Elles ont vu Jésus, les femmes de l'Évangile · 2018-04-13 · Comme les apôtres, ... pas de raconter des histoires (des paraboles) pour dévoiler les secrets de ... Certains sont

De la Galilée jusqu’au tombeau, nombre de femmes ont croisé Jésus et l’ont accompagné sur sa route. Dans l’Évangile, elles sont même les premières à recevoir l’annonce de la Résurrection. Quels que soient leur statut ou leur importance, Jésus les a trouvées dignes d’entendre et de transmettre son message. Comme les apôtres, ces chrétiennes ont fait preuve d’attention afin de retenir certains de ses gestes et de ses propos.

Cet ouvrage original donne la parole à dix héroïnes issues des évangiles. Ces femmes, ainsi qu’une galerie de personnages secondaires, dévoilent une autre facette de la vie de Jésus.

« Je souhaite que derrière les paroles des personnages qui rapportent ce qu’ils ont vu, on puisse percevoir quelqu’un de fiable qui ne craignait pas de raconter des histoires (des paraboles) pour dévoiler les secrets de Dieu : Jésus Christ qui ne fait qu’un avec Dieu. »

– Joëlle Chabert-Choisnard

Joëlle Chabert-Choisnard, journaliste, a été rédactrice en chef de trois magazines consacrés aux personnes âgées et dirige actuellement l’agence Atouts presse senior. Chez Novalis, elle a écrit La foi des chrétiens expliquée à tous (2007), et chez Bayard Canada, Une Parisienne à Saint-Zénon (2010).

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Extrait de la publication

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Chabert, Joëlle, 1946-

Elles ont vu Jésus : les femmes de l’Évangile

ISBN 978-2-89646-463-0

1. Femmes dans la Bible. 2. Jésus-Christ – Relations avec les femmes. 3. Bible. N.T. Évangiles – Critique, interprétation, etc. I. Titre.

BS2445.C42 2012 226’.0922082 C2012-940108-0

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2012Bibliothèque et Archives Canada, 2012

Révision : Josée LatulippeMise en pages : Danielle DugalCouverture : Quatre-QuartsPhoto de la couverture : © iStockphoto

© Les Éditions Novalis inc. 2012

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour des activités de développement de notre entreprise.

Cet ouvrage a été publié avec le soutien de la SODEC. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Imprimé au Canada

978-2-89646-845-4

4475, rue Frontenac, Montréal (Québec) H2H 2S2C.P. 990, succursale DelorimierMontréal (Québec) H2H 2T1Téléphone : 514 278-3025 ou 1 [email protected] • novalis.ca

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Avant-propos




es femmes sont très présentes dans l’Évangile. Et c’est aux femmes qu’est d’abord annoncée la résurrection

de Jésus Christ.Il y a les célébrités : Marie, la mère de Jésus et Marie de

Magdala.Il y a les proches, celles de la famille comme Élisabeth,

les amies comme Marthe et sa sœur Marie.Il y a les ignorées, qui ont suivi Jésus depuis ses débuts

en Galilée jusqu’au tombeau, telles Salomé, Jeanne, Suzanne ou deux autres Marie.

Il y a celles qui se sont trouvées un jour ou l’autre sur la route de Jésus : une Samaritaine, une mariée, une veuve… Et il y a toutes les anonymes qui l’ont vu, qui ont été témoins de ses actes et se sont posé des questions, sans doute.

Quels que soient leur statut et leur peu d’importance dans la société de l’époque, Jésus a rencontré de nombreuses femmes. Il les a bien traitées. Il les a reconnues assez dignes pour entendre son message, assez responsables pour le transmettre.

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8 | Elles ont vu Jésus – Les femmes de l’Évangile

Comment cela est-il arrivé jusqu’à nous ?Les quatre évangiles, écrits dans la seconde moitié du pre-

mier siècle, entre trente-cinq et soixante-dix ans après les faits, tracent quatre portraits de Jésus, vu sous des angles différents. À leur origine, il y a ce qu’en ont d’abord raconté les juifs qui ont vécu avec Jésus.

Les juifs ? Et pourquoi pas des juives aussi ?On dit les femmes bavardes. Et bien, pourquoi ne pas

profiter de cette fable pour les faire parler ?Leur mémoire était leur richesse. Et tout comme les

apôtres, tout comme les premiers chrétiens, ces premières chrétiennes ont dû user d’attention et d’effort pour retenir avec précision certaines phrases de Jésus.

Plus tard, lorsque les évangélistes ont consigné tout cela par écrit, selon leur façon de comprendre et de s’exprimer, selon les publics auxquels ils s’adressaient, ils ont peut être ajouté une note personnelle, comme on adapte un récit pour mieux en faire déguster la moelle.

C’est ce que j’ai voulu faire avec celles qui ont été témoins de certains des gestes de Jésus et qui ont, à coup sûr, colporté ce qu’elles croyaient, leur confiance ou leur défiance.

Bien sûr, il faut toujours être attentif. Les récits des évangiles ne sont pas des reportages. Jésus a-t-il réelle-ment ressuscité le fils d’une veuve du village de Naïm ou s’agit-il avant tout d’un rappel de diverses traditions pour



Avant-propos | 9

mieux éclairer une leçon de catéchisme et dévoiler qui est le Christ ?

Les rédacteurs des évangiles sont des hommes de culture méditerranéenne du premier siècle. Auraient-ils mis en valeur des femmes si celles-ci n’avaient pas participé aux événements qu’ils rapportaient ?

Les dix héroïnes de ce livre sortent tout droit des évan-giles, la référence est précisée au début de chaque histoire. Les personnages secondaires sortent de mon imagination.

On peut hausser les épaules, lire ces récits comme des contes, en reparler avec des spécialistes, les garder dans les replis de son cerveau ou de son cœur, les raconter à son tour.

Je souhaite seulement que, derrière les paroles des per-sonnages qui rapportent ce qu’ils ont vu, on puisse percevoir quelqu’un de fiable qui ne craignait pas de raconter des his-toires (on les appelle des paraboles) pour dévoiler les secrets de Dieu : Jésus Christ qui ne fait qu’un avec Dieu.

Joëlle Chabert-Choisnard



Élisabeth, une femme stérile

(d’après l’Évangile selon Luc, chapitre 1, versets 5 à 79)




e suis sage-femme à Aïn Karim, dans le haut pays, une région montagneuse située à une grande heure

de marche de Jérusalem. Le village est blotti entre des col-lines couvertes de vergers protégés par des eucalyptus et des cyprès qui frissonnent sous le vent. Quand on rentre chez nous après une journée dans la ville grouillante et bruyante, on sent l’apaisement entrer par tous nos pores et le calme pénétrer notre corps à chaque respiration.

J’aime mon village. J’aime mon métier. Pas facile mais utile et émouvant ! J’en ai vu naître des bébés, des filles, des garçons, des enfants craquants, d’autres en souffrance et abî-més dès l’aube de leur vie. J’en ai vu mourir aussi. J’ai perdu des femmes en couches, parfois déjà mères, qui laissaient une tripotée d’orphelins à la charge d’un papa désespéré et d’une sœur aînée dont l’enfance était gâchée. C’est ma mère qui m’a appris le métier. Toute jeune, déjà, je l’accompagnais assister les femmes qui accouchaient en journée. Au début, je faisais bouillir l’eau, je préparais les onguents et le sel dont

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on frotte le bébé pour fortifier sa peau, je le langeais. Puis, petit à petit, maman m’a appris les gestes qui aident la mère, le plus délicat en dernier, quand il faut tourner l’enfant pour sortir une épaule. Nous avons pratiqué des accouchements à quatre mains… Jusqu’au jour où j’ai été capable de mettre au monde des bébés seule. Depuis, je suis toujours aussi pas-sionnée. Des gens de tous les alentours viennent me cher-cher, de jour comme de nuit. Je pars à pied, à dos d’âne, en charrette tirée par un bœuf… Une fois, j’ai même été trimballée par un chameau ; je me souviens encore de la peur que cette bête m’a inspirée quand elle s’est relevée de toute sa hauteur. Souvent, je croise les petits que j’ai mis au monde. Certains sont devenus adultes et ils ont des enfants à leur tour. Je crois que je me souviens de chacun d’eux. Les gestes sont les mêmes mais les êtres sont si différents !

Justement, ici même, au village, une maman m’a beau-coup intriguée. Une femme bien, nommée Élisabeth. On raconte même qu’elle descend d’Aaron, le frère de Moïse ; c’est dire ! Et son mari, un nommé Zacharie, est prêtre au temple de Jérusalem. Un couple de bons juifs pieux, qui observent la Loi. Rien à dire. J’allais ajouter : un couple sans histoire mais… ce n’est vraiment pas le cas.

Une vraie malédiction s’est abattue sur eux : déjà pas mal avancés en âge, ils n’avaient pas d’enfant. Ils avaient beau prier, supplier, rien. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que


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la stérilité est très mal vue, ici. Pas de descendance dans une famille, c’est le signe que Dieu refuse qu’elle se perpétue, voire que notre peuple se perpétue. La honte, le déshonneur. À se demander ce qu’ils avaient bien pu faire au Bon Dieu pour subir un pareil châtiment alors qu’Ils méritaient d’être bénis.

Et puis, un jour, il y a de cela un an, peut être un peu plus, voilà qu’Élisabeth m’appelle auprès d’elle. Je me suis demandé ce qu’elle me voulait. J’ai eu peur d’un coup fourré ; ces gens-là sont toujours à distribuer nourriture ou argent aux pauvres. J’ai pensé qu’elle voulait me taper, pui-ser dans mes petites économies. J’ai failli refuser. J’ai bien fait de ne pas suivre mon premier réflexe. Élisabeth souffrait de nausées et de maux de ventre. Elle m’a annoncé qu’elle était enceinte. À son âge, elle craignait des complications et souhaitait que je la visite régulièrement pour surveiller sa grossesse. J’ai senti son angoisse et tout de suite compris sa hantise : un bébé chez une femme vieillissante, c’est un coup à faire une fausse couche. Cet enfant, Zacharie et elle l’avaient tant espéré, tant attendu qu’il n’aurait plus manqué qu’elle le perde. J’ai donc accepté. Et je me suis retrouvée dans une aventure comme jamais je n’en avais connue, une sacrée aventure.

D’abord, j’ai fait la connaissance du mari, toute une his-toire à lui seul !




Déjà, qu’il n’ait pas divorcé était étonnant. La stérilité de sa femme aurait été un motif suffisant. Mais ce qui lui était arrivé au Temple est plus surprenant encore. Il a fallu attendre plusieurs mois pour qu’il en parle. Voici sa version.

Deux semaines par an, avec les autres prêtres de sa classe, il ouvre les portes, nettoie et offre les sacrifices d’animaux demandés par les fidèles, des agneaux, des chèvres, un veau, des poules, des pigeons, des tourterelles…

Cette fois-là, il a été tiré au sort pour accomplir une tâche prestigieuse. Si prestigieuse qu’un prêtre ne peut l’effectuer qu’une seule fois dans sa vie : entrer dans le Sanctuaire du Seigneur pour y offrir l’encens. Le Sanctuaire, c’est le cœur du Temple, une fois franchis les quatre parvis. Moi, je suis cantonnée au parvis des femmes. Sur la terrasse, je le vois le Sanctuaire mais je ne l’ai jamais approché. Ses portes plaquées d’or et d’argent ouvrent sur un vestibule qui donne sur « le Saint ». C’est là que se trouve l’autel où brûlent en permanence des par-fums. Sur la droite le chandelier à sept branches ; à gauche la table des « pains de proposition », les douze pains qui symbolisent les douze tribus d’Israël face à Dieu. Devant, le voile du Temple, le grand rideau qui ferme la dernière pièce, « le Saint des Saints ». C’est là que jadis, avant la déportation à Babylone, était déposée l’arche d’alliance, le coffre contenant les Tables de la Loi données à Moïse,




les dix commandements de l’Alliance, signe du lien entre le Seigneur Dieu et son peuple. Mais seul le grand-prêtre pénètre là et seulement le jour du Grand Pardon.

Zacharie accomplissait donc son service exceptionnel à l’autel des parfums. Vêtu de blanc, nu-pieds, il s’est avancé vers l’autel, d’abord accompagné de deux assistants, l’un portant des charbons ardents sur une pelle d’or, l’autre un vase d’encens. Puis, seul, il a versé l’encens sur les charbons. De la fumée s’est élevée. Et voilà qu’à droite de l’autel de l’encens, un messager du Seigneur Dieu s’est montré à lui. À sa vue, Zacharie a été impressionné, envahi par la peur. Il y a de quoi ! À sa place, j’aurais été terrorisée ! Le messager lui a parlé : « N’aie pas peur, Zacharie. Ta prière a été entendue ; ta femme Élisabeth te donnera un fils. Tu le nommeras Jean1. Cela va te provoquer une immense joie. Et nombreux seront ceux qui se réjouiront de sa naissance. Il sera grand devant le Seigneur, ne boira ni vin ni alcool. Dès le ventre de sa mère, il sera inspiré par Dieu. Avec lui, nombre d’enfants d’Israël se tourneront à nouveau vers le Seigneur Dieu. »

Suivaient d’autres nouvelles du même acabit que je ne saurais plus rapporter mot pour mot. Pendant cette an-nonce, Zacharie avait eu le temps de reprendre un peu pied. Il a demandé au messager comment il connaîtrait tout ça.

1. Jean signifie : Dieu fait grâce.



C’est un vieillard et sa femme est âgée. Devant un truc aussi incroyable, il s’est méfié, c’est normal. Moi aussi, j’aurais eu des doutes. Les promesses ne sont pas toujours suivies d’effets ! Il a demandé un signe. Le messager a répondu : « Je suis Gabriel. Je me tiens face à Dieu. J’ai été envoyé pour te parler et t’annoncer cette bonne nouvelle. Mais tu vas être condamné au silence et tu seras incapable de parler jusqu’au moment où ces choses arriveront. Car tu n’as pas cru ce que j’ai dit. Mes paroles se réaliseront en leur temps. »

Et c’est ce qui est arrivé : sourd et muet, Zacharie ! À sa sortie, il était incapable de parler à la foule qui priait pen-dant l’offrande. Les gens l’attendaient depuis un bon bout de temps et s’étonnaient qu’il s’attarde tant. Il leur a fait des signes mais pas un mot n’est sorti de sa bouche. Alors ils ont compris qu’il avait eu une vision dans le Sanctuaire.

Lorsque son service s’est achevé, Zacharie est rentré au village, toujours incapable d’entendre, de prononcer le moindre mot et de s’expliquer.

Quelque temps plus tard, Élisabeth était enceinte. Elle s’est cachée cinq mois durant. Elle se disait : « Voici ce que le Seigneur a fait pour moi, il a effacé ma disgrâce devant les gens. »

Il y avait un mois qu’elle avait fait appel à moi quand a débarqué une de ses parentes, toute jeune, elle, et enceinte aussi. Une histoire encore plus abracadabrante ! Elle se




nommait Marie, venait de Nazareth, en Galilée, et était fiancée à un certain Joseph, charpentier de son métier mais descendant du roi David2. À elle aussi, Dieu avait envoyé un messager, le même. Et à elle aussi, il avait annoncé la naissance d’un fils, don de Dieu. Elle devait l’appeler Jésus3. Et Marie nous l’a affirmé, à Elisabeth et à moi, le messager avait ajouté : « Il sera grand et on l’appellera fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il régnera sur la maison de Jacob4 pour les siècles. Il n’y aura pas de fin à son règne. » Puis il avait pré-cisé : « Élisabeth ta parente est enceinte d’un fils, elle aussi, dans ses vieux jours. Elle en est à son sixième mois, elle qu’on avait dite stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Et voilà pourquoi Marie, stupéfaite, n’en pouvant plus de joie, avait quitté Nazareth et rejoint en hâte nos montagnes pour visiter Élisabeth.

2. David était un berger de Bethléem, Vers l’an 1000 av. J.-C., il devient roi d’Israël, réunit toutes les tribus en un seul peuple, choisit Jérusalem comme capitale et devient le modèle du roi serviteur de Dieu. Selon les évangiles, le Christ est le nouveau David, le vrai roi du peuple de Dieu.

3. Ce nom signifie « Dieu sauve ».

4. Jacob est le frère jumeau d’Ésaü. Il l’a supplanté en lui volant son droit d’aînesse contre un plat de lentilles ce qui lui a permis d’obtenir de son vieux père Isaac, devenu aveugle, la bénédiction donnée au nom de Dieu, réservée à l’aîné. Or, comme Dieu fait ce qu’il dit, quand il bénit quelqu’un, il fait son bonheur. Et Jacob a eu douze fils, les ancêtres des douze tribus d’Israël. La maison de Jacob, c’est sa famille et tous ses descendants : le peuple de Dieu.




Cette famille pas banale n’était pas au bout de ses sur-prises. Et moi non plus.

Quand Marie est arrivée, j’étais là. Elle est entrée dans la maison et a salué Élisabeth. Or, dès qu’Élisabeth a en-tendu la salutation de Marie, avant même qu’elle ait ouvert la bouche pour l’accueillir, je l’ai vue poser les deux mains sur son ventre. L’enfant a bondi en elle. Et, elle l’a affirmé, Dieu était là, invisible, impalpable. Un souffle vivifiant l’a envahie, comme une atmosphère rafraîchissante envahit nos poumons et redonne vitalité. Son âme tremblait. Elle a poussé un cri et dit à Marie : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni ! Qui suis-je pour que la mère du Messie, la mère de mon Seigneur vienne chez moi ? Car, vois-tu, aussitôt que ta salutation a retenti à mes oreilles, l’enfant a bondi de joie en moi. Oui, tu es heureuse, tu as cru que le Seigneur accomplira ce qu’il t’a annoncé ! »

C’est sûr qu’entre Marie, toute confiante et Zacharie qui n’en croyait pas ses oreilles, il y avait un monde !

Un homme sourd et muet, ça permet aux femmes de parler à leur guise. Les voilà parties, les deux mamans, à extérioriser leur joie. C’est Marie qui a commencé : « Tout mon être est soulevé d’enthousiasme par le Seigneur, mon cœur est plein de joie à cause de Dieu mon Sauveur parce qu’il a jeté les yeux sur moi, sa servante. Désormais toutes




les générations, dans tous les temps, me diront bienheu-reuse car le Tout-Puissant a fait pour moi des merveilles5… » Tous les hauts-faits de Dieu dans notre histoire y sont pas-sés. Zacharie hors course, on aurait dit que c’étaient elles, les prêtres ! Heureuses de porter chacune un enfant signe de Dieu, indépendantes des autorités jusqu’à reconnaître que l’enfant de Marie est le Messie, elles chantaient leur confiance, leur foi. Et c’était communicatif. J’ai vu la vie en rose et j’ai remercié le Seigneur Dieu, moi aussi.

Marie est restée trois mois avant de retourner chez elle.Quant à Élisabeth, le temps venu, elle a mis au monde

son fils. Tout s’est bien passé. Zacharie est arrivé aussi-tôt après et a pris l’enfant sur ses genoux. Les voisins, les proches, tout le monde était content.

Huit jours plus tard, la parenté et les gens du village, dont moi, étions invités à la circoncision du bébé. L’homme qui opérait a prononcé les paroles rituelles : « Béni soit le Seigneur notre Dieu qui nous a sanctifiés de ses préceptes et nous a donné la circoncision. » Zacharie a continué : « Qui nous a sanctifiés de ses préceptes et nous a donnés d’intro-duire notre enfant dans l’alliance d’Abraham notre père. »

5. C’est un psaume, comme on en trouve dans l’Ancien Testament, qui exprime la grati-tude du peuple pour Dieu qui a accompli les promesses de l’Alliance. Des spécialistes pensent qu’il a été créé au Ier siècle par les chrétiens de Palestine et que l’auteur de cet évangile l’a mis dans la bouche de Marie.




Il était temps de lui donner un nom à ce bébé. D’ordinaire, on choisit un nom déjà porté dans la famille. On aurait dû l’appeler Zacharie, comme son père. Mais Élisabeth a refusé. Elle est intervenue : « Il s’appelle Jean ! » La parenté a fait remarquer que personne ne portait un tel nom dans la famille et elle s’est tournée vers Zacharie pour lui demander, par signes, son avis. Zacharie a saisi une de ces tablettes de bois recouverte de cire que l’on grave faci-lement. Il a écrit : Jean est son nom. À l’instant même, sa bouche s’est ouverte, comme son cœur. Il est redevenu le croyant tout simple, l’homme qui a confiance en Dieu. Et à son tour, il a chanté : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël qui a visité et délivré son peuple… » Il a même prophétisé en s’adressant à son fils : « Toi aussi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer les voies… »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les invités étaient étonnés et même un peu effrayés. Le bouche à oreille a fonc-tionné et on a raconté ces choses dans la montagne de Judée toute entière.

Jean a grandi. Il marche maintenant. Et, comme tous ceux qui ont entendu parler de cette histoire, je me demande ce qu’il va devenir, cet enfant. C’est une histoire à suivre !



Table des matières

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Élisabeth, une femme stérile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Au village de Cana, une mariée et son invitée : Marie . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Une Samaritaine près d’un puits . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Une veuve dans le village de Naïn . . . . . . . . . . . . . . . 51

Deux sœurs : Marthe et Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Une servante du grand-prêtre de Jérusalem . . . . . . . . 75

La fille d’un chef de synagogue . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

Une païenne entêtée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107




De la Galilée jusqu’au tombeau, nombre de femmes ont croisé Jésus et l’ont accompagné sur sa route. Dans l’Évangile, elles sont même les premières à recevoir l’annonce de la Résurrection. Quels que soient leur statut ou leur importance, Jésus les a trouvées dignes d’entendre et de transmettre son message. Comme les apôtres, ces chrétiennes ont fait preuve d’attention afin de retenir certains de ses gestes et de ses propos.

Cet ouvrage original donne la parole à dix héroïnes issues des évangiles. Ces femmes, ainsi qu’une galerie de personnages secondaires, dévoilent une autre facette de la vie de Jésus.

« Je souhaite que derrière les paroles des personnages qui rapportent ce qu’ils ont vu, on puisse percevoir quelqu’un de fiable qui ne craignait pas de raconter des histoires (des paraboles) pour dévoiler les secrets de Dieu : Jésus Christ qui ne fait qu’un avec Dieu. »

– Joëlle Chabert-Choisnard

Joëlle Chabert-Choisnard, journaliste, a été rédactrice en chef de trois magazines consacrés aux personnes âgées et dirige actuellement l’agence Atouts presse senior. Chez Novalis, elle a écrit La foi des chrétiens expliquée à tous (2007), et chez Bayard Canada, Une Parisienne à Saint-Zénon (2010).

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