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Ecole maternelle,
langage et réussite scolaire
Tours, 8 avril 2013
Viviane BOUYSSE
Inspectrice générale de l’Education nationale
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Plan de l’exposé
1. Prévenir les difficultés dès l’école maternelle
2. Faire acquérir une première maîtrise du langage
3. Faire de la pédagogie du langage le cœur de la pédagogie de l’école maternelle
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1. Prévenir les difficultés dès l’école
maternelle
1.1. La mission de prévention de l’école maternelle
Prévention primaire, secondaire, tertiaire : de la complexité.
Prévention « généraliste » à rechercher dans la qualité des pratiques ordinaires.
Prévention primaire : s’attaquer aux facteurs de vulnérabilité, aux sources potentielles de difficultés. Les difficultés peuvent résulter :
de troubles ou de déficiences, de perturbations des fonctions dites supérieures ;
des conséquences de situations de fait extérieures à l’école : langue, culture, rapport à l’écrit ;
de failles dans les pratiques d’enseignement.
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1. Prévenir les difficultés dès l’école
maternelle
1.2. Un facteur de vulnérabilité lié aux effets cognitifs, langagiers et sociaux de la socialisation familiale
Convergence des recherches dans l’analyse des conduites des élèves « fragiles » ou en difficulté :
ancrage dans l’expérience ; peu d’habitude de l’objectivation et de la prise de distance ; éloignement des usages du langage relevant de l’élaboration, de la culture écrite ;
cumul d’approximations linguistiques ; importance des relations affectives dans la
mobilisation sur les apprentissages ; confusion entre effectuation des tâches scolaires et
apprentissage des contenus de savoir (réussir un exercice // savoir pourquoi on réussit).
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1. Prévenir les difficultés dès l’école
maternelle
1.3. Deux domaines fondamentaux pour la prévention de l’illettrisme à l’école maternelle
Importance de ce qui fait le lien entre l’origine des enfants et leurs acquis antérieurs et extérieurs à l’école ET leur adaptation et leur réussite à l’école : le langage et la langue et l’acquisition d’attitudes favorables à l’apprentissage (devenir élève).
Vigilance : pas d’autonomie de ces domaines :
Langage et langue ne s’acquièrent pas au détriment des autres domaines d’activités mais en interaction avec ces domaines d’activités (égalité des chances ; enjeux des échanges) ; langage = outil et objet d’apprentissage.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.1. Maîtrise de la langue / Maîtrise du langage
Distinguer langue et langage
Langue = système complexe, conventionnel ; coordination de signes (des mots et une syntaxe propres à chaque langue)
Langage = fonction humaine à trois dimensions (sociale/culturelle, psychologique et cognitive) qui mobilise la langue.
Trois « registres » : réception, production, interaction.
Deux « régimes » : oral et écrit.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.1. Maîtrise de la langue / Maîtrise du langage - suite
Distinguer Pratique de la langue : spontanée // consciente
et réfléchie (objectif à plus ou moins long terme).
Maîtrise de la langue : mobilisation consciente et adaptée de ressources diverses permettant d’assurer la réussite d’activités langagières complexes (objectif du socle commun).
Etude de la langue : amorce en maternelle. Première maîtrise du langage : ambition de l’école
maternelle, avec primauté à l’oral.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.2. Un élément déterminant : la parole magistrale, le « parler professionnel »
Parole magistrale : elle devrait être modélisante, dans toutes ses composantes. Le langage-modèle doit faire entendre le registre « académique », seule chance pour certains enfants d’y accéder.
Caractéristiques d’un « langage modèle » Son débit : plus lent que le parler ordinaire. Sa clarté : articulation claire, pas de syllabes
« avalées ». Sa fluidité : des phrases construites qui vont à leur
terme. Sa précision : des mots exacts ; éviter les termes
fourre-tout et les gestes qui pallient le flou. Sa redondance : des reformulations syntaxiques
et/ou lexicales.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.2. Un élément déterminant : la parole magistrale, le « parler professionnel » - suite
Parler professionnel : Importance des feed-back et de la
reformulation des propos enfantins : donner une forme correcte aux intentions de l’enfant sans l’obliger à répéter.
Importance des relances et des modes de questionnement : les questions fermées amènent des réponses en un mot ou en un complément d’énoncé ; les questions ouvertes induisent des phrases plus complètes, parfois complexes.
Importance des liens langagiers effectués par l’enseignant : remobilisation, « citations » ; aide à la prise de distance (langage réfléchi).
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Exemples : modes de « questionnement » des adultes
Questions ouvertes (quand, comment, pourquoi…) Questionnement indirect qui génère une implication,
un désir de partage : « je me demande pourquoi, qui, où… » ; « tu crois …? » ; « tu es sûr que…? »
Emission d’hypothèses : « Et si… ? » ; « Peut-être que… »
Contresens ou fausses déclarations (en faisant parler une marionnette qui ne comprend pas par exemple)
Sollicitation d’un point de vue et de sa justification Utilisation de connecteurs ou d’embrayeurs dans la
narration : « soudain… » ; « mais… » ; « alors… » ; « pendant ce temps…. »
Pause-silence du maître (Document d’accompagnement pp. 52-53)
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.3. Un travail de fond et de longue durée sur l’oral ; l’enjeu = déjouer les déterminismes sociaux.
Langage oral en situation, langage d’accompa-gnement de l’action : spontané (l’oral ordinaire) (à distinguer du langage du maître en accompagnement de l’action )
Langage oral décontextualisé : langage d’évocation, « oral scriptural » , récit (parler comme un livre) : proche de l’écrit même si subsistent des formes typiques de l’oral.
Langage écrit : structuration syntaxique et précision lexicale maximales ; organisation textuelle liée aux intentions et situations de communication.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.4. Un enseignement organisé du lexique : « un enseignement raisonné et systématique qui écarte les approches accidentelles » (E. Calaque).
Nourrir les mémoires verbale et sémantique : la compréhension précède et excède la production : distinction « voc. actif » // « voc. passif ».
Enseigner ce que veulent dire les mots ET comment on se sert des mots
Connaître le sens des mots : problème de leur polysémie (significations dépendantes du contexte, le sens découlant de l’utilisation). Attention aux représentations figées.
Se servir des mots : connaître leurs possibilités sémantiques, les caractéristiques de leur fonction-nement syntaxique, les jugements sociaux.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.4. Un enseignement organisé du lexique - suite Séances intégrées : fondamentales car ancrage dans
les situations qui donnent du sens aux acquisitions ; important dans les phases de repérage, découverte, réemploi.
Séances spécifiques essentielles pour la structuration (catégorisation, « attributs »), la capitalisation. Importance des traces (choix des supports délicat).
Equilibre des deux modalités. Intérêt d’activités ritualisées.
La question de la progression Vocabulaire au plus près des besoins de la commu-
nication (comprendre et s’exprimer) en situation scolaire ; vers le moins familier, voire l’abstrait.
Noms, verbes, adjectifs qualificatifs, adverbes ; mots grammaticaux.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.5. Un enseignement organisé de la syntaxe
Une progression plus évidente :
(mot-phrase ---->) pseudo-phrase ----> phrase simple ----> phrase complexe (rôle clé des « introducteurs de complexité »).
Importance des modèles : langage du maître, textes entendus, textes appris (variables de choix à étudier) .
Une condition essentielle pour développer la maîtrise de la syntaxe : le « parler en continu » (cf. CECRL) qui oblige à enchaîner des énoncés.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.6. L’entrée dans l’écrit ; objectifs
Acculturation : approche patrimoniale, culturelle et linguistique : faire entendre et comprendre le français écrit (langue du récit).
Compréhension des textes : le vrai travail se fait dans les échanges (PARLER AVEC en parlant SUR).
Production : faire produire des phrases et des textes destiné à être lus ; enjeu du passage de l’oral à l’écrit = prise de conscience que l’on n’écrit pas comme on parle.
Première étude de la langue : faire accéder à une des caractéristiques de l’écrit : sa stabilité, et en comprendre les ressorts : un code que tout le monde utilise de la même manière. De la mesure dans l’étude du code.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.7. La visée d’objectifs langagiers et linguistiques dans toutes les activités
Toutes les activités peuvent être supports d’apprentissages langagiers : toute séance devrait avoir un ou deux objectifs langagiers (un d’ordre lexical, un autre plus pragmatique ou syntaxique).
Jouer sur des vecteurs de communication en vraie grandeur pour motiver des retours sur … (cf. évocation + passage à l’écrit) : cahier de vie de la classe, affichages, albums, blogs, etc.
DECOUVERTE DU MONDE = domaine très fécond : lien entre les acquisitions lexicales et l’évolution des représentations du monde (dimensions cognitives et affectives), elles-mêmes articulées avec la construction des savoirs encyclopédiques.
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.8. La cohérence et la continuité longitudinales, les progressions
Organiser une progression sur les 3 sections pour chaque sous-domaine des domaines langagiers.
Mettre en oeuvre une approche spiralaire des apprentissages lexicaux et des travaux sur les textes pour pérenniser les acquis : rebrassage, remobilisation dans des situations variées.
Effectuer des retours en arrière réguliers (consolider).
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2. Faire acquérir une première maîtrise du
langage
2.9. L’information et l’implication des parents
Informer les parents sur l’importance des échanges langagiers avec leurs enfants : susciter certaines attitudes, certaines pratiques rares dans certains milieux.
Montrer : invitation à venir en classe ou usage de vidéos de la classe en situation (montrer ainsi que faire avec… autour de…, quand on…. ).
Associer les parents à l’évaluation du langage de leur enfant / de ses progrès.
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3. Faire de la pédagogie du langage le cœur de
la pédagogie de l’école maternelle
3.1. « Dépasser l’opposition récurrente et stérile » entre deux modèles pédagogiques, les coordonner de manière optimale. (Eurydice)
Deux modèles pédagogiques :
Approche dite développementale, centrée sur l’enfant, favorisant les apprentissages dits indirects ou incidents.
Interventions plus marquées de la part de l’enseignant animé par des intentions didactiques précises, favorisant les apprentissages structurés.
Phases successives dans de nombreux pays.
Dosage plus subtil pour l’école maternelle lié au processus du « devenir élève ».
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3. Faire de la pédagogie du langage le cœur de
la pédagogie de l’école maternelle
3.1. A l’école maternelle, dépasser l’opposition de modèles pédagogiques, les coordonner – suite
Accord sur l’importance de l’activité et de l’initiative de l’enfant comme moteurs de son développement
MAIS reconnaissance que ce développement n’intervient pas dans un vide culturel.
Orientation de l’action éducatrice vers des
domaines porteurs de valeurs culturelles et précurseurs des apprentissages scolaires fondamentaux = chance des enfants issus des milieux culturellement défavorisés.
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3. Faire de la pédagogie du langage le cœur de
la pédagogie de l’école maternelle
3.2. Une organisation de la classe maternelle qui permette aux enfants de vivre bien leur petite enfance tout en s’engageant à leur mesure et à leur manière dans les apprentissages
Trois verbes clés : les enfants doivent
AGIR, c’est-à-dire prendre des initiatives (et non exécuter) et « faire » (essayer, recommencer, etc.).
REUSSIR : aller au bout d’une intention, d’un projet voire de la réponse à une consigne, et de manière satisfaisante.
COMPRENDRE : ce qui suppose une prise de distance, une prise de conscience. C’est dans cette « réflexivité » que se construit la posture d’élève. INTERACTIONS, ETAYAGE
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3. Faire de la pédagogie du langage le cœur de
la pédagogie de l’école maternelle
3.3. La pédagogie du langage dans ce contexte
La mise en activité (des consignes pensées)
L’accompagnement, le commentaire (vocabulaire++)
Les interactions Maître /Enfants et entre enfants
La prise de distance (oral scriptural), la trace (passage à l’écrit)
La structuration (rebrassage et organisation) voire l’entraînement (ex : avec enregistrement).
et ce, en fonction des familles de situations :
jeu
recherche, résolution de problèmes
acculturation
activités dirigées.
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3. Faire de la pédagogie du langage le cœur de
la pédagogie de l’école maternelle
3.4. Une pédagogie explicite dès que possible
Pédagogie explicite : énoncer les objectifs du « travail » attendu, les critères de réussite.
L’oral relève d’une pratique si commune qu’elle est « transparente », non conçue comme un moment d’activité cognitive.
Mobiliser l’attention sur un « comment mieux … ».
…. et des habitudes : mettre en place des « rituels » d’activités orales ; proposer des formes d’activités récurrentes.
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Conclusion : la place particulière du langage à l’école maternelle
Une importance triple pour les enfants
structuration et enrichissement des capacités de production et de compréhension en vue d’une entrée réussie dans les apprentissages systématiques ;
outil de prise de distance par rapport au vécu, au présent, à l’action ; relations fondamentales Langage // Pensée ;
outil d’élucidation, d’explicitation des exigences scolaires.
Une responsabilité triple pour l’enseignant[e]
médiateur de la communication entre enfants ;
formateur (fait progresser) ;
modèle de pratiques langagières et de langue.