8
Éducation et sanctions Agnès Grimault-Leprince et la ville et la ville l’école l’école 15 novembre 2013 1 Les textes réglementaires différencient punition et sanction disciplinaires. Toutefois, tout au long de ce texte, le terme « sanction » sera employé de façon générique, comme une réponse, qui se doit éducative, à une enfreinte à la règle. P Agnès Grimault-Leprince est sociologue. Elle est rattachée au Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique (Créad) ainsi qu’à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espe) de Bretagne. OUR pacifier les établissements scolaires en évitant une montée de la judiciarisation, le cadre réglementaire de la discipline scolaire a été renforcé depuis 2000. Comment les enseignants s’approprient-ils les réformes ? Quels sont les effets sur les pra- tiques? Quelles sont les réticences et les diffi- cultés à coopérer entre acteurs au sein des établissements scolaires sur les questions de discipline ? La recherche analytique présentée ici s’appuie sur deux enquêtes. La première est quantitative (méthode du questionnaire), elle a été réalisée en mars 2003 auprès de 668 élèves de 5 e et 3 e scolarisés dans cinq collèges présentant des profils sociaux variés. La deuxième est qualitative (méthode de l’entretien), elle a été effectuée en 2007 auprès de 23 enseignants provenant de cinq autres collèges tout aussi différents les uns des autres. P ourquoi est-il intéressant d’étudier la sanction 1 ? D’abord parce que c’est un sujet qui est de plus en plus d’ac- tualité. Si rien n’existait de ma- nière concrète sur cette question depuis le XIX e siècle, de nouveaux textes réglementaires traitant de la sanction ont été élaborés dans les années 2000. Ces textes visent à encadrer les pra- tiques des enseignants et de l’ensemble des acteurs scolaires dans les établissements en ma- tière de sanction. Mais la question de la sanction est également une entrée per- mettant d’analyser comment s’effectue la division profes- sionnelle du travail au sein des établissements scolaires, com- ment les acteurs travaillent en- semble, quels sont les différents jeux d’acteurs à l’œuvre lorsqu’il est question de discipline.

Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

Éducation et sanctions

Agnès Grimault-Leprince

et la villeet la villel’école l’école

15novembre 2013

1 Les textesréglementaires

différencient punitionet sanction

disciplinaires.Toutefois,

tout au long de ce texte,

le terme « sanction »sera employé

de façon générique,comme une réponse,qui se doit éducative,

à une enfreinte à la règle.

P

Agnès Grimault-Leprince est sociologue. Elle est rattachée au Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique (Créad) ainsi qu’à l’École supérieure du professorat et de l’éducation(Espe) de Bretagne.

OUR pacifier les établissements scolaires enévitant une montée de la judiciarisation, lecadre réglementaire de la discipline scolairea été renforcé depuis 2000.

Comment les enseignants s’approprient-ilsles réformes? Quels sont les effets sur les pra-tiques? Quelles sont les réticences et les diffi-cultés à coopérer entre acteurs au sein desétablissements scolaires sur les questions dediscipline?

La recherche analytique présentée ici s’appuie surdeux enquêtes. La première est quantitative (méthodedu questionnaire), elle a été réalisée en mars 2003auprès de 668 élèves de 5e et 3e scolarisés danscinq col lèges présentant des profils sociaux variés. Ladeuxième est qualitative (méthode de l’entretien),elle a été effectuée en 2007 auprès de 23 enseignantsprovenant de cinq autres collèges tout aussi différentsles uns des autres.

P ourquoi est-il intéressantd’étudier la sanction1 ?

D’abord parce que c’est un sujetqui est de plus en plus d’ac-tualité. Si rien n’existait de ma-nière concrète sur cette questiondepuis le XIXe siècle, de nouveauxtextes réglementaires traitantde la sanction ont été élaborésdans les années 2000. Cestextes visent à encadrer les pra-tiques des enseignants et del’ensemble des acteurs scolairesdans les établissements en ma-tière de sanction.Mais la question de la sanctionest également une entrée per-mettant d’analyser comments’effectue la division profes-sionnelle du travail au sein desétablissements scolaires, com-ment les acteurs travaillent en-semble, quels sont les différentsjeux d’acteurs à l’œuvre lorsqu’ilest question de discipline.

Page 2: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

Le cadre réglementaire dessanctions à l’école s’est mo-

difié parallèlement à la juridici-sation croissante de la sociétéces dernières décennies, le droitintervenant de plus en plus sou-vent pour réguler la conflictualitésociale (ou, ici, scolaire). La volonté de l’institution d’en-cadrer davantage les pratiquesse situe dans cette dynamique,avec deux enjeux majeurs : pa-cifier les établissements sco-laires et juguler la multiplicationdes procédures juridiques. Si,pendant de nombreuses an-nées, la loi qui régnait au seindes salles de classe était celledu professeur, c’est de moinsen moins le cas aujourd’huiavec l’entrée croissante du droitdans les établissements sco-laires. D’où la nécessité d’en-cadrer les pratiques pour éviterla multiplication des recours.En 2000, des principes géné-raux du droit ont été introduitsdans les textes de l’Éducationnationale au chapitre des sanc-tions : le principe de la légalité(les sanctions doivent être ins-crites dans le règlement inté-rieur), le principe du contra-

dictoire (l’élève doit pouvoirdonner sa version des faits),le principe de la proportionna-lité (la sanction doit être pro-portionnelle à la faute), le prin-cipe de l’individualisation (lasanction doit être personnaliséeet tenir compte des antécé-dents de l’élève au regard dece qui est attendu sur le planéducatif).Deux principes généraux ontété ajoutés en 2011 : la règledu non bis in idem (ne paspunir deux fois pour la mêmechose) et l’obligation de motiverla sanction. La notion de sursisa également été introduite dansles textes dans un souci péda-gogique et éducatif.Toutes ces évolutions font émer-ger un droit scolaire s’appro-

chant d’un droit disciplinaire.De nouvelles mesures viennentcompléter les textes : à carac-tère répressif, avec la systé-matisation d’une procédure dis-ciplinaire pour certains actesgraves, et également à caractèreéducatif, avec l’introductiond’une mesure de responsabili-sation de l’élève, effectuée endehors du temps scolaire,comme alternative à l’exclusiontemporaire. Par ailleurs, lestextes encadrent beaucoup plusfermement aujourd’hui les pro-cédures d’exclusion, tempo-raires ou définitives, ce recoursayant été trop souvent utilisé.Une charte des règles de civilitédu collégien a également étéintro duite dans le règlementdes établissements, destinée àrappeler aux élèves les règlesdu bien-vivre ensemble à l’in-térieur de l’école (circu-laire 2011-112 du 1er août 2011).

Le renforcement du cadre ju-ridique est une avancée ma-

jeure, notamment l’introductiondes principes généraux du droitqui permet de poser des principesclairs et très encadrants concer-nant les démarches disciplinaires.Mais on peut toutefois regretterqu’il y ait dans les règlementsintérieurs un certain nombred’obligations qui découlent da-vantage de normes sociales etmorales. Comment parler d’un

véritable droit disciplinaire scolairequand les mesures de sanctionprises dans les établissementsscolaires sont encore très large-ment dépendantes du jugementporté par un enseignant? Peut-on parler de droit disciplinaire àl’école si l’on ne définit pas préa -lablement ce qui constitue unefaute et si l’appréciation en estlaissée aux seuls enseignants ?« Tenue vestimentaire convena-ble », « langage correct », « com-

portement correct »… Cestermes employés dans la chartedu collégien (encadré) mais éga-lement dans les règlements in-térieurs, devenant ainsi normesjuridiques, laissent toute la placeà l’appréciation et à l’interpré-tation individuelles, avec le risqueque les décisions prises parl’enseignant relèvent davantagede ses propres valeurs moralesque d’un véritable acte éducatif.Sans compter que les élèves,confrontés à une interprétationde la règle pouvant différer d’un

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

2

L’évolution du cadre réglementaire des sanctions

L’interprétation de la règle

Éducation et sanctions • AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE

CHARTE DES RÈGLES DE CIVILITÉ DU COLLÉGIEN (EXTRAITS) :

• Respecter les règles de la scolarité […] ;• Entrer au collège avec une tenue vestimentaire convenable ;• Adopter un langage correct ;• Respecter les personnes […] ;• Respecter les personnes, avoir un comportement correct à l’oc-

casion des sorties scolaires ainsi qu’aux environs immédiats del’établissement ;

• Respecter les biens communs […].

Page 3: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

enseignant à l’autre, ont souventle sentiment d’une décision ar-bitraire. Ils restent en fait soumisau jugement normatif des en-seignants.Dans Surveiller et punir2, MichelFoucault critiquait déjà l’infra-pénalité établie par la discipline,et son cortège de micro-pénalités.La question des retards parexemple (micro-pénalités detemps) est problématique : com-ment définir précisément cequ’est un retard? jusqu’où l’en-seignant tolérera-t-il ce retard etqu’est-il prêt à accepter? Cettequestion en soulève de plus com-plexes encore, bien au-delà dusimple établissement d’une règle. Il existe à l’école bien d’autresmicro-pénalités : de l’activité(inattention, négligence), de lamanière d’être (impolitesse), dudiscours (bavardages), du corps(attitude incorrecte, malpropreté),de la sexualité (indécence), quine reposent que sur des normespersonnelles.L’établissement d’une règle oula sanction d’un comportementen se référant à une règle devraitsusciter systématiquement unquestionnement de fond : celacorrespond-il véritablement àune exigence d’un point de vuepédagogique ou du point devue du vivre-ensemble? Le rè-glement intérieur des établis-sements interdit par exemplele port des couvre-chefs dansles espaces couverts. Pourquoiles élèves qui traversent le matinun hall menant de la porte d’en-trée à la cour doivent-ils enleverleur casquette pendant cesquelques secondes? Cela a-t-il un sens? Malheureusement,la question n’est pas posée.Dans ce contexte, il est possiblede craindre que les jugementsnormatifs favorisent davantageune recherche de conformitédes élèves qu’une rechercheéducative visant à les respon-sabiliser.

« Au lieu de codifier les sanctions, ilfaudrait déjà que tous les enseignantsaient la même échelle de valeurparce que, sinon, ce n’est pas co-hérent pour les élèves. Dans lescouloirs, par exemple, je vais re-prendre des élèves parce qu’ils sontaffalés par terre en attendant unprof, je les fais mettre debout. Oubien ils s’enlacent entre garçons etfilles… Personnellement, je vais faireune remarque pour qu’ils se “dés-cotchent”, mais des collègues vontpasser à côté sans rien dire. Doncles élèves savent qu’avec certainson peut se permettre des choses etavec d’autres non. Je trouve quec’est dommage, parce qu’on auraittous plus d’autorité si on faisait tousla même chose. En réunion, on n’ar-rive jamais à tomber d’accord, doncça en reste là. La tenue “correcte”c’est pareil, certains vont accepterplus de choses que d’autres. Parexemple, à quelle hauteur fixe- t-on la longueur décente d’une mi-nijupe? » (FEMME, CERTIFIÉE DE SCIENCES

PHYSIQUES; A EXERCÉ SEPT ANS EN COLLÈGE,

DONT UNE ANNÉE EN ZEP, ET EN LYCÉE PRO-

FESSIONNEL.)

Faut-il fixer une longueur de jupedécente? Pour garantir l’appli-cation d’une telle règle, il le fau-

drait sans doute. Mais le rôled'un éducateur n'est-il pas toutautre ? Expliquer par exemple àune élève qui a une jupe trèscourte que l'image qu'elle renvoien’est peut-être pas celle qu’ellepense renvoyer, qu’elle n’imaginepas le trouble que sa tenue« sexy » peut créer dans l’éta-blissement, etc. Quand on dis-cute sur le fond, il est tout à faitpossible d’avoir des échan gesconstructifs avec les élèves.Si les professionnels ne sont pascapables de se mettre d’accordsur une règle, peut-être est-ceparce que cette règle n’a pas desens. La profusion de règles peutaussi dédouaner l’enseignant deson rôle d’éducateur. Sur ce typede question, le dialogue a deschances d’être plus éducatif quela sanction, qui risque de générerde l’incompréhension, voire duressentiment.

Par ailleurs, les nouveaux textesréglementaires, eu égard à laculture du rapport à la règle quiexiste dans les établissements,sont très insuffisants pour ga-rantir un véritable renouveaudes pratiques enseignantes surles questions de discipline.

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

3

AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE • Éducation et sanction

I l est ainsi intéressant deconsta ter que les textes ré-

cents ont repris des interdictionsséculaires, notamment les fa-meuses « lignes à copier » in-terdites depuis 1890 et qui dansles faits existent toujours3. Pour-quoi cette persistance? Parceque les enseignants privilégientdes pratiques supposées effi-caces car prônées par d’autrescollègues ou parce qu’eux-mêmes les ont expérimentéesen tant qu’élèves. Malgré letemps écoulé et l’évolution des

textes, l’expérience de l’ensei-gnant quand il était élève estsouvent une référence pour in-venter sa propre pratique. Il enva de même pour les punitionscorporelles, proscrites dans lese condaire depuis 1803, quisont exceptionnelles mais per-durent néanmoins.

« J’avais mis une gifle à une élèvequi avait fait une crise d’hystérieen classe et qui aurait été capablesinon de démolir plusieurs de sescamarades… Elle jetait tout partout

Les pratiques non réglementaires

2 Surveiller et punir : naissancede la prison,Gallimard, 1975.

3 Sur les 668 élèvesinterrogés dansl’enquête, 31 % onteu au moins une foisdes lignes à copierdurant l’année.

Page 4: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

4

Éducation et sanctions • AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE

[…] J’ai expliqué à la famille et à lagosse que, même si je n’avais pasle droit de le faire, je l’avais faitparce que cela aurait pu mal seterminer pour elle-même. C’est trèsbien passé. Je l’ai cette annéecomme élève, ça ne pose aucunproblème. » (FEMME, CERTIFIÉE D’AN-

GLAIS, TRENTE-CINQ ANS D’EXERCICE.)

« Quand je suis en colère, je peuxsecouer un élève de sa chaise, jepeux balancer un sac à dos aufond de la salle et y emmenerl’élève de force. Ça calme ! Je nevais pas dire que je ne vais pas lefaire, parce que je risque de lefaire. » (HOMME, CERTIFIÉ D’HISTOIRE-

GÉOGRAPHIE, ONZE ANS D’EXERCICE.)

« Je suis sorti chercher un vidéo-projecteur dans la salle d’à côtéet, quand je suis revenu, il y avaitun élève qui tournait dans la classeà courir après un autre pour letaper. J’ai posé le rétro et quand ilest arrivé à côté de moi je l’ai serré.Je me suis bien énervé… Et lesparents m’ont dit que c’était unenfant qui avait été battu quand ilétait petit et qu’il y avait desmarques de strangulation. C’est çale terme qu’ils employaient… Mais,bon, je l’avais quand même bien…J’étais quand même bien énervé… »(HOMME, CERTIFIÉ D’ANGLAIS, VINGT-

CINQ ANS D’EXERCICE.)

D’autres sanctions non régle-mentaires appartiennent au quo-tidien, par exemple la minorationde la moyenne pour sanctionnerun comportement, alors queles textes établissent qu’« ilconvient de distinguer soigneu-sement les punitions relativesau comportement des élèvesde l’évaluation de leur travailpersonnel ».

Les enseignants sont conscientsque ces pratiques ne sont pasréglementaires, mais, puis -qu’elles fonctionnent (les élèves,soucieux de leurs notes, s’y

plient), ils continuent de les ap-pliquer.

« Quand on corrige un contrôle,s’il y a des élèves qui ont eu desdifficultés et qui ne sont pas atten-tifs, ou qui ne prennent pas bien lacorrection, au bout de deux aver-tissements ils ont un point de moinsau contrôle. Ça marche… Je saisque ce n’est pas autorisé, mais çane me dérange pas. Je ne vais pasmettre un zéro, par contre, maisun point de moins au contrôle…Et je sais qu’il y a d’autres collèguesqui le font. » (FEMME, CERTIFIÉE DE MA-

THÉMATIQUES, TRENTE ANS D’EXERCICE.)

« J’enregistre les élèves quand ilsfont des sketches. Et donc, s’il y adu bruit dans la classe, ça perturbeles élèves qui présentent leursketches et je n’entends pas bienensuite quand je fais la correction.Donc je mets des points en moinspour le comportement : celui quibavarde, quand il va passer, il a unmalus. » (HOMME, CERTIFIÉ D’ANGLAIS,

VINGT-CINQ ANS D’EXERCICE.)

« Je mets une note d’oral. Maiselle sanctionne aussi le comporte-ment. J’enlève des points quandles élèves se comportent mal. Cer-tains essaient de gagner des pointscomme ça, alors des fois çaaide… » (HOMME, CERTIFIÉ D’ESPAGNOL,

SIX ANS D’EXERCICE.)

Au final, le renforcement du ca-dre juridique est loin de garantirle respect des droits des élèves.Il est alors paradoxal que lesenseignants aient perçu les nou-veaux textes réglementairescomme constituant une atteinteà leur autorité.

« Je me dis que les élèves ont tousles droits. » (FEMME, CERTIFIÉE D’ÉDUCATION

MUSICALE, VINGT-TROIS ANS D’EXERCICE.)

« Ils sont très exigeants, ce sontdes consommateurs que nousavons en face de nous. Ils connais-sent les règles, les lois, leurs droits.Leurs devoirs, je ne sais pas… »(FEMME, CERTIFIÉE D’ANGLAIS, DOUZE ANS

D’EXERCICE.)

DANS les faits, les élèves neconnaissent pas aussi bien

que cela les règles, et encoremoins leurs droits. La résistancedes enseignants aux nouveauxtextes se traduit également parune faible adhésion à l’esprit quiles sous-tend, visant à privilégierles sanctions éducatives.En fait, nombre de sanctionsappliquées sont incomprisespar les élèves et vécues commepurement répressives (près de50 % des élèves interrogés dansl’enquête pensent que les pu-nitions qu’ils reçoivent sont « in-justes » ou « assez injustes »),ce qui ne les incite guère à mo-difier leur comportement. Par

ailleurs, les pratiques des en-seignants sont souvent jugéesincohérentes.

« Un chewing-gum, je le fais justecracher. Pour moi ce n’est pas uneprovocation. Par contre, celui quijoue avec sa calculatrice alors qu’onexplique quelque chose de difficile,c’est de la provocation. » (FEMME,

CERTIFIÉE DE MATHÉMATIQUES, DIX ANS

D’EXERCICE.)

« Je veux que les élèves respectentles limites que je fixe. Mais ces li-mites sont très larges, je ne lesoblige pas à travailler. Je sais quec’est impossible. Certains arriventici, ils dorment. Le contrat c’est

Le sentiment d’injustice ressenti par les élèves

Page 5: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

“tu ne m’emmerdes pas !” » (HOMME,

CERTIFIÉ D’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, ONZE ANS

D’EXERCICE.)

« Moi je suis à l’heure et j’attendsque les élèves soient à l’heure…Certains élèves ne comprennentpas ça, parce qu’ils arrivent avecdeux ou trois minutes de retard etqu’avec d’autres collègues ça nepose pas de problème. Il faut qu’ilsfassent la différence. C’est avecmoi qu’ils ont cours. Mais d’unautre côté, ils ont raison, parceque c’est possible avec d’autrescollègues, qui eux-mêmes entrenten cours bien après la sonnerie. »(HOMME, AGRÉGÉ DE MATHÉMATIQUES, DIX-

SEPT ANS D’EXERCICE.)

Sachant cette extrême diversitédans l’application de la règle, ilne faut pas s’étonner que detrès nombreux élèves arriventdans les bureaux des conseillersprincipaux d’éducation en seplaignant que, de toute façon,les professeurs aient toujoursraison. Mais ce qui les choquedavantage et crée chez eux unsentiment d’injustice, c’estqu’un enseignant ait des pra-tiques différenciées selon lesélèves.

« La semaine dernière, j’ai sorti unélève, mais j’avais un parti pris, cequi est très dommage. Cet élève-là, j’en ai entendu parler dès queje suis revenue au collège [de retourde congé maternité]. Donc forcé-ment, c’est humain je pense, on aun parti pris. On l’a dans notrecours et voilà… Donc effectivement,je pense que je n’ai pas été tout àfait juste et que ça aurait été n’im-porte qui d’autre, il serait restédans mon cours. C’était lui, je l’aisorti. Cela dit, ça a calmé la classenet et après on a pu travailler dansde bonnes conditions. Les ensei-gnants ne sont pas toujours justes,c’est le délit de faciès [rires]… çaarrive. J’essaie de faire attention àne pas le faire, mais des fois ça ar-

rive… Là, je l’avais déjà averti deuxfois et il était retourné embêter sescamarades; donc je l’ai sorti. Pour-tant ce n’étaient pas des faits graveset l’exclusion de cours devrait êtreréservée à des choses graves. »(FEMME, CERTIFIÉE DE SCIENCES PHYSIQUES,

HUIT ANS D’EXERCICE.)

Cette enseignante est très hon-nête par rapport au processusde la sanction. Elle sait qu’iln’est pas juste de sanctionnercet élève ; mais elle sait aussiqu’en l’excluant de son cours,elle aura le calme dans la classe.

Il ne s’agit pas de blâmer lesenseignants, qui doivent faireface à la gestion de leurs clas -ses, tâche toujours complexe.Mais certaines questions defond mériteraient d’être poséeset ne le sont pas suffisamment.Chacun est face à sa proprepratique pour essayer de trou-ver les meilleures solutionspour s’en sortir, d’où les déra-pages qui finissent par être lé-gitimés parce qu’il semble nepas y avoir d’autres choix.Pour tant, si les enseignantséchangeaient sur leurs pra-tiques, ils se rendraient comptequ’il est possible d’agir diffé-remment, que ces questionsde discipline, vécues commepersonnelles, sont un véritableenjeu collectif.

La recherche met aussi en évi-dence que la fréquence dessanctions est, toutes choseségales par ailleurs, différenciéeselon les caractéristiques desélèves. Pour tous les types de sanctions,il y a de forts impacts du sexe,du niveau scolaire, du niveaude classe, les élèves de 5e étantplus punis que ceux de 3e.Il est intéressant de constaterque le faible niveau scolaire etl’origine populaire notammentaugmentent également signifi-cativement la probabilité pourles élèves de percevoir les sanc-tions reçues comme injustes. À l’inverse, les élèves qui ont leplus faible sentiment d’injusticesont ceux qui ont un très bonniveau scolaire ; ils sont aussiplus jeunes (l’expérience scolairerenforce le sentiment d’injusticeet l’esprit critique).Enfin, l’adage juridique selon le-quel « nul ne saurait être juge etpartie » est constamment bafouédans les établissements. Quandles enseignants sont insultés parun élève, ce sont eux qui prennentla décision en rapport avec cecomportement. Le décret de2011 devrait contribuer à régulerles pratiques, au moins pour lesfaits les plus gra ves, par le recoursà une pro cédure disciplinaire quidistancie l’enseignant du pro-cessus de prise de décision.

Malgré les textes qui l’en-visagent comme une pra-

tique exceptionnelle, l’exclusiondes cours reste une pratiquebanalisée, tous établissementsconfondus. Dans une recherche menée spé-cifiquement sur ce sujet danssix collèges, on relève 689 ex-

clusions sur une période detrois mois pour une populationde près de 2500 élèves.Ces exclusions de cours fontparfois suite à des incident mi-neurs. Ainsi, 11 % résultentd’un défaut de matériel scolaire.Il est aisé de comprendre quecertains élèves oublient volon-

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

5

AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE • Éducation et sanction

Une sanction très fréquente : l’exclusion de cours

Page 6: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

tairement leur matériel pour êtreexclus de cours…L’exclusion est un fait banal,sa gestion est peu formaliséeet l'apport éducatif pour lesélèves est souvent inexistant.S’il est important d’individualiserla sanction, qu’en est-il lorsqueprès de 20 % des exclusionsde cours concernent plusieursélèves simultanément ?Pour être éducative, la sanctiondoit être accompagnée au mo-ment où elle est prononcée, endialoguant a minima avec l’élèveafin de lui donner du sens. Desmesures pour que le travail« perdu » par l’élève exclu, sou-vent un élève déjà en difficulté,puisse être récupéré sont ellesaussi essentielles, afin d’éviterle décrochage de l’élève.L’exclusion du cours est en ou-tre susceptible d’entraîner denouveaux désordres ; car plusles exclusions sont nombreuses,plus le service de la vie scolairea du mal à les gérer et connaîtdes débordements.

« Si j’exclus un élève, c’est qu’ils’est vraiment passé quelque chosede grave. Et si j’ai exclu un élèvependant l’heure, après je descendsvoir la conseillère principale d’édu-cation et on discute. Mais je saistrès bien que tous les collègues nefont pas comme ça, bien sûr… Etj’ai été tentée… J’ai été tentée moiaussi d’en virer dix… Mais bon…Des fois, quand je passe devant lapermanence, je me dis que ce n’estpas possible. C’est ingérable, ingé-rable… Des élèves difficiles et tousdans la même salle, ce n’est paspossible! » (FEMME, CERTIFIÉE DE SCIENCES

ET VIE DE LA TERRE, HUIT ANS D’EXERCICE.)

« Dans des établissements difficiles,on en arrive à avoir plein d’élèvesqui circulent dans les couloirs etce n’est plus gérable. » (FEMME,

CERTIFIÉE DE LETTRES MODERNES, TREIZE

ANS D’EXERCICE.)

Les enseignants sont conscientsde ces difficultés. En effet, siun enseignant n’arrive pas àgérer l’élève qui a le compor-tement le plus agité dans saclasse, comment un assistantd’éducation pourrait-il gérer seulles élèves agités venant declasses différentes?Enfin, l’adage juridique selonlequel « nul ne saurait être jugeet partie » est constamment ba-foué dans les établissements.Quand les enseignants sont in-sultés par un élève, ce sont euxqui prennent la décision en rap-port avec ce comportement. Ledécret de 2011 devrait contri-buer à réguler les pratiques, aumoins pour les faits les plusgra ves, par le recours à unepro cédure disciplinaire qui dis-tancie l’enseignant du processusde prise de décision.

Les enseignants coopèrentdifficilement sur les questions

de discipline. Quand elle existe,la gestion collective des ques-tions disciplinaires, particulière-ment illustrée par le cas de l’ex-clusion du cours, est souventconflictuelle. Dans une enquêtesociologique sur le renouvelle-ment des enseignants, PatrickRayou et Agnès Van Zanten4 ex-pliquent: « Le plus souvent, soitles enseignants en difficulté sedéchargent de leurs responsa-bilités en reléguant les élèvesperturbateurs hors de la classe,laissant à la “vie scolaire” le soinde les prendre en charge, soitils fonctionnent en classe dansune “quasi-autarcie”. »La coopération sur les questionsde discipline étant rare, certainsenseignants en difficulté dans

leur classe se retrouvent isolés.Ils hésitent à demander conseilà d’autres enseignants par crainted’être jugés incompétents.

« Oui, oui, je fais appel à d’autres.J’hésite un tout petit peu, parceque j’estime que le prof doit être àmême de régler ses problèmes toutseul. Mais je le fais quand je sensque je suis trop en colère et que jerisque de dire des choses que jene devrais pas dire, et quand je nevois aucune solution à mon pro-blème dans la classe. À chaquefois que j’ai fait appel, ça c’estbien passé. Mais il ne faut pas queça se renouvelle trop, car ça nousmet dans une position difficile. Cer-tains élèves peuvent se dire “tiens,ce prof ne maîtrise pas tout seulles choses”. » (HOMME, CERTIFIÉ D’AN-

GLAIS, VINGT-CINQ ANS D’EXERCICE.)

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

6

Éducation et sanctions • AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE

La coopération des enseignants en question

LES MOTIFS

D’EXCLUSION DE COURS

Motif Fréquence

Agitation 38 %

Insolence 23 %

Défaut de matériel 11 %

Bavardage 9 %

Refus de travail 8 %

Retard 4 %

Travail non fait 3 %

Défaut de carnet de correspondance 1 %

Défaut de signature sur le carnet 1 %

Violence 1 %

Objet indésirable 1 %

Pas de motif 1 %

Autre (non précisé) 19 %

4 Patrick Rayou et Agnès Van Zanten,

Enquête sur les nouveaux

enseignants :changeront-ils

l’école?, Bayard, 2004.

Page 7: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

« Quand on voit certains profs quidépriment et puis qui sont en arrêtà cause de tout ça, on peut se po-ser des questions : est-ce qu’il au-rait fallu les aider? Nous aussi entant que prof… Pour nous, c’esttoujours des problèmes assezgraves… et c’est un peu tabou,quoi… On n’en parle pas très faci-lement [...] En salle des profs, onen parle avec certains collègues.Tu ne vas pas dire ça à la canto-nade par exemple. On parle de çaen petit comité, avec des gensque l’on connaît bien. » (HOMME,

CERTIFIÉ D’ANGLAIS, VINGT-CINQ ANS

D’EXERCICE.)

« Il y a quelques années, il y avaitune prof de français qui avait degros gros problèmes de discipline.Eh bien elle n’en parlait pas. Aucontraire, quand on en parlait, elledisait que pour elle tout allait bien[...] On l’entendait s’énerver enclasse. Parce qu’on entend… Moi,ça aurait été comme ça, j’arrêtaisl’enseignement [...] Une fois, j’étaisdans la salle d’à côté, et un élèveest sorti brusquement de sa salleen disant des injures. Je l’ai repriset j’ai expliqué ce qui se passaitau principal qui passait dans lecouloir. Quand il est arrivé, la col-lègue est sortie de sa classe et adit qu’il n’y avait aucun problèmeavec cet élève [...] En fait, ceux quien parlent ne sont pas ceux quiont les plus gros problèmes. »(FEMME, CERTIFIÉE DE MATHÉMATIQUES,

TRENTE ANS D’EXERCICE.)

« Les collègues en difficulté n’enparlent pas. Ça m’est déjà arrivéde passer devant une classe et dedécouvrir que c’était un foutoir paspossible avec le prof alors que jene l’aurais jamais imaginé. C’estpossible que quelqu’un qui a desdifficultés ait peur de ne pas êtresoutenu, par l’administration no-tamment, et garde ça pour lui,pour ne pas rajouter à ses pro-blèmes. » (FEMME, AGRÉGÉE D’EPS,

HUIT ANS D’EXERCICE.)

« On en parle assez peu avec lescollègues qui ont des problèmes…Ou alors si, il va en être question,mais alors du coup, il y a une hy-pocrisie énorme. C’est-à-dire qu’onva chercher des solutions, maisqui ne sont pas du tout adaptées,parce que le collègue ne prend au-cune part de responsabilité dansles difficultés, et qu’on ne cherchedes solutions que du côté desélèves… Par exemple, la classede 3e dont je suis prof principal ade sérieux problèmes avec certainsprofesseurs, dont le professeur demathématiques. Il y a deux élèvesqu’elle ne supporte plus [...] Ehbien, la solution qui a été trouvée,c’est de les exclure jusqu’à la finde l’année du cours de mathéma-tiques. Hélas, cette professeur demathématiques a des problèmes…pour enseigner les maths, quoi…Ses relations aux élèves dérapent,alors évidemment “la faute à qui?”Mais c’est chaque année pareil…Avec ce professeur, il n’y a pas dediscussion réelle. Elle ne se remetjamais en cause… Jamais, jamais,jamais… À la fois, est-ce que c’està moi d’aller lui dire : “Il y a deschoses que tu fais qui ne vontpas” ? C’est délicat… » (FEMME,

CERTIFIÉE DE LETTRES CLASSIQUES,

QUINZE ANS D’EXERCICE.)

Les enseignants n’ignorent pasles difficultés que rencontrentcertains de leurs collègues enclasse, mais ils n’osent pas en

parler avec eux car ce seraitremettre en cause leur compé-tence professionnelle et les met-tre, potentiellement, en accu-sation. D’autres professeurs ne veulentpas affronter le problème demanière frontale, ce qui occa-sionne des situations ab -surdes comme l’exclusion d’unélève durant plusieurs mois d’uncours de mathématiques, quiplus est l’année du diplôme na-tional du brevet !La soumission des élèves ré-sulte-t-elle de l’adhésion auxnormes promues ou de leurcrainte des enseignants? Cher -che-t-on à les responsabiliserou à les soumettre, les confor-mer?

Selon Lawrence Kohlberg5, quia établi une échelle du déve-loppement moral en différentsstades, l’enfant a d’abord peurde la punition. On a tendanceà en rester à ce stade en ou-bliant que le rôle de l’éducateurest primordial pour que l’élèveatteigne un stade ultérieur etintègre ainsi les normes so-ciales, pourquoi il est dans sonintérêt de les respecter. Pourcela, l’équipe éducative doits’entendre sur ce qu’elle a enviede transmettre et doit com-prendre que le temps de l’ex-plication n’est jamais du tempsperdu.

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

7

AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE • Éducation et sanction

L e chef d’établissement a unrôle majeur sur les questions

de discipline. Il préside le conseild’administration qui vote le règle -ment, il fait des choix politiques,intervient au quotidien dans larégulation des conflits et peutêtre un soutien pour certainsenseignants. Un chef d’établis-

sement ferme sur le règlement,craint par les élèves, est géné-ralement perçu comme un fac-teur d’accalmie des tensions.

« La direction compte beaucoupdans un établissement. J’ai unexemple flagrant à Jean-Giono [col-lège rural hors enquête], où j’ai tra-

Le rôle du chef d’établissement

5 Psychologueaméricain ayant développé une théorie à proposdu développementmoral dans les années1950.

Page 8: Éducation et sanctions - professionbanlieue.org€¦ · sur l’éducation, les apprentissages et la didactique ... Mais la question de la sanction ... culture du rapport à la règle

vaillé ma première année en collège.C’était très difficile de travailler là-bas, très très difficile. Les élèvesétaient durs, j’avais vraiment l’im-pression de ne pas avoir de pouvoirsur eux. Tu les envoyais à la direc-tion, ils revenaient, ils étaient ravis,la banane, tout allait bien… Cetteannée, on me fait revenir cinq ansplus tard et je n’ai pas du tout l’im-pression d’avoir les mêmes élèvesdevant moi. Il y a une directiontrès ferme, un principal qui fait peuraux élèves, alors qu’il est en plustrès apprécié par les collègues, cequi est rare [rires]. Je prends duplaisir à aller là-bas, alors qu’il y acinq ans, j’y allais à reculons. »(FEMME, CERTIFIÉE D’ANGLAIS, DOUZE ANS

D’EXERCICE.)

Si le rôle du chef d’établisse-ment est perçu comme essen-tiel, les accusations de laxismeenvers la direction et l’admi-nistration en général sont trèsfréquentes.

« Au niveau de l’administration, j’aiune impression de laxisme. Çalaisse un peu couler, ça sera “onn’a pas envie de faire des conseilsde discipline, il faut que ça resteexceptionnel”. Alors il y a deschoses qui sont dites mais qui nesont pas mises en application […]Par exemple, au bout d’un avertis-sement, deux avertissements, onvoudrait pouvoir mettre des rete-nues, mais il y en a une par moisou tous les deux mois le mercredi.Alors, entre le moment où on donnela punition à l’élève et le momentoù il la réalise effectivement, il s’é -coule un temps trop long […] Avecnotre ancien chef d’établissement,je me souviens avoir entendu desélèves dire “il m’a grondé et c’esttout”. Alors, on envoyait chez lechef d’établissement parce qu’il yavait eu quelque chose de graveet il ressortait du bureau presqueen rigolant. » (FEMME, CERTIFIÉE DE

SCIENCES PHYSIQUES, A EXERCÉ SEPT ANS

EN COLLÈGE, DONT UNE ANNÉE EN ZEP ET

EN LYCÉE PROFESSIONNEL.)

« Je dirais qu’il y a du laxisme, onles laisse tout faire. Quand tu voisle problème des couloirs ou descartableries… Les profs ne vontpas rester là à attendre que lesélèves arrêtent de faire les an-douilles, alors ils font une remarqueparfois, et puis… Et des surveillants,il n’y en a pas toujours. » (FEMME,

CERTIFIÉE DE TECHNOLOGIE, VINGT-CINQ

ANS D’EXERCICE.)

Le sentiment de laxisme queressentent les enseignants peutparfois être fondé sur la réti-cence des chefs d’établisse-ment à s’impliquer dans lesconflits. Il est en effet très diffi-cile d’harmoniser le point devue des parents, celui desélèves et celui des enseignants.Les chefs d’établissement ai-meraient parfois que les pro-blèmes se règlent directemententre parents et enseignants.Par ailleurs, régler les conflits

avec les élèves c’est aussi s’ex-poser, mettre en danger sonautorité.

« […] C’est vraiment de la négo-ciation avec le chef d’établissement,pour essayer de lui faire comprendreque quand un enseignant racontequelque chose qui s’est passé, cen’est pas forcément pour avoir uneexclusion définitive et pour pouvoirse dire “ça y est, j’ai gagné”. Parcequ’elle fonctionne comme ça… Etquand par hasard elle prend unesanction, elle a l’impression quec’est pour nous faire plaisir. »(FEMME, CERTIFIÉE DE SCIENCES ET VIE DE

LA TERRE, HUIT ANS D’EXERCICE.)

! ! !

Il apparaît primordial de seposer la question de la traduc-tion en normes juridiques denormes morales et sociales et,par là même, celle de la sanctionéducative. La difficile coopéra-tion entre acteurs au sein desétablissements scolaires n’estpas une cause perdue. Il fautse donner du temps, organiserdes échanges entre tous lesacteurs pour aller au fond deschoses. Qui est l’enseignantface à l’élève? Quel est le projetéducatif? C’est ainsi qu’il serapossible de gagner en cohé-rence et en cohésion.La médiation, dans l’établisse-ment comme hors de l’établis-sement, est également un outilcapable de régler nombre deconflits. Entièrement tournéevers l’avenir, considérant quel’élève peut évoluer, elle permetde réparer le lien, contrairementà la sanction telle qu’elle estaujourd’hui majoritairement pra-tiquée. "

et la villeet la villel’école l’école 15

novembre 2013

8

Éducation et sanctions • AGNÈS GRIMAULT-LEPRINCE

Créa

tion-

Réal

isat

ion

: Cla

ire P

érar

o. A

vril

2014

.

C E N T R E D E R E S S O U R C E S

15, rue Catulienne93200 Saint-DenisTél. : 01 48 09 26 36Fax : 01 48 20 73 [email protected]

www.professionbanlieue.org

• La Préfecture de l’Île-de-France

• L’Acsé

• Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis

• Les villes de la Seine-Saint-Denis

A V E C L E S O U T I E N D E

Éco

le v

ille

n°15

"D

irect

rice

de p

ublic

atio

n: B

énéd

icte

Mad

elin

."

Text

e ét

abli

par N

icol

e Fr

ayss

e et

Jul

iett

e D

emou

lin.