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31 FACE - DECEMBRE 2003 / JANVIER 2004 - N ° 160 30 Travail clandestin Relèvent de la première catégorie, les diffé- rentes formes de fraudes et l’évasion fiscale, le travail dissimulé. Les trafics de stupéfiants, cigarettes, armes, le proxénétisme mais aussi les produits détournés par les employés d’une entreprise par exemple appartiennent à la seconde. De par sa nature même, l’économie souterraine est un phénomène difficilement quantifiable, facilité par le développement des moyens de communications. Les estimations existantes sont jugées peu fiables et sans doute largement sous-estimées. Les enquêtes souffrent par ailleurs de leur ancienneté. La dernière publiée par l’Insee fait état d’une économie grise équivalente à 4% du PIB pour l’année 1988, ce qui plaçait la France dans la moyenne européenne. Une autre étude datée de 2000 montre que l’économie souterraine n’aurait cessé de pro- gresser dans l’ensemble des pays de l’OCDE passant de 2% du PIB en 1960 à 13% en 1995. Une chose est sûre : chaque année, plusieurs dizaines de milliards de dollars de marchan- dises exportées n’arrivent nulle part, échap- pant au contrôle des états. Un mystérieux trou noir ne cesse de se creuser, se nourrissant d’ac- tivités et de transactions clandestines… Une action coordonnée Depuis 1997, les administrations françaises ont entrepris une lutte coordonnée contre ce phéno- mène. A la Direction de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes, Jean-Marie Artiges explique : "En matière de lutte contre l’économie souterraine, nos services ont des prérogatives dans trois domaines". La facturation d’une part : la facture est le document de référence permettant de matériali- ser la transparence de la relation commerciale. "Elle est obligatoire dans tous les cas et nous sommes compétents pour vérifier ce document ou son existence. Nos services ont également compétence à défendre le volet protection de l’artisanat inscrit dans la loi Raffarin de 1996. En effet, les artisans doivent être immatriculés au registre des métiers et pour l’exercice de certaines professions un diplôme profession - nel est requis. Nous contribuons également à la lutte contre la contrefaçon de marque. La marque est un bien immatériel, certes, mais qui doit être protégée au même titre qu’un bien meuble. Hormis ces champs d’interven - tion, nous travaillons en partenariat avec d’autres administrations engagées dans la lutte contre l’économie souterraine, le GIR (Groupement d’intervention régional), la Direction du travail, le COLTI (Comité opéra - tionnel de lutte contre travail illégal), les Douanes, l’Urssaf et les services fiscaux ". FACE - DECEMBRE 2003 / JANVIER 2004 - N ° 160 E conomie souterraine, informelle, non officielle, invisible, grise, noire, occulte…autant de qualificatifs démon- trant le brouillard sémantique qui entoure ce type d’activité. Dans les pays développés, l’économie souterraine représente un moyen d’échapper à la fiscalité, aux charges sociales, aux procédures administratives… En se livrant à de telles pratiques, les fraudeurs font tort à l’ensemble de l’économie d’un pays : non-per- ception par l’Etat des impôts et taxes directes et indirectes, sous-évaluation du PIB, perception injustifiée d’allocations (RMI, Assedic,…), dis- torsion de concurrence, sans oublier le blanchi- ment d’argent venant alimenter des réseaux mafieux générant de l’insécurité. L’économie souterraine regroupe deux grands types d’activité : d’une part, les activités de pro- duction licites non déclarées et, d’autre part, les activités illicites productrices de biens et services. Les enquêtes sont déclenchées sur initiative des services ou suite à une plainte ou information extérieure. La contrefaçon, un pillage en règle Autre partenaire engagée dans cette lutte, la Douane est en première ligne pour débusquer les marchandises contrefaites ou illicites mais également les travailleurs clandestins. "Notre mission est d’être sur la route et de contrôler les véhicules de transport qui y circu - lent", explique Jean-Marie Dionet, directeur adjoint à la Direction interrégionale des douanes. "C’est souvent à l’occasion d’un contrôle inopiné que l’on découvre autre chose". Ainsi le 16 octobre, en vérifiant le chargement d’une camionnette qui venait de Belgique et qui contenait du matériel de chan- tier, nous avons découvert que les trois turcs à bord se rendaient sur le chantier d’un entrepôt à Lomme à la demande d’une société de l’Oise qui ne les avait pas déclarés. Le dossier a été transmis au procureur de la République. En charge également des contributions indirectes, nous sommes très vigilants sur la circulation et la vente d’alcools et de cigarettes. Ainsi au cours du 3 ème trimestre 2003, 6673 articles contrefaits ont été saisis (essen- tiellement vêtements de sport, puis articles de maroquinerie et montres), ainsi que 21 800 kilos de cigarettes". Sitôt créés, sitôt copiés…Insidieuse et bien organisée, la contrefaçon de pro- duits de marque et de luxe est très répan- due. Or, la marque représente un capital et la contrefaçon n’est autre qu’un pillage en règle de la créativité des entreprises, Alors qu’elle constitue un manque à gagner important pour le budget de l’Etat, l’économie souterraine crée aussi une somme de distorsions inacceptables pour la société. Depuis plusieurs années, les services de l’Etat coordonnent leurs actions pour lutter plus eficacement contre ce fléau nuisible aux entreprises, aux salariés et aux consommateurs. Le travail dissimulé en 2002* Parmi les infractions relevant du travail illégal figure le travail dissimulé, délit qui peut intervenir sous deux formes : la dissimulation d’activités économiques et celle de salariés. L’Urssaf est compétente pour traiter exclusivement de ces infractions. Depuis la loi du 11 mars 1997, le délit est constitué en cas de manquement intentionnel soit à la déclara- tion préalable de l’embauche (DPAE) soit à l’établissement du bulletin de paie. La minoration du nombre d’heures effectuées est associée au travail dissimulé. Sur 1335 procès-verbaux dressés par l’Urssaf en 2002 sur le territoire national (1855 PV de travail dissi- mulé dressés par l’ensemble des organismes habilités au contrôle) 483 concernaient le secteur des cafés, hôtels, restaurants, 248 celui du BTP et 213 celui de la prestation de services. PV Urssaf en augmentation de 13% par rapport à 2001. 11 094 actions spécifiques de vérifications ont été menées – 9662 entreprises vérifiées au titre de l’emploi de personnel et 1 432 travailleurs indépendants Les contrôles ciblés engagés à la suite d’informations extérieures ont permis de déceler la dissimulation totale ou partielle de 15 500 salariés. Redressements opérés : 33 M _dont 31,30 M _ de cotisations dues pour les salariés. 685 immatriculations d’office d’entreprises " éphémères ". 84 cas de mise en liquidation ou redressement suite à des constats de travail dissimulé. * données nationales Urssaf NB : Le travail illégal est une notion générique englobant le travail dissimulé, le prêt illicite de main d’œuvre, le marchandage, l’emploi d’un étranger dépourvu de titre de travail, le détournement des règles organisant le travail temporaire, le placement payant, l’emploi non déclaré d’un salarié chez un particulier, le cumul d’emplois et la fraude aux revenus de remplacement. Economie souterraine : le business de l’ombre Economie souterraine : le business de l’ombre PHOTO : FACE/A.BENARD

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Relèvent de la première catégorie, les diffé-rentes formes de fraudes et l’évasion fiscale, letravail dissimulé. Les trafics de stupéfiants,cigarettes, armes, le proxénétisme mais aussiles produits détournés par les employés d’uneentreprise par exemple appartiennent à laseconde. De par sa nature même, l’économiesouterraine est un phénomène difficilementquantifiable, facilité par le développement desmoyens de communications.Les estimations existantes sont jugées peufiables et sans doute largement sous-estimées.Les enquêtes souffrent par ailleurs de leurancienneté. La dernière publiée par l’Insee faitétat d’une économie grise équivalente à 4% duPIB pour l’année 1988, ce qui plaçait la Francedans la moyenne européenne. Une autre étude datée de 2000 montre quel’économie souterraine n’aurait cessé de pro-gresser dans l’ensemble des pays de l’OCDE

passant de 2% du PIB en 1960 à 13% en 1995.Une chose est sûre : chaque année, plusieursdizaines de milliards de dollars de marchan-dises exportées n’arrivent nulle part, échap-pant au contrôle des états. Un mystérieux trounoir ne cesse de se creuser, se nourrissant d’ac-tivités et de transactions clandestines…

Une action coordonnée

Depuis 1997, les administrations françaises ontentrepris une lutte coordonnée contre ce phéno-mène. A la Direction de la concurrence de laconsommation et de la répression des fraudes,Jean-Marie Artiges explique : "En matière delutte contre l’économie souterraine, nos servicesont des prérogatives dans trois domaines". La facturation d’une part : la facture est ledocument de référence permettant de matériali-ser la transparence de la relation commerc i a l e .

"Elle est obligatoire dans tous les cas et noussommes compétents pour vérifier ce documentou son existence. Nos services ont égalementcompétence à défendre le volet protection del’artisanat inscrit dans la loi Raffarin de 1996.En effet, les artisans doivent être immatriculésau registre des métiers et pour l’exercice decertaines professions un diplôme profession -nel est requis. Nous contribuons également àla lutte contre la contrefaçon de marque. Lamarque est un bien immatériel, certes, maisqui doit être protégée au même titre qu’unbien meuble. Hormis ces champs d’interven -tion, nous travaillons en partenariat avecd’autres administrations engagées dans lalutte contre l’économie souterraine, le GIR(Groupement d’intervention régional), laDirection du travail, le COLTI (Comité opéra -tionnel de lutte contre travail illégal), lesDouanes, l’Urssaf et les services fiscaux ".

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Economie souterraine, informelle, nonofficielle, invisible, grise, noire,occulte…autant de qualificatifs démon-

trant le brouillard sémantique qui entoure cetype d’activité. Dans les pays développés,l’économie souterraine représente un moyend’échapper à la fiscalité, aux charges sociales,aux procédures administratives… En se livrantà de telles pratiques, les fraudeurs font tort àl’ensemble de l’économie d’un pays : non-per-ception par l’Etat des impôts et taxes directes etindirectes, sous-évaluation du PIB, perceptioninjustifiée d’allocations (RMI, Assedic,…), dis-torsion de concurrence, sans oublier le blanchi-ment d’argent venant alimenter des réseauxmafieux générant de l’insécurité. L’économie souterraine regroupe deux grandstypes d’activité : d’une part, les activités de pro-duction licites non déclarées et, d’autre part, lesactivités illicites productrices de biens et services.

Les enquêtes sont déclenchées sur initiative desservices ou suite à une plainte ou informationextérieure.

La contrefaçon, un pillage en règle

Autre partenaire engagée dans cette lutte, laDouane est en première ligne pour débusquerles marchandises contrefaites ou illicites maiségalement les travailleurs clandestins. "Notre mission est d’être sur la route et decontrôler les véhicules de transport qui y circu -l e n t " , explique Jean-Marie Dionet, directeuradjoint à la Direction interrégionale desdouanes. "C’est souvent à l’occasion d’uncontrôle inopiné que l’on découvre autrechose". Ainsi le 16 octobre, en vérifiant lechargement d’une camionnette qui venait deBelgique et qui contenait du matériel de chan-tier, nous avons découvert que les trois turcs àbord se rendaient sur le chantier d’un entrepôt àLomme à la demande d’une société de l’Oisequi ne les avait pas déclarés. Le dossier a ététransmis au procureur de la République. Encharge également des contributions indirectes,nous sommes très vigilants sur la circulation et

la vente d’alcools et de cigarettes. Ainsiau cours du 3è m e trimestre 2003, 6673articles contrefaits ont été saisis (essen-tiellement vêtements de sport, puisarticles de maroquinerie et montres),ainsi que 21 800 kilos de cigarettes". Sitôt créés, sitôt copiés…Insidieuse etbien organisée, la contrefaçon de pro-duits de marque et de luxe est très répan-due. Or, la marque représente un capitalet la contrefaçon n’est autre qu’un pillageen règle de la créativité des entreprises,

Alors qu’elle constitue un manque àgagner important pour le budget del’Etat, l’économie souterraine créeaussi une somme de distorsionsinacceptables pour la société.Depuis plusieurs années, les servicesde l’Etat coordonnent leurs actionspour lutter plus efficacement contrece fléau nuisible aux entreprises,aux salariés et aux consommateurs.

Le travail dissimulé en 2002*

Parmi les infractions relevant du travail illégal figure le travail dissimulé, délit qui peut intervenir sous deuxformes : la dissimulation d’activités économiques et celle de salariés. L’Urssaf est compétente pour traiterexclusivement de ces infractions. Depuis la loi du 11 mars 1997, le délit est constitué en cas de manquement intentionnel soit à la déclara-tion préalable de l’embauche (DPAE) soit à l’établissement du bulletin de paie. La minoration du nombred’heures effectuées est associée au travail dissimulé. Sur 1335 procès-verbaux dressés par l’Urssaf en 2002 sur le territoire national (1855 PV de travail dissi-mulé dressés par l’ensemble des organismes habilités au contrôle) 483 concernaient le secteur des cafés,hôtels, restaurants, 248 celui du BTP et 213 celui de la prestation de services. PV Urssaf en augmentationde 13% par rapport à 2001. 11 094 actions spécifiques de vérifications ont été menées – 9662 entreprisesvérifiées au titre de l’emploi de personnel et 1 432 travailleurs indépendantsLes contrôles ciblés engagés à la suite d’informations extérieures ont permis de déceler la dissimulationtotale ou partielle de 15 500 salariés. Redressements opérés : 33 M €dont 31,30 M € de cotisations dues pour les salariés. 685 immatriculations d’office d’entreprises " éphémères ".84 cas de mise en liquidation ou redressement suite à des constats de travail dissimulé.* données nationales UrssafNB : Le travail illégal est une notion générique englobant le travail dissimulé, le prêt illicite de main d’œuvre, le marchandage, l’emploi d’unétranger dépourvu de titre de travail, le détournement des règles organisant le travail temporaire, le placement payant, l’emploi non déclaréd’un salarié chez un particulier, le cumul d’emplois et la fraude aux revenus de remplacement.

Economie souterraine : le business de l’ombre

Economie souterraine : le business de l’ombre

PHOTO : FACE/A.BENARD

F160 dossiers 2X2 pages 12/12/03 15:37 Page 1

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près le tribunal de Grande instance de Lille quireçoit 400 procès-verbaux en moyenne chaqueannée. Animateur et coordinateur du COLTI,Marc Hellier explique : "Même si les différentsservices de l’Etat n’ont pas attendu 1997 pourcoopérer les dossiers, le décret de mars 1997instaurant le COLTI a permis d’apporter de lavaleur ajoutée à leur travail en mutualisant lesmoyens et en donnant plus de visibilité à l’ac -tion de l’Etat".Si le Parquet intervient toujours en amont desprocès-verbaux, le COLTI a une missiond’orientation de la politique en matière de luttecontre le travail dissimulé. "Nous décidons parexemple d’opérations d’envergure sur dessites donnés : en mars 2003, au CRT deLesquin où 75 agents publics ont effectué descontrôles, puis en juin sur le MIN de Lomme.En 2004, le milieu des arts et du spectacle peuts’y attendre".

Des secteurs encore "sensibles"

La plupart des organisations professionnellestravaillent en collaboration avec les servicesde l’Etat pour lutter contre l’économie souter-raine dont les entreprises et l’emploi sont vic-times. "Certains syndicats ou fédérations pro -fessionnels –pas tous malheureusement- noussignalent les contrevenants ou suspects",confirme-t-on à la DDTEFP. Une démarche qui permetd’assainir le tissu économique. Le 9 octobre 2003, rue Royaleà Lille, une poutre tombe au 1e r

étage d’un immeuble en tra-vaux, au rez-de-chausséeduquel est implanté un restau-rant -salon de thé. Les ouvriersprésents sur le chantier s’esquivent abandon-nant leurs outils… Exemple type du travaili l l i c i t e .Le secteur du BTP va bien. Il a généré en 2002un CA de 89 Mds € HT pour un effectif de8 7 0000 salariés travaillant dans 281 000 entre-prises. La baisse de la TVA à 5,5% a permis decréer 50 000 emplois à ce jour et, selon AlainGougenheim, Délégué général de laFédération Française du Bâtiment Nord-Pasde Calais, "a encouragé les particuliers àrecourir à des entreprises ayant pignon surrue. On peut donc considérer que cette mesurea sorti un certain nombre d’emplois du circuitdu travail dissimulé". Pourtant, au vu deschiffres, le secteur du BTP reste pour les pou-voirs publics, l’un des secteurs sensibles dansce domaine, au point qu’a été instituée la soli-darité financière liant un donneur d’ordres àson sous-traitant si ce dernier recourt au travail

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dissimulé et qu’il n’a pas procédé aux vérifica-tions d’usage avant de contracter. Selon laFFB, le travail "au noir chez les particuliersest exercé par des amateurs éclairés qui met-tent leurs talents au service de leurs relations.La mise en place des 35 heures a accentué lephénomène. "Quand nous sommes informéspar nos adhérents qu’un chantier illicite est encours, nous prévenons l’inspection du travail.Ces petits chantiers exercent une concurrencedéloyale à l’encontre des artisans et PME dusecteur, sans compter les risques d’accident,l’absence de garantie ou de recours en cas dem a l f a ç o n " .Comme les chiffres le montrent, le secteur descafés/hôtels/restaurants et discothèques, reste,lui aussi exposé. Cependant, Dany Delaval,présidente de l’Union des métiers des indus-tries hôtelières (2500 adhérents dans le Nord)s’insurge : "Il n’est pas juste de continuer àmontrer du doigt une profession qui a beau -coup travaillé à sa moralisation. En tantqu’instance représentative, nous travaillonsavec la préfecture, les douanes et servicesvétérinaires, la répression des fraudes, noussiégeons à la commission des impôts…

Lors de la braderie deLille par exemple, descontrôles ont été effec -tués pour vérifier les

licences des vendeurs ambulants etles dates de consommation des produits".Les professionnels du secteur rentrent dans lanormalité par la force des choses. 95% du CAde l’hôtellerie et de la restauration est réalisépar carte bleue, chèque ou chèque déjeuner.Les étrangers utilisent beaucoup la carte dec r é d i t . "Pourquoi courir le risque de se fairedénoncer par un salarié ? Pourquoi achetersans facture alors que l’on récupère la TVA ?Dans les cafés où le personnel est payé aupourcentage du CA HT, ce dernier veille augrain. Par ailleurs, quand la conjoncture estdifficile, il faut malgré tout justifier d’unrevenu cohérent. Les services fiscaux procè -dent à des contrôles de marge très serrés. Dans nos métiers où le bon personnel se faitrare, nous avons intérêt à le payer correcte -ment et officiellement. Nous attendons avecimpatience les décisions de Bruxelles concer -nant la baisse de la TVA".

Et Dany Delaval de souligner qu’ "il existe àl’encontre des professionnels une autre formede concurrence déloyale : le paracommercia -lisme exercé par les écoles hôtelières ou lesassociations. Et on ne parle pas de la TVA, del’impôt et de la législation sur le travail ?". Quel rôle jouent l’expert-comptable et lecommissaire aux comptes face aux entre-prises qui se mettent hors la loi ? Christophe Watine, expert-comptable et com-missaire aux comptes à Lille précise : " S ’ i lconstate des fraudes avérées le commissaireaux comptes est tenu de les signaler auProcureur de la République. L’expert-comp -table n’est pas tenu aux mêmes obligations,notamment en matière de travail dissimulé oude sans facture. Il est néanmoins obligé dedénoncer le blanchiment d’argent. Si noussuspectons ou constatons des dérives, nousadressons au client une lettre de réserve et lecas échéant nous en séparons. Il ne faut pasfranchir la limite qui nous rendrait complicedes délits du client et nous mènerait à la radia -tion de l’ordre". D’autant que la Brigadefinancière peut à tout moment perquisitionnerchez le commissaire aux comptes et l’expert-comptable. Les contrevenants justifient sou-vent leurs exactions par l’augmentation descharges sociales, les 35 heures, la complexitéde la législation…Certes, mais ce sont desphénomènes auxquels toutes les entreprisessont confrontées sans pour autant frauder…Peut-être que davantage de publicité sur lessanctions prises à l’encontre des fraudeursfreinerait l’ardeur des apprentis sorciers ?

Sylvie V E R N I E R

Quelques exemples de sanctions

Absence de facture entre professionnels :Personne physique : amende de 75 000 € pouvant être portée à 50% de la somme qui aurait duêtre facturée (art L441.4 du code du commerce)Personne morale : Quintuple de la peine prévue pour les personnes physiques soit 375 000 €.

Exercice d’une activité artisanale sans qualification professionnelle requise :Personne physique : Amende de 7 500 € (art 24-1 de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996 relative audéveloppement et à la promotion du commerce et de l’artisanat).Personne morale : Quintuple de la peine prévue pour les personnes physiques soit 37 500 €.

Contrefaçon de marque :Personne physique : emprisonnement de deux ans et amende de 150 000€(Art L-716-9 du codede la propriété intellectuelle) Personne morale : Quintuple de la peine prévue pour les personnes physiques soit 750 000 €.

Travail dissimulé : la loi du 18 mars 2003 a porté les sanctions encourues par l’employeur uti-lisant des travailleurs non déclarés à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende pour les per-sonnes physiques (225 000 € et fermeture de l’établissement pour les personnes morales). A lasanction pénale, viennent s’ajouter les mises en recouvrement des sommes dues aux organismesconcernés l’Urssaf, le Fisc…Risques de sanctions administratives : accès refusé aux aides à la formation et contrats aidés jus-qu’à 5 ans. En plus, pour l’emploi de main d’œuvre étrangère en situation irrégulière : amende civile (contri-bution à l’office des migrations internationales) de 1 000 fois le taux minimum garanti (par sala-rié) et jusqu’à 2 000 fois si récidive.

La contrefaçon :un pillage bien organisé

se sont délocalisées", explique Jean-PhilippeDuplay, directeur adjoint, "et la délinquances’est adaptée". Désormais, les fraudeurs prati-quent plus facilement la déclaration partielled’activité ou de salariés. "Il existe encorequelques ateliers où les salariés n’effectuentofficiellement que 40h de travail par mois. Ilstravaillent en général en réassort pour desdonneurs d’ordres eux-mêmes fournisseurs dela distribution textile. Ce sont généralementdes structures éphémères, normalement ins -crites au registre du commerce et qui parvien -nent à bénéficier d’aides ; elles sont dissoutesau bout d’un an ou deux ans pour réapparaîtreensuite sous un autre nom et avec un géranthomme de paille ". Pour le secteur de la métropole lilloise, laDDTEFP a dressé 158 procès verbaux pour tra-vail dissimulé en 2001, 169 en 2002 et 129 àmi-octobre 2003. Pour ces mêmes années, lesPV relatif à l’emploi de main d’œuvre étran-

gère en situation irrégulière ont respective-ment concerné 39 entreprises (73 travailleurs),52 entreprises (109 travailleurs) et 41 entre-prises (90 travailleurs). Souvent agressés ver-balement et menacés à l’occasion descontrôles, les agents savent néanmoins faire lapart des choses entre la bonne ou la mauvaisefoi du contrevenant. La déclaration d’em-bauche doit être faite au plus tôt dans les 8jours et au plus tard juste avant la prise defonction du salarié. C’est une procédure trèssimple et rapide qui peut se faire par fax, mini-tel ou Internet. "On assiste à une sophistication des fraudes",remarque Gérald Charles, directeur adjoint àl’Urssaf de Lambersart : "Faux travail indé -pendant, fausse sous-traitance, caractèreéphémère de l’activité (surtout l’été en zonetouristique), non-déclaration partielle desheures effectuées par un salarié –difficile àprouver si l’on n’a pas le concours du salarié".Compte tenu des redressements effectués quis’élèvent à 33 M€, on peut estimer -avec unemarge d’erreur importante certes- que le mon-tant réel du redressement devrait avoisiner les30 Mds €."Tous les procès-verbaux sont transmis auParquet qui juge de la suite à donner". En2001, 6596 condamnations pour travail dissi-mulé ont été prononcées dont 37% avec peined’emprisonnement, l’action pénale étant géné-ralement doublée d’une action civile. Le travail illégal, c’est la bête noire de MarcHellier, substitut du procureur de la R é p u b l i q u e

une tromperie des consommateurs. Signe destemps, les produits de luxe ne sont plus lesseuls à être copiés : les jouets, l’alimentaire, lespièces détachées de véhicule, tout ou presqueest bon à copier pour s’enrichir. "Nous avons des accords avec la majorité desfirmes qui veulent être protégées, dont cellesréunies au sein du Comité Colbert qui a initiéune campagne de sensibilisation du grandpublic". La contrefaçon représenterait envaleur 10% de l’économie mondiale. Elle peutd’ailleurs être très subtile. Une entreprise "X"donne par exemple licence à un sous-traitant"Y" situé hors Europe pour fabriquer 100 000T shirts à la marque "M". "Y" fabrique les1 0 0000 articles pour "X" et en réalise 1000 0 0autres qu’il écoule lui-même par un circuitparallèle. L’entreprise "X" subit donc uneconcurrence déloyale avec ses propres produits; c’est l’un des effets pervers de la délocalisa-tion. "Avec les grands ports d’Europe du Nord,nous sommes une région de passage des pro -duits contrefaits en provenance du Magreb oud’Asie du sud-est et qui vont alimenter notrerégion ou la région parisienne". Quand on saitque 5 000 conteneurs arrivent par jour à Anverset que 5% seulement sont contrôlés… une par-tie de leur contenu va franchir la douane àRekkem dans l’un des 12 000 camions quitransitent chaque jour.

Le travail dissimulé : lutte renforcée

C’est en 1989, qu’un service spécialisé dans lalutte contre ce que l’on nomme aujourd’hui letravail illégal (voir NB) a été créé à la Directiondépartementale du travail, de l’emploi et de laformation professionnelle. Depuis 1990, deuxcontrôleurs interviennent sur contrôles aléa-toires, informations extérieures ou réclama-tions des salariés. Ils travaillent en collabora-tion avec leurs collègues inspecteurs etcontrôleurs et avec les services de l’Etatengagé dans cette lutte. "Les ateliers clandes -tins qui ont fleuri à une époque dans le textile

Quand la prévention passe par l’information

Les services de l’Etat travaillent en partena-riat avec le monde économique, organismesconsulaires, syndicats professionnels pourinformer les entreprises et réduire lesrisques de débordements.Dans le cadre d’Entreprendre en France, laCCI de Lille Métropole et la Chambre demétiers organisent, 5 fois par an, pour lescréateurs et dirigeants de jeunes entreprisesdes rencontres avec les organismes sociauxet fiscaux. Elles se déroulent sous formed’atelier-débat d’une matinée où les diri-geants peuvent après une intervention desdifférents services, poser leurs questions.Assistent à ces rencontres : les Assedic, laDirection des services fiscaux, la Directiondu travail et de l’emploi, la CMR, l’Organic etl’Urssaf. Informations et calendrier : CCI de Lille Métropole, Sophie BillautDépartement Conseil, création, commerce,tél : 03 20 63 77 89

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