méfait penser que l'arbre a retiré quelque chose de la terre ; s'U ne s'était nourri que d'eau, il n'y aurait aucune rai­son qu'il manque de la terre. De plus si l'on prend l'exemple des cactus dans le désert, on se rend bien compte qu'il ne faut pas forcément d'eau. La plante s'est nourrie par elle-même. C'est le phénomène appelé photosynthèse. " Puisque la terre a fourni peu de matière, puisque l'eau n'est pas indispensable (ce qui va dans la même direction que le "bon sens" : le bois n'est pas de l'eau) le mot "photosyn­thèse" offre une sortie commode : la croissance par soi-même ! La génération spontanée de matière.

3 . ESSAI D'INTERPRÉTATION

La sériation des réponses des élèves à la seule troisième question (Discutez l'affirmation...) ne permet pas la prise en compte de la logique interne de chaque copie : des informa­tions potentielles sont perdues et, plus grave, des distor­sions de la pensée des élèves risquent d'être créées. Mais cette sériation révèle des courants profonds qui ani­ment la pensée des élèves ; ainsi les sels minéraux et la terre sont-ils invoqués dans 44 des 104 citations, soit 42 %,

les sels minéraux et la terre sont les plus Invoqués

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soumission à l'autorité, révélée chez trop d'élèves

quand on décortique comment se sont élaborées les justifications

l'eau ne peut donner un corps solide...

contre seulement 10 % pour l'eau, 9,6 % pour la lumière et 3,8 % pour la photosynthèse. Quelles significations donner à ces chiffres ? Quand on aborde le problème des attitudes, les motiva­tions des "non réponses" échappent, par le silence, à toute interprétation, sans le secours d'entretiens individuels avec ces élèves. Les formes des réponses des élèves acceptant la conclusion invraisemblable de Van Helmont révèlent une soumission à l'autorité, un désinvestissement de la pensée critique et autonome. Il en est de même, mais à un degré moins mar­qué, des élèves exprimant seulement leur doute. Ces deux catégories d'élèves constituent 22,4 % de l'effectif testé, ce qui est considérable. Cependant j'écarterai de mon analyse ultérieure ces problèmes d'attitude de soumission qui sor­tent du champ étudié ici. Par contre l'exploration des mécanismes de justification des refus, mais aussi des acceptations et des doutes, où l'inconscient intervient aussi, relève de ce champ. Le moteur des justifications est, me semble-t-il, et pour reprendre un terme piagétien, la "coordination" de la quantité e t de la qualité. En effet, contrairement à la conc lus ion de Guy Rumelha rd {Aster n° 1, p . 46) -"L'absence de comparaison quantitative empêche ici de poser le problème de l'apport massique'' - le quantitatif n'est pas absent de la pensée des élèves, bien qu'il ne soit pas mani­pulé avec rigueur ! "Imaginer une qualité, nous dit Gaston Bachelard, c'est lui donner une valeur qui dépasse ou contredit la valeur sen­sible" (3). La qualité est ici la "matérialité" comme le souligne bien cette élève "il ne s'est pas posé la question comme quoi l'eau ne pouvait se transformer en une matière solide''. Dans l'imaginaire des élèves il semble donc que l'eau, lim­pide, fluide, sans forme propre ne puisse donner un corps solide, opaque, de forme définie. La glace, eau figée, eau ralentie, n'a probablement pas les attributs imaginaires de la matérialité puisque cette élève en oublie cette forme effec­tivement solidifiée de l'eau. "La pierre [précieuse] immobilise un horoscope''. Par cette phrase lapidaire Gaston Bachelard stigmatise l'imaginaire céleste, l'étoile-lumière et le temps, investis dans le cristal (4). Comme Mallarmé fusionne pierre, ciel, immobilité et fluidité : "Quelle pierrerie, le ciel fluide" (5). L'eau ne touche à la matérialité que dans la pierre précieuse imaginaire, le cristal.

(3) BACHELARD G. La terre et les rêveries du repos. Paris. J. Corti. 1947. p. 82-83.

(4) BACHELARD G. La terre et les rêveries de la volonté. Paris. J. Corti. 1947. p. 302.

(5) id.p.291.

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... donc ne peut être à l'origine du bois

eau plus maternelle que matérielle

la terre est tellement plus matérielle que l'eau, peu importe les quantités

les sels minéraux véhicules de matérialité

L'eau liquide, comme la glace, est sans intériorité, sans structure. De là, sans doute, provient la fascination exercée par les agates et pâtes de verre qui révèlent des mouve­ments et des s t ruc tures figées, aut rement invisibles et inimaginables. Cette solidité, cette matérialité, si présente dans le bois, doit trouver un support, un véhicule avant le bois. Ce sera la terre, ou les sels minéraux, essences de solidité invisible et opaque. L'eau ne peut être ce véhicule imaginaire de la matérialité : "l'eau n'est pas un aliment'' affirme un élève pour justifier son refus. Est-ce pour dire qu'un aliment ne peut être que solide ? L'alimentation parenterale ou par perfusion doit, de ce point de vue, générer quelques frustrations ! Quand un élève évoque "l'eau plus nourrissante que la terre'' c'est sous forme interrogative. Le cas des quatre élèves pour qui "fl n'y a pas de vie végé­tale sans eau" doi t ê t re relié à l eu r a t t i t u d e , d'acceptation/soumission : l'eau ici est probablement plus maternelle que matérielle.

Dans l'imaginaire et le raisonnement des élèves matérialité et quantité doivent donc se conjuguer. • À un pôle, la qualité seule fonde le raisonnement, au

détriment de la quantité. Comme l'exprime cet élève "L'arbre a besoin quand même de la terre, car il manque un peu de terre. Donc l'arbre a dû prendre les sels minéraux de la terre que l'arbre ne trouve pas dans l'eau de pluie ni dans l'eau distulée", la prise en compte de la quantité (2 onces de terre disparues) s'efface devant la matérialité de cette terre, de ces sels minéraux, occultant le fait que si seules ces deux onces ont été pui­sées, elles seront diluées dans 160 livres d'eau pour consti­tuer le bois ! • À l'autre pôle, moins fréquemment exprimé, la quantité,

la permanence de la quantité plutôt, évince de l'expli­c a t i o n , la n é c e s s i t é de la p e r m a n e n c e de la matérialité : "Ufaut bien que l'eau ait été quelque part".

Mais pour le plus grand nombre, la nécessaire coordination de la permanence de la quantité et de la qualité introduit les autres formes d'explication qui suivent. • Le recyclage des sels minéraux des feuilles mortes, bel

exemple de raisonnement quantitatif biaisé par l'oubli (!) des sels minéraux, censés constituer le bois : les "sels minéraux" n'interviendraient-ils pas plus comme véhicules de matérialité que comme particules s'agglomérant en un tout solide?

• L'apport de sels minéraux par l'eau de pluie (ce qui est, je le répète, chimiquement possible mais quantitativement improbable) voire par l'eau distillée. Il faut redonner à

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l'invocation du rôle de l'eau n'est qu'une récitation

génération spontanée de la matière !

pas de réinvestissement des connaissances de chimie ni de biologie

l'eau, même au mépris du cours de chimie, la matérialité ici nécessaire.

• L'apport de matière par le vent ou les animaux. • La "photosynthèse" dont l'effet productif est en fait attri­

bué, par trois élèves sur quatre citant le mot, aux sels minéraux.

L'intervention de la lumière dans ce débat est manifeste­ment le fruit d'une récitation, la lumière étant citée dans un paquet "lumière, température, sels minéraux", ou "lumière, chaleur'', l'oubli des sels minéraux dans ce dernier paquet est d'ailleurs problématique? Un élève souligne clairement ce paradoxe : ".... H y a eu le facteur lumière... ily a eu aussi le facteur tem­pérature... On arrive à la conclusion que seuls les sels miné­raux ne sont pas intervenus dans cette expérience. " Êtonnement ! En effet la lumière ne serait-elle pas l'immaté­rialité même, la simple conscience du monde ?

Enfin la non-coordination absolue est latente et se traduit par la croissance par soi-même : "c'est à partir de la bou­ture que 169 livres de bois ont été produites", "la plante s'est nourrie par elle-même, c'est le phénomène appelé photosyn­thèse", "l'eau absorbée par la terre a produit des sels miné­raux en plus de ceux de la terre''. L'imagination fertile génère ex nihilo les quanti tés man­quantes dans le respect des qualités. Devant ce vertige un élève prolixe conclut "tout est relatif*, comprendre "tout est possible" !

Pour conclure aucun élève n'utilise ses connaissances théo­riques de chimie et de biologie ; la quasi totalité de ces élèves a "analysé" la matière organique par la chaleur une, deux ou trois fois déjà : le bois n'en demeure pas moins un mixte d'eau et de sels minéraux semble-t-il (à moins qu'il ne soit une essence matérielle sans composition !). Plus grave, ce même exercice donné en début d'année à des élèves de classe de Première scientifique restitue des résultats voisins. Comment sur un tel terreau aborder une biologie molécu­laire ? Peut-être en méditant la proposition de Gaston Bachelard : "Au lieu de chercher la qualité dans le tout de l'objet, comme le signe profond de la substance, Ü faudra la chercher dans l'adhésion totale du sujet qui s'engage à fond dans ce qu'Û imagine" {6).

Pierre CAMPESTRINI Lycée de Roissy-en-Brie

(6) BACHELARD G. La terre et les rêveries du repos. Paris. J. Corti. 1947. p. 81.

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ANNEXE

L'EXPÉRIENCE DU SAULE DE JEAN-BAPTISTE VAN HELMONT

Cette expérience étant souvent citée et donnée à commenter, il nous a semblé utile de reproduire un fragment significatif du texte original dans sa traduction française. Jean-Baptiste Van Helmont (1577-1644) est Bruxellois et, de son état, docteur en médecine. Sa conception de "la science" est bien évidemment très éloignée de la nôtre, mais également de celle des alchimistes de l'école de Paracelse. Il s 'attaque ici à la théorie des quatre éléments admise depuis Aristote. L'eau, l'air, la terre, le feu sont ces quatre constituants élémentaires, mais pour Van Helmont le feu n'est ni un élément, ni une substance. Il part également en guerre contre l'élément terre.

Extraits du chapitre 15, première partie des "Œuvres de Jean-Baptiste Van Helmont traitant des principes de médecine et physique, pour la guérison assurée des maladies" (1670)

"Le charbon qui se fait par une colliquatio de soulfre et de sel qui agissent ensemble en brûlant et généralement, tous les corps qui immédiatement ne s'en vont pas promptement en eau jettent un certain esprit sauvage, nommé Gas, Par exemple soixante deux livres de charbons consumés ne laissent guère plus d'une livre de cendres. Donc les soixante livres de surplus ne seront qu'esprit Cet esprit ou ce gas ne peut pas être détenu dans des vaisseaux ni être réduit en corps visible que la vertu séminale ne soit préalablement éteinte. Les corps le contiennent et souvent s'en vont tout en cet esprit. Ce n'est pas pour autant qu'û soit actuellement en eux (car 11 ne pourroit pas être détenu, et tout l'assemblage du corps se dissiperoit avec lui) mais c'est un esprit coagulé corporellement, qui est excite par une acquisition de serment, comme voit au pain, vin hydromel pome, cidre, ...ou par quelque addition étrangère comme par le sel ammoniac avec l'eau forte, ou par quelque disposition alterative, comme on volt aux pommes qui cuisent au feu. Les raisins entiers se seichent et se conservent mais si tôt que la pelure des grains se rompt et se déchire, ils conçoivent d'abord le ferment d'ébullition qui est un principe de transmutation. Les jus de raisins, de pommes d'hydromel les feuilles et les fleurs contuses, commençant à bouillir tout aussi tôt qu'elles ont pris le ferment, et, alors le gas, ou cet esprit sauvage s'excite. Et s'il est détenu par force dans les tonneaux 11 rend les vins furieux, violés, et nui­sibles, qui souvent ne pouvant pas être dompté par la vertu digestive, Û se joint à l'esprit vital malgré qu'il en ait, et si par hasard, il se rencontre quelque excrémet qui sou sur le point de s'évacuer par insensible transpiration, 11 le condense et le coagule par son acidité fermentale et le rend, fort incommode jusqu'à causer sou­vent des tranchées, diarrhées, et des dissenteries fâcheuses. Ce gas n'est pas l'esprit qui est au vin après qu'il est fait, mais c'est celuy-là qui fait lejuribond, quand le vin est en sa facture et en son ebullition, qui souvent suffoque ceux qui le respirent tout à coup. Ce qui devrait advertir les médecins de ne pas mépriser les parfums comme Ils font, ni les remèdes, qui par leur odeur ne recréent pas seulement ceux qui sont tombés en syncope et défaillance, mais, aussi ils sont capables de guérir beaucoup de maladies à cause de leur prompte pénétration

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car cet esprit pénètre, et emporte les odeurs plus avant que ne le font pas les liqueurs et les conservent plus longtemps. Donc si tout mixte est réduit en eau pure pluviale, il est nécessaire aussi que ce gas qui part de plusieurs corps mêlés ensembles, soit matériellement de l'élément de l'eau et cette propriété séminale qui était demeurée en lui, meurt, et s'éteint avec le temps, par la rigueur du froid de l'air, puis retourne en eau simple et plu­viale. L'auteur a été confirmé que tous les vegetables tiroient leur matière de l'eau par VAlkaefi et par cette mécanique. H prit un grand vase de terre, auquel 11 mit 200 livres de terre dêseichée au four qu'il humecta avec de l'eau de pluye. Puis y planta un tronc de saule, qui pesoit cinq livres. Cinq années après le saule qui était cru en la dite terre, fut arraché et se trouva pesant de 169 livres environ et environ 3 onces de plus. Le vaisseau qui étoit -fort ample, enfouice en terre, et couvert d'une lame de fer blanc étamé percé en forme de crible, de force petits trous afin qu'il n'y ait que l'eau de pluye ou de l'eau distillée seule (de laquelle la terre du vaisseau étoit arrousée lorsqu'il enfaisoit besoin) qui y puisse découler. Les feuilles ne furent point pesées parce que c'étoit en automne que les feuilles tombent que l'arbre fut arraché. En après il fit derechef reseiche la terre du vase et la terre ne se trouva diminué que d'environ 2 onces qui s'était pu perdre en vidant ou emplissant le vaisseau, donc il y avait 164 livres de bois, d'écorce et de racines qui étaient venues de l'eau. Aussi si le charbon (qui provient entièrement de l'eau) est réduit en pierre, en quelques fontaines qui ont cette faculté la. Cela ne pourroit pas faire, si cette pierre n'était aussi matériellement de l'eau. La suye, ou la vapeur fuigineuse est une partie du sel volatil du constüut qui (par mélange d'une portion de vapeur aqueuse) s'envole avec elle a été préservée de l'inflammation ; c'est aussi une partie de la graisse, qui par la célérité de son vol s'est exemptée de la combustion. Ainsi la liqueur acide du soufre tiré par la cam­pagne, môtre qu'il y a une bonne partie du soufre qui monte en haut, qui n'a pas été touchée de la flamme, qui est séparée de la liqueur par rectification les soufres, ou graisses encore qu'elles soient plusieurs fois distillées à quel degré de feu que ce soit, demeurent toujours grasses, et retiennent toujours leur même nature tandis qu'elles Jouissent de leur propriété séminale, mais si tôt que la flamme (qui est une mort artificielle) les a une fois atteint, et qu'elle y est empreinte elles s'envolent d'abord en gras qui retient encore quelques temps les conditions séminales du constitu puis s'éteignent en après en l'air et retourne finalement eau pluviale et insipide. Les vapeurs fuligineuses de la fiamme diffèrent par genres et espèces ; ce qui ne se ferait pas s'Üs retournoient immédiatement à leur premier élément car le feu détruit simplement et n'engendre rien, car il n'a point de puissance séminale. Il sépare les choses qu'il ne peut détruire, ou il laisse les fixes qu'il ne peut pas pénétrer dans leur intégrité. Et le feu n'a pas le pouvoir de changer en air ce qui est matériellement de l'eau ; autrement il faudroit qu'il contienne en soy la semence de l'air. On pourroit Icy nous opposer l'écriture qui dit de l'homme : "tu es terre et tu retournera en poussière'' (terra es et in terrain oeu puverem reverte-ris). Mais on demandera aussi que si l'homme n'est que terrepourquoy dit- on qu'il est composé des quatre éléments ? Donc comme le bois n'est totalement que de l'eau, sa cendre, son sel, et le verre ne sera aussi que de Veau. On peut prou­ver que les gas des sels n'est que de l'eau par cette mécanique. Qu'on prenne du vitriol du salpêtre et de l'alun par égal portion, qu'on les laisse déselcher séparé­ment ; puis qu'on les distille ensemble ce qui en sort n'est que du pur sel volata. Prenez de cette eau et Joignez une once de sel ammoniac dans un fort vaisseau de verre si exactement fermé qu'il n'en puisse rien exaler ; d'abord le vaisseau

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quel fort qu'il soit sautera, aussi bien au froid qu'à la chaleur ; que si on laisse une petite ouverture à la Jointure du récipient, et qu'après (l'ébullition cessée) on distiüe le reste, on en tirera de l'eau qui tire sur l'aigre, qui finalement (par distil­lations réitérées) est convertie en eau insipide, où. on void qu'une partie s'en va en gas, et l'autre en eau. Donc le gas des sels n'est matériellement que de Veau puisque finalement il retourne en eau. Ce qui montre évidemment, qu'il est impos­sible aux écoles de connoître la nature, les causes, les différences, et les proprié­tés des corps ; ni la vraye philosophie sans l'exercice de la chimie. Notre esprit vital est de la nature du gas susdit, ce qui se fait assez connoître en la palpitation hypothimie, G sincope, où on void que cet esprit qui auparavant par une naturelle rougeur vivifiait toute l'économie, entraîne et emporte (par sa suite) l'embonpoint et la vivacité du visage. Et après cette défaillance, les esprits fixes des autres membres (qui comme des chandelles éteintes Jument encor) sont ralu-mez par la chaleur solaire du cœur. C'est pourquoy cet esprit de vie est fort promptement affecté des gas, à cause de leur mutuelle et facile conjonction.

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ÉLABORATION DE MODELES CONCEPTUELS ADAPTÉS ÀL'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

UNE APPLICATION EN AGROTECHNIQUE

Louis-Philippe Lecierc Jacques Besançon Isabelle Nizet

Dans le contexte de l'enseignement professionnel, la construction par les élèves de diagrammes incluant les concepts et principes scientifiques relatifs aux techniques peut contribuer à générer chez eux des modèles mentaux fonctionnels en regard des tâches de leur profession. Cette étude fait état des conditions et du mode d'élaboration de modèles conceptuels qui peuvent servir de référence à l'enseignant pour guider les élèves dans la construction de diagrammes techno-scientifiques en agrotechnique au secondaire. Le contenu est d'abord analysé au niveau requis pour son enseignement. Son organisation générale est ensuite mise en forme sur une carte conceptuelle qui relie les unités de façon hiérarchique ; sa dynamique est finalement structurée sous forme de modèles conceptuels (diagrammes-experts) qui reflètent les processus sous-jacents aux tâches professionnelles. La mise en opération de cette démarche dans un domaine de l'agrotechnique a conduit à l'élaboration d'une série intégrée de diagrammes-experts dont le potentiel pédagogique est discuté.

Des études (Labonté, 1987 ; Ministère de l'Éducation du Québec, 1989 a) tendent à démontrer que les apprentis­sages réalisés par les élèves en formation professionnelle au secondaire ne leur permettent pas d'exercer efficacement les compétences requises dans leur domaine professionnel. Un certain nombre de facteurs peut contribuer à circonscrire le problème. Ils sont plus particulièrement relatifs à la nature des contenus à enseigner, à la qualité des apprentissages faits par les élèves et au type de formation offert. Trois ques­tions ont motivé notre démarche de recherche : le niveau de

un programme complexité des contenus des programmes de formation et de formation leur nature sont-ils susceptibles de provoquer des difficultés largement d'apprentissage chez les élèves de l'enseignement profes-théorique... sionnel ? À quelles conditions une formation professionnelle

garantit-elle le développement des compétences et permet-elle l 'adaptation des élèves aux transformations de leur milieu de travail ? Les apprentissages de ces élèves peuvent-ils être favorisés par certaines démarches pédagogiques ? Dans le contexte de l'enseignement professionnel, les conte­nus didactiques, bien que principalement orientés vers la pratique, font souvent référence à une assise scientifique complexe ; toutefois, l'apprentissage des contenus scienti­fiques reliés aux tâches professionnelles pose problème. En

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts, INRP. 29. rue dUlm. 75230 Paris Cedex 05

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...pourdes effet, les élèves de l'enseignement professionnel semblent élèves préférant préférer les contenus pratiques aux contenus théoriques et des contenus choisissent souvent la formation professionnelle dans le but pratiques d'éviter les matières scientifiques qui font partie du cursus

académique conventionnel de l'enseignement général (Hardy et Côté, 1986). Des observations effectuées en milieu éduca­tif auprès d'élèves et d'enseignants du secondaire profes­sionnel, nous ont également permis de constater que les contenus scientifiques sont souvent perçus par les élèves comme étrangers à leur formation parce que leur pertinence n'est Jamais explicitée ; par conséquent, ces derniers font peu d'efforts pour les maîtriser. Il en résulte des apprentis­sages incomplets et inadéquats pour faire face aux exi­gences du marché du travail. Le manque de motivation face aux contenus de nature scientifique nous paraît donc être un facteur important dans les difficultés d'apprentissage rencontrées par les élèves. Nous croyons en outre que la manière dont ces contenus sont traités au sein de la forma­tion détermine à la fois la qualité des apprentissages faits par les élèves et la capacité ultérieure des élèves à transfé­rer les connaissances acquises pendant leur formation à leur contexte professionnel. Dans cette perspective, notre réflexion a particulièrement été axée sur l'intégration de notions scientifiques à la formation professionnelle et plus particulièrement sur la nature de ces éléments.

1. L'INTÉGRATION DES SCIENCES AUX TECHNIQUES : UN ENJEU POUR DES APPRENTISSAGES SIGNIFICATIFS

concepts intégrateurs : facilitation du transfert...

Selon Wholansky et Duvall (1975), une formation basée sur des concepts intégrateurs, c'est-à-dire des concepts qui ser­vent à expliquer un événement ou un phénomène donné, peut être en mesure de permettre le transfert des connais­sances à des situations nouvelles issues des changements technologiques. Du fait que les concepts et principes scien­tifiques servent habituellement d'assise aux nouvelles tech­nologies et que, dans la plupart des cas, seul un petit nombre de ces éléments est mis à contribution dans le développement des innovations techniques, l'intégration de ces seuls concepts et principes à la structure conceptuelle des individus nous a semblé pouvoir constituer un moyen plausible de permettre le transfert des apprentissages faits durant la formation au marché du travail. Ainsi, nous pos­tulons qu'il est pertinent d'intégrer des notions scientifiques aux techniques pour permettre l'adaptation des futurs tra­vailleurs aux changements technologiques. Notre recherche a donc visé p r inc ipa l emen t le déve loppement d ' une approche didactique qui joint les concepts et principes scientifiques relatifs à la technologie d'un domaine profes­sionnel aux contenus techniques abordés pendant la forma-

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... et de l'adaptation aux changements technologiques

tion ; celle-ci ayant pour objectif l'acquisition des compé­tences de ce domaine et ce, tout en renforçant la motivation des élèves face aux contenus de nature scientifique.

2 . EXPLORATION DE MODELES D'INTÉGRATION DES CONNAISSANCES

une description de la structure cognitive s'inspirant de la théorie des schémas...

... une explication de la transformation de cette structure par la théorie des modèles mentaux

D'un point de vue conceptuel, notre approche s'inspire de deux théories des sciences cognitives : la théorie des sché­mas (Ausubel, 1968) et la théorie des modèles mentaux (Norman, 1983). Le concept de schéma semble pertinent pour caractériser la nature des connaissances acquises par un individu ; en effet, ils sont définis comme les blocs constitutifs de la structure cognitive (Rumelhart et Ortony, 1977 : Rumelhart, 1980). Les schémas peuvent être consi­dérés comme des matrices de connaissances d'un certain niveau de généralité qui peuvent être activées en mémoire quand un individu se trouve dans une situation donnée ; en fonction du niveau de familiarité de l'individu avec cette situation, ils peuvent contribuer soit à la reconnaissance de celle-ci soit à l'acquisition de nouvelles connaissances parti­culières à cette situation par l'intégration de ces dernières aux schémas mentaux existants. Les schémas peuvent ainsi servir à décrire l 'articulation et le développement de la s t r u c t u r e cognit ive a u cou r s d ' expér iences va r i ées (Rumelhart et Norman, 1978). Cette définition du concept de schéma permet alors d'envisager à la fois l'organisation des contenus visés par la formation et leur processus d'acquisi­tion par l'apprenant.

La notion de modèle mental semble toutefois correspondre davantage à l'aspect pragmatique de l'utilisation et de la transformation de la connaissance. En effet, lorsqu'un indi­vidu se trouve en interaction avec une nouvelle instance d'un concept ou d'un événement donné, il élabore, à partir des éléments qu'il perçoit, un modèle mental de ce concept ou de cet événement. Bien qu'il soit une représentation indi­viduelle et particularisée de la réalité (Norman, 1983), ce modèle mental est toutefois fonctionnel pour qui l'élabore car il lui permet de comprendre cette réalité et d'interagir avec celle-ci. De p lus , l 'information contenue d a n s ce modèle mental peut être emmagasinée sous forme de sché­mas dans la mémoire à long terme de l'individu pour être ensuite réactivée dans des situations perçues comme ana­logues. Les modèles mentaux, qu'ils soient issus des sché­mas existants ou de connaissances nouvelles, s'enrichissent au contact d'environnements particuliers et permettent à l'individu d'intégrer de nouvelles connaissances à sa struc­ture cognitive. Il existe toutefois deux facteurs qui peuvent limiter cette évolution : l'absence de confrontation à de nou­velles instances et l'incapacité de traiter et d'intégrer de nouvelles informations aux schémas existants. Notre rôle en

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les modèles conceptuels stimulent l'élaboration de modèles mentaux fonctionnels

diagrammes : modèles conceptuels adaptés aux apprenants en formation professionnelle

tant que pédagogue est par conséquent de privilégier le rap­port entre l'apprenant et les situations qui stimuleront l'éla­boration de modèles mentaux qui répondent aux exigences et aux conditions de sa future profession. Il existe vraisem­blablement deux façons de recréer ces conditions. L'idéal serait de placer l'individu dans des situations profession­nelles réelles ; toutefois, les limites du contexte scolaire nous obligent à utiliser d 'autres mesures et le modèle conceptuel nous a paru consti tuer un moyen efficace d'intervention auprès des élèves. Un modèle conceptuel peut être considéré comme un prin­cipe organisateur d'apprentissage (« advanced organizer » ; Ausubel, 1968) qui montre comment fonctionnent et s'arti­culent les éléments d'un ensemble. Selon Mayer (1989), l'utilisation d'un modèle conceptuel a pour principal objectif d'aider l 'apprenant à développer un modèle mental d'une situation lorsque celle-ci n'est pas directement accessible. Un modèle conceptuel présente, sous forme de mots e t /ou de diagrammes, les principaux concepts d'un ensemble et les relations de cause à effet qui existent entre eux ; il per­met également de prédire et d'expliquer le fonctionnement de l'objet é tudié . Cette dernière considérat ion justifie d'autant plus l'intégration des concepts et principes scienti­fiques. Présenté comme un « modèle expert de la connais­sance », un modèle conceptuel doit cependant être l'objet d'un apprentissage significatif de la part de l'apprenant. Les informations présentées doivent être accessibles à celui-ci tant par la forme que par le vocabulaire utilisé et, en outre, s'articuler autour d'une explication cohérente. Selon Larkin et Simon (1987), un diagramme peut servir de modèle conceptuel car il respecte plusieurs de ces considérations : il est une représentation schématique d'une situation ou d'un problème donné et il met l'accent sur le contenu conceptuel essentiel. Sa nature graphique permet une présentation dynamique de la connaissance ; un diagramme expose de façon structurée l'information relative aux éléments essen­tiels d'un contenu, permettant ainsi à l'apprenant de mieux situer ces éléments les uns par rapport aux autres ; cela favorise une structuration de l'information utile à l'encodage et à l'emmagasinage dans la mémoire à long terme. À l'inté­rieur d'un diagramme, les expressions présentées corres­pondent de manière biunivoque aux composantes réelles de la situation étudiée et chaque expression du diagramme sous-tend implicitement toute l'information relative à cette dernière ; il devient alors possible pour l'apprenant de com­prendre les relat ions qui existent entre les différentes expressions présentées et de se construire un modèle men­tal fonctionnel de la situation représentée.

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3 . REPÉRAGE DES CONTENUS SCIENTIFIQUES ET DES HABILETÉS COGNITIVES SOUS-JACENTS AUX TACHES PROFESSIONNELLES

Le repérage des contenus scientifiques et des habiletés cognitives sous-jacents aux tâches constituent une difficulté majeure au processus d'élaboration de modèles conceptuels efficaces en enseignement professionnel. Comme il revient aux experts du contenu d'élaborer des modèles conceptuels susceptibles de permettre l'émergence de modèles mentaux fonctionnels chez les élèves, une connaissance détaillée de la structure et de la dynamique des contenus à représenter

d'abord une leur est nécessaire. L'étude de la discipline à enseigner est analyse des par conséquent à la base de l 'élaboration de modèles contenus a conceptuels efficaces. Dans les pages qui suivent, nous rela-enseigner... terons les différentes étapes de l'élaboration de modèles

conceptuels particuliers aux contenus de la protection des cultures dans la ferme laitière, une composante essentielle du programme de formation agricole au secondaire. Les cultures végétales sont à la base de la production lai­tière. Le plus souvent, l'agriculteur produit les fourrages et les grains nécessaires pour nourrir son bétail ; il doit ainsi pouvoir intervenir lorsque ses récoltes sont menacées par la présence de ravageurs . La protection des cul tures est l'ensemble des opérations qui consistent à contrôler et à éradiquer la présence de ces ravageurs dans les cultures. Elle comporte de nombreuses tâches de nature procédurale comme par exemple l'identification des ravageurs, la prépa­ration des bouillies ou encore le réglage du pulvérisateur. Mais la réalisation de ces tâches nécessite la compréhension de p roces sus complexes fa isant in te rveni r p l u s i e u r s concepts et principes scientifiques ; citons entres autres la gestion des conditions de croissance des plantes.

La première étape de nos travaux fut de réaliser une étude approfondie des tâches relatives à la protection des cultures par l'intermédiaire de l'analyse des contenus et des objectifs du cour s « P ro tec t ion des c u l t u r e s » (Minis tère de l'Éducation du Québec, 1989-b) du Diplôme d'études profes­sionnelles en formation agricole. Pour identifier les différents

pour les intégrer éléments de connaissances à intégrer aux modèles concep-aux modèles tuels, deux analyses furent entreprises. La première analyse conceptuels visait à préciser les contenus et les types d'habiletés cogni­

tives relatifs à ces derniers. La deuxième analyse, justifiée par la nécessité d'intégrer les concepts et principes scienti­fiques essent iels à la formation, visait à identifier les concepts et principes biologiques sous-jacents à ces conte­nus. Pour réaliser la première analyse, nous avons utilisé la tech­nique du groupe nominal qui consiste à demander à des experts d'un domaine donné de déterminer les éléments essentiels à la formation des futurs travail leurs de ce

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puis une validation par des experts...

... et une identification des concepts et principes scientifiques

domaine. Cette technique surtout utilisée pour la détermi­na t ion du c u r r i c u l u m des p rog rammes de formation (Delbecq et al. , 1975), a servi, d a n s le cadre de notre recherche, à identifier les principaux éléments de contenu et à déterminer les types d'habiletés cognitlves à développer à l'intérieur du processus d'apprentissage. Cette étape a été rendue nécessaire à cause du peu de détails fournis à l'inté­rieur du programme d'études à propos des contenus. Dans le cadre de nos travaux, l'application de cette technique a consisté à réunir en atelier sept experts en protection des cultures provenant de différents champs professionnels (1). Mis en présence de chacun des objectifs du cours, les experts ont d'abord été invités à identifier les éléments de contenu (concepts, principes, propositions, heuristiques, etc.) qu'ils estimaient essentiels à l'atteinte de ces objectifs ; il est important de mentionner que les objectifs d'apprentis­sage définis à l'intérieur du programme d'études sont déter­minants pour caractériser les contenus et les habiletés cognitlves à développer au sein de la formation. Dans un deuxième temps, afin d'obtenir un consensus sur les conte­nus à retenir, chaque participant a été invité à présenter, pour approbation par le groupe, les éléments qu'il avait identifiés. Un à un, les 80 objectifs du cours furent soumis à l'analyse du groupe. Cette analyse a permis d'identifier l'ensemble des contenus essentiels en fonction des objectifs. Parallèlement, elle a permis d'identifier la résolution de pro­blème comme l'habileté cognitive la plus susceptible de pro­voquer des apprentissages significatifs des contenus de ce cours.

La deuxième analyse avait pour bu t de déterminer les concepts et principes biologiques essentiels à l'atteinte des objectifs du cours « Protection des cultures », la biologie étant la science la plus mise à contribution en protection des cultures. Mentionnons qu'à l'intérieur des programmes de formation professionnelle, les objectifs sont une transpo­sition pédagogique des tâches particulières à une profession donnée. Cette analyse nous est apparue nécessaire car le programme d'études ne spécifiait pas les éléments biolo­giques essentiels à la bonne compréhension des contenus. À l'aide de la méthode élaborée par Gagnon et al. (1989), qui consiste à relever les concepts et principes scientifiques relatifs à un contenu à partir d'un critère de spécificité issu des visées pédagogiques d 'un objectif d 'apprent issage donné, un biologiste et un didacticien se sont appliqués à ident if ier , t o u j o u r s à p a r t i r d e s objectifs du cour s « Protection de cultures », les concepts et principes biolo­giques essentiels à l'atteinte de ces mêmes objectifs ; cette opération a également permis de spécifier le niveau d'appro­fondissement (niveau concret e t /ou niveau formel) des diffé­rents concepts et principes biologiques au sein de la forma-

(1) Professeurs d'université, professeurs du secondaire, agronomes et étudiant à la maîtrise en biologie

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... essentiels à l'atteinte des objectifs de formation

tion. La détermination de ce niveau d'approfondissement est fondamentale dans notre approche car elle la distingue d'une approche qui se voudrait plus scientifique ou théo­rique ; en effet, les éléments scientifiques obtenus de l'ana­lyse ne peuvent en aucun cas être séparés du contexte par­ticulier pour lequel ils ont été identifiés. La connaissance de ce niveau d'approfondissement permet ainsi de mieux expli­citer la pertinence des concepts et principes scientifiques à l'intérieur d'un contenu technique donné.

4 . ORGANISATION ET STRUCTURATION DU CONTENU

la structuration des contenus conduit à la construction d'une carte conceptuelle

représentant les principaux concepts et leurs relations hiérarchiques

La première étape de l'élaboration des modèles conceptuels a été de structurer les contenus selon leur relation concep­tuel le . Une car te conceptue l le du c o n t e n u du cour s « Protection des cultures » (voir la figure 1) a été construite à partir des principaux concepts identifiés au cours des ana­lyses décrites plus haut. La carte conceptuelle (« Concept map » selon Novak et al., 1983) a comme principal intérêt de fournir à l'expert du contenu une représentation hiérarchi­sée des contenus qui met en évidence leurs relat ions conceptuelles. Le concept de niveau de contenu de Newell (1981) a servi à établir la s t ructure de cette carte. Les niveaux sont définis en fonction d'une hiérarchie ; ils se dis­tinguent par leur niveau de généralité. Ainsi, un niveau donné de la carte conceptuelle englobe tous les éléments qui lui sont inférieurs ; ce dernier critère a permis l'organisation générale du contenu. Bien qu'utile pour la compréhension globale du contenu du cours, cette représentation ne consti­tue pas un modèle conceptuel ; par conséquent, elle ne peut être présentée directement à l'apprenant. Elle permet néan­moins aux experts de déterminer l'ordre dans lequel les dif­férents concepts devraient être abordés afin d'en faciliter la compréhension au sein d'un contenu donné.

Dans le cadre du cours sur la protection des cultures, trois éléments sont considérés. On retrouve ainsi au niveau supé­rieur de la carte, et à u n même niveau de généralité, ces élé­ments, soit les cultures végétales, les ennemis des cultures et les moyens de lutte. Les concepts plus spécifiques se situent aux niveaux inférieurs. Plusieurs concepts biolo­giques paraissent également sur cette carte : les concepts de champignon, bactérie, virus, résistance génétique en micro­biologie ; les concepts de plante, graminée, légumineuse, annuel le , b isannuel le , vivace en botanique ; enfin les concepts de parasite et de compétiteur en écologie. Pour fins de lisibilité, la structure complète n'est pas ici présentée ; par exemple, les variétés des plantes cultivées et la nature des pesticides sont également des éléments de ce contenu.

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une modélisation des processus sous-jacents aux tâches...

... qui correspond à la gestion des moyens de lutte contre les ravageurs

L'élaboration de modèles conceptuels ne peut se baser uni­quement sur les concepts et leurs relations mutuelles. En effet, l'exécution des procédures relatives à une profession donnée dépend de la compréhension de processus sous-jacents. Par conséquent, des modèles conceptuels efficaces devraient mettre en évidence ces processus ; rappelons que ces modèles conceptuels doivent permettre à l'individu d'éla­borer des modèles mentaux fonctionnels en regard de situa­tions pouvant constituer des problèmes particuliers à l'inté­rieur de son champ professionnel. L'élaboration d'un modèle conceptuel adapté dépend donc étroitement de la conception des tâches à maîtriser. Parmi les tâches de l'agriculteur, la protection des cultures traite plus spécifiquement de la gestion des moyens de lutte utilisés pour combattre les ravageurs (insectes nuisibles, maladies et mauvaises herbes) qui nuisent au développe­ment des plantes et en diminuent le rendement. Cette ges­tion implique l'utilisation de ressources appropriées au contrôle des ravageurs. Depuis plusieurs dizaines d'années, l'application de pesticides a été le moyen de lutte privilégié par bon nombre d'agriculteurs. Cependant, les problèmes environnementaux provoqués par cette pratique et sa renta­bilité économique discutable à long terme doivent actuelle­ment être considérés et on estime de plus en plus que cette utilisation doit être réservée à des situations extrêmes. La lutte intégrée correspond à un emploi plus rationnel des pesticides en privilégiant l'usage de moyens de lutte préven­tifs ; l'utilisation des pesticides n'étant recommandée que dans les cas d'échec de la prévention.

Dans la prévention, la santé des cultures est le premier élé­ment à considérer car une plante saine est moins sensible aux attaques des ravageurs. Le respect des besoins vitaux de la plante est donc le critère déterminant de la gestion d'une culture. Cette gestion est accomplie principalement par le maintien des conditions optimales de la qualité du sol de laquelle dépend la santé des plantes. Une culture peut être étudiée comme un ensemble de processus par lesquels sont influencées les interventions en protection des cul­tures. Nous croyons que la dynamique de ces processus peut efficacement être abordée à travers le modèle de sys­tème. Nous avons tracé un parallèle entre les composantes du système, tel que représenté dans la figure 2, et la dyna­mique d'une culture.

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Environnement

Ressources

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Info

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Processeur

Produits

Figure 2 - Diagramme d'un système (de Rosnay, 1975)

À l'instar d'un système, une culture peut être analysée en fonction de ses trois composantes principales : ses res­sources, son processeur et ses produits. Ainsi, pour se déve­lopper une plante doit obtenir certains éléments de son milieu de croissance, ce sont les ressources ; elle les assi­mile et les transforme au fil de son développement, elle en est le processeur ; enfin, ses différentes parties (feuilles, tiges, fleurs, fruits), résultat du développement, peuvent être

chaque culture récoltées et servir à d'autres fins, comme nourrir le bétail, ce est envisagée sous s o n t l e s produits. Pour que puisse être optimisée sa produc-forme d'un système tivité, une culture doit en outre comporter des éléments de transformationnel régulation. Ce sont la régie des champs (soupape) et le appelé contrôle du rendement (contrôleur). Ce dernier permet phytosystème d'évaluer la performance du processeur (plante) et ces infor­

mations sont utilisées dans la régie des champs, ainsi l'agri­culteur peut mieux gérer la disponibilité des ressources selon les exigences de la culture. Cette boucle de rétroaction est au coeur même du processus de système car elle permet la régulation de son fonctionnement soit, dans, le cas pré­sent, le développement des plantes de la culture. L'environ­nement a également un impact majeur sur le fonctionne­m e n t d u sy s t ème ; d a n s le cas d ' u n e c u l t u r e ,

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diagramme du phytosystème Maïs : modèle conceptuel expert de la culture du maïs

l'environnement (éléments climatiques, nature de l'air, qua­lité du sol, etc.) impose plusieurs conditions et constitue souvent le facteur déterminant de sa productivité. Dans une culture, des changements d'états s'opèrent au fil des stades de développement des plantes qui la composent, c'est pourquoi nous pouvons décrire une culture comme un système transformationnel. Selon Von Wright (1967), un système transformationnel est défini comme un système qui subit une suite d'événements complexes qui entraînent des changements d'états ; il se caractérise par des modifications du cours naturel des choses, c'est-à-dire des modifications de la tendance naturelle qu'ont des états successifs d'un système à subsister (conservation d'états), ou à changer (événement : stade de développement, apparition de rava­geurs). On le voit, le modèle systémique permet de considérer plu­sieurs aspects présents à l'intérieur du processus d'une cul­ture tout en la situant dans le contexte qui interagit avec elle. Nous avons opté pour ce modèle car il permet à un individu de considérer à la fois les différentes composantes des cultures et leurs fonctions respectives au sein de celles-ci. L'intégration des caractéristiques des processus inhé­rents à la culture aux actes techniques fournit ainsi un cadre pour l'accomplissement des tâches professionnelles en agrotechnique. Dans la section suivante, nous présenterons comment nous avons intégré le modèle du système transfor­mationnel aux tâches relatives à la lutte intégrée. Dans le cadre du cours su r la protection des cultures, l'accent est surtout mis sur les ressources nécessaires au bon développement de la plante, son fonctionnement ayant été considéré dans un autre cours. C'est pourquoi les pro­cessus de photosynthèse, de respiration et de synthèse des gras et protéines ne sont pas présentés à l'intérieur de notre modèle. Cela est également conforme aux résultats de l'ana­lyse conceptuelle qui nous ont indiqué que l'étude du fonc­tionnement intrinsèque de la plante n'est pas pertinent à ce niveau de formation.

L'unité de base de notre modèle conceptuel se situe donc au niveau de la culture. Nous avons appelé « phytosystème » le modèle conceptuel qui vise à représenter le fonctionnement d'une culture. Celui-ci intègre les concepts et les processus d'une culture selon la dynamique du système. La figure 3 présente le diagramme du modèle conceptuel de la culture du mais. On y retrouve au premier plan l'environnement (climat : ensoleillement, température, pluviosité, etc) dans lequel se situe la culture, les ressources (semences hybrides FI , engrais chimiques, travail du sol) et l'état initial du sol obtenu à partir des analyses de sol ; au centre, est présen­tée la culture comme élément transformateur et ses effets sur les principales composantes du sol (fertilité, structure et taux de matière organique) ; en bas, les produits de la cul­ture (maïs-grain ou mais-ensilage) et l'état final du sol.

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Environnement Climat (précipitations [eau], température), air, sol

Ressources

Semences Hybride FI Engrais chimiques Travail du sol

État initial du sol:

Fertilité Taux de matière organique (M.O.) Structure

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Régie des champs

Impact sur le sol

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Évaluation du rendement

Produits:

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État du sol après la culture:

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Figure 3 - Diagramme du phytosystème Maïs

Dans ce diagramme, nous insistons sur l'état du sol et ses transformations car sur une ferme, l'espace cultivable est limité et, souvent, les besoins nutritionnels des animaux doivent être comblés par les produits des cultures. Plusieurs types de cultures végétales se succèdent ainsi sur une même parcelle et l'état du sol laissé par une culture donnée détermine les conditions de développement de la culture suivante. Par conséquent, la nécessité d'obtenir un bon ren-

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dement de chacune des cultures oblige l'agriculteur à les choisir en fonction de la qualité initiale du sol et de leurs effets sur celui-ci.

5. ARRIMAGE DES CONTENUS AUX TACHES À L'INTÉRIEUR DE MODELES CONCEPTUELS

le processus de rotation des cultures...

... peut représenter un modèle intégrateur de moyens préventifs en lutte intégrée

Les modèles conceptuels utilisés pour la formation profes­sionnelle doivent intégrer les processus aux procédures impliquées dans les tâches qui définissent les compétences des élèves en fin de formation. En ce qui nous concerne, ces tâches relèvent de la lutte intégrée et elles nécessitent la compréhension de processus complexes. Un modèle concep­tuel doit être élaboré à partir du niveau le plus complexe des compétences envisagées. Dans notre domaine, le processus de rotation des cultures sous-tend la plupart des tâches relatives à la lutte intégrée. La rotation des cultures est le processus par lequel une même parcelle de sol est assignée à plusieurs types de culture variant en fonction de périodes temporelles déterminées. Elle nécessite que soit considérés non seulement l'impact d'une seule culture sur l'état du sol mais également l'impact de la séquence des cultures sur cette même parcelle. Elle est également le premier moyen de lutte préventif à être utilisé en lutte intégrée. Ainsi, parce qu'il met en relation toutes les cultures produites sur une ferme laitière, ce processus nous semble pouvoir servir de modèle intégrateur des connaissances relatives aux diffé­rents phytosystèmes. Afin de bien comprendre le processus de la rotation des cultures, l'individu doit d'abord intégrer les connaissances particulières à chaque phytosystème puis, en les faisant se succéder dans un ordre particulier sur une même parcelle, il doit en évaluer les effets sur l'état du sol : une rotation des cultures efficace permet de préser­ver l'état du sol. Un programme de rotation des cultures sera jugé adéquat s'il permet de répondre de façon satisfai­sante aux exigences fondamentales des différentes cultures, empêchant l'apparition de problèmes de santé des plantes, ce qui peut permettre de prévenir une invasion des rava­geurs. La compréhension du processus de transformation du milieu et des besoins fondamentaux des plantes est essentielle à la bonne gestion des cultures. Cet aspect est d'autant plus important qu'il permet de réduire significative-ment les problèmes de phytoprotection. Toutefois, malgré une bonne gestion des ressources une infestation de rava­geurs pourra forcer l'agriculteur à intervenir rapidement ; c'est pourquoi les méthodes curatives, parmi lesquelles se trouve l'utilisation des pesticides, doivent elles aussi être enseignées. La connaissance des besoins particuliers de chaque culture et des problèmes de ravageurs qui lui sont associés est à la base de la protection des cultures. Le modèle conceptuel du phytosystème se complexifie en fonc­tion de ces considérations.

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les relations mutuelles des ravageurs sont introduites dans le modèle conceptuel de rotation des cultures...

Les différents types de ravageurs potentiels pour la culture sont maintenant intégrés au diagramme du phytosystème ce qui nous a permis d'introduire les concepts biologiques de parasitisme et de compétition. Ces derniers, nouveaux pour les élèves, sont des concepts et principes biologiques pré­sents à l'intérieur du cours de protection des cultures tout comme les concepts d'insecte nuisible, de champignon, de bactérie et de virus. Un exemple est illustré en figure 4 par le diagramme du phytosystème Mais agressé par la pyrale. Le diagramme présente les connaissances essentielles rela­tives aux processus biologiques qui caractérisent la pré­sence des ravageurs des cultures (cycle évolutif, stade de développement), à partir du type de relation que ceux-ci entretiennent avec la plante cultivée. D'autres diagrammes plus complexes montrent également les types de relation que les ravageurs entretiennent entre eux (une mauvaise herbe peut être l'hôte d'un insecte nuisible par exemple). Ces informations sont fondamentales en lutte intégrée car elles permettent de déterminer la pertinence et le type d'intervention à utiliser. Chaque phytosystème possède un ensemble défini de ravageurs qui lui sont habituellement spécifiques ; toutefois, parmi ces ravageurs, ceux qui se développent dans le sol peuvent causer des dommages récurrents à une culture donnée lorsqu'une parcelle est attribuée à celle-ci plusieurs années de suite. Par consé­quent, la présence des ravageurs doit être envisagée dans une perspective qui tient compte du processus de la rotation des cultures.

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... pour atteindre le niveau le plus complexe de description du processus

... relatif aux tâches de protection des cultures

Un diagramme de même nature a été élaboré pour chaque culture impliquée sur une ferme laitière (prairies, pâturages, m a i s , cé réa les à pai l le , g r a m i n é e s et l é g u m i n e u s e s annuelles) afin de mettre en évidence, à travers son impact sur le sol, les avantages et les inconvénients de chaque cul­ture. Un dernier diagramme présente les phytosystèmes et leurs ravageurs à l'intérieur d'un programme idéal de rotation des cultures (voir la figure 5). Ce diagramme constitue le modèle conceptuel du processus qui est à la base de la lutte inté­grée. Il englobe d'ailleurs tous les autres diagrammes. Le niveau de complexité du modèle conceptuel final constitue le degré le plus élevé de compétence à acquérir par l'appre­nant. Cependant, cette acquisition ne peut se faire que de façon progressive ; l'individu confronté, au travers d'activités pédagogiques prévues à cette fin, à des modèles conceptuels de complexité croissante devrait pouvoir intégrer graduelle­ment à sa structure cognitive les schémas nécessaires à l'élaboration d'un modèle mental fonctionnel en situation professionnelle pour appréhender les problèmes de phyto-protection à leur niveau le plus complexe. En fin de forma­tion, l'individu possédant ce schéma devrait être en.mesure de résoudre la plupart des problèmes de phytoprotection pouvant être rencontrés sur une ferme laitière.

Phytosystème

PRAIRIES

Phytosystème

CÉRÉALES Phytosystème

MAÏS

Phytosystème

CULTURES ANNUELLES

Figure 5 - Diagramme d'un exemple de rotation des cultures

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6. POTENTIEL PÉDAGOGIQUE DES MODELES CONCEPTUELS ET APPRENTISSAGES SIGNIFICATIFS DE TACHES PROFESSIONNELLES

une complexification progressive du contenu...

... des diagrammes construits par les élèves...

Dans le contexte de l 'enseignement professionnel, les apprentissages de type procédural font souvent appel à des processus complexes faisant intervenir un ensemble de concepts et principes scientifiques dont la compréhension est nécessaire pour des apprentissages significatifs. Leur pertinence doit cependant être clairement formulée pour l'apprenant. Les modèles conceptuels peuvent faciliter l'inté­gration de ces connaissances en rendant ces éléments expli­cites. Confronté aux composantes d'un modèle conceptuel, l'individu s'élabore un modèle mental fonctionnel ; cepen­dant, la justesse de celui-ci est tributaire de l'acquisition de l'ensemble des connaissances et des schémas sous-jacents au modèle conceptuel. Le modèle conceptuel élaboré par les experts a donné lieu à la conception de diagrammes inté­grant ces diverses connaissances de manière progressive et structurée.

Toutefois, les modèles conceptuels ne peuvent en eux-mêmes permettre des apprentissages significatifs. Pour atteindre ce but, nous pensons qu'ils doivent être introduits dans la formation de façon progressive par le biais des com­posantes dont sont constitués les diagrammes. La force de ces diagrammes résidant principalement dans la manière dont ils présentent le contenu et dans la possibilité qu'ils offrent à l'apprenant de mémoriser celui-ci de façon structu­rée. La construction de diagrammes de complexité crois­sante peut permettre à l'apprenant de repérer, d'assimiler et de s t ruc turer les différentes composantes d 'un modèle conceptuel. Soumise à la progression des élèves à travers le contenu, l'élaboration des diagrammes doit être intégrée à des activités d'apprentissage spécifiques orientées par une dynamique pédagogique particulière. L'approche didactique que nous préconisons est fondée sur une « complexifica­tion » progressive du contenu et nos choix pédagogiques res­pectent cette articulation afin d'exploiter pleinement le potentiel pédagogique des diagrammes techno-scientifiques. Les démarches pédagogiques utilisées doivent viser l'intégra­tion des connaissances pour permettre l'acquisition des schémas nécessaires à l'élaboration de modèles mentaux fonctionnels. Ainsi, nous croyons que les élèves doivent pou­voir d'abord évoquer leurs propres conceptions des contenus et confronter ces représentat ions à celles des modèles conceptuels proposés. Progressivement élaborés, les dia­grammes pourront leur servir de guide à l'intégration d'une connaissance structurée et facilement accessible dans des situations de résolution de problème relatives aux tâches de leur profession. Ce type d'approche didactique, basée sur la confrontation des apprenants à des modèles conceptuels, devrait favoriser l'autonomie de la gestion cognitive de la

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connaissance. Nous croyons que l'enjeu fondamental en enseignement professionnel est de faire cheminer les appre­nants vers le degré d'expertise requis pour l'accomplisse­ment des tâches par une intégration progressive de diffé­rentes compétences à la formation. La compréhension des processus sous-jacents à l'exécution des tâches profession­nelles par confrontation à des modèles conceptuels repré­sentant ces processus nous paraît être la pierre angulaire du développement d'une expertise de ce type.

Louis-Philippe LECLERC, chercheur associé, département de didactique Jacques BESANÇON, directeur du projet, département de didactique Isabelle NIZET auxiliaire de recherche, département de technologie de l'ensei­gnement, Université Laval (Québec)

Remerciements : Les auteurs remercient la contribution des autres membres de l'équipe du projet : MM. Robert Brien, professeur au département de technologie de l'enseignement ; Henri-Paul Therrien, professeur au département de phytologie ; Claude Legault, étudiant à la maîtrise au département de biologie et Maurice Dumont, enseignant à l'école de Ste-Croix de Lotbinière. Cette recherche a été subventionnée par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, Gouvernement du Québec, dans le cadre du programme Recherche Développement pour les Formateurs, projet N° 89-LA : S-02.

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... devrait conduire à l'élaboration de modèles mentaux fonctionnels

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QUELQUES PROBLÈMES POSÉS PAR L'ÉVALUATION DES RAISONNEMENTS

EN SCIENCE CHEZ LES ÉLÈVES

Michelle Dupont

Raisonnement déductif, hypothêtico-déductif, induction, à quelles étapes ces raisonnements interviennent-ils, au cours d'une démarche scientifique ? Quelles difficultés les enseignants rencontrent-Ûs quand ils veulent évaluer, chez leurs élèves, ces activités logiques ? Quels critères retenir ? À quelles difficultés les élèves se trouvent-ils confrontés, quant à eux, quand ils doivent mettre en œuvre ces raisonnements pour résoudre 'un problème'' ? I2n conclusion, ces activités logiques ne sont-elles pas tout particulièrement, du domaine de l'interdisciplinarité ?

la démarche scientifique : quels apprentissages ? Quelle évaluation ?

Dans différents domaines de la connaissance biologique dont les mécanismes ne sont pas encore complètement élu­cidés, et surtout, dans certains cas, quand ces mécanismes commencent à peine à être entrevus, un biologiste est amené à se poser les questions suivantes :

- comment expliquer ce phénomène ? - Quelle(s) est (sont) la (les) cause(s) déclenchante(s) ? - Quels sont les mécanismes d'action mis en jeu ?

Pour essayer de répondre à ces questions, les communautés scientifiques de biologistes suivent une démarche , la démarche scientifique commune à de nombreuses autres communautés de chercheurs, dont on ne retiendra que les grandes étapes, même si, dans la pratique, le déroulement d'une recherche n'est pas toujours aussi linéaire. Comment cette démarche est-elle présentée dans nos lycées et nos collèges ? Dans notre pays, l'enseignement de la bio­logie est resté longtemps de nature descriptive et dogma­tique ; il a profondément évolué depuis une t renta ine d 'années : il s 'est orienté vers un enseignement de la démarche scientifique et des raisonnements qui la sous-ten-dent. Des pratiques et des stratégies pédagogiques nou­velles, mises en place dans le cadre de structures diverses, ont vu le jour ; elles ont très souvent été analysées. Mais qu'en est-U de l'évaluation de ces apprentissages ? Quelles méthodes d'évaluation ? Quels résultats ?

Nous voudrions ici proposer seulement quelques réflexions portant sur certains des obstacles rencontrés par les élèves au cours des activités de raisonnement, et sur les difficultés spécifiques d'une évaluation dans ce domaine. Nous nous appuierons pour cela sur deux exemples précis, une copie d'élève de classe de seconde (voir document 2) et un article paru dans le bulletin APBG n° 4 1988.

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts, INRP. 29, rue dXJlm. 75230 Paris Cedex 05

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les raisonnements ne sont pas spécifiques des disciplines scientifiques

Si les étapes de la démarche scientifique sont communes aux disciplines scientifiques, les activités de raisonnement d'argumentation qui sous-tendent différents aspects de cette démarche scientifique ne sont pas, elles, spécifiques de ces domaines. Les règles de la logique sont générales et sont les mêmes quel que soit le domaine disciplinaire concerné qu'il soit scientifique, philosophique, littéraire, lin­guistique ou... Existe-t-il donc des activités de raisonne­ment spécifiques aux sciences ? A toutes les sciences, sciences pures et dures, sciences exactes, et "aux autres" non exactes ? Les sciences physiques, la chimie et la biolo­gie sont des sciences. Mais, si on ne remet pas en cause la nature scientifique de certaines disciplines comme l'envi­ronnement, la géographie, les sciences humaines , . , on entend souvent dire que les différentes disciplines scienti­fiques ne mettent pas en oeuvre les mêmes activités de rai­sonnement. Pourquoi cette apparente contradiction ? Une science n'est pas caractérisée par tel ou tel raisonne­ment, mais par l'importance prise par l'un d'entre eux, compte tenu de l'histoire de cette science, de son niveau de formalisation. En effet, si le collègue physicien, s'appuyant sur des lois, peut souvent, dans une situation donnée, anti­ciper avec certitude, certains événements, expliquer tel ou tel fait observé, par un modèle explicatif fiable, les collègues de biologie, ou de géographie ou d'économie, ne peuvent le faire que plus rarement. Leur enseignement accordera davantage de place aux méthodes d'observation, à la mise en place de corrélations, à l'élaboration de modèles. Il est vrai que le physicien peut lui aussi proposer des activités d'observation, aider à la construction de modèle, mais le poids des traditions est tel que les programmes restent sou­vent le fidèle reflet du niveau de formalisation atteint par la discipline au cours de son histoire, sans que rien ne vienne y faire contrepoids, et fasse prendre conscience aux élèves de l'unité de la démarche scientifique d'une part, et de la généralité de certaines activités de raisonnement d'autre part.

1. ANALYSE DE DEUX EXEMPLES

premier exemple.

1.1. Une copie d'élève de classe de seconde Cette copie (document 2) est une réponse à l'exercice pré­senté en document 1. Cet exercice a été proposé dans le cadre d'une recherche interdisciplinaire ministérielle (DLC 15), prolongeant les années de mise au point des objectifs de référence en classe de seconde. L'équipe d'enseignants engagée d a n s cette recherche depuis de nombreuses années, avait établi une chronologie et un calendrier très précis des différents apprentissages méthodologiques. Les deux premiers mois de l'année avaient été consacrés aux

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une explication donnée par un élève de seconde

différents langages nécessaires à une prise de données et à leur expression (lecture et réalisation de graphiques, de tableaux e t c . ) . A partir du mois de novembre commençait l'apprentissage des raisonnements. Pour pouvoir évaluer une éventuelle efficacité de ce travail d'apprentissage interdisciplinaire, il était indispensable d'établir, au préalable, les capacités de raisonnement des élèves à leur arrivée en classe de seconde. Un des deux objectifs de l'exercice proposé dans cette classe a donc été de faire le point sur la capacité des élèves à établir un rai­sonnement de type déductif, sollicité par la question "expli­quer ces résultats" (avant tout apprentissage spécifique por­tant sur les raisonnements). Pour être certain que l'absence de connaissance ne vienne fausser la qualité de l'argumen­tation, tous les éléments du savoir indispensable à la réponse étaient donnés dans le texte. Les enseignants s'étaient, par ailleurs assurés que les élèves ne faisaient plus d'erreurs grossières dans la lecture d'un graphique.

Que révèle l'analyse de cette réponse ? Précisons que cette catégorie de copie fait partie des plus nombreuses ! L'élève sait indiscutablement lire des données, exprimer les résultats, mais ne les utilise pas pour un raisonnement. La mise en relation entre la lumière présente pendant la jour­née et la plus grande absorption du dioxyde de carbone n'est pas établie. Au lieu d'expliquer, l'élève "conclut" en paraphrasant la description des résultats, déjà parfaitement réalisée. Que signifiait le terme "expliquer" pour tous les élèves ayant fait la même réponse ?

deuxième exemple...

un article d'enseignants

1.2. L'article du bul let in de l'APBG

Intitulé "Favoriser le développement du raisonnement scienti­fique", cet article développe un certain nombre de points qui nous ont semblé souvent contestables. En renvoyant le lec­teur à une lecture intégrale du texte, nous nous contente­rons ici de citer quelques phrases, qui peuvent être autant de points d'interrogations. "Partant du principe que le raisonnement scientifique est glo­balement unitaire sur le plan philosophique au moins... L'objectif de la recherche est défaire prendre conscience aux élèves d'une classe de seconde que leurs professeurs de matières scientifiques utilisent des démarches communes sur le plan logique. Si les élèves ne semblent pas prendre conscience de cette unité actuellement, c'est essentiellement pour des raisons de pure forme et de terminologie ... Chaque fois que la démarche a été possible, nous sommes partis de données pour aboutir à la suite d'un raisonne­ment construit de façon unitaire soit à :

• un théorème, en mathématiques • une loi, en sciences physiques • une conclusion, en sciences naturelles.''

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Document 1. Test de biologie

A la différence des animaux, les plantes vertes produisent leur matière organique à partir du dioxyde de carbone atmosphérique, de l'eau et des substances miné­rales contenues dans le sol : c'est la production primaire. Les mécanismes qui interviennent dans cette production sont nombreux ; nous nous intéresserons parmi eux, à ceux de la photosynthèse.

Le phénomène de photosynthèse se manifeste par une augmentation de masse de la plante (masse sèche), mais aussi par l'absorption d'un certain volume de dioxyde de carbone, ou le dégagement d'un certain volume de dioxygène. Ces mesures d'échanges gazeux sont faciles à réaliser. On sait que de nombreux facteurs extérieurs influencent l'intensité de la photo­synthèse, et en particulier :

- la température ambiante - la concentration de l'atmosphère en dioxyde de carbone - l'intensité lumineuse.

On réalise l'expérimentation suivante : on mesure la concentration en dioxyde de carbone entre les feuilles des herbes d'un champ pendant 24 heures. L'herbe mesure 85 cm de haut et les mesures sont faites à 40 cm au dessus du sol. Les mesures sont faites en juillet à une époque où les températures noc­turnes et diurnes présen­tent des différences négligeables.

Les résultats de ces mesures sont regroupés dans le graphique ci-contre.

QUESTION

En utilisant toutes les informations contenues dans le texte, expliquez les résul­tats obtenus.

concentration en C02 de l'air volume en ppm

350-

iever du soleil 24 h

coucher du soleil

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Document 2. Copie d'élève

2**6. P>io3« V,'

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existe-t-il UN raisonnement scientifique ?

Ces quelques lignes extraites de l'introduction font immédia­tement s'interroger sur : • N'y a t-il qu'un raisonnement scientifique ? • Quelle différence entre raisonnement et démarche ? • Peut-on aboutir à un théorème, à une loi ? Dans quel

cas ? • Peut-on assimiler conclusion, loi et théorème ?

2 . LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE

la démarche scientifique, succession d'étapes...

qui cherche à répondre â une question, face au réel

Toute l'histoire des sciences montre que, de tout temps, des esprits curieux se sont posé des questions sur le monde réel qui les entourait, ont recherché les lois et les mécanismes qui le régissaient. C'est dans la façon de répondre à ces questionnements qu'on peut définir les caractéristiques de la démarche scientifique. Les réponses ne sont pas données, a priori, en référence à un système de pensée philosophique ou religieux, mais en élaborant un système explicatif ne pre­nant en compte que l'analyse du réel, système explicatif qui doit par ailleurs résister au plus grand nombre possible de confrontations à la réalité, confrontations qui sont imagi­nées puis mises en place par le chercheur en fonction des possibilités techniques du moment. Mais la mise en place de cet état d'esprit ne s'est pas faite facilement. La nécessité de confronter une réponse à la réa­lité du monde, de prendre le réel comme seule référence, n'a pas toujours été une évidence de la pensée. La phrase de Galilée "etpourtant eue tourne," est exemplaire à ce sujet. Quelles sont donc les caractérist iques d'une démarche scientifique ? Sans vouloir figer le travail de recherche scientifique dans un cadre étroit et schématique, ou le réduire à une succes­sion, linéaire ou non, d'étapes bien délimitées, on y retrouve toujours un certain nombre de moments privilégiés où sont p r é s e n t s des r a i s o n n e m e n t s spécif iques. Dans tou te recherche, quel que soit le domaine disciplinaire concerné, on retrouve ainsi un certain nombre de raisonnements com­muns.

2 . 1 . Proposi t ions hypothét iques

A une question nouvelle, et après une analyse approfondie un problème est du domaine concerné, un scientifique va d'abord essayer de posé formuler des propositions hypothétiques. Compte tenu des

spécificités du domaine scientifique concerné, et du niveau des connaissances sur le sujet, ces propositions hypothé­tiques peuvent être de natures diverses ; il peut s'agir : - d'un éventuel facteur causal, pouvant influencer un phé­

nomène ; - d'un mécanisme d'action d'un facteur dont l'influence a

déjà été reconnue ;

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- de l'élaboration d 'un modèle explicatif d ' interactions, modèle qui peut être plus ou moins précis ; dans ce cas, pour être conservé, le modèle élaboré devra avoir fait la preuve d'une certaine fiabilité, c'est-à-dire d'une certaine capacité de prédiction : on parle de modèle prédictif.

des hypothèses ^ c n o i x de ces hypothèses, la conception de ces modèles, sont proposées... échappent à des règles strictes de pensée ou de raisonne­

ment. Cela suppose un travail préalable important d'obser­vations, de mesures statistiques, ... Toutes ces études origi­na les peuvent a lo r s about i r , pa r des r a i s o n n e m e n t s d'induction ou d'analogie, à la mise en évidence de corréla­tions nouvelles, à de nouvelles relations, c'est-à-dire à des propositions hypothétiques.

elles permettent d'anticiper certains événements

2.2. Confrontation de ces propositions au réel observable Quelles doivent être les qualités de ces hypothèses et de ces modèles pour que ces propositions nouvelles soient rece-vables, acceptables par le chercheur ? Il faut avant tout qu'elles soient suffisamment fiables, c'est-à-dire qu'un facteur provoque toujours le même effet dans des conditions données, ou que, dans une situation nou­velle, un modèle permette d'établir, sans risque d'erreur grossière, des anticipat ions dont le degré de précision dépendra bien sûr de celui du modèle. Pour tester la fiabilité de ces hypothèses, pour les valider, les scientifiques vont alors les soumettre à l'épreuve de la réalité. Pour cela, ils vont d'une part, anticiper les conséquences observables de leurs propositions, d'autre part, mettre en place les réalisa­tions expérimentales susceptibles de les mettre à l'épreuve. Il va sans dire, que ces deux activités sont intimement mêlées.

• Anticipation d'effets observables et /ou mesurables

Dans le cadre d'une situation nouvelle qu'ils imaginent, les chercheurs établissent des prédictions de faits qu'on devrait pouvoir observer, ou mesurer, si l'hypothèse est acceptable, ou si le modèle est fiable. C'est-à-dire qu'ils anticipent les effets et les résultats qu'on devrait obtenir, en raisonnant, dans ce cas, par une stricte logique de déduction, en admet­tan t comme "vrai", momentanément , l 'hypothèse ou le modèle : - on admet que ... (énoncé de l'hypothèse comme règle géné­

rale vraie), - donc dans de telles conditions expérimentales... (elles sont

définies), on devrait obtenir tel ou tel phénomène, telle ou telle valeur pour cette grandeur, tel ou tel effet...

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choix des expérimentations les plus pertinentes

résultats non conformes : on rejette l'hypothèse

résultats conformes : on ne fait que garder l'hypothèse

• Réalisations des expérimentations-tests et recueil des résultats

Les chercheurs réalisent alors les diverses expérimentations envisagées au cours des anticipations théoriques. L'enregistrement et l'analyse des résultats obtenus sont des facteurs extrêmement importants ; la finesse des observa­tions qualitatives, la précision des mesures, mais aussi leur degré de relativité sont essentiels pour une analyse correcte des résultats (tableaux, graphiques, histogrammes...). Il est sans doute artificiel de séparer ce moment de l'expéri­mentation, du précédent, mais cela permet de mettre en relief toute l'importance du choix de l'expérimentation. Ce choix dépend avant tout de l'imagination du chercheur, de l'originalité des situations expérimentales retenues, des avancées dans les autres disciplines et en particulier des niveaux technologiques de l'époque : la poursuite de la recherche dépendra de ces résultats. Il est important de faire remarquer que toutes les expéri­mentations envisageables ne sont pas toujours réalisables ! C'est le cas en géologie et en environnement par exemple, ou alors, pour des raisons d'ordre éthique, en physiologie humaine ou en psychologie. Des méthodes autres que celles de l'intervention expérimentale sont alors utilisées.

• Confrontation des résultats expérimentaux aux conséquences prévues

Deux cas peuvent alors se présenter. - Premier cas Les résultats expérimentaux obtenus sont contraires aux prédictions (c'est-à-dire non conformes aux prédictions) : il n'y a aucune ambiguïté, on a prouvé que l'hypothèse était fausse, que le modèle n'était pas adapté, bref que la propo­sition est à rejeter, à modifier ou à compléter. Il arrive que des expérimentations ultérieures montrent que, en réalité, l 'hypothèse était acceptable, et que seule la conséquence observable était à rejeter. Mais, cela ne remet pas en cause la rigueur du raisonnement ! Si la consé­quence observable est à rejeter, c'est que l'implication qui la déterminait était elle-même mal formulée ou reposait, par exemple, sur une hypothèse supplémentaire implicite. - Deuxième cas Les résultats expérimentaux obtenus sont conformes aux prédictions. Là, réside une difficulté : en effet cela ne veut pas dire que l'hypothèse est vraie, ou que le modèle reflète bien la réalité des mécanismes intervenant dans le phéno­mène étudié. Rien n'a été prouvé. Les scientifiques se contentent de dire que l'hypothèse est validée par l'expérience, que le modèle est acceptable, dans telles et telles conditions, à telle date, e t c . . mais il n'y a aucune certitude, aucune preuve.

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domaine de validité d'un modèle

Les scientifiques continuent à expérimenter, c'est-à-dire continuent à imaginer de nouvelles situations et savent que cette hypothèse ou que ce modèle peuvent être rejetés ou modifiés à plus ou moins long terme ! C'est le cas, par exemple, de différents modèles en cours actuellement pour envisager l'évolution de notre environnement ou de la bio­sphère : teneur en C02, fonte des glaces...

2.3. Dernière étape Il est diffìcile de qualifier cette étape qui n'est que transitoire dans l'histoire des sciences. En effet, à un instant de l'his­toire de la communauté scientifique, une hypothèse donnée, un modèle affiné, semble avoir "résisté" à toutes les expéri­mentations possibles : les différents chercheurs ne sont pas arrivés à les rejeter ; les prédictions qu'ils permettent d'éta­blir sont fiables à une échelle donnée. Dans ce cas, ces modèles, ces mécanismes, qui ont une valeur explicative et prédictive fiable, sont admis comme provisoirement "vrais". Ils deviennent des "lois", mais seulement dans des domaines de validité déterminés ceux où ont eu lieu les expérimenta­tions. Aucune généralisation, aucune extension à d'autres échelles n'est acceptable !

trois types de raisonnement

2.4. Démarche et raisonnements Nous avons déjà dit que la logique n'était pas l'apanage des activités scientifiques. Mais il est difficile de proposer une réflexion sur les obstacles que rencontrent les élèves dans leurs raisonnements en sciences, et sur les difficultés qu'il y a à évaluer avec quelque rigueur leurs capacités intellec­tuelles dans ce domaine, à repérer avec méthode quelques-unes de leurs erreurs, sans situer ces raisonnements au sein de la démarche scientifique. En retenant donc le terme de démarche scientifique pour l'ensemble des activités permettant l'élaboration de propo­sitions nouvelles et leur confrontation au réel, nous garde­rons le terme de raisonnement pour l'une des activités l o g i q u e s qui s o u s - t e n d telle ou telle é t ape de cet te démarche. Trois types de raisonnement sont particulièrement utilisés. - Le raisonnement catégorico-déductif qui permet la mise

en oeuvre d'un modèle fiable, qui permet des activités d'anticipation certaines.

- Le raisonnement hypothético-déductif (test d'hypo­thèse) indispensable à toute expérimentation cherchant la validité d'un modèle, son degré de fiabilité.

- L'induction i n t e rvenan t d a n s tou te é labora t ion de modèles nouveaux, ou dans l'amélioration de modèles déjà existants.

Qu'en disent les logiciens ?

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3 . RAISONNEMENT DÉDUCTIF

C'est le raisonnement mis en oeuvre par tout un chacun, qui applique une règle générale à un cas particulier, qui anticipe les effets provoqués par une cause. Mais les règles de la logique sont strictes et le simple maniement du voca­bulaire à met t re en oeuvre est une source importante d'erreurs.

3 . 1 . Logique c lass ique (Arlstote)

Elle est symbolisée par le syllogisme déductif bien connu : Tous les hommes sont mortels (règle générale) Or Socrate est un homme (cas particulier) Donc Socrate est mortel (conclusion)

ensemble des mortels

ensemble des

hommes

Socrate

le sophisme : Une des difficultés de l'application de ce type de syllogisme "seuls" ne signifie réside dans l'emploi du mot "tous". Pris dans un sens diffé-pas "tous" rent , celui de "seuls", cet te formulat ion condui t a u

sophisme. Dire, par exemple :

Tous les hommes sont mortels Or Socrate est mortel Donc Socrate est un homme

n'est pas un syllogisme déductif. Pour que la conclusion soit valide, il faudrait que "seuls" les hommes soient mor­tels, ce qui n'est pas le cas.

3 . 2 . Logique moderne , logique symbol ique

Formelle comme la logique classique, cette logique se carac­térise par son symbolisme. Mais elle met aussi l'accent sur la différence essentielle qui existe entre la validité d'un rai­sonnement et la vérité d'une proposition.

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• Validité d'un raisonnement et vérité d'une proposition

Dans l'introduction de son ouvrage, "Logique moderne'', J.B. Grize définit très bien, à partir de deux exemples, la distinction fondamentale qui existe entre contenu d'une pro­position et forme du raisonnement. Raisonnement 1 :

Si les souris sont des hommes et si les hommes ont des plumes alors les souris ont des plumes.

Raisonnement 2 : Si les souris sont des vertébrés et si les mammifères sont des vertébrés, alors les souris sont des mammifères.

Grize analyse ainsi ces deux exemples : la conclusion "La conclusion du premier raisonnement est une proposition peut être vraie et fausse en ce sens que la zoologie contredit l'affirmation que le raisonnement les souris ont des plumes. En revanche, la conclusion du faux second raisonnement est vraie, les souris sont, en effet, des

mammifères. Toutefois le raisonnement 1 est correct et le rai­sonnement 2 ne l'est pas. Si tous les A sont B et si tous les B sont C, on peut toujours affirmer que tous les A sont C. Mais si tous les A sont C et si tous les B sont C, on ne peut garan­tir, en général que tous les A sont B. Ainsi faut-il distinguer la vérité d'une proposition ... et la vali­dité ou la correction d'un raisonnement qui est une question de pure logique. "

• Les symboles

Un raisonnement est décomposé en propositions, symboli­sées par des lettres p, q,m... reliées par des liaisons logiques ou connecteurs logiques. Comme l'écrit M.L. Roure dans le chapitre 2 de son ouvrage "Eléments de logique contemporaine'', "cette logique (logique des propositions) n'a pas à connaître quelle est, en fait, la valeur de vérité des propositions dont elle s'occupe ; il lui suf­fit de savoir que chacune d'elles peut être vraie ou fausse et ne peut être que vraie ou fausse''. Ainsi, pour déterminer les formes de raisonnements valides, quelle que soit la valeur de vérité des propositions qui les composent, les logiciens modernes ont mis au point plu­sieurs méthodes : parmi elles, celle des fonctions de vérité est la plus simple ; c'est la seule que nous utiliserons ici.

• Les fonctions de vérité

Nous citerons à nouveau M.L Roure : "cette méthode consiste à déterminer la valeur de vérité d'une proposition complexe à partir de celle des propositions-arguments, compte tenu de la nature de leur opérateur, c'est-à-dire du lien logique qui les relie".

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les connecteurs, liens logiques...

Soit les deux propositions élémentaires "Ü pleut" et "Ü fait froid" (exemples empruntés à l 'ouvrage de R. Blanche "Introduction à la logique contemporaine"). Ces deux proposi­tions peuvent être combinées en une seule proposition com­plexe de diverses manières selon le lien logique qui les asso­ciera. Ces l iens sont des c o n n e c t e u r s (on dit a u s s i opérateurs). Trois connecteurs ont un rôle important. L'opérateur ET qui exprime la conjonction ; la proposition complexe qui en résulte (Ü pleut et Ü fait froid) n'est vraie que si les deux propositions élémentaires sont vraies. Le connecteur OU qui exprime la disjonction ; la proposi­tion complexe qui en résulte (il pleut ou il fait froid) n'est fausse que si les deux proposit ions élémentaires sont fausses toutes les deux. Le connecteur SI ... ALORS qui exprime l'implication ; la proposition complexe (s'il pleut alors il fait froid) n'est fausse que si la première proposition (antécédent) est vraie et la deuxième (le conséquent) est fausse.

P V

V

f

f

q V

f

V

f

p.q

V

f

f

f

P V

V

f

f

q V

f

V

f

pvq

V

f

V

f

p V

V

f

f

q V

f

V

f

p D q V

f

V

V

Conjonction Disjonction Implication

La valeur de vérité des propositions complexes formées par associant des ces conjoncteurs dépend ainsi de la valeur de vérité de cha-propositions cune des propositions élémentaires selon des règles strictes. élémentaires en Le symbolisme p (qui se lit "non p") exprime la négation, une proposition "NON" n'est pas un connecteur puisqu'il ne relie pas deux complexe propositions élémentaires, mais un opérateur qui agit sur

une seule proposition ; la fonction de négation a toujours une fonction de vérité opposée à celle de la proposition ini­tiale.

3.3. Mise en oeuvre du raisonnement déductif L'implication est une des formes de la logique contempo­raine qui sert de fondement à la déduction. Avec le symbo­lisme que nous venons d'exposer, ce raisonnement peut s'écrire de deux façons différentes, mais ayant même signifi­cation : Si p alors q ce qui peut s'écrire aussi : p D q il y a p ce qui peut s'écrire aussi : p

donc il y aura q ce qui peut s'écrire aussi : q

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On utilise ce raisonnement dans le cadre de l'application d'une règle, d'une loi, à une situation donnée. Dans ce cas la proposition p n'est pas une hypothèse. On est certain que selon la règle donnée par p, q se produira.

déduction, Ce type d'implication est mis en oeuvre chaque fois qu'une modèle, loi. qu 'un modèle fiable, permet d'expliquer un résultat explication, expérimental, d'anticiper les résultats d'une action, dans anticipation une situation expérimentale définie (modèle prédictif).

Par exemple, dans u n circuit électrique contenant une ampoule électrique, correctement monté et où tous les élé­ments sont en état de marche :

si on ferme le circuit alors l'ampoule s'allumera (d'après la règle...).

Au contraire, si dans ce circuit on introduit un élément non conducteur, alors l'ampoule ne s'allumera pas, même si le circuit est fermé (d'après la même règle). La formulation de la règle à appliquer, dépend bien sûr du niveau de l'élève.

4 . RAISONNEMENT HYPOTHÊTICO-DÉDUCTIF

4.1. Deux étapes caractérisent ce type de raisonnement

• Première étape

On établit une implication de même type que la précédente. Il s'agit d'une proposition conditionnelle où l'antécédent p est cette fois hypothétique. Mais ce statut hypothétique ne modifie en rien la valeur de la proposition complexe si p alors q. S'appuyant sur cette implication, le scientifique recherche diverses situations expérimentales permettant d'établir p et il analyse les résultats pour les confronter au conséquent q théorique : cette confrontation est la deuxième étape.

• Deuxième étape

On confronte les résultats expérimentaux et le conséquent q de l'implication. Deux cas sont possibles. - Les résultats sont conformes à q.

On ne peut rien dire ! Rien n'est prouvé ! La re la t ion d ' impl ica t ion n ' e s t p a s r éc ip roque , et q n'implique pas p. Ces confrontations ne sont quand même pas inut i les . L 'augmenta t ion du nombre de r é su l t a t s conformes à une implication, quand on multiplie les situa­tions expérimentales, augmente la probabilité de l'hypo­thèse. On dit que de nouveaux résultats valident, confortent l'hypothèse. La difficulté de l'emploi de l'implication réside dans le fait qu'il ne s'agit pas d'une relation réciproque. La certitude

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une relation d'implication n'est pas une relation d'équivalence

d'avoir q quand on a p, n'implique nullement celle d'avoir p quand on a q. La confusion est fréquente entre implication et équivalence. En effet, l'implication p r> q permet d'établir q quand on a p, elle ne permet nullement d'établir p quand on a q . Au contraire, une relation d'équivalence permet d'établir à la fois que p z> q et q D p. ce qui s'écrit p <=> q

Nous abordons là le problème de la recherche des causes. Reprenons l'exemple précédent : si on ferme le circuit, alors l'ampoule s'allumera (tous les éléments ont été testés). Dans une autre situation, au contraire, où tous les constituants et les contacts n'auraient pas été testés, si l'ampoule ne s'allume pas, alors rien ne prouve que le circuit ne soit pas fermé. L'ampoule peut être défectueuse, ou un contact mal établi. - Les résultats ne sont pas conformes à q.

On rejette l'hypothèse Le raisonnement est rigoureux et sans appel. Quelle que soit la valeur de vérité des propositions élémentaires, l'ensemble des opérations logiques qui donne un rejet d'hypothèse est une tautologie, c'est-à-dire un ensemble vrai dans tous les cas (voir document 3).

4.2. Analyse d'un exemple en biologie Cherchant à connaître les facteurs conditionnant la germi­nation d'une graine, on peut poser comme implication hypo­thétique préliminaire : dans un milieu contenant l'eau et tous les éléments nutritifs nécessaires à la germination des graines

s'il y a de la lumière, alors les graines germent. Si p alors q

Plusieurs expérimentations sont alors possibles. On établit p et on obtient q bien sûr ! (les graines germent). Mais on n'a pas prouvé que les graines avaient besoin de lumière pour germer ! Mais si, par contre, on pose une autre implication initiale telle que : si on supprime la lumière, alors les graines ne germent pas. Si P alors Q

Dans ce cas, l'expérimentation mise en place avec p donne des résultats q (les graines germent toujours) non conformes cette fois au conséquent prévu . On rejette l'hypothèse.

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Document 3. Le rejet d'hypothèse est une tautologie

On peut résumer le raisonnement hypothético-déductif, dans le cas du rejet de l'hypothèse mise à l'épreuve, par la formule suivante :

[05=5) implication

hypothétique

M pz>q

expérimentation implique négation (rejet) de l'hypothèse

confrontation

On analyse successivement la valeur de vérité de chaque composant, en envisa­geant tous les cas possibles :

1. Implication hypothétique :

2. Expérimentation :

P

V V F F

~P

V V F F

q

V F V F

i F V F V

(/>=>*)

V F V V ©

(?•<?) F V F F ©

3. Confrontation :

ce qui revient au même que de dire

(p^q)

V F V V

(p*q) F V F F

(pz>q) . (p.q)

F F F F ©

4. Tautologie :

© négation de ©

[(p^q) . (p.q)]

®

p^>q F V F _

[( )•( ) ] ( ~ V V V V

Remarque : Le raisonnement par l'absurde des mathématiciens est un raisonnement de ce genre. En effet les mathématiciens considèrent dans ce cas, comme dans tous leurs rai­sonnements, que l'hypothèse est vraie au départ. Le déroulement de la démonstration les conduit à une conséquence qui est fausse. Ils rejettent donc cette hypothèse.

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4.3. Amélioration d'un modèle Il n'est pas toujours possible d'avoir des interventions expé­rimentales, particulièrement dans certains domaines (géolo­gie, environnement, physiologie...) mais le principe du test d'hypothèse reste identique. Dans ces domaines, on élabore un modèle, forcément réduc­teur dans un premier temps, et on anticipe des résultats. Ces anticipations sont alors confrontées à des situations naturelles exceptionnelles (catastrophe par exemple) ; le modèle est soit abandonné, soit conservé et amélioré.

5 . L'INDUCTION ET LE RAISONNEMENT PAR ANALOGIE

l'induction permet l'élaboration de nouveaux modèles

5.1. L'induction Elle est souvent considérée comme une activité mentale opposée à la déduction, permettant de "remonter" des faits, ou des cas particuliers à une règle générale. Mais, alors que la déduction, qu'elle soit classique ou contemporaine, obéit toujours à des règles strictes, une induction n'est pas une activité mentale codifiée ! L'histoire des sciences abonde en exemples montrant l'extrême diversité des démarches qui ont abouti à la construction d'un modèle nouveau, à l'idée d'une influence nouvelle... : analyse de banques de données, études statistiques, mise en évidence de corrélations, ... autant de chemins qui conduisent à de nouvelles proposi­tions. Le risque majeur dans ce cas, est la généralisation abusive. La notion de "limite de validité" du modèle proposé est fon­damentale : - limites dues aux conditions expérimentales, - limites dues à l'échelle (échelle macroscopique des études

phénoménologiques, échelle cellulaire ou intracellulaire, voire moléculaire des mécanismes envisagés).

un raisonnement par analogie repose sur des activités de comparaison

5 .2 . Le ra i sonnement par analogie

Il consiste à utiliser un modèle fiable et reconnu pour un domaine donné, dans un domaine de connaissance tout à fait différent. Nous n'insisterons pas sur les difficultés à mettre en oeuvre ce type d'activité, qui repose essentielle­ment sur une mise en correspondance étroite, point par point, des deux domaines concernés. Il s'agit donc d'une activité de comparaison. Si les correspondances entre les divers éléments des deux modèles sont correctement éta­blies, il n'y a plus ensuite qu'un strict raisonnement de déduction qui s'effectue dans le nouveau domaine. On a conçu, par analogie, un modèle hypothétique, qu'il reste alors à mettre à l'épreuve de la réalité.

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6. ANALYSE DE QUELQUES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES ÉLÈVES ET LES ENSEIGNANTS

Tous les enseignants en sciences sont confrontés aux diffi­cultés que rencontrent les élèves quand ceux-ci doivent résoudre un "problème" en sciences expérimentales.

d'où peuvent On peut s'interroger sur l'origine de ces difficultés qui venir les erreurs sont révélées par des "erreurs" de raisonnement rencontrées rencontrées dans dans les copies. les copies ? _ sont-elles de nature épistémologique, c'est-à-dire liées à la

discipline, à son degré de formalisation, de modélisation du domaine scientifique concerné, (nous nous limiterons, dans ce cas au seul domaine de la biologie) ?

- Sont-elles de nature pédagogique, c'est-à-dire liées à l'ins­trument d'évaluation, c'est-à-dire au contenu, à la forme du problème, au libellé des questions ? S'agit-il de difficultés liées aux stratégies d'apprentissage des "méthodes" de résolution de problème, quand elles existent, ou bien à l'absence d'un apprentissage spécifique de cette activité ?

- Ces erreurs sont-elles réellement des difficultés que ren­contrent les élèves dans la mise en oeuvre des différents raisonnements, ou bien ne sont-elles que des artefacts liés aux instruments d'évaluation et surtout aux méthodes utilisées, en particulier aux grilles d'analyse ?

Mais, comme préalable à toute cette réflexion, il faut poser la question, "qu'est-ce qu' évaluer ?" Nous traiterons donc d'abord des difficultés rencontrées par les enseignants dans l'acte d'évaluation des réponses d'élèves, quand il s'agit de centrer cette évaluation sur la seule activité logique. Puis nous envisagerons quelques origines possibles des erreurs rencontrées chez les élèves, d'ordre pédagogique et d'ordre épistémologique.

6.1. Difficultés liées à l'évaluation Est-il possible d'évaluer une capacité de raisonnement, une activité intellectuelle de logique, sans risque d'interférence avec le contenu scientifique, le savoir à traiter ? Nous vou­drions d'abord expliciter ce que nous entendons par "éva­luer".

• Qu'est-ce qu'évaluer ?

Nous reprenons pour cela la thèse développée par J.M. Barbier dans son ouvrage "L'évaluation en formation''. Pour cet auteur l'évaluation ne doit porter que sur un contenu qui a fait l'objet d'un apprentissage. Il est donc fondamental de distinguer un acte d'évaluation, d'un test diagnostic.

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un acte d'évaluation est postérieur à un apprentissage

évaluer c'est d'abord fixer une liste de critères de réussite

- Un test diagnostic permet de repérer chez des élèves, telle ou telle connaissance, telle ou telle activité avant tout acte d'apprentissage. Ce test essaie de faire le point sur le "niveau" que possèdent les élèves d a n s un domaine donné, sur telle ou telle capacité. C'est le cas de l'exercice présenté dans la première partie.

- Un acte d'évaluation, au contraire, permet à l'enseignant de vérifier le degré d'acquisition par l'élève d'une connais­sance, d 'une méthode, d'un raisonnement , bref d 'un savoir qui vient de faire l'objet d 'un ou de plusieurs apprent i ssages . Cet acte d'évaluation est donc pour l'enseignant un moyen d'évaluer si l'objectif pédagogique fixé est atteint, complètement, partiellement, ou pas du tout. Cette même évaluation est l'occasion, pour l'élève de mettre en oeuvre une capacité nouvelle et donc, de faire le point sur une nouvelle acquisition.

Mais, dans notre enseignement, a-t-on réellement une tradi­tion d'apprentissage des activités intellectuelles de raisonne­ment indépendamment d'un contenu scientifique ? Est-ce réaliste ? Est-ce souhaitable ? Nous ne traiterons pas ici de ce problème aigu. Il est évident qu'il ne peut être dissocié de l'acte d'évaluation.

• Quel instrument d'évaluation ?

Qu'il s'agisse d'un test diagnostic, ou d'un acte d'évaluation, comment repérer les "erreurs" ? Comment porter un juge­ment ? Quelle grille d'analyse utiliser ? Nous reprendrons à nouveau les positions de J.M. Barbier. "Evaluer une production, c'est produire unjugement de valeur sur cette production selon une échelle de valeurs qui comporte obligatoirement au moins deux positions". "L'évaluation peut être globale ou synthétique, ou encore ana­lytique quand les indications sont données sur les différents critères en fonction desquels la production a été jugée". En nous référant à ces points de vue, comment juger d'une capacité de "déduire" ou encore d'établir un raisonnement hypo thé t i co -déduc t i f ? Quels c r i t è r e s de r é u s s i t e retenir 7Voici un essai de grille d'analyse (document 4) mise au point par l'équipe interdisciplinaire du lycée F. Villon, pour le raisonnement déductif, ce qui peut correspondre pour un élève à une activité "expliquer" du texte diagnostic présenté dans le document 1.

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Document 4. Grille d'analyse d'un raisonnement déductif

ÉLÈVES

Prise en compte des données pertinentes

REPÉRER le consé­

quent

- c o n c l u ­sion

- résultat - situation

finale - l'effet

lien logique

- la cause - le théo­

rème - la loi

les condi­tions de départ

- hypothèse mathéma­tique

- condition e x p é r i ­mentale

- situation initiale

Démarche

argumenta­tion

enchaîner les 3 don­nées

expression vocabulaire syntaxe

correct incorrect

Autres

comment évaluer la logique et la rigueur d'une argumentation ?

6.2. Difficultés de nature pédagogique Nous n'aborderons pas ici l'analyse des différentes stratégies d'apprentissage possibles. Nous nous limiterons à quelques réflexions concernant des erreurs pouvant être liées à l'acti­vité proposée à l'élève, c'est-à-dire à la situation-problème qu'on lui demande de résoudre. Et nous nous limiterons aussi à la seule activité, papier crayon.

• Situation problème à résoudre

On appellera "situation problème" à résoudre, toute présen­tation de protocoles expérimentaux, avec ou sans les résul­tats obtenus ; ces résultats sont donnés ou non, en fonction des activités logiques que l'on souhaite faire exécuter aux élèves. C'est l'activité traditionnelle qu'on rencontre dans les évaluations en situation d'enseignement, dans les manuels scolaires et aux examens. Ces activités sont prévues pour tester , chez les élèves, l 'acquis de tel ou tel concept, modèle... Nous ne nous intéresserons ici qu'aux seules acti­vités permettant une évaluation des capacités à mettre en oeuvre une argumentation logique portant sur des connais­sances ayant déjà fait l'objet d'un apprentissage bien déter­miné.

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Quelles activités demander aux élèves ? Quelles produc­tions attendre d'eux ? Quels questionnements formuler dans les exercices ? Comment libeller les questions pour expliciter au maxi­mum l'activité attendue ?

• Catégories d'erreurs

Une analyse des réponses des élèves montre que certaines erreurs sont dues, par exemple, au contenu scientifique du texte, alors que d'autres semblent dépendre de la formula­tion des questions. - Importance des échelles Une situation-problème - conditions expérimentales et résultats - est souvent exposée sous un aspect phénoméno­logique, alors que le questionnement entraîne des raisonne­ments, déductif ou hypothético-déductif, à une toute autre échelle, cellulaire, ou infracellulaire. L'élève peut très bien ne pas faire une erreur de logique, mais une erreur d'appré­ciation du niveau où il doit établir les relations de causalité, que celles-ci soient à exprimer avec certitude, ou bien qu'elles ne soient à proposer que de façon hypothétique.

des erreurs sont ' Importance du vocabulaire liées au libellé Evaluer la capacité d'un élève à établir correctement un rai-des questions sonnement, suppose tout d'abord que la capacité à évaluer

soit clairement exprimée : un certain nombre de mots sont ainsi à éviter, comme "interpréter", "commenter", "qu'en pensez-vous ? " . . . Il est possible, par contre, de libeller les questions en fonction de la nature du raisonnement que l'on souhaite voir mettre en oeuvre par l'élève. . Pour un raisonnement déductif On peut donner un ou plusieurs résultats expérimentaux et demander de les expliquer, compte tenu des conditions expérimentales exposées. On peut aussi, ne donner que les conditions expérimentales, et, dans certains cas , t rès simples, demander de prévoir telle ou telle évolution, telle ou telle orientation. Il est très important de ne proposer que quelques pistes de recherche, de limiter très clairement le domaine des conséquents, pour éviter aux élèves toute dérive entraînant des erreurs liées, non pas à un excès d'imagination, mais à un manque de connaissances. Il est, dans tous les cas plus rigoureux de demander une explication concernant un ou des résultats, de retrouver la loi ou le modèle qui s'applique à une situation expérimen­tale, que d'envisager une prévision, une anticipation d'évé­nements . Le "vivant" est tellement déconcertant, et les modèles connus tellement réducteurs !

. Pour un raisonnement hypothético-déductif Proposer une ou plusieurs hypothèses est une activité extrê­mement motivante pour les élèves. Leur imagination est sans limite, et souvent astucieuse. Mais comment évaluer la "valeur" de ces hypothèses, indépendamment du contenu scientifique, ou de la faisabilité d'une expérimentation adé­quate ?

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Il n y a pas de règle en matière d'induction , pour la mise en place d'un modèle. On peut cependant vouloir insister dans son enseignement sur la cohérence d'un nouveau modèle avec les connaissances du moment, ou bien sur l'intérêt scientifique à rechercher une hypothèse simple, facile à tes­ter expérimentalement. Faut-il pour autant s'interdire tout questionnement à ce sujet ? S'il apparaît difficile d'évaluer, dans une réponse, la qualité d'une proposition d'hypothèse, on peut, par contre, deman­der de rejeter une (ou plusieurs) hypothèses. Pour cela l'élève doit avoir la possibilité de confronter plusieurs hypo­thèses à des résultats expérimentaux donnés : on peut lui demander de choisir l'hypothèse à rejeter, en en confrontant plusieurs à des résul tats expérimentaux. On peut juger ainsi de la capacité de l'élève à apprécier la conformité ou la non conformité d 'un résu l ta t avec le conséquent d 'un modèle. Tirer une ou plusieurs "conclusions" de confronta­tions expérimentales rentre dans ce cadre. Une erreur fré­quente constatée dans ce cas est la confusion entre cette conclusion (rejet d'une hypothèse) et explication.

'l'absence de l'effet implique celle de la cause"

la cause supprimée, peut se poursuivre

'effet

6 . 3 . Obstacles d'ordre épis témologique

Ces obstacles sont nombreux en biologie, mais en se réfé­rant essentiellement aux réflexions que C. Debru développe dans son ouvrage "La neurophilosophie du rêve", seuls quelques-uns d'entre eux seront abordés.

• La causalité en biologie

" La difficulté d'établir des relations de causalité par la méthode expertmentale est double. Elle tient à des limitations de nature logique, mais également à la complexité des sys­tèmes physiologiques étudiés". Une relation de "cause" à "effet", peut-elle se réduire à une relation de type "si...alors..."? Peut-on réduire la causalité d'un phénomène biologique à une implication logique ? Voici la position de C. Debru : "Contre le sens commun qui tend à confondre lien logique d'implication et influence causale... on doit admettre que la suppression d'une condition suffisante n'entraîne pas néces­sairement la disparition de l'effet... Ce qui est vrai alors c'est l'énoncé inverse, l'absence de l'effet implique celle de la cause''. Par ailleurs "la complexité des phénomènes biologiques fait que la relation de cause à effet n'est pas toujours une relation d'antécédent à conséquent au sens temporel de ces termes. En effet, la cause supprimée, l'effet peut se poursuivre". Cette même complexité est à mettre aussi en relation avec l'action conjointe des causes. "On peut distinguer deux cas dans l'action conjointe des causes : celui où les causes produisent les mêmes effets que si elles agissaient isolément, celui où la conjonction des

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causes fait apparaître des effets nouveaux. Dans le premier cas, les effets s'ajoutent ou se retranchent, Us sont additifs.

ies |ois Dans le second cas, l'apparition de phénomènes nouveaux, biologiques sont en général dus à la création de nouvelles interactions, per­des lois turbe l'additivitê... Les systèmes biologiques ne permettent complexes pas de vérifier une proportionnalité simple, monotone, linéaire

de l'effet à la cause. Ce sont des lois complexes, souvent non linéaires, qui président au comportement des systèmes biolo­giques.''

• Les limites de l'expérimentation en biologie

Expérimenter s u r le "vivant" entra îne par ailleurs des contraintes irréductibles. "L'utilisation du chat pontique comme préparation sur laquelle on teste les effets de diffé­rents cocktails d'hormones se heurte à la difficulté de disso­cier les effets, c'est-à-dire, d'une part, d'obtenir une survie sans sommeil paradoxal et, d'autre part d'obtenir , si l'on peut dire, un sommeil paradoxal sans survie. H est malheu­reux sans doute, pour la démonstration, que V on ne puisse obtenir un sommeil paradoxal sans survie. La physiologie expérimentale ... se heurte ici à un véritable mur... De nombreux facteurs sont actifs sur le sommeil para­doxal, mais la cause déclenchante reste inconnue''.

• Conséquences sur l'enseignement de la biologie

Nous n 'en proposerons que deux, mais il y en a bien d'autres ! - Biologie et logique L'objet d'étude de la biologie, le vivant, semble ainsi échap­per par sa complexité à la rigueur de la logique pure. Il est certain que le biologiste est souvent confronté dans ses expérimentations à des valeurs au t res que celles de la rigueur de l'implication, c'est-à-dire à toutes les valeurs humaines. C'est ce qui fait la richesse de notre science, qui doit respecter, les règles de la logique, sans faillir à celles de l'éthique des sociétés humaines. - Biologie et affectivité Au niveau individuel, il ne faut pas négliger, l'impact psy­chologique que représente, surtout pour les jeunes élèves, l 'expérimentation chez l 'animal, même quand il s'agit d ' e x p é r i m e n t a t i o n s avec s i m u l a t i o n s in format i sées . Ajoutons-y les nombreux problèmes d'éthique humaine que nous venons d'évoquer, et nous aurons encore élargi l'éven­tail des difficultés que rencontrent nos élèves quand ils doi­vent raisonner en biologie.

CONCLUSION

L'évaluation des capacités de raisonnement en sciences expérimentales, et plus particulièrement en biologie, pose aux enseignants, comme aux chercheurs en didactique, de

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nombreux sujets de réflexions. Nous ne poserons en conclu­sion que deux questions, qui nous semblent prioritaires. - Plus personne certes, ne remet en cause l'importance des

objectifs méthodologiques dans un enseignement scienti­fique. Mais comment évaluer avec rigueur les acquis dans ce domaine ? Quels critères retenir ?

- Concret et abstrait : comment, à notre époque, compte tenu du niveau moléculaire d'un nombre de plus en plus grand de modèles biologiques, passer du domaine obser­vable, du phénomène à l'échelle du perceptible, au méca­nisme explicatif, qui lui, se situe au niveau cellulaire et moléculaire ?

S'il semble, par ailleurs, possible d'approcher ponctuelle­ment une capacité de raisonnement, il paraît en revanche bien illusoire de penser pouvoir évaluer chez un élève la capacité à franchir les différentes étapes d'une démarche expérimentale qui se caractérise par son cheminement buis-sonnant. Faut-il pour autant s'interdire tout objectif pédago­gique dans ce domaine ? Certainement pas . Mais il est important de dissocier ce qui appart ient aux stratégies d'apprentissage et ce qui relève de l'évaluation.

les activités de Un dernier point enfin est l'aspect indiscutablement inter­raisonnement disciplinaire de ces activités de raisonnement, activités qui sont des activités débordent évidemment les domaines scientifiques. En effet, interdisciplinaires une réflexion interdisciplinaire menée actuellement dans ce

domaine, par l'équipe interdisciplinaire du lycée François Villon fait apparaître l'urgence d'une recherche structurée à ce sujet. Pour ne citer qu'un exemple, l'étude de l'emploi du mot "expliquer" dans les questionnements, est riche d'enseigne­ments. Si le sens même du terme n'est remis en cause par a u c u n e discipline (sciences expér imenta les , sc iences humaines, lettres), si le raisonnement qu'il implique est tou­jour s admis comme étant de type déductif, il appara î t cependant que l'emploi du mot "expliquer" dans un exercice quelle qu'en soit la nature, littéraire ou scientifique est très ambigu pour les élèves... et souvent pour les enseignants eux-mêmes. Ce mot en effet peut souvent solliciter des acti­vités différentes ! Selon l'enseignant e t /ou les disciplines l'élève devra, pour répondre "correctement" à une question formulée dans les mêmes termes, choisir entre trois activités (ou même davantage) :

- rechercher une ou plusieurs causes, - appliquer un "modèle" à un cas particulier, - expliciter le modèle adéquat dans une situation

donnée... Le "bon élève" ne tombe pas dans les pièges que posent tous ces implicites. Mais les autres ?

Michelle DUPONT Lycée François Villon Paris

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ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

LOGIQUE

BLANCHE R. Introduction à la logique contemporaine A. Colin Col. U2.

GRIZE J.B. Logique contemporaine, Gauthiers Villars, Paris (épuisé).

ROURE M.L. Eléments de logique contemporaine, PUF.

ÉVALUATION

ALLAL L., CARDINET J., PERRENOUD P. L'évaluation formative dans un enseignement différencié, Berne, Peter Lang, 1981.

BARBIER J.M. L'évaluation en formation, PUF, 1985.

Pratiques n°44 Décembre 1984, Collectif d'enseignants, Metz.

Travailler en équipe au lycée ; des outils pour agir, Ministère Education nationale, 1988.

EPISTEMOLOGIE

HEMPEL C. Eléments d'epistemologie, A. Colin, Coll. U2,1972.

DEBRU C. La neurophysiologie du rêve, Hermann, Coll. Savoir/sciences 1990.

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L'ENSEIGNEMENT DE LA BIOLOGIE COMME CULTURE

Guy Rumelhard

Pour que l'enseignement de la biologie devienne constitutif d'une culture Ü y faut un certain nombre de conditions. L'initiation au savoir conçu comme processus d'objectivation doit inclure un travail de détour, de décentrement, de déplacement des intérêts immédiats, d'épreuves à surmonter. Mais le savoir scientifique doit se réintégrer dans les représentations et les pratiques individuelles et sociales. Ceci conduit à préciser son statut. Cette réflexion se prolonge nécessairement par une analyse du statut d'une recherche et d'un "savoir'' didactiques.

questionner le savoir et les pratiques pédagogiques

Dans la réflexion sur l'enseignement des sciences biolo­giques comprenant les problèmes de santé, d'environne­ment, de biotechnologie, des questions, qui ne sont pas pour autant nouvelles, apparaissent désormais au premier plan. Le terme de didact ique qui trouve une nouvelle vigueur, et qui réactualise le vieux projet d'une pédagogie rationnelle, souligne aussi deux nécessités : - celle de questionner le savoir lui-même, et non pas d'en

penser uniquement sa "transposition", ce qui laisserait ainsi supposer une certaine "pureté" de la science,

- celle de questionner les pratiques pédagogiques à partir de ce savoir pour discuter les transformations, évitables ou non, que celles-ci impriment à ce qu'elles transportent.

Le terme de didactique ne désigne pas pour autant une nou­velle science dont il faudrait chercher les fondements, ou une nouvelle rubrique dans les sciences de l'éducation dont il faudrait tracer les limites et les rapports d'inclusion ou de hiérarchie éventuels avec la rubrique "pédagogie" ou la rubrique "éducation". Le terme de didactique caractérise plutôt un obstacle qui progressivement se lève. Car, d'une certaine façon, l'image populaire de la science, celle en particulier du savant dévoué au bien de l'huma­nité, particulièrement en biologie médicale, interdisait de questionner le savoir. De plus l'image stéréotypée de l'ensei­gnement dévoué et appliqué à éviter les échecs scolaires, dirigeait de manière prioritaire le regard vers l'élève et les procédés pédagogiques. En biologie cette image du savant est toujours présente, mais désormais "elle va de pair, elle doit s'accorder avec une conscience accrue des risques et des menaces que font courir

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts. INRP, 29. rue dTJlm. 75230 Paris Cedex 05

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Elle s'accompagne d'une

méfiance lucide

les découvertes scientifiques' méfiance lucide (1)(2). Sans remettre en cause l'existence de résultats incontes­tables, les critiques du positivisme et de l'idéologie du pro­grès se sont frayé une place au sein même des images fortes de Claude Bernard et de Pasteur. Le travail scienti­fique n'est pas uniquement un travail d'intelligibilité et de validation. Il faut aussi faire le départ, dans les pratiques scientifiques et les savoirs produits, à ce qui est du domaine de la société et de ses impératifs politiques. Toutes ces rai­sons conduisent à questionner non seulement le savoir enseigné, mais également les finalités et l'objet de cet enseignement. D'une certaine façon la volonté pédagogique de rendre les élèves actifs et les différentes épistémologies des sciences proposées depuis le début du siècle (pragmatisme améri­cain, empirisme, positivisme français, positivisme logique anglo-saxon) se sont bien accordées, à la fois dans la place donnée à "la pratique", aux "faits" produits expérimentale­ment et observés, et dans les relations entre science et représentations sociales, pratiques institutionnelles, artis­tiques, religieuses, corporelles, mythologiques. Analysons sur un exemple les questions que l'on peut poser au savoir, celles que l'on peut poser à la pédagogie, et les relations possibles avec l'idée d'une éducation.

1. DIDACTIQUE ET SCIENCES DE L'ÉDUCATION

1.1. La génétique classique Il y a douze ans (3) j 'ai voulu montrer que le travail de G. Mendel, le père fondateur de la génétique classique, était toujours d'actualité et pouvait constituer une pièce d'une culture scientifique, au prix de quelques rafraîchissements. Depuis 1989 la référence à Mendel a disparu de certains programmes des lycées, mais après tout la biologie n'a pas

le cas de besoin de héros ! Par contre, la génétique est entrée pour la l'homme en première fois au collège à partir de la génétique humaine, et premier ou en en particulier à partir des maladies génétiques. Or, si le cas dernier de l'homme est bien entendu le plus intéressant et pédago-

giquement utilisable comme motivation, il est également le plus difficile. C'est précisément le génie de Mendel d'avoir su réaliser un déplacement, un détour par rapport à l'inté­rêt immédiat, une substitution du végétal à l'animal et à

(1) SALOMON Jean-Jacques. Prométhée empêtré. La résistance au changement technique. Paris. Anthropos. 1984.

(2) RAMONET Ignacio, et al. "L'homme en danger de science ?" Le Monde diplomatique. Manière de voir n° 15. Mai 1992.

(3) RUMELHARD Guy. La génétique et ses représentations dans V enseignement. Berne. Peter Lang. 1986.

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éviter certaines situations

la capacité de détour

commenter chaque terme de la loi de Mendel

l'homme. Selon certains historiens des sciences c'était une condition de possibilité pour accéder aux mécanismes de l'hérédité. On peut ici faire une objection qui s'appuie sur une image : celui qui découvre une grotte doit, bien souvent, emprunter un passage étroit, un boyau, des siphons avant d'y accéder. Mais par la suite on creuse un autre trou, on bétonne et le public visite confortablement. Cette image suffit pour situer deux difficultés majeures de l'enseignement scientifique. La finalité est-elle de visiter la grotte, ou bien de comprendre comment on a pu y accéder ? Mais pourrait-on dire, pour­quoi présenter ces deux finalités comme une alternative ? Précisément parce que la recherche de la motivation des élèves conduit à privilégier des exemples ou des situations que le scientifique a dû éviter méthodiquement pour sur­monter l'obstacle de l'observation immédiate. Il s'agit donc bien non pas d'une alternative, mais d'un conflit. On peut ici faire une objection qui s'appuie sur une confu­sion entre le regard prospectif et le regard rétrospectif, ce que les his toriens nomment la récurrence : le cas de l'homme était historiquement, a priori, plus difficile, mais depuis que l'on sait l'expliquer, il devient plus facile, sinon "évident". Après tout Mendel ne connaissait pas les chromo­somes ni la méiose. J e répondrais "plus facile" pour celui qui sait déjà tout, pour l'enseignant qui ne sait plus, ou qui n'a jamais su où étaient les difficultés. Mais le débutant, qui n'est pas dans le même contexte de savoir qu'au milieu du XIX0 siècle, doit toujours surmonter des difficultés. De plus, au lieu d'aller dans le sens de l'intérêt et de la curiosité immédiate des élèves, la génétique classique est une occasion privilégiée de faire l'apprentissage et l'épreuve de cette capacité de détour dont la valeur culturelle va bien au-delà de l'exemple étudié. Pour montrer sur un exemple les types de questions que l'on peut poser au savoir scientifique, analysons ce qu'il est convenu de nommer "la deuxième loi de Mendel". Chacun des termes peut donner lieu à un commentaire que nous avons déjà longuement développé dans notre précé­dent travail. - Loi : pourquoi "loi" ? Pourquoi "deuxième" ? Pourquoi l'attribuer à Mendel ? La formulation en terme de "loi" apparaît au début du XX0

siècle, après la redécouverte du travail de Mendel dans un contexte fortement marqué de positivisme. Le travail du scientifique est censé découvrir les l o i s de la nature** en biologie comme en physique. Le savoir sert à prévoir pour agir. Il doit donc être formulé sous forme de "lois". Mendel n'utilise pas le mot "loi", ou du moins pas dans ce sens, et pas pour désigner les deux propriétés des caractères (merk-mal) c'est-à-dire la séparation (Spaltung) et la recombinai­son aléatoire. Actuellement on utiliserait plus volontiers le

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terme de "modèle". F. Jacob parle de "modèle de la boîte notre" (4). À l'époque on ignore tout de la matérialité des "particules" dont on suppose l'existence, mais on peut cependant leur attribuer des propriétés en examinant les "entrées" et les "sorties" de la boîte noire. - Séparation/disjonction/ségrégation, (spàltung). La tra­duction du mot allemand laisse transparaître la surdétermi­nation affective et idéologique. Est-il besoin de commenter longuement le mot de ségrégation pour comprendre la charge d'idéologie raciste qu'il véhicule ? On peut aussi rap­procher la "loi de séparation" de l'utilisation que Freud fait de "spàltung". Sans faire de Mendel u n précurseur de Freud, on peut souligner que la "loi de séparation" mendé-lienne entre en résonance avec la "loi de séparation" freu­dienne qui est précisément l'interdit de l'inceste. Selon F. Dolto, inceste signifie (tout simplement) "pas séparé". - Indépendante. Le mot est souvent oublié dans la formule.

surmonter les U a pourtant un sens fort. Dans les conceptions des proba-obstacles bilités, il importe que les "tirages au sort" soient indépen­

dants les uns des autres. Si ce n'est pas le cas, les calculs sont très différents. Ici s'opposent les probabilités bayé-siennes et non-bayésiennes. - Le concept de gène présent chez Mendel, mais sans le mot de gène, ni celui de concept, peut se condenser dans ces deux mots : séparation - indépendante. Ces deux mots sont fortement dérangeants. Une image abstraite en consti­tue souvent l'équivalent : celle du sac de billes, ou celle du sac de haricots (pour les américains). - On peut ainsi faire l'hypothèse que plusieurs mécanismes risquent de tendre à recouvrir et faire disparaître la dure épreuve de lucidité : "nous sommes le produit du hasard", et "le produit d'une séparation totale". On peut en décrire plusieurs. Tout d'abord l'oubli. Oubli du mot "indépen­dante". Puis oubli de la "deuxième loi", très attachée à Mendel et aux travaux sur les végétaux et les drosophiles, en chan­geant d'exemples ou en analysant d'emblée la génétique humaine. Substitution d'une image pseudo-concrète à l'image abstraite : celle des chromosomes. On observe la séparation, et on oublie donc de concevoir qu'elle a lieu "au

un processus h a s a r d " . Deuxième s u b s t i t u t i o n , celle des végé taux d'oubli haploïdes aux animaux diploïdes. Cette fois on "voit" la

méiose, on "voit" la séparation, il n'est donc plus besoin de la concevoir. Le "visible" apporte un sentiment d'évidence. -Alleles du gène/gènes alleles. Les deux formules sont voi­sines et souvent utilisées l'une pour l'autre. On peut cepen­dant déceler ici l'hésitation entre une définition du "concept" de gènes comme unités fonctionnelles, ou comme entités matérielles. Bien évidemment il ne s'agit pas de nier l'exis­tence d'un "support matériel". Mais le concept de gène est celui d'une "information".

(4) JACOB François. La logique du vivant. Paris. Gallimard. 1970.

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Epistemologie positiviste, epistemologie du modèle et du concept, surdétermination affective et idéologique, méca­nisme d'oubli et de résistance face aux déceptions apportées par le savoir, epistemologie de l'évidence et du fait d'obser­vation visible, etc. Voici quelques axes d'analyse critique.

DÉTERMINISME SAVOIR-PRÉVOIR-POUVOIR

MODÈLE DE LA BOÎTE NOIRE

t

UN MOT : CONCEPT DE GÈNE UNE IMAGE ABSTRAITE : LE SAC DE BILLES

TIRAGE AU SORT STATISTIQUES

v^

UNITÉS FONCTIONNELLES

:x t i LOI 2ème loi de Mendel

SÉPARATION INDÉPENDANTE DES fALLÈLES DU GÈNE SÉGRÉGATION LGÈNES ALLELES

ï T IDÉOLOGIE SURDÉTERMINATION AFFECTIVE

IMAGE CONCRÈTE : LES CHROMOSOMES OUBLI DU HASARD

l OUBLI DU MOT UNITÉS RÉELLES ET DU CONCEPT CONCRÈTES

\ ÉVIDENCE DU VISIBLE PLUS GRANDE ÉVIDENCE DU VISIBLE Les HAPLOÏDES

2. Le cas Gaelle Tournons-nous maintenant vers une élève (Gaelle) pour pro­poser un exemple d'articulation possible entre questionne­ment du savoir et éducation des élèves. Le thème de l'échec scolaire a pris le devant de la scène dans le questionnement social sur l'éducation mais pour des raisons qui ne sont pas principalement pédagogiques et qui

questionner aussi n e s o n t P a s souvent critiquées. La plupart du temps le la réussite modèle médical organique sert de "réponse" : la bonne santé

est identifiée à la réussite, sans souci de savoir si l'analogie est recevable. La réussite scolaire doit être également interrogée, et le fait d'enseigner à des élèves qui "réussissent" par le jeu d'une sélection peut éclairer différemment cette question. Disons quelques mots de Gaelle. Très bonne élève de termi­nale dans la série D elle est prise, le jour du baccalauréat d'une crise de contractures musculaires qui l'empêche de composer pendant près de deux heures. Cela ne lui était

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jamais arrivé auparavant. Si l'on avait consulté certain psy­chiatre il aurait, je pense, prescrit quelque médicament, et parlé d'"hypocalcémie" ou de "spasmophilie" pour utiliser le terme à la mode depuis plus de deux cents ans, en tous les cas rien qui soit en relation avec le milieu scolaire ou fami­lial. Q u a n d j ' a i revu Gaelle elle m'a dit : "j'ai eu peur de décevoir". Il n'y a pas besoin l'avoir lu le livre de Freud

une demande publié en 1925 et intitulé "Inhibition, symptôme et angoisse'' de réussite pour supposer que la crise de tétanie est un symptôme, et

que l'inhibition qui en est résultée peut être reliée à une angoisse. Derrière l'appellation "grand" attribuée au lycée de Gaelle, il y a une très forte demande de "réussite" au sens étroit du terme, et non pas une demande de culture. Cette demande est tout autant nécessaire et stimulante qu'inhibi-trice et anxiogène. Le cas Gaelle invite à ne pas préparer la réflexion sur l'enseignement du savoir scientifique et la réflexion sur l'éducation. L'étymologie latine de "educare" correspond à ex-ducre, c'est-à-dire conduire - guider / hors de. Conduire, ce qui implique que cela ne se fait pas tout seul, mais hors de quoi ? Beaucoup d'auteurs ont rappelé, récemment encore (5), qu'il s'agit de conduire hors de la barbarie, ou plus précisément hors des trois barbaries : - la barbarie de l'enfance, - la barbarie de l'ignorance, de l'absence de culture,

sortir de la _ 1& barbarie de "l'autre culture", celle d'être étranger, au barbarie... et du sens où la cité grecque distinguait le barbare totalement désir extérieur, innommable, sans échanges ni communication

possibles, et le métèque partiellement reconnu dans le système.

Mais on peut aussi ajouter, avec le Dr Tony Laisné : "éduquer c'est aider un enfant à sortir du désir des autres, sortir du projet qu'on a pour lui, l'accompagner vers sa propre parole, libérer son désir personnel d'apprendre, lui accorder le droit de devenir le sujet de son histoire''. En disant sa peur de décevoir, Gaelle désignant clairement sa difficulté à se dégager du désir d'un adulte, à se dégager de l'autre réel, extérieur à elle, ou de l'autre imaginaire qu'elle avait introjecté. On rencontre ici le projet et le programme de travail de nom­breux didacticiens. On ne trouve pas, dans les travaux des didacticiens les expressions de souffrance et d'angoisse que l'on rencontre en sociologie de l 'éducation (souffrance sociale particulièrement marquée en ce moment). Mais on y parle par contre de "construction personnelle des connais­sances", "d'autonomie", de "projet personnel". Cette pédago­gie du projet rejoint le sens donné au mot éducation,

(5) CORNU Laurence, POMPOUGNAC Jean-Claude, ROMAN Joël. Le barbare et l'écolier. La fin des utopies scolaires. Paris. Calmann-Lévy. 1990.

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- à condition d'en faire un but à atteindre, et non pas une condition préalable, ou une simple bannière de ralliement (certains disent "je suis constructlviste" comme d'autres disent "je suis chrétien", ou "je suis rationaliste"),

- à condition d'ajouter aussi immédiatement que cette péda­gogie du "projet de l'élève" reste un projet de l'adulte pour l'élève, d'un adulte qui sait mieux que l'élève lui même ce qui est bon pour lui, et qu'à ce simple titre, il peut être refusé par l'élève. Dans cette optique certains échecs sco­laires, certains refus sont une fuite positive mais absurde (absurde mais positive) du projet qu'on a pour lui, une fuite pour tenter de se rendre libre et responsable de soi-même.

Avec le cas Gaelle on rencontre également la réflexion sur le savoir au sens où l'on peut se demander si ce qui perturbe parfois l'intelligence de telle ou telle question ne pourrait pas être extérieur au domaine strictement cognitif, c'est-à-dire surdéterminé. "La surdétermtnation c'est le fait pour tel objet ou tel compor­tement de servir de substitut à un grand nombre d'objets ou d'actes interdits'' (6). En ce sens, prendre en comte l'exis­tence de surdéterminations dans l'intelligence de telle ou telle question, doit conduire, non pas tant, à produire une analyse, qu'à surmonter une épreuve.

2 . LES ÉPREUVES DE L'ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

2.1. Se rendre étranger â la nature Lorsque François Terrasson initie des adultes à la décou­verte de la nature, il inclut souvent une épreuve, celle de passer seul, en bivouaquant, une nui t en pleine forêt. Chacun éprouve alors l'ambivalence de ses propres senti­ments vis-à-vis de la nature :

éprouver ~ d'un côté, le jour, le romantisme de la forêt, l'ambivalence - de l'autre, la nuit, le réveil des peurs, des craintes, des

angoisses. Dans la revue Aster n° 10, Emmanuel Lemare, animateur nature au Marais Vernier analyse aussi l'ambivalence du public vis-à-vis d ' un parc n a t u r e l régional aménagé . Certains font confiance "aux forces de la nature" qui per­met t ront un re tour à l 'équilibre, s a n s intervention de l'homme. D'autres manifestent au contraire leur satisfaction devant une nature domptée, domestiquée, gérée intelligem­ment par l'homme.

(6) CANGUILHEM Georges. Article "VIE" in Encycl. Universalis. 1974.

projet de l'élève ou de l'adulte

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Les débats autour de l'écologie et de l'environnement ont contribué à réanimer les termes d'un faux conflit : il faudrait choisir entre la technique et la protection ou même la conservation de la nature en l'état (7). L'analyse épistémologique et historique de la biologie montre que la discussion est ancienne. Concernant l'étude de la nature de manière scientifique il existe deux attitudes. - On peut se sentir enfant de la nature et éprouver à son

égard un sentiment d'appartenance et de subordination. La psychanalyse de la connaissance propose de trouver dans ce sentiment la prétention d'unité, une vision fusion-nelle. Cette attitude conduit à contempler la nature. On peut montrer qu'il s'agit d'un obstacle à la constitution d'un savoir scientifique.

- On peut au contraire se tenir face à la nature comme un processus de devant un obstacle étranger et indéfinissable. Cette atti-changement tude d'extériorité est une condition de possibilité de la

production d'un savoir scientifique. Plus exactement il ne s'agit pas de deux attitudes entre les­quelles il faudrait choisir, mais bien plutôt d'un processus : "L'homme doit travailler à se rendre étrangers les objets naïfs de ses questions vitales pour en mériter la science" (8). C'est le fait de penser ces deux attitudes, non plus comme un tra­vail à réaliser sur soi-même, mais comme deux états entre lesquels il faudrait choisir, qui conduit à engendrer un faux conflit : la technique ou la vie. En biologie médicale un débat analogue existe entre le natu­ralisme d'Hippocrate qui a longtemps conduit à laisser faire la nature, et les diverses formes d'intervention technique qui ont longtemps été magiques avant de devenir scientifiques. Face à un désordre organique que l'on nomme maladie, ou face à un désordre écologique, on pense bien souvent que la solution consiste à rechercher un ordre antérieur supposé plus "naturel". En fait, toute solution de simple "retour-relève non pas de l'utopie, en la matière indispensable, mais du mythe, en la matière fallacieux (9). Ce retour peut être lu comme une "régression". Mais s'il s'agit d'un travail, rien n'indique que le sens du mouvement soit unique. Rien n'indique, a priori, qu 'un retour en arrière soit nécessairement un recul. Il est des régressions contrôlées qui permettent une avancée. Pour le

le retour et le scientifique en biologie, la recherche d'une certaine naïveté recul de vision antétechnologique, antélogique, la recherche d'une

vision de la vie antér ieure aux in s t rumen t s créés p a r

(7) GIORDAN André, SOUCHON Christian. Une éducation pour l'environnement. Nice. Z'Éditions. 1991.

(8) CANGUILHEM Georges. "Sur l'histoire des sciences de la vie depuis Darwin". In Idéologie et rationalité dans l'histoire des sciences de la vie. Paris. Vrin. 1977. P. 119.

(9) CANGUILHEM Georges. "La question de l'écologie : la technique ou la vie ?" In Dialogue (Bruxelles) Cahier 22. Mars 1974.

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l'homme pour étendre et consolider la vie - l'outil et le lan­gage - peuvent jouer un rôle positif à un moment donné. Le débat est bien surdéterminé puisqu'il inclut l'interdit d'un retour-régression.

2.2. Se rendre étranger à soi-même Si l'homme doit travailler à se rendre étranger à la nature pour en mériter la science, il lui sera, bien évidemment d'autant plus difficile de se rendre "étranger à soi-même" (10). La didactique de l'immunologie engage une réflexion sur la notion d'étranger. Nous y avons consacré le numéro 10 d'Aster, La définition de l'immunologie propose souvent des textes comme celui-ci : "les réactions immunitaires sont l'ensemble des réactions

définitions naives déclenchées dans l'organisme par la présence de certaines substances reconnues comme étrangères, nommées anti­gènes". Reste bien évidemment à définir ce qu'est une sub­stance étrangère (ou reconnue comme telle). On trouve ainsi en toute naïveté : - une identification de l'étranger à l'extérieur de l'organisme,

la frontière étant marquée par la peau et les muqueuses, - une identif icat ion de l ' é t ranger a u pa thogène : les

microbes et parasites étant reconnus comme tels précisé­ment parce qu'ils sont pathogènes, sinon toxiques !

L'immunologie remet largement en cause ces oppositions manichéennes et tautologiques. Elle propose de penser que : - on peut devenir étranger à soi-même à certains moments

de la vie de manière normale (nécrotactisme et phagocy­tose des globules rouges vieillissants), ou de manière pathologique (maladies auto-immunes) :

- on peut continuer à reconnaître une toxine rendue non toxique par formolisation (anatoxine tétanique) ;

- on peut devenir tolérant à l'étranger de manière tempo-les degrés raire et normale en ce qui concerne les fœtus de mammi-d'étrangeté fères, ou de manière expérimentale dans le cas des greffes,

ou de manière anormale et inexpliquée en ce qui concerne les cancers ;

- il faut nécessairement apprendre à distinguer le soi du non-soi car cette distinction n'est pas génétique ;

- l'étranger (le schistosome de la bilharziose) peut adopter vos propres antigènes et ne plus être reconnu comme étranger ;

- il y a des degrés d'étrangeté : isotype, allotype, idiotype, la distinction n'est pas binaire, etc.

L'immunologie illustre l'un des paradoxes du travail du bio­logiste qui doit regarder telle partie de son corps comme un objet pour comprendre comment il fonctionne; Il faut accep-

(10) KRISTEVA Julia. Étrangers à nous-mêmes. Paris. Fayard. 1988.

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devenir indifférent

ter de devenir temporairement indifférent à son intégrité, et c'est une dure épreuve, pour recevoir une greffe de peau ou une transfusion. Et ce sont précisément ces gestes, réalisés à titre médical ou expérimental qui ont permis de découvrir les mécanismes qui ont pour but de maintenir cette inté­grité. Le fait de penser que la nature est bonne, a longtemps inter­dit de penser les mécanismes d'auto-toxicité et d'autodes-truction au nombre desquels il faut ranger les maladies auto-immunes (11). En tous les cas s'il existe un 'travail négatif d'auiodestruction partielle'' il a volontiers été laissé à la psychanalyse qui a pris en charge nombre de maladies-frontières aux troubles inclassables. L'idée de maladie orga­nique pouvait ainsi rester plus réductionnlste et plus posi­tive sinon positiviste, c'est-à-dire associée à la possibilité de soigner sinon de guérir (12). Charge à la psychanalyse de réintégrer les "pulsions de mort" au service de la vie.

2 . 3 . Les autres épreuves

Nous évoquerons ici rapidement trois autres épreuves de l'enseignement scientifique :

- le décentrement, - le déplacement ou le détour, - la séparation ou la rupture.

Il y a épreuve dans la mesure où le décentrement conduit à une déception (nous ne sommes ni le centre du monde, ni de la création, ni de nous-mêmes) et un travail de deuil, le

la satisfaction détour empêche la réalisation d'une satisfaction immédiate, immédiate la séparation ou la rupture implique l'abandon d'une posi­

tion confortable, l'ex-position, et le risque de l'aventure. Ces épreuves ne sont supportables que si les éléments qui constituent l'identité du sujet, sa "sécurité de base", son sent iment de cohésion, de continuité, de permanence, autrement dit son narcissisme primaire, sont en place. Ces épreuves ont, par delà l'enseignement scientifique, une valeur culturelle profonde. Chacun admettra que la réali­sation de la satisfaction immédiate est souvent régressi-vante, tandis que la capacité de détour est promotion­nante. Le cas de la bactériologie illustre bien la nécessité du détour. Le projet de la médecine a toujours été de soigner de manière efficace. Mais précisément lors de l 'étude des microbes, l'une des premières découvertes ayant conduit à

plusieurs *a m i s e a u point des gestes médicaux et chirurgicaux effl-déplacements caces, puis des médicaments (sulfamides, antibiotiques)

actifs, a été réalisée dans le prolongement d'une recherche

(11) MOULIN Anne-Marie. "La métaphore du soi et le tabou de l'auto-immunité". In Soi non-soi. Paris. Seuil. 1990.

(12) MOULIN Anne-Marie. Le dernier langage de la médecine. Une his­toire de l'immunologie de Pasteur au Sida. Paris. P.U.F. 1991.

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l'erreur et l'errance

aussi éloignée de la pratique qu'il est possible : les travaux sur la forme géométrique des cristaux chimiquement purs, réalisés par Pasteur au début de sa carrière, ne contenaient pas en eux-mêmes la mise au point des cultures pures de bactéries, ils en sont, cependant, la condition de possibilité. Dans un article sur la bactériologie G. Canguilhem montre que ce travail (13) a nécessairement été précédé de plu­sieurs détours tous difficiles à comprendre et à admettre. Déplacement de lieu, de l'hôpital au laboratoire, déplace­ment d'objet, de l 'homme à l 'animal, déplacement de moyen, de la prépara t ion galénique, c'est-à-dire d 'un mélange complexe et secret, au composé chimiquement pur et parfaitement défini. Les luttes antivivisectionnistes, les résistances des médecins at tachés à leurs remèdes et à leurs malades, marquent, sans insister plus, l'existence de ces obstacles. "C'est à force de se déplacer que (l'homme) recueille de l'infor­mation ou en déplaçant, par toutes sortes de techniques - et on pourrait dire que la plupart des techniques scientifiques reviennent à ce processus - les objets les uns par rapport aux autres, et l'ensemble par rapport à lut" "L'homme se trompe quand Û ne se place pas à l'endroä adéquat pour recueillir une certaine information qu'il cherche." "En fait, l'erreur humaine ne fait probablement qu'un avec l'errance. " (14)

3 . LES RESPONSABILITÉS INDIVIDUELLES ET SOCIALES

savoir pur

L'initiation au savoir scientifique, à un savoir non pas conçu "a priori" comme objectif, mais conçu comme processus d'objectivation, doit donc inclure un travail de détour, de décentrement, de déplacement des intérêts immédiats, mais aussi d'oubli des choix de valeurs, de désenchantement. Autrement dit un travail de négation systématique des qua­lités que l 'homme considère comme propres aux êtres vivants, en un mot un travail d'épuration. Mais précisément l'homme ne vit pas de ce savoir épuré. Le savoir scientifique se réintègre nécessairement dans les représentations individuelles et sociales, dans les pra­tiques, dans les institutions, dans les choix de valeurs et les idéologies pour autant qu'il ait réussi à suffisamment s'en séparer.

(13) CANGUILHEM Georges. "L'effet de la bactériologie dans la fin des «théories médicales» au XIXe siècle." In Idéologie et rationalité dans l'histoire des sciences de la vie. Paris. Vrin. 1977. P. 63.

(14) CANGUILHEM Georges. "Le concept et la vie". In Études d'his­toire et de philosophie des sciences. Paris. Vrin. 2ème éd. 1983. P. 364.

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3.1. Le cas des groupes sanguins et tissulaires Il existe désormais un savoir sur les groupes sanguins et sur les groupes tissulaires (système HLA) qui diffuse néces­sairement dans le public. Mais est-ce la même situation de discuter les théories à ce sujet, dans un congrès scienti­fique, ou dans un cabinet médical avec les parents d'un enfant leucémique qui souhaitent donner un peu de leur moelle osseuse et qui considèrent que la proximité familiale doit favoriser la réussite de ce don ? Jean Bernard (15) raconte "l'histoire de Diego", enfant leucé-

en classe ou mique, fils de Maria et de José. Lors d'un changement de dans le cabinet traitement, une étude des groupes sanguins de Diego, de médical Maria et de José est nécessaire. Cette étude révèle que Diego

n'est pas le fils de José. Dans l'heure qui suit cette révéla­tion José abandonne Diego... Qu'en est-il en classe ? Dans quelle situation sommes-nous ? Doit-on imiter le congrès scientifique ou le cabinet médical ? Avec la génétique humaine, plus particulièrement avec le cas des groupes sanguins du système ABO et du système Rhésus qui sont connus pour avoir été recherchés préventi­vement même en l'absence de toute intervention, on dispose d'un outil redoutable. Tout se passe comme si on savait que, en classe, la manipu­lation de quelques graines de ricin fait courir un risque grave d'intoxication mortelle, l'utilisation de tel produit chi­mique est t rès dangereuse, mais la description de tel concept reste dans tous les cas anodine. Le professeur J.M. Robert (16) raconte l'histoire de "la petite fille aux yeux sombres" désormais reproduite dans un livre de classe ter­minale et qui est une réplique de "l'histoire de Diego". Qui dira un jour combien de divorces ont été provoqués par l 'explication du système ABO et l 'é tabl issement de la "pseudo-loi" : deux parents de groupe O ne peuvent avoir un enfant de groupe A ou B (ainsi que toutes les autres combi­naisons exclues). Bien évidemment ces connaissances sont utilisées par la justice aux fins d'éléments de preuve, mais dans quel sens exact ? En ce qui concerne l'enseignant, la question est de savoir si l'on peut énoncer un "savoir" en faisant abstraction de la vie affective du public. Peut-on faire semblant d'ignorer la pro­

insertion du portion d'enfants adultérins non connus de l'enfant, sinon savoir dans la vie du père. Peut-on également nier farouchement l'explication

de Freud sur le désir œdipien, et le souhait pour un garçon par exemple de rejeter son père. A-t-on le droit de donner, parfois comme un jeu. en quelques minutes, cette possibi­lité ?

(15) BERNARD Jean. L'enfant le sang et l'espoir. Paris. Buchet/Chastel. 1984.

(16) ROBERT Jacques-Michel. L'hérédité racontée aux parents. Paris. Le Seuil. 1981.

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le statut du savoir

trois responsabilités

Dans le cas du système ABO, il se surajoute une erreur expliquée dans un article de la revue La Recherche (17) par exemple ("Nous citons cette revue à cause de sa très grande diffusion en France). Les antigènes A et B sont constitués d'une chaîne de glucides et nécessitent donc l'intervention de plusieurs enzymes pour être synthétisés. L'enzyme per­mettant la fixation de la dernière molécule qui permet préci­sément de différencier les groupes A et B peut être présente mais l'enzyme permettant la fixation de la molécule située en amont, absente. Il existe en effet une partie commune aux groupes A, B et O. On nomme H le gène gouvernant.la synthèse de cette enzyme. Deux individus dont l'un est du groupe O et l'autre phénotypiquement "O" par absence de H, mais possédant l'autre enzyme qui ne peut donc fonctionner peuvent avoir un enfant de groupe A (ou B selon l'enzyme présente). Cette erreur est l'occasion de poser la question du statut du savoir scientifique. Cette question du statut prend ici une acuité dramatique, mais elle devrait être toujours présente. Il ne s'agit pas de rester dans l'opposition manichéenne : c'est vrai/c'est faux et d'accuser l'ignorance, en tout état de cause impardonnable, de telle personne. Il y a bien évidem­ment un devoir de compétence mais cela ne suffit pas. Quel est le statut du savoir que l'on enseigne ? Comment a-t-on fait pour l'établir ? Comment l'a-t-on démontré ? Est-ce une "vérité" ou une explication satisfaisante dans 95 % des cas, ou dans 100 % des cas connus, en attendant de trouver une exception. Quand un fait nouveau contredit l'explica­tion on peut bien évidemment tenter de le reproduire, véri­fier les conditions dans lesquelles on l'obtient... ou compli­quer l 'explication. Le terme de modèle t r adu i t mieux peut-être, ce va-et-vient entre l'explication et l'observation, ce caractère sinon provisoire de toute explication, du moins la possibilité de sa rectification. Un savoir ne saurait être livré sans ses conditions de vali­dité, son champ d'application et d'explication, et donc, ses limites. Faire appel à trois alleles A, B, O "suffit" pour expli­quer la transmission des groupes du système ABO dans la plupart des cas. Trois responsabilités de l'enseignant, vis-à-vis de son public, se dégagent de cet exemple : - compétence dans les connaissances, - compréhension du statut du savoir, de ses limites de vali­

dité, - connaissance des effets dans la vie affective et prise en

compte de précautions vis-à-vis des risques.

(17) ROPARTZ Claude. "Le polymorphisme humain, ou pourquoi nous sommes différents". La Recherche n° 26. Sept. 1972. P. 751.

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3.2. La représentation sociale des maladies Le concept de microbe, et le mot inventé par Sédillot et "lancé" en 1878, ont très largement diffusé ; mais il y a plus. Ce concept fait exister une catégorie de maladies réputées "microbiennes", il fournit une explication aux théories de la contagion, il a permis de définir des gestes et des règles d'asepsie, d'antisepsie et plus largement d'hygiène. Il donne un appui au groupe des hygiénistes dont l'existence est bien antérieure à la révolution pastorienne (18) et dont l'action sociale déborde largement la prévention de certaines mala­dies. Il renforce une représentation ontologique du mal en

le mal est un être désignant un "être" qui est la cause privilégiée, s inon unique, de certaines maladies. Il renforce une vision positi­viste de la médecine car désigner une cause que l'on peut sinon "voir", du moins mettre en évidence "objectivement" par l'intermédiaire de cultures, c'est prévoir la possibilité d'une action sur la cause, et donc la possibilité de guérir.

L'enseignement de la biologie tel qu'il est pratiqué actuelle­ment en collège, lycée et à l'université, réfère en permanence aux maladies mais comme argument de démonstration, ou comme justification de l'utilité de la biologie qui trouve des "applications" en clinique médicale. La maladie apparaît comme une "expérience naturelle", une modification, une déviation du fonctionnement normal sans aucune restric­tion critique. La philosophie réductionniste et positiviste est ici à l'œuvre. Elle trouve son accomplissement dans le fait que la connaissance des "mécanismes" d'une maladie, per­met (ou permettra dans un futur indécis) de soigner sinon

étudier la même de guérir. Mais la maladie, et encore moins l'individu maladie pour malade, ne sont jamais étudiés en tant que tels pour eux-elle-même mêmes, dans toute leur complexité, y compris sociale et

affective. Cette relation du biologiste à la maladie, serait une métaphore de la relation de l'enseignant de biologie à l'élève. Dès 1943 G. Canguilhem a pu soutenir que "sans vouloir attenter à la majesté des dogmes pastoriens, la théorie micro­bienne des maladies contagieuses a dû certainement une part non négligeable de son succès à ce qu'elle contient de représentation ontologique du mal" (19) . L'obstacle, au sens bachelardien du terme, n'est pas toujours le fait d'un arrêt de compréhension, il peut être aussi celui d'admettre trop facilement une explication. On ne parle plus de "théorie microbienne des maladies", mais de "maladie microbienne". L'éventualité de l'interaction de plusieurs facteurs ne trouve pas aisément sa place encore actuellement à propos du sida par exemple. Savoir objectif et idéologie médicale sont étroi­tement mêlés, et ceci d'autant plus que la désignation d'une cause "externe" est déculpabilisante, et éventuellement accusatrice de la société. Doit-on entretenir la confusion ?

(18) SALOMON-BAYET Claire. Pasteur et la révolution pastorienne. Paris. Payot. 1986.

(19) CANGUILHEM Georges. Le normal et le pathologique. 3ème éd. aug. Paris PUF 1966, de la thèse de 1943.

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les maladies dérangeantes

les maladies multicausales

les maladies par erreur

Si l'enseignement de la biologie se débarrasse volontiers des maladies dites "nerveuses" ou réputées "psychosomatiques" il a quand même fait récemment une timide tentative vers le "stress". S'agit-il de prudence vis-à-vis de situations dans lesquelles l'interaction des facteurs sociaux, affectifs et organiques, est complexe ? Plus vraisemblablement la rai­son vient d'une réticence à évoquer des cas dans lesquels le réductionnisme positiviste est très largement pris en défaut. À l'inverse les "maladies génétiques" et les "maladies auto-immunes" sont largement présentées en oubliant la précau­tion, qui n'est pas seulement rhétorique de préciser qu'il s'agit de "théories explicatives". Ici un mécanisme connu prend le premier plan avec un effet étonnamment réducteur. Un nucleotide modifié "suffit" à tout expliquer dans certains cas !

Le diabète insulino-dêpendant juvénile est supposé "maladie auto-immune" sur la base d'expériences réalisées chez une variété de souris (NOD). On évoque des anticorps et des lym­phocytes que l'on peut mettre en évidence (cause ou consé­quence ?), on constate une corrélation génétique, on fait l'hypothèse d'un virus, on évoque un facteur alimentaire (protéines animales) à partir d'études étiologiques, on sup­pose l'intervention d'un stress, ... et la liste n'est pas limita­tive. Toutes ces causes doivent-elles être conjointes ? Ou bien chacune , isolément , peut-el le abou t i r au même résultat ? Faut-il en joindre seulement deux ? Plus largement l'enseignement biologique doit-il se réduire à l'organique, à l'étude du fonctionnement du mammifère qui vit en nous, plus précisément encore, à l'étude de cet animal dans les conditions d'un laboratoire ? Revenons encore sur les maladies génétiques pour souligner qu'elles mobilisent l'affectivité de manière bien différente que ne le fait une maladie microbienne. Le nom apparem­ment neutre "d'erreur Innée de métabolisme'' donne en 1909 par sir A. Garrod à l'affection due au métabolisme incomplet de la tyrosine ne parvient pas à masquer l'angoisse liée à cette nouvelle concept ion de la maladie. Nous avions confronté en 1980 (20) nos propres enquêtes auprès des élèves à celles réalisées par C. Herzlich (21) pour confirmer que si l'idée est connue, elle est aussi niée. Certaines vérités sont difficilement supportables. "Dans cette conception de la maladie le mal est réellement radical ; (...) La maladie n'est pas une chute que l'on fait, une attaque à laquelle on cède, c'est un vice originaire. H faut beaucoup de lucidité, jointe à un grand courage pour ne pas préférer une idée de la maladie ou quelque sentiment de cul­pabilité individuelle peut encore trouver place, à une explica-

(20) RUMELHARD Guy. Concepts et représentations de la génétique dans l'enseignement. Thèse de Didactique. Université Paris 7.1980.

(21) HERZLICH Claudine. Santé et maladie. Analyse d'une représenta­tion sociale. Paris, La Haye. Mouton. 1969.

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tion de la maladie qui pulvérise et dissémine la causalité dans te génome familial, dans un héritage que l'héritier ne peut refuser puisque l'héritage et l'héritier ne font qu'un". (22) La psychanalyse a révélé ce qu'on pourrait appeler la "soli­darité génétique". Elle a permis de découvrir que des événe­ments arrivés dans la famille d'un être humain, avant même qu'il ne naisse, pendant qu'il est fœtus, dans le ventre de sa mère qui souffre de l'événement qui s'est passé et qui n'a personne à qui le dire, sont capables d'induire une psychose chez cet être en gestation. Cet enfant va, par son corps, dire la souffrance que la mère a tue. Françoise Dolto va jusqu'à affirmer que "cette découverte de la transmission de l'héri­tage aussi bien que de la dette sur le plan émotionnel incons­cient des êtres humains est comparable, pour son importance capitale, à la découverte sur le plan pathogène de la trans­mission génétique de certaines maladies''. (23)

3 . 3 . Dist inguer le curatif, le préventif, le prédictif

L'enseignement de la biologie a, depuis longtemps, été chargé de diffuser, en plus du savoir, un certain nombre de règles d'hygiène concernant les maladies contagieuses, les MST, les vaccinations, et plus récemment, la contraception ainsi que la drogue, le tabac, l'alcool, le sida, etc. Il ne s'agit pas ici de nier l'utilité sociale de cet enseigne­ment, même si certaines vaccinations ont pu être contes­tées, mais de souligner clairement que le travail d'enseigne­ment change de sens. Il suffit de rappeler que, en principe, c'est le malade, parce qu'il estime qu'il est malade, qui

l'Individu et la appelle le médecin, et parfois le médecin de son choix quand société ^a possibilité existe. À moins qu'il ne décide d'être la méde­

cin de soi-même, ou de faire appel à des charlatans. La pré­vention, aussi bien intentionnée soit-elle, renverse le sens de la demande, et le sens de la relation entre l'individu et la société. Il s'agit d'aller au devant de personnes qui ont toutes chances de devenir malades, mais au nom de quoi ? Il suffit de dire que, en Suisse, il a été organisé un référen­dum pour décider du port obligatoire de la ceinture de sécu­rité en voiture. Ce renversement a été renforcé par ce que certains (24) ont nommé 1'O.P.A. pastorienne sur la médecine qui avait pour but une redéfinition de la pathologie par laquelle on va désormais prévenir au lieu de guérir. Le mythe associé à l'action curative est celui de la guérison c'est-à-dire d'un retour à l'état initial. Prétendre soigner serait plus réaliste. Le mythe de la prévention consiste à penser que les mala-

(22) CANGUILHEM Georges. Le normal et le pathologique. Paris. PUF. 1966.

(23) DOLTO Françoise. La cause des enfants. Paris. Robert Laffont. 1988.

(24) LATOUR Bruno. Les microbes. Guerre et paix. Paris. Métailié. 1984.

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dies disparaîtront comme ont disparu certaines espèces ani­males antédiluviennes. La médecine prédictive vient de réaliser son entrée dans les programmes, associée à la détection des maladies géné­tiques, au diagnostic prénatal et à la préparation à la "res­ponsabilité individuelle et familiale au terme des examens biologiques''. Cette fois il s'agit d'une O.P.A. des généticiens

prédire qu'on sur la définition des maladies. On peut parler d'une "méde-sera malade cine sans maladie", d'une médecine qui s'adresse à des indi­

vidus qui ont une certaine "probabilité" (facteurs de risque) souvent faible de devenir malade. Elle renforce la supréma­tie d'une médecine du collectif, qui devient une médecine des corps et des automates. Le mythe puissant est celui de la surveillance et du dépistage, celui de la vigilance. Non pas, comme pour la pharmacovigilance, de suivre les effets d'une action, mais d'étouffer "dans l 'œuf le cancer par exemple. Une "pédagogie de la guértson" (25), une "éducation à la res­ponsabilité et à la prévention" ne se r édu i sen t pas à quelques informations dont le contenu scientifique n'est pas clairement séparé d 'un contenu mythologique, dont le contenu scientifique n'est pas separable de choix sociaux et de choix de valeurs qui doivent donc être explicités. Pour un individu en bonne santé ces questions peuvent sembler sans objet. "La santé c'est la vie dans le silence des organes". Mais il ne faut pas oublier que "c'est dans la fureur de la culpabilité comme dans le bruit de la souffrance que l'innocence et la santé surgissent comme les termes d'une régression impossible autant que recherchée". La troisième O.P.A. sur la définition des maladies, celle des immunologistes, remet au premier plan l'individu et la pré­servation de son intégrité, de son "soi". L'immunologie est un retour au thème, il faudrait dire au mythe, de la possibi­lité d'être le médecin de soi-même. Plus que de supprimer ou de lutter, le concept de système immunitaire ouvre la possibilité de stimuler les mécanismes propres de l'individu, et de les "éduquer". Le sujet joue ainsi un premier rôle dans la mobilisation ou l'affaiblissement de son système. La cul­pabilisation est contenue potentiellement dans l'idéologie du système immunitaire. Le sida est venu l'illustrer dramati­quement.

La responsabilité de l'enseignement réside dans la construc­tion de distinction entre santé et salubrité, entre Individu et population, etc. ce qui ne signifie pas leur séparation. Elle réside dans une éducation à la lucidité aussi éloignée que

culpabilité et possible des mythes, y compris du mythe positiviste d'une responsabilité définition objective de la maladie, faisant "abstraction" des

liens entre l'organique, l'affectif et le social. Elle réside enfin dans la distinction entre culpabilité et responsabilité.

(25) CANGUILHEM Georges. "Une pédagogie de la guérison est-elle possible ?" in Nouvelle revue de psychanalyse. 17.1978.

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Un autre type de responsabilité concerne le thème des risques et des menaces potentiellement contenus dans cer­taines expérimentations biologiques. Mais il semble peu utile d'y insister tant la création de comités d'éthique, et la création d 'une Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) ont popularisé ces notions. De même la responsabilité vis-à-vis de l'environnement est devenu un thème important de l'enseignement biologique, et nous ne le développerons pas ici.

4 . EPISTEMOLOGIE ET HISTOIRE DES SCIENCES

Pour s 'approprier le savoir scientifique au t rement que comme un objet que l'on possède nous avons souligné la nécessité de franchir certaines épreuves pour surmonter des obstacles. L'enseignement du savoir scientifique inclut la réinsertion de ce savoir dans la vie affective et sociale, individuelle et collective. Nous venons de l'analyser. L'une des conditions de cette étude concerne le s ta tu t de ce savoir, les arguments qui lui confèrent sa validité, qui le distinguent des représentations, des mythes, des idéologies, et qui, par là même en tracent les limites. D'où la nécessité d'une étude épistémologique qui s'appuie elle-même sur l'analyse historique.

4 . 1 . Savoir que l'on sai t

"Savoir, c'est savoir que l'on sait" disait Alain. L'affirmation négative est peut-être plus percutante. Le vrai scientifique sait dire "je ne sais pas". La proposition peut sembler banale si l'on n 'a pas à l 'esprit le commentaire de G. Canguilhem : "quand on da je ne sais pas, nous comprenons

dire "je ne sais qu'on sait à quelles condäions et selon queues exigences on Pas" consentirait à affirmer qu'on sait" (26).

En ajoutant immédiatement que dire "je ne sais pas" n'a pas le même sens ni la même portée dans un congrès scienti­fique, ou dans un cabinet médical vis-à-vis d'un enfant gra­vement malade. Cela implique, dans ce cas, beaucoup de lucidité. "L'enseignement des résultats de la science n'est jamais un enseignement scientifique". Cette affirmation de Gaston Bachelard est plus facilement acceptée, sinon même reven­diquée au niveau des déclarations d'intention et des ins­tructions officielles qui guident l'enseignement, que réelle­ment et a i sément mise en pra t ique . On peut en effet soupçonner un important décalage entre les intentions et la réalité", car de nombreux facteurs sociaux et affectifs

(26) CANGUILHEM Georges. "Pathologie et physiologie de la thyroïde au XDCe siècle", in Etudes d'histoire et de philosophie des sciences. Paris. Vrin. 1968.2ème éd. aug. 1983.

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contribuent à privilégier, dans la représentation des buts de l'enseignement scientifique, l'image symbolique de l'ingé­nieur, l'image de la science comme production de résultats, donc de savoirs et de savoir-faire. On a pu observer que toute réflexion sur le statut du savoir scientifique ainsi que sur la méthode expérimentale, relevait de l'enseignement philosophique. Mais c'est oublier que toutes les pratiques pédagogiques mises en œuvre dans l'enseignement scientifique empruntent, de manière fort éclectique et "spontanée" des thèses liées à divers courants épistémologiques. Spontané ne signifie pas, ici, "naturel", mais bien plutôt le fait que chacun retrouve, sans l'avoir

philosophie explicitement appris, une philosophie affadie qui est, en bio­spontanée logie, celle du positivisme d'Auguste Comte transcrite en

physiologie animale par Claude Bernard. Il serait aisé de montrer l'étonnant parallélisme entre les instructions offi­cielles de 1952 ou de 1968 et "Le cours de philosophie posi­tive (deuxième leçon}".

4.2. Les critères de scientificité

Pour souligner l'importance d'une réflexion épistémologique et historique nous ne développerons ici qu'une question, celle des critères de "scientificité". Ce que disent les scientifiques a le statut de "vérité" univer­selle et qui doit donc s'imposer à tous. Mais à quoi le recon­naît-on et comment peut-on distinguer ce type d'affirmation d'autres types de discours ? Existe-t-il des critères qui per­mettraient de tracer des frontières indiscutables. Le débat n'est pas simple, mais il a longtemps été simplifié. - Le savoir scientifique dérive de faits d'observations et de

mesures, directs ou produits par des procédés techniques. Ces faits procurent un sentiment d'évidence auquel on ne peut échapper.

le réel est ~~ ^e savoir scientifique est le produit d'une méthode qui verifiable garantit par elle-même le caractère véridique. Est vrai, et

réel ce qui est verifiable, et répétable. Ces deux affirmations ont longtemps suffit. Il ne s'agit pas de les déclarer fausses, mais de limiter le domaine d'applica­tion de ces principes, d'introduire une conception plus dia­lectique et historique. Certains faits n'existent comme fait à observer, que dans le cadre d'un problème posé, ou d'une théorie. Certaines théories (telles les théories de l'évolution) ne donnent pas actuellement lieu à vérification, etc. Plus récemment est apparu un critère de réfutation. Le critère, la norme de scientificité consiste dans la possibilité de réfuter une proposition, à tout le moins de la rectifier de manière critique. Ce principe a le mérite de mettre l'accent sur la recherche d'autres explications, sur le "jeu des pos­sibles" à un moment donné, et sur la nécessité de contredire certaines hypothèses, ou du moins leurs conséquences observables. Il ne s'agit pas pour autant d'en faire un critère

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unique universel, et encore moins de déclarer non scienti­fique ce qui n'est pas (actuellement) refutable. Ces critères ont le mérite d'insister sur la matérialité des vérités scientifiques. Mais ils se l imitent au c o n t e n u effectif, explicite du savoir. Ils sont, en plus statiques, et

un critère n e prennent pas en compte la dynamique du travail scienti-dynamique fique, sa capacité de progrès. On peut considérer comme

norme de scientificité, cette capacité d'anticipation et non seulement de rectification, mais aussi de dépassement. Autrement dit, à côté de la matérialité de la science, sa vita­lité. Cette possibilité d'invention, ce critère "heuristique" comme certains l'ont nommé (27), met en avant le contenu latent, le contenu de connaissances "en attente" de certains concepts. Si certains concepts fonctionnent comme des outils (scal­pels, aiguilles...) des opérateurs, d 'autres sont "tendus comme des ressorts" pour relancer la recherche. La théorie mendélienne est une théorie ouverte, et l'évolution histo­rique des découvertes scientifiques en a explicité la signifi­cation et l'ouverture, c'est-à-dire la possibilité de développe­ment et de progrès qu'elle contenait et qui en garantit la validité. Autre critère, ce qui signe et garantit aussi la scientificité du travail, c'est la capacité à intégrer des découvertes impré­vues et non préméditées. Ces deux derniers critères ne peuvent donc pas être énoncés

intégrer les a priori, mais seulement de manière rétrospective, après découvertes analyse de la situation à un moment donné, et sans inter­

dire l'avenir. Ce critère historique a un effet rétrospectif autant que prospectif. On pourrait encore ajouter une norme de validité scienti­fique qui souligne la nécessité de la vulgarisation du savoir scientifique, et des réalisations techniques et médicales qui en sont le produit. Norme de validité ne signifie pas "vérité" ou "preuve", mais bien plutôt "mise à l'épreuve". Un concept ne devient vraiment scientifique qu'en s'incorporant à toute la culture contemporaine, et sa réalité naturelle est garantie par son extension culturelle. La diffusion d'un médicament ne se fait pas sans un suivi, un processus de "pharmacovi-gilance" qui est aussi une source de découvertes nouvelles, et de rectification du savoir. La médecine, et les résistances de l'homme malade peuvent jouer une fonction épistémolo-gique et critique vis-à-vis des découvertes de la biologie, et en éprouver par exemple les insuffisances. Ce dernier critère n'est pas non plus éternel-universel, c'est-

critère a priori, a à-dire, extérieur et antérieur à son "application" dans telle posteriori.,. circonstance précise, à tel travail qui se prétend scientifique.

(27) VALABREGA Jean-Paul. Phantasme, mythe, corps et sens. Une théorie psychanalytique de la connaissance. Paris. Payot. 1980.

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Tout critère de scientificité que l'on érige en critère absolu, éternel-universel peut être considéré comme méta-physique.

4.3. Éléments d'une culture scientifique Les éléments d'analyse précédents permettent de définir non pas la culture scientiflque et technique (au singulier) mais des apports fragmentaires qui peuvent, isolément ou non, en constituer des pièces. Pour situer la difficulté, il faut garder à l'esprit que : - La culture scolaire est un produit qui ne cesse d'effacer

soigneusement les traces de sa naissance, les conditions de sa constitution, le caractère aigu, polémique, prospectif de ses concepts, le statut, les limites et les conditions de sa validité.

- L'enseignement scientifique est "naturellement" produc­teur de synthèses qui masquent les discontinuités, les dis­cordances ou les contradictions. Il est "naturellement" producteur de réorganisations qui décontextualisent les savoirs et annulent le caractère historique des décou­vertes. Les concepts scientifiques sont transformés en "faits" d'observation, ou en "choses", c'est-à-dire en objets techniques, en appareils, sinon même, en institutions, en règles de vie ou en lois qui leur donnent un caractère "concret" et "évident" et non plus "conçu" et "construit".

- La culture commune met au premier plan l'émotion, le spectacle, la vitesse, la compétition (28), l'urgence de l'action et du résultat immédiat, l'efficacité.

(28) PETRELLA Riccardo. "L'évangile de la compétitivité", in Le Monde diplomatique. Septembre 1991.

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Dans une optique culturelle l'enseignement des sciences biologiques implique : - le recul de l'histoire et de la mémoire qui met le présent en perspective, en

permettant d'apprécier un devenir sur un temps long et un rythme lent, celui des concepts,

- la distance par rapport à l'urgence de l'intervention technique et sociale, per­mettant la mise en question critique des savoirs et de leur fonctionnement individuel et social,

- le refus du fétichisme, de la modernité, de la recherche du savoir le plus récent trop souvent couplé au prophétisme des découvertes à venir,

- la force de surmonter les obstacles, les résistances et les épreuves liées au décentrement, au détour, au déplacement, à la déception, au désenchantement,

- la lutte sans cesse renouvelée contre tous les procédés de dogmatisation externes au savoir scientifique, mais également internes au savoir et à son enseignement,

- l'obligation de l'objectivité conduisant à la mise en œuvre de procédures de validation, et qui est également une dure épreuve de réalité et de matérialité,

- l'audace de l'imagination, de l'anticipation, de l'aventure intellectuelle, de l'ouverture qui garantit la possibilité de développements, la capacité de pro­grès du travail scientifique, et qui est aussi une épreuve de vitalité,

- la capacité à réorganiser son savoir pour intégrer des découvertes imprévues et non préméditées,

- la lucidité vis-à-vis des mythes et des idéologies associées au savoir biolo­gique et à ses implications sociales (santé, environnement...),

- la responsabilité vis-à-vis des expérimentations biologiques, vis-à-vis de l'environnement, de la santé, mais également la responsabilité de l'enseignant de biologie vis-à-vis de son public,

-etc.

5. LA BIOLOGIE MÉDICALE, MODÈLE POUR LA RECHERCHE DIDACTIQUE

La réflexion épistémologique sur le savoir scientifique, son statut, la finalité de son enseignement ne peut que se pro­longer sur le statut d'une recherche didactique et donc du savoir didactique produit, sur "le comment enseigner" et "le comment apprendre". Les didacticiens de la physique ont trouvé un bénéfice cer­tain à intégrer une réflexion sur la technologie, sur l'assimi­lation et l'intégration sociale des découvertes scientifiques et techniques et par conséquent, sur les pratiques sociales qu'elles induisent, sur les résistances au changement tech­nique qu'elles entraînent. Parallèlement, la biologie médicale (organique et psychoso­matique) offre à la réflexion didactique des situations dont elle peut s'inspirer.

jugement de fait et jugement de valeur

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Par exemple, comment pratiquer objectivement, c'est-à-dire impartialement une recherche : - dont la méthode ne peut séparer expérimentation et

intervention efficace, finalisée par l'intention de soigner ? - dont l'objet ne peut être conçu et construit sans rapport

avec un choix de valeurs, autrement dit dans lequel on ne peut séparer jugement de fait et jugement de valeur ?

La technologie est également dans ce cas. La biologie médicale conduit également à se demander : - Quel sens donner à l'existence d'un effet placebo, dont

l'équivalent pédagogique doit exister ? - Comment distinguer et mettre en rapport le normal et le

pathologique ? (question qui se pose à propos du quotient intellectuel, par exemple)

- Comment répondre à une demande sociale de soins qui s'est progressivement transformée en un "droit à la santé, et dont l'équivalent pédagogique se formule en un "droit à la réussite scolaire" ?... et bien d'autres questions encore.

Plus largement la volonté et le projet de constituer une une pédagogie pédagogie plus "rationnelle" et "déterministe" ne peut que plus rationnelle trouver matière à comparaison dans les étapes du passage

d'une médecine empirique aux différentes conquêtes succes­sives de la (ou plutôt des) rationalités médicales et de leurs limites. La biologie médicale est propre à montrer à certains didacti-ciens trop optimistes et confiants dans le savoir qu'ils pro­duisent, l'alliance nécessaire entre : - l'optimisme rassurant lié à toute action visant à soigner

les souffrances, - les jugements pessimistes et donc inquiétants que suscite

la possibilité de soigner, ou plutôt de compenser les mala­dies génétiques, les maladies auto-immunes, ou les mala­dies dites "nerveuses" (on se rappellera que Freud n'a jamais été un thérapeute enthousiaste et que, toute sa vie, il s'est montré pessimiste quant aux effets thérapeutiques du processus analytique),

- l'activité discutable de certains médecins, si l'on pense au récent scandale de la transfusion sanguine.

On ne saurait enseigner au lycée Condorcet à Paris, sans citer l'un de ses anciens élèves, Paul Valéry (29) : "Le jugement le plus pessimiste sur l'homme, et les choses, et la vie et sa valeur, s'accorde merveilleusement avec l'action et l'optimisme qu'elle exige". Pour réaliser cet accord il faut beaucoup de lucidité et d'intelligence, à moins qu'il ne s'agisse de simplicité.

Guy RUMELHARD Lycée Condorcet, Paris Équ ipe de d idac t ique des s c i ences expérimentales, INRP Université Paris 7

(29) VALÉRY Paul. Regards sur le monde actuel (1945). Paris. Gallimard. 1968.

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ABSTRACTS

How should plant nutrition be taught in "basic"education ? A didactical suggestion

Pedro Canal de Leon

In science didactics one of the essential problems is how to choose the most appropriate goals and information content in whatever area of knowledge is going to be taught. This article deals with the case of "basic" instruction about green plant nutrition, and, by providing some elements for a reliable didactic transposition, aims to contribute to improved teaching and learning in this field.

A generative learning strategy about photosynthesis Miles Barker Malcolm Can-

Three strategies for teaching and learning about photosynthesis are described and criticized on the grounds that none of them promotes understanding of photosynthesis as a carbohydrate-producing process in a way which can be related to students'prior knowledge. A new strategy exploring the material aspects of photosynthesis (carbohydrate production) based on the generative learning model of Osborne and Wittrock (1985) has been developed. A teaching package entitled "Where Does The Wood Come From ?" has been trialled with a class of 26 fouth formers (14-year-olds). Seventy-one per cent of the students acquired a view of photosynthesis as a carbohydrate-producing process. Some novel techniques for implementing constructivist theory in the classroom (investigations, surveys, a self-teach booklet, check-points) are described. Modifications to the generative learning model itself, especially its apparently sequential nature, are suggested.

Using historical elements in the teaching of photosynthesis Souad Kassou Christian Souchon

The use of the history of science in science teaching in general, and biology in particular, is often referred to. In this article we propose to study the relation of the history of science to the teaching of photosynthesis, principally through an analysis of university and school text books. How is this history introduced ? How are certain historical experiments modi­fied by a transposition for didactical purposes ? What importance is given to these experiments ? What experimental processes are laid before the pupils ?

ASTER N° 15. 1992. Lumières sur les végétaux verts. INRP, 29, rue dUlm. 75230 Paris Cedex 05

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The Ruben and Kamen experiments (1941) in school text books Babacar Gueye

Most biology textbooks of the two senior levels of high schools refer to the Ruben and Kamen experiments. After studying the way these are presented and used for didactical purposes, we show that they contain errors of content and reasoning. We then raise the question, from this example, of a better use of the history of science in biology teaching.

Questioning Van Helmonfs logic Pierre Campestrini

Van Helmonfs experience, often used in the classroom, is the subject here of an exercise given to a class of 15 to 16 year-olds (classe de seconde) with the aim of getting the pupils to discuss Van Helmonfs conclusion : "169 pounds of wood, bark and roots had thus been produced from nothing but water". A detailed examination of the answers given to this paradoxical conclusion reveals a dialectic of "quality" and "quantity" : "quality" - which in this case equals "materiality" - is more often considered as a reasoning basis than "quantity".

The elaboration of conceptual models adapted to vocational tea­ching : an exemple in agrotechnics

Louis-Philippe Ledere Jacques Besançon Isabelle Nizet

In vocational teaching, the construction by pupils of diagrams which include the concepts and scientific principles relating to the techniques they are lear­ning may help them to build for themselves mental models relevant to the tasks they will have to perform in their profession. This study sets out the conditions and mode of elaboration of conceptual models which a teacher can use to help his pupils in making techno-scientific diagrams in agricultural technology in secondary education. First, the content is analysed, at the appropriate level. Next, it is organised and given shape by means of a conceptual chart connec­ting the units in hierarchical order. Finally, conceptual models (expert dia­grams) structure the dynamics of the subject, reflecting the underlying pro­cesses of the tasks in question. These proceedings, put into practice in a area of agrotechnics, have led to the creation of an integrated series of expert-dia­grams, whose teaching potential we discuss.

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Some questions raised in evaluating pupils' scientific reasoning Michelle Dupont

Deductive reasoning, hypothetico-deductive, induction - at what stages do these reasoning processes come into play in the course of scientific activity ? What difflculties do teachers come across when they wish to evaluate in the work of their pupils these logical activities ? What criteria should we choose ? What difficulties confront pupils when they have to make use of these forms of reasoning in order to solve a "problem" ? In conclusion, these logical processes seem to necessitate an interdisciplinary approach.

The cultural component in biology teaching Guy Rumelhard

A number of conditions are necessary if the teaching of biology is to take its place in a culture. The introduction to knowledge when conceived as an objecti-visation process cannot follow a linear progression, it must include working round the subject, and obstacles to be overcome. But scientific knowledpe must then be reintegrated in individual and social representations and practices, and its status must necessarily be defined. A complementary process of examining the status of research and findings in the field of science teaching must also be engaged.

Traduction June Dyer Anne Vérin

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SUMARIOS

Que ensenar sobre la nutrición de plantas en educación bàsica ? Hacia una proposición fundamentada.

Pedro Canal de Leon

Uno de los problemas mas urgentes en la didàctica de las Ciencias es el de la selección de las metas y de la información que pueda ser mas adecuada para la construcción en esa area de los conocimientos. En este articulo se aborda el caso de la ensenanza basica en torno a la temàtica de la nutrición de las plantas verdes, tratandosé de aportar elementos de anâlisis que permitan e fec tuar u n a t r a spos i c ión d idàc t i ca d o t a d a de u n a m a s a d e c u a d a fundamentación y que pueda cont r ibui r a mejorar la ensenanza y los aprendizajes escolares sobre esa temàtica.

Un modelo de ensenanza generativo de la fotosintesis. Miles Barker Malcolm Can-

El anâlisis de très estrategias de ensenanza y de aprendizaje de la fotosintesis muestra que ninguno de ellos favorece la comprensiôn de la fotosintesis en tanto que proceso productor de hidratos de carbono, de una manera que sea ligada a los conocimientos previos de los alumnos. Los autores presentan una nueva estrategia elaborada en referencia al modelo de aprendizaje generativo de Osnorne y Wittrock (1985). El articulo describe las actividades propuestas a los alumnos en un modulo titulado : De donde viene la madera ?, experimentadas en una clase de 26 alumnos de 14 afios. La evaluación, mues t ra que siete a lumnos sobre diez, han construîdo u n a comprensiôn satisfactoria de la fotosintesis. Modificaciones del modelo de aprendiza je genera t ivo son s u g e r i d a s , en p a r t i c u l a r a su c a r â c t e r aparentemente secuencial.

Utilización de aspectos histôricos en la ensenanza de la fotosintesis.

Souad Kassou Christian Souchon

Se invoca a menudo la utilización de la historia de ciencias en la ensenanza de las ciencias en general, de la biologia en particular. Este articulo propone de estudiar la relación de la historia de ciencias en la ensenanza de la fotosintesis, esencialmente a través del anâlisis de manuales universitarios y escolares. Que presentación es hecha de esta historia ? Que transformación sufren ciertas experiencias históricas a través de la transposición, didàctica ? Que estatuto es dado a esas experiencias ? Que mètodo experimental es presentado a los alumnos ?

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Las experiencias de Ruben y Kamen (1941) a través los manuales escolares.

Babacar Gueye

Las experiencias de Ruben y Kamen son mencionadas en la mayoria de los manuales de biologia de los anos Primero y Terminal. A par t i r de un estudio de la presentación y de la explotación de es tas experiencias con fines didâcticos, planteamos los errores de contenido y de razonamiento, an tes de discutir a través de este ejemplo, de u n a mejor utilización de la historia de ciencias en la ensenanza de la biologia.

Salir de la lògica de Van Helmont Pierre Campestrini

La experiencia de Van Helmont, es a menudo presentada en clase ; en este artîculo es el tema de un ejercicio propuesto a los alumnos de Segundo. Su objetivo central, es de discutir la conclusion del experimentador : " 169 libras de madera , corteza y ra ices , hab iân sido produc idas a par t i r de agua solamente". El anâlisis detallado de las respuestas de los alumnos confrontados a esta conclusion paradoxal, revela una dialéctica de la "calidad" y de la "cantidad"... La "calidad" que en este caso es la "materialidad", parece que provoca de una manera mas frecuente el razonamiento que la "cantidad".

Elaboración de modelos conceptuales adaptados a la ensenanza profesional : una aplicación en agrotécnìca.

Louis-Philippe Ledere Jacques Besançon Isabelle Nizet

En el contexto de la ensenanza profesional, la construcción de diagramas por los alumnos, incluyendo los conceptos y principios cientificos relativos a las técnicas, puede contribuir a generar modelos mentales funcionales, en relación a las tareas relacionadas con su profesión. Este estudio analiza las condiciones y el modo de elaboración de modelos conceptuales, que pueden servir de referenda al docente, para guiar los alumnos en la construcción de diagramas técnico-cientificos en agrotéenica, en secundaria. El contenido es al principio analizado a su nivel requerido para su ensenanza. Su organización general, es enseguida puesta en forma sobre una carta conceptual, que une las unidades de manera jeraquica, su dinamica es finalmente estructurada en una forma de modelos conceptua les (diagramas-exper tos) que reflejan los procesos subyacentes a las tareas profesionales. La puesta en marcha de este procedimiento en el campo de la agrotéenica, ha conducido a la elaboración de una serie integrada de diagramas-expertos, cuyo potencial pedagògico es discutido.

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Algunos problemas provocados por la evaluación de los razonamientos de los alumnos, en ciencias.

Michelle Dupont

Razonamiento deductivo, hipotético-deductivo, inducción. Cuâles son las etapas que esos razonamientos intervienen en el curso del proceso cientifìco ? Cuâles son las diflcultades que encuentran los ensenantes cuando quieren evaluar sus alumnos, sus actividades lôgicas, que criterios retener ? Cuâles son las diflcultades que los alumnos confrontan cuando tienen que poner en marcha esos razonamientos para resolver un problema ? En conclusion, esas actividades lôgicas no son particularmente del dominio de la interdisciplinaridad ?

La ensenanza de la biologia corno cultura Guy Rumelhard

Para que la ensenanza de la biologia sea constitutiva de u n a cultura, es necesario un cierto numero de condiciones. La iniciación al saber, considerado corno un proceso de objetivación, debe incluir un trabajo de reflexion, de decentralización, de desplazamiento de intereses inmedìatos, de prâcticas individuales y sociales. Esto conduce a precisar su estatuto. Esta reflexion se prolonga necesariamente por un anâlisis de estatuto de una investigación y de un "saber" didâctico.

Traduction : Mirtha Bazan