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UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE UFR Sciences et Techniques
Année universitaire 2014/2015
Master Sciences Technologies Santé
Mention Biologie-Santé
Spécialité : MICROBIOLOGIE FONDAMENTALE ET APPLIQUEE
ECOLOGIE MICROBIENNE DES BIOFILMS
RESPONSABLES DE L’ANOBLISSEMENT DES
ACIERS INOXYDABLES EN MILIEU MARIN
Mémoire présenté le 19 juin 2015
Par Florian TRIGODET
Laboratoire d’accueil :
Laboratoire de Microbiologie des Environnements Extrêmes
Institut de la Corrosion
Supervisé par :
Loïs Maignien
Nicolas Larché
UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE UFR Sciences et Techniques
Année universitaire 2014/2015
Master Sciences Technologies Santé
Mention Biologie-Santé
Spécialité : MICROBIOLOGIE FONDAMENTALE ET APPLIQUEE
ECOLOGIE MICROBIENNE DES BIOFILMS
RESPONSABLES DE L’ANOBLISSEMENT DES
ACIERS INOXYDABLES EN MILIEU MARIN
Mémoire présenté le 19 juin 2015
Par Florian TRIGODET
Laboratoire d’accueil :
Laboratoire de Microbiologie des Environnements Extrêmes
Institut de la Corrosion
Supervisé par :
Loïs Maignien
Nicolas Larché
Cette étude a été réalisée en vu de l'obtention du Master spécialité Microbiologie Fondamentale et
Appliquée de l'Université de Bretagne Occidentale, durant l'année universitaire 2014-2015. Ce
rapport, intitulé “Écologie microbienne des biofilms responsables de l’anoblissement des aciers
inoxydables en milieu marin” a été réalisé par Florian Trigodet sous la supervision de Loïs
Maignien et Nicolas Larché, respectivement du Laboratoire de Microbiologie des Environnements
Extrêmes (Rue Dumont d'Urville, 29280 Plouzané) et de l’Institut de la Corrosion (220 Rue Pierre
Rivoalon, 29200 Brest). Le stage a débuté le 9 Janvier, et s'est achevé le 12 Juin 2015.
REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier Loïs Maignien pour les opportunités, les conseils, l’inspiration et le
soutien qu’il m’a offert depuis plus d’un an.
Je remercie autant Nicolas Larché pour son accueil, encadrement, enthousiasme dans mon
intégration au sein de l’Institut de la Corrosion. Merci d’avoir accueilli un microbiologiste parmi
l’équipe de corrosion marine.
Je remercie Mohamed Jebbar, directeur du Laboratoire de Microbiologie des Environnements
Extrêmes de m’avoir accueilli dans le laboratoire et m’avoir permis de réaliser ce stage.
Je remercie aussi Dominique Thierry, directeur de l’Institut de la Corrosion, d’être à l’origine du
projet et de m’avoir permit de rejoindre l’Institut et l’équipe de corrosion marine.
Je remercie les membres du jury pour le temps et l’attention qu’ils porteront à ce rapport.
Parmi les personnes présentes au LM2E, je tiens à remercier Myriam, Alex, Stéphane, Yann,
Morgane, Sam pour leur nombreux et inestimables conseils et discussions.
Je remercie aussi l’ensemble des thésards : Cécile, Coraline, Damien, Gwendoline, Junwei,
Matthieu, Tiphaine pour tous ce qu’on a pu partager. Et aussi Kévin (Batman) pour ses visites
impromptus mais indispensables.
Merci aussi à toute l’équipe de corrosion marine : Erwan, Charles, Etienne, Pascal, Flavien pour
tout ce que vous m’avez appris et pour la très bonne ambiance qui ne vous quitte jamais.
Un petit merci à Vanessa et Audrey de l’institut de la corrosion et Stéphanie du LM2E pour leur
motivation à me faire faire des gâteaux. Vous avez toujours cru en moi.
Un très grand merci à Clarisse avec qui j’ai pu partager presque tous mes doutes, idées et soirées
rédactions. Merci d’être la passagère presqu’à l’heure tous les matins.
Merci à Aurélien et les discussions très instructives malgré le décalage horaire, j’espère bien
continuer à échanger, au moins autant que lors de ces 6 derniers mois.
Merci aux stagiaires M2 avec qui j’ai partagé l’aventure : Ellynn, Lisa, Sébastien, Alexia, Caroline.
Et aux autres stagiaires qui ont séjournés avec nous : Julia, Jules, Sarah, Julien, Amaia, Julie,
Priscilla et Olivier, Linjing, et Ines. Merci pour tous ces moments !
Enfin, je remercie mes parents pour leur soutien inconditionnel et leur aide à la relecture.
TABLE DES MATIERES Introduction ....................................................................................................................... 1
Système microbien et corrosion ............................................................................................... 1
Microbial Influenced Corrosion (MIC). .................................................................................... 2
Anoblissement des aciers inoxydables ................................................................................... 3
Objectifs et méthodologie ........................................................................................................ 6
Matériels et Méthodes ...................................................................................................... 8
Design expérimental ................................................................................................................. 8
Préparation des acier inoxydable et collecte des biofilms .................................................. 8
Filtration et extraction d’ADN .................................................................................................. 10
PCR, purification, dosage de l’ADN et séquençage ............................................................ 11
Bioinformatique ........................................................................................................................ 12
Préparation des données brutes ......................................................................................... 12
Assignation taxonomique ..................................................................................................... 12
Regroupement par similarité de séquence ....................................................................... 13
Analyse de la diversité .......................................................................................................... 13
Résultats et Discussion .................................................................................................... 14
Evolution du biofilm dans le temps ........................................................................................ 14
Singapour ............................................................................................................................... 14
Brest, été 2014 ........................................................................................................................ 17
Evolution du biofilm avec la température ............................................................................. 20
Brest été 2014 ......................................................................................................................... 20
Brest, Fevrier 2015 .................................................................................................................. 23
Reproductibilité du biofilm ...................................................................................................... 24
Brest, Fevrier 2015 .................................................................................................................. 24
Conclusions et prospectives .......................................................................................... 26
Références ....................................................................................................................... 27
TABLE DES FIGURES Figure 1. Suivi temporel du potentiel électrochimique. ....................................................................... 5
Figure 2. Représentation schématique du système d’acquisition du potentiel électrochimique. ......... 9
Figure 3. Schéma du système de filtration. ........................................................................................ 10
Figure 4. Potentiel électrochimique au cours du temps à Singapour. ................................................ 14
Figure 5. Distribution relative des taxonomies et OTUs dans les échantillons de Singapour. .......... 16
Figure 6. Représentation en réseau des échantillons de Singapour. .................................................. 17
Figure 7. Potentiel électrochimique au cours du temps à 30°C, Brest. .............................................. 18
Figure 8. Distribution relative des taxonomies et OTUs dans les échantillons de Brest. .................. 19
Figure 9. Représentation en réseau des échantillons de Brest. .......................................................... 20
Figure 10. Potentiel électrochimique au cours du temps à 30 et 40°C, Brest. ................................... 21
Figure 11. Distribution relative des taxonomies et OTUs pour 30 et 40°C à Brest. .......................... 22
Figure 12. Représentation en réseau des échantillons à 30 et 40°C, Brest. ....................................... 23
Figure 13. Potentiel électrochimique à 30, 33, 36, 38 et 40°C, Brest. ............................................... 24
Figure 14. Potentiel électrochimique de 25 réplicas à température ambiante, Brest. ........................ 25
LISTE DES TABLEAUX Tableau 1. Composition de différents aciers inoxydables. .................................................................. 4
Tableau 2. Mélange réactionnel de PCR ............................................................................................ 11
Tableau 3. Caractéristiques des différents jeux de donnés d’ADNr 16s. .......................................... 15
LISTE DES ABREVIATIONS BSR : Bactérie Sulfato-Réductrice
CAPARMOR : CAlcul PARallèle Mutualisé pour l’Océanographie et la Recherche
CMIC : Chemical Microbially Influenced Corrosion
Ecorr : Potentiel de Corrosion
EMIC : Electrical Microbially Influenced corrosion
EPC : Embedded Personal Computer (PC embarqué)
EPS : Extracellular Polymeric Substances (Substances Extra-Polymériques)
MIC : Microbiologically Infuenced Corrosion (Corrosion Induite par les Microorganismes)
OTU : Operational Taxonomic Unit (Unité Taxonomique Opérationnel)
TBS : Tris Buffer Saline
1
INTRODUCTION
SYSTEME MICROBIEN ET CORROSION
La corrosion fait intervenir deux demi-réactions électrochimiques impliquant l’oxydation d’un
composé métallique, à l’anode (exemple du Fer (Fe)):
Fe° ! Fe2+ + 2e-
E°’= -0,88V
Ainsi que la réduction d’un accepteur d’électron, à la cathode (exemple de l’hydrogène (H)):
2H+ + 2e- ! H2 E°’= -0,41V
Dans le cas d’un métal, la demi-réaction d’oxydation correspond à la corrosion, qui ne peut avoir
lieu qu’en présence d’une demi-réaction cathodique associée, qui permet la consommation des
électrons. Au final la réaction appelée réaction d’oxydoréduction, peut s’écrire :
Fe° + 2 H+! Fe2+ + H2
Les sites anodiques et cathodiques sont caractérisés par leur potentiel électrochimique et le flux
d’électrons se fera du potentiel le plus négatif vers le potentiel le plus positif. La thermodynamique
permet de prédire la quantité d’électrons et leur sens de réaction, mais c’est la cinétique des deux
demi-réactions et qui définit le flux électron réel entre l’anode et la cathode, entre la réaction
d’oxydation et la réaction de réduction (1).
D’un point de vue microbiologiste, les sources d’énergie microbienne viennent aussi de réaction
d’oxydoréduction et de transfert d’électron : l’oxydation de substrat organique ou inorganique pour
les chimiotrophes, les radiations lumineuses pour les phototrophes ; la réduction de composés
accepteur d’électrons comme l’oxygène pour la respiration aérobie, ou les nitrates, sulfates, fer (III),
ou dioxyde de carbone pour les respirations anaérobies (2). Tout comme pour les réactions
impliquées dans la corrosion, le flux d’électrons résulte d’une différence de potentiels
électrochimiques entre un donneur et un accepteur d’électrons, d’un potentiel le plus négatif vers le
plus positif.
La capacité de conversion en énergie du transfert d’électron chez les microorganismes est la
principale différence entre les deux systèmes. En effet la réaction de corrosion n’est que dissipation
d’énergie. Le premier système est donc dans un état de flux énergétique stable mais dynamique,
tandis que le second est associé à une perte continue d’énergie.
2
MICROBIAL INFLUENCED CORROSION (MIC).
Bien que le sujet principal de cette étude soit focalisé sur les aciers inoxydables il est important de
s’intéresser à la littérature des interactions entre microorganismes et autres matériaux. En effet, il
est essentiel de savoir quelles ont été les approches dans ce domaine : entre les métabolismes
microbiens et la chimie du biofilm.
La mise en place d’un biofilm sur la surface d’un métal débute dès l’immersion de ce dernier en eau
de mer. C’est tout d’abord un dépôt de composés inorganiques et organiques dans les minutes qui
suivent l’immersion qui permet l’attachement des premiers microorganismes. Ensuite, le
développement de ce biofilm conduit à la mise en place d’une matrice constituée d’EPS
(Extracellular Polymeric Substances), produite par les bactéries (3–5). Par cette matrice, le biofilm
est en interaction directe avec la surface du métal et devient par conséquent l’environnement direct
de ce métal (interface). Les microorganismes et la matrice sont alors impliqués dans toutes réactions
de réduction (cathode) complémentaire à l’oxydation du métal.
L’hypothèse d’un lien entre microorganismes et corrosion existe depuis 1910 avec Richard H.
Gaines. (6). En effet, des produits sulfurés de corrosion ont été associés avec une corrosion en
condition d’anaérobie, et l’hypothèse émise à l’époque fut une connexion avec le cycle microbien
du souffre. C’est seulement en 1934 que von Wolzogen Kühr et van der Vlugt (7) ont mis en
évidence l’implication des bactéries sulfato-réductrices (BSR) dans la corrosion des tuyaux de fer
dans les sols riches en sulfates et anaérobie.
En absence d’oxydant et en condition acide, l’accepteur d’électron principal est le proton qui va
former du dihydrogène H2 (8). Cet hydrogène est ensuite consommé par les BSR qui réduiront les
sulfates en sulfure d’hydrogène :
Réaction cathodique de corrosion : 2H+ + 2e- ! H2 Réduction du sulfate : SO42- + 4H2 + H+ ! HS- + 4H2O
Ce phénomène est la base de la « théorie de la dépolarisation cathodique » qui propose une action
des microorganismes sur la corrosion via un déplacement de l’équilibre réactionnel vers la réaction
de réduction (cathode) en consommant l’hydrogène produit lors de la corrosion, mais sans interagir
directement avec le métal (9). C’est une hypothèse qui ne sera pas remise en cause avant les années
70 où l’ajout de lactate comme donneur d’électron à la place de l’hydrogène n’empêchait pas une
dépolarisation cathodique (10). C’est ainsi que l’effet corrosif du sulfure d’hydrogène fut mis en
avant comme principale cause de la corrosion, avec la production de sulfure de fer (8). Enfin depuis
récemment, il a été montré que certaines BSR sont capables d’utiliser le fer élémentaire (Fe0)
3
comme donneur direct d’électron et le taux de corrosion qui en résulte est 71 fois plus élevé (11).
Ce processus, très différent de la production de sulfure d’hydrogène, fais l’objet d’une nouvelle
appellation : « electrical microbially influenced corrosion » (EMIC) à contrario de l’ancienne
« chemical microbially influenced corrosion » (CMIC) pour la production d’H2S pour les BSR.
Bien entendu, d’autres types de microorganismes peuvent être impliqués comme les bactéries sulfo-
oxydantes, ferro-oxydants/réductrices, manganèse oxydants, et toutes celles qui peuvent produire
des composés acides. Ces microorganismes coexistent en milieu naturel et leur association dans un
biofilm permet des interactions synergétiques qui augmentent la réaction de corrosion (12).
Néanmoins, il ne faut pas négliger l’impact des composés organiques constitutifs de la matrice d’un
biofilm : que ce soit des enzymes ou des EPS chélateurs d’ions métalliques. Dans le premier cas, les
bactéries sulfato-réductrices qui consomment le H2 utilisent une hydrogénase. Cette enzyme
catalyse la réaction de réduction des protons en hydrogène, même purifiée et en l’absence de
microorganismes (13). Dans le cas de Desulfovibrio vulgaris, dont le génome a été séquencé en
2004, les hydrogénases périplasmiques sont liées à des cytochromes de type C (14), démontrant
ainsi la possible utilisation du dihydrogène issu de la corrosion pour les BSR par un transfert
d’électrons externes.
La mise en place d’un biofilm passe par la production d’EPS qui regroupent des macromolécules
comme des protéines, polysaccharides, acides nucléiques, ou lipides (3, 5). Les ions métalliques
comme Ca2+, Cu2+, Mg2+ et Fe3+ peuvent être fixés par les EPS avec des groupements anioniques
(carboxyle, phosphate, nitrate, pyruvate) (15). Ces EPS servent alors de navettes et permettent de
nouvelles réactions comme le transfert d’électrons directement depuis le métal, ou l’oxydation de
ces ions en présence d’un accepteur d’électrons comme l’oxygène.
ANOBLISSEMENT DES ACIERS INOXYDABLES
Les aciers inoxydables sont des alliages de fer, carbone et de chrome (minimum de 10,5%), et
parfois de nickel et de molybdène pour améliorer leur résistance à la corrosion (tableau 1). L’acier
inoxydable utilisé dans l’étude est le SuperDuplex 2507.
Un film dit passif se forme spontanément à la surface des aciers inoxydables. La composition de
cette couche est formée d’oxydes et hydroxydes de chrome et de fer. Cette couche est adhérente,
compacte et protective et va créer une barrière entre l’acier et le milieu et va ainsi empêcher la
corrosion uniforme de continuer.
4
L’immersion d’un acier inoxydable en milieu naturel (eau de mer, de rivière) peut conduire à un
phénomène de changement du potentiel électrochimique appelé l’anoblissement et décrit par
Mollica & Trevis en 1976 (16). Le potentiel, aussi appelé Potentiel Libre ou Potentiel de Corrosion
(Ecorr), évolue dans le temps vers des valeurs plus positives jusqu’à atteindre un plateau de
stabilisation, et est entièrement corrélé à la présence de microorganismes formant un biofilm à la
surface du métal (17–20). Avec l'utilisation d'eau de mer stérile, une dérive du potentiel lié à
l’évolution du film passif est observé mais l’anoblissement n’est pas présent (21). Cette
augmentation du potentiel peut être problématique et conduire à de la corrosion localisée sur des
aciers inoxydables (19, 22–24). Pour le moment, aucun mécanisme n’existe pour expliquer l’action
des microorganismes sur ce changement de potentiel. Little et Mansfeld (25) ont divisé les modes
d’actions théoriques en trois catégories : thermodynamique, cinétique, et nature de la réaction de
réduction.
D’après la thermodynamique, une baisse du pH en dessous de 3 ou une augmentation de la pression
partielle en oxygène à la surface du métal peut expliquer une partie du changement de Ecorr.
Cependant, il a été observé que le pH à la surface d’acier inoxydables est très variable : de 2 à 8
(26). C’est un facteur qui peut contribuer à la dépolarisation sans l’expliquer entièrement.
La cinétique de la réaction de réduction d’un oxydant comme l’oxygène est aussi un facteur majeur.
Une augmentation de la vitesse de réduction de l’oxygène peut expliquer une très grande partie de
l’anoblissement (27). Il a aussi été montré qu’une augmentation de la passivité de l’acier inoxydable
par la présence de sidérophores ou chélateurs de fer pourrait avoir le même effet (28, 29).
Tableau 1. Composition de différents aciers inoxydables.
%Cr %Ni Other Ferritique 12 - 30
Martensitique 12 - 30 0.1 - 0.8% C
Austénitique 17 - 19 10 - 14
Austéno- Ferritique (Duplex) 21 - 26 4 - 6
Super-Austénitique 19.5 - 25 16 - 25 3 – 5% Mo, Cu, N, W
Super-Duplex 24 – 27 4.5 - 8 4 – 7% Mo, Cu, N, W - 2507 24 – 26 6 – 8 3 – 5 % Mo, 0.24 – 0.32% N
5
(a)
(b)
Figure 1. Suivi temporel du potentiel électrochimique. (a) Evolution du potentiel au cours du temps. Le changement de potentiel, ou anoblissement observé vers les 2 jours pour une température de 30°C à Brest. L’écart type est présenté par la surface bleu clair. (b) D’après Bardal et al. (21). Evolution du potentiel au cours du temps pour une immersion en eau de mer naturelle (rond plein); eau de mer artificiel autoclavée (carré blanc) et eau de mer naturelle filtrée (losange blanc).
Dupont et al. ainsi que Landoulsi et al. (2008) (30, 31) ont montré qu’en condition stérile, l’ajout de
glucose et glucose oxydase, donc une enzyme qui catalyse la réduction de l’oxygène, suffit à
provoquer l’anoblissement. Mais dans ce cas, il y a aussi une production de peroxyde d’hydrogène
(H2O2) dont les auteurs ont aussi mis en évidence une action sur le potentiel Ecorr. Il s’agit du
troisième mode d’action, un changement dans la nature de la réaction de réduction.
0 1 2 3 4 5 6 7
−0.2
0.0
0.2
0.4
Time [days]
Pote
ntia
l [V/
SCE]
−10
010
2030
Tem
pera
ture
(°C
)Temperature
Ennoblement
6
La dismutation du peroxyde d’hydrogène peut être assurée par des catalases pour une réaction de
type :
2H2O2 ! 2H2O + O2 E°’= 0,26V
Washizu et al. (32) ont montré que l’évolution saisonnière du potentiel Ecorr était liée à la
concentration en peroxyde d’hydrogène dans le biofilm. Sur Brest, Le Bozec (33) a aussi mis en
évidence l’action du peroxyde d’hydrogène sur l’augmentation du potentiel des aciers inoxydables
avec des concentrations de 10-3 M après un mois d’exposition en milieu naturel.
Un autre mécanisme qui change la nature de la réaction de réduction est la présence d’oxyde de
manganèse produit par des bactéries manganèse-oxydantes, en eau douce ou estuarien. Ces
dernières réduisent l’ion Mn2+ en MnO2 avec MnOOH comme intermédiaire. Les deux formes
oxydées se retrouvent sous forme précipitée à la surface du métal, soit en contact électrique direct
avec le métal. Une réaction de réduction de MnO2, avec MnOOH comme intermédiaire, se fait alors
spontanément au contact du métal et provoque un changement du potentiel Ecorr (1, 17, 34, 35).
Un point notable est que l’anoblissement est un phénomène qui n’est plus observé à des
températures approchant et supérieures à 40°C dans les eaux de mer tempérées (36). L’activité et la
structure du biofilms doivent alors être très différentes pour des températures plus élevées.
Ainsi, l’effet des microorganismes sur l’anoblissement des aciers inoxydables présente un grand
intérêt car il peut être responsable de corrosion localisée pour certains d’entre eux, mais surtout
parce que le mécanisme d’action à l’origine de ce phénomène n’est pas encore connu, malgré une
première description en 1976 (16).
OBJECTIFS ET METHODOLOGIE
Les biofilms sont des environnements complexes et structurés par un ensemble de
microorganismes. Cette diversité microbienne va se refléter dans une multitude de métabolismes,
mais aussi par la production de composés intra ou extracellulaires qui pourraient être associés au
phénomène d’anoblissement. C’est donc au sein d’une communauté microbienne incluse dans un
biofilm que l’on se posera les questions suivantes :
• Quels microorganismes sont responsables de l’anoblissement ?
• Par quel(s) mécanisme(s) ?
• Dans quelles conditions ?
7
Pour répondre à ces questions, une approche globale du biofilm est nécessaire : incluant toute la
diversité, sans une focalisation sur un type microbien. Bien qu’une telle approche ne soit pas une
chose nouvelle (37), la singularité de cette étude est l’utilisation de techniques moléculaires
impliquant du séquençage haut-débit pour la compréhension d’une communauté dans son ensemble.
Ce rapport s’inscrit dans la phase exploratoire de l’étude. Ainsi, la question principale est : quels
microorganismes sont présents en fonction du temps et des conditions expérimentales ? Il s’agit de
décrire les biofilms sur aciers inoxydables d’une manière écologique.
Pour ce faire, un protocole d’exposition des aciers inoxydables en eau de mer et de collecte des
biofilms associés a été mis au point. Il s’agit d’un tout nouveau protocole jamais mis en place
auparavant, du moins à Brest. En effet, en avril 2014, l’institut de la corrosion a monté un projet
d'exposition d’aciers inoxydables en conditions naturelles d’eau de mer tropicale à Singapour en
collaboration avec l’Université Nationale de Singapour (NUS) et la Singapore Institute of
Manufacturing Technology (SimTech). Ces derniers ont donc utilisé un protocole similaire pour la
collecte des biofilms et le séquençage et ils ont étudiés le biofilm au cours du temps et donc du
changement de potentiel.
Le projet entre l’Institut de la Corrosion (IC) et le Laboratoire de Microbiologie des
Environnements Extrêmes (LM2E) à, quant à lui, démarré l’été 2014 avec une série de premières
expériences aussi basées sur un suivi au cours du temps du biofilms et de la dépolarisation, ainsi
qu’un comparatif avec une température d’eau de mer pour laquelle l’anoblissement n’est plus
observé.
Les données brutes des deux études de Singapour et Brest, précédent le début du stage, ont été
exploitées durant la période du stage et seront présentées dans ce rapport.
Ainsi, ces premières expériences visent à approfondir la connaissance du développement du biofilm
dans le temps et propose une première approche comparative entre différentes températures qui
permettront de poser des hypothèses de travail nouvelles.
Basés sur ces données brutes, les objectifs du stage sont de proposer de nouvelles expériences
répondant à de nouvelles questions, toujours dans le cadre exploratoire des biofilms sur aciers
inoxydables. C’est ainsi que deux expériences ont été mises en place répondant à la question de la
reproductibilité des biofilms pour la première, et de l’évolution du biofilm avec la température pour
la seconde.
8
MATERIELS ET METHODES
DESIGN EXPERIMENTAL
Le projet avec l’Université Nationale de Singapour (NUS) et la Singapore Institute of
Manufacturing Technology (SimTech) a débouché sur l’étude du biofilm dans le temps, au cours du
changement de potentiel dans une eau de mer naturellement à 30°C. La collecte de biofilms a été
faite après 1 heure, 2 jours et 7 jours d’immersion.
Une première expérience a été réalisée à Brest durant l’été 2014 pour permettre de mettre en place
un protocole nouveau mais standardisé en ce qui concerne l’étude des biofilms sur acier inox et le
suivi du potentiel électrochimique de ces métaux. Il s’agissait d’étudier le biofilm dans le temps et
pendant l’anoblissement pour une eau de mer chauffée à 30°C, et un échantillonnage de biofilm
dans une eau de mer chauffé à 40°C (sans anoblissement). Chaque collecte de biofilms a été faite en
triplicas sur trois plaques d’aciers disposées dans les mêmes conditions à l’eau de mer. Les durées
retenues pour l’étude temporelle à 30°C sont : 1 heure, 2 jours, 7 jours et 14 jours. Une seule durée
a été utilisée pour l’eau de mer chauffée à 40°C : un point comparatif à 7 jours.
Depuis janvier 2015, deux expériences ont été mises en place pour répondre aux questions de (1) la
reproductibilité du biofilm et (2) de son évolution avec la température. 5 bassins d’eau de mer
renouvelés ont été utilisés pour la première expérience avec 5 réplicas par bassins. La collecte de 25
biofilms s’est faite au bout de 14 jours, une fois la montée de potentiel effectuée. En parallèle de
cette collecte des biofilms, 10 litres d’eau de mer par bassin ont été collectés ainsi que 10 litres
directement de la mer.
Pour la seconde expérience, seuls 3 bassins d’eau de mer renouvelées et chauffées étaient
disponibles pour tester 5 températures différentes (30, 33, 36, 38 et 40°C). Les différentes
températures ont donc été testées en deux temps : 30, 33, et 36°C pendant 7 jours ; et 30, 38, 40°C
pendant 7 autres jours. La duplication de l’exposition à 30°C permet d’évaluer les changements de
l’inoculum que représente l’eau de mer étant donné une période d’une semaine de latence entre les
deux expériences.
PREPARATION DES ACIER INOXYDABLE ET COLLECTE DES BIOFILMS
Des coupons originaux de 150mm par 100mm d’acier inoxydable SuperDuplex 2507 (tableau 1) ont
été usinés pour obtenir des coupons de 100mm par 50mm. Les angles ont été polis et un trou de
4mm de diamètre percé dans un coin supérieur de chaque plaque d’acier inox. Ce trou permet de
suspendre les plaques dans l’eau de mer par une tige en titane reliée au système d’acquisition du
9
potentiel électrochimique. Ce dernier est mesuré avec une électrode de référence au chlorure
d’argent placé dans le même bassin que les plaques d’acier inox. L'acquisition du potentiel
électrochimique est effectuée en utilisant un EPC (Embedded Personal Computer) relié à un boîtier
électrique spécialement conçu à partir duquel les tiges de titane et l'électrode de référence sont
également connectées. L'EPC a été programmé pour des mesures toutes les 30min.
Figure 2. Représentation schématique du système d’acquisition du potentiel électrochimique. L’EPC correspond à un system portatif et automatisé programmable. Les mesures de potentiels sont effectuées toute les 30min. Le potentiel électrochimique est mesuré entre une électrode de référence de chlorure d’argent (Ag, AgCl) et les tiges de titanes auxquelles les plaques sont accrochées et donc connecté électriquement. Le boitier électrique permet la connexion des tiges de titanes et l’électrode de référence.
Avant chaque expérience, ces coupons d’acier inox subissent un lavage à l’acide nitrique 20%
pendant 20min dans un bain à ultrason, puis triple rinçage à l’eau désionisée et dernier rinçage à
l’alcool. Cette étape permet d’avoir des surfaces homogènes, et ainsi d’avoir un ensemble de
coupons dans les mêmes conditions physicochimiques. Ils sont ensuite stérilisés par autoclavage en
cycle sec.
Une fois les aciers immergés pour une durée donnée, ils sont extraits de l’eau et le biofilm est tout
de suite collecté dans des conditions stériles dans 100ml d’une solution de Tris Buffer Saline (50
mM Tris-Cl, pH 7.6; 150 mM NaCl) à l’aide d’une spatule stérile. La solution est ensuite conservée
EPC$$
Reference$electrode$
Electrical$box$
10
dans la glace pour le transport. Un coupon d’acier inox stérile sert de contrôle négatif et a été traité
de la même manière que pour la collecte du biofilm.
FILTRATION ET EXTRACTION D’ADN
Le système de filtration mis au point permet de filtrer la solution de Tris Buffer Saline (TBS) sur un
filtre de 25mm de diamètre avec des pores de 0,22µm (Millipore). Le volume total de collecte est
utilisé (100ml) et les filtres sont ensuite conservés à -80°C. Une filtration de solution TBS stérile
permet d’effectuer un contrôle négatif de l’étape de filtration.
Figure 3. Schéma du système de filtration. Seringue luer lock stérile de 60ml (A), adaptateur luer lock femelle (B), support de filtre 25mm (C), Seringue luer lock stérile de 2,5ml (D), bouchon en caoutchouc percé (E), fiole à vide (F).
L’extraction d’ADN a été réalisée à l’aide du MoBio PowerBiofilm DNA extraction kit (Mobio) en
suivant les instructions données par le kit. Seulement la moitié d’un filtre est utilisé, l’autre est
conservé à -80°C. Deux autres contrôles sont effectués avec une extraction contenant la solution
TBS.
11
PCR, PURIFICATION, DOSAGE DE L’ADN ET SEQUENÇAGE
Une PCR a été réalisée en ciblant la région V4-V5 du gène codant pour l’ARNr 16s (gène codant
pour la petite sous unité de l’ARN ribosomique) avec les amorces bactériennes 518F (sens) et 926R
(anti-sens). Une combinaison de 8 barcodes associé avec les amorces sens et 12 indexes avec les
amorces anti-sens sont utilisés pour multiplexer la PCR : ainsi, chaque échantillon est amplifié avec
une combinaison unique de barcodes et d’indexes. Un traitement bioinformatique permettra ensuite
de rapporter chaque séquence à un échantillon. La polymérase utilisée est la Phusion haute-fidélité
(Thermo Scientific). Il s’agit d’une solution contenant l’ADN polymérase, 1.5 mM de tampon
MgCl2 et 400 µM de chaque dNTP. Le mélange réactionnel de la PCR est représenté dans le tableau
2.
Tableau 2. Mélange réactionnel de PCR
Réactifs Concentration initiale Concentration
finale Vol.
unitaire
Eau / / 20
Phusion mix
(Fisher) 2X 1X 25
Amorce sens 10µM 0,3µM 1,5
Amorce anti-sens 10µM 0,3µM 1,5
ADN / / 2
Vol. final / / 50
La réaction a été programmée pour 30 cycles avec 30s à 94°C pour la dénaturation, 45s à 57°C pour
l’hybridation des amorces et 1 min à 72°C pour la polymérisation. En fin de PCR, une dernière
étape d’élongation de 2min à 72°C précède un stockage de ces produits de PCR à 4°C.
L’amplification est confirmée par une migration des produits de PCR dans un gel d’agarose 0,8%.
L’ADN est révélé au bromure d'éthidium (BET). Une plaque magnétique de 96 puits et le kit
AMPure XP (Agencourt) ont été utilisés pour purifier les produits de PCR avec un ratio 5:9
d’échantillons et de solution AMPure XP et selon les recommandations du fabricant. La
quantification, ou dosage de l’ADN a été réalisée avec le kit Quant-iT ™ PicoGreen® ADNdb
(Invitrogen). Le réactif PicoGreen® ADNdb est un marqueur d'acide nucléique fluorescent utilisé
pour quantifier l'ADN double brin. Le dosage a été fait selon les recommandations du fabricant
avec une dilution préalable des produits de PCR au 100ème pour entrer dans la gamme étalon du
dosage.
12
Enfin, tous les produits PCR sont mélangés de manière équimolaire, établi d’après la concentration
la plus faible. La concentration finale est de 9,85 ng/µl d’ADN pour un volume de 308µl, bien au-
dessus des 5 ng/µl et/ou 50 ng minimum pour le séquençage Illumina MiSeq à au Josephine Bay
Paul Center à Woods Hole, Massachusetts, USA. Ce type de séquençage est dit haut-débit et permet
d’obtenir des millions de séquences, représentatives des millions de microorganismes présents dans
un biofilm. Les données seront publiques et accessibles sous le nom de projet LQM_COR_Bv4v5.
En ce qui concerne l’expérience menée à Singapour, la région de l’ADNr 16s qui a été séquencée
est celle de V1-V3, par Mr DNA (USA).
Quant aux expériences menées à Brest lors de l’été 2014, les échantillons ont été directement
envoyés à Fasteris (Suisse) pour un séquençage Illumina MiSeq. Ils ont effectué une PCR
multiplexé au préalable.
BIOINFORMATIQUE
L’ensemble du traitement bioinformatique a été réalisé sur le supercalculateur CAPARMOR
(CAlcul PARallèle Mutualisé pour l’Océanographie et la Recherche) présent à l’Ifremer.
PREPARATION DES DONNEES BRUTES
Des millions de séquences de la région V4-V5 de l’ADNr 16s sont obtenues après le séquençage
Illumina MiSeq. Ces données brutes ont besoins d’être traitées en terme de qualité. Les critères
retenus pour la qualité des séquences sont ceux proposés par Minoche et al. (38) et ont été
appliqués aux séquences avec la suite de script python de Illumina-Utils
(https://github.com/meren/illumina-utils) développé par Murat Eren.
Pour chaque fragment d’ADN, le séquençage a été effectué deux fois : depuis l’amorce sens et
depuis l’amorce anti-sens. Deux séquences d’ADN, avec une région chevauchante, sont donc
obtenues pour un seul fragment. La séquence complète est reconstituée à l’aide d’un autre script
présent dans Illumina-Utils.
ASSIGNATION TAXONOMIQUE
L’ensemble des séquences a été soumis à une assignation taxonomique contre la base de données
Silva NR v119 (137 879 séquences bactériennes, 3 155 archées et 12 273 eucaryotes) (39).
L’assignement est réalisé à l’aide de Qiime-1.9 (40). Il s’agit de comparer chacune des séquences
avec celles présentes dans la base de données. La taxonomie de la séquence la plus proche est
ensuite attribuée, et plusieurs séquences regroupées sous une même assignation. Une matrice
Florian Trigodet
Florian TrigodetWarning: 5ng au total !!
Florian Trigodet
13
d’observation est obtenue, qui contient l’abondance des différentes taxonomies identifiées, pour
chacun des échantillons.
REGROUPEMENT PAR SIMILARITE DE SEQUENCE
L’assignation taxonomique n’est pas toujours le meilleur outil pour comprendre la structure d’un
échantillon, particulièrement pour des environnements très peu étudiés pour lesquels la taxonomie
ne sera pas assez précise. L’étude des jeux de données d’ADNr 16s peut s’affranchir de l’utilisation
d’une base de données de référence en utilisant des algorithmes qui vont regrouper les séquences
par similarité en OTUs (Operational Taxonomic Unit). Dans le cas présent, c’est l’algorithme de
Swarm (41) qui est utilisé au travers de Qiime-1.9. Une assignation taxonomique a aussi été
réalisée, sur les séquences représentatives des OTUs.
La réaction de PCR induit des erreurs comme les séquences chimères. Ce sont des séquences
artificielles qui sont composées d’au moins deux fragments de vraies séquences. Elle sont détectées
et écartées du jeux de données en utilisant Qiime-1.9 et Uchime (42).
Une fois de plus, une matrice est créée avec l’abondance des différents OTUs non-chimériques dans
les différents échantillons.
ANALYSE DE LA DIVERSITE
Les matrices d’abondance des taxonomies, ou des OTUs servent de base à la suite de l’analyse
bioinformatique. Des graphiques en barres sont réalisés avec le langage de programmation R avec
l’extension ggplot2 (43). Il s’agit de montrer les abondances relatives des taxonomies ou OTUs
dans les différents échantillons.
En parallèle, des réseaux ont été réalisés avec le logiciel Gephi (44). Les échantillons et les OTUs
sont représentés sur un plan avec des liens correspondant à l’abondance de ces derniers dans les
premiers. L’algorithme ForceAtlas2 (45) est ensuite utilisé pour la spatialisation de ces données.
14
RESULTATS ET DISCUSSION
Les données de l’expérience de Singapour et celles de l’été 2014 à Brest ont été exploitées pendant
la durée du stage et sont présentées avec les données préliminaires des expériences mises en place
depuis Janvier 2015. En effet, les résultats du séquençage ne sont disponibles que depuis la fin de la
période de stage et leur exploitation n’a pas pu être effectuée pour le moment.
EVOLUTION DU BIOFILM DANS LE TEMPS
SINGAPOUR
L’expérience menée à Singapour a consisté à collecter le biofilm des aciers inoxydables après 1
heure, 2 jours et 7 jours d’immersion. Il s’agit d’un suivi de l’évolution du biofilm dans le temps et
au cours de l’anoblissement: avant le changement de potentiel, pendant celle-ci et une fois le
potentiel stabilisé (figure 4). Un prélèvement d’eau de mer a aussi été réalisé pour comparer
l’inoculum. Huit réplicas ont été utilisés par points dans le temps.
Figure 4. Potentiel électrochimique au cours du temps à Singapour. Les biofilms ont été collectés après 1 heure, 2 et 7 jours d’incubation en eau de mer naturellement à 30°C.
Toutes les manipulations ont été effectuées par l’Université Nationale de Singapour (NUS) et la
Singapore Institute of Manufacturing Technology (SimTech) et les résultats de séquençages ont
aussi été traités en termes de qualité par leur service. C’est donc à partir de données « nettoyées »,
ou filtrées que les analyses bioinformatiques ont été réalisées selon le protocole de bioinformatique
1 heure
2 jours
7 jours
−0.1
0.0
0.1
0.2
0.3
0 2 4 6Jours
Pote
ntie
l [V/
SCE]
15
décrit dans les matériels et méthodes. Le nombre d’échantillons, de séquences ainsi que le nombre
taxonomies différentes assignées et d’OTUs créés sont rassemblés dans le tableau 3.
Une évidente différence avec l’eau de mer (EM) est visible dans la Figure 5 qui représente la
distribution des OTUs d’une part et des Taxons d’autre part, dans les 4 échantillons collectés. Le
réseau (figure 6) confirme une disparité entre les échantillons de biofilm et l’eau de mer. Les niches
écologiques très différentes que représentent un biofilm d’une part, et l’eau de mer d’autre part,
expliquent une sélection des microorganismes adaptés pour une condition où l’autre.
Dans un deuxième temps, il est intéressant de noter la présence d’une communauté complexe dès la
première heure de colonisation. La structure de celle-ci est très identique au bout de deux jours avec
seulement des différences dans les abondances relatives. Il y a aussi une ressemblance avec le
biofilm de sept jours. La communauté microbienne est donc très stable dans le temps à Singapour,
et les premières heures sont déterminantes.
Une troisième observation concernant les différences entre ces échantillons est l’augmentation de la
diversité microbienne dans le temps. Elle peut s’expliquer avec une plus longue exposition à l’eau
de mer, donc une augmentation des rencontres entre les microorganismes du milieu avec le biofilm.
Mais aussi par l’évolution du biofilm lui-même et l’augmentation des interactions entre
microorganismes favorisant une compétition, qui peut être éventuellement responsable de la
diversité observée.
Tableau 3. Caractéristiques des différents jeux de donnés d’ADNr 16s.
Nombre d’échantillons
Nombre de séquences
brutes
Nombre de séquences
filtrées
Nombre de Taxonomies
Nombre d’OTUs
Singapour 32 / 511 773 1 059 319 448
1 heure 8 / 126 496 737 73 138
2 jours 8 / 104 657 650 62 518
7 jours 8 / 118 970 719 66 074
Eau de mer 8 / 161 650 624 92 002
Brest, été 2014 13 6 270 018 3 707 219 1 512 591 128
2 jours 30°C 3 1 437 314 817 414 632 114 270
7 jours 30°C 3 1 031 221 773 822 850 149 695
14 jours 30°C 3 1 646 373 881 078 1037 205 549
7 jours 40°C 3 1 608 410 888 691 516 90 545
Eau de mer 1 546 700 346 214 660 51 943
16
Parmi les microorganismes retrouvés (figure 5), le genre des Salinisphaera est très majoritaire à une
heure, deux jours et est présent à sept jours. Il s’agit d’un genre dont les 6 espèces décrites sont
halophiles modérées (46, 47), mais dont le rôle en milieu marin n’est pas encore défini. Le taxon
majoritaire à sept jours n’est pas identifié au-delà de la classe des Gammaproteobacteria. Une faible
profondeur d’identification est révélateur d’un manque de connaissances dans les bactéries de ce
type d’environnement. Le genre Acidoferrobacter est aussi présent à sept jours. La seule espèce
décrite à ce jour (48) est acidophile, ferro et sulpho-oxydante, et supporte des concentrations
élevées (supérieures ou égale à 200 mM) en ions métaliques (Fe2+, Fe3+, Mn2+, Al3+, Ni2+, Zn2+).
Enfin le genre majoritaire de l’eau de mer est Cadudatus pelagibacter. Un résulat attendu pour une
alphaprotérobacterie marine ubiquiste (49).
(a)
(b)
Bacteria;Proteobacteria;Gammaproteobacteria;Salinisphaerales;Salinisphaeraceae;Salinisphaera
Bacteria;Proteobacteria;Gammaproteobacteria
Bacteria;Proteobacteria;Gammaproteobacteria;Chromatiales;Ectothiorhodospiraceae;Acidiferrobacter
Bacteria;Proteobacteria;Alphaproteobacteria;SAR11_clade;Surface_1;Candidatus_Pelagibacter Figure 5. Distribution relative des taxonomies et OTUs dans les échantillons de Singapour. Les biofilms ont été collectés après 1 heure, 2 et 7 jours d’incubation en eau de mer. Le dernier échantillon correspond à l’eau de mer. Distribution des taxons (a) et des OTUs (b).
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons 1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons
1heure 2jours 7jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
17
Figure 6. Représentation en réseau des échantillons de Singapour. Les cercles de couleurs correspondent aux différents échantillons : biofilms (1 heure, 2 jours et 7 jours) et eau de mer. Les points représentent les OTUs. Un lien est présent lorsqu’un OTU est présent dans un échantillon, et la taille de ce lien est proportionnelle à l’abondance de l’OTU.
BREST, ETE 2014
Lors de la mise en place de l’expérience à Brest durant l’été 2014, il a été décidé de faire les mêmes
prélèvements que ceux qui ont été faits à Singapour avec un point supplémentaire à 14 jours.
Cependant, la collecte des biofilms après une heure d’immersion n’a donnée aucune trace d’ADN
après extraction, y compris avec une technique de dosage au PicoGreen® (Invitrogen) avec un seuil
de sensibilité de 25 pg/ml d’ADN double brin.
Ainsi, 3 points dans le temps ont été retenus : 2 jours, 7 jours et 14 jours (Fig7). Les conditions
choisies sont une eau de mer chauffée à 30°C, soit la même température que l’eau de mer naturelle
de Singapour. Bien entendu, ce ne sont pas les mêmes microorganismes qui seront présents en
comparaison d’une eau de mer non chauffée (10-11°C), mais dans les deux cas les microorganismes
causant l’anoblissement peuvent être étudiés. De plus, la cinétique de l’anoblissement est plus
rapide à 30°C qu’à 10-11°C. La figure 7 montre que l’anoblissement du potentiel est bien présent
au 2ième jour et stable dans le temps jusqu’au 9ième jour où une chute de ce dernier est observé. Etant
donné que cette diminution concerne toutes les plaques d’acier inoxydable dont le potentiel était
mesuré par une seule électrode de référence. Il est probable que celle-ci soit responsable de la chute
18
de potentiel observé, et qu’aucun changement ne soit intervenu à la surface des coupons
métalliques.
Figure 7. Potentiel électrochimique au cours du temps à 30°C, Brest. L’écart type est représenté par la surface bleu clair. Les biofilms ont été collectés après 2 jours, 7 jours ou 14 jours d’incubation. La chute observée de potentiel au 9ième jour est causée par l’électrode de référence.
Les séquences brutes obtenues de Fasteris (Suisse) ont été traitées en termes de qualité et le nombre
de séquences est reporté dans le tableau 3, ainsi que le nombre d’échantillons, de taxonomies
identifiées et d’OTUs créés. A l’instar de l’expérience de Singapour, trois réplicas ont été effectués
pour chacun des points de prélèvement dans le temps. Aussi, les données de séquençage pour
Singapour et Brest ne sont pas comparables car ce ne sont pas les mêmes régions du gène codant
pour l’ADNr 16s qui ont été séquencées : V4-V5 pour les échantillons de Brest, et V1-V3 pour
Singapour.
Là encore, une différence entre les communautés microbiennes des biofilms et de l’eau de mer est
évidente (figure 8 et 9). Elle s’explique encore par la différence d’environnement que représentent
un biofilm et l’eau de mer.
Bien que les premières heures de colonisation n’aient pas pu être étudiées, une assez grande
différence dans le temps est observable. D’ailleurs, le réseau (figure 9) le montre bien avec une
spatialisation des échantillons selon leur durée d’incubation en eau de mer. La communauté
microbienne est moins constante dans le temps que ce qui pouvait être observé pour les données de
2 jours
7 jours
14 jours
−0.2
0.0
0.2
0.4
0 5 10 15Jours
Pote
ntie
l [V/
SCE]
Evolution du potentiel des aciers inoxydables à 30°C
19
Singapour. Malgré cela l’anoblissement est toujours présent, ce qui suggère que dans tous les cas le
processus qui permet l’élévation du potentiel Ecorr est maintenu.
Les trois assignations taxonomiques principales à 2 jours appartiennent à la famille des
Alteromonadaceae dont certains représentants sont connus pour leur production d’EPS (50).
L’espèce Alteromonas genovensis présent dans cette famille est même associée avec la formation de
biofilms électro-actifs (51). Tout comme pour Singapour, la diversité augmente dans le temps et la
famille des Alteromonadaceae n’est dominante que dans les échantillons de 2 jours. C’est le genre
Oleiphilus qui est majoritaire à 7 jours. La seule espèce du genre décrite (Oleiphilus messinensis),
utilise des composés hydrocarbonés comme seule source de carbone et d’énergie (52). Enfin, la
famille des Rhodobacteraceae est présente dans tous les échantillons y compris l’eau de mer, en
proportions similaires à chaque fois. Cette famille est connue pour sa colonisation des surfaces
inertes, immergées en eau de mer tempérée, et la formation de biofilms (53, 54).
(a)
(b)
Bacteria;Proteobacteria;Gammaproteobacteria;Alteromonadales;Alteromonadaceae;Alteromonas
Bacteria;Proteobacteria;Alphaproteobacteria;Rhodobacterales;Rhodobacteraceae
Bacteria;Proteobacteria;Gammaproteobacteria;Oceanospirillales;Oleiphilaceae;Oleiphilus
Bacteria;Proteobacteria;Alphaproteobacteria;SAR11_clade;Surface_2 Figure 8. Distribution relative des taxonomies et OTUs dans les échantillons de Brest. Les biofilms ont été collectés en 3 réplicas après 2, 7 et 14 jours d’incubation en eau de mer chauffée à 30°C. Le dernier échantillon correspond à l’eau de mer. Distribution des taxons (a) et des OTUs (b).
2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons
2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons 2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons 2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons 2jours 7jours 14jours EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
20
Figure 9. Représentation en réseau des échantillons de Brest. Les cercles de couleurs correspondent aux différents échantillons : biofilms (2, 7 et 14 jours) et eau de mer. Les points représentent les OTUs. Un lien est présent lorsqu’un OTU est présent dans un échantillon, et la taille de ce lien est proportionnelle à l’abondance de l’OTU.
Une étude plus complète avec d’autres points dans le temps, précisément avant l’anoblissement,
permettrait de mieux comprendre le biofilm et son lien avec l’anoblissement. Cependant, beaucoup
de choses ont été mises en évidence au travers de cette première approche, notamment l’évolution
des communautés microbiennes dans le temps et les premières heures de colonisation comme un
élément clé de la diversité du biofilm. La maintenance du potentiel électrochimique dans le temps
malgré des changements dans la population microbienne.
EVOLUTION DU BIOFILM AVEC LA TEMPERATURE
BREST ETE 2014
Le phénomène d’anoblissement du potentiel électrochimique n’est plus observé pour des
températures supérieures à 40°C en eau de mer tempérée (figure 10). Ainsi, en parallèle des
prélèvements de biofilms au cours du temps pour une eau de mer chauffée à 30°C (Brest, été 2014),
un point comparatif dans un bassin d’eau de mer renouvelé et chauffé à 40°C a été réalisé. La
collecte de trois réplicas a été faite après 7 jours d’immersions.
21
(a)
(b)
Figure 10. Potentiel électrochimique au cours du temps à 30 et 40°C, Brest. Température de l’eau de mer dans les bassins : 30°C et 40°C stable dans le temps (a). Moyenne et écart type du potentiel électrochimique à 30°C (bleu) et 40°C (orange) (b). Les biofilms ont été collectés après 7 jours d’incubation pour les deux températures. Le phénomène d’anoblissement (montée du potentiel) n’est plus observé à 40°C.
Les séquences d’ADNr 16s de cet échantillonnage font partis du même jeu de données séquencées
par Fasteris (Suisse) (tableau 3).
Les différences entre les deux communautés microbiennes pour les deux températures sont très
marquées (figure 11 et 12). Une nette baisse de diversité est observée à 40°C, avec la dominance de
deux Taxons et OTUs pour cette température. Ce changement de communauté est donc peut-être
associé à un changement dans le potentiel électrochimique et le phénomène microbien responsable
de l’anoblissement n’est donc plus présent à 40°C. Pour comprendre l’action de la température sur
un ensemble de microorganismes, il faut tout d’abord prendre en compte la sélection que cette
température effectue. En effet, à 30°C ou 40°C, les microorganismes les plus actifs, et donc
compétitifs, sont ceux qui sont adaptés. Une augmentation de température implique un stress pour
les microorganismes dont l’optimum de croissance est plus bas. Ce stress peut induire une baisse de
l’activité de ces bactéries, ou un changement de celui-ci. La compétition s’effectue donc entre des
microorganismes différents, d’où les changements dans les taxons et OTUs dominants.
Le premier taxon dominant à 40°C est une bactérie de la famille des Rhodobacteraceae, avec le
genre Lutimaribacter. L’une des trois espèces caractérisées est capable de dégrader le
cyclohexylacétate, un composé provenant de la dégradation des n-alkyl-cyclo-alcanes qui compose
25
30
35
40
45
Tem
péra
ture
(°C
)
Potentiel des aciers inoxydables à 30°C et 40°C
−0.2
−0.1
0.0
0.1
0.2
0 2 4 6Jours
Pote
ntie
l [V/
SCE]
22
le pétrole (55). Encore une fois, la famille des Rhodobacteraceae est très présente, mais leurs
caractéristiques très variées (53–55) et le manque de précision des bases de données ne permettent
pas une assignation précise au niveau de l’espèce dans ce type d’environnement, ni de comprendre
leur rôle dans ces biofilms. Enfin, le deuxième taxon le plus abondant dans les biofilms à 40°C fait
partie du genre Blastopirellula, de la famille des Planctomycetaceae. Bien qu’il existe que très peu
d’information à propos du rôle écologique des bactéries de ce genre (56, 57), elles représentent une
part importante des biofilms à 40°C et doivent y avoir un rôle important.
(a)
(b)
Bacteria;Proteobacteria;Alphaproteobacteria;Rhodobacterales;Rhodobacteraceae;Lutimaribacter
Bacteria;Proteobacteria;Alphaproteobacteria;Rhodobacterales;Rhodobacteraceae /
Bacteria;Planctomycetes;Planctomycetacia;Planctomycetales;Planctomycetaceae;Blastopirellula Figure 11. Distribution relative des taxonomies et OTUs pour 30 et 40°C à Brest. Les biofilms ont été collectés en 3 réplicas après 7 jours d’incubation en eau de mer chauffée à 30 et 40°C. Le dernier échantillon correspond à l’eau de mer. Distribution des taxons (a) et des OTUs (b).
7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des Taxons parmi les échantillons
7jours 30°C 7jours 40°C EM
OTU
Distribution des OTUs parmi les échantillons
23
Figure 12. Représentation en réseau des échantillons à 30 et 40°C, Brest. Les cercles de couleurs correspondent aux différents échantillons : biofilms (2, 7 et 14 jours à 30°C ; 7 jours à 40°C) et eau de mer. Les points représentent les OTUs. Un lien est présent lorsqu’un OTU est présent dans un échantillon, et la taille de ce lien est proportionnelle à l’abondance de l’OTU.
BREST, FEVRIER 2015
Afin d’affiner la compréhension de l’action de la température sur le biofilm, un protocole
expérimental a été mis en place en Février 2014, utilisant 5 températures d’eau de mer différentes
(30, 33, 36, 38, et 40°C). Les biofilms ont été récoltés après une semaine d’incubation et les
résultats bruts de séquençage sont disponibles depuis fin Mai et n’ont pas encore été analysés par
bioinformatique.
La figure 13 montre les potentiels électrochimiques des aciers inoxydables selon les températures.
L’anoblissement est bien présent pour les températures de 30°C à 38°C, mais ne l’est plus à 40°C.
Le changement est très rapide avec la température puisque seul 2 degrés de différence suffisent pour
que le phénomène ne soit plus présent. L’activité microbienne provoquant le changement de
potentiel n’est donc plus présente à partir de 40°C. Le stress qu’impose 2 degrés supplémentaires
provoque donc un changement du comportement du biofilms, dans son activité et / ou sa
composition.
24
Figure 13. Potentiel électrochimique à 30, 33, 36, 38 et 40°C, Brest. Cinq réplicas ont été utilisés pour chaque température. L’écart type est représenté par la surface en vert clair. L’anoblissement est observé pour toutes les températures sauf pour 40°C.
REPRODUCTIBILITE DU BIOFILM
BREST, FEVRIER 2015
Mis en évidence avec l’expérience au cours du temps à Brest durant l’été 2014 (figure 14), une
question peut être posée : la différence entre les biofilms résulte-t-elle d’une évolution temporelle
ou d’une différence dès la colonisation ? Bien que l’expérience ait été réalisée en trois réplicas, la
question est légitime car la colonisation est une étape clé dans le devenir d’un biofilm.
Plus précisément, il s’agit de comprendre la construction du biofilm. Il y a-t-il de l’aléatoire dans la
composition du biofilm sur des aciers inoxydables, ou est-ce un environnement très sélectif ? Pour
répondre à la question, un protocole expérimental a été mis en place en Février 2015 avec
l’utilisation de 5 bassins d’eau de mer renouvelés mais non chauffés, et 5 réplicas par bassin. La
multiplication des réplicas permet d’apprécier le caractère aléatoire et déterministe dans la
formation du biofilm. En effet, il est important de savoir si des biofilms relativement différents
entre eux peuvent provoquer le même phénomène qu’est l’anoblissement. Ou bien s’il existe une
structure commune à tous les biofilms qui se développe sur ce type de surface. Tout comme pour
30°C 33°C 36°C 38°C 40°C
−0.2
0.0
0.2
0 2 4 6 0 2 4 6 0 2 4 6 0 2 4 6 0 2 4 6Jours
Pote
ntie
l [V/
SCE]
25
l’expérience des 5 températures réalisées dans le même temps, l’exploitation des données du
séquençage n’est pas encore disponible.
L’eau de mer n’a pas été chauffée pour cette série d’expérience, et la cinétique de l’anoblissement
n’est pas du tout la même que pour des températures plus élevées comme 30°C. En effet, les
biofilms ont été collectés au bout de 14 jours au lieu de 7, une fois le potentiel stabilisé.
Enfin, des prélèvements d’eau dans chacun des bassins, ainsi que de l’eau directement prélevée en
mer ont aussi été filtrés et envoyés à séquencer. Cela va permettre de connaître la diversité
microbienne de l’eau dans chacun des bassins, qui représente une sous-communauté de l’eau de mer
prélevée directement dans la rade de Brest.
La chute de potentiel observée dans la figure 14 au bout de 10 jours s’explique par l’arrêt de la
pompe principale de l’Ifremer. La mise en route d’une seconde pompe a amené une eau de mer plus
réduite (stagnante dans la tuyauterie de la seconde pompe). Les électrodes de référence plongées
dans l’eau de mer des bassins, et qui servent à la mesure du potentiel, ont donc été biaisées par ce
changement d’eau de mer. Dans tous les cas, toutes les plaques d’aciers inoxydables ont été
confrontées à ce changement bref des conditions de l’eau de mer.
Figure 14. Potentiel électrochimique de 25 réplicas à température ambiante, Brest. Cinq réplicas ont été utilisés dans cinq bassins d’eau de mer renouvelée. L’écart type est représenté par la surface en vert clair. La chute de potentiel après 10 jours est causée par l’arrêt d’une pompe de l’Ifremer et la mise en route d’une seconde avec un apport de dépôts affectant l’électrode de référence.
9
10
11
12
13
Tem
péra
ture
(°C
)
Potentiel d'aciers inoxydables à température ambiante
−0.2
0.0
0.2
0 2 4 6 8 10 12 14Jours
Pote
ntie
l [V/
SCE]
26
CONCLUSIONS ET PROSPECTIVES
Il est important de noter que l’étude de l’anoblissement des aciers inoxydables avec une approche
d’écologie microbienne est quelque chose de complètement nouveau. Il s’agit pour l’instant d’une
phase exploratoire de descriptions des biofilms en fonction du temps, des conditions
environnementales. C’est une étape nécessaire et un prérequis à la mise en place d’hypothèse de
travail pour comprendre le mécanisme microbien sous-jacent.
Ainsi, les conclusions de cette première approche sont que le biofilm évolue bien dans le temps
malgré une maintenance du processus permettant l’anoblissement, que ce soit à Singapour avec une
eau de mer naturellement à 30°C ou à Brest avec une eau de mer chauffée à 30°C. Dans les deux
cas, la composition et structure des biofilms sont très différentes pour une action identique sur le
potentiel des aciers inoxydables. Concernant l’effet de la température et l’absence d’anoblissement
au-delà de 40°C, là encore les communautés microbiennes sont très différentes. Cette différence en
terme d’abondance, et probablement d’activité, peut expliquer l’absence de montée du potentiel
électrochimique.
La métagénomique ou l’étude de l’ensemble des gènes présents dans un échantillon constitue
l’étape suivante pour l’appréhension de l’activité du biofilm et des mécanismes responsables de
l’anoblissement. D’ailleurs, un échantillon d’ADN extrait d’un biofilm collecté après deux jours
d’immersion à 30°C (figure 7) a été envoyé à séquencer pour avoir un premier métagénome.
D’autres métagénomes représentatifs de conditions différentes (dans le temps, avec la température)
permettront d’identifier les différents gènes présents ou absents et éventuellement ceux
responsables du changement de potentiel. L’ensemble des gènes présents permet de comprendre le
potentiel génétique du biofilm, et de poser des hypothèses quant au mécanisme d’action, mais ne
décrit pas l’activité réelle au sein du biofilm. Pour cela il faut s’intéresser à la
métatranscriptomique, ou l’étude des ARNm. Une piste envisagée dans le projet.
Pour le moment, seules les bactéries ont été ciblées lors des PCR pour l’amplification de l’ADNr
16s. L’ADN extrait des mêmes échantillons sera de nouveau amplifié avec des amorces pour
archées, afin d’étudier l’ensemble des microorganismes présents dans ce début de colonisation que
représentent les premiers jours.
Enfin, d’autres conditions environnementales seront testées à l’avenir, notamment la haute pression
hydrostatique représentative des milieux marins profonds. C’est une thématique qui intéresse
fortement les deux laboratoires que sont l’Institut de la Corrosion et le Laboratoire de
Microbiologie des Environnements Extrêmes.
27
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ABSTRACT: Biofilm formation on stainless steel is responsible for Ennoblement, a shift toward more positive
value of the electrochemical potential. It can trigger microbiologically influenced corrosion (MIC)
of passive alloys such as stainless steel. Since the mechanism through which microorganisms cause
Ennoblement is yet unknown, biofilms formed on stainless steel were investigated using culture
independent technics. High-throughput sequencing using Illumina MiSeq leads to millions of DNA
sequences that were processed using the latest bioinformatic tools and the Ifremer Caparmor super-
calculator. The aim of this approach is to consider the whole diversity within a biofilm that set off
Ennoblement. Biofilms were collected after different times to assess its evolution in time. While
Ennoblement does not occur for a seawater heated to more than 40°C, biofilms were also collected
at temperatures below and at 40°C to assess differences in microbial communities in the presence or
absence of that Ennoblement.
Keywords: Microbiologically Influenced Corrosion (MIC), Ennoblement, Microbial Ecology,
Bioinformatic