Efficacité et Progrès Technologique dans la Productivité ...retanet.org/Volume1/Numero1/FullText/Vol1N1-Art2.pdf · Faculté des Sciences Economiques et de Gestion ... les économies

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  • Revue dEconomie Thorique et Applique Volume 1 Numro 1 Juin 2011 pp 17-40

    Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit des Banques de lUEMOA

    Charlemagne Babatound IGUE**

    Facult des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG)

    Universit dAbomey-Calavi (UAC) E-mail : [email protected]

    Rsum : Cet article tudie lvolution de la productivit totale des facteurs du secteur bancaire de lUEMOA et ses dterminants sur la priode (1990-2003). La productivit est mesure par lindice de Malmquist et ses dterminants sont mis en exergue par lestimation de modles effets fixes sur donnes de panel. Si en moyenne, la productivit du secteur bancaire de lUEMOA sest amliore, elle varie selon les types de banques et les pays. Le ratio des capitaux propres et le nombre dagences bancaires affectent ngativement la productivit bancaire. Par contre, le ratio de liquidit, le taux de rentabilit, la proportion des cadres suprieurs et le taux dapprofondissement financier affectent positivement la productivit des banques. Mots cls : Productivit, Efficacit, Libralisation financire, Banques, UEMOA Classification J.E.L. : G21, G28, O55 Efficiency and Technological Progress in the Productivity of

    WAEMU Banks Abstract: This paper studies the evolution of total factor productivity in WAEMU banking sector and its determinants over the period from 1990 to 2003. The total factor productivity is measured by the Malmquist index and its determinants are analyzed by the estimation of panel data fixed effects models. On average, if the total factor productivity improved in WAEMU banking sector, its evolution varies according to types of banks and countries. The regression estimates from the models suggest that stockholders equity ratio and number of banking agencies negatively affected total factor productivity while liquidity ratio, return rate, high-grade employees proportion and financial deepening rate improved banks productivity. Keywords: Productivity, Efficiency, Financial Liberalization, Banks and WAEMU. Classification JEL : G21, G28, O55

    ** Lauteur tient remercier le Consortium pour la Recherche Economique en Afrique (AERC) pour sa subvention dans le cadre de la ralisation de cette tude. Il exprime particulirement ses remerciements aux personnes ressources du groupe C dudit rseau pour leurs commentaires pertinents qui ont permis damliorer sensiblement cet article.

  • 18 B. C. Igu Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit

    1. Introduction

    Le secteur bancaire de lUEMOA a t confront au cours des annes 80 une crise systmique d'envergure qui a dbouch sur la mise en uvre dun important programme de rformes. Ce programme sest inspir pour lessentiel, de la thorie de la rpression financire (dveloppe par McKinnon, 1973 et Shaw, 1973) selon laquelle les banques doivent pouvoir tarifier librement leurs services de faon sassurer une marge suffisante, ncessaire aux financements des emplois. Les mesures de libralisation financire sont mises en place ds la fin des annes quatre-vingt. Mais cest au dbut des annes quatre-vingt-dix que le mouvement s'est acclr, avec en particulier la nouvelle loi bancaire, le dsencadrement du crdit, la libralisation de la plupart des taux crditeurs et la libralisation totale des taux dbiteurs, sous rserve quils nexcdent pas le taux lgal de lusure fix par la Banque Centrale des Etats de lAfrique de lOuest (BCEAO). La libralisation des conditions de banques a t mise en uvre dans le but de renforcer la mobilisation des ressources intrieures et leur allocation optimale au financement de lconomie. Cette mesure donnerait aux tablissements de crdits une plus grande marge de manuvre dans la dtermination de leurs cots et de leurs prix. Elle ouvrirait ainsi la voie une meilleure concurrence au sein du systme bancaire par le biais dune plus grande transparence dans la facturation des cots des services bancaires. Toutefois, il nest pas vident que lefficacit de lallocation de crdits puisse samliorer en prsence dimportantes distorsions inhrentes au secteur financier ou dautres secteurs de lconomie. Dans le cas particulier de lUEMOA, un certain nombre de difficults peuvent rduire lefficacit et la productivit du secteur bancaire, et entraver ainsi son dveloppement long terme. Celles-ci sont lies notamment l'existence d'une liquidit excdentaire qui ne parvient pas sorienter vers des emplois sains, malgr l'importance des besoins de financement des conomies, un environnement sociopolitique et conomique peu favorable et la prpondrance de quelques grands groupes trangers qui se partagent lessentiel du march de lUnion. Cet article a pour objectif de mesurer et danalyser lvolution de la productivit des banques de lUEMOA1 au cours des annes rcentes de libralisation financire et den tudier les dterminants. Les tudes analysant les effets de la libralisation financire sur lefficacit et la productivit des banques mettent en vidence des rsultats ambigus. Les banques norvgiennes ont connu une augmentation de leur efficacit et de leur productivit aprs la libralisation (Berg et al., 1992) ; il en est de mme pour les banques 1 Ltude concerne seulement sept pays : Bnin, Burkina Faso, Cte dIvoire, Mali, Niger, Sngal et Togo. Lentre de la Guine Bissau dans lUnion tant rcente (1997), elle est exclue de lanalyse.

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    turques (Zaim, 1995). Au contraire, l'efficacit bancaire aux USA est reste relativement stable aprs la libralisation des annes 80 (Bauer et al., 1993 ; Elyasiani et Mehdian, 1995). Toujours aux USA, la libralisation des taux a entran les banques dans un jeu comptitif les incitant payer de forts taux d'intrts sur les dpts. Cela ne s'est pas accompagn d'une rduction correspondante des services bancaires ni d'une hausse immdiate du niveau des dpts. Ainsi, les bnfices de productivit qui auraient pu tre destins la banque sont alls aux dposants, entranant donc une baisse de la productivit bancaire (Humphrey et Pulley, 1997 ; Wheelock et Wilson, 1999). LEspagne a connu des rsultats similaires ceux des USA : la libralisation a entran une rduction de la productivit des caisses dpargne, due essentiellement au changement technologique (Grifell-Tatj et Lovell, 1996). Les consquences de la libralisation peuvent toutefois diffrer selon le type de banque. En diffrenciant l'impact de la libralisation en fonction du type de banque dans le cas de lInde, Bhattachrrya et al. (1997) montrent que les banques trangres ont connu une hausse de l'efficacit dans le temps, les banques prives nationales ne semblent pas avoir connu d'volution, tandis que les banques publiques ont vu leur efficacit dcliner. Dans le cas de la Tunisie, les banques commerciales sont plus efficaces que les banques de dveloppement (Chaffai et Dietsch, 1997). Toutefois, ces deux types de banques ont connu une volution similaire du niveau de leur efficacit technique sur la priode 1986-1995 : une baisse de lefficacit entre 1989 et 1993 puis une augmentation en fin de priode (1994-1995). Les auteurs concluent donc quil ny a pas de tendance nette de lvolution de lefficacit sur cette priode, mais des fluctuations la hausse et la baisse. Ils estiment que ce rsultat nest pas surprenant tant donn labsence de concurrence dans le secteur bancaire tunisien. Malgr les rformes entreprises, les banques ne sont pas incites amliorer leur efficacit technique. Il semble donc que lvolution de la productivit en priode de libralisation financire diffre selon les pays et les types de banques. Dans certains cas, la libralisation apparat avoir eu des consquences ngatives sur la productivit. L'tude mene ici montre comment la performance du secteur bancaire de lUEMOA a volu sur la priode 1990-2003. Elle intervient aprs les travaux de Ary Tanimoune (2001) et de Dem (2003). Bien que ces deux tudes diffrent fondamentalement sur le plan mthodologique, elles parviennent la mme conclusion savoir que la performance des banques de lUEMOA sest amliore depuis la libralisation financire de 1989. Ary Tanimoune (2001) propose une analyse empirique des dterminants de la performance des banques dans lUEMOA sur la priode 1990-1999. La mthodologie utilise sinspire de celle propose par Demirg-Kunt et Huizinga (1999). Il ressort que les banques ont en gnral amlior leurs performances. Les

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    facteurs lorigine de la performance bancaire seraient principalement le taux descompte et la matrise des crances douteuses. La performance bancaire est apprhende par la notion de profitabilit, obtenue en divisant la marge dintermdiation bancaire par le total de lactif du bilan des banques de chaque pays. Mais, les tablissements de crdit nont pas des taux dintrt (crditeurs et dbiteurs) uniques. Face cela et dans limpossibilit de disposer des informations sur les divers taux dintrt pratiqus, lauteur calcule la profitabilit partir des taux dintrt apparents (ou taux dintrt implicites) obtenus sur la base de donnes agrges des systmes bancaires nationaux. Il y a lieu de prciser que ces donnes agrges rendent compte partiellement de la situation des banques par pays. Ltude plus rcente de Dem (2003) utilise comme indicateur de performance des banques, les conomies d'chelle et les conomies de production jointe. Lanalyse est microconomique mais lobjectif est le mme que prcdemment : analyser les dterminants de la performance du secteur bancaire de lUEMOA. En utilisant deux spcifications de lapproche paramtrique de frontires de cots (fonctions de cots Cobb-Douglas et translog), lauteur met en exergue les principales caractristiques de la technologie de production des banques de l'UEMOA. Ltude mene ici prolonge lanalyse de Dem (2003). Contrairement Dem (2003) qui utilise comme indicateurs de performance les conomies d'chelle et les conomies de production jointe, nous privilgions des indicateurs plus globaux bass sur les concepts de lefficience-X. Nous adoptons ici une approche non-paramtrique permettant de prendre en compte l'volution du progrs technologique qui n'a pas manqu de faire voluer le fonctionnement de l'activit bancaire. La dmarche mthodologique retenue va nous permettre de mettre en exergue en particulier linfluence de la nature (type de proprit) des banques sur lvolution de la productivit bancaire. En effet, comme nous lavions soulign prcdemment, le secteur bancaire de lUEMOA est actuellement domin par les banques prives, filiales pour la plus part de grands groupes trangers. Cette nouvelle configuration du paysage bancaire de lUnion na pas manqu dinfluencer la performance de ce secteur. Dans ce papier, la performance des banques est apprhende par le concept d'efficacit, c'est--dire l'habilet transformer des ressources multiples en services financiers divers. Lutilisation dune mthode non-paramtrique de type DEA (Charnes et al., 1995) permet de prendre en compte adquatement cette situation dinputs et doutputs. L'volution de la performance des banques est calcule partir de l'indice de productivit de Malmquist. Les dterminants potentiels de la performance des banques sont tudis au moyen destimations de rgressions entre les indices de productivit bancaire et diverses variables prenant en compte la libralisation financire.

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    La section suivante prsente les caractristiques principales du secteur bancaire de lUEMOA. La section III est consacre aux aspects mthodologiques. La section IV dcrit les variables et prsente les sources de donnes. La section V prsente les rsultats des estimations et les analyse. La section VI conclut.

    2. Caractristiques principales du secteur bancaire de lUEMOA Depuis quelques annes, les autorits montaires ont donn une forte priorit lamlioration de lefficacit du secteur bancaire de lUEMOA. Dimportantes mesures de libralisation financire sont mises en uvre partir de 1989. Ces mesures visent en particulier accrotre lefficacit du secteur bancaire, crer un environnement plus concurrentiel entre les banques et renforcer leur assise financire. Depuis, les banques de lUnion connaissent une progression rgulire et relativement importante de leurs dpts (tableau 1). Les dpts vue reprsentent une part importante des dpts bancaires : depuis 1994, ils reprsentent au moins 50% des dpts bancaires. Du point de vue du financement bancaire, lanalyse du tableau 1 montre une part croissante des crdits de court terme dans lensemble des crdits octroys lconomie : en 2002, cette part reprsentait 70 % des crdits lconomie. La prdominance des crdits de court terme est certainement lie la nature des ressources bancaires domines par les dpts vue. Il en rsulte que les secteurs les plus financs par les banques sont le tertiaire (en particulier le commerce) et dans une moindre mesure le secondaire. Le secteur primaire qui emploie environ 80 % de la population de lUEMOA, reoit moins de 9 % du financement bancaire.

    Tableau 1 : Evolution de lactivit des banques (moyenne annuelle)

    1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

    Dpts du secteur priv* 1 326 761 1 361 448 1 335 751 2 138 428 2 257 338 2 623 230 3 205 270

    Dpts vue (%) 45 42 51 50 53 52 51

    Dpts terme (%) 55 58 49 50 47 48 49

    Crdit lconomie* 2 051 064 1 835 731 1 211 565 1 976 486 2 353 407 2 945 967 3 218 539

    Court terme (%) 64 58 61 63 66 68 70

    Moyen et long terme (%) 36 42 39 37 34 32 30

    Source : Calculs effectus partir des donnes de la BCEAO2 Globalement, lintermdiation financire a beaucoup progress depuis 1990. Toutefois, les dpts collects nont pas volu au mme rythme que les crdits. En 2 Les dpts du secteur priv et les crdits lconomie sont en millions de F.CFA constants. Les valeurs relles sont obtenues en dflatant les valeurs nominales par le dflateur du PIB de lUEMOA.

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    termes rels, les dpts bancaires (surtout les dpts vue) se sont plus vite accrus dans la quasi-totalit des banques, pendant que les crdits bancaires progressaient un rythme lent. Il en rsulte un desserrement de la contrainte de liquidit des banques qui ont de moins en moins besoin de se refinancer auprs de la BCEAO. Cette tendance est confirme par Ary Tanimoune (2002, p.10) qui note que les banques dans lUnion sont en moyenne surliquides : le niveau des rserves obligatoires constitues par ces dernires auprs de la BCEAO reprsentait en moyenne en juin 1999 sept fois le montant requis . La situation est dautant plus proccupante quelle menace lefficacit de la politique montaire. En effet, malgr les mesures3 prises par la BCEAO pour rsoudre le problme de surliquidit, les banques en activit dans lUEMOA sont demeures en moyenne surliquides. Lanalyse de lvolution des marges dintermdiation bancaire montre que celles-ci sont relativement leves (tableau 2).

    Tableau 2 : Evolution des conditions dbitrices et crditrices

    Anne Cots moyen des comptes crditeurs

    (%)a

    Taux d'intrt moyen des crdits la clientle (%)b

    Marge moyenne d'intrt (%)

    1990 5 10 5 1991 4 10 6 1992 5 9 4 1993 5 10 5 1994 5 10 5 1995 4 12 8 1996 3 13 10 1997 2,3 12,2 9,9 1998 2,1 12,6 10,5 1999 2,1 12,7 10,6 2000 2,2 12,9 10,7 2001 2,3 12,8 10,5

    Evolution de 1990-2001 -2,7 2,8 5,5

    a : Cot moyen des dpts bancaires, obtenu en faisant le rapport entre les charges sur les oprations avec la clientle et les dpts des Particuliers et Entreprises. b : Taux dintrt moyen sur les crdits aux Particuliers et aux Entreprises, obtenu en rapportant les produits sur oprations avec la clientle aux crances (encours de crdits) sur les Particuliers et Entreprises.

    3 Au nombre de ces mesures, il y a : la dcision de juillet 1994 demandant aux banques commerciales dutiliser leurs excs de liquidits pour acqurir des titres garantis par la BCEAO, la dcision de 1996 visant rduire les plafonds indicatifs de refinancement imposs aux banques et la mise en uvre ds 1998 dune nouvelle politique travers une forte hausse des coefficients des rserves obligatoires et des retraits de liquidits par mission des bons BCEAO.

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    Le taux dintrt moyen rmunrant les dpts a baiss de 2,7 % entre 1990 et 2001 alors que le taux dintrt dbiteur moyen a connu une augmentation de lordre de 2,8 %. Il en rsulte un accroissement de la marge dintrt moyenne sur cette priode. Cela dnote certainement une faible concurrence. Cette situation est encourage par la structure du systme bancaire, peu favorable la concurrence. En effet, le systme bancaire de lUEMOA est concentr : en 2002, les 17 plus grandes banques4 ont reprsent plus de 63 % des actifs. Cette concentration se retrouve au niveau de laffiliation des banques. En effet, sept grands groupes bancaires5 dominent le systme bancaire de l'Union travers 34 banques et quatre tablissements financiers. Ces 38 tablissements de crdit reprsentent plus de 60 % de parts de march de lUnion (Commission Bancaire, 2002).

    3. Les aspects mthodologiques

    3.1. Efficacit technique et indice de Malmquist Le niveau de la productivit mesure par le ratio output sur input est dtermin par deux lments distincts : l'efficacit du processus de production et le type de technologie utilis. Dans cette tude, l'efficacit est entendue au sens d'efficacit technique, savoir l'habilet de la banque obtenir un output donn avec un niveau d'inputs minimum. Nous ne prenons pas en compte l'autre composante de l'efficacit conomique qui est l'efficacit allocative, et qui reflte l'habilet de la banque utiliser ses inputs dans des proportions optimales, au vu de leurs prix respectifs6. Si l'on prend en compte le type de rendements dans lequel la production a lieu, on peut dcomposer l'efficacit technique en une efficacit technique pure et une efficacit d'chelle. Lefficacit technique pure reflte les amliorations dans les pratiques managriales pendant que lefficacit dchelle rsulte des amliorations vers la taille optimale en termes de la matrise des cots (Fre et al. 1994). Lindice de Malmquist est utilis dans cette tude pour analyser lvolution de la productivit du secteur bancaire de lUEMOA. Cet indice a t initialement dvelopp par Caves et al. (1982) et peut tre orient output ou input. Il se dcompose en changement technologique et en modification de lefficacit technique, qui son tour peut se dcomposer en une efficacit technique pure et en une efficacit dchelle.

    4 Ce sont les banques dont le total actif excde individuellement 100 milliards de F.CFA. 5 Il sagit de : Socit Gnrale, BNP Paribas, Crdit Lyonnais, Citibank NA, Bank of Africa, Ecobank et Cofipa/Belgolaise. 6 La difficult de connatre les prix des inputs et outputs bancaires a motiv cette approche.

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    3.2. Mthode destimation de lindice de productivit de Malmquist Deux mthodes diffrentes apportent une rponse lestimation de lindice de productivit : lapproche paramtrique et lapproche non-paramtrique. Lapproche paramtrique repose sur lapplication de techniques conomtriques pour lestimation de frontires defficacit. Ce type de technique prsente lavantage de permettre une infrence statistique sur les rsultats, mais cela signifie galement quil faut adopter une forme fonctionnelle (Cobb-Douglas, Translog, etc.) pour la reprsentation de la frontire. Or cette reprsentation peut dune part tre errone, dautre part avoir des implications sur les rsultats obtenus. Lapproche non-paramtrique est fonde sur lapplication de techniques de programmation linaire. La principale critique faite cette seconde approche est quelle ne prend pas en compte linfluence dventuelles erreurs de mesures des donnes. Nous utilisons une approche non-paramtrique de type DEA (Data Envelopment Analysis) pour estimer lindice de productivit et ses diffrentes composantes. Une mesure non-paramtrique de lindice de Malmquist est particulirement approprie pour mesurer la performance du secteur bancaire (Fre et al. 1994 ; Wheelock et Wilson, 1999 ; Isik et Hassan, 2003). En effet, la mthode DEA nimpose pas de relation fonctionnelle sur la fonction de production : on vite ainsi les erreurs lies une mauvaise reprsentation de la technologie. De ce fait, elle est bien adapte lindustrie bancaire o la dfinition des inputs et outputs ne fait pas lobjet dun consensus. Elle impose trs peu dhypothses sur les observations : la convexit et la linarit par morceaux. La mthode permet ainsi de ne pas imposer dhypothses contredites par les donnes bancaires. La mthode est en fait exclusivement base sur les donnes : elle permet ainsi un enveloppement serr des donnes.

    3.3. Mthode destimation des dterminants de lindice de productivit totale

    Nous adoptons un modle erreurs composes pour analyser les dterminants potentiels de la productivit du secteur bancaire de lUEMOA. Le modle peut tre spcifi de la manire suivante :

    itjitjitj Xtfpch (1)

    O tfpch reprsente lindice de productivit de Malmquist, X est la matrice des dterminants de la productivit, est la matrice des coefficients des variables explicatives, i dsigne la banque, t la priode, j lindice pays et est une constante. Le terme itj est le terme derreurs composes donn par lexpression suivante :

    itjtijitj (2)

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    Le symbole ij dsigne leffet spcifique permettant de contrler les diffrences

    non observables qui existent entre les banques, t est leffet temporel permettant de contrler les chocs conjoncturels qui frappent les banques et itj est la

    perturbation alatoire habituelle, laquelle suit une loi normale (0, 2 ). Plusieurs facteurs susceptibles dinfluencer la productivit bancaire ont t identifis dans la littrature. Le ratio des capitaux propres, le ratio de rentabilit, les ratios de liquidit, la taille de la banque, la structure des dpenses et des revenus de la banque, le taux dencadrement du personnel et la qualit du portefeuille sont autant de variables pouvant influencer directement ou indirectement la productivit bancaire. La productivit bancaire est susceptible de varier travers les banques en fonction des problmes lis aux asymtries dinformation qui affectent le canal de transmission des fonds vers les activits productives au sein dune conomie (Isik et Hassan, 2003). En effet, les asymtries dinformation engendrent deux types de problmes : le phnomne de slection adverse qui intervient avant la signature du contrat et le phnomne dhasard moral qui se manifeste aprs la signature du contrat. Ces problmes dasymtries dinformation affectent la qualit des prts, output principal des institutions bancaires. Comme le souligne Resti (1997), les crances douteuses influencent ngativement lefficacit, mme dans les banques qui ne sont pas en difficult. En plus de ces variables, un ensemble dindicateurs caractrisant lenvironnement politique et macroconomique peuvent influencer le niveau de la productivit des banques. Ainsi, la libralisation du secteur financier devrait du point de vue thorique, amliorer la productivit des banques. De mme, les variables de lenvironnement conomique telles que la faiblesse du taux de croissance du PIB, la volatilit des taux dintrt, la dprciation inattendue de la monnaie nationale, la volatilit du niveau gnral des prix, lincertitude, limportance des crances douteuses par rapport au total des crdits allous au secteur priv et la dprciation des termes de lchange peuvent influencer ngativement la productivit des banques (Mishkin, 1991). Lvolution dfavorable de ces variables accentue les problmes danti-slection et dhasard moral (Dermirg-Kunt et Detragiache, 1997). Enfin, notons que la productivit bancaire peut tre aussi influence par les cycles conomiques (Rouabah, 2002).

    4. Production de la banque, sources de donnes et structure de lchantillon

    4.1. Description des variables bancaires

    La mesure de la productivit bancaire et de ses composantes suppose que l'on s'entende sur ce que produit la banque et partir de quels inputs. Deux points de

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    vue sopposent dans la littrature, la question centrale tant celle du traitement des dpts. Selon l'approche dite de l'intermdiation, les dpts constituent des inputs du fait de lactivit bancaire de transformation des dpts en prts. En revanche, selon lapproche dite de la production, les dpts constituent des outputs en raison des dpenses associes leur mise en place et leur gestion. Nous adoptons ici lapproche de lintermdiation qui suppose que les banques produisent des prts et dautres actifs financiers partir des dpts et dautres inputs (travail et capital physique). Ce choix se justifie par la nature du fonctionnement du systme bancaire de lUEMOA o les banques utilisent plutt les fonds mis leur disposition pour se lancer dans une politique de prts. On considre trois outputs : (1) les crdits la clientle non-bancaire, mesurs par le total des prts octroys par la banque aux particuliers et entreprises ; (2) les crdits la clientle bancaire et non-bancaire ; (3) les titres de placement. Nous utilisons trois inputs : le travail, le capital physique et le capital financier. Nous mesurons linput travail par le nombre demploys (comme dans les travaux de Grifell-Tatj et Lovell, 1996 ou de Sassenou, 1994) en absence dune mesure prcise, comme le nombre dheures travailles par exemple. Nous mesurons le capital physique par les immobilisations nettes et les oprations de crdits bail comme dans les travaux de Grabowski et al. (1994). Deux types de capital financier sont pris en compte : (1) les dpts non-bancaires, mesurs par le montant de lensemble des comptes de dpts et dpargne vue et terme des entreprises et particuliers ; (2) les dpts bancaires et non-bancaires. Les dpts bancaires regroupent les dpts de lEtat et des autres tablissements de crdit vue et terme. En dfinitive, deux types de modles de production bancaire sont retenus pour lanalyse et sont prsents dans le tableau 3.

    Tableau 3 : Modles de production bancaire utiliss Outputs Inputs Type de banques

    Modle 1 Un output : Trois inputs : Commerciales (M1) - Crdits la clientle bancaire - Immobilisations et non-bancaire - Dpts bancaires et ( court, moyen et long terme) non-bancaires - Nombre demploys Modle 2 Deux outputs : Trois inputs : Commerciales (M2) - Crdits la clientle non-bancaire - Immobilisations ( court, moyen et long terme) - Dpts non-bancaires

    - Titres de placement ( vue et terme) - Nombre demploys

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    4.2. Sources des donnes

    Les donnes utilises sont issues des Bilans des banques et tablissements financiers de lUEMOA , des rapports annuels de la Commission Bancaire de lUEMOA, des bases de donnes bankscope, de la Banque Africaine de Dveloppement et de la Banque Mondiale. Les donnes sont dflates par lindice gnral des prix la consommation (IPC)1, instrument privilgi de mesure de linflation. Lanalyse concerne les banques commerciales dont le nombre varie en fonction des modles identifis et des disponibilits de donnes. La priode couverte par les donnes de notre chantillon est 1990-2003.

    4.3. Structure de lchantillon La structure de notre chantillon de banques est illustre par le tableau 4. La part moyenne du total de lactif des banques considres dans le total de lactif bancaire de chaque pays prsente une part importante de lactif du secteur bancaire propre chaque pays pour le modle M1. Les donnes sur les titres de placement ntant pas disponibles pour toutes les banques de lchantillon sur la priode 1990-2003, il existe une divergence de nombre dobservations entre les modles M1 et M2. Tableau 4 : Structure de lchantillon Nombre de banque par modle (M) Part de l'actif dans l'actif

    total(%)* M1 M2 M1 M2

    Bnin 4 _ 90,5 _ Burkina Faso 5 3 86,89 71,98 Cte d'Ivoire 9 3 81,78 56,86

    Mali 5 1 78,73 16,59 Niger 3 _ 56,18 _

    Sngal 8 5 93,76 77,63 Togo 7 2 98,59 26,4

    UEMOA 41 14 85,2 50,2 Priode 1990-2003 1990-2003 1990-2003 1990-2003

    Nombre d'observations 574 84

    * La part de lactif dans lactif total est obtenu en rapportant lactif total moyen de lchantillon sur lactif total moyen du systme bancaire de chaque pays. Source : Calculs effectus partir des donnes de la BCEAO sur les comptes des bilans des banques et tablissements financiers agrs dans lUEMOA.

    1 Dans le cadre de lobjectif de stabilit des prix de la BCEAO et afin de consolider lancrage du Franc CFA lEuro, lIPC est lindicateur majeur pour la conduite de la politique montaire dans la zone UEMOA. Aussi, lavons-nous utilis comme dflateur des donnes financires et conomiques utilises dans cette tude.

  • 28 B. C. Igu Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit

    Le modle M1 concerne 41 banques sur un total de 64 en activit dans lUEMOA en 2003. Par contre, le modle M2 concerne seulement 14 banques rparties dans cinq pays (cf. tableau 4). Ces 14 banques ne reprsentent que 50,2 % de lactif total moyen de lensemble du systme bancaire de lUEMOA. Les 41 banques de lchantillon ont t reparties en quatre groupes : les banques trangres (BE), les banques prives nationales (BPN), les banques publiques (BP) et les banques mixtes (BM). Les banques trangres, prives nationales et publiques sont celles dont le capital social est dtenu plus de 50% respectivement par les actionnaires trangers, les privs nationaux et lEtat. Les banques mixtes sont celles pour lesquelles ni lEtat, ni les privs nationaux, ni les actionnaires trangers, ne dtiennent plus de 50% du capital social de la banque. Les banques trangres dominent lchantillon : elles sont au nombre de 29 et reprsentent en moyenne plus de 83% de lactif total, des crdits et des dpts de lensemble des banques de lchantillon (tableau 5). Les autres types de banques sont au nombre de 12 : six pour les banques prives nationales, trois pour les banques publiques et trois pour les banques mixtes. Ces trois catgories de banques reprsentent en moyenne moins de 17% de lactif total, des crdits et des dpts des banques de lchantillon. Tableau 5 : Structure de lchantillon en fonction des types de banques

    Type de Banques

    Nombre de

    Banques

    Rpartition du capital (en 2003) Actif total Crdits Dpts Effectif Capital

    Total* Etat Privs

    Nationaux Etrangers

    Banques trangres (BE)

    29 151 799 12% 17% 71% 83,40% 84,29% 83,49% 77,75%

    Banques Nationales prives (BPN)

    6 207 51 8% 84% 8% 6,74% 6,46% 6,15% 6,34%

    Banques Publiques (BP)

    3 9 320 69% 29% 2% 4,56% 4,26% 4,84% 7,52%

    Banques Mixtes (BM)

    3 11 500 49% 12% 39% 5,29% 4,99% 5,52% 8,39%

    Total 41 193 370 16,40% 24,30% 59,30% 100% 100% 100% 100%

    * En millions de Francs CFA

    Source : Calculs effectus partir des donnes de la BCEAO sur les comptes des bilans des banques et tablissements financiers agrs dans lUEMOA et des rapports annuels de la Commission Bancaire.

  • Revue dEconomie Thorique et Applique Vol. 1 N1 Juin 2011 29

    5. Rsultats et discussions

    5.1. Evolution de la productivit et de ses composantes

    Pour dterminer la productivit des banques et dcomposer cette productivit en efficacit technique et en changement technologique, nous utilisons lindice de Malmquist. Lefficacit technique mesure la capacit produire un maximum doutputs partir dun niveau dinputs donn. Les changements en efficacit technique pouvant provenir exclusivement dune amlioration de lefficacit dchelle, nous distinguons entre les variations defficacit technique lies celles de lefficacit dchelle et les variations dcoulant des modifications en efficacit technique pure.

    5.1.1. Les rsultats du modle 1 L'volution annuelle moyenne de la productivit et de ses composantes est prsente dans le tableau 6. Tableau 6 : Dcomposition de la productivit totale

    Anne Efficacit technique

    Technologie Efficacit pure

    Efficacit d'chelle

    Productivit totale

    1990-91 1,013 1,004 1,019 0,995 1,017 1991-92 1,081 0,915 1,117 0,968 0,989 1992-93 1,056 1,006 1,017 1,038 1,063 1993-94 1,151 0,962 1,216 0,947 1,107 1994-95 1,192 0,972 1,035 1,152 1,159 1995-96 0,925 0,899 0,994 0,93 0,832 1996-97 0,993 1,027 0,997 0,996 1,02 1997-98 1,053 0,971 1,049 1,004 1,022 1998-99 1,083 0,922 1,041 1,041 0,998 1999-00 0,981 1,013 0,971 1,011 0,994 2000-01 1,037 0,989 1,031 1,006 1,025 2001-02 1,007 0,93 1,023 0,984 0,936 2002-03 1,014 0,977 1,016 0,998 0,991 1990-03 1,043 0,967 1,039 1,004 1,009

    Note : Les valeurs suprieures lunit indiquent une amlioration et celles infrieures lunit montrent une dtrioration. Source : rsultats de lestimation du modle 1.

  • 30 B. C. Igu Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit

    La productivit totale des facteurs a connu une faible amlioration (1,009) entre 1990 et 2003 (comme l'indique la dernire ligne, dernire colonne du tableau 6). Cette faible amlioration rsulte dune nette augmentation du niveau de l'efficacit technique (1,043) et dune baisse remarquable de la technologie (0,967). Comme, en moyenne, il y a absence de mouvement de l'efficacit dchelle (1,004), l'explication du niveau moyen de l'volution de l'efficacit technique se trouve dans la modification de l'efficacit pure qui est en moyenne de 1,039 (soit une amlioration de 3,9%) sur la priode. En fait, ces niveaux en moyenne cachent une volution disparate de la productivit et de ses composantes sur la priode 1990-2003. On constate que l'amlioration de la productivit est avant tout la rsultante de la modification de lefficacit technique et que la dgradation de la technologie est de forte ampleur sur une bonne partie de la priode dtude. Ce sont surtout les banques trangres (et dans une moindre mesure les banques publiques) qui ont connu en moyenne une augmentation de la productivit, due essentiellement une amlioration de lefficacit technique (1,05 : tableau 7). Lefficacit technique sest significativement amliore aussi pour les banques mixtes (1,047) ; toutefois, ces dernires ont connu une forte dgradation au niveau technologique (0,958), ce qui ne leur a pas permis damliorer significativement leur productivit sur lensemble de la priode. Les banques prives nationales ont connu en moyenne une efficacit technique stable et une dgradation sensible de la technologie. Il en a rsult une baisse de leur productivit (0,968). Tableau 7 : Evolution moyenne de la productivit et de ses composantes par type de banques

    Type de banque

    Efficacit technique

    Technologie Efficacit pure

    Efficacit d'chelle

    Productivit totale

    BE 1,05 0,97 1,046 1,003 1,018 BPN 1,003 0,966 0,999 1,003 0,968 BP 1,054 0,958 1,049 1,005 1,01 BM 1,047 0,958 1,035 1,011 1,004

    Moyenne 1,043 0,967 1,039 1,004 1,009 Source : Calculs effectus partir des rsultats de lestimation du modle 1. Ces rsultats peuvent tre compars ceux obtenus par Bhattachryya, Lovell et Sahay (1997) dans le cas des banques commerciales indiennes. En effet, ces auteurs avaient aussi trouv une forte amlioration de lefficacit productive des

  • Revue dEconomie Thorique et Applique Vol. 1 N1 Juin 2011 31

    banques trangres. Toutefois, alors que lefficacit technique des banques publiques sest dgrade dans le cas indien, elle sest plutt amliore dans le cas de lUEMOA. Deux facteurs ont probablement contribu ces rsultats. Premirement, les pays de lUEMOA ont libralis leur systme bancaire au moment o leurs conomies taient en crise (croissance conomique faible voire ngative), ce qui na pas facilit les possibilits dadaptation pour certaines banques. Deuximement, les banques trangres disposaient de lexpertise internationale ncessaire pour bien profiter de la libralisation concomitante du march international des capitaux et mieux sadapter lenvironnement conomique de lUnion. Lanalyse des rsultats montre aussi une certaine disparit entre les pays. Cette htrognit des rsultats renseigne sur la capacit des banques ragir lenvironnement dans lequel elles exercent leurs activits. En effet, nous remarquons que la productivit sest fortement amliore pour les banques exerant au Bnin (1,134 : tableau 8). Il semble donc que ces dernires sont sensibles lenvironnement sociopolitique stable qui caractrise le Bnin depuis 1990. Tableau 8 : Evolution moyenne de la productivit et de ses composantes par pays

    Pays Efficacit technique

    Technologie Efficacit pure

    Efficacit d'chelle

    Productivit totale

    Bnin 1,168 0,971 1,165 1,003 1,134 Burkina 1,027 0,958 1,02 1,007 0,984 Cte d'Ivoire 1,005 0,97 0,999 1,006 0,975 Mali 1,064 0,961 1,062 1,002 1,023 Niger 1,055 0,976 1,025 1,029 1,03 Sngal 1,026 0,973 1,026 0,999 0,998 Togo 1,036 0,962 1,039 0,997 0,997 Moyenne 1,043 0,967 1,039 1,004 1,009

    Source : Calculs effectus partir des rsultats de lestimation du modle 1 Le Mali et le Niger ont aussi connu une amlioration de la productivit bancaire sur la priode dtude (1,023 et 1,03 respectivement). La productivit bancaire sest dgrade faiblement pour le Sngal et le Togo (0,998 et 0,997 respectivement) et notablement pour la Cte dIvoire et le Burkina Faso (0,975 et 0,984 respectivement). Linstabilit politique et la crise socioconomique que traverse la

  • 32 B. C. Igu Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit

    Cte dIvoire, ont probablement jou un rle direct ou indirect dans la dtrioration sensible de la productivit bancaire observe en Cte dIvoire et au Burkina Faso.

    5.1.2. Les rsultats du modle 2 Le modle 2 est estim deux fois : une premire fois avec les titres de placement et une seconde fois sans les titres de placement 7. Les rsultats des deux estimations sont compars entre eux. On observe une augmentation de la productivit de 3 % (due conjointement une amlioration de lefficacit de 2,6 % et un faible progrs technologique de 0,4 %) en prsence de titres de placement et une dtrioration de 1,2 % (rsultant exclusivement dune dgradation de la technologie de 3,8 %) en absence des titres de placement. Dans le modle avec titres de placement , lamlioration de la productivit due au progrs technologique signifie que les banques les plus efficaces ont encore amlior leur efficacit. Le dplacement ainsi induit de la frontire de production et le rapprochement vers cette mme frontire expliquent conjointement les tendances observes pour les deux composantes de la productivit. Au total, les rsultats de lanalyse de lvolution de la productivit et de ses composantes conduisent deux conclusions : une tendance confirme mais faible de lamlioration globale de la productivit des banques commerciales de lUEMOA sur la priode 1990-2003 et une disparit de rsultats entre types de banques et entre pays. Ces constats nous inspirent une interrogation sur les raisons de la faiblesse de la productivit des banques et sur les facteurs explicatifs de lhtrognit des rsultats dun pays lautre et entre les types de banques.

    5.2. Les dterminants de la productivit des banques de lUEMOA Pour analyser les dterminants de la productivit des banques de lUEMOA, nous estimons lquation (1) dcrite la section II sur les aspects mthodologiques. Lindice de productivit totale utilis comme variable explique dans les estimations est celui obtenu avec le modle M1 de production bancaire8. Les variables explicatives utilises dans les rgressions sont : le ratio de rentabilit (RRN)9, mesur par le rapport entre le rsultat net et lactif total ; le ratio des 7 Les rsultats complets des estimations du modle M2 sont disponibles et peuvent tre obtenus sur demande auprs de lauteur 8 Ce choix se justifie par le fait que ce modle couvre un grand nombre de banques contrairement au modle M2. 9 En absence dune mesure de la rentabilit conomique, comme le ratio dexcdent brut dexploitation, nous utilisons une mesure de rentabilit globale (le ratio de rentabilit globale), comme Rouabah (2002).

  • Revue dEconomie Thorique et Applique Vol. 1 N1 Juin 2011 33

    capitaux propres (RCP), mesur par le rapport entre les capitaux propres et lactif total ; le ratio de liquidit ou dintermdiation bancaire (RCD), mesur par la part des prts accords la clientle dans le total des dpts ; le taux de marge dintermdiation bancaire (TMI), indicateur de lefficacit de la libralisation financire10 ; le ratio des crances des banques commerciales sur la Banque Centrale (RCBC), gal aux crances vue sur la BCEAO rapportes lactif total et dont lvolution dpend dans une certaine mesure de la politique mene par la BCEAO en matire de rserves obligatoires ; le ratio de concentration ou la part de march de chaque banque (RDC), mesur par le rapport entre lactif de chaque banque et le total de lactif par pays et sens approximer la structure du march (concurrentiel, oligopolistique,) ; le taux dencadrement du personnel (TEP), gal au ratio des cadres suprieurs sur leffectif total du personnel ; le nombre dagences bancaires (NA). Deux autres variables caractrisant lenvironnement macroconomique de chaque pays, sont introduites dans les estimations : le taux dapprofondissement financier (RM2), mesur par le ratio masse montaire sur le PIB et les cycles conomiques (Cycle). Les cycles conomiques sont obtenus par lapplication du filtre de Hodrick-Prescott, utilisant un paramtre de 100 lissages, aux sries du PIB rel de chaque pays sur la priode 1970-2003. Nos estimations ne retiennent que les treize dernires fluctuations cycliques (1991-2003). Cette limitation sexplique par la priode retenue pour ltude de la productivit des banques. Les rsultats des estimations sont consigns dans le tableau 9. Dans ce tableau, le modle A correspond un panel de 41 banques observes sur la priode 1990-2003. Toutefois, certaines variables bancaires (taux de marge dintermdiation, ratio des crances sur la Banque Centrale) ne sont disponibles que pour 18 banques seulement, observes sur la priode 1997-2003. Le modle B correspond lestimation de ce panel de 18 banques. Les estimations sont ralises sous diffrentes hypothses faites sur les paramtres et sur les perturbations. Les tests de Fisher et de Hausman permettent de discriminer respectivement entre les spcifications OLS (moindres carrs ordinaires) et effets fixes et entre les spcifications effets fixes et effets alatoires. La significativit du test de Fisher pour les deux modles A et B montre que le modle dhomognit totale (OLS) ne peut tre privilgi. La significativit du test de Hausman dans les deux cas montre quil est prfrable de retenir la spcification effets fixes. Sur cette base, nous ninterprtons que les rsultats de la spcification effets fixes. Ces rsultats correspondent la troisime et la sixime colonne du tableau 9. 10 Selon la thorie, la libralisation financire, en favorisant la concurrence entre les banques, devrait se traduire pas une baisse de la marge dintermdiation, ce qui stimulerait la demande de crdits et donc la productivit.

  • 34 B. C. Igu Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit

    Les rsultats rvlent que le ratio de rentabilit (RRN) affecte positivement la productivit, mais cet impact nest significatif que dans le cas du modle A. Tableau 9 : Rsum des estimations des dterminants de la productivit

    Les chiffres entre parenthses sont les valeurs absolues des Statistiques t. *** significatif 1%, ** significatif 5%, * significatif 10%. Notes : Pour le modle A, nous avons calcul les effets fixes moyens11 par type de banques et par pays : - Banques Etrangres [0,044], Banques Publiques [-0,075], Banques Prives Nationales [-0,15], Banques Mixtes [-0,04]. - Bnin [0,168], Burkina [-0,0004], Cte dIvoire [-0,016], Mali [0,287], Niger [0,022], Sngal [-0,079], Togo [0,044]. La valeur prise par le coefficient du ratio capitaux propres sur actif total (RCP) est ngative pour les deux modles. Toutefois, ce paramtre nest statistiquement significatif que dans le cas du modle B estim sur la priode 1997-2003. Ce 11 Les effets fixes individuels (par banque) pour les deux modles (A et B) sont disponibles et peuvent tre obtenus sur demande auprs de lauteur.

  • Revue dEconomie Thorique et Applique Vol. 1 N1 Juin 2011 35

    rsultat peut sexpliquer dans une certaine mesure par lobligation faite aux banques depuis lentre en vigueur de nouvelles rgles prudentielles en janvier 2000, de maintenir un certain rapport entre le montant des fonds propres et les risques inhrents aux oprations engages. La corrlation ngative entre le ratio des capitaux propres et la productivit des banques semble indiquer que les banques disposant d'un ratio de capital proche du ratio rglementaire sont incites augmenter leur capital et rduire leur niveau de risque de crdit en vue de se conformer la rglementation prudentielle. Ce rsultat confirme ainsi la conclusion de Van Roy (2003) selon laquelle les banques ont plutt tendance choisir des portefeuilles moins risqus pour viter les pnalits. En effet, dans une tude internationale, cet auteur a trouv que des ratios levs de capital nentranent pas un accroissement du risque de crdit et donc de linstabilit financire. Toutefois, ce rsultat reste sans doute le moins facilement interprtable dans la mesure o ce ratio offre une lecture partielle du degr d'aversion au risque d'une banque. En effet, les banques sous-capitalises peuvent tre tentes de prendre des risques excessifs dans l'espoir d'avoir des rendements levs pouvant les aider augmenter leur capital. De mme, les banques peu rentables peuvent tre tentes doctroyer des crdits plus alatoires et de sengager dans des activits plus incertaines pour dfendre leurs rentabilits et respecter les rgles prudentielles imposes par les autorits montaires. Le ratio de liquidit ou dintermdiation bancaire (RCD) influence positivement et significativement la productivit des banques dans les deux modles. Ce rsultat indique ainsi que les banques les plus actives sur le segment de crdits la clientle ont tendance amliorer leur productivit. Le coefficient du ratio des cadres suprieurs sur leffectif total du personnel (TEP) est positif dans les deux modles, mais il nest significatif que dans le cas du modle A. Le nombre dagences a un impact ngatif sur la productivit des banques, mais nest statistiquement significatif que dans le cas du modle A. Le coefficient du taux dapprofondissement financier (RM2) est positif et statistiquement significatif. Ce rsultat montre que lapprofondissement financier est un facteur damlioration de la productivit des banques. Les autres variables explicatives utilises telles que le taux de marge dintermdiation (TMI), le ratio de concentration (RDC), le coefficient du ratio des crances sur la Banque Centrale (RCBC) et les cycles conomiques (Cycles) nont aucune influence sur la productivit bancaire sur la priode tudie. Enfin, les rsultats des estimations confirment la performance des banques trangres. En effet, ces dernires ont en moyenne des effets fixes positifs

  • 36 B. C. Igu Efficacit et Progrs Technologique dans la Productivit

    contrairement aux autres types de banques12. Il savre ainsi que les banques trangres ont, de faon structurelle, une productivit leve. Pour ces banques, des caractristiques inobservables expliquent que la productivit soit plus leve, toutes choses gales par ailleurs. A linverse, les autres types de banques ont des effets fixes ngatifs. Ces types de banques ont des productivits relativement faibles. Il semble toutefois que le lieu dimplantation des banques influence les caractristiques inobservables des banques. En effet, si en moyenne les banques trangres ont des effets fixes positifs, ces effets fixes sont davantage plus levs pour celles qui sont en activit au Bnin et au Mali. Lenvironnement politique et socioconomique semble influencer ainsi le comportement des banques.

    6. Conclusion Lobjectif de ce papier tait danalyser lvolution de la productivit du secteur bancaire de lUEMOA et den tudier les principaux dterminants. En utilisant lindice de Malmquist estim par la mthode non-paramtrique de type DEA, les rsultats suggrent que les banques de lUnion ont en moyenne, connu une faible amlioration de leur productivit sur la priode 1990-2003. Toutefois, cette tendance lamlioration de la productivit varie en fonction des types de banques et de leur implantation gographique. En gnral, les banques trangres et celles oprant au Bnin, affichent un niveau de productivit plus important que leurs concurrentes. Les rsultats montrent quen gnral les banques de lUnion nont pas incorpor les volutions technologiques qui sont survenues au cours de la priode dtude. En effet, mme si les banques de lUnion ont import les avances technologiques, celles-ci ne contribuent pas lamlioration de leur productivit, contrairement lexprience des banques des pays dvelopps qui ont profit des innovations technologiques pour augmenter en rapidit, en qualit, en facilit daccs aux services et en performance. Le faible degr de bancarisation des conomies de lUnion et ses implications semble donner un caractre improductif aux avances technologiques utilises dans le secteur bancaire. Lanalyse conomtrique des dterminants de la productivit bancaire montre que le ratio dintermdiation bancaire, le ratio des capitaux propres, le taux de rentabilit globale, la proportion des cadres suprieurs et le nombre dagences expliquent en partie les divergences de performance entre banques. Toutefois, le taux de marge dintermdiation et le ratio des crances sur la BCEAO nont aucune influence sur la productivit des banques de lUnion. Le taux dapprofondissement

    12 Pour les valeurs des effets fixes par type de banques, voir tableau 9. Les effets fixes individuels (par banque) pour les deux modles (A et B) sont disponibles et peuvent tre obtenus sur demande auprs de lauteur.

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    financier dtermine positivement lvolution de la productivit bancaire ; mais cette dernire reste insensible aux cycles conomiques. Lanalyse de tous ces rsultats montre quil y a lieu de mettre en place une politique qui accrot lintermdiation bancaire. Une politique visant la dcentralisation des services de crdit, accompagne dune nouvelle rpartition des tches dans les agences, seraient de nature amliorer la productivit des agences et donc des banques. Finalement, le niveau dapprofondissement financier des pays de lUEMOA est une variable sur laquelle les politiques de la BCEAO pourraient avoir un impact. En effet, laugmentation de lapprofondissement financier suite, par exemple, au dveloppement des marchs financiers et dun environnement favorable des structures de financements dcentraliss, pourrait amliorer notablement lefficacit et la productivit des banques. Contrairement aux banques commerciales, les institutions de microfinance parviennent toucher la frange de la population exclue du circuit financier traditionnel. Laugmentation de lintermdiation de ces structures financires plus adaptes aux caractristiques socioconomiques de lUnion, associe celle des banques, conduirait une mobilisation plus importante de lpargne ; ce qui augmenterait la densit de la demande de services financiers. Il y a lieu de prciser que cet article se base uniquement sur lanalyse des facteurs pouvant contribuer expliquer lvolution de la productivit des banques de lUEMOA. En particulier, les rsultats montrent lexistence dune relation ngative entre le ratio des capitaux propres et la productivit bancaire. Ces rsultats pourraient tre approfondis, en introduisant le risque dans la modlisation de la relation entre la performance bancaire et le capital. En effet, il semble exister une relation simultane entre la performance, le risque et le capital bancaire. La prise en compte dune telle relation simultane dans cette tude sest rvle toutefois, difficile, et ce, en raison de lindisponibilit des donnes.

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